Égypte : cette frange des Frères musulmans qui a basculé dans la violence (08.09.2017)
Pierre Vermeren : «La priorité des Frères musulmans, l'Europe» (07.07.2017)
L'UOIF classée « organisation terroriste » par les Emirats arabes unis (18.11.2014)
Égypte :
cette frange des Frères musulmans qui a basculé dans la violence (08.09.2017)
Par Jenna
Le Bras
Mis à jour le 08/09/2017 à 21h11 | Publié le 08/09/2017 à 18h37
Placée sur la liste des organisations terroristes depuis
2015, la confrérie des Frères musulmans, qui prônait jadis la résistance
pacifique, tend à se radicaliser.
Face à la violence d'État, la confrérie doit faire face à
ses dilemmes d'autrefois: alors que la vieille garde réaffirme son principe de
non-violence, une minorité de ses membres choisit la résistance armée. Un
visage encadré d'un voile blanc, des lunettes de soleil qui glissent sur son
nez perlé de sueur, Fatma * souffle à l'énoncé de la question:
connaissez-vous des Frères ayant choisi la lutte armée? «On en connaît tous
mais ils ne l'admettront jamais, ils ont trop à perdre», lâche-t-elle.
«L'utilisation de la violence par les Frères est une
caractéristique clé de la réévaluation forcée de leurs méthodes dans le nouveau
contexte égyptien»
Mokhtar Awad, spécialiste de l'extrémisme à George
Washington University
À ses côtés, Ibrahim tend son téléphone où apparaît le
selfie de deux jeunes hommes. 17 et 18 ans. Des voisins. Bras-dessus,
bras-dessous, ils ressemblent à de banals ados. «Ils ont été tués. On les
soupçonnait depuis un moment de participer à des actions violentes. C'est aussi
une réalité, on a des militants extrêmes dans nos rangs.»
Depuis décembre 2015, la confrérie est officiellement placée
sur la liste des organisations terroristes par l'Égypte. Une accusation portée
de longue date par le régime et les anti-islamistes face à un groupe qui a
toujours eu un rapport ambigu à la lutte armée. «L'utilisation
de la violence par les Frères est une caractéristique clé de la réévaluation
forcée de leurs méthodes dans le nouveau contexte égyptien», note Mokhtar
Awad, spécialiste de l'extrémisme à George Washington University. Le chercheur
rappelle que «le groupe avait abandonné la violence dans les années 1970 car
elle était devenue non nécessaire. Mais si celle-ci n'est pas centrale chez les
Frères musulmans qui privilégient une stratégie sociale et politique, le groupe
n'a jamais été totalement pacifiste non plus.»
Un changement de discours important
Si les leaders historiques s'en tiennent à un discours de
résistance pacifique, les soupçons d'une scission au sein des Frères ont été
confirmés avec les prises de positions de Mohamed Mountasser, nouveau
porte-parole de la «jeunesse Frère». Si les communiqués publiés par Mohamed
Mountasser n'appellent pas directement à la violence, ses «incitations à la
résistance» élusives constituent un changement de discours important.
L'encouragement à célébrer l'appel de Kenana - appelant ouvertement à la
violence contre l'État égyptien - par la nouvelle forte tête de la confrérie a
même forcé Mohamed Ghozlan, porte-parole du leadership traditionnel, a rejeté
publiquement cette position.
Pour les spécialistes, ces éléments prouvent qu'au moins une
faction de la confrérie se laisse tenter par cette approche de la résistance
«avec des éléments probants prouvant leur attache à des groupes terroristes
actifs tels que Hasm ou Liwa el-Thawra», note Ahmed Youssef, analyste pour le
Cairo Institute for Human Rights Studies.
Il est pourtant trompeur d'imaginer que la minorité de
Frères musulmans tentés par la lutte armée rejoigne en masse les rangs de
l'État islamique. Ils sont plus enclins à ouvrir de nouveaux fronts dans la
capitale et ses environs menés par ce qu'ils appellent des «comités
d'opérations spéciales» et à chercher une aide logistique extérieure, notamment
auprès de la brigade Qasm, à Gaza. Si ces groupes sont d'ailleurs présentés
comme des émanations des Frères, rien ne prouve qu'ils en soient le bras armé
pur. Ils sont plus probablement un mélange d'anciens Frères, de salafistes
révolutionnaires mais aussi de militants non affiliés qui agissent par pure
vengeance. Mais cet extrémisme n'en est pas moins inquiétant, met en garde
Mokhtar Awad : «ils sont bien moins meurtriers que l'État islamique mais ont la
capacité de mobiliser en puisant dans le réservoir important de la jeunesse
islamiste en colère.»
La rédaction vous conseille :
Karli : C’est une erreur que de diviser les musulmans en 2 catégories, les intégristes violents, qui seraient une petite minorité, et les musulmans modérés. L’Islam est plus complexe que celà. Je pense à 3 catégories avec toutes les nuances et zones qui se recoupent. Il y a effectivement a) les intégristes violents, une toute petite minorité qui commet ou soutiens les attentats, et qui veulent une société islamique sans place pour ce qui n’est pas musulman. Il y a aussi une grande proportion de b) musulmans modérés, pacifiques, qui acceptent vraiment les lois de la République, ne posent pas de problèmes et sont tolérants. Mais il y a une catégorie intermédiaires pour la quelle je n’ai pas de terme précis : il s’agit de c) musulmans, non violents, respectant aussi les lois de la République, mais qui pensent de manière intégriste et qui veulent aussi une société islamique. Ils réprouvent la violence car ils estiment que de toute manière le temps et la démographie leur donnera raison à long terme et leur permettra d’établir une société islamique à la place de la société occidentale. La catégorie c) a souvent une bonne formation professionnelle et de bons revenus et constitue en fait une proportion importante de ceux que l’on considère à tort comme soi disant modérés, ils sont le vivier d’où sort la catégorie a). De part son pourcentage important, la catégorie c) est en fait plus dangereuse que la catégorie a) sur le long terme.
L'UOIF trop proche des frères musulmans.
Pierre Vermeren : «La priorité des Frères musulmans, l'Europe» (07.07.2017)
Pour Pierre Vermeren, «depuis Sayyed el Qotb, l'objectif de la confrérie est de détruire les régimes à leurs yeux faussement musulmans pour imposer le règne direct de Dieu sur terre».
Publié le 07/07/2017 à 17h49
TRIBUNE - En pleine déconfiture dans le monde arabe, les Frères musulmans concentrent leurs efforts sur l'Europe avec le soutien des pouvoirs publics turcs, explique l'historien.
Le Centre français du culte musulman (CFCM) est une instance associative créée en 2003 sous l'égide du ministère de l'Intérieur, instance qui représente le culte musulman de France, le régit dans ses différents aspects et constitue l'interlocuteur collectif des pouvoirs publics. En dépit de ses limites, cette organisation est très importante depuis quelques années. De facto, un partage à l'amiable de la présidence du CFCM s'est opéré, à tour de rôle, entre ce qu'il convient d'appeler les représentants de l'islam algérien et de l'islam marocain de France, les deux États n'étant jamais très éloignés des scrutins et des mosquées.
Cela a provoqué le courroux de plusieurs composantes du CFCM, notamment les Frères musulmans de l'UOIF, qui ont parfois boycotté les élections de l'instance. Dans le cadre de la présidence tournante du CFCM, l'arrivée à la présidence le 1er juillet 2017 d'Ahmet Ogras, un représentant de l'islam turc minoritaire, permet aux Frères musulmans de revenir par la grande porte de manière tout à fait inattendue.