dimanche 10 septembre 2017

Actualité islamisme et politique 09.09.2017

J.-M. Blanquer: « Beaucoup de choses contre-productives ont été entreprises au nom de l’égalité »



 - 8 septembre 2017 11:00

La journaliste Natacha Polony et le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer. Photos: Hannah Assouline

Pour sa première rentrée, nous avons voulu confronter Jean-Michel Blanquer à l’une des observatrices les plus pertinentes de l’école et du monde enseignant. Apprentissage de la lecture, autonomie des établissements, restauration de l’autorité des profs, le ministre et la journaliste sont loin d’être d’accord sur tout, mais partagent un même constat: l’école est délabrée, et ce n’est pas en perpétuant les errements égalitaristes du passé qu’on la reconstruira.


Si on en juge au bruit médiatique, c’est au collège que se manifestent les plus grandes difficultés. Ne faudrait-il pas revenir sur le collège unique ?  

<p « >N. P.: Non, ce n’est pas le plus urgent ! Le vrai maillon faible, c’est le primaire, parce que quand on a 25 % des élèves qui entrent en sixième en grande difficulté, le collège n’est qu’une conséquence. Le collège unique n’est pas la cause de nos problèmes, car la massification du primaire a précédé son instauration, en 1975. Le problème, c’est que l’effondrement des méthodes d’apprentissage au primaire, au moment même où on organisait la massification, a fait s’effondrer le niveau de tous les élèves.


J.-M. B. : Évidemment, ce sont les premières années qui sont absolument décisives, y compris, d’ailleurs, les années qui précèdent l’école. On le sait grâce aux sciences cognitives, l’école maternelle, le CP et le CE1 sont très importants. Si vous n’avez pas appris vos tables de multiplication à l’école élémentaire, vous ne posséderez jamais réellement les automatismes qui vous permettraient d’avancer sur d’autres questions mathématiques.

Il y a un terme qui résume peut-être le virage pédagogique que vous appelez l’un et l’autre de vos vœux – même si vous n’en avez pas strictement la même conception –, c’est « autorité ». Or, c’est d’abord la restauration de celle-ci que demandent de nombreux parents.  Curieusement vous n’avez pas prononcé ce mot.

J.-M. B. : Je l’ai fait, et longuement, ce matin même, devant les recteurs ! La notion d’autorité est fondamentale. D’un point de vue pédagogique, l’autorité du professeur est liée à son savoir. Elle n’est en rien synonyme d’un bâton pour taper, mais est, au contraire, le signal d’une volonté d’élever les enfants vers l’âge adulte. L’autorité doit donc d’abord être la conséquence naturelle d’une passion du savoir, des personnes comme des institutions. Par ailleurs, il faut aussi rétablir l’autorité au regard du comportement des élèves. Cela ne se fera pas en un jour, mais des grands principes sont déjà affirmés. J’ai évoqué cette question devant des chefs d’établissement de l’académie d’Orléans-Tours en leur disant : « Dans certains établissements, on ne fait pas de conseils de discipline parce qu’on pense qu’un faible nombre de conseils de discipline sera un indicateur de bonne santé de l’établissement. Mais nous savons très bien que c’est faux ! Il ne faut pas agir sur le thermomètre, mais sur la réalité. Vous ne serez pas jugés positivement ou négativement par le nombre de conseils de discipline. Il faut aller en conseil de discipline chaque fois qu’un fait le mérite. » Ma philosophie est claire sur ce point : la force doit toujours être du côté du droit, le monde des adultes doit être soudé vis-à-vis des enfants et des adolescents. Il est vrai que nous avons à reprendre la pelote assez loin, mais cela a commencé de façon parfaitement claire.

N. P. : Je souscris totalement à votre propos liminaire, à savoir que l’autorité du professeur découle de son savoir. Ce qui nécessite de porter une attention immense à la formation des professeurs, parce que c’est seulement par leur savoir qu’ils pourront en imposer aux élèves et, comme vous le dîtes, les tirer vers le haut. Mais à ce stade, il nous faut revenir aux missions de l’école. Qu’attendons-nous d’elle ? Et à quoi cela sert-il qu’il y ait des professeurs ? Pendant des années, on a laissé se développer l’idée que l’école était là d’abord pour répondre à la demande des parents et de la société d’une future insertion professionnelle et, ensuite, pour permettre à des jeunes gens de s’épanouir et de développer leur être. C’est une erreur fondamentale qui vide de sa substance le rôle du professeur. Rappelons que dans l’école républicaine, le professeur est là pour transmettre des savoirs considérés comme universels et qui vont émanciper les élèves, c’est-à-dire fabriquer des hommes libres. C’est cela le projet de l’école républicaine, fabriquer des hommes libres, des citoyens capables d’exercer leur rôle sans être aliénés par leur absence de savoir.

Nous devons avoir une unité nationale par l’école (Jean-Michel Blanquer)

Jean-Michel Blanquer, Natacha Polony amène cette question fondamentale : ne faut-il pas choisir entre la transmission des humanités et la formation des futurs salariés – sachant que, pour le moment, on échoue sur les deux fronts ?

J.-M. B. : Je suis d’accord avec la fin du raisonnement de Natacha Polony, mais pas forcément avec toutes ses prémisses. En effet, l’école doit permettre de former des hommes et des femmes libres grâce à l’éducation. C’est presque une définition de l’être humain, parce que celui-ci évolue en tant qu’être humain grâce à l’éducation, par l’interaction avec les autres, et cette éducation, effectivement, l’amène vers la liberté. Définir l’éducation comme un chemin vers la liberté, non la liberté consumériste, mais la liberté construite, pensée, est un enjeu pédagogique essentiel. Cela dit, l’école doit aussi être attentive au fait que tous les êtres humains sont différents et que, a fortiori au xxie siècle, on doit se garder de toute logique d’uniformisation. Car l’uniformisation des approches ne marche pas et aggrave même les inégalités que nous constatons aujourd’hui. Voilà pourquoi, dans ce cadre républicain consistant à mener vers la liberté, je suis convaincu que nous devons personnaliser les parcours. Certains parcours vont être particulièrement longs et mener à des études générales ; d’autres, plus courts, mèneront à l’enseignement professionnel. Il serait absurde, s’agissant de l’enseignement professionnel, de considérer qu’il doit être déconnecté de la vie économique ! Au contraire, je compte bien renforcer les liens entre ces deux mondes. D’une manière plus globale, je ne place ni muraille ni toboggan entre l’école et le monde extérieur, mais des articulations.

Ce qui nous amène à l’autonomie des établissements à laquelle, monsieur le ministre, vous êtes favorable. Natacha Polony, cet encouragement donné au terrain vous semble-t-il de nature à lutter contre les maux que nous avons évoqués ?   

N. P. : L’autonomie est un très beau mot quand il désigne le projet de donner aux individus et à la société la possibilité de déployer leurs potentialités. Qu’il faille retrouver une dynamique qui naît souvent de la confiance laissée aux acteurs (pour peu qu’ils soient correctement formés), pourquoi pas. Mais l’autonomie, dans l’état actuel de la formation des chefs d’établissement, principalement gestionnaires et adeptes des lubies pédagogiques flatteuses qui permettent d’organiser des belles expositions de « photos-reportages sur le développement durable », peut être ravageuse. Le bon professeur n’est pas celui qui « travaille en équipe » et qui monte des « projets ». Le but actuel de l’autonomie est essentiellement d’économiser des heures de cours en rognant sur les horaires consacrés à l’apprentissage strict des disciplines. C’était la logique de la réforme du lycée de Darcos et de Chatel, c’était la logique de la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem. Droite et gauche s’entendent très bien là-dessus.

J-M B. : Vous caricaturez un peu et pratiquez le soupçon. L’autonomie, c’est la liberté. Et la liberté, c’est la République. Nous devons avoir une unité nationale par l’école. Mais cela ne passe pas par l’uniformisation de chaque aspect de l’école. Cela passe par une ambition éducative qui tire tout le monde vers le haut. Et pour cela, il faut de la différenciation et une capacité de soutien adaptée à chaque cas. On ne doit pas avoir peur de l’autonomie. Mais c’est vrai que l’on doit la concevoir de façon à ce qu’il n’y ait ni anarchie ni creusement des inégalités. Je suis convaincu que l’on peut aller vers l’égalité par la liberté.

Il ne faut ni le « tout numérique » ni le « zéro numérique » (Jean-Michel Blanquer)

Concrètement, comment articuler l’école avec le marché du travail sans renoncer à la transmission des humanités ?

J-M. B : Jusqu’à l’âge de la fin du collège, je considère justement que ce qui doit être transmis, ce sont les « humanités », entendues dans un sens large et éventuellement renouvelées, parce que ce sont à la fois les humanités au sens classique – auxquelles je tiens énormément –, mais aussi les « humanités numériques ». Savoir comment un monde de plus en plus technologique peut rester un monde humain est la question majeure de notre temps. Nous devons y répondre par un jeu d’équilibre entre, d’une part, les enjeux d’enracinement, de transmission des savoirs, des humanités classiques et, d’autre part, les enjeux d’adaptation, de compréhension de notre époque et de maîtrise des technologies, de façon à les utiliser dans un sens positif.

N. P.: L’ennui, c’est que ces humanités auxquelles vous vous dites attaché sont aujourd’hui instrumentalisées au service d’une évaluation des « compétences » des élèves. Si l’on considère que les savoirs valent par eux-mêmes, parce qu’ils libèrent l’homme, alors on a forcément un problème avec l’importation de la notion de « compétence » dans l’éducation. Quand vous disiez tout à l’heure que notre école était trop franco-française, ce n’est pas vrai, elle est en train de s’adapter à ce modèle international profondément utilitariste !

J.-M. B. : J’ai dit que les débats étaient très franco-français, pas l’école !

N. P. : Justement, il y a une doxa mondiale profondément utilitariste qui instrumentalise les savoirs afin d’en faire un outil permettant à chaque individu de développer son capital de « compétences ». C’est ce qui rend d’ailleurs complètement inopérante la transmission des savoirs, lesquels ne sont plus enseignés pour eux-mêmes. La question de la technologie vient ensuite se greffer dessus : puisqu’on a des visées purement utilitaristes, on éprouve le besoin de s’adapter totalement à la supposée modernité. On fait donc entrer les technologies modernes dans l’école à grands coups de subventions étatiques ou régionales – chacun voulant des tablettes pour ses collégiens –, au lieu de donner aux élèves la capacité, par les savoirs, d’ensuite utiliser ses outils. Il suffit de lire les dernières enquêtes Pisa sur l’usage des technologies pour s’apercevoir que les pays qui sont les plus performants dans ce classement sont justement ceux où les élèves utilisent le moins internet et les ordinateurs, aussi bien à l’école que chez eux !

J.-M. B : Sur la question du numérique, le mot-clé est « discernement ». Il ne faut ni le « tout numérique » ni le « zéro numérique ». Je distingue les âges de la vie. Comme vous l’avez écrit, de zéro à sept ans, les écrans peuvent être tout à fait nocifs. Cependant, faut-il ignorer les révolutions majeures qui se produisent sous nos yeux, notamment dans les domaines de la robotique et de l’intelligence artificielle ? Aujourd’hui, des robots interviennent devant des enfants autistes et jouent un rôle-clé pour le développement de leur sociabilité. Donc, on doit bien se garder, au nom d’une pensée républicaine, qui est la mienne, de basculer dans une pensée antimoderne, qui exclurait le numérique au nom des dangers bien réels qu’il recèle.

N’y a-t-il pas, tout de même, au sein de l’Éducation nationale une fétichisation du numérique et des écrans ?

N. P. : Qui coûte très cher et qui permet d’enrichir les Gafa ! D’autant que l’Éducation nationale vient de faire entrer le loup dans la bergerie en autorisant les outils proposés par Apple et Google, qui vont tuer les acteurs français du numérique scolaire et dont le but est à la fois de récolter des données et de se préparer un vivier de futurs consommateurs. Déjà, Najat Vallaud-Belkacem avait consenti un contrat de 11 millions d’euros à Microsoft…

J.-M. B. : Vous avez largement raison, mais ce n’est pas une fatalité ! Il serait absurde que cela nous amène à ne pas avoir de politique numérique à l’école. La liberté dont vous parlez se conquiert progressivement, aussi ce qui se passe à l’école primaire doit-il être différent de ce qui se passe au collège et au lycée. Le numérique doit jouer un rôle important dans le secondaire, mais un rôle pensé, construit ; ne serait-ce que pour que nos élèves soient outillés pour la civilisation numérique dans laquelle nous entrons.

Le désastre est réversible. Mais il faudra du temps. (Natacha Polony)

Le chaos créé par le logiciel Admission post-bac (APB), qui a laissé des milliers de bacheliers sans affectation à l’université, a surtout été commenté sur le plan technique. Au fond, ce bug a révélé l’hypocrisie d’un système qui prétend que 90 % d’une classe d’âge peut entrer à l’université : les bonnes formations étant sélectives, ne faut-il pas enfin instaurer une sélection à l’entrée de l’université ?

N. P. : Il faut acter la mort du baccalauréat telle qu’il existait quand il sélectionnait et en faire un diplôme de fin d’études qui ne donne donc plus droit à l’entrée dans n’importe quelle filière. Cela laisserait aux universités le soin de sélectionner leurs élèves en fonction de prérequis, en définissant ce qu’il faut savoir quand on entre dans telle ou telle formation.

J.-M. B. : Sans aller jusque-là, nous allons lancer une réforme du baccalauréat qui portera pleinement ses effets en juin 2021 et dont l’état d’esprit est de remuscler ce diplôme, de lui redonner son plein sens, notamment en réduisant le nombre de matières à l’écrit, celles-ci étant plus approfondies par les élèves.

Ce qui signifie qu’on reviendra à des taux de réussite plus modestes ?

J.-M. B. : En tout cas, la sincérité de la correction caractérisera les temps futurs. L’objectif est que les élèves soient le mieux préparés possible pour la nouvelle forme de cet examen.

Le rôle de l’école, vous l’avez dit, n’est pas seulement de transmettre des savoirs, mais de les transmettre à tous, ou en tout cas de donner à tous les moyens de les acquérir. Comment accomplir cette promesse d’égalité sans sombrer dans l’égalitarisme que vous dénoncez l’un et l’autre et qui a – vous l’avez souligné – produit encore plus d’inégalités ?

J.-M. B. : Nous sommes dans cette situation d’inégalité, car beaucoup de choses contre-productives ont été entreprises au nom de l’égalité. Nous devons avoir confiance dans la capacité de tout enfant à progresser grâce à l’éducation. Mais si nous voulons que les enfants issus des milieux défavorisés puissent développer leur excellence sans discrimination, il est indispensable d’avoir de l’ambition pour eux. Or, trop souvent, une fausse bienveillance a conduit à tirer le système vers le bas, pour ne pas les discriminer.

N. P. : J’ai le souvenir d’une discussion avec l’ancien patron de la FSU, Gérard Aschieri. Alors que je critiquais l’uniformisation des parcours scolaires et le tabou du redoublement, il me fit cette réponse : « Vous avez une conception individuelle de la réussite, nous, nous avons une conception collective. » Or, il me semble que l’individu et la société doivent être pensés en même temps. On s’est imaginé qu’il ne fallait surtout pas valoriser l’excellence et la volonté individuelle de s’en sortir des enfants, c’était une grave erreur. On a fait prévaloir pendant des années le dogme de l’hétérogénéité des classes : il fallait mélanger les élèves de niveaux différents pour tirer vers le haut les élèves en difficulté. Or, ce qui est valable quand les différences de niveau sont minimes ne l’est plus quand certains élèves de collège ou de lycée sont à la limite de l’illettrisme. Ce faisant, on a fait fuir de certains établissements les classes moyennes, dont les parents pensaient que leurs enfants seraient dans de mauvaises conditions pour apprendre. Et l’on a sacrifié les meilleurs élèves de milieux défavorisés en les condamnant à rester dans des classes où il devenait impossible d’apprendre. La seule solution, ce sont des classes de niveau, ou du moins des filières d’excellence dans chaque établissement. Certains, comme l’ancienne ministre, s’imaginent que cela ne profitera qu’aux riches. Comme s’il était impensable qu’un pauvre puisse réussir dans une filière d’excellence. Ils confondent mixité sociale et mixité scolaire, et croient qu’il faut mélanger les niveaux scolaires pour mélanger les classes sociales. C’est au contraire en valorisant l’excellence, le dépassement de soi chez tous les élèves qu’on maintiendra les classes moyennes dans le public et qu’on permettra aux meilleurs des milieux défavorisés d’être tirés vers le haut.

Ne traitons pas les enfants comme des demeurés qui seraient traumatisés par la moindre mauvaise note. Au contraire, il faut leur montrer qu’il y a des difficultés et, du coup, les valoriser quand ils ont travaillé. La plupart aspirent à cette émulation, car la dignité humaine passe par la fierté d’être allé au bout de soi-même.

Donc, le désastre est réversible ?

J.-M. B. : Bien sûr !

