lundi 8 janvier 2018

Islamisme et politique 04.01.2018

Maryam Namazie : « Il y a un tsunami d'athéisme dans le "monde musulman" » (04.01.2018)
« C'est grâce au Coran que je suis devenu athée » (03.01.2018)
La délicate situation des femmes djihadistes faites prisonnières en Syrie (04.01.2018)
Complices ou victimes, le désarroi des parents de djihadistes

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Maryam Namazie : « Il y a un tsunami d'athéisme dans le "monde musulman" » (04.01.2018)
ENTRETIEN. Cette Iranienne militante de la laïcité défend des apostats menacés de mort dans 13 pays et appelle son camp – la gauche – à ne pas les trahir.
PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS MAHLER
Publié le 04/01/2018 à 09:06 | Le Point.fr
Maryam Namazie a fondé en 2007 en Grande-Bretagne le Conseil des ex-musulmans, pour porter l’attention sur la situation des apostats.
Née à Téhéran en 1966, Maryam Namazie a quitté l'Iran après l'avènement de la République islamique en 1979. Cette femme de gauche, militante des droits de l'homme et des réfugiés, est devenue une passionaria de la laïcité et une farouche opposante au relativisme culturel. En 2007, elle fonde en Grande-Bretagne le Conseil des ex-musulmans, pour porter l'attention sur la situation des apostats, menacés de mort dans les États où s'applique la charia, et encore trop souvent obligés à la discrétion dans nos pays occidentaux. En juillet dernier, à Londres, Maryam Namazie a organisé une conférence sur la « liberté de conscience et d'expression », le plus grand rassemblement d'ex-musulmans de l'histoire. Entretien avec une combattante qui, depuis de longues années, déplore que son camp politique – les progressistes – fasse alliance avec des théocrates rétrogrades, bafouant ainsi la liberté d'expression au nom de « l'islamophobie », tout en trahissant les victimes de l'islamisme qui ne rêvent, eux, que d'universalisation de la laïcité.
Le Point : Vous avez grandi à Téhéran. Comment êtes-vous devenue athée ?
Maryam Namazie : Je suis devenue athée peu à peu. On peut arriver à l'athéisme par plusieurs chemins. Pour moi, cela a été la conséquence naturelle du fait de vivre dans une théocratie. Si Dieu me déteste à ce point, pourquoi croirais-je en lui ? La révolution iranienne était de gauche et il y avait beaucoup d'athées dans ce pays. Mais dans les années 1980 – la décennie sanglante –, beaucoup d'entre eux ont été exécutés après des procès sommaires. On leur demandait « croyez-vous en Dieu », et quand ils répondaient « non », on les sortait et on les abattait. Parfois, des centaines par jour. À titre personnel, je ne me suis jamais sentie ostracisée ou exclue du fait de mon athéisme. À vrai dire, c'est quand j'ai fondé le Conseil des ex-musulmans de Grande-Bretagne en 2007 que j'ai pour la première fois rencontré des personnes qui étaient effrayées de se dire athées, et beaucoup d'entre elles étaient nées sur le sol britannique. En Iran, il y a une réaction anti-islamique, et la critique ou les moqueries contre la religion sont plus normalisées qu'ici, en Grande-Bretagne. C'est évidemment ironique, sachant que l'apostasie, le blasphème et l'hérésie sont tous des délits passibles de la mort sous le régime islamique iranien.
Cela veut-il dire que même dans un pays comme la Grande-Bretagne, il est toujours difficile de quitter une religion comme l'islam ?
Cela n'est pas difficile pour tout le monde. Certains ont le soutien de leur famille, comme cela a été mon cas. Mais pour d'autres, cela reste toujours compliqué d'être considéré comme un apostat. On voit notamment beaucoup de jeunes qui doivent faire face à la violence, l'ostracisme et des menaces, tout cela parce qu'ils ne veulent plus être musulmans. Nous avons ainsi des membres qui portent toujours le voile et vont à la mosquée, des ex-musulmans qui vivent dans « le placard ». D'autres souffrent de dépression et de tentations suicidaires. Et puis, bien sûr, beaucoup choisissent de vivre librement en dépit des menaces et risques que cela implique.
Quelle est la situation actuelle des apostats dans les pays de culture musulmane ?
Les apostats sont en grand danger dans les pays sous la loi islamique. Dans treize États, ils sont menacés de mort. Dans bien d'autres, ils peuvent être tués par des mouvements de foule ou par les familles au nom de « l'honneur ». Et même dans les pays où légalement ils ne risquent pas la peine de mort comme en Égypte, ils peuvent toujours perdre leurs droits civiques et risquent d'être assassinés par les islamistes. Alors qu'ici, en Occident, les critiques de l'islam sont traités d'« islamophobes », ce qui est de fait une interdiction du droit au blasphème, les lois dans les pays islamiques servent à condamner beaucoup de personnes – même les croyants – pour blasphème et apostasie, que ce soient des minorités religieuses, des dissidents ou des libres-penseurs.
« Les pro-islamistes de gauche comme l'extrême droite déshumanisent les musulmans en en faisant une masse homogène »

Vous êtes une femme de gauche très critique envers l'islam. Qu'est-ce qui vous distingue de ceux qui, comme Éric Zemmour ou Douglas Murray, critiquent cette religion de l'autre côté de l'échiquier politique ?
Alors qu'ils se détestent entre eux, il y a pourtant beaucoup de choses qui relient les pro-islamistes de gauche et l'extrême droite. Les deux déshumanisent les musulmans en en faisant une masse homogène et en les plaçant dans une case. Les pro-islamistes le font en voyant dans les musulmans une communauté à défendre. Mais ils oublient ainsi qu'ils ne défendent pas des valeurs de gauche et progressistes, mais ce que les islamistes définissent comme une culture et religion « authentique ». L'extrême droite, elle aussi, ne voit qu'une masse homogène envahissant l'Occident. Ils oublient que beaucoup de ceux qui viennent ici – comme moi – veulent justement fuir le mouvement islamique, que nous sommes contre le totalitarisme et que comme n'importe qui nous voulons la liberté et des droits qui ne sont pas occidentaux, mais universels.
Après la publication des caricatures de Mahomet, vous aviez, en compagnie de Salman Rushdie ou Ayaan Hirsi Ali, signé le « Manifeste des douze contre le nouveau totalitarisme », publié par Charlie Hebdo en 2006. Comment jugez-vous des écrivains comme Joyce Carol Oates ou Russel Banks, qui, en 2015, alors que ce journal a été décimé par des djihadistes, se sont opposés à ce qu'on lui remette un PEN Award ?
Quelle trahison ! Quand un écrivain considère les islamistes comme des représentants du « disempowerment » (baisse du pouvoir masculin, NDLR) et voit en Charlie Hebdo de « l'arrogance culturelle », c'est que notre monde est mis sens dessus dessous. Ils considèrent Charlie à travers le regard de nos oppresseurs. Alors que pour moi, ce journal représente ceux, nombreux, qui osent s'exprimer contre la religion et les conservateurs religieux, et se retrouvent en retour accusés de blasphème et d'apostasie, ou doivent fuir pour sauver leurs vies. Dire qu'on « soutient la liberté d'expression, mais pas quand cela offense des personnes » comme l'ont fait les signataires de cette pétition contre Charlie, ce n'est pas défendre cette liberté d'expression ; c'est au contraire une défense de la censure.
« Les réseaux sociaux sont en train de faire à l'islam ce que l'imprimerie a fait au christianisme » 
Êtes-vous optimiste pour les athées dans le monde islamique ?
Ce n'est pas le « monde islamique », tout comme l'Occident n'est pas le « monde chrétien ». Il y a tellement de croyances et d'opinions au Moyen-Orient, en Afrique du Nord ou dans l'Asie du Sud... Il y a beaucoup d'athées et de laïcs, y compris chez des croyants. Le fait de le qualifier de « monde islamique » fait partie de cette offensive pour en faire justement des contrées uniformément islamiques. Mais en réponse à cela, il y a un tsunami d'athéisme, et on le voit clairement à travers les réseaux sociaux et Internet qui sont en train de faire à l'islam ce que l'imprimerie a fait au christianisme.
Comment analysez-vous la contestation dans votre pays natal, l'Iran, contre un régime dirigé par le « réformiste » Rohani ?
Ces manifestations sont différentes des précédents mouvements de révolte. Les gens ne veulent plus faire marche arrière, ils n'ont plus aucune illusion sur la faction « réformiste » de ce régime, et ils veulent en finir avec les lois théocratiques. Les slogans sont contre la pauvreté, la corruption, mais aussi contre la répression. Ciblant notamment le cléricalisme, ces protestations ont eu lieu dans 60 villes à travers l'Iran, y compris la « ville sainte » de Qom. Et l'une des caractéristiques de ce mouvement est qu'il est féministe, comme l'a symbolisé la photo de cette femme brandissant son voile au bout d'un bâton. C'est pour cela que cette contestation doit être soutenue par les féministes et laïcs du monde entier.
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« C'est grâce au Coran que je suis devenu athée » (03.01.2018)
Auteur du « Petit Terroriste », dans lequel il raconte son enfance salafiste, Omar Youssef Souleimane défend la liberté de critiquer la religion. Entretien.
PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS MAHLER ET CLÉMENT PÉTREAULT
Modifié le 04/01/2018 à 09:29 - Publié le 03/01/2018 à 11:07 | Le Point.fr

Répudié par ses parents, Omar Youssef Souleymane dit qu'il est désormais "un bâtard" : "Je considère cela comme un impôt pour la liberté. Il faut toujours payer quelque chose pour gagner sa liberté.", ajoute-t-il.

Comme dans le célèbre poème de Paul Éluard qu'il vénère, Omar Youssef Souleimane a par le pouvoir d'un mot, « liberté », recommencé sa vie. Traqué par les services de renseignements syriens après avoir participé au Printemps arabe, ce jeune poète a fui Homs en 2012. Exilé, le trentenaire réside désormais en région parisienne. Alors qu'à son arrivée à l'aéroport Charles-de-Gaulle le réfugié ne savait que quelques mots en français – dont bien sûr le « liberté » d'Éluard –, il publie dans sa langue d'adoption Le Petit Terroriste (Flammarion). Un livre aussi bouleversant qu'hilarant, oscillant...

