vendredi 13 mars 2020

L’épidémie de coronavirus : chronique d’un désastre annoncé (Philippe Lemoine)

Depuis quelques semaines, mais surtout ces derniers jours, j’ai eu plusieurs discussions au sujet du coronavirus qui m’ont convaincu que la plupart des gens ne prennent pas du tout la mesure du problème. J’ai donc résolu d’écrire un billet pour expliquer pourquoi cette épidémie est une crise majeure que nous devrions prendre très au sérieux, ce qui malheureusement n’a pas du tout été le cas jusqu’à présent, notamment en France où selon moi le gouvernement a été d’une incompétence rare.
Je vais rapidement passer en revue les choses qu’on entend le plus souvent de la part des gens qui pensent qu’il n’y a pas de raison de paniquer et qui sont d’après moi complètement à côté de la plaque. J’ai vraiment l’impression que la plupart des gens sont très mal informés au sujet de cette épidémie et qu’ils répètent des arguments qui sont totalement fallacieux parce que c’est ce que les gens censément intelligents disent sur les plateaux de télévision. Je crois en effet que, dans cette histoire, les médias n’ont une fois de plus pas fait leur travail correctement.
Je précise que je n’ai aucune compétence particulière en épidémiologie ou en médecine, mais par contre je sais compter et raisonner à peu près correctement, ce qui malheureusement semble ne pas être le cas de beaucoup de gens qui sont actuellement en situation de responsabilité. Il est tout à fait possible que j’ai fait des erreurs, auquel cas je vous invite à me les signaler, afin que je puisse les corriger au plus vite. Ce serait d’autant moins surprenant que j’ai écrit cet article dans l’urgence, en grande partie au milieu de la nuit, donc il n’est pas du tout impossible que des erreurs s’y soient glissées. Mais je donne systématiquement les sources que j’ai utilisées et j’ai mis en ligne le code que j’ai utilisé pour mes calculs/graphique dans un répertoire sur GitHub, donc chacun peut facilement tout vérifier. De cette façon, si j’ai fait une erreur, on peut espérer qu’elle sera détectée rapidement.
Mais si je n’ai pas de compétence particulière en épidémiologie ou médecine, ce n’est pas le cas de la logique, donc en particulier je sais que l’argument d’autorité est un sophisme. Par conséquent, si quelqu’un allègue que je dis n’importe quoi au motif que je ne suis pas un spécialiste sans démontrer que j’ai commis une erreur en citant ses sources et détaillant son raisonnement, il n’y a absolument aucune raison de prendre ça au sérieux. C’est d’autant plus vrai que, jusqu’à présent, on ne peut pas dire que les experts se soient illustrés par leur prescience. Par exemple, le 21 janvier, un chercheur de l’Inserm affirmait à la télévision “qu’il ne va pas y avoir d’épidémie en France parce qu’on est préparé”. Je ne veux pas lui jeter la pierre, ça arrive à tout le monde de se tromper, mais si vous voulez me convaincre que j’ai tort, il va falloir faire plus que vous contenter de m’expliquer que je ne suis pas un expert.
Non, ce n’est pas “juste une grippe”, le taux de mortalité est nettement plus élevé
Même si c’est de moins en moins le cas, on a entendu beaucoup de gens prétendre que le coronavirus était “juste une grippe”, donc qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat et aucune raison de paniquer. Or, même si on n’aura pas d’estimation du taux de mortalité précise avant la fin de l’épidémie, il est clair depuis un moment qu’il est beaucoup plus élevé que pour la grippe saisonnière, notamment chez les personnes âgées mais pas seulement :
Ce graphique est basé sur les données chinoises et montre les taux de mortalité par groupe d’âges obtenus en divisant le nombre de morts par le nombre de gens ayant été testés positif au coronavirus. Comme beaucoup de gens l’ont noté, c’est un estimateur biaisé du taux de mortalité, car le dénominateur est probablement sous-estimé, du fait que beaucoup de gens qui ont été contaminés n’ont pas été testés parce qu’ils étaient asymptomatiques ou que leurs symptômes n’étaient pas suffisamment graves.
C’est tout à fait exact, mais ce que les gens qui disent ça oublient généralement, c’est qu’il existe un autre biais qui va dans l’autre direction. En effet, tant que l’épidémie n’est pas derrière nous, il y a des gens qui vont mourir mais qui ne sont pas encore morts. Cela tend à sous-estimer le numérateur de l’estimateur du taux de mortalité, donc à sous-estimer celui-ci. Une équipe d’épidémiologistes à l’Université de Berne a récemment publié un papier qui propose une estimation des taux de mortalité par groupe d’âges qui essaie de corriger ces deux biais simultanément pour obtenir des chiffres plus fiables. Voici le tableau qui résume les résultats de leur étude :Si vous regardez la dernière ligne du tableau et que vous comparez ça avec le graphique que j’ai reproduit plus haut, qui donne les taux de mortalité sans correction, vous pouvez constater que, dans la plupart des cas, cet ajustement aboutit à un taux de mortalité plus important qu’en l’absence de correction. En d’autres termes, pour la plupart des groupes d’âges, le biais qui conduit à une sous-estimation du taux de mortalité domine celui qui conduit à une surestimation.