N. P. : Oui, sans doute. Mais il faudra du temps. Et beaucoup de détermination.


N. Polony: « Aujourd’hui, un enfant de pauvre n’a aucune chance de réussir à l’école » (07.09.2017)
Jean-Michel Blanquer et Natacha Polony débattent sur l'Ecole (1/2)
par
 - 7 septembre 2017 11:00

Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, et la journaliste Natacha Polony. Photo: Hannah Assouline

Pour sa première rentrée, nous avons voulu confronter Jean-Michel Blanquer à l’une des observatrices les plus pertinentes de l’école et du monde enseignant. Apprentissage de la lecture, autonomie des établissements, restauration de l’autorité des profs, le ministre et la journaliste sont loin d’être d’accord sur tout, mais partagent un même constat: l’école est délabrée, et ce n’est pas en perpétuant les errements égalitaristes du passé qu’on la reconstruira.


Causeur : Natacha Polony, Jean-Michel Blanquer jouit d’un préjugé favorable dans les milieux que l’on disait autrefois « républicains » et que l’on qualifie aujourd’hui, pour les décrier, de « réacs ». Partagez-vous ce préjugé globalement favorable à l’égard du nouveau ministre ?

Natacha Polony : Jean-Michel Blanquer, par-delà les divergences que nous pouvons avoir, a de mon point de vue l’immense mérite d’avoir, tout au long de sa carrière, mis en avant la question des méthodes d’enseignement, qui est absolument cruciale. Monsieur le ministre, vous faites partie des rares qui comprennent l’enjeu que constituent les techniques d’apprentissage de la lecture et des mathématiques, ce qui explique que votre nomination ait ravi une bonne part des gens qui s’y intéressent depuis des années.

La première mission de l’école est de transmettre des savoirs et des valeurs (J.-M. Blanquer)

Il faut lever une confusion sémantique. Dans la querelle de l’école, les adversaires des républicains ont été baptisés « pédagogistes » (ou « pédagos »), ce qui donne l’impression que les uns veulent s’occuper des savoirs et les autres des méthodes.

N. P. : Une partie du problème de l’école tient précisément au fait que le mot « pédagogie » a été préempté par les tenants d’une certaine ligne pédagogique, qui ont réussi à faire croire que tous les autres se fichaient complètement de la façon de faire passer les savoirs. Or, en particulier, à l’école primaire, enseigner est un métier qui relève de savoir-faire extrêmement complexes qui sont aujourd’hui totalement détruits. Et l’un des chantiers essentiels sera la reconstruction du métier d’instituteur.

Monsieur le ministre, pour l’électorat conservateur, qui craint que le progressisme macronien soit une liquidation, vous représentez une lueur d’espoir. En êtes-vous conscient et avez-vous des assurances quant au soutien du président ?

Jean-Michel Blanquer : Si j’espère mériter le compliment que me fait Natacha Polony, je ne me situe pas dans une logique de séduction d’une famille politique particulière. Du reste, la définition des familles et des clivages est aujourd’hui piégée. Vous reconnaîtrez que le clivage entre « républicains » et « pédagos » que vous décrivez est un peu manichéen et qu’il ne rend pas compte de toutes les discussions liées à la pédagogie, sujet fort complexe. De ce point de vue, l’élection d’Emmanuel Macron a le grand mérite de renouveler notre approche des frontières du débat public et des clivages politiques, y compris en matière éducative. Il y a aussi un trait de sa personnalité qui devrait vous séduire : c’est un intellectuel, un homme politique qui a réellement une pensée charpentée. Je me sens extrêmement à l’aise avec cette double dimension. Pour moi, l’école est consubstantielle à la République. Sa première mission est de transmettre des savoirs et des valeurs. Cela doit unir et non diviser.

Nous avons désormais le système le plus inégalitaire de l’OCDE (N. Polony)

Tout de même, il y a bien, sur l’école, deux points de vue parfaitement antagonistes. D’un côté, ceux que Renaud Camus appelait les « niveaumontistes » et qui, s’ils ne défendent tout de même plus l’idée que le niveau monte, s’efforcent de camoufler la maladie en truquant les thermomètres ; de l’autre ceux qui pensent (on est tenté de dire « qui voient ») que l’école républicaine est en faillite et que tout est à reconstruire. Allez-vous faire une révolution Rue de Grenelle ?

J.-M. B. : Mon but n’est pas de révolutionner l’école, mais plutôt d’opérer un changement de méthode afin de la faire évoluer vers plus de réussite. Et ce n’est pas qu’une question de loi. En effet, le problème du système français, je l’ai souvent constaté, est de s’intéresser aux dispositifs, aux tuyaux, aux techniques ; et pas nécessairement aux contenus, au substantiel. C’est typiquement le cas de la formation des professeurs. On a imaginé depuis la création des IUFM (aujourd’hui les Espé) des structures qui sont tout à fait pertinentes dans leurs grands principes ; car il faut en effet former des professeurs, parce que c’est un métier nécessitant des concepts théoriques et, comme l’a souligné Natacha Polony, un savoir-faire pratique. Mais on s’est peu soucié de ce qui s’y passait vraiment, sans éclairer tout cela par la science, alors même que l’Éducation nationale est l’institution du savoir par excellence. Elle devrait rechercher l’excellence pratique, c’est-à-dire ce qui marche bien sur le terrain !

Avant de discuter des solutions, il faut s’accorder sur la réalité, donc s’attaquer à la difficile question du niveau. C’est une chose de sentir que « le niveau baisse », une autre de le démontrer. Alors, a-t-on raison de parler de désastre ?

N. P. : On peut résumer ce constat par une vérité mise en avant par les enquêtes Pisa : nous avons désormais le système le plus inégalitaire de l’OCDE, ce qui n’était pas vrai autrefois. Aujourd’hui, un enfant de pauvre n’a aucune chance de réussir à l’école. Ce constat-là, tous les politiques devraient se le répéter le matin et se demander le soir ce qu’ils ont fait pour y remédier ! Quant au niveau, pendant des années, on nous a expliqué que le niveau montait – tant et si bien qu’on n’avait pas le droit de le nier. Il y avait même des chiffres du ministère qui prétendaient le prouver ! En admettant que l’on s’accorde sur le fait d’une baisse, voire d’un effondrement, il faudrait l’expliquer. Pourquoi des élèves français, confrontés à des tests internationaux, si imparfaits soient-ils, puisqu’ils regardent avant tout des compétences et non pas des savoirs, se situent-ils dans le ventre mou et de plus en plus bas au fil des années ? Si on lit Le Monde, on pense que c’est à cause du système français monstrueusement élitiste. Voilà pourquoi seul un petit nombre s’en sort. En réalité, le groupe restreint des excellents élèves reste à peu près stable, les très mauvais élèves le sont de plus en plus et le groupe moyen est en train de plonger. On peut donc poser l’hypothèse qu’un petit nombre d’excellents élèves s’en sortira toujours, grâce à des facteurs extérieurs à l’école : quand celle-ci ne fait pas son travail, la famille, l’entourage, la culture personnelle compensent. En revanche, pour tous les autres, rien ne vient compenser cette incapacité de l’école à transmettre des savoirs stables, cohérents et progressifs. Du coup, tous sont tirés vers le bas, en particulier ces élèves moyens qui représentent la très grande majorité et qui sont aussi, du point de vue sociologique, les enfants de la classe moyenne.

Si j’avais tellement peur de fâcher des gens, cela se verrait (J.-M. Blanquer)

Jean-Michel Blanquer, sur la question du niveau, partagez-vous le constat de Natacha Polony ?
J.-M. B. : La France est en effet dans cette moyenne basse que vous avez évoquée. La situation est plutôt celle d’une lente, mais réelle dégradation de la maîtrise de deux savoirs fondamentaux deux matières fondamentales : le français et les mathématiques. C’est désormais un constat partagé, mais il ne faut pas non plus noircir le trait, car c’est une moyenne qui reflète une très grande diversité de situations ; le système français est devenu extrêmement hétérogène, avec des élèves qui vont bien et des élèves qui vont mal. Il y a même des établissements qui vont bien et des établissements qui vont mal. Certains établissements qui sont dans des situations comparables sur les plans géographique, social et culturel ne connaissent pas du tout les mêmes résultats, selon les alchimies humaines à l’œuvre ; preuve que le facteur humain est décisif en matière d’éducation. La géographie de la France révèle une grande hétérogénéité, avec une France de l’Ouest qui, aujourd’hui, va bien sur le plan scolaire et ne connaît pas forcément la même dégradation que d’autres parties du pays.

La France de l’Ouest a globalement échappé aux vagues d’immigration massive qui ont accru l’hétérogénéité des élèves. La question migratoire n’est pas sans incidences sur la question éducative.

J.-M. B. : Il y a beaucoup de facteurs extrascolaires qui ont des conséquences pour l’école. Mais je pense d’abord à la relation entre la famille et l’école, car la réussite d’un élève exige qu’il existe une convergence des valeurs entre les parents et l’école. La maîtrise de l’écrit est aussi un problème. De ce point de vue, il y a une nette dégradation que l’Éducation nationale mesure à travers une dictée que l’on fait tous les dix ans. Sur cette question fondamentale de la maîtrise du langage écrit ou oral, on doit donc faire preuve d’un volontarisme plus fort que celui qui pouvait exister il y a dix, vingt ou trente ans. L’école doit rechercher des effets de compensation pour pallier les difficultés de la société et rétablir l’égalité des chances. D’où l’importance de la mesure que l’on prend en cours préparatoire (CP) en réseau d’éducation prioritaire, avec la division de l’effectif des classes par deux. Là où il y a le plus de fragilité sociale, il y a le plus de fragilité pédagogique. Cela ne pose pas seulement la question des méthodes d’enseignement, mais aussi celle du manque de stabilité et d’expérience du personnel affecté dans les lieux les plus fragiles.

Mais aucune expérience ne prépare à faire cours la peur au ventre !

N. P. : La violence, les insultes sont le produit de toutes ces années où les enfants n’apprennent pas à devenir des élèves, à respecter les règles, à accepter l’autorité et où le retard accumulé les prive de toute possibilité de comprendre ce qu’ils font là. On paye au collège ce qui n’a pas été fait en maternelle et au primaire parce que l’institution, la société et certains professeurs ont fini par accepter l’inacceptable. Même dans les établissements réputés faciles, professeur est un métier difficile. Il faudrait s’intéresser à la façon dont l’État les traite. Et surtout qu’il commence par les rémunérer correctement et par les valoriser.

J.-M. B. : Je me définis volontiers comme un ministre des professeurs. Plus largement, depuis que je suis arrivé au ministère, j’utilise l’expression « école de la confiance ». Votre façon de poser les questions peut être clivante ; or, sur les questions d’éducation, cliver est contre-productif. Les pays dont le système éducatif se porte bien sont ceux qui réussissent à créer une forme d’unité nationale autour de leur école. C’était encore le cas en France il y a quelques décennies.

Il y a beaucoup de décennies, alors ! Parmi les nombreuses forces qui ont conspiré à camoufler le désastre en cours sous des taux de réussite au bac faramineux, obtenus grâce à une notation volontairement laxiste, ce ministère est depuis longtemps en première ligne !

J.-M. B. : Je refuse qu’on mette les problèmes sous le tapis. Mais je refuse aussi d’entretenir les querelles, aussi pertinentes soient-elles intellectuellement ! En réalité, si l’on mène le travail d’explication nécessaire, 90 % des Français sont capables d’adhérer à un socle de grands principes de fonctionnement de l’école.

N. P. : Que, dans votre position, il soit essentiel de ne pas cliver, on peut l’entendre. Quand cette recherche du consensus devient un empêchement à l’action, cela commence à poser problème. Prenons l’exemple de l’apprentissage du français au CP : aujourd’hui encore, de jeunes professeurs comprennent progressivement que les méthodes qu’ils utilisent ne fonctionnent pas. Ils font donc des recherches et découvrent – ô surprise ! – que des enseignants utilisent une méthode strictement syllabique et non pas des méthodes mixtes ou semi-globales, comme 95 % des méthodes aujourd’hui. Ces jeunes professeurs expérimentent, comparent, s’aperçoivent que la méthode syllabique marche mieux et, le jour où ils sont inspectés, ils se font saquer et on les oblige à revenir à d’autres méthodes ! J’ai encore eu des témoignages en ce sens cette année. Alors, s’il faut cliver pour avancer, tant pis ! Étant donnée la force d’inertie considérable de toute une partie de l’Éducation nationale, l’important, c’est de savoir ce que l’on veut faire et de s’y tenir.

J.-M. B. : Comme vous le savez, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes sur ces questions, en particulier sur l’apprentissage de la lecture. Je ferai tout ce qui permet le progrès des enfants.
N. P. : En ce cas, il vous faudra accepter de fâcher pas mal de gens…

J.-M. B. : Si j’avais tellement peur de fâcher des gens, cela se verrait !

N. P. : Vous avez été choisi par Emmanuel Macron qui explique qu’on ne peut pas changer la France avec les mêmes personnes. Mais vous gardez à des postes de responsabilité des gens qui étaient en place sous Najat Vallaud-Belkacem, en particulier les membres du Conseil supérieur des programmes et son président qui ont inventé ou validé les pires aberrations. Le « prédicat » (notion dont l’introduction à l’école primaire a pour seul objet de reculer encore l’apprentissage de l’analyse grammaticale précise) est toujours d’actualité – et le prédicat n’est qu’un symbole. Le nerf de la guerre pédagogique, ce sont les contenus, les savoirs, qu’il s’agit de transmettre.

Précisons que Florence Robine, la directrice générale de l’enseignement scolaire de Najat Vallaud-Belkacem, a déjà été appelée à d’autres fonctions. Pour conclure la question de Natacha Polony, avez-vous l’intention, monsieur le ministre, de limoger le président du Conseil supérieur des programmes ? Qui est-ce, d’ailleurs ?

N. P. : Le célèbre Michel Lussault, notamment connu pour avoir présidé à la confection de programmes aux intitulés délicieusement orwelliens, « Aller de soi et de l’ici vers l’autre et l’ailleurs »« Rechercher le gain d’un duel médié par une balle ou un volant », et avoir conclu que « la grammaire n’est pas un dieu ».

J.-M. B. : Je ne vais évidemment pas me prononcer sur la personne, mais il importe de ne pas se faire une image fantasmatique de ce ministère. C’est une communauté humaine qui a la caractéristique d’être très vaste – un million de personnes, si l’on parle du personnel, dont 850 000 professeurs. Cela pose des problèmes de taille, mais il ne faut jamais la fantasmer comme le fameux « mammouth » que Claude Allègre avait fustigé.

Donc, la cogestion du ministère par les syndicats et un certain nombre de milieux, pour le coup « pédagogistes », est un fantasme ? Vous auriez le champ plus libre que nombre de vos prédécesseurs qui disent s’être heurtés à la résistance syndicale ?

J.-M. B. : Non, mais c’est la même chose que pour les clivages. En forçant le trait, on devient contre-productif et on s’interdit d’apporter des réponses aux problèmes, bien réels, que par ailleurs on signale. Autrement dit, cette maison, et c’est un message d’optimisme, est tout à fait capable de se transformer. Les esprits sont mûrs pour cela. Là où l’équation se complique, c’est que, d’un côté, les gens en ont assez des réformes annoncées à grands coups de trompettes, des nouvelles lois, des changements de programme, etc., et tout le monde réclame que l’on en finisse avec ces grands coups de barre. Mais, d’un autre côté, tout le monde pense, comme vous, que ça ne va pas et qu’il faut que ça change. Si l’on admet que ces deux propositions sont parfaitement valables, la question se pose : comment fait-on pour transformer sans casser ? Et l’une des réponses, qui anticipe peut-être sur la suite de notre discussion, est qu’il faut donner de la liberté aux acteurs, donc de la confiance. Et je pense en premier lieu aux professeurs, aux instituteurs que vous évoquiez. Ce sont eux qui sont sur le terrain, en prise avec le réel, et qui peuvent donner des réponses adaptées aux situations qu’ils rencontrent, avec bien sûr le soutien et la clarté pédagogique de l’institution. Dans cette perspective de prise en compte du réel, je regrette que la France s’enferme dans une approche franco-française de ces questions. Je crois au contraire qu’il est bon de faire des comparaisons internationales. Plutôt que de se jeter des invectives au visage, regardons ce qui marche, chez nous ou ailleurs. Il faut par exemple se demander pourquoi l’apprentissage des mathématiques en France est bien moins performant qu’à Singapour.

Peut-être parce que nous ne sommes pas singapouriens !

J.-M. B. : Non, parce que je crois que les mathématiques ont un caractère assez universel. Si je vous montre le manuel de Singapour, vous vous y reconnaîtrez. C’est un exemple d’une pédagogie explicite, progressive, simple, qui produit des effets : Singapour est en tête de tous les classements dans ce domaine. Il serait regrettable de se priver de leurs connaissances.


Joe Arpaio, l'impitoyable shérif anti-immigration (08.09.2017)



Publié le 08/09/2017 à 09h00

PORTRAIT - Il se considère comme «le shérif le plus dur d'Amérique», en raison de son zèle pour traquer les clandestins dans son comté de Maricopa, dans l'Arizona. Condamné en juillet dernier, à 85 ans, pour ses méthodes peu orthodoxes, il vient d'être gracié et vise désormais le Sénat.

