mardi 5 septembre 2017

Actualités islamisme et politique 04.09.2017 suite

En Grèce, Macron veut réinscrire l'Europe dans une perspective historique (04.09.2017)



Mis à jour le 04/09/2017 à 19h50 | Publié le 04/09/2017 à 19h43

Le président français veut profiter de son voyage à Athènes, jeudi et vendredi, pour enclencher le rebond de l'Union européenne promis durant sa campagne électorale.

Changement de décor. Après les cartes postales pour souligner le prestige de la France envoyées par Emmanuel Macron au début de son mandat (depuis le Louvre, Versailles ou la tour Eiffel), place à celles envoyées depuis l'étranger pour illustrer la grandeur de l'Europe. Depuis la Grèce en l'occurrence, où le président de la République prononcera, avec l'Acropole d'Athènes en toile de fond, un discours «ancré dans l'histoire de la construction de l'Europe» pour «réinscrire le continent dans le temps long», selon l'un de ses conseillers.

En parlant depuis la Grèce, berceau de l'Europe, Emmanuel Macron veut tenter d'enclencher le rebond de l'Union européenne promis durant sa campagne électorale. Le président de la République veut notamment expliquer sa croisade entamée fin août contre les dérives du travail détaché. Lors de sa tournée dans les pays de l'est de l'Europe, Emmanuel Macron avait alors qualifié la directive qui l'organise de «trahison de l'esprit européen» et provoqué une crise diplomatique avec la Pologne. «Il veut remettre en perspective son action sur le travail détaché», explique-t-on à l'Élysée.

Tourner la page Hollande

Au-delà de cet enjeu, et de façon plus terre à terre, ce voyage sera aussi pour lui l'occasion de tourner la page de François Hollande, acteur de premier plan du sauvetage de la Grèce durant la crise. L'heure est désormais à la récolte de ce que son prédécesseur a semé en pariant sur le retour de la croissance et en accompagnant le pays tout au long de sa restructuration. C'est ainsi que le président de la République emmène avec lui une importante délégation de chefs d'entreprise vers ce pays, désormais qualifié de «terre d'opportunités».

À cet égard, Emmanuel Macron veut souligner l'ampleur des sacrifices consentis par les Grecs pour retrouver le chemin de la croissance. Une façon d'établir une sorte de parallèle entre les lourdes réformes mises en place par le pays pour se relever et celles qu'il demande aux Français pour «réparer le pays», selon les mots de son premier ministre.

Durant ces deux jours de voyage officiel, le chef de l'État doit rencontrer le président de la République, Prokópis Pavlópoulos, et le premier ministre Alexis Tsipras. Pas de rencontre prévue en revanche avec Yanis Varoufakis. Membre de la gauche radicale grecque, l'ancien ministre des Finances, évincé du gouvernement durant la crise, avait soutenu Emmanuel Macron pendant l'élection présidentielle.

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François-Xavier Bourmaud   131 abonnés   Suivre

Grand reporter au service politique du Figaro

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En Grèce, malgré une reprise de l'activité, les ménages vivent la crise au quotidien (04.09.2017)



Mis à jour le 04/09/2017 à 19h55 | Publié le 04/09/2017 à 19h39

INFOGRAPHIE - Le PIB a augmenté de 0,8 % au deuxième trimestre 2017, mais la population demeure exsangue après sept années de crise douloureuse.
Athènes

L'électrocardiogramme de la Grèce semble donner des signes de reprise. Il faudra, certes, encore du temps pour revenir à un rythme normal, mais le pouls se fait entendre. Le PIB a augmenté de 0,8 % au deuxième trimestre, une prouesse inespérée depuis que la Grèce a été placée sous tutelle budgétaire de l'Union européenne et du Fonds monétaire international en 2010. Cela peut paraître étonnant au vu de la paupérisation quotidienne des ménages, soumis à de nouvelles ponctions sur les retraites (la 14e depuis le début de la crise), mais elle peut-être porteuse d'espoir pour la population exsangue après sept années de crise douloureuse.

Les prévisions de croissance et autres statistiques positives ne parlent cependant pas à Popy Mavrou. Cette mère célibataire de 49 ans est au chômage depuis la fermeture de la chaîne de vêtements de sport qui l'employait jusqu'en 2013. «Le marché du travail est bloqué. Nous sommes noyés de taxes comme celle sur la propriété ou celle de solidarité. Nous sommes certes pauvres, mais moins que d'autres, donc on nous assène toujours plus d'impôts.» Popy a bien trouvé un job d'été grâce au tourisme qui bat des records cette année. Près de 30 millions de visiteurs auraient parcouru la Grèce, selon le ministère du Tourisme, ce qui pourrait booster les recettes à 13 milliards d'euros.

Mais l'intégralité de cette somme n'ira pas gonfler les caisses de l'État, car nombre de chaînes hôtelières appartiennent à des investisseurs étrangers et les locations d'appartement ne sont pas taxées. La saison touristique aura néanmoins un impact sur la majorité des Grecs. Ainsi Popy se charge d'accueillir des touristes louant des appartements ou maisons à Athènes, via un site Internet populaire. Elle est l'alpha et l'oméga de chaque location: «C'est une course, j'ai huit appartements à gérer dans trois quartiers différents.» Elle perçoit 600 euros des propriétaires, qui ne sont pas déclarés. À cela, il faut ajouter la retraite de sa mère, de 580 euros par mois, qui l'aide à joindre les deux bouts. «Je ne peux pas me plaindre… même si je ne paie plus les échéances de mon prêt immobilier depuis six mois», tempère-t-elle. La banque menace de saisir son appartement.

À l'image de Popy, la classe moyenne grecque croule sous les dettes. Les créances douteuses, les prêts non remboursés, s'élèvent à 106 milliards d'euros, soit plus de la moitié du PIB. Les banques systémiques, sous la contrainte des créanciers du pays, doivent s'en défaire en les vendant à des fonds d'investissement par petits paquets et à petits prix. Comme nombre de personnes concernées, Popy espère que le gouvernement de gauche radicale - fort des bons résultats de l'économie - se battra contre les bailleurs de fonds du pays pour épargner la saisie du domicile principal des ménages endettés.

«La société grecque semble s'être résignée à la crise. Elle n'est plus choquée par des réformes douloureuses alors qu'elle affronte des problèmes de taille»
Nicolas Bloudanis, historien

Pour l'historien Nicolas Bloudanis, le cas de Popy est caractéristique de la société grecque actuelle, qui «semble s'être résignée à la crise. Qui n'est plus choquée par des réformes douloureuses alors qu'elle affronte des problèmes de taille». «Le chômage n'a pas sensiblement baissé (il dépassait 21 % en mai, dernier chiffre disponible), il y a autant de fermetures d'entreprises, et le pays caracole toujours en tête des pays européens en matière d'économie parallèle, qu'il s'agisse de travail clandestin ou des commerçants qui ne donnent pas de factures», ajoute l'historien.