Pour autant, ça ne veut pas dire que les taux de mortalité dans cette étude sont exacts, car ce ne sont que des estimations qui reposent sur des données imparfaites. Encore une fois, tant que l’épidémie n’est pas derrière nous et qu’on ne peut pas estimer précisément le nombre de personnes qui ont été contaminées en faisant des prélèvements sur un échantillon aléatoire de la population après que tous les décès provoqués par la maladie ont eu lieu, il est impossible de connaître précisément le taux de mortalité. Mais surtout le taux de mortalité n’est pas une caractéristique intrinsèque d’un pathogène, ce qui nous amène à un autre point important.
Le taux de mortalité n’est pas une caractéristique intrinsèque du virus, mais dépend de tout un tas de facteurs et notamment de l’état du système de santé
Grâce à une équipe de l’université de Johns Hopkins aux États-Unis, qui compile les données sur les progrès de l’épidémie dans le monde entier et les met en ligne sur GitHub, il est possible d’apprendre pas mal de choses sur l’épidémie. Si on regarde les courbes d’évolution du taux de mortalité par pays, on constate que non seulement il y a des différences importantes entre les pays, mais aussi que, même à l’intérieur du même pays, le taux de mortalité peut changer assez considérablement au cours du temps :J’ai fait commencer le graphique au 28 février, parce qu’avant ça il y avait très peu de cas diagnostiqués dans beaucoup de pays du groupe que j’ai choisi, donc le taux était dominé par le hasard. (Je ne pense pas que ce soit l’explication pour l’Iran, où à un moment le taux de mortalité était supérieur à 20%, car l’épidémie a frappé ce pays plus tôt et donc il y avait beaucoup de cas diagnostiqués à une époque où ils étaient encore très rares dans la plupart des autres pays du monde en dehors de la Chine.) Notez en particulier que, depuis une quinzaine de jours, le taux de mortalité en Italie semble augmenter de façon inquiétante, puisqu’il est passé d’un peu plus de 2% à plus de 6% sur la période.
C’est peut-être en partie parce que, comme je l’ai déjà noté, il se passe un certain temps entre le moment où quelqu’un contracte le virus et le moment où il meurt, mais je doute que ce soit la seule explication. D’autant plus que, avec la croissance exponentielle que connaît l’épidémie dans la phase actuelle, la proportion de gens ayant contracté le virus récemment parmi les cas diagnostiqués a sans doute beaucoup augmenté ces derniers jours, ce qui tend au contraire à pousser le taux de mortalité vers le bas, puisque toutes choses égales par ailleurs ça veut dire que le dénominateur augmente plus vite que le numérateur. Il y a donc probablement une autre raison pour laquelle le taux de mortalité augmente en Italie, mais j’y reviendrai plus loin.
Pour une part, ces différences entre pays sont dues à des facteurs démographiques, notamment la distribution par âge qui varie beaucoup selon les pays. Par exemple, 22% de la population a 65 ans et plus en Italie, alors que c’est le cas de seulement 14% de la population en Corée du Sud. Comme nous l’avons vu, le taux de mortalité augmente très rapidement avec l’âge, donc une telle différence de répartition de la population par âge contribue probablement de façon significative à la différence de taux de mortalité entre l’Italie et la Corée du Sud. Outre la distribution par âge, il existe beaucoup d’autres facteurs qui peuvent aussi contribuer aux différences de taux de mortalité entre pays, comme l’état de santé général de la population, qui dépend lui-même de facteurs comme le niveau de richesse et les comportements de la population.
Mais dans le cas de l’épidémie de coronavirus, le facteur le plus important, c’est probablement l’état du système de santé. Je pense que c’est notamment celui-ci qui explique pourquoi, même dans un pays donné, le taux de mortalité peut changer de façon très sensible. Encore une fois, il est très important de comprendre que le taux de mortalité d’un pathogène n’est pas une caractéristique intrinsèque de celui-ci, mais dépend de tout un tas de facteurs dont l’état du système de santé est sans doute le principal. Les gens demandent souvent quel est le taux de mortalité du coronavirus, comme si c’était un nombre fixe qui ne dépendait que des caractéristiques du virus, mais à strictement parler cette question n’a pas beaucoup de sens.
À l’heure actuelle, en Corée du Sud, où beaucoup plus de tests sont réalisés qu’en Occident et donc où le dénominateur est moins sous-évalué, le taux de mortalité est d’environ 0,8% d’après les données. Il est tout à fait possible que, quand les malades qui en ont besoin ont accès à un lit en soins intensifs, le taux de mortalité soit inférieur à 1%, même si selon toute vraisemblance il reste largement supérieur à celui de la grippe saisonnière dans les mêmes circonstances. Mais si tous les patients dont les symptômes sont les plus graves n’ont pas accès aux ressources dont ils ont besoin, lit en soins intensifs, respirateur, personnel avec les qualifications adéquates, etc. (comme il semble que ce soit de plus en plus le cas en Italie), alors il ne fait guère de doute que le taux de mortalité sera bien plus élevé que ça et que beaucoup de gens mourront. Ce qui m’amène à un autre point important.