L'aube se levait sur cette banlieue nord de Phoenix, quand une escouade de voitures de police déboula soudain, en cet automne 2010. En quelques minutes, une vingtaine de policiers en sortirent pour investir une entreprise de production d'emballages et y appréhender des ouvriers clandestins. Au milieu d'eux se tenait le vieux Joe Arpaio, large visage, bedaine en avant. Visiblement avide de publicité, il se précipita vers les micros des rares journalistes présents. «Les autres s'indignent, moi j'agis», lança le shérif anti-immigration illégale le plus controversé d'Amérique, heureux d'assumer sa réputation de «flic le plus impitoyable du pays». «J'espère que vous n'allez pas vous laisser gagner par le poison politiquement correct de vos confrères», ajouta-t-il, expliquant que ses hommes avaient arrêté cinq ouvriers en situation irrégulière sur les onze présents dans l'entreprise. Il souligna qu'ils avaient volé des cartes de sécurité sociale. «Usurpation d'identité, c'est grave. On devrait me donner une décoration pour avoir libéré des places au profit des travailleurs américains, au lieu de m'accuser de racisme», ajouta le shérif, goguenard.

Condamné par un juge fédéral, mais gracié par Trump

Pendant vingt-quatre ans, son bagou de cow-boy paternaliste prêt à «protéger les honnêtes gens» et arrêter sans relâche les clandestins dans un Etat d'Arizona en proie à une immigration illégale massive, ont valu à Joe Arpaio d'être régulièrement réélu avec des scores écrasants à son poste de shérif du comté de Maricopa, malgré ses méthodes provocatrices. Partisan de la fermeté, volontiers populiste et mégalo, ce fils d'immigrés italiens qui arborait sur ses cravates des épingles en forme de colt, avait créé dans le désert de Phoenix une prison à ciel ouvert, où les prisonniers dormaient sous de simples bâches par une canicule de 45 à 50 °C, parce qu'il ne voulait pas qu'ils aient «de meilleures conditions de vie que les soldats américains en Irak, qui risquent leur vie et n'ont pas enfreint la loi». Arpaio forçait aussi les détenus à porter des caleçons roses, pour les décourager de récidiver. «Je sais qu'ils détestent le rose mais je ne suis pas là pour leur faire plaisir. Mon but est de tout faire pour qu'ils n'aient pas envie de se retrouver en taule à nouveau» se défendait-il, hilare. Un comportement qui lui avait créé une armée de fans dans le monde rude de l'Ouest américain ; mais aussi des ennemis de plus en plus nombreux au Parti démocrate et dans les rangs de la minorité hispanique, qui l'accusait de délit de faciès.

Décrié, traîné en justice maintes fois, Arpaio a longtemps paru insubmersible, à la manière d'un Donald Trump, malgré toutes ses casseroles. A l'été 2015, il devenait d'ailleurs l'un des premiers à soutenir la candidature présidentielle du turbulent milliardaire, sillonnant le pays pour son compte, tandis que le candidat républicain envoyait son avion privé pour faire transporter et soigner la femme de son ami shérif, atteinte d'un cancer. Trump a «bon cœur», nous confiait Arpaio en juillet 2016, avant d'intervenir devant la convention d'investiture républicaine de Cleveland, pour le soutenir. Les deux hommes étaient faits pour s'entendre. Rebelles, durs au mal, pourfendeurs du politiquement correct, se moquant des us d'une classe politique washingtonienne perçue comme une bande de dégonflés. Mais, alors que Donald Trump raflait la présidence en novembre 2016, Joe Arpaio échouait à se faire réélire à un septième mandat, la communauté hispanique se mobilisant massivement pour le faire chuter. Condamné par un juge fédéral qui l'a déclaré coupable d'avoir ignoré maintes décisions judiciaires l'enjoignant de cesser ses raids contre les illégaux, Arpaio risquait jusqu'à 6 mois de prison, mais il a été sauvé in extremis par son ami, qui a décidé de le gracier fin août malgré un torrent de critiques. «Joe Arpaio est un patriote qui croit aux frontières et a été injustement sali par ses ennemis lors d'une campagne vicieuse», a justifié Trump. Requinqué, le shérif de 85 ans vient de confier au Washington Examiner qu'il rêvait de se présenter… au Sénat.

Laure Mandeville  67 abonnés   Suivre  Journaliste

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L'Irlande du nord sous très haute tension (08.09.2017)


Par Cyril Hofstein et Stephen DockPublié le 08/09/2017 à 09h00

REPORTAGE - Alors que le doute plane sur le rétablissement d'une frontière physique, conséquence du Brexit, entre la République d'Irlande, membre de l'UE, et l'Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, la société nord-irlandaise craint un retour des tensions entre catholiques et protestants.
Une bouteille de bière vient d'éclater en mille morceaux. Puis d'autres volent à leur tour, jonchant le sol de débris multicolores. Hilares, les gamins qui montent la garde autour de l'immense bonfire, un bûcher traditionnel érigé sur un terrain vague du quartier protestant de Tiger Bay, à Belfast, la capitale d'Irlande du Nord, au Royaume-Uni, s'en donnent à cœur joie. Nous sommes le 11 juillet. Le jour qui précède l'anniversaire de la bataille de la Boyne en 1690, au cours de laquelle le souverain protestant Guillaume d'Orange a vaincu son rival catholique le roi Jacques II. À la veille des grandes parades orangistes qui défilent dans toutes les villes du Nord au son entêtant des fifres et des tambours. Dans les bastions unionistes, ce soir, des dizaines de bonfires vont illuminer la nuit, commémorant les feux allumés il y a plus de trois cents ans sur les plages des comtés d'Antrim et de Down pour guider les navires des partisans de Guillaume dans les eaux dangereuses de la passe de Belfast.

Sur un terrain vague dans une enclave loyaliste près de Sandy Row, des jeunes empilent les dernières palettes de leur «bonfire», un bûcher commémoratif traditionnel. - Crédits photo : Stephen Dock
Malgré l'interdiction faite par les autorités municipales de construire des bûchers démesurés, les jeunes de Tiger Bay ont réalisé le leur comme ils l'ont toujours fait. Érigé à l'aide de centaines de palettes de bois et haut d'une quinzaine de mètres, il est plus petit que celui, gigantesque, élevé par Sandy Row, territoire loyaliste historique situé à proximité immédiate du centre-ville. Mais qu'importe, la tradition est respectée. Comme souvent, ils ont planté à son sommet le drapeau de la République d'Irlande, celui de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), le fanion du Celtic Glasgow, un club de football écossais catholique, et les portraits de membres locaux du Sinn Féin, le parti républicain et la deuxième force politique du pays. Autant de symboles haïs de génération en génération qui seront bientôt la proie des flammes.

«On ne peut rien faire ni rien dire. La consigne est de ne pas se montrer trop laxiste et de ne pas intervenir trop vite. Le sujet est sensible»
Un officier du Service de police d'Irlande du Nord (PSNI)

Dans les rues de la ville, policiers et pompiers sont sur les dents. Ce matin, à Carrickfergus, dans le comté d'Antrim, un immense bonfire a été allumé trop tôt à moins de 200 mètres d'une station-service, mobilisant plusieurs véhicules de secours des brigades anti-incendie et attirant de nombreux journalistes et représentants politiques de tout bord. «C'est bien mieux que Noël, lance un ado qui tire nerveusement sur sa cigarette. Ce soir, la ville va s'embraser.»«On ne peut rien faire ni rien dire, soupire un officier du Service de police d'Irlande du Nord (PSNI). La consigne est de ne pas se montrer trop laxiste et de ne pas intervenir trop vite. Le sujet est sensible. Manifestations traditionnelles destinées à marquer le territoire, ces feux sont aussi éminemment culturels et politiques. Nous nous bornons seulement à éviter les débordements et les provocations des extrémistes, quelles que soient leurs origines

La question identitaire omniprésente

Malgré les polémiques qui reviennent régulièrement, cette période demeure un des temps forts de l'année pour tous les loyalistes d'Ulster et d'Écosse qui, depuis deux jours, ne cessent d'arriver par cars entiers dans les hôtels du centre-ville. Souvent venus en famille, la plupart d'entre eux font partie de l'ordre d'Orange. Demain, ils en arboreront fièrement l'étole couverte d'insignes et de badges indiquant leur degré d'initiation dans cette société fraternelle dont les fondements reposent sur la religion et la fidélité à la monarchie britannique. Fort de dizaines de milliers de membres, fondé en 1795 par des protestants soucieux de défendre leurs prérogatives religieuses et économiques, l'ordre est resté un monde à part. Plus ouvert au dialogue que par le passé, il pèse toujours très lourd sur les institutions d'Irlande du Nord, et aucune négociation ne se fait sans lui.

Les violences interconfessionnelles fratricides ont fait 3 500 morts

En attendant, dans la fumée grasse des barbecues, sous les innombrables drapeaux - Union Jack, croix de Saint-George, main rouge de l'Ulster ou croix de Saint-André - qui pavoisent le quartier, Tiger Bay trinque en l'honneur des soldats et des volontaires morts pour défendre Dieu et le roi dans toutes les guerres menées par la Couronne, sur son propre sol comme ailleurs, en Afrique, en Inde ou dans la Somme en 1916. On lève son verre aux enfants, nombreux, qui jouent un peu partout, aux femmes et aux familles. Les seuls vrais remparts contre le chômage, la pauvreté et le sentiment d'abandon qui minent le quartier. Puis on boit à la santé des paramilitaires qui ont affronté l'Armée républicaine irlandaise (IRA) et défendu la population protestante pendant les «Troubles» ces années noires qui, du milieu des années 1960 à la fin des années 1990, ont ensanglanté l'Ulster. Des violences interconfessionnelles fratricides qui ont fait 3 500 morts.

En plein cœur de Belfast, la parade du 12 Juillet rassemble des milliers de sympathisants orangistes et attire des spectateurs venus de tout le Royaume-Uni. - Crédits photo : Stephen Dock

Les toasts s'enchaînent. L'atmosphère est bon enfant. Puis, tout doucement, les esprits s'échauffent. On évoque sans détours ceux d'en face, dont on se méfie toujours sans vraiment savoir pourquoi. Même si la plupart reconnaissent du bout des lèvres que la discrimination et l'injustice dont les catholiques ont longtemps fait l'objet ont largement contribué à faire éclater la guerre civile, beaucoup pensent aujourd'hui qu'à force de faire des compromis, ce sont les protestants qui sont devenus les vrais perdants. Ce n'est pas vraiment de la haine. Il n'y a ni colère ni rage. Seulement une vieille habitude et une peur panique de disparaître. Car plus personne ici ne croit encore que seule la religion peut expliquer ce qui s'est passé. Mais la question identitaire demeure omniprésente.

Presque à tous les coins de rue, des fresques - les fameux murals que les touristes viennent admirer sans vraiment les comprendre - viennent rappeler l'histoire et saluent ceux qui sont tombés pour la cause. Catholiques nationalistes et unionistes comptent encore leurs morts et honorent leur mémoire. Leurs visages sont partout. Il est impossible de les éviter. Sentinelles d'une époque passée, ils gardent les entrées des quartiers et défendent les routes d'accès de part et d'autre des hauts murs surmontés de fils barbelés, les peace lines («murs de la paix») qui séparent encore les secteurs catholiques républicains, anciens fiefs de l'IRA (essentiellement Falls Road à l'ouest, ainsi qu'Ardoyne au nord et Short Strand à l'est), et protestants unionistes (surtout la zone nord dont Shankill Road, ainsi que Sandy Row et Ormeau Road au sud). «Beaucoup de gens ici souffrent d'une forme particulière de stress post-traumatique, explique un travailleur social. Même si les plus jeunes n'ont pas vécu directement l'époque des “Troubles”, la mémoire de cette période terrible imprègne profondément les communautés. Les histoires de meurtres et de vengeance font partie du quotidien, au point d'avoir donné naissance à un monde paradoxal où les mêmes récits tournent en boucle. On agite toujours les mêmes peurs ou les mêmes espoirs: l'improbable réunification de l'île, le retour des violences ou la fuite en avant des plus extrémistes. Alors qu'en réalité, tout le monde ne veut qu'une seule chose: la paix. La paix absolue et durable.»

À Londonderry, la seconde ville d'Irlande du Nord, les blessures du Bloody Sunday sont toujours à vif. - Crédits photo : Stephen Dock

Dans le quartier catholique de Falls Road, sous les néons du pub bondé The Felons, à l'ouest de la ville, le seul sujet qui préoccupe aujourd'hui ce lieu symbolique de la culture républicaine, c'est comment va se dérouler le prochain match des Celtic contre l'équipe rivale de Linfield. Une rencontre à haut risque entre un club traditionnellement catholique et une équipe majoritairement soutenue par les loyalistes qui doit se jouer le 14 juillet à Windsor Park. Mais les visages sont fermés et personne n'est dupe. Le foot n'est qu'une façon détournée de parler de la journée de demain et des mauvais souvenirs que les parades rappellent à certains. En 2015, 24 personnes avaient été blessées lors d'une marche orangiste lorsque des manifestants protestants, arborant le drapeau britannique de l'Union Jack et revêtus des principaux symboles loyalistes, avaient affronté les forces de l'ordre lorsqu'ils s'étaient vu interdire l'accès du quartier catholique et traditionnellement républicain d'Ardoyne.

Incertitude autour du Brexit

L'atmosphère est aussi très tendue car l'avenir est plus que jamais incertain. Depuis le vote du 23 juin 2016, par lequel 51,89 % des électeurs britanniques se sont prononcés pour un retrait de leur pays de l'Union européenne, l'Irlande du Nord vit un moment particulièrement difficile. Dans l'impasse politique depuis la chute, au mois de janvier dernier, du précédent gouvernement autonome associant républicains du Sinn Féin et unionistes du DUP, comme l'exige l'accord de paix conclu en 1998 ayant mis fin à trente ans de violences, la province ne sait toujours pas comment répondre à l'incertitude qui pèse sur les conséquences du Brexit.

«Le retour de postes de douane marquerait le retour physique et brutal de divisions historiques et d'erreurs politiques»
Leo Varadkar, le premier ministre irlandais

En principe, selon le porte-parole de la Première ministre Theresa May, la liberté de circulation entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne prendra fin en mars 2019, dès que Londres aura effectivement quitté l'Union européenne. Mais, si aucune «frontière physique» ne devrait être rétablie entre l'Irlande, membre de l'UE, et le Royaume-Uni, le plus grand flou règne. En arguant que les futurs accords douaniers permettront une libre circulation des marchandises, le gouvernement britannique a beau promettre une délimitation «sans infrastructure frontalière physique ni poste-frontière», la question reste sans réponse précise et rappelle un passé douloureux pour cette région toujours hantée par la division. «De fait, le retour d'une frontière entre les deux Irlande risquerait de provoquer un choc pour ces deux économies particulièrement imbriquées qui échangent aujourd'hui sans entraves, assure un observateur du gouvernement irlandais en poste à Belfast. De l'avis de tous les partis politiques d'Ulster et de l'ensemble des acteurs économiques de la région, le rétablissement d'une séparation physique risquerait aussi de fragiliser tout ce qui a été fait depuis la signature de l'accord du Vendredi saint et pourrait provoquer un regain de violence entre les communautés. C'est l'avenir même du processus de paix qui est en jeu aujourd'hui.» À Dublin, le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a déclaré qu'il ne pouvait pas imaginer autre chose que de «bâtir des ponts et non des frontières» entre son pays et l'Irlande du Nord. «Le Brexit risque sérieusement de creuser un fossé entre l'Irlande du Nord et l'Irlande, ainsi qu'entre la Grande-Bretagne et l'Irlande, et je ne peux imaginer qui en bénéficiera, a-t-il ajouté. Le retour de postes de douane marquerait le retour physique et brutal de divisions historiques et d'erreurs politiques.»

Comme un symbole de la fragilité de l'accord de paix signé le 10 avril 1998, une poignée de militants républicains continuent de défiler en tenue paramilitaire lors de certaines commémorations. - Crédits photo : Stephen Dock

Même si l'Ulster a voté contre la sortie de l'Europe à 55, 8 %, beaucoup, parmi les classes populaires loyalistes, croient assister à «une renaissance de la société britannique» et espèrent ainsi «ne pas subir les vagues de migrants qui entrent en Europe et qui viennent d'Afrique ou du Moyen-Orient». Mais aucun d'entre eux ne sait comment le Royaume-Uni va pouvoir remplacer les dizaines de millions d'euros d'aide à la province d'Irlande du Nord versés par l'Union européenne depuis les accords de 1998. Tout en assurant que son gouvernement étudie «un futur programme potentiel de financement de la paix» une fois que le pays aura quitté l'UE, Theresa May a déclaré que «le financement européen qui a aidé les victimes des “Troubles” et les groupes intercommunautaires continuera au moins jusqu'à la fin du programme actuel». Mais sans donner plus de détails.

À Crossmaglen dans le comté d'Armagh, sur la route entre Dublin et Belfast, personne ne veut croire à un retour d'une frontière visible. Et encore moins à la réouverture éventuelle de la caserne du village: un bunker surmonté d'une tour haute de 30 mètres hérissée de micros et de caméras infrarouges. Aujourd'hui désaffecté et noyé dans la bruine qui détrempe le bourg, ce bâtiment est l'un des derniers témoignages des pires dérives de la guerre civile. Dans cette ancienne région la plus militarisée d'Europe de l'Ouest, bastion de l'IRA qui s'est retrouvé en Irlande du Nord lors de la partition en 1920, le conflit a pris ici les teintes sombres d'une guérilla rurale. A la fin des années 1960, les vertes collines de l'Armagh sont devenues, toutes proportions gardées, le «Vietnam» de l'armée britannique et des policiers du Royal Ulster Constabulary (RUC) dont les hélicoptères quadrillaient le ciel.