Le Danemark souhaite le départ des réfugiés syriens
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  1. Actualité

  1. International
http://premium.lefigaro.fr/bundles/figarofront/img/le_figaro_fr_100.png
Par Slim Allagui
Mis à jour le 04/01/2018 à 18h13 | Publié le 04/01/2018 à 17h52
Pour le premier ministre et une majorité de députés, les 21.000 Syriens arrivés dans le pays depuis 2011 « n'ont pas vocation à rester ».
Copenhague
Les quelque 21.000 réfugiés syriens arrivés au Danemark depuis l'éclatement de la guerre civile en 2011 ont peu d'espoir d'une nouvelle vie dans le royaume scandinave. En effet, selon le premier ministre danois, Lars Loekke Rasmussen, «les nombreux réfugiés de guerre syriens qui ont cherché refuge chez nous doivent retourner chez eux dès que les conditions le permettront». Dans ses vœux du Nouvel An, le dirigeant libéral a adressé un message clair, répondant en cela à l'appel pressant du Parti du peuple danois (PPD, populiste), son allié de poids, incontournable au Parlement, qui exige le rapatriement des réfugiés chez eux le plus tôt possible. En attendant leur retour, il est «important, selon M. Rasmussen, de donner une formation aux réfugiés syriens en affirmant clairement le but qu'ils doivent rentrer chez eux. C'est la meilleure aide que nous puissions leur apporter».
Pour le gouvernement de centre droit et une large majorité au Parlement, y compris l'opposition sociale-démocrate, «les réfugiés en général n'ont pas vocation à rester au Danemark». Ces forces politiques misent sur leur retour et l'assistance aux pays limitrophes des zones de conflit. Copenhague a fourni une aide humanitaire de plus de 2 milliards de couronnes (268 millions d'euros) aux réfugiés syriens en Syrie et dans les pays voisins depuis 2011.
Le dirigeant danois se dit «fier que le Danemark, par rapport à sa population, (soit) un des pays qui aide le plus dans le monde, également en Syrie et dans son voisinage», et qui envoie «ses soldats combattre le terrorisme, pavant ainsi la voie au retour des réfugiés et à la reconstruction de leur pays». Néanmoins, «il ne faut pas attendre pour renvoyer les Syriens chez eux dès maintenant dans certaines parties du pays qui ont retrouvé la paix», déclare au Figaro Peter Skaarup, président du groupe parlementaire du PPD.
«Cela n'a pas de sens»
Il exige du gouvernement «une refonte totale de la politique d'asile pour qu'elle soit de plus en plus axée massivement sur l'aide aux pays limitrophes des réfugiés», se félicitant que «sous la pression du PPD, le nombre de demandeurs d'asile (ait) été le plus bas depuis neuf ans à la suite de quelque 67 mesures dissuasives» : 3458 personnes ont demandé l'asile en 2017 contre 6266 en 2016 et 21.316 en 2015.
Mais renvoyer les réfugiés syriens n'est pas réaliste. «La Syrie n'est pas prête à recevoir réfugiés et déplacés en grand nombre. De grandes villes comme Alep, Homs et Raqqa sont détruites», déclare au Figaro Christian Friis Bach, secrétaire général de Dansk Flygtningehjælp (Aide aux réfugiés). «Sans une solution politique solide et stable à la guerre, cela n'a pas de sens d'obliger les réfugiés à rentrer chez eux, et encore moins de commencer la reconstruction alors que les combats se poursuivent», ajoute-t-il.
Un avis partagé par Helle Malmvig, chercheuse à l'Institut danois pour les études internationales. «Il est difficile, confie-t-elle au Figarode prévoir quand la situation en Syrie sera suffisamment stable pour que les réfugiés syriens au Danemark puissent rentrer chez eux.» «Il y a une désescalade de la violence, ajoute-t-elle, mais la guerre n'est pas terminée et la stabilité est encore incertaine».