Le problème avec le coronavirus n’est pas seulement le taux de mortalité, c’est aussi la vitesse à laquelle il se propage et la proportion de cas qui nécessitent une hospitalisation en soins intensifs
Comme je viens de l’expliquer, le taux de mortalité d’un pathogène dépend notamment de l’état du système de santé,  donc il peut varier à mesure que celui-ci se détériore. À cet égard, il est très important de comprendre que, dans le cas du coronavirus, le problème n’est pas seulement que, même quand le système de santé n’est pas saturé et que les patients ont accès à tous les soins dont ils ont besoin, le taux de mortalité semble être nettement supérieur à celui de la grippe saisonnière. C’est aussi que, à en juger par les données très imparfaites dont nous disposons actuellement, il semblerait que 1) le coronavirus se propage beaucoup plus facilement que la grippe saisonnière si rien n’est fait et 2) une proportion beaucoup plus importante des personnes contaminées ont des complications qui nécessitent une hospitalisation en soins intensifs.
Commençons par le second point, qui est sans doute le plus important, parce qu’on n’a pas ou peu de prise dessus. Si j’en crois le Center for Disease Control, la principale agence fédérale américaine en charge de la protection de la santé publique, entre 1% et 2% des personnes ayant contracté la grippe saisonnière doivent être hospitalisées chaque année aux États-Unis. Par ailleurs, d’après une étude néerlandaise, seuls 5% à 10% des personnes hospitalisées à cause de la grippe saisonnière ont besoin d’être admis en soins intensifs. Par conséquent, si l’on en croit ces chiffres, il semblerait que moins de 0,2% des gens qui contractent la grippe saisonnière doivent être admis en soins intensifs. En revanche, d’après le rapport de l’OMS sur l’épidémie de coronavirus en Chine, 13,8% des personnes infectées ont développé des symptômes aigus et 6,4% ont fini dans un état critique avec des symptômes tels qu’un arrêt respiratoire, un choc septique et/ou une défaillance de plusieurs organes. Ce n’est pas dit dans le rapport, mais étant donné la description des symptômes, il me paraît clair que les gens dans un état critique ont dû être admis en soins intensifs.
Grâce au gouvernement italien, qui met en ligne et tient régulièrement à jour les données sur l’épidémie dans un répertoire sur GitHub depuis le 24 février, nous disposons d’une autre source d’information à ce sujet que jusqu’à présent je n’ai vu personne utiliser. D’après ces données, pendant cette période, la proportion de gens en soins intensifs parmi les individus qui ont été diagnostiqués comme infectés par le coronavirus et qui n’étaient pas encore morts ou guéris a fluctué entre 7,7% et 8,8%. Vous pouvez visualiser l’évolution de cette proportion sur ce graphique :L’analyse des données en provenance d’Italie confirme donc les chiffres très élevés fournis par l’OMS sur la base des données chinoises et suggère même qu’une proportion encore plus grande de patients nécessitent une admission en soins intensifs.
Ainsi, d’après ces données, la proportion de personnes ayant été infectées par le coronavirus qui ont besoin d’être hospitalisés en soins intensifs est entre 30 et 60 fois plus importante que dans le cas de la grippe saisonnière et encore c’est le ratio quand on prend l’estimation haute de la proportion de personnes infectées par la grippe saisonnière qui nécessitent une admission en soins intensifs. À mon avis, c’est probablement une surestimation, car dans le cas du coronavirus le dénominateur est sous-estimé car beaucoup de gens qui ont le virus n’ont pas été testés. (Cependant, comme dans le cas de l’estimation du taux de mortalité, il y a probablement aussi un biais qui pousse dans l’autre sens, car il y a des gens qui ne sont pas encore en soins intensifs mais qui vont l’être. Mais je doute que dans ce cas il domine, car a priori il y a aussi pas mal de gens qui sortent de soins intensifs soit parce qu’ils sont morts soit parce que leur état s’est amélioré, alors que par contre depuis Jésus personne n’a ressuscité.) Mais quand bien même la proportion de personnes nécessitant une hospitalisation en soins intensifs parmi les gens qui ont été contaminés serait inférieure de moitié à ces estimations, elle resterait plus de 15 à 30 fois supérieure à cette même proportion dans le cas de la grippe saisonnière.
Par conséquent, non seulement le taux de mortalité est largement supérieur à celui de la grippe saisonnière même quand tous les malades ont accès à tous les soins dont ils ont besoin, mais de plus les personnes qui sont infectées par le coronavirus ont besoin de beaucoup plus de soins que dans le cas de cette dernière. Encore une fois, ce virus n’est pas comme la grippe, c’est une vraie saloperie à côté de laquelle la grippe a l’air d’une douce rigolade. Un virus qui envoie autant de gens en soins intensifs pourrait complètement submerger notre système de santé s’il se propageait dans la population. En Italie, où il n’y a pourtant qu’un peu plus de 12 000 cas diagnostiqués pour le moment, le système de santé est déjà au bord de l’implosion, parce que les hôpitaux n’ont pas assez de ressources pour mettre sous respirateur tous les gens qui en auraient besoin. Or, comme nous l’avons vu plus haut, le taux de mortalité dépend de l’état du système de santé et explosera si jamais celui-ci atteint un niveau de saturation qui ne permet plus d’offrir à toutes les personnes infectées les soins dont ils ont besoin. Vous comprenez peut-être maintenant pourquoi le gouvernement italien a mis le pays entier à l’arrêt… 
Compte tenu de la dangerosité du coronavirus, il est donc absolument crucial de tout faire pour ralentir la propagation de l’épidémie, dans l’espoir d’éviter ou du moins de limiter une surcharge du système de santé. Libération a publié un article avec un graphique qui illustre cette logique, dont vous avez sans doute vu au moins une version ces derniers jours :Comme ce graphique l’illustre bien, même si le nombre de personnes contaminées est le même au final, ce n’est pas du tout la même chose si elles sont toutes contaminées en l’espace d’un mois que si elles sont toutes contaminées en l’espace de 6 mois.