Le 23 mars 2017 à Derry, les funérailles de Martin McGuinness, ex-chef d'état-major de l'IRA provisoire et ancien vice-Premier ministre d'Irlande du Nord ont attiré des milliers de personnes. - Crédits photo : Stephen Dock

Actuellement, le seul signe tangible du passage entre le Royaume-Uni et l'Irlande est le changement de monnaie dans les stations-services. «Environ 30.000 personnes franchissent chaque jour sans le moindre contrôle les 500 kilomètres de frontière entre les deux pays, explique un commerçant de Cullaville, tout près de Crossmaglen, dont la majorité des clients viennent d'Irlande. Ce serait une catastrophe de perdre cette liberté. Une catastrophe et une humiliation pour tous les habitants.» Même constat à Londonderry. Dès l'entrée de la ville, des panneaux s'insurgent contre l'éventualité de la mise en place d'une barrière douanière. Dans cette cité marquée à vif par le souvenir du Bloody Sunday, le 30 janvier 1972, quand des parachutistes britanniques avaient ouvert le feu, tuant 14 civils qui manifestaient pacifiquement pendant une marche pour les droits civils, l'idée même d'une entrave, même symbolique, entre les deux Irlande, est insupportable. «Nous avons accompli tellement de belles choses depuis 1998, explique Jim Roddy, ancien directeur du club de football de Derry, devenu un des plus importants représentants du dialogue entre les communautés. Le Brexit est un défi majeur qui ne doit pas remettre en cause la paix que nous avons mis tant de temps à gagner et que tant d'hommes et de femmes ont payé de leur sang. Je suis fier de voir ce que cette ville a su devenir, malgré tout ce qu'elle a traversé. Ne gâchons pas tout cela.»

Le 12 Juillet, fête de la bataille de la Boyne en 1690, où le roi protestant Guillaume d'Orange a vaincu le roi catholique Jacques II. - Crédits photo : Stephen Dock

Un à un, les bonfires se sont éteints et il ne reste plus que des tas de cendres. Nous sommes le 12 juillet. Le jour s'est levé sur Belfast. À Ardoyne, on retient son souffle. Après d'âpres négociations, les orangistes ont eu l'autorisation de traverser le quartier à la seule condition de le faire en silence et de «respecter ceux qui sont morts». Parmi les petits groupes qui se sont rassemblés un peu à l'écart, un homme dépasse tous les autres. Entouré de journaliste et d'officiels, Gerry Kelly, ancien volontaire de l'IRA aujourd'hui membre de l'Assemblée nationale d'Irlande du Nord, dont le rôle dans les pourparlers de paix de l'accord du Vendredi saint a été essentiel, est venu sur place vérifier le bon déroulement de la manifestation. Non loin, le père Gary, prêtre catholique d'Ardoyne, ne cache pas sa nervosité. Très impliqué dans le processus de réconciliation et l'apaisement entre les communautés, il sait qu'il joue gros aujourd'hui. Si les choses dérapent, le religieux sera en première ligne. Des policiers lourdement armés ont été déployés tous les 20 mètres environ. Un véhicule du déminage passe en trombe, suivi par deux lourds Land Rover blindés du PSNI. La rumeur d'une bombe posée sur le parcours passe de groupe en groupe avant d'être démentie.

Puis les premiers orangistes se présentent, bannières levées et marchant au pas cadencé. En silence. Comme promis. Le temps semble suspendu. Les cortèges défilent chacun leur tour et se dirigent vers Orange Hall, l'un des cœurs protestants de la province d'Ulster. Parmi eux, des musiciens du Whiterock Flute Band, l'une des plus célèbres formations du quartier de Springfield et de West Belfast, saluent amicalement au passage un membre du Sinn Féin, qui leur répond par un clin d'œil. C'est du jamais-vu. Personne n'aurait osé y croire. Tout le monde s'attendait à un embrasement qui, heureusement, n'est jamais venu. Tout ou presque s'est joué sur un simple signe. Ardoyne est loin maintenant. Les caisses claires crépitent, les fifres montent aux lèvres et la musique des flute bands s'empare de Belfast. Aujourd'hui, la ville leur appartient.

La rédaction vous conseille :
PUBLIÉ PAR CHRISTIAN LARNET LE 10 SEPTEMBRE 2017

Des Allemands ont écrit « merci Merkel » sur des blocs de bétons qui apparaissent un peu partout dans les villes allemandes pour tenter de protéger la population contre les attentats à la voiture bélier.

Un nouveau sondage révèle que 70% des Allemands considèrent le terrorisme comme leur premier souci, selon un sondage mené par R+V Infocenter sur 2,380 personnes en juin et juillet.

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61% des Allemands ont également mentionné les tensions provoquée par l’immigration massive comme un de leurs sérieux motifs d’inquiétude.

Brigitte Romstedt, directrice de R+V Infocenter, a déclaré : “la peur des attentats islamistes est de loin ce qui inquiète le plus les Allemands, avec un taux de 70 pour cent, un des plus haut jamais enregistré lors d’une étude sur le long terme.”

L’Allemagne a accepté plus d’un million de migrants sous l’impulsion de la chancelière Angela Merkel, et les Allemands se réveillent avec la gueule de bois après une série d’attentats et d’agressions et viols presque quotidiens, au point qu’il est maintenant demandé aux Allemandes de ne plus faire de jogging seules.

Ce qui est fascinant dans cette Allemagne qui se veut le bastion des pays sans frontières en Europe, est que la population a maintenant très peur du terrorisme, mais d’une part il est trop tard pour faire marche arrière, et d’autre part, en réélisant Angela Merkel qui est largement favorite des sondages, ils vont réélire celle par qui leur malheur et surtout la dégradation tragique de leur qualité de vie est arrivée. Il faut dire que son concurrent n’est pas moins immigrationniste.

Donc les autorités ont ouvert les frontières et bétonné les rues.

Mais ce qu’elles ne semblent pas comprendre, c’est que les musulmans décidé à commettre des attentats passent des journées entières à chercher de nouveaux moyens de semer la terreur et la mort afin d’installer progressivement l’islam et ses lois comme religion dominante en Europe.

Les prochaines attaques retrouveront hélas les marques traditionnelles des attentats suicides à l’explosif.

Et si l’on en juge par la découverte presque simultanée de trois laboratoires de fabrique d’explosifs à Villejuif, à Thiais et près de Barcelone, que les médias français classent dans la rubrique « faits divers », nous ne sommes pas très loin de passer à la phase sérieuse des attentats : tout ce que vous avez connu jusqu’à présent n’était pour l’Etat islamique, que des préparatifs destinés à analyser les réactions des services de police et de renseignement locaux, afin d’améliorer leurs logistique pour les attentats sérieux.

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Christian Larnet pour Dreuz.info.

Espoir de dialogue vite douché entre l’Arabie saoudite et le Qatar (09.09.2017)


Après trois mois de crise, les leaders des deux puissances du Golfe ont échangé par téléphone, mais Riyad ne croit pas que Doha souhaite réellement négocier.
Le Monde.fr avec AFP | 09.09.2017 à 05h12 • Mis à jour le 09.09.2017 à 11h31

image: http://img.lemde.fr/2017/09/06/0/0/4440/3090/534/0/60/0/edd6829_5959741-01-06.jpg

C’est l’émir du Qatar, le cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani qui a appelé le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman Al-Saoud. HANDOUT / AFP

La crise entre le Qatar et ses voisins du Golfe devrait durer. Samedi 9 septembre, l’Arabie saoudite a annoncé que Doha était prêt au dialogue pour résoudre la dispute qui l’oppose depuis le 5 juin à quatre pays arabes (EgypteBahreïn, Emirats arabes unis en plus de l’Arabie saoudite). Mais l’espoir d’une fin de crise a vite été douché. Riyad exige désormais du pouvoir qatari qu’il confirme sa volonté de négocier.

L’émir du Qatar, le cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, a appelé au téléphone le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman Al-Saoud, pour exprimer son « désir de s’asseoir à la table du dialogue », a rapporté l’agence saoudienne SPA. Il s’agissait du premier contact officiel à ce niveau entre les deux pays depuis le début de cette crise sans précédent dans le Golfe.

Dans son compte rendu de l’entretien, l’agence QNA du Qatar a précisé que l’appel avait été passé à la demande de Donald Trump. Le président américain a proposé vendredi sa médiation dans la crise. Riyad affirme de son côté que c’est bien l’émir du Qatar qui a eu l’initiative du coup de fil.

Interprétations différentes de l’appel

Selon QNA, Tamim Ben Hamad Al-Thani a accepté une proposition du prince saoudien de charger deux personnalitésde chaque pays d’« examiner les points en litige, sans atteinte à la souveraineté des Etats ». Or, Riyad a affirmé que les modalités du dialogue restent à déterminer.
« Cela prouve que les autorités du Qatar ne sont pas sérieuses dans leur désir de dialogue », a rétorqué le porte-parole saoudien. Tout dialogue est donc suspendu alors que « l’inconsistance de la politique du Qatar n’aide pas à renforcer la confiance nécessaire ».


L’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte, accusent leur voisin de soutenir des groupes extrémistes et lui reprochent sa proximité avec l’Iran, le grand rival de l’Arabie saoudite. Ils ont imposé à l’émirat le blocage des voies d’accès maritimes, aériennes et terrestres.

Donald Trump, médiateur efficace ?
Pour le Qatar, les exigences des autres pays du Golfe, comme fermer la chaîne Al-Jazira ou une base turque sur son territoire, représentent une atteinte à sa souveraineté. Avant tout dialogue, l’Emirat gazier demande la fin des sanctions économiques qui le frappent.


Pour Kristian Ulrichsen, du think tank Rice University’s Baker Institute for Public Policy, cité par l’AFP, l’appel entre Riyad et Doha, est un bon signe. « Je suis persuadé que cette percée potentielle est liée à la rencontre de l’émir de Koweïtavec le président Trump et à l’accord apparent sur le fait que la crise a duré suffisamment longtemps et qu’il faut la résoudre », estime l’analyste.

En Irak, l’impossible retour des yézidis (03.08.2017)


Les déplacés sont traumatisés par les persécutions commises durant trois ans par l’EI dans la région de Sinjar.

LE MONDE | 03.08.2017 à 10h58 • Mis à jour le 03.08.2017 à 16h54 | Par Allan Kaval (Baadre (Irak), envoyé spécial)

Hazim Khidir n’a pas 30 ans, mais il en paraît dix de plus. Comme chaque jour, assis sur un fin matelas de mousse, dans la pénombre d’une pièce aux murs de ciment nus, il attend que les heures s’écoulent jusqu’au soir au rythme soutenu de cigarettes de contrebande allumées l’une après l’autre. La maison qu’il habite n’est pas la sienne et, bien que son exil s’y prolonge, Baadre, la bourgade du Kurdistan irakien où il a trouvé refuge, lui est toujours étrangère. « Nous avons tout perdu il y a trois ans », souffle-t-il, le regard perdu dans le vide, l’esprit plongé dans ses souvenirs muets. « Le temps passe et il n’y a plus d’espoir de retrouver nos anciennes vies. »

Le 3 août 2014, son village a été pris d’assaut par les hommes de l’organisation Etat islamique (EI) en même temps que les autres localités des environs du mont Sinjar, foyer historique des yézidis, une minorité religieuse kurdophone du nord de l’Irak. Moins d’un mois après sa proclamation à Mossoul, le « califat » d’Abou Bakr Al-Baghdadi comptait y prolonger ses conquêtes récentes par une tentative de génocide, rendue possible par le retrait des forces kurdes censées protéger la zone.

Dans le nouvel ordre imposé par les djihadistes, les pratiques religieuses des yézidis, considérées comme polythéistes, les condamnaient à l’annihilation. Maîtres des villages de la plaine, les djihadistes ont organisé le massacre de ceux qui n’avaient pas pu fuir vers la montagne, avant de traiter leurs épouses et leurs enfants comme le butin d’une razzia. Ils seront plus de 6 000 à alimenter le commerce d’esclaves mis en place par l’EI après l’offensive de Sinjar. Si aucun chiffre fiable sur le bilan des tueries n’a été arrêté, le nombre de victimes est estimé à plusieurs milliers.
« J’ai dû racheter ma famille »

Après être parti à temps avec un de ses fils sur les hauteurs du mont Sinjar, Hazim a pu éviter la mort et se réfugier au Kurdistan irakien avec des centaines...

Syrie : offensive des forces arabo-kurdes contre l’EI dans la dernière province qu’ils contrôlent (09.09.2017)


Deir ez-Zor est la dernière province de Syrie encore contrôlée par les djihadistes. Une alliance des combattants arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis a lancé l’offensive.

Le Monde.fr avec AFP | 09.09.2017 à 13h29 • Mis à jour le 09.09.2017 à 19h03

C’est la dernière province de Syrie encore contrôlée par l’organisation Etat islamique (EI). Une alliance de combattants kurdes et arabes syriens soutenue par les Etats-Unis a lancé, samedi 9 septembre, une offensive pour chasser les djihadistes de l’est de Deir ez-Zor (est du pays), selon un communiqué.

Cette alliance antidjihadiste des Forces démocratiques syriennes (FDS) mène déjà une offensive distincte pour chasser l’EI de son fief de Rakka (Nord). L’armée syrienne combat de son côté l’EI dans la ville de Deir ez-Zor, chef-lieu de la province du même nom. Samedi, l’agence officielle Sana rapportait que les forces du régime avaient brisé le siège imposé par les djihadistes au sud de la ville, en atteignant l’aéroport militaire, encerclé par l’EI depuis près de trois ans.

L’annonce de la nouvelle offensive des FDS a été faite en conférence de presse par Ahmad Abou Khawla, chef du conseil militaire de Deir ez-Zor, un groupe armé rattaché aux Forces démocratiques syriennes, qui mènent la bataille sur ce nouveau front.

L’assaut a été lancé à partir de secteurs tenus par les FDS dans le nord de la province de Deir ez-Zor, à la limite de celle de Hassaké, contrôlée en majorité par les FDS.

Première étape

L’objectif est de « libérer » des zones aux mains de l’EI dans le sud de la province de Hassaké, ainsi que « l’est de la province de Deir ez-Zor », a précisé M. Abou Khawla à Abou Fass, dans la province de Hassaké.

« Nous diriger vers [la province] de Deir ez-Zor est inévitable, a-t-il précisé. Nous entamons la première étape, pour libérer les régions à l’est de l’Euphrate, dans la province de Deir ez-Zor. »

« L’opération a commencé et nous avons progressé sur plusieurs kilomètres, grâce au soutien aérien de la coalition internationale » anti-EI emmenée par les Etats-Unis, selon lui.

L’armée d’Assad à la reconquête de la capitale provinciale

Après avoir brisé le siège de l’EI à l’aéroport de Deir ez-Zor, les forces de Bachar Al-Assad, soutenues par l’aviation russe, continuent, elles, d’essayer de déloger l’EI de la capitale provinciale de Deir ez-Zor, dont l’organisation djihadiste contrôle toujours quelque 60 %.


« Il n’y a pas de coordination avec le régime ou les Russes. Nous coordonnons avec la coalition internationale », a tenu à affirmer Ahmad Abou Khawla, le chef du conseil militaire de Deir ez-Zor.
Déclenché en 2011 par la répression de manifestations pacifiques par le régime, le conflit en Syrie s’est complexifié avec l’implication de pays et milices étrangers et de groupes djihadistes sur un territoire morcelé. Il a fait plus de 330 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.

Birmanie : l’exode des Rohingya se poursuit, l’ONU s’alarme (09.09.2017)


Près de 300 000 personnes, la plupart des musulmans rohingya, se sont réfugiées au Bangladesh pour fuir les violences qui sévissent dans le nord-ouest de la Birmanie, selon un décompte de l’ONU, alarmée par l’ampleur de l’exode.

Le Monde.fr avec AFP | 09.09.2017 à 13h08 • Mis à jour le 10.09.2017 à 06h17

Le nombre de musulmans rohingya ayant fui les violences en Birmanie ne cesse d’augmenter. Selon le dernier décompte de l’Organisation des Nations unies (ONU), annoncé samedi 9 septembre, près de 300 000 personnes, pour la plupart des musulmans rohingya, se sont réfugiées au Bangladesh pour fuir les troubles du nord-ouest de la Birmanie.

En une journée, le nombre de réfugiés a encore bondi de 20 000 après le recensement de nouvelles zones et villages investis par les nouveaux venus, d’après l’ONU, alarmée par l’ampleur de l’exode.
« Quelque 290 000 Rohingya sont arrivés au Bangladesh depuis le 25 août », a déclaré Joseph Tripura, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR). La plupart arrivent à pied ou en bateau. Les deux pays ont une frontière longue de 278 km, et un quart de celle-ci est constituée par la rivière Naf.

« Situation très volatile »

Le HCR estime que sur la seule journée de mercredi, plus de 300 bateaux sont arrivés. Une traversée dangereuse en cette période de mousson qui a coûté la vie à de nombreuses personnes depuis quinze jours.

Les civils rohingya fuient les violences dans leur région depuis que l’armée a lancé une vaste opération à la suite d’attaques à la fin du mois d’août contre des postes de police par les rebelles de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA), qui dit vouloir défendre les droits bafoués de cette minorité musulmane.