Fort des bons chiffres du tourisme, du retour amorcé sur le marché de la dette, le premier ministre, Alexis Tsipras, s'achète du temps politique en attendant la sortie tant espérée de la tutelle budgétaire, prévue le 21 août 2018.

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Les Grecs espèrent beaucoup de la visite de Macron (04.09.2017)



Mis à jour le 04/09/2017 à 19h55 | Publié le 04/09/2017 à 19h27

Le président français sera à Athènes jeudi et vendredi, accompagné d'une délégation de grands patrons disposés à investir.

Depuis quelques jours, archéologues et autorités protocolaires se succèdent sur le Pnyx. Cette petite colline située en face de l'Acropole est célèbre dans le monde entier parce qu'en ce lieu Socrate, condamné à mort par les Athéniens, a bu la ciguë. C'est là aussi que des siècles plus tard, en 1959, André Malraux prononça son discours d'inauguration de l'illumination de l'Acropole. La vue du Parthénon est imprenable depuis ce site, et c'est justement là que s'est porté le choix d'Emmanuel Macron pour faire son allocution, aux côtés du premier ministre grec Alexis Tsipras.

Le président français et son épouse, Brigitte, seront en visite officielle à Athènes les 7 et 8 septembre, et les Grecs en espèrent beaucoup. Comme le résume à sa façon le très populaire auteur et metteur en scène Lakis Lazopoulos, «la France et les Français ont toujours soutenu la Grèce et ont été à nos côtés quand nous subissions cette attaque sans précédent de l'Europe et de ses partenaires. Il s'agissait d'une guerre budgétaire interne, parce qu'il existe des dirigeants “nord-coréens” ailleurs qu'en Corée du Nord.»

Au-delà des visites du rocher sacré, du musée de l'Acropole ou de l'Agora antique, la visite du couple présidentiel est déterminante pour Athènes. Même si elle tombe avant les élections allemandes du 24 septembre, Athènes compte sur Paris pour plaider en faveur d'un allégement de la dette publique (180 % du PIB) auprès des intransigeants allemands.

Collaboration bilatérale

En outre, dans une ville quadrillée par quelque 2000 policiers, le président français ne voyagera pas seul. Il sera accompagné d'une dizaine de chefs d'entreprise, comme ceux de Total, Suez, EDF, Sanofi, Orpea, Bpifrance ou encore Engie. «Des fleurons de l'économie française. C'est un message que la France veut accompagner la Grèce sur le chemin de la croissance et la sortir de la misère», avance Nikos Vernicos, président parfaitement francophone de la Chambre internationale de commerce d'Athènes. Et de se réjouir que les PDG, «des décideurs», pas de simples représentants, font le voyage.

«Des fleurons de l'économie française. C'est un message que la France veut accompagner la Grèce sur le chemin de la croissance et la sortir de la misère»
Nikos Vernicos, président de la Chambre internationale de commerce d'Athènes

Il faut dire que la France garde, malgré la crise, un vif intérêt pour la Grèce, tant sur le plan politique qu'économique. En matière de collaboration bilatérale, Nicolas Dufourcq, directeur de Bpifrance, sera dans la délégation à la demande du gouvernement grec, qui souhaite se doter d'une banque publique d'investissement.

Privatisations

S'agissant des investissements, la France commence à revenir en Grèce, alors qu'il y a quelques années bon nombre de sociétés ont payé le prix fort pour quitter le pays, comme Carrefour, le Crédit agricole ou la Société générale. Dans le cadre du vaste programme de privatisations, la société marseillaise CMA CGM vient tout juste d'obtenir un bail emphytéotique pour le port de Thessalonique, dans le cadre d'un consortium avec l'Allemagne. Contrairement au port du Pirée, passé sous contrôle chinois, celui de la deuxième plus grande ville de Grèce reste donc européen. Il y a là une importance stratégique particulière pour la France, qui voudrait freiner l'offensive de Pékin dans le sud de l'Europe.

D'autres entreprises, comme Suez et EDF, sont candidates à la reprise des compagnies des eaux et d'électricité du pays, Eydap, Eyath et DEI. Total, pour sa part, s'intéresse à l'exploration d'hydrocarbures en mer Ionienne ou au sud de la Crête. Tout cela suffira-t-il à Athènes pour atteindre l'objectif de 1,9 milliard d'euros de privatisations pour 2017? «Sans doute pas, mais cet intérêt adresse un message aux investisseurs internationaux sur une Grèce qui sort la tête de l'eau», répond Nikos Vernicos. «Depuis le 24 juillet dernier et la sortie réussie de la Grèce sur le marché obligataire, la communauté internationale ne nous regarde plus du même œil», confirme-t-il. Lors d'un déplacement récent dans une start-up grecque, Alexis Tsipras a affirmé qu'il ferait son possible pour décrocher des investissements. Reste à savoir si les créanciers du pays le laisseront agir librement.

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Enquête de journaux européens sur l'Azerbaïdjan (05.09.2017)


  • Par Le Figaro.fr avec AFP
  • Mis à jour le 05/09/2017 à 11:44
  • Publié le 05/09/2017 à 11:34
L'Azerbaïdjan a dépensé 2,5 milliards d'euros entre 2012 et 2014 en particulier pour s'attacher des soutiens à l'étranger, notamment au Conseil de l'Europe, selon l'enquête de journaux européens sur la "diplomatie du caviar" menée par ce pays pétrolier du Caucase.


Cette enquête publiée mardi, intitulée "Laundromat" ("Lessiveuse"), menée conjointement par l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et une dizaine de journaux dont le français Le Monde, l'allemand Suddeutsche Zeitung, le britannique The Guardian ou le danois Berlingske, décortique plus de 16.000 transactions passées pour ce montant.

Le gouvernement azerbaïdjanais n'avait pu être joint mardi matin pour obtenir une réaction. Selon Le Monde, ces transactions qui "forment sans doute seulement la partie émergée de l'iceberg" ont été effectuées, notamment via la filiale estonienne de la Danske Bank, par "quatre sociétés domiciliées au Royaume-Uni et secrètement liées au régime azerbaïdjanais".

Ces quatre sociétés ont été dissoutes, précise le Guardian, ajoutant que la Danske Bank avait indiqué en mars que les procédures anti-blanchiment étaient insuffisantes à l'époque en Estonie mais qu'elle avait pris "les mesures nécessaires pour y remédier".

L'étude des relevés de ces transactions dévoile un système servant à "blanchir des fonds à la provenance douteuse, à financer le train de vie des caciques du régime et à acheter moyennant espèces sonnantes et trébuchantes des amitiés à l'étranger", poursuite Le Monde.

« Diplomatie du caviar » : les échanges de bons procédés entre l’Azerbaïdjan et les élus français (05.09.2017)


Le jeune pays pétrolier, régulièrement mis en cause par les organisations des droits de l’homme, tente de redorer son blason à grand renfort de cadeaux et d’investissements.