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La délicate situation des femmes djihadistes faites prisonnières en Syrie (04.01.2018)
Par Julien Licourt
Mis à jour le 04/01/2018 à 19h48 | Publié le 04/01/2018 à 17h17
Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a estimé jeudi qu'elles seraient jugées au Kurdistan «si les droits de la défense» étaient respectés lors d'un «procès équitable». Les avocats des intéressées réclament au contraire qu'elles soient rapatriées en France pour faire face à la justice.
C'est l'une des préoccupations majeures des autorités depuis l'effondrement de Daech: que faire des djihadistes partis rejoindre le groupe terroriste en Syrie et aujourd'hui emprisonnés? Si le sort des hommes semble scellé, celui des femmes et des enfants demeure incertain. Cette épineuse question a été relancée il a quelques jours par la démarche de deux avocats qui souhaitent faire rapatrier et juger leurs clientes en France. Interrogé jeudi sur ce sujet, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a laissé entendre que les femmes djihadistes pourraient, au contraire, être jugées sur place.
«La question est aujourd'hui de savoir si, dans le Kurdistan syrien, il y a des institutions judiciaires qui sont à même d'avoir un jugement qui soit respectueux des droits de la défense, a-t-il expliqué ce matin sur RMC. S'il y a des institutions judiciaires qui sont aujourd'hui en capacité d'assurer un procès équitable avec des droits de la défense assurés, elles seront jugées là-bas.»
Un tribunal international?
Interrogé par Le Figaro sur cette annonce du gouvernement, le représentant en France des Kurdes en Syrie, Khaled Issa, affirme que «si jamais le procès a lieu sur notre sol, ces droits seront assurés». Certifiant que les autorités kurdes et françaises travaillent ensembles sur la question des prisonniers, il estime qu'il est «trop tôt pour se prononcer à l'heure actuelle, les dossiers étant en cours d'instruction». «Concernant le jugement des 1300 terroristes [de toutes nationalités] capturés, il est nécessaire que les alliés de la coalition anti-Daech trouvent un terrain d'entente. Dans l'idéal, nous souhaiterions la mise en place d'un tribunal international comme à Nuremberg, après la Seconde Guerre mondiale.»
«Flou total»
Un spécialiste de la zone irako-syrienne, qui désire garder l'anonymat, explique que le problème des prisonniers étrangers concerne surtout les femmes et les enfants, car «peu d'hommes ont été arrêtés, beaucoup sont morts dans les combats». «Il y avait un non-dit pendant la période des opérations sur l'élimination ciblée des Français djihadistes. Aujourd'hui, la guerre touche à sa fin, mais nous sommes toujours dans ce flou total au niveau institutionnel à propos de ces gens partis faire le djihad. La France donne l'impression de ne pas vouloir les récupérer, tant à cause du problème de l'engorgement judiciaire que de la mauvaise image que donnerait une possible assistance apportée à des djihadistes.»
«Il est temps qu'il y ait un positionnement politique clair, net et précis» sur la question des femmes en zone irako-syrienne.
Me Marie Dosé, avocate d'une femme emprisonnée au Kurdistan
En novembre 2017, le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, énonçaient officiellement la position du gouvernement: les combattants français devaient être jugés en Irak, État souverain dont l'autorité judiciaire était reconnue par la France. Quant aux femmes et aux enfants, l'exécutif affirmait que les situations seraient évaluées «au cas par cas». En revanche, pas un mot sur la Syrie, dont la partie dirigée par les Kurdes n'a pas le statut étatique. Les Français arrêtés ne peuvent pas y bénéficier de la protection consulaire, Paris n'ayant plus de représentation diplomatique dans ce pays depuis 2012.
L'annonce de Benjamin Griveaux fait bondir Me Marie Dosé, avocate d'une femme djihadiste arrêtée dans une région kurde de Syrie et souhaitant être jugée en France. «Il y a un mois, on devait étudier “au cas par cas”, sans que l'on sache d'ailleurs vraiment sur quel critère, explique-t-elle au Figaro. Et là, tout d'un coup, on décide qu'elles seront jugées au Kurdistan syrien où il n'y a pas d'institution judiciaire digne de ce nom. On nage en pleine improvisation! Il est temps qu'il y ait un positionnement politique clair, net et précis. Soit l'on estime qu'elles ont choisi l'obscurantisme et qu'elles doivent mourir dans l'obscurantisme, soit l'on décide de traiter leur cas au regard du droit. Je comprends qu'elles puissent faire peur, mais la justice antiterroriste française n'est pas particulièrement connue pour son laxisme. À leur retour, elles iront en prison.» L'avocate a écrit il y a deux jours au président de la République pour évoquer le cas de sa cliente, sans obtenir de réponse pour le moment.
«Ils ne sont pas venus faire du tourisme»
Une démarche qui rejoint celle de Me Bruno Villay, avocat d'Émilie König, partie en Syrie en 2012, présentée comme ayant été une recruteuse de Daech, dont l'arrestation au Kurdistan irakien a été confirmée récemment. Il estime que «tout doit être mis en œuvre pour faciliter leur rapatriement, conformément aux engagements internationaux de la France». Il précise que sa cliente se tient «à la disposition de la justice […] dans un esprit de coopération». Me Vinay n'était pas disponible jeudi pour répondre à nos questions.
La mère d'Émilie König explique dans le quotidien Ouest-France , que sa fille demande «pardon» et qu'elle se serait «repentie» pour tout ce qu'elle a fait. Un argument balayé par Benjamin Griveaux et Khaled Issa estiment que les femmes françaises capturées l'ont été en «combattant». «Tous ces prisonniers ne sont pas venus faire du tourisme, ni apporter des fleurs à nos familles, explique le représentant des Kurdes syriens. Ils ne cachaient pas leur engagement, au contraire même, ils le revendiquaient. Ils sont venus pour se battre et ils ont perdu.»
Il y a un mois, Jean-Yves Le Drian évaluait à 500 le nombre de djihadistes français présents sur le théâtre syro-irakien. À la mi-novembre, 244 adultes et une soixantaine d'enfants étaient parvenus à revenir en France.
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Par Jean Chichizola
Publié le 04/01/2018 à 18h01
ENQUÊTE - Ces dernières années, la radicalisation de jeunes Français a frappé tous les milieux. Si certains parents sont eux-mêmes des extrémistes, d'autres sont tombés des nues en découvrant le départ de leur enfant pour les zones de guerre. Souvent pointés du doigt, certains se mobilisent pour alerter sur le phénomène.
La révolte d'une mère contre ceux qui ont embrigadé son fils, condamné à une lourde peine de prison pour terrorisme. Les pleurs d'un père après la mort de son enfant parti pour le djihad. Depuis le début de la guerre en Syrie et le départ de centaines de Français et de Françaises, les «parents de djihadistes» font la une de l'actualité. Pourtant, les pleurs de cette mère et de ce père n'ont pas été versés hier mais il y a bientôt vingt ans. La mère, Aïcha, c'est celle de Zacarias Moussaoui, condamné à la perpétuité aux États-Unis pour son rôle dans les attentas du 11 Septembre. Le père, Saïd, c'est celui d'Hervé Djamel Loiseau, parti combattre en Afghanistan et mort de froid et de faim à Tora Bora en 2001.
Le phénomène des «parents de djihadistes» est donc aussi ancien que celui du djihad dans sa version «islamiste radical», soit plus d'un quart de siècle. Y compris le phénomène de ces géniteurs eux-mêmes radicaux comme chez les Benchellali, où le père en remontrait à ses fils, partis pour l'Afghanistan ou la Tchétchénie. Mais l'opinion était alors convaincue qu'il s'agissait de «monstres» isolés.
Ces dernières années, le djihad syro-irakien et l'État islamique ont fait exploser ces certitudes. D'une dizaine de djihadistes français, on est passé à plusieurs centaines, franchissant même la barre du millier. Le phénomène a touché tous les milieux. Soudain, la France s'est rendu compte qu'un parent ne pouvait plus être totalement certain de ne pas découvrir un jour que son fils ou sa fille avait basculé dans l'extrémisme le plus mortifère de notre temps.
D'une soudaineté effrayante
Il faut aujourd'hui prêter l'oreille et écouter ces pères et ces mères car ils ont quelque chose à dire sur la réalité de l'islam radical en France et en Europe, sur ses moyens d'influence et d'action. Correspondante à Bruxelles du quotidien La Croix, Céline Schoen a ainsi rencontré les parents de cinq jeunes Français et Belges partis pour la zone syro-irakienne  et leur a donné la parole dans un livre (1). Salariés ou inactifs, célibataires, divorcés ou mariés, de culture «arabo-musulmane» ou chrétienne. Au-delà de leurs différences, ils livrent les mêmes clés. Pour les non-musulmans, la conversion à l'islam n'a pas créé de problème. Un des papas n'était-il pas lui-même devenu bouddhiste? Le basculement de l'islam vers l'islamisme fut en revanche d'une soudaineté effrayante. La famille devient parfois un véritable enfer.
«Il est devenu de plus en plus ­intolérant, parce qu'on l'a rendu intolérant»
Véronique Roy, auteur de « Quentin, qu'ont-ils fait de toi ? »
Ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense et auteur d'un Guide du petit djihadiste(éditions Fayard, 2016), Pierre Conesa raconte l'histoire de ce fils radicalisé d'une famille juive que sa mère parvient à emmener au commissariat. Devant sa maman, le fils lâche aux policiers: «Vous la croyez parce qu'elle est juive»…
La radicalisation peut néanmoins aussi s'accompagner du maintien d'un amour réciproque. Tel est le cas de Véronique Roy, qui explique aussi dans un livre (2) que, converti en 2012, son fils avait commencé à dire à ses parents non musulmans avec humour: «Non, je ne vous demanderai pas de me faire du couscous tous les jours.» «Il est ensuite devenu de plus en plus intolérant, parce qu'on l'a rendu intolérant», remarque-t-elle, mais l'amour qui l'unissait à ses parents a survécu au-delà même de son départ pour le djihad.
Sonnés par la radicalisation souvent éclair de leurs enfants, les «parents de djihadistes» ont ensuite vécu le pire: le départ pour une zone de guerre au nom d'une idéologie de mort et de violence. Avec parfois, au bout du chemin, la terrible nouvelle. En janvier 2016, Véronique Roy a reçu un coup de téléphone d'un islamiste lui annonçant la mort de Quentin sans plus de détails et lui donnant connaissance du «testament» de son fils: «On se retrouvera au paradis.»
Confrontés à l'inéluctable, certains parents se réfugient dans le déni
Une des mamans interrogées par Céline Schoen a vu un bref instant son fils dans un reportage télévisé, en «uniforme» de djihadiste. Une autre entendait distinctement des bruits (tirs? bombardements?) derrière la voix de son enfant. Confrontés à l'inéluctable, certains se réfugient dans le déni: face au communiqué du Pentagone décrivant son fils comme le bras droit d'un émir de l'État islamique et annonçant sa mort, sa mère soutenait que son «gros nounours», en surpoids, ne pouvait avoir fait tout cela…
Pour ceux dont les enfants seraient toujours «sur zone», l'incertitude est tout aussi intolérable. «L'actualité, la prise de Raqqa, les a fait replonger dans l'angoisse», remarque Céline Schoen. «Mon enfant est mort et je suis presque soulagée. C'est une autre douleur», note pour sa part Véronique Roy.
Reste la question du rapatriement des Français retrouvés sur les zones de combat. Cette semaine, la mère d'Émilie König, 33 ans, figure de la mouvance djihadiste française arrêtée en Syrie, a adressé une lettre au ministre des Affaires étrangères pour que sa fille puisse rentrer en France, assurant qu'elle s'est «repentie». Née à Lorient d'un père gendarme, Émilie a joué un rôle important de recruteuse sur les réseaux sociaux pour le groupe État islamique. Jeudi, le porte-parole du gouvernement a douché les espoirs de sa maman. Benjamin Griveaux a déclaré que les Françaises parties au Levant rejoindre Daech avaient vocation à être jugées «là-bas», si les institutions à même de leur assurer un procès équitable existaient.
Recherches et angoisses
Dans de telles circonstances, nombre de parents vont mal. Certains, dévorés par leurs recherches et leurs angoisses, ont perdu leur emploi. D'autres ont besoin d'un soutien psychologique et médical parfois coûteux. Beaucoup, sans absoudre leur progéniture et sans nier la nécessité de jugements, se revendiquent comme victimes de l'idéologie islamiste. Une revendication souvent comprise par d'autres victimes, celles des attentats de Daech. La mère d'un djihadiste belge a ainsi sympathisé avec le frère d'une des victimes des attentats de Bruxelles. Le mari de Véronique Roy a tourné une vidéo avec le papa d'un jeune homme tué au Bataclan.
Tous soulignent avoir été peu ou mal écoutés quand ils ont alerté les autorités
Reste que ces souffrances, cette détresse, ces incertitudes sont rendues encore plus insupportables par un sentiment de solitude. Tous soulignent avoir été peu ou mal écoutés quand ils ont alerté les autorités. Certains se sont entendus dire par leur maire qu'ils auraient dû «mieux tenir leur enfant».
Des réflexions rendues encore plus dures par le fait que les parents ont souvent d'autres enfants qui ne rencontrent aucun problème. D'autres ont découvert presque par hasard l'existence, en 2014, d'un dispositif d'information sur la radicalisation, peu ou mal connu, et qui aurait pu les aider au moment crucial. «Ce dispositif, souligne Pierre Conesa, a d'ailleurs été mis en place sous la pression, après la mobilisation de certains parents qui ont alerté les médias.»
L'État et les parents de djihadistes partagent pourtant une même interrogation et préoccupation: comment éviter que ces phénomènes d'embrigadement se reproduisent demain? Voulant se garder de toute naïveté, les autorités s'inquiètent aussi d'éventuelles complicités familiales. Hier comme aujourd'hui, certains parents ont adhéré à la même idéologie que leurs enfants. Ce fut le cas de Christine Rivière, alias «Mamie Djihad», condamnée à dix ans de prison en octobre.
Complicités familiales
Concernant les mineurs, la dernière loi antiterroriste prévoit que les parents incitant leurs enfants à commettre des actes de terrorisme en France ou à l'étranger seront passibles des assises et d'une peine de quinze ans de réclusion criminelle. Le procureur de la République de Paris, François Molins, avait notamment expliqué devant la commission des lois de l'Assemblée nationale que les peines existantes étaient insuffisantes face à la gravité de certains comportements.
Dans d'autres cas, des parents, qui n'ont pas basculé dans l'islam radical, ont été poursuivis ou condamnés pour «financement du terrorisme». Le 8 décembre, les parents de Margaux Dubreuil ont ainsi été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire. Ils sont soupçonnés d'avoir donné de l'argent à leur fille partie pour la Syrie en septembre 2013 et arrêtée par les Kurdes à Raqqa (Syrie) il y a quelques semaines. Ont également été mis en examen Valérie de Boisrolin (auteur d'Embrigadée, sur sa fille Léa, aux Presses de la Cité), Anne et Raymond Duong, accusés d'avoir détourné les fonds d'une association, ce qu'ils contestent, pour aider leurs enfants. Ou encore Nathalie Haddadi, récemment condamnée en première instance (elle a fait appel) à deux ans de prison pour avoir aidé son fils avant que ce dernier rejoigne le territoire de Daech, où il aurait trouvé la mort.
Souvent engagés dans la dénonciation de l'islam radical, ces parents meurtris expriment leur incompréhension devant le fait que la machine d'embrigadement est toujours opérationnelle
En Belgique, une mère est inquiétée après avoir donné de l'argent à une fille voulant partir, en échange d'informations sur son fils. «Pourtant, remarque Véronique Roy, quand on va voir la police, on nous dit de garder le contact avec notre enfant pour le convaincre de rentrer et permettre aux policiers de l'attendre à l'aéroport… Quentin n'a jamais demandé d'argent, pourtant nous savions qu'il avait froid et faim. Qu'aurions-nous fait?…»
Souvent engagés dans la dénonciation de l'islam radical, ces parents meurtris expriment leur incompréhension devant le fait que la machine d'embrigadement est toujours opérationnelle. Et de dénoncer l'existence de librairies radicales, de sites Internet où l'on explique ce qui doit séparer un musulman du mécréant, la présence sur notre sol d'anciens terroristes, du GIA algérien ou d'autres organisations, qui prêchent la haine. Symbole de cette incompréhension, l'histoire de cette mère d'un djihadiste radicalisé dans le sillage de l'«émir blanc», Olivier Corel, connu pour ses liens avec les frères Merah ou Clain. Elle est allée voir Corel pour discuter et lui dire que, pour elle, il était le premier responsable. L'intéressé a appelé les forces de l'ordre et la maman a été éconduite.
(1) Parents de djihadistes, Éditions de l'Aube, 2016.
(2) Quentin, qu'ont-ils fait de toi?, Robert Laffont, 2017.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 05/01/2018.
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Luc Ferry : «La Réforme protestante, l'une des origines des Lumières» (03.01.2018)
Par Luc Ferry
Publié le 03/01/2018 à 19h40
CHRONIQUE - La Réforme luthérienne a permis de dépasser la logique infantile de la punition/récompense.
L'année du cinquième centenaire vient juste de s'achever. Tout commence en effet le 31 octobre 1517, jour où les 95 thèses de Luther sont placardées sur le portail d'une église de Wittenberg. Rédigées en latin, elles sont aussitôt traduites en allemand. Elles rencontrent alors un formidable écho chez des chrétiens d'autant plus inquiets pour leur salut que les pratiques de l'Église romaine guidée par le pape Léon X laissent pour le moins à désirer. Luther y dénonce les «indulgences», ces aumônes que le clergé récolte non seulement pour reconstruire l'église Saint-Pierre de Rome dans le goût fastueux de la Renaissance italienne, mais aussi pour acheter les votes des princes électeurs.
Un antijudaïsme lié à la conviction qu'il n'y a qu'une seule religion vraie
Derrière cette critique, que le peuple peut aisément partager, c'est tout un arsenal philosophique que Luther met en place, un outillage conceptuel extraordinairement puissant qu'il développera plus tard dans ses Grands Écrits réformateurs. On a souvent, à juste titre, hélas, dénoncé la violence de ses propos antisémites, mais il faut éviter ici les anachronismes: pour détestables qu'ils soient, c'est avant tout d'un antijudaïsme lié à la conviction qu'il n'y a qu'une seule religion vraie qu'il s'agit. Cela n'excuse rien, bien sûr, mais n'a cependant que peu à voir avec l'antisémitisme moderne.
La Réforme luthérienne va pour l'essentiel s'organiser autour de quelques thèmes fondamentaux appelés à une postérité beaucoup plus large que ne le laisse supposer le faible nombre de protestants comparé à celui des catholiques. Car, peu à peu, le catholicisme va s'en trouver lui-même profondément bouleversé. Le premier motif, et sans nul doute le plus important, touche la question de la liberté. Selon un jeu de mots qu'il affectionnait, Luther se voulait l'Eleuthérios, en grec, «l'homme libre».
Se libérer des «passions tristes»
Libre de quoi? De l'angoisse liée à l'idée d'un Salut qui dépendrait de nos œuvres, voire de nos «bonnes œuvres», de cet argent avec lequel on croit de manière insensée pouvoir acheter des remises de peine, voire, si on y met le prix, le Salut même. Contre cette pratique délétère, Luther n'a pas de mots assez durs: «Seriez vous bonnes œuvres des pieds jusqu'à la tête que vous ne seriez pas sauvés!» s'écrie-t-il. Ce qu'il veut, c'est accéder à ce que Nietzsche, qui n'était pas fils de pasteur pour rien, appellera plus tard «l'innocence du devenir»: à partir du moment où le Salut ne dépend plus de moi, de mes œuvres, mais de la grâce divine, je suis enfin libéré du poids de la culpabilité, des regrets, des remords, de ce que Spinoza appellera les «passions tristes».
Prétendre pouvoir acheter son Salut, c'est non seulement la corruptio maxima, toute vertu étant alors viciée à la racine, mais c'est en outre se charger d'un fardeau écrasant: en comparaison avec le Christ, ce que nous pouvons faire ne sera jamais au niveau. La liberté nous conduit ainsi vers l'âge adulte, elle nous fait sortir de la logique infantile de la punition/récompense, en quoi la Réforme, comme le comprendront Kant et Tocqueville, est l'une des origines fondamentales des Lumières, de l'exigence d'autonomie qui conduit les peuples vers la démocratie. De là, autre thème essentiel, l'invention de l'herméneutique et de la philologie allemandes: pour échapper à la Vulgate, la traduction latine de la Bible officielle, suspecte d'être plus ou moins biaisée, il faut retourner au texte originel, à la vérité vraie, et, pour ce faire, il faut apprendre le grec, l'hébreu, l'araméen.
Le scandale n'est pas la richesse mais la misère
Trois autres thèmes encore animeront la Réforme: l'égalité homme/femme, ces dernières n'ayant aucune raison légitime de se voir refuser la prêtrise ; le désenchantement du monde - si Dieu est radicalement transcendant, souverain extérieur à la nature, alors cette dernière n'est plus sacrée, elle n'est plus lieu de miracles, mais au contraire ouverte à la science et à la laïcité (d'où, par exemple, l'interprétation seulement symbolique de la virginité de la Vierge) ; enfin, la réhabilitation de l'argent: pour le réformé, le scandale, ce n'est pas la richesse, mais la misère, de sorte que le grand capitaine d'industrie, comme y insistera Max Weber, n'a pas à avoir honte de sa réussite sociale, du moins à condition de ne pas accumuler sa fortune par narcissisme, mais pour en faire profiter la collectivité tout entière.
Le 31 octobre 2016, le Pape se rendait à Lund, au cœur de la Suède luthérienne, pour célébrer l'anniversaire des 95 thèses, signe œcuménique que, sur bien des points, le catholicisme s'est sinon protestantisé, du moins largement rapproché de la Réforme.