Non, la panique n’est pas plus dangereuse que l’épidémie, il faut arrêter de répéter ce slogan imbécile à longueur de temps
Si on veut éviter un effondrement du système de santé, il faut prendre des mesures radicales aussi vite que possible, même s’il est probablement déjà trop tard pour éviter un désastre. À l’heure où j’écris ces lignes, le président vient enfin d’annoncer la fermeture de toutes les écoles et universités jusqu’à nouvel ordre, mais il refuse toujours de reporter les élections municipales, ce qui est complètement irresponsable et même quasiment criminel. Depuis le début de cette crise et encore aujourd’hui, j’entends beaucoup de monde dire que pour l’instant très peu de gens sont morts et qu’il sera toujours temps de prendre des mesures plus radicales si la situation empire. Le problème avec ce raisonnement, c’est que dans le cas d’un phénomène qui se propage de manière exponentielle (ce qui est le cas d’une épidémie dans la phase initiale), il faut justement agir au moment où ça semble encore prématuré, parce qu’au moment où ça paraît approprié, il est déjà trop tard.
En effet, quand un phénomène croît de façon exponentielle, ça veut dire qu’il augmente à un taux constant et par conséquent de plus en plus rapidement. Une histoire connue, dont je reprends le résumé sur Wikipedia, illustre bien le phénomène :
En Inde, le roi, qui s’ennuie à la cour, demande qu’on lui invente un jeu pour le distraire. Le sage Sissa invente alors un jeu d’échecs, ce qui ravit le roi. Pour remercier Sissa, le roi lui demande de choisir sa récompense, aussi fastueuse qu’elle puisse être. Sissa choisit de demander au roi de prendre le plateau du jeu et, sur la première case, poser un grain de riz, ensuite deux sur la deuxième, puis quatre sur la troisième, et ainsi de suite, en doublant à chaque fois le nombre de grains de riz que l’on met. Le roi et la cour sont amusés par la modestie de cette demande. Mais lorsqu’on la met en œuvre, on s’aperçoit qu’il n’y a pas assez de grains de riz dans tout le royaume pour la satisfaire.
C’est exactement le même mécanisme qui est à l’oeuvre dans le cas des intérêts composés et qui explique pourquoi ils sont aussi puissants. Au bout d’un moment, une fois que suffisamment de gens ont été contaminés et ont acquis une immunité, l’épidémie cesse de croître exponentiellement. Mais dans le cas du coronavirus, si rien n’est fait pour ralentir la propagation de l’épidémie, énormément de gens seront morts avant qu’on atteigne ce point.
Si vous doutez que, à moins de prendre des mesures radicales pour ralentir la diffusion du virus dans la population, l’épidémie va croître de manière exponentielle, je vous invite à jeter un coup d’oeil à ce graphique, qui montre l’évolution de l’épidémie en France :Ce que vous voyez, c’est typique de la courbe d’une fonction qui croît de façon exponentielle, ce qu’est précisément en train de faire l’épidémie pendant que tout un tas de gens très intelligents nous expliquent qu’il ne sert à rien de paniquer et qu’on peut encore attendre avant de prendre des mesures radicales. Non, on ne peut pas attendre, si on ne le fait pas maintenant nous allons au devant d’un désastre qui n’avait pourtant rien d’inévitable au départ.
J’ai entendu pas mal de gens dire que les restrictions sur les déplacements et autres limitations à la liberté de se déplacer et de se rassembler n’étaient pas efficaces. Ça aide peut-être les gens à mieux dormir de se dire ça, mais c’est malheureusement faux et, le jour où ils seront sous assistance respiratoire, je ne pense pas qu’ils dormiront très bien. En 1918, pendant l’épidémie de grippe espagnole (qui a tué plusieurs dizaines de millions de personne à travers le monde), la ville de Saint Louis aux États-Unis a pris la décision d’interdire tous les rassemblements publics, tandis qu’à Philadelphie une parade rassemblant 200 000 personnes avait lieu parce que les autorités n’avaient pas jugé utile de l’annuler. Voici un graphique issu d’une étude sur l’effet des mesures de santé publique pendant l’épidémie qui montre le résultat dans les deux villes en termes de gravité de l’épidémie :Les dirigeants d’une de ces deux villes ont paniqué, les dirigeants de l’autre, non. Je vous laisse deviner qui est qui dans cette histoire…
Plus directement pertinent, une étude sur l’épidémie de coronavirus en Chine qui vient de paraître a conclu à l’efficacité des mesures très restrictives prises par le gouvernement chinois, qui vont bien au-delà de ce qui est fait en France, même après les annonces du président dans son allocution d’hier. L’étude conclut également que, si ces mesures avaient été prises ne serait-ce qu’une semaine plus tôt, le nombre de victimes aurait été réduit de 66%. Encore une fois, la croissance exponentielle est un phénomène contre-intuitif, mais il n’en est pas moins réel pour autant. La tendance à linéariser les phénomènes exponentiels est un biais cognitif bien connu, donc il n’est pas vraiment surprenant que la plupart des gens raisonnent de manière défectueuse quand ils parlent de cette épidémie. Malheureusement, nos biais cognitifs, le coronavirus s’en tamponne le coquillart. Je me répète, mais compte tenu de la gravité de la situation, la décision de ne pas reporter les élections municipales est complètement irresponsable. Macron va avoir des morts sur la conscience et, il a beau se réfugier derrière les experts, c’est quand même lui qui en portera la responsabilité au final.