LE MONDE | 05.09.2017 à 11h40 • Mis à jour le 05.09.2017 à 12h44 | Par Laura Motet

C’est l’histoire d’un ministre de l’agriculture venu d’Azerbaïdjan jusque dans l’Yonne pour y acheter 630 vaches charolaises. Une aubaine pour le département rural, qui ne doit rien au hasard. Deux ans avant la venue du ministre Ismat Abasov, en février 2011, l’actuel député de l’Yonne, André Villiers, alors sénateur, s’envole en Azerbaïdjan. Là-bas, il plaide la cause des éleveurs icaunais. L’un d’entre eux explique au Monde :
« Il faut être au niveau politique le plus élevé pour avoir accès à ces marchés et c’est le cas d’André Villiers. »

Depuis 2011, l’élu UDI est régulièrement invité en Azerbaïdjan, que ce soit pour le « forum humanitaire » de Bakou ou pour le festival international du vin de Gandja.

Voyages, investissements et cadeaux luxueux constituent les outils typiques de la « diplomatie du caviar », une stratégie d’influence de l’Azerbaïdjan pour promouvoir son image auprès des pays étrangers, originellement grâce à ce mets de la Caspienne.

Si aucun élu français n’apparaît dans les relevés de transactions de sociétés secrètement liées au régime azerbaïdjanais obtenus par le journal danois Berlingske, l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et Le Monde dans l’enquête dite « Laundromat » (« lessiveuse ») , l’Azerbaïdjan pratique bien cette « diplomatie du caviar » auprès d’élus de l’Hexagone.

Le principal instrument de cette influence est l’Association des amis de l’Azerbaïdjan (AAA). André Villiers appartient à son conseil d’administration, tout comme Jean-Marie Bockel, Rachida Dati et Thierry Mariani, tous anciens membres des gouvernements de la présidence Sarkozy. L’organisation, créée par l’ancien député Les Républicains (LR) Jean-François Mancel, a deux buts affichés : mettre en valeur cette ancienne République soviétique, coincée entre la Russie et l’Iran, et contrebalancer l’influence de la diaspora arménienne, dont le pays...

Une enquête met en lumière la «diplomatie du caviar» de l'Azerbaïdjan (05.09.2017)



Publié le 05/09/2017 à 15h11

L'étude de 16.000 relevés de transactions, effectuée par l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et plusieurs journaux européens, révèle que Bakou a dépensé 2,5 milliards d'euros entre 2012 et 2014, en particulier pour s'attacher des soutiens à l'étranger.

Correspondant à Berlin

Le caviar paie bien quand il vient d'Azerbaïdjan. C'est la leçon de l'article publié mardi par la Süddeutsche Zeitung . Le quotidien allemand a enquêté, conjointement avec l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et une dizaine de journaux dont Le Monde The Guardian ou le journal danois Berlingske, sur le lobbying de la dictature d'Asie centrale auprès des instances européennes. Cette «diplomatie du caviar» a permis d'acheter la mansuétude d'élus envers le régime d'Ilham Aliyev.

Les sommes en jeu sont conséquentes: 2,5 milliards d'euros dépensés de 2012 à 2014, selon les données bancaires examinées par la SZ. Si l'utilisation de la plupart de ces fonds n'a pas pu être tracée, plusieurs millions ont servi à rémunérer des élus européens, comme l'ancien député CSU Eduard Lintner ou le député italien Luca Volontè. Ils assurent avoir perçu des honoraires légaux pour leurs travaux de conseil auprès d'organisations non gouvernementales d'Azerbaïdjan.

16.000 virements vers des comptes du monde entier

Ces élus, ainsi que d'autres, sont soupçonnés d'avoir au contraire usé de leur influence au profit du gouvernement d'Ilham Aliyev. En 2015, une délégation du conseil de l'Europe a ainsi considéré que les élections parlementaires dans le pays avaient été «un pas vers la démocratie». Autre exemple: en 2013, un rapport critique envers le régime d'Asie centrale a été rejeté par l'assemblée parlementaire du conseil de l'Europe. Luca Volontè, président du groupe du Parti populaire, aurait fait pression. Plus tard, une fondation qu'il dirige ainsi que l'entreprise de son épouse auraient reçu 2,39 millions d'euros venant d'Azerbaïdjan, rapporte la Süddeutsche Zeitung.

«L'argent de Bakou n'a pas seulement été perçu par des élus conciliants», explique aussi le quotidien allemand. «16.000 virements», analysés par l'OCCRP et plusieurs journaux, attestent de récipiendaires «dans le monde entier». Au moment où le régime d'Ilham Aliyev tente de poursuivre des journalistes français du magazine Cash Investigation, l'enquête de la Süddeutsche Zeitung révèle les méthodes de l'Azerbaïdjan pour polir son image.

Nicolas Barotte   Journaliste 88 abonnés 

Correspondant du Figaro à Berlin

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Immigration aux États-Unis : Trump met fin au rêve des «Dreamers» (04.09.2017)



Mis à jour le 04/09/2017 à 18h45 | Publié le 04/09/2017 à 18h24

Quelque 800.000 sans papiers arrivés bébés ou enfants aux États-Unis vont perdre la protection juridique accordée par Obama.

De notre correspondant à Washington

Les manifestations et le porte-à-porte pour mobiliser l'opinion ont commencé pendant ce week-end férié de trois jours, lundi marquant aux États-Unis le Labor Day (la fête du travail). Les protestataires ont anticipé la décision que doit annoncer Donald Trump ce mardi sur le sort des «Dreamers», ainsi qu'on appelle les sans-papiers arrivés enfants ou bébés, jusqu'ici épargnés par les mesures d'expulsion.

Après avoir beaucoup tergiversé, le président s'apprête à annuler la dérogation instituée en leur faveur par Barack Obama en 2012. La suppression du programme Daca (Deferred Action for Childhood Arrivals) n'entrerait toutefois en vigueur qu'après un délai de six mois, afin de laisser au Congrès le temps de légiférer sur ce sujet sensible, s'il en est capable. Mais les questions d'immigrations divisent tant les élus qu'ils ont régulièrement échoué à produire une réforme globale, quelle que soit la majorité.

C'est d'ailleurs la raison qui avait poussé Obama à agir par décret. Quelque 800.000 jeunes immigrés bénéficient désormais d'une protection temporaire de deux ans, renouvelable, qui leur donne le droit d'étudier ou de travailler sans craindre d'être expulsés, pour peu que leur casier judiciaire soit vierge. Intégrés à la vie sociale et économique américaine, la plupart n'ont ni lien ni souvenir avec leur pays d'origine. Sortis de la clandestinité, ils craignent de devenir des cibles de choix pour la police des frontières.