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Un cliché montre la distance réelle qui sépare la Terre et la Lune (04.01.2018)
Par Tristan Vey
Publié le 04/01/2018 à 18h02
EN IMAGES - La Nasa a ressorti mercredi une photo en couleurs pris en octobre par la sonde Osiris-Rex, en route vers un astéroïde, alors qu'elle se situait à 5 millions de kilomètres de la Terre.
Il nous semble très proche les soirs de pleine lune, et c'est effectivement le cas à l'échelle du Système solaire (ou de l'univers), mais notre satellite n'est tout de même pas si près à l'échelle de notre planète. Sur le cliché ci-dessus pris le 2 octobre par la sonde Osiris-Rex de la Nasa, en route vers l'astéroïde Bennu, notre bonne vieille Lune est située à 390.000 km environ de la Terre (cette distance varie entre 356.000 et 406.000 km en fonction de sa position sur l'ellipse qu'elle parcourt autour de nous).
La Nasa a ressorti ce cliché en couleurs ce mercredi en prévision des manœuvres d'approches de la sonde Osiris-Rex qui sont programmées en août avec une arrivée en décembre. L'agence spatiale américaine doit alors récupérer des échantillons pour les ramener sur Terre. Une manœuvre extrêmement rare qui n'a été réalisé qu'une seule fois (avec plus ou moins de réussite) par la sonde japonaise Hayabuza.
Au moment où elle a pris ce cliché, la sonde Osiris-Rex n'est pas parfaitement perpendiculaire à l'axe Terre-Lune, ce qui donne l'impression que la Lune est légèrement plus proche. Et un peu plus petite aussi puisqu'elle est légèrement en arrière-plan, comme on peut le constater sur le schéma suivant qui résume la géométrie de la prise de vue ainsi que le champ de vision de la sonde américaine:
http://i.f1g.fr/media/figaro/805x/2018/01/04/XVM03628e3a-f16a-11e7-9096-73ddd6499d95-805x529.jpg
- Crédits photo : NASA/Goddard/University of Arizona
Il ne s'agit pas du premier cliché sur lequel figurent à la fois le Terre et la Lune. Il en existe de nombreux mais la plupart sont pris dans des configurations différentes qui «écrasent» les notions de distance (la Lune est souvent au premier plan). Nous avons sélectionné quelques-uns de ces clichés les plus célèbres dans le diaporama ci-dessous:
1977 - La sonde Voyager 1 prend ce cliché à plus de 11 millions de kilomètres de la Terre. La Lune est au second plan. C'est la première fois qu'un vaisseau spatial réalise une telle image.
1977 - La sonde Voyager 1 prend ce cliché à plus de 11 millions de kilomètres de la Terre. La Lune est au second plan. C'est la première fois qu'un vaisseau spatial réalise une telle image. - Crédits photo : Nasa
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Gérard Chaliand : «En Iran, l'effort de guerre a accentué les difficultés économiques» (04.01.2018)

Par Marie-Laetitia Bonavita
Publié le 04/01/2018 à 17h30
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le géopoliticien, spécialiste des conflits armés*, analyse la situation paradoxale du régime de Téhéran : fortement contesté par une partie de sa population, mais dans le camp des vainqueurs en Irak et en Syrie.
LE FIGARO. - Comment expliquer l'ampleur des manifestations actuelles en Iran?
Gérard CHALIAND. - La colère des Iraniens est la conséquence des difficultés économiques du pays. Le pays est isolé depuis trente-sept ans. À partir de 2002, devant le projet du «remodelage du Grand Moyen-Orient» par Washington, dont le but final était de contribuer à un changement de régime à Téhéran, les relations ont été encore plus tendues. États-Unis et Iran n'avaient pas les mêmes objectifs dans l'Irak de l'après-Saddam Hussein, même si les deux États appuyaient les chiites. On a constaté un léger mieux avec les accords de 2015 sur le nucléaire iranien, puis un durcissement des sanctions avec le président Trump. Les difficultés économiques de Téhéran se sont accentuées sous l'effet de son effort de guerre en Irak et en Syrie depuis 2011. Évidemment, le poids de la corruption joue son rôle dans le mécontentement. Nous verrons si la crise prend une dimension politique marquée.
Ces manifestations pourraient-elles affaiblir le pouvoir en place à Téhéran?
Je ne pense pas que cette crise débouche sur une remise en cause du pouvoir iranien. Le régime des mollahs, profondément nationaliste, reste soutenu par une partie de la population. De surcroît, qu'on le veuille ou non, l'Iran est le vainqueur régional, en Irak et en Syrie, il est arrivé à ses fins: éliminer les djihadistes et conforter la place des chiites.
Quel regard portez-vous sur la stratégie de l'Iran en Syrie?
«Face aux rivalités intersunnites et interdjihadistes, l'Iran a su, grâce à un clergé hiérarchisé, mener une stratégie de long terme avec détermination, à la manière d'un parti marxiste-léniniste»
L'Iran a indirectement bénéficié de l'intervention russe, mais il a su aussi, par le truchement d'une stratégie milicienne, peser sur les rapports de force locaux: forces al-Qods iraniennes, Hezbollah libanais, milices irakiennes, contingents chiites d'Afghanistan et du Pakistan. Face aux rivalités intersunnites et interdjihadistes, l'Iran a su, grâce à un clergé hiérarchisé, mener une stratégie de long terme avec détermination, à la manière d'un parti marxiste-léniniste.
La même détermination n'existait-elle pas aussi du côté djihadiste?
Au sein de l'organisation dit de l'État islamique (EI), sans doute que si. Cette organisation reposait sur un noyau dur de 20.000 membres aguerris et disciplinés (grossis peut-être par 30.000 à 50.000 militants), quelques centaines de candidats à l'opération suicide et un service de propagande de qualité (ce sont, à leur façon, des enfants de Hollywood). Cette organisation s'appuyait sur une barbarie spectaculaire - comme les Mongols jadis qui terrorisaient afin que la rumeur de la terreur les précède -, offrant ainsi à de jeunes mâles, grandis dans la frustration permanente, des occasions de prédations et de viols. Daech savait embrigader les jeunes de 8 à 18 ans ; son succès auprès des adultes était moins probant, compte tenu du nombre de ses interdits. L'EI, de surcroît, a bénéficié d'aides de la Turquie comme de pays du Golfe et a vendu du pétrole. Cette organisation aux techniques révolutionnaires véhiculait une idéologie réactionnaire. Bref, une organisation militaro-politique solide.
Pourquoi alors la défaite de Daech?
Une guérilla s'efforce de contrôler les populations et de les administrer, comme les Vietnamiens par le passé. Mais une guérilla ne peut prétendre tenir un territoire comme si elle était un État, alors qu'elle affronte des États qui, eux, disposent d'aviation, de blindés et de troupes au sol motivées. Les combattants de Daech avaient contre eux la coalition dirigée par les Américains et, en Syrie, les Russes, eux-mêmes aidés au sol par les Kurdes. Ils ne pouvaient qu'être vaincus, compte tenu de la disproportion des forces et des moyens. On a pu lire qu'en Syrie Daech «contrôlait» un territoire égal à la Grande-Bretagne, mais les deux tiers du pays sont désertiques. En Syrie, l'EI contrôlait les rives de l'Euphrate et, à un moment, une petite portion de la frontière syro-turque. Aujourd'hui, Daech a perdu, ce qui réjouit al-Qaida. Cette organisation est retournée aux attentats spectaculaires, tant en Europe que, demain, en Afghanistan, en Libye ou ailleurs.
* Auteur de Pourquoi perd-on la guerre? Un nouvel art occidental, prix Maréchal Foch de l'Académie française (Odile Jacob, 2016).