Au Bangladesh, Dipayan Bhattacharyya, du Programme alimentaire mondial (PAM), s’inquiète de la « situation très volatile »« Nous avions prévu pour 120 000 nouveaux arrivants. Puis pour 300 000. Nous avons atteint ce chiffre et allons donc peut-être devoir prévoir davantage si cela se poursuit sans relâche », estime-t-il.

Le tiers des Rohingya désormais au Bangladesh

Epuisés, affamés, les nouveaux arrivés se précipitaient samedi en courant vers les distributions alimentaires du PAM. La plupart des familles ont dû marcher pendant plusieurs jours pour atteindre le Bangladesh, survivant sous la pluie avec très peu de vivres et d’eau.

« Les gens sont complètement désespérés. Ils ont besoin de nourriture, d’eau et d’un abri. Ils sont privés de tout », raconte Dipayan Bhattacharyya.

Au total, on estime qu’entre les violences d’octobre, qui avaient poussé 87 000 personnes à fuir, et les troubles actuels, près du tiers des Rohingya de Birmanie (estimés à un million) sont désormais au Bangladesh.

« Nous avons identifié un terrain pour le camp qui pourra accueillir 250 000 à 300 000 personnes », a déclaré Mofazzal Hossain Chowdhury, le ministre de la gestion des catastrophes et des secouristes. Ce camp devrait être installé près d’un camp de réfugiés rohingya existant et géré par l’ONU.
La Birmanie va mettre en place des camps

La Birmanie a annoncé samedi qu’elle allait mettre en place des camps pour accueillir les musulmans rohingya déplacés, une première, après un nouvel appel de l’ONU, qui a enjoint vendredi à la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi de « se mobiliser ».


La pression monte pour Mme Suu Kyi – lauréate du prix Nobel de la paix 1991 – qui pour l’heure s’en est tenue à un communiqué dénonçant la « désinformation » des médias internationaux et à une interview jeudi à la télévision indienne« Nous devons prendre soin de tous ceux qui vivent dans notre pays, qu’ils soient citoyens ou pas », y dit-elle aussi, dans des premiers mots de compassion depuis le début de la crise.

Environ 27 000 bouddhistes et hindous ont également fui leurs villages et ont trouvé refuge dans les monastères et les écoles du sud de la région.

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En Somalie, le temps de la paix et de la musique retrouvées (05.09.2017)


Le pays tente de se reconstruire et de redevenir celui où il fit bon vivre. Avant le terrorisme, avant la dictature et la guerre, espère notre chroniqueur.

Par Abdourahman Waberi (chroniqueur Le Monde Afrique)
LE MONDE Le 05.09.2017 à 14h55

On associe la Somalie à la guerre et à la famine. Et ce n’est pas une vue de l’esprit tant les dernières décennies ont été meurtrières pour les Somaliens, particulièrement depuis la chute du régime de Siad Barré en 1991. Les causes extérieures et les poisons intérieurs conjugués finirent par créer un cercle vicieux mettant en échec les multiples tentatives de sorties de crise orchestrées depuis les pays voisins ou manœuvrées depuis Washington.

De civile, la guerre est devenue systémique, permanente, totalement dénuée de sens. Plus récemment, elle a pris le visage du terrorisme djihadiste avec la secte Chabab.

S’il faut tirer une leçon du cas de la Somalie, c’est que l’adage latin « Qui veut la paix prépare la guerre » n’y a jamais sonné aussi creux, aussi absurde. Ce qui vaut pour la Somalie vaut également pour tous les autres pays en détresse. Le mal n’est pas local ou étranger, il est partagé et planétaire. Tous les Etats se targuent de posséder un ministère, des équipements, des centres de recrutement et de formation pour leurs forces armées. Aucun ne dépense le millième des sommes englouties dans le secteur de la défense pour éduquer sa populationà la paix. De plus, on sait que le commerce des armes n’a jamais été aussi lucratif. Pourquoi alors s’étonner que la planète soit à feu et à sang ? Ce raisonnement compréhensible pour un enfant de 5 ans ne semble pas coulerde source pour la grande majorité des Terriens.


Il est un autre adage que les Somaliens connaissent, et qu’ils chérissent au plus profond de leur être. Cet adage nomme deux besoins primordiaux : la paix et le lait. Mieux qu’un slogan, nabad iyo caano (« paix et lait ») est une formule d’accueil et de salutation incessamment répétée au cours de la journée. Un vœu pour soi et pour autrui. Dès que deux personnes amies ou étrangères se séparent, même pour une courte période, le vœu qui jaillit spontanément des lèvres est toujours celui-là : « Paix et lait ! » Notons que la sagesse populaire n’en a pas choisi l’ordre au hasard. C’est le climat de sécurité (intérieur et extérieur, individuel et collectif) qui crée les conditions pour satisfaire les besoins primaires : mangerboire, se vêtir, se loger, etc. Que la paix commence à manquer et tout le reste s’écroule.

Miracle

Après des décennies de chaos et de traumatismes, la Somalie emprunte le chemin de la reconstruction et de la guérison. Ce processus de renouveau engage autant la politique que les arts. Le Théâtre national est en cours de reconstruction et les initiatives favorisant une culture de la paix se multiplient un peu partout.

En 1988, au plus fort de la guerre, les avions de Siad Barré avaient bombardé Hargeisa, capitale de la province du Nord qui fera sécession en 1992 sous le nom de Somaliland. Pour éviter les ravages des bombardements aériens à venir, des milliers de cassettes et de bandes de Radio Hargeisa ont été rassemblés, acheminés à Djibouti et en Ethiopie ou enterrés sous terre. Vik Sohonie, un DJ et producteur de musique américain d’origine indienne a puisé dans le trésor de 10 000 bandes, aujourd’hui géré par la fondation somalilandaise RedSea, pour en extraire des pépites. Sweet as Broken Dates : Lost Somali Tapes from the Horn of Africa est une merveille de 15 titres classiques interprétés par des groupes illustres et des artistes réputés : Waaberi, Iftiin, Shareero, Dur Dur, Maryan Mursal, Kadra Daahir, Faadumo Qassim, Hibo Nuuro, Ahmed Naaji…

En se replongeant dans les années 1970 et 1980, les Somalis de la Corne et la diaspora redécouvrent avec émotion combien la vie était douce à Mogadiscio, les arts florissaient et les artistes féminines tenaient le haut du pavé. Certes, l’industrie de la musique nationalisée était sous la coupe du régime autoritaire qui recourait aux grandes voix pour faire sa propagande, mais les artistes se produisaient aussi dans les multiples hôtels et clubs de la capitale et enchantaient de grandes villes.


De plus, ils voyageaient à l’étranger et en rapportaient des influences funk, rock, jazz, reggae et Bollywood perceptibles dans les riches et variés enregistrements choisis et valorisés par Vik Sohonie sous le label Ostinato Records. Car aucun titre ne provient d’un enregistrement professionnel réalisé en studio. Tous ont été sauvés par des amoureux en concert ou en club, avec des moyens rudimentaires. Ce disque est donc un miracle. Un legs du passé qui estompe le trauma du présent et promet de magnifiques gerbes pour demain.

Sweet as Broken Dates : Lost Somali Tapes from the Horn of Africa, compilation de 15 titres d’artistes somaliens des années 1970/1980, Ostinato Records, sortie CD le 8 septembre, 17,99 euros. Site Internet : ostinatorecords.bandcamp.com.

Abdourahman A. Waberi est né en 1965 dans l’actuelle République de Djibouti. Il vit entre Paris et les Etats-Unis, où il a enseigné les littératures francophones aux Claremont Colleges (Californie). Il est aujourd’hui professeur à George-Washington University. Auteur, entre autres, d’Aux Etats-Unis d’Afrique(éd. J.-C. Lattès, 2006) et de La Divine Chanson (éd. Zulma, 2015). En 2000, Abdourahman Waberi avait écrit un ouvrage à mi-chemin entre fiction et méditation sur le génocide rwandais, Moisson de crânes (ed. Le Serpent à plumes), qui vient d’être traduit en anglais, Harvest of Skulls (Indiana University Press, 2017).

« La présidentielle kényane a révélé la mascarade qu’est devenue l’observation électorale en Afrique » (07.09.2017)


Zoom de notre chroniqueur sur le système qui légitime, à coups de personnalités internationales, locales, et de milliers d’euros les scrutins douteux du continent.
Par Seidik Abba (chroniqueur Le Monde Afrique)

LE MONDE Le 07.09.2017 à 14h23

On le savait depuis belle lurette : l’observation des élections en Afrique n’a pas grande utilité. Elle ne sert ni l’enracinement de la culture démocratique, ni la transparence des processus électoraux sur le continent. Toutefois, on était loin d’envisager le naufrage de l’observation électorale que vient de provoquer l’invalidation par la Cour suprême kényane des résultats du scrutin présidentiel du 8 août.


Les juges de la plus haute institution du pays ont estimé, le 1er septembre, que la réélection du président sortant, Uhuru Kenyatta, était tellement entachée d’irrégularités qu’il n’y avait aucune autre alternative que sa reprise complète. Quelques jours plus tôt, pourtant, les observateurs internationaux avaient quant à eux estimé que la présidentielle avait été libre et crédible. Même la délégation du National Democratic Institue (NDI), conduite par l’ancien secrétaire d’Etat américain John Kerry, n’avait rien trouvé à redire aux conditions d’organisation des opérations électorales.

En réalité, ce n’est pas la première fois que les observateurs électoraux ne « voient » pas l’évidence lors d’une élection organisée sur le continent. Leurs turpitudes avaient jusqu’ici été masquées par les décisions d’institutions d’arbitrage aux ordres du pouvoir.

Anciens chefs d’Etat reconvertis

Qu’il soit effectué pour le compte d’organisations internationales comme la Francophonie, l’Union africaine ou les communautés économiques sous-régionales (Cédéao, SADC, Ceeac), le travail d’observation électorale a été dévoyé depuis très longtemps en Afrique. Il s’est transformé en business et en mercenariat. Ainsi, des personnalités à l’agenda surchargé sont mandatées par des organisations internationales pour aller observerdes élections. Faute de temps, elles arrivent la veille ou l’avant-veille du scrutin, rencontrent quelques sensibilités politiques individuellement ou collectivement à leur hôtel. Le jour du scrutin, ces mêmes personnalités font le tour de quelques bureaux de vote de la capitale et, au mieux, de sa périphérie, puis rendent une déclaration sur la bonne tenue des élections. Avec souvent, pour principal critère d’appréciation, le fait qu’il n’y ait eu ni bousculade, ni bagarre dans les bureaux qu’ils ont visités.


Anciens chefs d’Etat, anciens chefs de gouvernement, anciens ministres ou universitaires réputés, ces observateurs reprennent leur avion au lendemain du scrutin. Ils ont déjà empoché leurs per diem, le plus souvent en liquide et en devises. Ces indemnités journalières peuvent être conséquentes : entre 500 euros et 1 000 euros pour les « sans-grade », entre 1 000 euros et 2 000 euros pour les grades intermédiaires et bien au-delà de 2 000 euros pour les « haut gradés ».

Sur le terrain, ces personnalités côtoient des observateurs « free lance » qui proposent spontanément leurs services ou sont directement sollicités par les pouvoirs locaux désireux d’obtenir l’onction des observateurs internationaux. Avec les observateurs free lance, les pouvoirs signent souvent un engagement contractuel. Il inclut la prise en charge du transport aller-retour, le per diem, l’assistance logistique, la pension complète à l’hôtel et, à la fin du séjour, une enveloppe qui peut monter jusqu’à 50 000 euros, en fonction de ce que pèse la parole de l’observateur sur le marché international. En retour, notre observateur free lance s’engage à certifier, souvent sans être sorti de sa chambre d’hôtel, la sincérité du scrutin.

Mascarade
Pour ces observateurs free lance, plus il y a d’élections à observer sur le continent, plus il y a de business à réaliser. A cet égard, l’année 2016, qui fut exceptionnelle en nombre de scrutins présidentiels et législatifs organisés sur le continent, a généré un chiffre d’affaires impressionnant pour ces mercenaires d’un genreparticulier.


Dans sa forme actuelle, qu’elle soit effectuée par des observateurs mandatés par les organisations internationales ou par des free lance, l’observation électorale ne sert qu’à enrichir des individus peu scrupuleux et à conforter des régimes en mal de légitimation. Le grand perdant de la présidentielle kényane n’est ni le président sortant Uhuru Kenyatta, ni son challenger Raila Ondinga, mais ce faux-nez de la transparence démocratique. Telle qu’elle est pratiquée, l’observation des élections est une mascarade qui doit tout simplement être abandonnée.
Seidik Abba, journaliste et écrivain, auteur, notamment, de La Presse au Niger. Etat des lieux et perspectives, L’Harmattan, Paris, 2010.

En Mauritanie, les dernières convulsions d’un régime agonisant (08.09.2017)

Moussa Fall, membre de la coalition de l’opposition mauritanienne, dénonce les « méthodes antidémocratiques » du régime de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Par Moussa Fall
LE MONDE Le 08.09.2017 à 16h09

En tant que responsable politique mauritanien, il est de mon devoir d’en appeler à la conscience de tous dans cette période particulièrement dangereuse que traverse mon pays. Avec son vaste territoire situé dans un Sahel aux prises avec des bandes terroristes, sa petite population et ses importantes ressources naturelles (fer, or, cuivre, poissons, gaz, etc.), la Mauritanie a tous les ingrédients pour se développer, pour se défendre et pour contribuer efficacement à l’effort international engagé pour stabiliser et sécuriser la sous-région. Pourtant, l’accaparement des ressources par le clan présidentiel et la dérive autoritaire entraînent le pays dans une crise endémique.
Depuis quelques mois, le régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz s’efforce d’étouffer toute opposition alors que se profile à l’horizon 2019 une nouvelle élection présidentielle à laquelle il n’a pas le droit de se présenter, la Constitution mauritanienne l’empêchant, par des articles verrouillés, de prétendre à un troisième mandat.


Peut-il se résoudre à partir, lui qui est en train de laisser un pays exsangue à cause d’une gestion catastrophique des ressources publiques ? Peut-il se résoudre à partir, lui qui se complaît dans un enrichissement illicite avec une accumulation de biens indus ? Peut-il se résoudre à partir, lui dont l’avidité l’a poussé à vendre les locaux d’écoles publiques à des commerçants dans un pays où la moitié de la population est analphabète ?

Les manœuvres pour un troisième mandat

Déjà le 29 novembre 2016, lors d’un dialogue national organisé par le dernier militaire chef d’Etat d’Afrique de l’Ouest, le général président avait pu voir une foule immense défiler contre ses velléités de rester au pouvoir. Soucieux de tester l’acceptabilité d’un troisième mandat par référendum, il a initié de nouvelles réformes constitutionnelles ne présentant aucun intérêt et aucune urgence : modification du drapeau national, suppression du Sénat, changement de l’Hymne national, etc. Et ce, alors même que des problèmes majeurs comme l’esclavage, l’unité nationale ou la pauvreté ne sont pas traités.

Si ces projets de réforme ont d’abord été acceptés par l’Assemblée nationale, ils ont ensuite été massivement rejetés par le Sénat pourtant dominé par la majorité présidentielle, le 18 mars. Le président s’en est immédiatement pris aux sénateurs en les accusant de traîtres et de corrompus alors qu’il les avait reçus, un à un, avant le scrutin, pour les inciter à voter en faveur de ses projets en échange de certains avantages.

Dans sa ligne de mire : Mohamed Ould Ghadda, un jeune sénateur intransigeant et incorruptible ayant milité contre ces réformes, et qui présidait la commission parlementaire d’enquête sur les marchés de gré à gré. Il a été arrêté une première fois au lendemain du vote sénatorial en dépit de son immunité parlementaire, ses téléphones ont été saisis et piratés pour soutirer des informations secrètes et privées, en violation des libertés consacrées par la Constitution et le droit international.


Le général président, se sentant humilié par le Sénat, a décidé de passer outre le rejet des sénateurs et de violer la Constitution en tentant de la modifier par référendum. Pour battre campagne pendant l’été, Aziz a embrigadé des hauts fonctionnaires, s’est appuyé sur des autorités administratives régionales et locales et a saigné à blanc le trésor public pour financer la logistique. Pour museler l’opposition, qui a appelé au boycottage, le régime a réprimé, intimidé et arrêté les opposants.

La politique du bâton

Quelques jours après la « victoire » présidentielle tronquée au référendum, le sénateur Ghadda a été enlevé en pleine nuit par des inconnus en civil, sans mandat d’arrêt et sans motif. Pendant plusieurs jours, ni sa famille, ni ses avocats n’ont pu le voir ou obtenir une quelconque information à son sujet. Pressé de toutes parts, le régime dictatorial a ordonné à son procureur d’engager une information judiciaire afin de donner un habillage légal à son forfait.

Seulement, dans sa précipitation, le procureur s’est empêtré dans des notions ambiguës, au point de justifierl’arrestation du sénateur et celles de futurs « complices » par un délit non encore prévu par le Code pénal mauritanien, celui de « grands crimes de gabegie transfrontaliers », afin de justifier les poursuites contre des opposants réels ou supposés installés à l’extérieur et donc hors de portée des visiteurs de nuit du dictateur.

Plus triste encore, l’arrestation de Ghadda sert de prétexte pour poursuivre 22 personnes, parmi lesquelles les dirigeants des principaux syndicats, des journalistes, des hommes d’affaires et des sénateurs qu’il faut puniravec sévérité pour avoir osé voter contre la volonté du chef.