«Le procès n'est qu'un prétexte pour faire passer l'acte le plus inhumain d'une politique anti-immigration radicale»
Pr Wayne Cornelius, de l'université de Californie

Durant la campagne, Donald Trump avait promis d'éliminer le Daca afin de réserver les emplois aux citoyens américains. Deux mois après son entrée à la Maison-Blanche, il n'en était plus sûr: «C'est un sujet très difficile, disait-il en février 2017. Nous allons faire preuve d'un grand cœur.» «J'adore les Dreamers, je pense qu'ils sont formidables», a-t-il répété vendredi. Mais le président «veut être juste envers les travailleurs américains, a expliqué dimanche sa conseillère Kellyanne Conway. Des gens viennent ici illégalement et leur font concurrence pour l'emploi et d'autres avantages».
En juin, une dizaine d'États contrôlés par les Républicains, Texas en tête, ont menacé de poursuivre l'Administration en justice si elle n'annulait pas le Daca d'ici au 5 septembre. L'Attorney General, Jeff Sessions, a prévenu Trump qu'il ne s'estimait pas en position de défendre une mesure qu'il a toujours jugée inconstitutionnelle, y voyant un excès de pouvoir de Barack Obama. «Le procès n'est qu'un prétexte pour faire passer l'acte le plus inhumain d'une politique anti-immigration radicale», estime le Pr Wayne Cornelius, de l'université de Californie, un État qui compte 200.000 Dreamers.

Zuckerberg soutient le Daca

Populaire d'après les sondages, à l'origine de nombreuses success stories, le Daca bénéficie de beaucoup de soutiens. Les chefs d'entreprises de la Silicon Valley ont adressé une lettre ouverte à la Maison-Blanche et au Congrès les pressant de maintenir la protection dont bénéficient nombre de leurs employés (250 chez Apple, une trentaine chez Microsoft). Samedi, le jeune patron de Facebook, Mark Zuckerberg, auquel on prête des ambitions présidentielles depuis qu'il a entamé une tournée du pays, a changé la photo de son profil sur son site pour proclamer : «Je soutiens le Daca.»

Une dizaine d'élus républicains ont écrit à leur chef de file, Paul Ryan, pour lui demander de s'opposer à la suppression du Daca, comme il le préconise lui-même : «Ce n'est pas la chose à faire, le Congrès doit s'occuper de ce problème.» «Pour la grandeur de l'Amérique, il faut garder le Daca», renchérit le commentateur conservateur Bret Stephens. Mais à la Maison-Blanche, les tenants de la ligne Steve Bannon n'ont pas perdu toute leur influence après le départ du conseiller stratégique en août.

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Philippe Gélie  Journaliste 66 abonnés  Suivre
Correspondant à Washington

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Yémen: plus de 600.000 cas de choléra depuis avril (05.09.2017)


Par Nicolas Certes et agence Reuters Mis à jour le 05/09/2017 à 16h39 | Publié le 05/09/2017 à 15h48
INFOGRAPHIES - L'épidémie de choléra au Yémen a infecté 612.703 personnes et en a tué 2048 depuis qu'elle a commencé en avril. Certaines régions continuent de noter une forte augmentation des nouveaux cas, selon les données de l'OMS et du ministère de la Santé yéménite transmises ce mardi.
L'épidémie de choléra qui frappe le Yémen depuis avril dernier se propage à une vitesse fulgurante. Environ 3000 nouveaux cas suspectés de choléra sont comptabilisés chaque jour. Cette épidémie a dépassé toutes les prévisions. Alors qu'elle annonçait 300.000 contaminations en six mois au début de l'épidémie, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dénombrait ce mardi déjà plus de 600.000 cas de choléra.

Normalement, les épidémies de choléra ralentissent aussi rapidement qu'elles se propagent, mais le déclin de la maladie au Yémen a été impossible en raison des conditions humanitaires liées au conflit en cours. Le choléra se transmettant par l'eau et la nourriture, les infections augmentent de façon exponentielle.

Tarik Jasarevic, porte-parole de l'OMS, explique cependant que le nombre de nouveaux cas baisse dans les régions les plus infectées, comme à Sanaa, la capitale, ou dans les gouvernorats de Hajjah et Amran. Mais dans douze quartiers des gouvernorats de Hodeidah, Al Jawf, Al Mahwit, Ibb, Dhamar, Al Bayda et Aden, les infections ont «augmenté de manière soudaine et significative» s'inquiète le porte-parole. «L'OMS est en train d'enquêter sur les raisons de cette augmentation. Son objectif principal est de déterminer si ces chiffres sont exacts et s'ils pointent bien des cas de cholera ou d'autres maladies diarrhéiques, comme des rétrovirus» précise M. Jasarevic.

Tout comme les infections, le nombre de morts liées au choléra n'a cessé de grimper ces derniers mois. Depuis le début de l'épidémie, 2048 personnes sont décédées, selon l'OMS. Soit l'équivalent de 15 personnes chaque jour.

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La série "The State", qui débarque sur Canal +, accusée de "glamouriser" le djihad (04.09.2017)



Publié le 04/09/2017 à 17:33

Diffusée à partir de ce lundi 4 septembre sur Canal+, la série britannique "The State" retrace le parcours de plusieurs jeunes partis rejoindre les rangs de Daech en Syrie. Elle a divisé le Royaume-Uni.

Qu’est-ce qui pousse des milliers de jeunes Européens à partir combattre en Syrie aux côtés de Daech… La fiction peut-elle apporter des éléments de réponse à cette interrogation qui ne cesse d’agiter le débat public ? Au Royaume-Uni, le réalisateur et producteur Peter Kosminsky s’est penché dessus. Dans la série "The State", diffusée à partir de ce lundi 4 septembre sur Canal+, il explore en effet les motivations des candidats britanniques au djihad en Syrie. Comme Ushna, radicalisée sur Internet ou encore Jalal, étudiant doué dont le frère est mort au combat. Si certains spectateurs outre-Manche ont salué sur Twitter la série lors de sa diffusion sur Channel 4 le mois dernier, d’autres, des critiques de presse notamment, ont dénoncé un travail qui tend à "glamouriser" le sujet.

Ainsi, le critique audiovisuel du tabloïd Dailly Mail a-t-il critiqué le fait que l’organisation terroriste apparaisse dans la série comme "un club supercool"autour duquel gravitent "des femmes élégantes (…), fortes" et "des hommes tous sensibles, à la voix douce et ridiculement beaux." Une vision "idéaliste" qui n’est de surcroît pas démontée dès le premier épisode. "The State n’est pas une série réaliste. C’est un film de propagande digne de ceux réalisés par les nazis dans les années 1930", conclut le Daily Mail.

The State, un film de propagande ?