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Meral Aksener : «Je suis une rivale sérieuse pour Erdogan» (04.01.2018)

Par Delphine Minoui
Publié le 04/01/2018 à 16h39
INTERVIEW - L'ex-ministre de l'Intérieur turque compte bien créer la surprise en se présentant face à l'actuel président en 2019. Et soigne son image de dame de fer moderne.
Envoyée spéciale à Ankara
Issue de la droite ultranationaliste, Meral Aksener a créé fin octobre une nouvelle formation politique en vue du scrutin présidentiel de 2019. Un récent sondage de l'Institut Gezici la donne gagnante au deuxième tour dans le cas d'une élection anticipée. Alors que le président turc est à Paris, rencontre avec cette femme volontaire qui cherche à fédérer l'opposition face aux dérives autoritaires de Recep Tayyip Erdogan.
LE FIGARO. - Vous venez de fonder le Bon Parti (Iyi Parti) pour faire campagne contre Recep Tayyip Erdogan aux élections législatives et présidentielle de 2019. Qu'est-ce qui a motivé ce choix?
Meral AKSENER. - Les Turcs sont fatigués, surtout depuis le référendum sur la réforme constitutionnelle(sur le renforcement des pouvoirs du président, en avril 2017, NDLR) qui a divisé le pays entre deux clans, celui du oui et celui du non. Les jeunes ont perdu espoir en l'avenir. Les femmes n'ont jamais été exposées à autant de violence. L'économie va mal. La Turquie ne produit pas assez. Les investissements ne sont pas suffisants pour créer de nouveaux emplois. La démocratie est en danger. La justice est arbitraire. Les gens ont peur. Ils ne sourient plus. Ça se lit sur les visages quand vous marchez dans la rue. Il est temps de changer le climat politique. Je veux œuvrer à une Turquie puissante et heureuse.
Quel danger présente la nouvelle Constitution, finalement adoptée à 51,34 % des voix, et contre laquelle vous avez ouvertement milité?
«Notre nouveau modèle est malheureusement plus proche de ce qu'on peut voir en Afrique ou en Amérique latine. Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d'un seul homme»
Meral Aksener
Passer du système parlementaire au système présidentiel pourrait, en soi, ne pas poser de problème. Sauf que, contrairement à la France, le nouveau système ne garantit pas l'équilibre des pouvoirs. Notre nouveau modèle est malheureusement plus proche de ce qu'on peut voir en Afrique ou en Amérique latine. Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d'un seul homme.
Ainsi, par exemple, Recep Tayyip Erdogan s'est réveillé un matin en annonçant qu'il réformait le système éducatif. Son propre ministre de l'Éducation a appris la nouvelle alors qu'il était à l'arrêt de taxis! Voilà un net recul de la démocratie.
Pourtant, ce qui me rassure, c'est de voir qu'en dépit d'un scrutin entaché d'irrégularités et d'une campagne qui a sérieusement manqué de transparence, les opposants à la nouvelle Constitution sont parvenus à obtenir près de la moitié des voix. C'est déjà une victoire. J'y vois le résultat de nos efforts pour sensibiliser la population. J'ai personnellement fait campagne pour le non dans 37 villes du pays et j'ai financé tous ces déplacements de ma propre poche.
Des milliers de personnes ont été arrêtées et plus de 100.000 fonctionnaires ont été limogés depuis le coup d'État raté du 15 juillet 2016. La traque antiputschistes donne l'impression de s'être transformée en chasse aux opposants de tous bords. Si vous étiez le chef de l'État, comment auriez-vous géré l'après-coup?
Tout d'abord, le mouvement FETO (du nom de Fethullah Gülen, l'instigateur présumé du putsch avorté) est une organisation terroriste qui a été impliquée dans le coup d'État. Il doit être combattu sans l'ombre d'un doute. En revanche, si j'étais le président, je veillerais à ce que l'État de droit soit respecté. Des personnes se sont plaintes d'avoir été injustement poursuivies en justice. J'ai également entendu dire que de riches gülenistes seraient parvenus à acheter leur peine en versant de l'argent. Si c'est vraiment le cas, c'est une pratique inacceptable et dangereuse.
Quant à l'état d'urgence, il était sans doute nécessaire de l'appliquer les trois premiers mois de l'après-putsch. Mais pourquoi l'avoir prolongé jusqu'à aujourd'hui? C'est la porte ouverte à l'arbitraire. Si une personne est la cible d'une purge, elle ne peut prétendre à aucun droit. Il est important de normaliser la situation au plus vite. Il faut examiner au cas par cas le sort des professeurs limogés. Certains d'entre eux ont été évincés ou poursuivis en justice sur simple délation ou allégation. Ce n'est pas normal.
«Je veux offrir une nouvelle façon de gouverner le pays. Les membres du Bon Parti sont issus d'un spectre très large de la scène politique turque : nous avons des gens de gauche, de centre gauche, de centre droit»
Meral Aksener
En tant qu'ex-membre du parti ultranationaliste MHP, dont de nombreux cadres et partisans vous ont déjà rejointe, quelle alternative politique proposez-vous?
Je veux offrir une nouvelle façon de gouverner le pays. Les membres du Bon Parti sont issus d'un spectre très large de la scène politique turque: nous avons des gens de gauche, de centre gauche, de centre droit. Nous ambitionnons de récolter des votes des quatre coins du pays. L'idée étant, bien entendu, d'attirer des électeurs de l'AKP (le Parti de la justice et du développement, la formation d'Erdogan) ainsi que du CHP (Parti républicain du peuple). Entre ces deux extrêmes, nous nous revendiquons comme le parti du centre.
Comment envisagez-vous de faire campagne?
«J'ai observé de très près ce que votre président, Emmanuel Macron, a fait en France. Je compte m'en inspirer»
Meral Aksener
Tout d'abord, j'ai déjà annoncé que je ne visais que la présidence. Je ne me présenterai pas conjointement, comme le permet la loi, aux élections législatives. Ensuite, j'envisage de collecter les cent mille signatures requises pour pouvoir faire acte de candidature. C'est un choix qui va embarrasser Recep Tayyip Erdogan, surtout s'il comptait sur l'autre option proposée, celle des signatures des députés. Du coup, il va sans doute s'en remettre, comme moi, à celles de la population. Et à ce stade, la campagne va commencer.
Je mettrai tout sur la table, en toute transparence. Je prévois de faire le tour de la Turquie, d'aller à la rencontre du peuple, de le sonder sur ses attentes. J'ai observé de très près ce que votre président, Emmanuel Macron, a fait en France. Je compte m'en inspirer. Avec mon équipe, nous allons nous appuyer sur des groupes de volontaires, nous allons adapter notre programme politique en fonction des demandes de la rue.
Dans un pays pétri de traditions religieuses et patriarcales, où les femmes ne représentent que 14 % des députés et où seuls deux ministres sont des femmes, ne craignez-vous pas de ne pas être prise au sérieux?
Je suis la seule politicienne à avoir été constamment active dans ce pays pendant vingt-quatre ans. Mon âge me vaut également d'être respectée. J'ai 61 ans. Je suis mère de famille. Je suis même grand-mère! Je suis croyante, tout en étant attachée aux valeurs républicaines. Je suis une ancienne professeur d'histoire, et j'ai toujours été une fervente militante pour les droits des femmes. Le discours machiste de certains hommes ne m'impressionne pas. S'ils me manquent de respect, je saurai quoi leur répondre (…). Je suis très confiante. Je n'ai pas peur. Je suis une rivale sérieuse pour Erdogan.

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L'Europe maintient l'ambiguïté sur une adhésion turque (04.01.2018)

Par Jean-Jacques Mével
Mis à jour le 04/01/2018 à 19h32 | Publié le 04/01/2018 à 19h25
Alliée cruciale dans l'Otan, la Turquie reste un partenaire stratégique irremplaçable, avec lequel la rupture n'aurait que des inconvénients.
Correspondant à Bruxelles
Recep Tayyip Erdogan s'est beaucoup montré en Russie, en Afrique et dans le Golfe ces derniers mois, mais sa silhouette était devenue bien plus rare en Europe depuis la répression sans relâche lancée au lendemain du putsch de l'été 2016. L'absence est en passe d'être réparée: après Athènes et Varsovie, deux capitales qui ne portent pas toujours la Turquie dans leur cœur, c'est aujourd'hui à Paris d'accueillir l'homme fort d'Ankara.
Pour cet homme qui porte la morgue à fleur de peau, la distinction suprême reste hors de portée. Angela Merkel, la chancelière qui voulait définitivement barrer l'entrée de la Turquie à l'UE, reste à peu près indifférente à l'offensive de charme venue d'Ankara. Il fait pourtant peu de doute que c'est bien à l'Allemagne que pense le président Erdogan lorsqu'il affirme que son pays doit désormais «réduire le nombre de ses ennemis et accroître celui de ses amis».
«La procédure d'adhésion est de facto gelée»
À quand remonte le retour du balancier? Côté turc, le besoin d'Europe se fait incontestablement sentir après les déconvenues diplomatiques du président dans la région, et au-delà. Dernier épisode en date, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l'État hébreu le braque à la fois contre Donald Trump et Israël. Depuis, il s'est chaleureusement félicité de retrouver Paris et Berlin «sur la même ligne» qu'Ankara.
Après 18 mois de glaciation dus à la dérive autoritaire du régime et au recul des droits de l'homme, les Européens ont pris le même tournant vers la realpolitik. Alliée cruciale dans l'Otan, la Turquie reste le partenaire stratégique irremplaçable, celui avec lequel la rupture n'aurait que des inconvénients: de la crise migratoire au retour des combattants européens de Daech, des convulsions du Moyen-Orient au triangle des forces avec la Russie… Qui voudrait vraiment couper les ponts?
Dans l'UE, l'épreuve de vérité est venue à la fin de l'automne après qu'Angela Merkel et son concurrent social-démocrate Martin Schulz eurent, en pleine campagne, agité l'idée d'enterrer une bonne fois pour toutes la candidature de la Turquie à l'UE. L'élection allemande passée, un sommet européen a dénombré les voix et les partisans d'une rupture consommée se sont comptés sur les doigts de la main. «La procédure d'adhésion est de facto gelée et on ne gagnerait rien à sortir de l'ambiguïté», dit-on du côté français. Les déçus, eux, dénoncent une hypocrisie qui vient nourrir l'extrême droite européenne.
Ceux qui s'inquiètent encore de l'entrisme turc « jouent à se faire peur », note un responsable européen  ; ceux qui croient la relance possible « se bercent d'illusions »
À Bruxelles, trois sensibilités persistent à s'exprimer. Les «libéraux» qui, tels le Royaume-Uni, les Nordiques et les Baltes, voyaient d'un bon œil l'entrée de la Turquie dans le marché commun et ne veulent rien compromettre en espérant des jours meilleurs. Ceux qui, à l'Est surtout, font preuve de compréhension parce qu'ils ont eux-mêmes bénéficié de l'ouverture économique et redoutent, pour certains, une Europe trop politique (Pologne et Hongrie). Ceux, enfin, qui ont dit non à un moment ou à un autre, comme l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et bien sûr la France.
La Turquie est candidate depuis 1999. Les négociations découpées en 35 chapitres (ou «paquets» de législation) se traînent depuis le début en 2005, en raison d'un gel obtenu par Jacques Chirac et renforcé par Nicolas Sarkozy. En une décennie, 16 chapitres ont été ouverts, un seul a été bouclé. Tout s'est retrouvé bloqué à l'automne 2016, face à l'autoritarisme croissant du président Erdogan. Ceux qui s'inquiètent encore de l'entrisme turc «jouent à se faire peur», note un responsable ; ceux qui croient la relance possible «se bercent d'illusions». La Turquie n'est pas plus soucieuse de respecter ses engagements que l'Europe n'est pressée de les voir tenus.
Le levier politique immédiat reste l'argent. La Turquie juge que les Vingt-Huit ne déboursent pas assez vite les 6 milliards d'euros promis en 2015 et 2016 pour retenir et héberger chez elle quelque 3,5 millions de réfugiés et migrants. L'UE vient d'adresser un signal contraire en décidant de couper dès cette année jusqu'à 175 des 700 millions d'euros alloués à la Turquie comme fonds de «préadhésion», une enveloppe qui n'a visiblement plus lieu d'être…