Il est d’ailleurs incroyable que notre gouvernement se permette de donner des leçons au gouvernement italien, alors que par rapport aux Italiens, nous avons eu le privilège de pouvoir apprendre de leurs erreurs. C’est particulièrement ahurissant quand on se rappelle que, il y a encore quelques jours, Macron sortait au théâtre avec sa femme pour, si l’on en croit BFM, inciter les Français à ne pas modifier leurs habitudes en dépit de l’épidémie. Je suis désolé, mais une telle combinaison de bêtise et d’arrogance, c’est quasiment surnaturel. J’ajoute que les déclarations du gouvernement, qui suggère que nous sommes dans une situation complètement différente de l’Italie grâce à la gestion de crise pleine de sagesse des génies qui nous gouvernent, ne tient pas la route une seconde. Si vous croyez qu’on ne se dirige pas vers un scénario à l’italienne, je vous invite à jeter un coup d’oeil à ce graphique, sur lequel j’ai juste superposé les courbes du nombre de cas en France et en Italie, en décalant la courbe italienne de 8 jours :À moins d’un miracle, le scénario italien est exactement ce qui nous attend, nous avons juste quelques jours de retard sur nos voisins transalpins. Notez au passage que, en dépit des mesures radicales qu’a prises le gouvernement italien plus tôt dans la semaine, le nombre de cas continue d’augmenter de façon exponentielle. Je ne pense pas que ça signifie que ces mesures sont inefficaces, c’est juste qu’avec la période d’incubation, les cas diagnostiqués aujourd’hui résultent d’une infection qui s’est produite il y a plusieurs jours et qu’il va donc falloir un peu de temps avant que le ralentissement de l’épidémie apparaisse dans les statistiques.
Si nous avons un peu de retard sur l’Italie, ce n’est certainement pas dû à la gestion de notre gouvernement, mais sans doute tout simplement à la chance. Peut-être que, pour une raison ou pour une autre n’ayant rien à voir avec les décisions du gouvernement, il y avait plus d’Italiens que de Français dans la province de Hubei où l’épidémie a éclaté, qu’un Italien qui a été contaminé très tôt sans développer de symptômes a ensuite traversé le nord de l’Italie en long en large et en travers pendant 2 semaines, en participant à des rassemblements à chaque fois, etc. Quoi qu’il en soit, je vois mal comment ça pourrait être dû aux mesures du gouvernement, qui n’a rien fait de plus et semble même avoir fait moins que le gouvernement italien pour ralentir l’épidémie. D’ailleurs, par rapport à l’état d’avancement de l’épidémie, la décision de fermer les écoles et universités que vient d’annoncer Macron intervient même légèrement plus tard que la même décision du gouvernement italien. En effet, celui-ci avait pris cette décision le 4 mars, quand l’Italie ne comptait que 322 cas diagnostiqués, contre 2 876 aujourd’hui en France et encore bien plus au moment où la décision du président entrera en vigueur au début de la semaine prochaine.
À cet égard, la comparaison avec ce qu’ont fait les gouvernements de plusieurs pays asiatiques, comme la Corée du Sud ou Taiwan, est particulièrement accablante pour nous. Les dirigeants de ces pays ont en effet pris le problème très sérieusement presque immédiatement et ont investi massivement dans les capacités de dépistage du coronavirus, ce qui leur a permis de tester énormément de gens rapidement et de mettre en place des procédures d’isolement des personnes infectées et des gens avec qui ils avaient en contact, de sorte qu’aujourd’hui l’épidémie n’a toujours pas décollé à Taiwan, comme on le voit sur ce graphique :Le cas de Taiwan est vraiment remarquable, car en dépit des échanges avec la Chine, le nombre de cas progresse linéairement à un rythme très lent.
En Corée du Sud, alors que l’épidémie progressait de manière exponentielle jusqu’à récemment, elle semble en passe d’être sous contrôle depuis quelques jours, puisqu’on y compte plus qu’entre 100 et 200 nouveaux cas par jour depuis le 8 mars :Les dirigeants de ces pays ont paniqué il y a longtemps et, du coup, ils n’ont plus besoin de paniquer maintenant. En ce qui nous concerne, dans les pays occidentaux, c’est exactement l’inverse. On ne peut pas changer le passé, mais on peut prendre des mesures radicales aujourd’hui pour limiter les dégâts, comme reporter les élections municipales.