Bien moins sévère et même plutôt élogieux, le Guardian évoque tout de même par la voix du critique de télévision Stuart Jeffries "l’échec" du réalisateur à faire "vraiment comprendre" aux spectateurs pourquoi les personnages choisissent de rejoindre Daech. Ce qui revient, pour l'ex-colonel de l'armée britannique Richard Kemp dans le Sun, à considérer que le réalisateur puisse carrément "servir de recruteur pour l'Etat islamique".

Peter Kosminsky, qui s'est fondé sur le travail d'enquêteurs - ils ont entre autres recueilli le témoignage d’anciens membres de Daech -, s’est défendu. "Je ne pense pas que cela rende service aux familles de victimes que de considérer les auteurs d’actes terroristes uniquement comme des cinglés", a-t-il expliqué au cours d’une avant-première londonienne le 7 août, cité par Télérama. Et de conclure : "Le film oblige à affronter le fait que ces jeunes sont comme nous. Si l’on n’essaie pas de comprendre ce qu’ils vivent, comment peut-on espérer les combattre ?"

Mohamed Sifaoui, l'insoumis (02.09.2017)


Publié le 02/09/2017 à 10:00


Éditorialiste

L'insoumission dont nous parlons n'a rien d'une posture de campagne ou d'une révolte d'opérette. Elle peut vous coûter la vie, au bas mot un cancer, l'épuisement nerveux de votre famille, et détruire votre réputation. Essayez pour voir. On entend souvent dire que trop peu de « nés musulmans » s'insurgent face aux salauds de leur religion. C'est faux. Ils sont nombreux. Plus rares sont ceux qui tiennent longtemps. Il faut un sacré cuir, et la tête dure, pour résister toute une vie durant. Demandez à Salman Rushdie ou à Taslima Nasreen. Le pire n'est pas de vivre sous protection policière, d'avoir peur d'être agressé ou tué devant ses enfants, non, le pire, c'est la morgue et le mépris de ceux qui ne risquent rien à vous salir. Leur violence froide, leur mauvaise foi, l'énergie qu'ils mettent à bavarder pour vous empêcher de dire, à tenir vos poignets pendant qu'on vous lynche, à vous cracher dans le dos pendant qu'on vous menace de face. Ces gens-là, c'est le pire.

En matière de glaviots, je pense avoir tout lu et tout entendu sur Mohamed Sifaoui, sur Internet mais aussi dans la bouche de confrères ignorants ou malfaisants. Les islamistes, bien sûr, l'...
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Pourquoi je ne suis plus féministe

Publié le 02/09/2017 à 14:00

Abnousse Shalmani (02.09.2017)


Journaliste et écrivaine. Auteur de Khomeiny, Sade et moi aux éditions Grasset, 2014.

L'association Lallab prétend défendre les femmes musulmanes mais sert de faux nez à des revendications islamistes. Malgré cela, elle a reçu le soutien d'intellectuels et de politiques. Un nouvel assaut de ce communautarisme qui gangrène dangereusement le féminisme.

Des mois que je peine à dire : « Je suis féministe. » Je ne peux plus me revendiquer d'un mot qui est devenu un fourre-tout nauséabond de paranoïa, de morale, de vertu, de victimisation, de religiosité, de séparatisme, d'hystérie. Le féminisme est démembré. En lambeaux. Décérébré. Il y a des illuminées et des scientifiques, des moralistes et des libertaires, des universalistes et des intersectionnelles, des vertueuses et des subversives, des réactionnaires et des progressistes, des écoféministes et des évoféministes. Le féminisme est devenu un stalinisme avec tout son arsenal : accusation, ostracisation, condamnation. Le seul « isme » qui demeurait préservé de la folie de la pensée matraque a sombré sous les assauts répétés des féministes pudibondes. Et tout le problème vient de cette rupture, de la sécession du mouvement entre un féminisme religieux et un féminisme subversif, entre un féminisme qui méprise le corps des femmes et un féminisme qui sait l'importance de sa visibilité et de sa provocation. Beaucoup trop de féministes ont occulté ce que nous devons aux culs des femmes.

Alors, quand la énième polémique a fleuri, il y a quelques jours, sous la forme d'un...
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Maroc, Tunisie, Iran, Afghanistan… La révolte des femmes (01.09.2017)

Par Fiammeta Venner, et Caroline Fourest
Publié le 01/09/2017 à 16:00

Au Maroc, en Tunisie, en Iran ou en Afghanistan, des femmes se lèvent contre les violences dont elles sont victimes et réclament aussi l'égalité des droits. Au prix d'un flot continu d'injures et de menaces.

Le féminisme vit une crise de croissance. Il y a quelques années encore, le mot était tabou, synonyme de guerre « hystérique » contre les hommes. Les jeunes générations le prononçaient du bout des lèvres. Les actrices l'évitaient pour ne pas perdre en charme et en cachets. Sur la photo officielle, les choses ont bougé. Les stars posent en tee-shirt « Comment peut-on ne pas être féministe ? ». Le féminisme est devenu tendance. Tout le monde s'en revendique, même ceux qui le combattent.

Nouvelle tactique : se l'approprier pour en détourner le sens. Hier, être féministe voulait dire se battre pour l'égalité et l'émancipation de toutes les femmes. Désormais, de jeunes militantes « intersectionnelles » - noyautées ou juste inconscientes - accusent le féminisme universaliste de racisme et lui préfèrent un droit à l'émancipation découpé en tranches, selon les cultures et les religions. Quand il ne s'agit pas de réclamer le droit de se prostituer ou de se voiler. Malgré la dépolitisation ambiante, une partie du féminisme universaliste résiste (Femmes solidaires, le Collectif Droits des femmes, Femen et tant d'autres), mais le Planning familial préfère tweeter frénétiquement...

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Persécution des ​Rohingyas en Birmanie: que fait Aung San Suu Kyi ? (05.09.2017)

Propos recueillis par Robin Gabaston

Publié le 29/08/2017 à 16:00, modifié le 05/09/2017 à 11:10

Face aux exactions de l'armée birmane contre la communauté musulmane Rohingya depuis octobre 2016 la leader emblématique du pays, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, refuse de condamner l'armée et reprend même ses discours.

La fuite des Rohingyas s'amplifieLe 05.09.2017 à 11h00

Depuis l'attaque des rebelles du 25 août, les exactions de l'armée ont entraîné la mort de 400 Rohingyas et la fuite de plus de 123.000 d'entre eux vers le Bangladesh voisin, selon un dernier bilan de l'ONU rendu public le mardi 5 septembre.

Ensanglantée depuis 2012 par la persécution de la minorité musulmane des Rohingyas par les bouddhistes majoritaires, la Birmanie connaît un regain de violences. Vendredi 25 août, l’armée arakanaise du salut Rohingya (Arsa) a organisé et revendiqué les attaques simultanées d'une vingtaine de postes de police et de l'armée dans l'ouest du pays. Lesquelles ont fait au moins 100 morts et poussé des milliers de civils à fuir vers le Bangladesh voisin, de peur des représailles. Samedi, l'armée birmane a riposté en tirant au mortier et à la mitrailleuse sur un groupe de Rohingyas qui tentaient de franchir la frontière.