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Erdogan au Figaro : «Turquie et France, une longue amitié» (04.01.2018)
Par Recep Tayyip Erdogan
Mis à jour le 04/01/2018 à 18h57 | Publié le 04/01/2018 à 18h00
TRIBUNE - Le président de la République de Turquie, en visite officielle en France aujourd'hui, exprime la position d'Ankara sur les sujets d'actualité.
La Turquie et la France, deux puissances situées aux deux extrémités du continent européen, n'ont jamais cessé d'œuvrer au fil des siècles pour la stabilité du monde.
Aujourd'hui, je souhaite m'adresser à l'opinion publique française, à l'occasion de ma visite officielle en France à l'invitation du président Emmanuel Macron. J'espère de tout cœur que cette visite renforcera la coopération entre nos deux pays amis et alliés.
L'amitié turco-française a débuté au début du XVIe siècle par la lettre du roi François Ier au sultan Soliman le Magnifique et n'a cessé de se développer sur des bases solides. Depuis un demi-siècle, la communauté turque installée en France est devenue le ciment de l'amitié profonde qui unit nos deux pays. À l'heure actuelle, le nombre de Turcs vivant en France dépasse les 700.000, et beaucoup d'entre eux possèdent la nationalité française. Nous sommes très fiers de constater qu'ils sont parfaitement intégrés à la société française, respectueux des lois et souvent brillants dans les études et dans la vie professionnelle.
Nous n'avons jamais oublié et nous n'oublierons jamais que la France a été l'un des premiers pays à exprimer son soutien à la Turquie, à la suite de la tentative ratée de coup d'État du 15 juillet 2016. Face à cette attaque sans précédent lancée contre la liberté, l'unité, l'intégrité et l'ordre démocratique de notre pays, nous avons pris toutes les mesures nécessaires dans le cadre constitutionnel et conformément à nos engagements internationaux. Le peuple turc a montré une fois de plus, avec courage, son attachement profond à la démocratie et à la laïcité. Grâce à ces mesures, nous sommes parvenus à rétablir l'ordre public, et je suis convaincu que la démocratie turque sortira renforcée de cette épreuve. Je suis très heureux de constater l'intensification de nos relations bilatérales dans les domaines politique, économique et culturel. Au cours de ces quinze dernières années, le montant des investissements français en Turquie a atteint les 6,8 milliards d'euros, et je tiens à rappeler que 1450 entreprises françaises, parmi lesquelles EDF, Thales, Engie, MBDA, Eurosam et Airbus, exercent leurs activités en Turquie. Bien qu'il ait atteint 13,4 milliards d'euros en 2016, notre commerce bilatéral demeure encore loin de son potentiel réel. Notre objectif commun serait d'atteindre les 20 milliards d'euros dans un premier temps.
Plusieurs projets de coopération de grande envergure dans le domaine des télécommunications, de l'énergie et de l'industrie de la défense ambitionnent de porter la collaboration entre nos deux pays au plus haut niveau. La production conjointe de systèmes de missiles de défense aérienne à longue portée en Turquie est l'un de ces projets phares (en partenariat tripartite avec l'Italie). L'entreprise française Airbus, ayant remporté l'appel d'offres des satellites 5A et 5B pour Türksat, a signé récemment un contrat de 500 millions de dollars avec la Turquie. Le satellite Türksat 5A devrait être mis en orbite en 2020 et le satellite Türksat 5B devrait être opérationnel en 2021. Notre projet de construction d'une centrale nucléaire à Sinop en collaboration avec la France revêt également un aspect stratégique crucial pour la Turquie. La construction de cette centrale devrait débuter courant 2019 et entrer en service en 2023.
«Nous entretenons un dialogue franc et loyal avec le président Macron pour le rétablissement de la paix et de la stabilité en particulier en Syrie.»
Recep Tayyip Erdogan
Si l'Europe reste un formidable espoir, dans un contexte international tendu, alors que certains pays tombent dans le piège de l'islamophobie, du racisme et de la xénophobie, c'est grâce à la France, qui a choisi de mener une politique rationnelle basée sur le respect des droits universels. À cet égard, je me réjouis de constater que la France, qui a joué un rôle pionnier dès le début des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, maintient, aujourd'hui encore, une position constructive vis-à-vis de notre adhésion. J'espère que la France continuera d'apporter tout son soutien à notre processus d'adhésion car il est indispensable que la France et la Turquie unissent leurs forces, pour construire un monde plus sûr et plus prospère,en ne cédant jamais ni au terrorisme, ni à la violence, ni à toute forme de pression.
Il m'est agréable de préciser que nos deux pays coopèrent avec efficacité et détermination dans la lutte contre diverses organisations terroristes, telles que Daech et le PKK, avec des résultats concrets sur le terrain, et nous espérons une collaboration de même envergure dans la lutte contre l'organisation terroriste Fetö du prédicateur Fethullah Gülen . Les récentes prises de position politiques de la France et de la Turquie concernant les enjeux régionaux et internationaux en Syrie, mais également en Palestine, en Irak et en Libye, ont considérablement rapproché nos pays. Nous entretenons un dialogue franc et loyal avec le président Macron pour le rétablissement de la paix et de la stabilité en particulier en Syrie. À cet égard, nous sommes satisfaits de la prise de position responsable de la France à la suite de la regrettable déclaration des États-Unis, contraire au droit international, concernant Jérusalem.
La Turquie et la France, liées par le passé comme par l'avenir, ont plus que jamais un rôle à jouer ensemble. Je souhaite que ma visite en France soit l'occasion de contribuer au renforcement de nos relations bilatérales et de notre collaboration à l'échelle mondiale. J'espère que la synergie générée par l'action commune de nos pays face aux enjeux et opportunités sur le plan mondial aura des répercussions dans tous les domaines et fera de nos pays des acteurs incontournables pour répondre aux nouveaux défis du monde actuel.
Je saisis l'occasion de ma visite en France pour adresser au peuple français mes plus cordiales salutations, ainsi que mes meilleurs vœux pour la nouvelle année.

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À Paris, Erdogan tend une main vers l'UE (04.01.2018)

Par Delphine Minoui
Publié le 04/01/2018 à 18h33
Le président turc est attendu, ce vendredi à l'Élysée, pour un déjeuner de travail avec Emmanuel Macron.
Correspondante à Istanbul
Faut-il y voir l'ébauche d'un dégel entre la Turquie et l'Europe? Le président Recep Tayyip Erdogan est à Paris, ce vendredi, pour y rencontrer son homologue français Emmanuel Macron, à l'issue d'une année particulièrement tendue entre Ankara et ses interlocuteurs européens, inquiets des purges menées en Turquie depuis le putsch raté du 15 juillet 2016. La question des droits de l'homme sera d'ailleurs abordée lors des discussions, précise l'Élysée. Mais le chef de l'État turc entend avant tout capitaliser sur cette visite, qui portera essentiellement sur les dossiers régionaux, tels que le conflit syrien et le statut de Jérusalem, pour redorer son blason sur la scène internationale. Rompant avec sa rhétorique enflammée de ces derniers mois, il déclarait dès la semaine dernière vouloir «entretenir de bonnes relations avec l'UE et les pays de l'UE», dans le but de «réduire le nombre d'ennemis et d'augmenter le nombre d'amis».
«Cette visite ambitionne de relancer les relations avec l'Europe, qui sont à l'arrêt depuis le coup d'État et le référendum sur la Constitution (qui renforce les pouvoirs du président, NDLR). C'est l'occasion, pour Erdogan, de donner un nouvel élan à sa candidature à l'Union européenne, à un moment où la Turquie rencontre, ailleurs, d'autres difficultés: en Irak, en Syrie, mais aussi aux États-Unis, où la condamnation d'un banquier turc(accusé d'avoir aidé l'Iran à contourner les sanctions, NDLR) risque d'envenimer encore plus les relations turco-américaines», observe Jana Jabbour, docteure associée à Sciences Po, et auteure de La Turquie. L'invention d'une diplomatie émergente (CNRS, 2017).
«Une carte politique interne»
Les arrestations et limogeages de ces derniers mois ont en effet valu à la Turquie de nombreuses critiques du clan européen, et principalement du côté de Berlin. Début septembre, la chancelière allemande, Angela Merkel, s'était même prononcée en faveur d'un arrêt des négociations. «Les relations avec Merkel ne sont plus ce qu'elles étaient. Le président Erdogan est même allé jusqu'à la traiter de “nazie”. Il sait que la porte de l'Allemagne est fermée. Il essaie ainsi de profiter du dialogue avec le président Macron pour restaurer ses relations via la France, en espérant qu'il permette d'amorcer une tournée européenne», analyse l'économiste turque Gül Gunver Turan, spécialiste des relations turco-européennes. Cette visite, poursuit-elle, «aura également un volet économique et devrait déboucher sur de nouveaux contrats». Outre les questions relatives à l'union douanière, les relations commerciales seront à l'ordre du jour. Dans un communiqué publié dimanche, le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, disait voir en la France «un allié de premier plan» et «un important partenaire économique et commercial». Selon les statistiques officielles turques, les échanges entre les deux pays s'élèvent à plus de 13 milliards de dollars. La Turquie est également en discussion avec la France et l'Italie pour l'achat, par Ankara, de missiles sol-air au consortium franco-italien Eurosam.
«Erdogan joue une carte politique interne. Pour lui, c'est une façon de rappeler l'importance de son pays, de dire: nous sommes membres de l'Otan et nous sommes toujours candidats à l'Union européenne»
Gül Gunver Turan, spécialiste des relations turco-européennes
Mais, selon Gül Gunver Turan, le président Erdogan entend aussi faire de cette visite un «succès» aux yeux de sa propre population dans un contexte de dégradation de la situation économique et dans la perspective du scrutin de 2019. «Il joue une carte politique interne. Pour lui, c'est une façon de rappeler l'importance de son pays, de dire: nous sommes membres de l'Otan et nous sommes toujours candidats à l'Union européenne même si les relations sont gelées», estime-t-elle. «Erdogan sait parfaitement bien que les sondages démontrent que l'éloignement de l'Europe n'est pas bien perçu par la population, y compris par sa base. Il lui tient donc à cœur de renouveler ses relations», ajoute-t-elle.
Du côté français, c'est le pragmatisme qui prime. «Emmanuel Macron voit en la Turquie un partenaire essentiel pour lutter contre le terrorisme et la crise migratoire. Il n'a donc aucun problème à engager un nouveau dialogue et à construire un nouveau rapport avec la Turquie, basé sur ces intérêts communs», remarque Jana Jabbour.
Mais cette visite, qui se déroule la veille d'une manifestation commémorant l'assassinat de trois militants kurdes en France il y a cinq ans, dérange les défenseurs des droits de l'homme. Le PCF a, pour sa part, exprimé dès mardi son indignation en condamnant le déplacement du «dictateur» Erdogan et en apportant «sa solidarité à tous les démocrates turcs».
Dans ses vœux à la presse, présentés mercredi, Emmanuel Macron a précisé qu'il s'engagerait à aborder la «situation des journalistes emprisonnés» avec son homologue turc. Un sujet déjà abordé dans le passé: l'année dernière, Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan s'étaient entretenus par téléphone à plusieurs reprises pour libérer, notamment, les reporters français retenus en Turquie. «Il ne faut cependant pas s'attendre à ce qu'Emmanuel Macron sacrifie les relations turco-françaises sur l'autel de la défense des droits de l'homme. Il va, certes, adresser des critiques au président turc, mais en utilisant un langage modéré, car il sait que Paris a besoin d'Ankara», prédit Jana Jabbour.