Malheureusement, même si le gouvernement avait pris la mesure du problème (ce qui n’est manifestement toujours pas le cas), je pense qu’il est déjà trop tard pour éviter un désastre. En effet, comme nos capacités de dépistage sont encore très limitées et que nous testons beaucoup trop peu de monde, les chiffres qui sont communiqués chaque jour ne représentent que la partie émergée de l’iceberg et le véritable nombre de cas est sans doute beaucoup plus important. L’expérience chinoise est assez instructive à cet égard, comme le graphique suivant, issu d’un article publié le 24 février, l’illustre de façon assez saisissante :Ce que ce graphique montre, c’est que dans la phase initiale de l’épidémie et tant que celle-ci n’a pas été contenue, le nombre de cas diagnostiqués est une sous-estimation gigantesque du nombre réel de cas. Les barres en gris représentent le nombre de nouveaux cas par date d’infection, tandis que les barres en orange représentent le nombre de nouveaux cas par date de diagnostic.
Comme l’explique l’auteur de cet article, dont je me suis en partie inspiré mais qui couvre plus de choses que moi et dont je vous recommande fortement la lecture, si on additionne les barres en gris jusqu’au 22 janvier inclus, on arrive à environ 12 000 cas. C’est le nombre réel de cas d’infection par le coronavirus qu’il y avait en Chine à cette date. Mais si on additionne les barres en orange jusqu’à cette même date, on arrive à 444 cas. Autrement dit, le 22 janvier, il y avait en réalité 27 fois plus de cas que ce que pensait le gouvernement chinois. Si la même chose vaut pour la France aujourd’hui, à l’heure où d’après les chiffres officiels il y a 2 876 cas diagnostiqués, on arrive à un nombre réel de cas de presque 80 000. Mais soyons optimistes et faisons l’hypothèse qu’en réalité le nombre réel de cas est inférieur de moitié à ce chiffre, soit environ 40 000, parce que peut-être que la France a quand même plus et/ou mieux testé que la Chine. Si 5% de ces gens finissent par devoir être admis en soins intensifs, ce qui comme nous l’avons vu plus haut n’a rien de fantaisiste et est peut-être même optimiste, il nous faudra bientôt presque 2 000 lits en soins intensifs rien que pour eux.
Pour vous donner une idée de l’étendue du désastre qui nous attend, il n’y a apparemment que 5 500 lits en soins intensifs dans toute la France, dont la plupart sont probablement déjà occupés parce qu’il n’y a pas que le coronavirus qui envoie les gens en soins intensifs. Autrement dit, rien qu’avec les cas qui existent déjà à l’heure actuelle même si la plupart n’ont pas encore été diagnostiqués, les besoins en lits en soins intensifs représentent plus du tiers de notre capacité. Mais ce n’est pas tout ! Comme le gouvernement tarde à prendre des mesures radicales et refuse notamment de reporter les élections municipales, ces 40 000 cas — dans l’hypothèse optimiste que j’ai faite plus haut — vont continuer à se multiplier de manière exponentielle ou quasi-exponentielle jusqu’à ce que cette marmite de merde qui bout depuis un moment sans qu’on s’en rende compte nous pète à la gueule et que le gouvernement se décide à prendre le problème sérieusement parce qu’il n’aura plus le choix. Sauf qu’à ce moment-là il sera trop tard. Est-ce que je vous ai dit que c’était débile de prétendre que la panique était plus dangereuse que l’épidémie ?
Conclusion
J’aimerais vraiment avoir tort, mais j’ai beau retourner ça dans tous les sens, même quand je fais des hypothèses encore plus optimistes que celles que j’ai utilisées pour les besoins de mon argumentation dans cet article, j’arrive à la même conclusion, à savoir que — pour dire les choses un peu crument — nous sommes baisés. Dans 2 semaines tout au plus, mais probablement bien avant ça, le système de santé français sera totalement submergé. Les hôpitaux seront obligés de faire du triage pour réserver les lits en soins intensifs aux gens qui ont plus de chance de survivre, comme dans les hôpitaux de campagne au cours d’une guerre et comme apparemment ont déjà commencé de faire les hôpitaux en Italie. À ce moment-là, le gouvernement sera obligé de restreindre les libertés individuelles de façon bien plus drastique et bien plus durable que s’il avait anticipé et pris des mesures suffisamment fortes plus tôt, ce qui provoquera une contraction de l’économie encore plus importante que celle qui se serait produite dans tous les cas.