Depuis octobre 2016 et une attaque similaire de l'Arsa, l'armée mène des opérations ultra-violentes dans la région. Des témoignages de réfugiés rapportent des incendies systématiques de villages ou d'autres exactions assimilables à des crimes de guerre, comme des viols ou des meurtres de civils. L'ONU estime que des centaines de personnes auraient été tuées en quelques mois dans la région de l'Arakan, lors de ce qui pourrait être l'épisode le plus sanglant de la persécution des Rohingyas de Birmanie. Dans ce pays à plus de 90% bouddhiste, les membres de cette ethnie musulmane sont apatrides et exclus du marché du travail, des écoles et des hôpitaux. L'ONU les considère comme l'une des minorités les plus persécutées au monde. Si l'on ne dispose d'aucun bilan du nombre de victimes depuis 5 ans, environ 400.000 Rohingyas auraient fuit le pays, principalement vers le Bengladesh, qui repousse désormais les nouveaux arrivants.

Face à ce drame, l'attitude d'Aung San Suu Kyi est plus qu'ambiguë. Figure de l'opposition à la junte militaire au pouvoir pendant 50 ans, elle avait été libérée en 2010, après 20 ans de détention et un prix Nobel de la paix (1991). Arrivée au pouvoir au printemps 2016, elle se montre silencieuse sur le sort des Rohingyas, quand elle ne reprend pas la propagande de l'armée. Pour seule réaction aux événements de vendredi, elle a ainsi accusé les "terroristes" rohingyas d'avoir utilisé des enfants soldats lors des attaques. En avril, elle avait nié l'existence d'un "nettoyage ethnique", une expression qu'avait pourtant employée le Haut-commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR). Son gouvernement refuse également l'envoi d'une mission de l'ONU sur place.

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Olivier Guillard, chercheur à l'Iris et spécialiste de la région, analyse l'attitude de la "Dame de Rangoon".

Marianne : Comment comprendre les silences d'Aung San Suu Kyi au vu des exactions rapportées contre les Rohingyas ?

Olivier Guillard : Il faut comprendre que le gouvernement civil qu'elle dirige n'a pas la main sur les questions militaires. La Constitution de 2008 confère une place importante à l'armée. Elle stipule qu'un quart des sièges du Parlement sont réservés à l'armée en dehors de tout scrutin, ce qui lui donne de fait une minorité de blocage. En plus, les trois ministres les plus importants sont nommés par le chef d'état-major des armées : la Défense, les Affaires intérieures et les Questions frontalières. Tout ce qui a trait à la défense du pays et aux sujets sécuritaires n'est donc pas entre les mains d'Aung San Suu Kyi, en dépit du fait que la population l'ait portée au pouvoir.

Or le pays connaît toujours une guerre civile avec plusieurs milices. Certains groupes armés ont signé un accord de cessez-le-feu en 2015. Mais encore une douzaine d'entre eux combattent actuellement contre les forces armées régulières. Sur ces questions, l'armée gère tout, sans rendre de comptes au gouvernement civil ni à Aung San Suu Kyi. C'est ce qu'il se passe dans l'Arakan depuis l'attaque d'octobre, puisque cela relève de la lutte contre-insurrectionnelle.

"Si elle venait à déplaire à l'armée, la question de son maintien au pouvoir pourrait se poser" 

Son pouvoir est donc si faible ?

Il faut aussi comprendre que son gouvernement ne répond pas exactement au cadre strict de la Constitution, qui avait été écrite pour l'empêcher de prendre de pouvoir. La loi fondamentale birmane ne permet ainsi pas à quelqu'un de marié à un étranger ou ayant des enfants étrangers d'être président. Or c'est le cas d'Aung San Suu Kyi, puisqu'elle est veuve d'un Britannique et que ses enfants sont également britanniques.

Pour exercer le pouvoir, elle a donc nommé un président fantoche et s'est créé un poste sur mesure, de "Conseillère spéciale de l'État et porte-parole de la Présidence". Si elle venait à faire ingérence sur ce dossier-là et à déplaire à l'armée, la question de son maintien au pouvoir pourrait se poser. Elle est pieds et poings liés. Le gouvernement est juste là pour prendre les coups de la communauté internationale. Elle n'a qu'une petite partie du pouvoir et il est évident qu'elle ne fait pas ce qu'elle voudrait.

N'a-t-elle vraiment rien fait ?

Elle a tout de même nommé une commission dirigée par l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan qui s'inquiète des violences. Aung San Suu Kyi avait dit, avant même que la première ligne du rapport soit écrite, qu'elle appliquerait la totalité de ses recommandations. Celles-ci invitent notamment les autorités à faire usage de moins de violence, à prêcher l'harmonie entre les communautés et à travailler au développement de cette région dont le potentiel économique est largement sous-estimé.

Alors, pourquoi Aung San Suu Kyi a-t-elle nié le terme de "nettoyage ethnique" employé par le Haut-commissariat aux réfugiés ?

Si elle considère que le terme est impropre à la situation et exagéré, c'est soit une question de conviction personnelle, soit de nécessité vis-à-vis de sa faible marge politique. Les militaires ne veulent surtout pas entendre parler de ce concept. Pour preuve, le gouvernement se montre extrêmement méprisant envers les victimes. Début août, une commission d'enquête gouvernementale, composée en grande partie d'anciens ou d'actuels responsables militaires, a conclu qu'il n'y avait pas d'exactions. Tout juste cette commission a-t-elle admis qu'un soldat a un jour volé une mobylette et qu'un autre a agressé un Rohingyas, une fois. Ce seraient les seuls faits à rapporter !

Quelle est la position de l'opinion publique birmane sur ce drame ?

L'opinion birmane se moque complètement de la situation des Rohingyas, ce qui donne encore plus les coudées franches à l'armée. Aung San Suu Kyi évolue dans un espace politique restreint, avec des élections à venir en 2020. Elle ne veut pas s'aliéner, par un soutien trop hardi sur cette question, son électorat et renforcer celui de l'opposition. Finalement, le processus de paix n'a pas avancé d'un millimètre depuis qu'elle est au pouvoir.

"Le processus de paix n'a pas avancé d'un millimètre depuis qu'elle est au pouvoir"
La communauté internationale ne fait-elle rien non plus ?

Elle se fait peu entendre. La communauté internationale est consciente qu'il se passe des choses graves, des exactions violentes et nombreuses de la part de l'armée birmane. Mais elle n'est pas présente sur place. Elle se fie donc à ce que des ONG rapportent, mais avec très peu d'éléments pour attester les faits. Par exemple, on ne dispose pas d'assez d'informations fiables venues du terrain pour employer avec certitude des termes comme "génocide".