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Notre-Dame-des-Landes : six Français sur dix encouragent Collomb à utiliser la force (04.01.2018)
Par Jean-Marc Leclerc
Publié le 04/01/2018 à 20h00
EXCLUSIF - La demande de fermeté se renforce. Selon notre sondage, 56 % des Français se déclarent favorables (contre 43 % qui y sont opposés) au recours à la force si nécessaire.
Le «premier flic de France» doit être plus répressif. C'est le message adressé par l'opinion via un sondage Odoxa consacré au «regard des Français sur le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb». Il a été réalisé avec Dentsu Consulting pour France Info et Le Figaro, auprès d'un échantillon de 1006 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, les 3 et 4 janvier. Un contexte émotionnel particulier, puisque les questions ont été posées juste après les violences de la Saint-Sylvestre contre des policiers (dont une jeune femme) à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) et Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
http://i.f1g.fr/media/figaro/300x583/2018/01/04/INF6fca6ed2-f16d-11e7-9dfb-6e10ecd2d4f3-300x583.jpg
Ainsi, la demande de fermeté se renforce. Le sujet de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) - où des centaines d'extrémistes de gauche mènent une guérilla des champs contre l'État, depuis des années, pour empêcher la construction d'un aéroport - en fournit l'illustration parfaite. Selon le président d'Odoxa, Gaël Sliman, «si Gérard Collomb craignait une sanction de l'opinion face à un excès de fermeté de sa part, il se tromperait lourdement: 56 % des Français se déclarent en effet favorables (contre 43 % qui y sont opposés) au recours à la force si nécessaire pour déloger les zadistes.»
À l'entendre, «cette légitimation du recours à la force est largement répandue dans l'opinion, puisqu'elle est majoritairement partagée par les jeunes (52 % des 25-34 ans et 55 % des 35-49 ans) comme (surtout) les moins jeunes (63 % des plus de 65 ans), par les CSP+ (63%) comme par les CSP- (51 %) et par les Français les plus ruraux (58 %) comme par les Français les plus urbains (57 % en agglomération parisienne).» Bref, partout les feux sont au vert pour agir.
Selon le sondeur, «seuls les sympathisants d'extrême gauche s'y montrent (très) hostiles (70 %), tous les autres y étant très largement favorables, l'adhésion au recours à la force oscillant entre 56 % auprès des sympathisants du PS et 77 % auprès de ceux de LREM (en passant par 62 % de soutien au FN et 67 % auprès des sympathisants LR-UDI).»
58 % des Français pensent que l'insécurité augmente
Mais qu'attend donc Gérard Collomb? En vieux routier de la politique, il calcule quand même ses risques, car il sait combien l'opinion est versatile. Sévir? Certainement, se dit-il. Mais pas n'importe comment. Et ce n'est pas son prédécesseur, Bernard Cazeneuve, tant malmené après la mort du jeune Rémi Fraisse, tué par une grenade des gendarmes à Sivens, qui va le contredire.
Aussi madré soit-il, Gérard Collomb va devoir se faire connaître et vite. 58 % des Français pensent que l'insécurité augmente contre 9 % qu'elle diminue. Un sentiment d'insécurité à «son plus haut niveau historique», assure Odoxa. Tandis que «57 % des Français sont incapables de dire qui est leur ministre de l'Intérieur». La mémoire des Français, décidément… seulement «2 % se souviennent de Bernard Cazeneuve».

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Macron prépare les esprits à sa décision sur Notre-Dame-des-Landes (04.01.2018)
Par François-Xavier Bourmaud
Mis à jour le 04/01/2018 à 20h38 | Publié le 04/01/2018 à 20h03
Dès ce vendredi, Édouard Philippe entame une série de rencontres à Matignon avec les élus locaux concernés par le projet d'aéroport.
La pommade avant la décision. Quel que soit l'arbitrage d'Emmanuel Macron sur Notre-Dame-des-Landes - construire l'aéroport ou y renoncer -, il fera forcément des mécontents. Auparavant, le président de la République s'efforce donc de faire redescendre les tensions en libérant la parole. C'est le volet «calinothérapie» de la méthode Macron, celui sur lequel il compte pour ne pas rajouter de la complexité à un dossier déjà passablement embrouillé. «C'est toujours utile de parler. Les gens viennent, disent ce qu'ils ont à dire et même s'ils n'obtiennent pas gain de cause au bout du compte, ils peuvent s'exprimer et être écoutés. Cela évite de créer des malentendus», raconte un conseiller du chef de l'État. Ce n'est toutefois pas lui qui sera en première ligne pour les dernières consultations mais son premier ministre.
Dès ce vendredi, Édouard Philippe entame une série de rencontres à Matignon avec les élus locaux concernés par le projet d'aéroport (issus de Loire-Atlantique, Mayenne, Morbihan, Vendée, Mayenne, Maine-et-Loire…). Pas moins d'une centaine d'entre eux vont être reçus d'ici au 12 janvier, en présence du ministre de l'Écologie, Nicolas Hulot, et de celle des Transports, Élisabeth Borne. «Je vais pouvoir les entendre sur leur conception de ce qu'il faut faire, ce qu'il ne faut pas faire mais aussi sur la façon dont ils interprètent le rapport que nous avons demandé au mois de juin et qui est à l'origine finalement du choix entre le réaménagement de l'actuel aéroport de Nantes Atlantique et le développement d'une nouvelle plateforme aéroportuaire», a expliqué le premier ministre sur France 2. Il s'agit de tenter de désamorcer en amont la grogne qui naîtra dans l'un des deux camps, partisans ou opposants, dès l'annonce de la décision.
«Ils ont organisé la ZAD dans une perspective combattante»
Un proche du chef de l'État
Car à la colère de ceux qui seront déçus de la décision viendra de toute façon s'ajouter la révolte des zadistes dont l'exécutif a d'ores et déjà annoncé qu'ils seront expulsés, aéroport ou non. Or sur cet aspect du dossier, Emmanuel Macron s'attend au pire. «Ils ont organisé la ZAD dans une perspective combattante, assure un proche du chef de l'État. Il y a des pièges, des miradors, des choses organisées pour faire mal. Ils se préparent à la guerre. C'est quelque chose d'assez dangereux qui se développe là-bas et que l'on a laissé s'enkyster au fil des années.»
Pas une semaine ne passe depuis la remise du rapport des experts sans que l'exécutif ne lance une mise en garde sur les dangers et les risques de l'évacuation. Un jour, le premier ministre assure que, «quelle que soit la décision que nous prendrons, il y aura une composante d'ordre public». Le suivant, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, déclare qu'«on sera obligé à un moment donné d'employer la force» pour évacuer le site de Notre-Dame-des-Landes, tout en ajoutant qu'il faut qu'elle soit «la plus mesurée possible».
Une façon pour le gouvernement de dramatiser afin de justifier une intervention forte de l'État. Une façon aussi d'anticiper sur les débordements qui pourraient arriver. Pas sûr pour autant que l'évacuation annoncée de la ZAD se traduise par des affrontements aussi violents que redouté.
«Une partie des zadistes considère que leur vie est là-bas, à Notre-Dame-des-Landes. Les autres se disent qu'ils sont en train de gagner la partie et commencent déjà à se demander quel sera leur prochain terrain de lutte. Ils restent vigilants, sont déterminés à ne rien lâcher sur Notre-Dame-des-Landes mais commencent tout de même à regarder ailleurs», explique Véronique Reille Soult, directrice générale de l'agence de communication Dentsu Consulting. Depuis quelque temps, les zadistes se sont d'ailleurs installés dans un style de communication beaucoup plus positif qu'à l'ordinaire. Au point d'organiser il y a quelques semaines une «journée portes ouvertes» sur la ZAD.