Puisque j’évoque l’impact économique, je veux préciser que je ne fais pas partie des gens qui pensent que la santé des gens est incommensurable avec les conséquences économiques des mesures de protection de la santé publique, qu’une vie humaine n’a pas de prix, etc. En pratique, quand on gouverne, on est obligé de mettre un prix sur les pertes en vie humaine. Après tout, une récession détruit aussi des vies, même si d’une façon différente. Personne de sensé ne peut vraiment penser que, dès lors que ça peut sauver des vies, il faut être prêt à payer n’importe quel prix économique, aussi élevé soit-il. C’est d’ailleurs facile à démontrer par l’absurde. Supposez que des extra-terrestres particulièrement vicieux nous rendent visite et nous soumettent le choix suivant : nous pouvons soit être ramenés au stade de développement économique de l’Europe en l’an mille, soit accepter qu’ils tuent une personne choisie au hasard pour éviter ce sort. Est-ce que vous pensez vraiment que nous aurions l’obligation morale de choisir la première option ? I don’t think so.
La question de savoir comment on doit arbitrer entre le souci de la santé publique et les conséquences économiques des mesures qu’on pourrait mettre en place pour protéger cette dernière est loin d’être évidente. Elle suppose qu’on règle tout un tas de questions empiriques et philosophiques extrêmement compliquées. Mais elle suppose d’abord et avant tout que les gens aient une vision réaliste du danger qui plane sur nous et, compte tenu des discussions que j’ai depuis quelque temps sur le coronavirus et de ce que je vois dans les médias, je crois que ce n’est clairement pas le cas et que les gens, y compris les élites, sous-estiment totalement le problème que pose cette épidémie. Si je pensais que les gens ne sous-estimaient pas la gravité de la situation et qu’à côté de ça ils appréciaient à leur juste valeur les conséquences d’une crise économique sur le bien-être des gens, je n’aurais pas écrit cet article, mais ce n’est pas le cas et à l’heure actuelle je ne crois pas du tout que le danger soit que nous prenions des mesures trop drastiques au regard du risque sanitaire qui vont couler l’économie sans que ce soit justifié par le nombre de vies sauvées.
J’entends souvent dire que, comme le taux de mortalité n’est finalement pas aussi élevé que ça, cette épidémie n’est pas si grave que ça. Souvent les gens ajoutent que, depuis le début de l’hiver, la grippe saisonnière a déjà tué beaucoup plus de gens que le coronavirus. C’est vrai mais c’est parce qu’encore beaucoup plus de gens ont été contaminés ! Si 50% de la population venait à être infectée par le coronavirus, même avec un taux de mortalité de 1%, ça fait environ 330 000 morts. Pour vous donner une idée de ce que ça représente, c’est plus que le nombre de morts pendant la bataille de Verdun, Français et Allemands combinés ! De plus, comme nous l’avons vu, à moins qu’on ne parvienne à ralentir considérablement la propagation de l’épidémie, il y a d’excellentes raisons de penser que le taux de mortalité sera beaucoup plus élevé que ça. J’entends également souvent les gens dire que ce n’est pas très grave, puisque l’immense majorité des victimes seront des vieux. Mais outre le fait que, si l’épidémie se propage, un nombre très important de victimes seront relativement jeunes, les vieux ne sont pas des chiens ! Personnellement, mes parents ont plus de 60 ans et, même s’ils me gonflent parfois, j’y suis quand même attaché et j’aimerais autant les garder pendant aussi longtemps que possible.
Peut-être que, en dépit de ce que beaucoup de spécialistes semblent penser, le virus est quand même sensible à la météo et que nous serons finalement sauvés par l’arrivée du printemps. Mais il me paraît complètement irrationnel de continuer à se complaire dans les discours lénifiants qui fleurissent depuis janvier sur cette épidémie et de parier que ce sera le cas, parce que si on se trompe, nous serons confrontés à une catastrophe sanitaire et économique sans précédent. Si l’arrivée du printemps nous sauve, ce que j’espère de tout coeur, je suis sûr que les gens qui tiennent aujourd’hui les discours lénifiants en question se vanteront d’avoir eu raison et d’avoir su ne pas céder à la panique, contrairement à tous les gens irrationnels comme moi qui demandaient des mesures plus radicales contre l’épidémie. Mais en vérité, si ça arrive, ils seront à peu près aussi rationnels que quelqu’un qui, ayant survécu à une partie de roulette russe, explique qu’il a bien fait de parier 100€ qu’il n’y avait pas de balle devant le percuteur et que tous les gens qui lui disaient qu’il était fou avaient tort… On ne peut tout simplement pas se permettre de laisser le virus se répandre comme la grippe saisonnière, parce que si c’est le cas, des centaines de milliers de personnes mourront.
Je pense que le gouvernement devrait reporter les élections municipales, qui risquent de contribuer massivement à la propagation de l’épidémie, mais aussi qu’il devrait prendre dès à présent les mesures prises cette semaine par l’Italie et sans doute même aller plus loin encore, parce que de toute façon il sera obligé de les prendre bientôt et que les conséquences économiques de son inaction seront d’autant plus graves qu’il aura davantage attendu. Mais la lutte contre l’épidémie ne dépend pas que du gouvernement, elle dépend aussi des comportements de la population. En plus de se laver les mains fréquemment, de tousser dans leur coude et d’arrêter de se saluer en se faisant la bise ou en se serrant les mains, les gens devraient limiter au maximum leurs déplacements, rester chez eux dans la mesure du possible, arrêter de se réunir avec leurs amis, de sortir dans les bars, etc. Le coronavirus n’est pas un terroriste, il n’en a rien à foutre que vous modifiez vos habitudes ou pas, donc vous ne remporterez aucune victoire morale en continuant à vivre comme si de rien n’était.