Depuis octobre dernier, seule l'ONU agit en envoyant des récriminations à la Birmanie. La conséquence, c'est que les autorités militaires et civiles birmanes ont tendance à s'éloigner des nations occidentales pour se tourner vers la Chine, qui s'est abstenue de toutes critiques. Il faut savoir que pendant vingt ans, la Chine était le seul interlocuteur de la junte militaire birmane. Depuis la transition démocratique, ce lien diplomatique privilégié s'est distendu avec l'arrivée des nations occidentales. Là, la Chine revient en grâce. C'est pour cela que des critiques trop virulentes seraient probablement contre-productives.

Éditorial : «Sortir de l'impasse migratoire» (04.09.2017)



Publié le 04/09/2017 à 20h47

C'est un sujet sur lequel tous les gouvernements ont buté jusqu'ici. L'expulsion des étrangers arrêtés en situation irrégulière sur notre sol se fait au compte-gouttes. En 2016, seuls 13.000 sur 91.000 clandestins interceptés ont quitté le territoire. Les autres sont venus grossir les rangs de ceux qui passent de squat en squat ou s'entassent dans des camps de fortune ici ou là depuis des années. N'en déplaise aux chantres de la tradition française d'accueil, ce laisser-faire est de moins en moins acceptable. Il fait, qui plus est, le jeu des extrêmes de tout poil.

Avec raison, le gouvernement veut s'attaquer à ce fléau et sortir de l'impasse migratoire. Déjà lancées, l'accélération et la simplification de l'examen des demandes d'asile - la plupart rejetées - sont d'un effet limité. Quant aux reconduites forcées par avion de ligne, elles se heurtent souvent au refus des commandants de bord, soucieux de la tranquillité de leurs vols. La parade serait peut-être dans l'affrètement d'appareils militaires spéciaux. L'ire des gardiens de la bien-pensance serait certes immédiate. On se souvient de la vive polémique suscitée naguère par les «charters Pasqua». Ces belles âmes sont pourtant, malgré elles, les complices des réseaux mafieux de la clandestinité, qui gagnent des millions d'euros sur le malheur des autres.

Emmanuel Macron entend créer, en Afrique, des centres de sélection des candidats au départ en France. L'intention est louable, mais on doute que ceux qui veulent vraiment tenter leur chance s'y soumettent. Sans doute serait-il plus efficace de conditionner l'aide aux pays concernés à la bonne coopération de leurs responsables contre les migrations illégales.

Reste l'Union européenne. C'est évidemment à ce niveau que le chef de l'État doit peser de tout son poids pour que les accords de Schengen et Dublin soient revus de fond en comble. Toute solution au renvoi des clandestins sera illusoire aussi longtemps que l'Europe restera une passoire.

À Calais, les écueils d'une politique migratoire entre fermeté et humanité (04.09.2017)



Mis à jour le 04/09/2017 à 19h29 | Publié le 04/09/2017 à 19h20

REPORTAGE - Les migrants sont entre 450 et 700 à errer le long de l'A16, sous les ponts de la ville ou dans les broussailles en périphérie de l'agglomération.
Calais

Calais se réveille, paisible. À quelques pas de l'imposante mairie en pierres rouges, dont le beffroi domine le centre-ville, quelques voitures traversent le pont Mollien. Une vingtaine d'Érythréens se sont abrités en dessous, quai de la Gendarmerie. Sous quelques couvertures, ils tentent de terminer leur nuit malgré la clarté du soleil de fin d'été, qui a au moins le mérite de sécher leurs affaires trempées par les pluies récentes.

Ils étaient trois fois plus nombreux la veille, avant une intervention policière pour détruire leur campement et les éloigner du centre-ville. Certains ont accepté une mise à l'abri dans l'un des deux centres d'accueil et d'examen des situations (CAES), nouveau dispositif créé par le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, pour enregistrer les migrants et les orienter selon leur situation. Mais eux se sont réinstallés sous le pont.

«Moi, j'ai refusé de monter dans leurs bus, dit Oumar, un Centrafricain de 20 ans. Ils m'auraient directement renvoyé en Italie où j'ai déposé mes empreintes», croit-il savoir. C'est un «dubliné». C'est-à-dire que, en vertu des accords de Dublin, sa situation relève de l'Italie où il a déjà été enregistré. Mais Oumar affiche sa détermination, le visage fermé par la fatigue. Pour lui, pas question de repartir.

Les migrants sont de retour dans le centre de Calais, malgré l'intransigeance affichée tant par la maire que par le ministère de l'Intérieur ; et en dépit de la récente décision du Conseil d'État qui, certes, sommait les autorités d'installer eau et sanitaires pour ces populations, mais reconnaissait aussi qu'il fallait éviter leur retour dans la ville.

«Je n'ai jamais vu ça, on ne peut même plus leur distribuer de tentes car elles sont immédiatement détruites.On ne leur donne plus que des ponchos ou des bâches, et ils passent la nuit avec ça…»
Christian Salomé, le président de l'Auberge des migrants

Bancale, cette décision de justice ne contente personne. D'abord la mairie, qui a tout simplement refusé de l'appliquer, assumant ainsi de payer l'astreinte de 100 euros par jour à laquelle elle s'exposait. L'État ensuite, dont le mantra est d'éviter tout «point de fixation» qui pourrait faire revivre le cauchemar d'une nouvelle «jungle». Et enfin les associations de soutien aux migrants, qui jugent cette aide minimale indigne pour ceux qui dorment toujours dehors dans le dénuement le plus total.
Entre fermeté et humanité, l'équilibre est difficile à trouver pour gérer le retour des migrants à Calais. Ils sont entre 450 et 700 à errer le long de l'A16, sous les ponts de la ville ou dans les broussailles en périphérie de l'agglomération. L'Auberge des migrants a fait une enquête pour mieux les identifier: ce ne sont quasiment que des hommes (à 97 %), de 21 ans en moyenne, originaires pour l'essentiel d'Afghanistan, d'Érythrée et de Somalie.

La police intervient en permanence pour les déloger et confisquer leurs affaires de campement. Les associatifs parlent de «rafles», terme dont la connotation exécrable tord une réalité plus complexe. Car les interventions policières vont de pair avec des maraudes permanentes d'associations et d'agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui proposent aux migrants des solutions de mise à l'abri.

«Je n'ai jamais vu ça, on ne peut même plus leur distribuer de tentes car elles sont immédiatement détruites, explique Christian Salomé, le président de l'Auberge des migrants. On ne leur donne plus que des ponchos ou des bâches, et ils passent la nuit avec ça…» Pourtant, ces conditions de vie ne découragent pas les migrants. Ceux qui refusent la mise à l'abri proposée par l'OFII se regroupent dans des zones assez bien définies. Les Afghans sont majoritairement installés autour de la clinique du Virval, tandis que les Africains (Érythréens et Éthiopiens) se regroupent plus au nord, autour de la rue des Verrotières.