Ne supportant pas la compétition politique et pacifique, le régime, à l’instar de tous les pouvoirs d’essence dictatoriale, réprime l’opposition pour l’affaiblir et stopper son expansion. Il arrête des opposants et poursuit des personnalités dont certaines sont à l’extérieur, comme l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou. Il s’attaque à ceux-ci en délivrant des mandats d’arrêt pour les mettre hors la loi et les neutraliser pour la suite des événements. Il prend leurs biens quitte à fermer leurs entreprises et à mettre au chômage leurs employés pour asphyxier l’opposition et la désarmer avant les prochaines échéances électorales.

En recourant à des méthodes antidémocratiques et, faisant face à une opposition grandissante qui a su unir de nombreux partis dans une coalition représentative de toutes les composantes de la société, à une jeunesse qui s’engage courageusement pour l’émancipation du pays et à une opinion publique qui exprime son ras-le-bol contre le système autocratique, le général président devra s’attendre à affronter, au cours des mois à venir, les pires moments de sa longue présidence.

Moussa Fall est le président du Mouvement pour le changement démocratique (MCD) membre de la coalition de l’opposition mauritanienne, le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU)

Les migrants, cibles du trafic d’organes (04.09.2017)


Fin août, un nouveau coup de filet a eu lieu en Egypte contre des trafiquants d’organes. Au Proche-Orient, les migrants sont devenus leurs proies privilégiées.

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 04.09.2017 à 14h16 • Mis à jour le 05.09.2017 à 06h33 | Par Agnès Noël

Kalila, réfugiée syrienne de 39 ans, ici au Liban en juin  2014, porte la cicatrice du prélèvement de son rein, vendu 15000 dollars (12600 euros).

Hiba, jeune migrante soudanaise, mère célibataire de deux enfants, ­venait d’arriver au Caire lorsqu’elle a été approchée par des « courtiers » qui lui ont proposé de leur vendre un rein. A la clinique, le médecin lui a donné 40 000 livres égyptiennes (1 900 euros), beaucoup moins que les 40 000 dollars (33 600 euros) promis initialement.

L’argent ne lui a pas beaucoup servi. « J’ai dépensé la plus grande partie de cette somme en restant à l’hôtel. Je ne voulais pas que quiconque apprenne ce qui était arrivé », a-t-elle indiqué à Sean Columb, maître de conférences en droit à la faculté de Liverpool et spécialiste de la question du trafic d’organes, qui a recueilli son témoignage.

Aujourd’hui, elle souffre de fortes douleurs au ventre et ne peut plus soulever de charges lourdes. Le seul travail qu’elle a pu trouver est « hôtesse » dans un club de nuit.

Ils seraient des milliers comme Hiba au Proche-Orient. Les migrants et les personnes déplacées sont devenus en Egypte, en Irak et en Syrie les victimes privilégiées du trafic d’organes. Un trafic qui a fait l’actualité ces dernières semaines en Egypte : le ministère de l’intérieur a annoncé, le 22 août, l’arrestation de douze personnes, dont des médecins faisant partie d’un « grand réseau spécialisé de trafic d’organes ». Et le procès d’un autre réseau de 41 personnes, arrêtées en décembre 2016, a commencé en juillet.

Les pays touchés par ce trafic sont nombreux : Inde, Pakistan, Philippines, Bangladesh, Egypte, Mexique, Cambodge, Sri Lanka, mais aussi Chine, où la « tolérance zéro », ­décrétée vis-à-vis des prélèvements effectués sur des condamnés à mort, ne serait pas sans faille…

Le Declaration of Istanbul Custodian Group (DICG), qui promeut les règles éthiques de la transplantation d’organes, estime ainsi qu’il y a au moins plusieurs centaines de cas en Egypte et au moins 2 000 dans tout le Moyen-Orient.

La présence de migrants n’a pourtant pas...


Ne bradons pas notre temps d’attention aux géants du web (09.09.2017)


Deux anciens employés de Google ont fondé une association pour inciter les utilisateurs des nouvelles technologies à défendre leurs « intérêts ».

LE MONDE IDEES | 09.09.2017 à 14h00 • Mis à jour le 09.09.2017 à 16h22 | Par Luc Vinogradoff
« Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit. » Cette maxime qui tente de résumer le modèle économique de la Silicon ­Valley se vérifie d’année en année. Le point commun entre les services offerts par Google, puis Facebook, puis Snapchat est qu’ils ne vous coûtent rien, hormis votre temps d’attention. Plus nos yeux et nos oreilles sont accaparés par les produits de ces entreprises, plus celles-ci gagnent de l’argent grâce à la publicité, leur principale source de revenu.

Ruses et techniques

Le temps d’attention de l’utilisateur est la denrée que convoitent toutes les entreprises de nouvelles technologies. S’il est à ce point précieux pour elles, pourquoi les consommateurs n’ont-ils pas encore fait le même constat ? Et pourquoi ne tentent-ils pas d’utiliser leur temps d’attention comme un levier pour défendre leurs intérêts ?

C’est l’ambition que s’efforcent de propager Tristan Harris et James Williams, deux anciens employés de Google, respectivement « philosophe produit » et publicitaire. L’association qu’ils ont fondée, Time Well Spent (« du temps bien utilisé »), a pour objectif de lutter pour les « intérêts » des utilisateurs de nouvelles technologies en « empêchant les plates-formes technologiques de prendre en otage nos esprits ».

Les services que vous utilisez constamment ne sont pas « neutres ». Ils sont conçus « pour nous obliger à passer le plus de temps possible » dessus.

Tout cela est connu. Mais ce constat, résumé sur le site qu’ils ont créé, a le mérite de rendre compte de l’ampleur des ruses et techniques imaginées pour que notre œil reste le plus longtemps possible rivé à l’écran : vidéos en autoplay, interfaces pensées pour attirer notre attention et encourager les visites, multiplication des notifications.

Les créateurs de Time Well Spent n’en restent pas à ce constat négatif. Ils proposent une solution : d’abord une prise de conscience, une responsabilisation qui, dans l’idéal, aboutirait à un lobbying...

Collomb veut « pouvoir muter et radier un fonctionnaire radicalisé » (10.09.2017)

Le ministre de l’intérieur estime, dans un entretien au « Parisien », que « jusqu’ici, nos marges de manœuvre sont très faibles ».
Le Monde.fr avec AFP | 10.09.2017 à 02h22 • Mis à jour le 10.09.2017 à 09h02
Le ministre de l’intérieur Gérard Collomb souhaite « pouvoir muter et radier un fonctionnaire radicalisé » lorsque celui-ci exerce des missions de sécurité, explique-t-il dans un entretien au Parisien, dimanche 10 septembre.

La mesure, qui devrait prendre place dans le projet de loi antiterroriste examiné par les députés en octobre, « concernera les policiers, les gendarmes, les militaires, les douaniers et le personnel pénitentiaire », explique-t-il.


« Marges de manœuvre faibles »

« Jusqu’ici, quand nous découvrons qu’un agent s’est radicalisé, nos marges de manœuvre sont très faibles », déplore le locataire de la Place Beauvau, particulièrement « avec les fonctionnaires et les militaires les plus engagés dans le domaine de la sécurité »« Il faut pouvoir muter et radier un fonctionnaire radicalisé lorsqu’il exerce des missions de souveraineté ou un métier en lien avec la sécurité », insiste-t-il.

Interrogé sur le nombre de « profils radicalisés » visés, M. Collomb précise que « quelques dizaines de situations font l’objet d’un suivi ».

Le projet de loi antiterroriste, adopté mi-juillet au Sénat, doit être examiné en octobre par les députés. Le président Emmanuel Macron a annoncé mardi une révision de la politique de prévention de la radicalisation avec l’adoption « d’ici la fin de l’année » d’un plan national.

Mark Zuckerberg : le patron de Facebook sera-t-il le prochain président des États-Unis ?
Par Vincent Jolly et Service InfographieMis à jour le 08/09/2017 à 15h55 | Publié le 08/09/2017 à 09h01
À 33 ans, le fondateur et PDG de Facebook est l'un des milliardaires les plus influents et puissants de la planète. Depuis quelques mois, et à raison, beaucoup lui prêtent une ambition présidentielle aux Etats-Unis. Portrait d'un homme connecté à deux milliards d'êtres humains.

Nous sommes le 17 juillet 2017. Mark Zuckerberg rend visite à la tribu indienne des Blackfeet, dans le Montana. Et comme chacun des deux milliards d'utilisateurs de Facebook, le plus grand réseau social mondial dont il est le fondateur et PDG, Mark Zuckerberg poste les photos de sa rencontre avec les membres de la tribu des Blackfeet sur son mur. Il y décrit, entre autres, la vie quotidienne sur la réserve, précise la complexité des problématiques liées à la juridiction particulière dont elle dispose, évoque les affres de l'alcool et de la drogue au sein de la tribu… Quelques jours plus tôt, le 12 juillet, Zuck - pour les intimes - nous contait ses péripéties et ses analyses du monde rural depuis une ferme d'élevage du Dakota du Sud. Cette fois-ci, avec des photos de lui au milieu des vaches. Pourquoi Mark Zuckerberg, l'un des hommes les plus puissants et les plus influents de la planète, à la tête d'une fortune personnelle de 71,5 milliards de dollars, PDG d'un empire technologico-médiatique pouvant s'adresser d'un clic à la moitié du globe, prendrait-il la peine de se rendre dans une réserve indienne, une ferme d'élevage, ou une caserne de pompiers pour s'adresser à une petite vingtaine de personnes, ou pour voir des vaches?

Il se pourrait bien que le plus jeune milliardaire de l'Histoire - Zuckerberg a gagné son premier milliard à 23 ans, huit ans avant Bill Gates - ne limite pas ses ambitions à l'interconnexion de l'humanité tout entière. Mais se verrait bien en président des Etats-Unis d'Amérique.

Le jeune génie de l'informatique est reçu et écouté par les plus grands de ce monde, notamment le Pape en 2016. - Crédits photo : Prensa Internacional/ZUMA/REA

Tout début 2017, Mark Zuckerberg annonçait ses bonnes résolutions dans une lettre ouverte à sa communauté - comme tous les ans. Mais si, les autres années, celles-ci se limitaient à apprendre le mandarin ou lire 25 livres en un an, le défi de cette année allait mettre la puce à l'oreille de certains journalistes: visiter chacun des 50 Etats avant 2018. D'où l'explication «officielle» de sa présence dans ce fameux Dakota du Sud. Depuis cette annonce et sa lettre ouverte du 16 février, Mark Zuckerberg n'a cessé de multiplier les indices laissant entendre une possible candidature à la présidence lors de l'élection de 2020. Derniers en date? Les recrutements successifs au sein de sa fondation philanthropique Chan Zuckerberg Initiative de Joel Benenson, ancien conseiller de Barack Obama et stratège de la campagne d'Hillary Clinton en 2016 ; de David Plouffe, l'un des architectes de la campagne de Barack Obama en 2008 ; de Ken Mehlman, directeur de la seconde campagne de George W. Bush en 2004 ; de Charles Ommanney, ancien photographe de campagne d'Obama et de Bush… Autant de signes qui tendent à lever le voile sur sa possible candidature. Remarquons également qu'en janvier dernier, cet ancien athée assumé a avoué, après avoir rencontré le pape et fait les éloges du bouddhisme, que «la religion (était) très importante».

Pourtant, l'intéressé nie farouchement toute ambition présidentielle. «Beaucoup me demandent si ces visites des 50 Etats signifient que je compte me présenter à une fonction officielle: ce n'est pas le cas. Je le fais simplement pour avoir une meilleure idée et perspective de notre pays, pour mieux servir notre communauté de presque 2 milliards de personnes […].»

«Je pense qu'il est difficile d'adhérer uniquement au Parti démocrate ou au Parti républicain. Je suis simplement pour une économie du savoir»
Mark Zuckerberg en 2016

Peut-être le temps de faire accepter par l'opinion américaine l'idée qu'un PDG tel que lui, sans aucune expérience politique, soit investi par le Parti démocrate. Après l'investiture de Donald Trump, Mark Zuckerberg publia le 16 février 2017 un long manifeste sur Facebook à l'adresse de ses 96 millions de followers, repris dans la presse internationale qui comparait cette lettre à un des State of the Union d'un président des Etats-Unis. Intitulé «Building Global Community», le texte énonce cette question solennelle: «Sommes-nous en train de construire le monde que nous voulons tous?» Ceux qui ne connaissaient pas bien l'homme derrière Facebook ont ainsi pu découvrir l'une de ses nombreuses facettes: Mark Zuckerberg a une vision précise du monde qui l'entoure et de l'état de nos sociétés modernes. «Depuis son plus jeune âge, Mark Zuckerberg est un garçon particulier, raconte David Kirkpatrick, journaliste et auteur d'un livre très fouillé sur la genèse de Facebook. Il est tenace, toujours cohérent et possède de vraies convictions.» Dont celle qui l'anime depuis les bancs de l'université: connecter les êtres humains entre eux pour rendre le monde meilleur, plus ouvert et plus libre. Le milliardaire a déjà contribué à la campagne de politiciens issus des deux grands partis du pays, refusant de croire à un manichéisme politique. «Je pense qu'il est difficile d'adhérer uniquement au Parti démocrate ou au Parti républicain, a affirmé en 2016 le jeune milliardaire. Je suis simplement pour une économie du savoir.» Zuckerberg avait par exemple rencontré le sénateur républicain de Floride et malheureux adversaire de Donald Trump, Marco Rubio, pour discuter d'une réforme bipartisane sur l'immigration, persuadé que les immigrants «sont la clé de l'économie et du savoir».
Si la question est d'abord de savoir s'il se présentera bel et bien en 2020 (ou en 2024), et si oui, sous quelle égide politique, celle - évidente - que tout le monde se pose est: peut-il gagner? Ce n'est pas impossible: un institut de sondage indiquait cet été que dans l'hypothèse d'un duel Trump-Zuckerberg en 2020, les deux candidats arriveraient au coude-à-coude. Cette même étude indique que 24 % des Américains seraient favorables à sa candidature, contre 29 % non favorables et 47 % d'indécis. En somme, en 2017, le peuple américain semble vouloir en savoir plus sur l'homme derrière cette société qui régit une grande partie de son quotidien, à travers Facebook mais aussi WhatsApp, Instagram et Messenger. Quatre des 10 applications smartphone les plus utilisées dans le monde.

Plus que d'une simple fortune, Zuckerberg est à la tête d'une entreprise tentaculaire qui fait de lui le «rédacteur en chef» le plus puissant du monde: Facebook est une vitrine virtuelle de toutes les unes des journaux du monde entier et peu de médias peuvent se targuer de disposer d'un lectorat ou d'une audience de 2 milliards de personnes. Et, comme un journal, le réseau a sa propre ligne éditoriale: des photographies historiques, notamment une sur la guerre du Vietnam, et des images de toiles de maîtres ont déjà été supprimées (temporairement) par le site car violant les conditions d'utilisation de Facebook. Un véritable empire dont il a posé la première pierre un soir d'hiver 2003, dans sa chambre de Kirkland, sur le campus d'Harvard où il était étudiant.

Alors que les réseaux sociaux n'en étaient qu'à leurs balbutiements, Zuckerberg avait su sentir ce qui composait le tissu social d'un milieu universitaire et a réussi à le transposer sur la toile

Lors de ses premiers mois à la prestigieuse université, après avoir refusé plusieurs propositions d'embauche de grandes sociétés, il inventa deux logiciels très populaires, CourseMatch et Facemash. Le premier permettait aux étudiants de voir à quels cours s'étaient inscrits leurs camarades et le second classait, par un système de vote, l'apparence et le physique des élèves. Bien avant Facebook donc, ce fils d'une psychiatre et d'un dentiste élevé dans l'Etat de New York démontrait une capacité sans pareille à créer des concepts de logiciels que les internautes aimaient utiliser. Pourquoi? Car à cette époque, où les réseaux sociaux n'en étaient qu'à leurs balbutiements (Friendster et Myspace ne fonctionnaient pas très bien et croulaient sous des annonces publicitaires encombrant des interfaces déjà chargées), Zuckerberg avait su sentir ce qui composait le tissu social d'un milieu universitaire et a réussi à le transposer sur la toile. Facebook fut mis en ligne le 4 février 2004. Quatre jours plus tard, 650 utilisateurs avaient déjà créé leur compte. Puis, à l'instar d'un stratège militaire et aidé par ses camarades Dustin Moskovitz, Chris Hughes, Eduardo Saverin et Andrew McCollum, Zuckerberg entreprit d'étendre TheFacebook à d'autres universités: Yale, Columbia, Stanford… En un mois, 10.000 élèves dans le pays possédaient un compte Facebook. Treize ans plus tard et cinq ans après son introduction en Bourse, le réseau social est disponible dans plus de 140 langues et emploie plus de 20.000 personnes à travers le monde. Et, avec 2 milliards d'utilisateurs actifs par mois, il est - et de loin - le réseau social le plus important au monde.

Mark Zuckerberg en 2005 avec ses parents et deux de ses trois sœurs. - Crédits photo : SHERRY TESLER/NYT-REDUX-REA

Important, et influent: car Facebook a déjà révélé être capable d'agir directement sur le moral des gens en changeant l'ordre des informations présentes sur leur page personnelle. En analysant vos données, Facebook (mais également la plupart des autres grandes plates-formes internet) peut cibler les publicités que vous verrez s'afficher sur votre page. Si l'on sait ce que vous voulez acheter, on peut également déterminer (en changeant la manière dont sont compilées les données) votre candidat préféré aux prochaines élections et vos convictions politiques.