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Grand reporter au service politique du Figaro
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Après Notre-Dame-des-Landes, ces 50 projets d'aménagement ciblés par les zadistes (04.01.2018)
Par Christophe Cornevin
Publié le 04/01/2018 à 19h51
ENQUÊTE - Au-delà du projet contesté d'aéroport, les autorités surveillent comme le lait  sur le feu une cinquantaine de foyers potentiels à travers le pays. Douze d'entre eux pourraient rapidement dégénérer.
Derrière l'épouvantail de Notre-Dame-des-Landes se cache un épais maquis de projets contestés à travers le territoire. Inconnus pour la plupart du grand public, ils sont au nombre de 50 si l'on se réfère à un recensement des services de renseignements. Selon nos informations, 12 d'entre eux, où la situation peut virer à l'aigre, sont d'ores et déjà surveillés par les analystes de la gendarmerie nationale. En filigrane, ils dessinent la face cachée d'une contestation qui pousse en germe dans la profondeur des régions. Programmes liés à l'énergie, aux infrastructures de transports, au stockage et enfouissement de déchets de toute nature, centres de loisirs ou encore commerciaux, tous les segments d'activité sont concernés. Voués aux gémonies, les projets servent de terreau à l'expression d'une colère locale qui aimante tôt ou tard les insurgés «professionnels» qui se nichent à l'intérieur d'une cause, quelle qu'elle soit d'ailleurs, dans l'attente du fameux «grand soir». «Aux yeux de l'ultra-gauche, chaque parcelle de lutte en devenir est potentiellement une nouvelle terre de colonisation», lâche un fonctionnaire de haut rang. Bloqués, entravés, paralysés parfois depuis des années, de grands projets français sont en jachère. Le dynamisme économique de la France s'en trouve contrarié.
«Aux yeux de l'ultra-gauche, chaque parcelle de lutte en devenir est potentiellement une nouvelle terre de colonisation»
Un fonctionnaire de haut rang
Pour prendre la mesure des vagues qui montent, les 75 analystes de la Sous direction de l'anticipation opérationnelle (Sdao) agissent comme une tête de réseau qui remonte, trie et raffine la masse d'informations recueillie par quelque 130.000 militaires en «bleu» qui quadrillent le pays. À force de décortiquer des cas sur le terrain, l'engrenage de contestation mis au jour a été modélisé. En «phase 1», les experts classent d'abord une hostilité locale se cristallisant au travers d'un collectif ou d'une association de riverains en colère contre un projet censé être d'intérêt général. «En vertu du phénomène “Nimby” (“Not in my back yard”, “Pas dans mon arrière-cour”), les résidents à fleur de peau forment des réseaux de veille, scrutent chaque évolution du dossier, décèlent les éventuelles failles du dossier et saisissent le tribunal administratif à la moindre occasion, détaille un officier qui précise que ces irréductibles «n'hésitent pas à tendre des liens vers d'autres associations implantées ailleurs». Les ferments d'une communauté de lutte apparaissent alors.
La «phase 2» est amorcée lorsque le dossier connaît ce que les analystes appellent une «avancée majeure», concrétisée par un premier coup de pioche, l'aménagement de voiries ou l'arrivée d'engins de chantiers annonciateurs du lancement des travaux. «À ce moment, la médiatisation de la contestation prend de l'ampleur et les résidents s'emploient alors à fédérer des “zadistes” venus d'ailleurs, quitte à leur offrir le gîte et le couvert pour les fixer sur place et durcir le dialogue», poursuit-on à la Direction générale de la gendarmerie nationale. À la manière du bernard-l'hermite changeant de coquille, les professionnels de la contestation se greffent en particulier là où la chambre d'écho est potentiellement la plus puissante. Peu importent souvent les termes du débat local: les tribus zadistes mêlent des spécimens variés incluant de gentils écolos rêvant de vivre le «vrai» retour à la nature, des anarchistes, des libertaires, des altermondialistes, de vrais casseurs de type black blocs ou encore des «antispécistes» apôtres de la libération animale. La «phase 3», ultime, est celle de l'occupation illégitime et durable du terrain pour paralyser ce que les opposants nomment les grands projets inutiles et imposés (GPII). Plutôt que «zone d'aménagement différé», ils détournent l'acronyme ZAD en «zone à défendre», voire en «zone d'autonomie définitive».
Saint-Victor-et-Melvieu (Aveyron). Projet de construction d'un transformateur électrique.
Saint-Victor-et-Melvieu (Aveyron). Projet de construction d'un transformateur électrique. - Crédits photo : Youtube
Dans le seul domaine énergétique, la gendarmerie a recensé selon nos informations pas moins de 19 dossiers contestés, dont quatre particulièrement «emblématiques» au sud de la Loire. Outre le parc éolien de Bouriège et Tourreilles (Aude) pris pour cible au prétexte de défigurer le paysage et d'occasionner de nuisances sonores sans qu'il n'y ait jamais eu de concertation, les gendarmes suivent avec une attention toute particulière le dossier brûlant du «méga transformateur» de Saint-Victor et Melvieu (Aveyron), où le géant de la distribution électrique RTE projette de connecter six lignes à haute tension de 225.000 volts à une ligne à très haute tension (THT) de 400.000 volts sur un domaine agricole de 9 hectares. Venus des départements environnants pour prêter main-forte à l'association de riverains «Plateau survolté», les frondeurs viennent de mener un mois d'actions pour enrayer le bon déroulement de l'enquête publique. Regroupés dans un «QG» de fortune baptisé «Amassada», ils ont commencé par des manifestations de rue avant d'édifier des fortifications en ballots de pailles en centre-ville, d'investir la mairie pour s'emparer de la maquette, former des barrières humaines interdisant aux commissaires enquêteurs d'accéder à leur permanence… voire murer de parpaings l'agence locale RTE.
Bure (Meuse). Projet d'enfouissement de déchets nucléaires.
Bure (Meuse). Projet d'enfouissement de déchets nucléaires. - Crédits photo : FRANCOIS NASCIMBENI/AFP
Parmi les résistants masqués partis le 2 décembre dernier à l'assaut de la mairie voisine de Saint-Affrique, figuraient des «vétérans» de Notre-Dame-des-Landes ou encore de Bure, village de 80 âmes dans la Meuse devant accueillir un site d'enfouissement de déchets radioactifs. Un dossier «potentiellement explosif» aux yeux des autorités. «La conjonction de considérations écologiques et de lutte antinucléaire représente un cocktail détonant», grimace un fin connaisseur du dossier qui insiste aussi sur «la proximité de l'Allemagne, où des extrémistes ont assisté à l'enterrement d'un projet similaire». Actuellement, entre 30 à 50 radicaux établis dans des huttes ouvrent volontiers les portes de leur «Maison de la résistance» aux activistes de passage venus guerroyer contre la «poubelle nucléaire». Là encore, le tam-tam de la «convergence des luttes» résonne au-delà des frontières. Le 15 août dernier, quelque 300 jusqu'au-boutistes casqués, armés de pierres, bâtons et boucliers, dont deux tiers de black blocks brandissant des drapeaux antifascites allemands, avaient lancé des cocktails Molotov sur les forces de l'ordre. «Quand l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes sera réglée, Bure, où le projet Giceo a déjà pris plus d'un an de retard, sera le prochain sur la liste», prophétise un fonctionnaire de haut rang.
Sur le front des infrastructures de transports, la levée de boucliers n'est pas négligeable non plus. Parmi onze projets répertoriés comme «contestés», celui du contournement ouest de Strasbourg (COS) suscite le plus d'inquiétudes. «La contestation a mûri au point de devenir préoccupante», diagnostique un analyste de la gendarmerie nationale. Sur le papier, l'ouvrage, financé par Vinci comme le serait l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, vise à désengorger la capitale alsacienne en passant par l'ouest à travers la région très fertile du Kochersberg. Vent debout, habitants et défenseurs de ce patrimoine naturel organisent depuis des mois des «dimanches de contestation».
Roybon (Isère). Projet d'un Center Parcs visant à construire un millier de cottages sur 203 hectares dans la forêt de Chambaron.
Roybon (Isère). Projet d'un Center Parcs visant à construire un millier de cottages sur 203 hectares dans la forêt de Chambaron. - Crédits photo : XAVIER VILA/SIPA/SIPA
L'actrice Charlotte de Turckheim et Stéphane Bern avaient prévenu des dégâts irréversibles qu'entraînerait la construction du décrié «COS» sur les jardins remarquables du château de Kolbsheim, qui a vue sur les Vosges. La nomination du célèbre journaliste-animateur par Emmanuel Macron à la tête d'une mission de la protection du patrimoine aurait exacerbé la mobilisation d'une partie des opposants, sûrs de leur bon droit. Sous l'œil bienveillant de «figures» comme José Bové, jusqu'à 400 manifestants se réunissent sur le parcours et construisent à chaque étape une cabane en bois symbolisant des péages ou d'ouvrages censés avilir le paysage. «Au total, huit constructions de bois d'“information” jalonnent le tracé sur des terrains privés», note un officier de l'anticipation opérationnelle, où l'on n'écarte pas l'arrivée prochaine de «professionnels de la contestation».
Dans le bain bouillonnant des projets contestés, les services de renseignements scrutent aussi à la loupe l'évolution du projet emblématique du Center Parcs de Roybon visant à construire un millier de cottages sur 203 hectares dans la forêt de Chambaron (Isère), le méga-centre commercial et de loisirs au Triangle de Gonesse (Val-d'Oise) ou celui qui doit voir le jour à Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne). Si la contestation s'essouffle autour du projet de rénovation du réseau électrique en aérien de la Haute Durance porté par RTE, les hostilités risquent de reprendre de plus belle à propos de la future ligne à grande vitesse (LGV) appelée à traverser les Alpes grâce à un tunnel de 57 kilomètres reliant Saint-Jean-de-Maurienne et la vallée de Suse en Italie. Mis en berne en juillet dernier par le ministre des Transports, le programme a été relancé après une annonce de son homologue à l'Économie Bruno Le Maire lors d'un déplacement à Rome, le 1er août dernier. Ulcérée par le coût jugé démesuré de 26 milliards d'euros, la frange radicale gravitant en marge du mouvement citoyen Colt (Coordination des opposants au Lyon-Turin) pourrait organiser une nouvelle «marche» à travers le massif, comme à l'été 2015 où de violentes échauffourées avaient éclaté sur le versant italien. Comme partout ailleurs désormais, les radicaux venant d'autres ZAD peuvent se greffer à tout moment.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 05/01/2018.
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Rédacteur en chef adjoint, spécialiste sécurité et renseignement
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Éditorial : «Casseurs des champs» (04.01.2018)
Par Vincent Tremolet de Villers
Publié le 04/01/2018 à 19h51
Par Vincent Tremolet de Villers
Notre-Dame-des-Landes, c'est à craindre, n'est que le début d'une longue litanie. Certes, le projet de l'aéroport devrait être abandonné (c'est sans doute la décision la plus sage), mais déjà, les zadistes cherchent d'autres zones à occuper. Dans les dizaines de projets de grands travaux qui fleurissent, ils trouveront sans difficulté des résistances, en elles-mêmes parfois légitimes, auxquelles se greffer. Comment ne pas s'interroger, en effet, sur la nécessité de construire une piste de ski dans le Val-d'Oise (l'une des trouvailles heureusement abandonnée du projet EuropaCity) ou le coût esthétique, patrimonial ou écologique du contournement de la ville de Strasbourg?
Mais ne nous y trompons pas: les zadistes ne sont pas des rêveurs et ces sites à défendre ne sont qu'un prétexte pour faire sauter le système. Vêtus d'écologie candide et de parkas, ils tentent de poursuivre une même geste: la lutte finale contre «le capital» et «ses valets». Dans une étrange inversion des valeurs, ils se pensent comme dépositaires d'une violence légitime contre un État oppresseur et une police qui serait soumise aux intérêts des plus puissants. Un curieux compost idéologique où se mêlent les figures de Robin des bois, du Che (qui plaît tant à Mme Hidalgo), le sourire hirsute des hippies et les cocktails Molotov de l'anarchisme libertaire. S'y ajoutent nihilisme adolescent et «gauchisme culturel» (Jean-Pierre Le Goff): antispécisme et assemblée générale permanente. Ces casseurs des champs, qui rêvent la nuit, debout, d'une convergence des luttes avec ceux des banlieues, sont un symptôme de plus de la faiblesse de l'État et de l'individualisme revendicatif qui a remplacé tout idéal collectif. Face à ce péril, une priorité: la force de la loi. Sinon, chaque parcelle de territoire occupée par l'ultragauche sortira du droit commun, et tous nos grands projets, qu'ils soient bons ou mauvais, finiront en friche… L'évacuation du site de Notre-Dame-des-Landes sera une épreuve cruciale dans ce combat de longue haleine : restaurer l'autorité de l'État, bafouée à Champigny comme en Loire-Atlantique.

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