Personnellement, je devais me rendre en Irlande pour la Saint Patrick la semaine prochaine, mais je vais annuler mon voyage. Ça va me coûter plusieurs centaines d’euros, car j’avais déjà payé le vol et l’hôtel, mais je pense qu’au point où nous en sommes il serait immoral d’y aller. Certes, il est sans doute peu probable que je sois contaminé, mais je ne peux pas en être sûr. De plus, même si je ne suis pas encore porteur du virus, compte tenu du monde qu’il y aura sans doute à Dublin en dépit de l’annulation des festivités, je risque de l’attraper là-bas et contribuer à sa propagation à la fois en Irlande et en France après mon retour. Cet exemple tout ce qu’il y a de plus anodin résume d’ailleurs assez bien le problème. Pour le moment, sauf circonstances très particulières, il est encore très improbable qu’un individu en particulier soit contaminé. Mais si tout le monde fait le raisonnement que, comme il n’est probablement pas contaminé, il ne sert à rien de modifier ses comportements pour contribuer à lutter contre l’épidémie, celle-ci va continuer à se propager et nous serons bientôt confrontés à une catastrophe. C’est un cas typique de problème d’action collective. N’écoutez pas les gens qui disent qu’il ne faut pas paniquer : il est au contraire grand temps de paniquer.
AJOUT : Comme ce point semble causer pas mal de confusion, je devrais préciser que, quand je parle de lits en soins intensifs, je ne parle évidemment pas seulement ou même principalement des lits eux-mêmes, mais aussi et surtout de l’équipement et du personnel pour s’occuper des patients sur les lits. J’imagine que, dans le cas des lits proprement dits, il ne serait pas très difficile d’en augmenter le nombre, mais ça ne servirait à rien si on ne peut pas aussi augmenter le nombre de respirateurs et d’infirmiers/docteurs formés à s’occuper de patients en soins intensifs. Or, dans le cas du personnel et de l’équipement, je doute qu’il soit facile d’augmenter rapidement la capacité. En tout cas ce n’est pas ce que suggère l’expérience italienne.
Comme on m’a aussi reproché ça, j’en profite également pour préciser que, quand je dis qu’il est temps de paniquer, je ne veux évidemment pas dire qu’il faut déchirer ses vêtements et courir dans la rue en poussant des hurlements. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut accepter de prendre des mesures radicales dès maintenant, au lieu de craindre que celles-ci fassent plus de mal que de bien à cause de la panique. De toute façon, si on laisse l’épidémie se propager et que le nombre de morts augmente rapidement (ce qui va se produire de toute façon mais qui sera d’autant plus vrai qu’on attendra plus longtemps pour prendre des mesures suffisamment drastiques), la panique finira quand même par s’installer et elle aura des conséquences encore plus négatives.
AUTRE AJOUT : Je viens de lire un thread sur Twitter expliquant que, d’après les données sur l’âge des personnes infectées dans plusieurs pays trouvées par l’auteur, par rapport à l’Allemagne et la Corée du Sud, une proportion bien plus importante des cas diagnostiqués en Italie étaient des personnes âgées. Comme je l’ai expliqué plus haut, le taux de mortalité est beaucoup plus élevé chez les personnes âgées, donc cette différence est probablement ce qui explique pourquoi le taux de mortalité est nettement plus élevé en Italie qu’en Corée du Sud et en Allemagne. C’est plutôt une mauvaise nouvelle, car même si, comme je l’ai noté plus haut, la Corée du Sud a une population plus jeune que l’Italie, ce n’est pas le cas de l’Allemagne et, même dans le cas de la Corée du Sud, la différence est loin d’être assez grande pour expliquer l’écart observé dans ces données. Il est beaucoup plus probable que ce soit parce que, par le hasard des canaux de transmission de l’épidémie dans ces différents pays, celle-ci a davantage épargné les personnes âgées dans un premier temps en Allemagne et en Corée du Sud par rapport à l’Italie.
Dans le cas de la Corée du Sud, il semblerait que ce soit parce qu’une proportion très importante des personnes affectées font partie d’une secte qui a apparemment joué un rôle majeur dans la transmission de l’épidémie dans ce pays et dont les membres sont relativement jeunes. Comme je l’ai noté plus haut, l’épidémie semble sous contrôle en Corée du Sud, donc à moins que ça change je n’attends pas d’augmentation importante du nombre de morts là-bas. En revanche, si cette hypothèse est exacte, comme l’épidémie semble continuer à se propager rapidement en Allemagne, il faut s’attendre à ce que le nombre de morts se mettent à augmenter bientôt, car dès lors que l’épidémie se propage il n’y a aucune raison de penser qu’elle épargnera les personnes âgées. Merkel elle-même a annoncé que le gouvernement allemand projetait que 60% à 70% des Allemands finiraient par être infectés, ce qui signifie qu’un grand nombre de gens vont probablement mourir en Allemagne. Ça veut aussi dire que, même quand le système de santé n’est pas saturé et que les malades ont accès à tous les soins dont ils ont besoin, le taux de mortalité pourrait bien être supérieur à 1%.

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