En 2014, dans une étude menée en collaboration avec les universités de Cornell et de Californie (UCLA) sur un échantillon de près de 700.000 personnes, Facebook démontrait qu'il était tout à fait possible d'altérer les humeurs des gens. Qu'il était tout à fait possible, en somme, de créer à l'aide d'algorithmes une «contagion affective à grande échelle».

L'étude avait évidemment provoqué un tollé et n'avait pas manqué d'affoler politiques et observateurs du monde digital. «Est-ce que la CIA pourrait inciter à une révolution au Soudan en faisant pression sur Facebook pour qu'il mette en avant des messages de mécontentement? Est-ce que ça doit être légal?», s'interrogeait alors un spécialiste avant de poursuivre, précurseur: «Est-ce que Zuckerberg pourrait rafler une élection en faisant la promotion de tel ou tel site internet?» Pour ne rien arranger, Facebook avait conduit cette expérience sans que les personnes sélectionnées dans l'échantillon aient été préalablement prévenues.

Barack Obama se félicitait d'être celui qui avait réussi à faire mettre une veste et des chaussures à Mark Zuckerberg, connu pour ne porter que des tee-shirts et des sandales. - Crédits photo : Jim Young/REUTERS

C'est là que le bât blesse: dans 1984, George Orwell prédisait un futur où la vie privée ne serait plus qu'une relique du passé. L'un des seuls détails que l'auteur visionnaire n'avait pas prévu est au cœur de la réussite même de Facebook: Zuckerberg n'a jamais volé une information à qui que ce soit. Nous lui avons tout donné, et gratuitement. Un fait qu'il mentionnait déjà à Harvard en 2004, quelques semaines après le lancement de Facebook, dans un échange d'e-mails publié quelques années plus tard dans la presse: «Si tu veux des informations sur quelqu'un de l'université, tu me demandes. J'ai environ 4000 adresses mails, des photos, des coordonnées…» - «Comment t'as fait ça?!» - «Les gens les ont juste envoyées. Je ne sais pas pourquoi. Ils me font confiance. Bande d'abrutis.» Notons qu'à l'époque, Zuckerberg n'était encore qu'un jeune étudiant, au caractère bien éloigné du PDG qu'il est aujourd'hui. Un PDG qui, grâce aux informations que mettent en ligne ses utilisateurs, sait tout (ou presque) d'eux: 230 des 360 millions d'habitants aux Etats-Unis sont sur Facebook. S'il le souhaitait, Mark Zuckerberg pourrait aisément utiliser la masse de données dont il dispose pour analyser les opinions du pays, d'une région, d'un Etat, d'un district, d'une ville… et adapter ainsi une éventuelle stratégie électorale. Et si certains de ses détracteurs ne manquent pas de souligner son manque de charisme naturel - élément crucial à l'heure de la prédominance de la communication et de l'image dans la vie politique -, Zuckerberg est loin de la caricature du simple geek ayant eu une bonne idée au fin fond de son garage ou de sa chambre. «Il s'est révélé être quelqu'un d'aussi visionnaire que Steve Jobs et d'aussi influent que Bill Gates», témoigne un journaliste du New Yorker. Discret dans les médias «traditionnels», Zuckerberg partage son quotidien le plus intime sur sa page Facebook. Il ne va pas arpenter les couloirs du Capitole à Washington mais a facilement accès aux plus hautes sphères du pouvoir: Barack Obama pendant ses mandats (le président américain se félicitait d'être celui qui avait réussi à faire mettre une veste et des chaussures à Mark Zuckerberg, connu pour ne porter que des tee-shirts et des sandales), Angela Merkel, le pape François… Mais, en revanche, il décline les invitations de Donald Trump à participer aux réunions entre la Maison-Blanche et les autres géants de la tech américaine.

Demeure une question: pourquoi se présenterait-il? Après tout, Mark Zuckerberg dispose déjà d'une immense fortune, d'une immense influence… d'un immense pouvoir. En tant que PDG, il pourrait parfaitement continuer à étendre l'emprise de Facebook à travers le monde: le soleil se lève et se couche d'ores et déjà sur Facebook mais reste à conquérir l'Afrique, et également l'Asie, où l'Inde et la Chine résistent à l'arrivée du réseau social sur leur territoire. Se lancer dans une campagne présidentielle, dans le monde tumultueux de la politique, c'est risquer d'y perdre des plumes, d'y perdre du temps, de fouler le sol d'un monde dont les Américains se méfient beaucoup plus, à tort ou à raison, que celui idyllique et optimiste des nouvelles technologies.

C'est son royaume, son empire, qui a donné naissance au concept même de «fake news», qui a vu la promotion de sites internet colportant des informations haineuses faisant fi de la réalité
Mais peut-être Mark Zuckerberg a-t-il pris conscience de son influence politique avec l'élection de Donald Trump? Après tout, et ce n'est plus à démontrer, ce sont en grande partie des plates-formes comme Facebook et Twitter qui ont été l'un des théâtres de l'élection du nouveau Président. C'est son royaume, son empire, qui a donné naissance au concept même de «fake news», qui a vu la promotion de sites internet colportant des informations haineuses faisant fi de la réalité. Avant l'élection de Trump, Zuckerberg arguait de vouloir rester neutre. Depuis son investiture en janvier dernier, Facebook a installé une nouvelle fonctionnalité pour faciliter les échanges entre les citoyens américains et leurs élus. Au XXIe siècle, Mark Zuckerberg n'a pas besoin du Bureau ovale pour devenir le maître du monde. S'il se présente, c'est que son ambition est nourrie par d'autres motifs. Peut-être celui de vouloir donner à ses deux filles, Maxima, née en novembre 2015, et August, née le 28 août dernier, un monde meilleur. Un monde avec «une meilleure éducation, moins de maladies, des communautés soudées et plus d'égalité», comme il l'écrit dans une lettre adressée à sa benjamine. Car si le candidat Donald Trump était sans aucun doute l'un des visages de l'Amérique, Mark Zuckerberg, lui, en est un autre: celui de la démesure, de la réussite, de l'optimisme, de la mondialisation à outrance et de l'universalité… du progrès aussi. Lui et sa femme Priscilla Chan, une fille d'immigrés vietnamiens diplômée d'Harvard Med School en pédiatrie et très impliquée dans l'éducation, multiplient les actes caritatifs - ils ont récemment donné 3 milliards de dollars à la recherche médicale - et se sont engagés à reverser 99 % de leur fortune personnelle. Peut-être un nouveau chapitre de la saga politique du pays et un exemple de ces storytellings dont les électeurs américains raffolent.

Marié à Priscilla Chan, Mark Zuckerberg met en scène sa vie privée sur Facebook. Le 28 août dernier, il a partagé une photo pour la naissance de sa deuxième fille, August. - Crédits photo : Charles Ommanney/AP/SIPA

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Thierry Meyssan, l'auteur de l'Effroyable imposture (2002), vendue à 250 000 exemplaires.

AFP/DANIEL JANIN
Avec son livre niant la responsabilité d'Al-Qaïda dans les attentats du 11 septembre 2001, ce Français est devenu une figure clef des complotistes. Depuis, établi en Syrie, il accable "l'Occident et les sionistes" de tous les maux.
La vérité est ailleurs. Il le proclame à la face du monde: l'actualité internationale et son cortège de drames n'ont rien à voir avec ce qu'en disent les médias occidentaux. La tuerie de Charlie Hebdo, par exemple. Elle "n'a pas de lien avec l'idéologie djihadiste [...]. Ses commanditaires les plus probables sont à Washington". La preuve? "Les assaillants n'étaient pas vêtus à la mode des djihadistes, mais comme des commandos militaires." CQFD. De même, les combattants de Daech (organisation de l'Etat islamique) "ont été formés par les Etats-Unis [...], mais aussi par des Français, de la Légion étrangère". Rien d'extraordinaire, quand on sait qu'"Al-Qaeda assure la sécurité de l'Etat d'Israël face à la Syrie"... Ceux qui ne le croient pas sont manipulés par la "propagande impérialiste états-unienne 

Conspirationnisme: Thierry Meyssan, le maître à fausser

 Par Boris Thiolay, publié le 17/04/2015 à 19:46

Avec son livre niant la responsabilité d'Al-Qaïda dans les attentats du 11 septembre 2001, ce Français est devenu une figure clef des complotistes. Depuis, établi en Syrie, il accable "l'Occident et les sionistes" de tous les maux.

La vérité est ailleurs. Il le proclame à la face du monde: l'actualité internationale et son cortège de drames n'ont rien à voir avec ce qu'en disent les médias occidentaux. La tuerie de Charlie Hebdo, par exemple. Elle "n'a pas de lien avec l'idéologie djihadiste [...]. Ses commanditaires les plus probables sont à Washington". La preuve? "Les assaillants n'étaient pas vêtus à la mode des djihadistes, mais comme des commandos militaires." CQFD. De même, les combattants de Daech (organisation de l'Etat islamique) "ont été formés par les Etats-Unis [...], mais aussi par des Français, de la Légion étrangère". Rien d'extraordinaire, quand on sait qu'"Al-Qaeda assure la sécurité de l'Etat d'Israël face à la Syrie"... Ceux qui ne le croient pas sont manipulés par la "propagande impérialiste états-unienne et sioniste"... 


Voilà près de quinze ans que le Français Thierry Meyssan récite son credo: les Etats-Unis, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) et Israël mènent un complot à l'échelle mondiale pour asservir les pays "non alignés" - Syrie, Iran et Venezuela en tête. Pour tenter de le démontrer, tous les moyens sont bons. Plus c'est gros, plus ça passe. En 2002, Thierry Meyssan lance un bobard ahurissant: dans son livre L'Effroyable Imposture, il affirme que les attentats du 11 septembre 2001 sont en réalité une manipulation d'"une faction du complexe militaroindustriel américain". Selon lui, aucun avion ne s'est écrasé sur le Pentagone ce jour-là. Cette thèse absurde rencontre aussitôt un écho international. 

Depuis lors, Meyssan, ex-militant de la liberté d'expression, est devenu l'un des chefs de file mondiaux du complotisme. Etabli à Damas, il est aujourd'hui, à 57 ans, à la tête d'une véritable entreprise de désinformation, mise au service de la propagande de régimes autoritaires et de dictatures. Incroyable destin pour cet homme qui a eu plusieurs vies, et autant d'engagements. 
"Il voulait bénéficier de financements étrangers"

Thierry Meyssan est né le 18 mai 1957 à Talence (Gironde), dans une famille bourgeoise catholique. Son père travaille au côté de Jacques Chaban-Delmas, maire de Bordeaux et Premier ministre (1969-1972). Sa mère dirige les oeuvres interdiocésaines en Aquitaine. Le jeune Meyssan entame des études de théologie avant d'opter pour Sciences po, dont il n'obtiendra pas le diplôme. Il appartient aussi au Renouveau charismatique, mouvement catholique qui met en valeur les dons de "guérison" et de "prophétie". A 19 ans, le jeune homme se marie. Mais, dans les années 1980, sa vie prend une autre direction. Meyssan est maintenant libre-penseur et clame son homosexualité. Il obtient du Vatican l'annulation de son mariage religieux, un fait rare. L'homme milite pour les droits des homosexuels, s'investit dans la lutte contre le sida, s'essaie au journalisme. En 1993, le voici secrétaire national du Parti radical de gauche (PRG). "Il était très actif et avait un carnet d'adresses bien rempli. Son ambition était de faire une carrière politique", affirme un de ses anciens compagnons de route. L'année suivante, Thierry Meyssan fonde le Réseau Voltaire pour défendre la liberté d'expression et la laïcité. Des cadres de partis de gauche (Verts, PCF, PRG) et de syndicats siègent au conseil d'administration. Philippe Val y représente... Charlie Hebdo. Au quotidien, le Réseau Voltaire, qui multiplie les révélations sur les filières d'extrême droite, est constitué d'un duo: Thierry Meyssan et son compagnon, Serge M., seul salarié de l'association, à 8000 francs par mois. 

"Meyssan avait un fond paranoïaque, se souvient Yves Frémion, ancien vice-président du Réseau Voltaire et ex-élu Vert. Régulièrement, il racontait les tentatives d'assassinat auxquelles il avait soi-disant échappé... Ensuite, il a "pété les plombs" par autoritarisme." Son glissement de la gauche vers la mouvance rouge-brun, l'antiaméricanisme et l'antisionisme virulents, prend une tournure publique en septembre 2001. Dès le lendemain des attentats, Thierry Meyssan met en doute leur réalité. Six mois plus tard, il publie L'Effroyable Imposture. Succès immédiat: vendu à 250 000 exemplaires, le livre est traduit en 26 langues. Mais ses élucubrations suscitent aussi un énorme tollé. Les membres du Réseau Voltaire finissent par prendre leurs distances. "Rapidement, Meyssan a été approché par des gens travaillant pour un état du Proche-Orient, relate Yves Frémion. Ils lui ont livré clefs en main des documents censés démontrer que le Pentagone avait été frappé par un missile américain..." L'association explose en février 2005. "Il voulait modifier les statuts pour créer des sociétés et bénéficier du financement de pays étrangers, raconte Gilles Alfonsi, qui représentait alors le Parti communiste au sein du réseau. Le conseil d'administration était noyauté par ses nouvelles connaissances, notamment un pseudo-scientifique qui avait nié l'existence des chambres à gaz lors du procès [du négationniste] Robert Faurisson." 

Il relaie désormais la propagande du régime de Bachar el-Assad

En 2006, Thierry Meyssan effectue un premier voyage au Liban et en Syrie, peu après des attaques israéliennes contre les bases du Hezbollah. Il est l'invité de ce dernier et du régime de Damas. Deux ans plus tard, pour échapper à un invraisemblable "contrat" que Nicolas Sarkozy - "élu grâce à la CIA" - aurait mis sur sa tête, l'amateur de complots s'installe à Damas, dans le quartier des ambassades. Il devient un expert habilité auprès d'une cohorte de médias "antioccidentaux" ou "antisionistes": chaînes télé du Hezbollah et du régime iranien, RT (ex-Russia Today, pro-Kremlin), radios et quotidiens syriens... Le site Internet du Réseau Voltaire international revendique 760 00 visiteurs uniques par mois. Le véritable ordre de grandeur se situe plutôt autour de 20 000 à 30 000. 

Cependant, il est traduit en 16 langues. Ce qui nécessite d'importants moyens financiers et humains. Lesquels? Les indices affleurent. A Damas, Thierry Meyssan forme des cadres du régime au sein de l'institut de recherche politique Syria Al-Ghad (Syrie Demain). Le vice-président du Réseau, Issa el-Ayoubi, est un cadre du Parti social nationaliste syrien, formation d'inspiration nazie créée dans les années 1930. "Thierry Meyssan a choisi de s'allier avec les pires antisémites tout en se gardant de manier lui-même cette rhétorique, poursuit Gilles Alfonsi. Voilà toute la malignité et la perversité de son discours." 

Depuis le déclenchement de la guerre civile syrienne, en 2011, notre "journaliste en exil" assure, en vidéo, le service après-vente de la propagande du régime de Bachar el-Assad. Le message est simple: la Syrie est victime d'un terrible complot mêlant l'Occident, Israël et Daech... Thierry Meyssan n'est jamais à court d'explications, même s'il doit les trouver par-delà les frontières du réel. En revanche, bien que sollicité à plusieurs reprises par courrier électronique, il n'a pas donné suite à nos demandes d'entretien. 

Ses idées discutées chez Soral et Dieudonné

Depuis la tuerie de Charlie Hebdo, il semble de nouveau s'intéresser à la politique française. Le faussaire est apparemment satisfait que ses idées soient discutées au sein du groupuscule Réconciliation nationale, fondé par Dieudonné et Alain Soral, polémiste qui se définit lui-même comme "national-socialiste français". "Cette formation entend réunir des citoyens d'origines politiques différentes, y compris des personnes ayant milité à l'extrême droite antisémite", écrit le Réseau Voltaire. La vérité surgit parfois là où on ne l'attend pas... 

+ Plus d'actualité sur : Théories du complot

Dijon veut être la première «smart city» française (10.09.2017)

Par Jean-Yves Guérin
Mis à jour le 10/09/2017 à 19h22 | Publié le 10/09/2017 à 17h47

La ville va piloter à distance beaucoup de ses équipements : eau, éclairage, propreté…

Un soir de semaine comme les autres. Un passionné de football se rend au stade à vélo. Au préalable, il a vérifié sur une appli que la qualité de l'air n'était pas gênante pour son déplacement. Sur le chemin, il tombe sur un accident qui implique un motard. Il le signale par smartphone à l'administration locale qui, immédiatement, met les feux tricolores à l'orange clignotant pour faciliter l'arrivée des secours et indique aux automobilistes, via les panneaux urbains, d'éviter ce quartier. En se rendant au stade, une autre fan constate qu'une poubelle n'a pas été ramassée. En un clic, elle le signale à l'administration locale qui va programmer tout de suite le passage d'un camion-benne.

«Avec cette gestion connectée de l'espace public, nous inventons la ville 3.0»
François Rebsamen, maire de Dijon

Un film de science-fiction sur la métropole de demain? Pas tout à fait. Dijon, qui va proposer ces services et bien d'autres, veut devenir une ville intelligente. «Avec cette gestion connectée de l'espace public, nous inventons la ville 3.0», explique François Rebsamen, maire de Dijon. Pour y parvenir, la capitale de la Bourgogne, qui compte 250.000 habitants, va se doter fin 2018 d'un centre de pilotage où toutes les données de la ville (éclairage, eau, propreté, déplacement…) seront remontées et exploitées en temps réel. Ce projet sera réalisé par un consortium mené par Bouygues associé pour l'occasion à Citelum (filiale d'EDF), Suez et Capgemini. Ensemble, ces quatre partenaires ont remporté ce contrat qui s'étalera sur les douze prochaines années pour un montant de 105 millions d'euros.


«Ce sera la première smart city française», affirme Martin Bouygues, PDG du groupe Bouygues. La première même en Europe. Car si beaucoup de grandes villes comme Copenhague réfléchissent au sujet, aucune n'a lancé une expérimentation à grande échelle. À l'image de Lyon ou de Nice, les plus avancées testent ce genre d'approche dans un quartier. C'est qu'il s'agit d'une opération qui demande des investissements significatifs. Entre le déploiement de la fibre optique, l'installation d'ampoule LED sur l'éclairage urbain, le renouvellement de 270 caméras de vidéosurveillance… Dijon va investir 53 millions d'euros. «En retour, nous escomptons des économies de 15 millions sur les douze ans composées de 65 % d'économies sur l'éclairage et d'une division par deux des frais de maintenance», affirme François Rebsamen, qui promet néanmoins que les impôts locaux n'augmenteront pas.

«Les villes dans le monde entier nous questionnent pour être plus efficaces et plus économes»
Martin Bouygues, PDG du groupe Bouygues

Autre difficulté: avec la multiplication de ces objets connectés qui disent tout de nos pratiques, la Ville devra être très vigilante pour que ces données ne puissent pas être piratées ou que le système ne tombe pas en panne. Les récentes cyberattaques ont montré que le risque zéro n'existait pas. Mais ces nouveaux risques représentent aussi de formidables opportunités. Par exemple, avec le flot de nouvelles données qui seront accessibles à tous, les citoyens seront davantage «acteurs» de leur ville.
Ils pourront donc savoir en temps réel et à distance quelles sont les places de parking libres en centre-ville, si des logements HLM sont disponibles, quelle est la longueur de la liste d'attente pour avoir une place en crèche… Encore faudra-t-il que des start-up s'emparent de ces data et développent des applications grand public.

En attendant, si Dijon joue les précurseurs, son exemple pourrait faire école. «D'autres villes se préparent à lancer ce genre d'appel d'offres», affirme Christophe Bonnard, président de Capgemini France. Nantes, notamment, y réfléchirait. La montée en puissance des problématiques de la «ville intelligente» constitue un axe de développement pour ces grands groupes. «Les villes dans le monde entier nous questionnent pour être plus efficaces et plus économes, illustre Martin Bouygues. Le fait de réaliser cette opération à Dijon va être une très belle référence.» Et si tous les acteurs de ce consortium sont présents dans les pays concernés, il n'est pas exclu qu'ils répondent ensemble aux appels d'offres internationaux.

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Dans le métro, une adolescente se rebelle, son agresseur finit au tribunal (10.09.2017)

La jeune victime a d'abord été «collée» sur l'escalator avant d'être agressée./ DDM illustration Nathalie Saint-Affre.

Alors qu'elle rentrait du collège avec ses camarades mardi après-midi, une jeune mineure de 15 ans a été victime d'une agression sexuelle dans la station de métro Jean-Jaurès, à Toulouse. L'agresseur est un homme grand et frêle, âgé de 22 ans. Il l'a d'abord collé dans l'escalator. Pourtant il n'y avait pas foule ce jour-là et l'adolescente a trouvé ça très curieux. Arrivée au bas de l'escalier, au niveau des commerces, la victime s'est éloignée pensant se débarrasser de l'individu. C'était sans compter sur la détermination de cet homme qui, d'un pas décidé, s'est dirigé vers l'adolescente et lui a touché avec sa main l'entrejambe au niveau du sexe par-dessus son jean.

Malgré son jeune âge, la victime ne s'est pas laissée faire. Elle n'a repoussé l'homme et son amie lui a mis une gifle. Après ça, les deux jeunes filles ont eu la présence d'esprit d'avertir les agents Tisseo qui ont intercepté l'homme. Placé en garde à vue et entendu par les enquêteurs de la sûreté départementale, il a été présenté jeudi au parquet et jugé vendredi.

Devant le tribunal correctionnel, Alain Moulis, ancien juge d'application des peines qui présidait l'audience de comparution immédiate pour la première fois, s'inquiète : «Votre geste était-il volontaire ?». «C'était une faute du moment, je ne me l'explique pas. Oui mon geste était volontaire. Je n'avais aucune motivation particulière, je n'ai même pas vu son visage», répond le prévenu.L'homme n'en est pourtant pas à son coup d'essai. Il est déjà connu de la gendarmerie et de la justice pour avoir commis des faits identiques le 14 avril à Cazères. Ce jour-là, il avait saisi la poitrine d'une femme. Il s'expliquera sur cette agression sexuelle devant le tribunal correctionnel de Saint-Gaudens le 5 octobre.

Demandeur d'asile, lui et sa famille sont hébergés par une association. Marié et père d'un bébé de 10 mois, sa femme est présente dans la salle d'audience et le soutient. Le procureur Pierre Demonte se dit préoccupé. «Les faits sont d'une certaine gravité d'autant qu'ils sont commis sur une mineure de 15 ans, dans un espace public et en pleine journée. Pire encore, le prévenu ne donne aucune explication à son geste». Le procureur réclame 12 mois de prison avec sursis.

«Ce sont des faits désagréables. Je le sais d'autant plus que je suis une femme. Cet homme assume néanmoins son geste déplacé, devant vous et sa femme. Il doit être averti mais il a déjà compris» plaide son avocate, Me Anita Buzonie. Après délibéré, le tribunal a condamné le prévenu à huit mois de prison avec sursis.

Saint-Martin: le gouvernement veut éteindre la polémique sur la gestion de la crise (10.09.2017)



Mis à jour le 10/09/2017 à 21h51 | Publié le 10/09/2017 à 20h32

Plusieurs responsables politiques ont dénoncé des défailances de l'Etat face à l'insécurité régnant sur l'île durement frappée par l'ouragan Irma. Le président Macron s'envolera ce lundi soir pour Saint-Martin.

Des attaques à la voiture bélier contre des commerces, des pillages massifs, des rumeurs de «chasse aux Blancs», d'évasion de détenus dangereux et armés, des milices de riverains, bien réelles celles-là, constituées pour protéger certains quartiers. Et, en tout état de cause, des familles qui ont peur et réclament, pour certaines, un rapatriement, au moins pour les femmes et les enfants. Il n'en fallait pas davantage pour que ce qui se passe à Saint-Martin, l'île des Antilles françaises la plus durement frappée par l'ouragan Irma, n'échauffe les esprits à Paris. L'ampleur du désastre se confirme notamment dans les témoignages chocs de fonctionnaires ultramarins.

Sur le chaos régnant sur place, le général Jean-Marc Descoux, qui dirige les forces de gendarmerie en Guadeloupe, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, a livré son analyse de militaire. Il a d'abord confirmé sur France Info que les forces de l'ordre ont désarmé «des gens avec des couteaux» qui «terrorisaient» les habitants. Une maigre moisson, pour l'heure, d'une vingtaine de voyous tout au plus. Le général Descoux a révélé que «500, 600 malfaiteurs, mais qui étaient des malfaiteurs d'habitude (…) ont profité de l'opportunité» pour passer à l'action.

«Je ne nie pas le sentiment d'insécurité, il est réel (…). Il y avait 11 pharmacies, 8 ont été détruites, 3 pillées par des gens qui, face à la panique, ont fait ce qu'ils n'auraient jamais fait à aucun autre moment»
Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement

Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, a bien été forcé de le reconnaître: «Je ne nie pas le sentiment d'insécurité, il est réel (…). Il y avait 11 pharmacies, 8 ont été détruites, 3 pillées par des gens qui, face à la panique, ont fait ce qu'ils n'auraient jamais fait à aucun autre moment.» Des frigos, des machines à laver, des téléviseurs ont aussi été embarqués dans des pick-up lors de razzias improvisées jusque chez les particuliers. On a même vu un adjoint de sécurité de la police aux frontières (PAF) embarquer du matériel nautique. Bref, les 37.000 habitants d'une île dévastée ont été confrontés à l'anarchie la plus totale.

En face, le nombre des agents qui ont pu être déployés sur le terrain dans un premier temps était inférieur à celui des pilleurs. «420 gendarmes immédiatement sur place, 80 policiers, 100 militaires» auxquels il faut ajouter 550 pompiers pour arriver au chiffre d'un millier de professionnels à pied d'œuvre au début de la crise, était-ce un nombre suffisant? Une chose est sûre: la polémique n'aura pas attendu la fin des secours et de l'urgence pour démarrer.

«Défaillance de l'État» 

Marine Le Pen a ouvert les hostilités dès samedi. «Rien n'a été prévu, rien n'a été anticipé. Les moyens de secours et de maintien de l'ordre sont tout à fait insuffisants. L'effondrement de nos moyens militaires - le nombre dérisoire de nos bâtiments de la Marine - ne permet pas la réponse qui devrait être celle d'une grande et puissante nation comme la France», a-t-elle déclaré.

«Il y a une défaillance de l'État», a estimé, de son côté, dimanche, Éric Ciotti, invité du «Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro». «Il y a eu un défaut d'anticipation de la part des services de l'État», a-t-il martelé. «On aurait pu prépositionner des forces, des militaires pour assurer la sécurité» des civils, a continué le député qui réclame «une commission d'enquête parlementaire», pour «tirer toutes les conséquences, pour que cela ne se reproduise plus». Il ajoute: «Elle devra établir si tout a été fait.»

«Je proposerai qu'on fasse une commission d'enquête parlementaire pour savoir si l'on a prépositionné des forces militaires et civiles en nombre suffisant, alors qu'on savait que l'ouragan arrivait» 
Jean-Luc Mélenchon

Même Jean-Luc Mélenchon, à l'extrême gauche, annonce vouloir prendre une initiative similaire: «Je proposerai qu'on fasse une commission d'enquête parlementaire pour savoir si l'on a prépositionné des forces militaires et civiles en nombre suffisant, alors qu'on savait que l'ouragan arrivait», a déclaré le chef de file des Insoumis, lors de l'émission «Dimanche en politique» sur France 3.

Sur le pont, tout l'été avec les incendies de forêts et les retombées de l'enquête antiterroriste consécutive aux attentats de Catalogne, Gérard Collomb s'attendait certes à une rentrée musclée. Mais il se préparait surtout à une fronde sociale autour de la réforme du Code du travail. Pouvait-il prévoir le coup de tabac d'Irma, une séquence qui, dans son esprit, appellerait plutôt à la cohésion nationale? À Beauvau, ce sont bien les événements qui commandent.

Le premier ministre fait bloc avec son ministre de l'Intérieur. Il a annoncé que deux escadrons de gendarmerie mobiles, arrivés dimanche en renfort, «seront opérationnels dès lundi». Un autre arrivera de métropole dans «les jours qui suivent». «Cela représente 240 gendarmes supplémentaires, auxquels s'ajoutent des moyens militaires, avec la mobilisation de trois compagnies», issues de l'infanterie de marine, avec ses «paras», et de la Légion. Le GIGN a envoyé 30 hommes, et le GIPN, une quinzaine de superflics. Les forces d'élite mobilisées pour réprimer les troubles.

Le président de la République, de retour de Grèce, se doit de montrer que la réponse de l'État est à la hauteur du défi d'Irma. Emmanuel Macron s'envolera lundi soir pour Saint-Martin. «Il y sera mardi au matin. Il passera la journée sur l'île pour pouvoir s'entretenir avec les habitants (...) et les élus de l'île», a déclaré Gérard Collomb dimanche soir.

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Le fils du premier ministre israélien suscite un nouveau scandale après un dessin antisémite (09.09.2017)

Le sulfureux Yaïr Nétanyahou a publié vendredi sur Facebook un dessin représentant le philanthrope juif américain George Soros tenant la Terre au bout d’une canne à pêche.

LE MONDE | 09.09.2017 à 21h39 • Mis à jour le 10.09.2017 à 19h15 | Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)

 « Chaîne alimentaire ». L’expression est en anglais dans le texte. C’est ainsi que Yaïr Nétanyahou, fils du premier ministre israélien, a introduit un dessin satirique aux relents antisémites, publié vendredi 8 septembre sur sa page Facebook. On y voit, de gauche à droite, le philanthrope juif américain George Soros, qui tient la Terre au bout d’une canne à pêche, puis un grand lézard, un personnage symbolisant les Illuminati et enfin plusieurs figures publiques israéliennes : l’ancien premier ministre Ehud Barak, un avocat travailliste ou encore Menny Naftali.

Lire aussi :   Yair Nétanyahou dans la droite ligne du père

Ce dernier est l’ancien concierge de la résidence officielle de M. Nétanyahou. Pour se retrouver en si prestigieuse compagnie, M. Naftali est devenu un acteur central dans l’enquête sur les frais de bouche abusifs du premier ministre. Une enquête dans laquelle le procureur général, Avichai Mandelblit, a confirmé vendredi que Sara Nétanyahou, l’épouse du premier ministre, serait bientôt inculpée pour fraude, après avoir utilisé de façon indue 84 000 euros d’argent public. Or il ne s’agit que d’une affaire mineure, par rapport à plusieurs autres investigations policières en cours.
Grand fan de Donald Trump

Quelques heures après cette annonce, Yaïr Nétanyahou publiait ce dessin, suggérant une vaste conspiration contre sa famille. Une pluie de commentaires a suivi sur les réseaux sociaux. « Est-ce génétique, ou s’agit-il d’une maladie mentale soudaine ? », s’est indigné Ehud Barak. Samedi soir, Yaïr Nétanyahou précisait qu’il avait trouvé cette caricature sur une page anti-gauchiste, dont la photo d’illustration montre un Augusto Pinochet hilare en train de trinquer. L’image satirique originale a été rapidement trouvée : il s’agit d’un dessin en vogue depuis des années sur des sites antisémites.

En tout cas, David Duke, ancien leader du Ku Klux Klan, a apprécié la suggestion qu’un milliardaire juif contrôlait le monde : il a retweeté un article de la presse israélienne consacré au scandale. Yaïr Nétanyahou n’a peut-être pas vu le mal qu’il y avait à mettre en cause George Soros. Son père n’a pas émis la moindre protestation ou réserve, en juillet, avant de se rendre en Hongrie pour rencontrer son homologue Viktor Orban. Or une campagne d’affichage haineuse, aux accents antisémites, avait pris le philanthrope pour cible dans son propre pays d’origine.

Benyamin Nétanyahou est fier de son fils. Lorsque Donald Trump et son épouse Melania ont été accueillis fin mai à la résidence du premier ministre israélien, celui-ci a présenté Yaïr au président américain, devant les caméras. « Je suis un grand fan de vous », a déclaré le jeune homme, âgé de 25 ans, à l’attention de l’invité.

Lire aussi :   La droite israélienne fébrile avant la visite de Donald Trump

Les « voyous de Black Lives Matter »

Le 30 juillet, le site satirique Sixty-One, l’un des projets du Centre pour le renouveau de la démocratie (Molad), a publié un texte cinglant intitulé « Cinq choses que vous ne saviez pas sur l’héritier du trône ». Le texte mettait en cause la mise à disposition de la protection rapprochée du premier ministre pour les déplacements de son fils, son goût du luxe, mais aussi son influence auprès de son père dans des affaires sensibles ou encore sa défense passée du boycottage de produits arabes. Furieux, Yaïr Nétanyahou a répondu, toujours sur Facebook, en accusant Sixty-One d’être une « organisation radicale, antisioniste », qui aurait en plus le tort d’être financée « par l’Union européenne » – une marque d’infamie pour la droite dure israélienne, obsédée par l’idée d’une cinquième colonne gauchiste soutenue de l’étranger.

A la mi-août, après les violences à Charlottesville (Virginie) pendant une marche de l’extrême droite américaine, le jeune homme avait publié un message sur Facebook pour se dire davantage inquiet par l’extrême gauche que par les néonazis, qui représenteraient « une race en extinction ». « En revanche, ajoutait-il, les voyous d’Antifa et de [Black Lives Matter] qui haïssent mon pays (et les Etats-Unis aussi de mon point de vue) tout autant, sont de plus en plus forts et deviennent super-dominants dans les universités américaines et la vie publique. »

Début septembre, Yaïr Nétanyahou a décidé de porter plainte contre l’un des organisateurs d’un rassemblement hebdomadaire devant le domicile du procureur général, à Petah Tikva. Les participants réclament l’aboutissement des nombreuses enquêtes mettant en cause le premier ministre. Son fils a pris pour cible Abie Binyamin en raison d’un post publié un an plus tôt sur Facebook. L’activiste y affirmait, sans aucune preuve, que Yaïr Nétanyahou avait reçu un faux passeport du Mossad, les services secrets israéliens, pour pouvoir ouvrir des comptes cachés à l’étranger.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/09/09/le-fils-du-premier-ministre-israelien-suscite-un-nouveau-scandale-apres-un-dessin-antisemite_5183456_3218.html

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