«Je ne leur en veux pas et j'ai mal pour eux, à les voir traîner dehors comme ça. Mais l'État ne prend pas en compte l'impact de leur présence ici sur nous, les Calaisiens…»
Patrick Carpentier, gérant de la station service

C'est là, dans la zone industrielle des Dunes, que l'association La Vie active installe chaque matin l'un des deux points d'eau et des toilettes en préfabriqué. Les douches n'ont pas encore été mises en place. On parle de dispositif «volant», mais c'est un bien grand mot: les équipements sont retirés chaque soir, pour être réinstallés le lendemain au même endroit. C'est ici aussi que l'Auberge des migrants et le Refugee Community Kitchen distribuent des repas trois fois par jour, que Help the Refugees organise ses distributions de vêtements.

Dans ces conditions, difficile de ne pas admettre qu'il existe bien un «point de fixation» rue des Verrotières. Le gérant de la station BP attenante en sait quelque chose. «C'est dramatique, mon activité est presque nulle, assure Patrick Carpentier. Ils arrivent par dizaines sur le moindre camion qui se présente.» Un peu plus tôt, un camionneur polonais en a fait les frais. L'homme faisait le plein, crispé, pendant qu'une vingtaine de jeunes Érythréens tournaient autour de son semi-remorque pour tester les serrures, jauger la solidité de la toile ou inspecter le châssis à la recherche d'un recoin pour s'y glisser. «Je ne leur en veux pas et j'ai mal pour eux, à les voir traîner dehors comme ça, poursuit le gérant. Mais l'État ne prend pas en compte l'impact de leur présence ici sur nous, les Calaisiens… Ça n'est pas son problème on dirait.»

Le nombre d'interceptions de migrants dans le port ou dans les camions est sans comparaison avec celui précédant le démantèlement de la «jungle». Mais il est en très nette hausse depuis le printemps. Il y a eu 1250 migrants découverts dans des camions en août, près de 1000 en juillet, contre 190 en avril. Les policiers craignent aussi les retours des barrages de branches sur la rocade, comme celui qui a coûté la vie à un chauffeur polonais en juin dernier.

«À partir du moment où les migrants déclinent les solutions qu'on leur propose, il faut en tirer les conséquences et durcir la procédure»
Gilles Debove, SGP Police

À mesure que l'hiver approche, l'objectif «zéro personne à la rue» affiché par Emmanuel Macron promet d'être difficile à tenir à Calais. Les solutions d'hébergement d'urgence, ouvertes par le ministère de l'Intérieur, correspondent aux migrants qui souhaitent et peuvent faire leur demande d'asile en France. Mais pour ceux qui visent toujours l'Angleterre, comme pour les «dublinés» et les déboutés du droit d'asile par un autre pays européen, Calais demeure la seule ligne de mire.

«À partir du moment où les migrants déclinent les solutions qu'on leur propose, il faut en tirer les conséquences et durcir la procédure, estime Gilles Debove de SGP Police. Tant que la prise d'empreintes pour identification ne sera pas contraignante pour les personnes interpellées, on ne pourra pas identifier les “dublinés” ni les personnes déboutées. Ce qui rend toute réponse pénale impossible.»

Dernier exemple en date: sur les 22 migrants qui ont accepté de monter dans un bus pour une mise à l'abri au CAES de Belval, à une heure de distance, une quinzaine d'entre eux reprenait le train pour Calais dès le lendemain. Quant aux 9 mineurs érythréens remis à la police aux frontières, ils refuseront la proposition d'hébergement… et seront directement relâchés dans la nature.

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Edouard de Mareschal  75 abonnés   Journaliste Web.

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Des vols spéciaux affrétés pour renvoyer des Albanais (04.09.2017)


Mis à jour le 04/09/2017 à 20h08 | Publié le 04/09/2017 à 19h56

En éloignant ces migrants économiques, pour la plupart d'entre eux, le ministère de l'Intérieur veut montrer sa volonté de faire respecter le droit d'asile en France.

Au moins trois vols discrets, remplis d'illégaux albanais (on ne parle plus de charters), ont fait le voyage entre la France et Tirana cet été. Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a fait du cas de ces migrants économiques, pour la plupart, l'illustration de sa volonté de faire respecter le droit d'asile en France. En renvoyant, donc, ceux qui ont vocation à rentrer chez eux. Ceux, en tout cas, qui ne remplissent pas les critères de la convention de Genève sur les réfugiés et les apatrides. Gérard Collomb organise même, chaque semaine, des visioconférences avec les préfets concernés par ce problème, notamment ceux de l'Est du pays.

Alors que, chez ses voisins européens, l'asile n'est guère accordé à plus de 3 à 5 % des demandeurs albanais, ce taux dépasse les 15 % en France

La France a recensé 4.911 nouveaux demandeurs d'asile albanais en France depuis le 1er janvier, soit une hausse de plus de 170 % par rapport à 2016. Dans les dossiers traités par l'Office français pour les réfugiés et les apatrides (Ofpra), l'Albanie est devenue le premier pays de provenance. Le nombre de ces ressortissants a même atteint 7.256, en incluant les mineurs qui les accompagnent. Ils arrivent loin devant les Syriens, pourtant issus d'un pays en guerre, devant les Afghans, les Haïtiens et les Soudanais. Ils saturent les dispositifs d'accueil.

Depuis 2010, l'Albanie, candidate à l'entrée dans l'Union européenne, bénéficie d'un programme de «libéralisation» qui exempte ses ressortissants de visa pour un séjour de moins de trois mois en France. Cette facilité avait été accordée au titre du bon voisinage. La voici détournée dans de vastes proportions.

Pour maîtriser la situation, Paris se voit contraint de réclamer pour l'Albanie les mêmes clauses de sauvegarde que celles réservées à la Géorgie et à l'Ukraine: un rétablissement des visas en cas d'abus de l'hospitalité du pays d'accueil. Il faut dire que la France a su se rendre attractive. Alors que, chez ses voisins européens, l'asile n'est guère accordé à plus de 3 à 5 % des demandeurs albanais, dans le «pays des droits de l'homme», ce taux dépasse les 15 % pour ce public bien particulier.

Mafias de passeurs
À Beauvau, nul n'ignore qu'un code ancestral (le Kanun) a refait son apparition en Albanie, contraignant de nombreuses familles à vivre sous la loi d'une vendetta sauvage. Mais «ce danger est sans doute surévalué», spécule un haut fonctionnaire à l'Intérieur. Une chose est certaine: les Albanais qui arrivent en masse sont pris en charge par de véritables mafias de passeurs, très implantées du côté de Metz, à Lyon et même dans le paisible Calvados. Le trafic d'êtres humains, de mineurs et la prostitution minent cette communauté vulnérable. Bref, la criminalité albanaise s'implante en France et l'État réagit.

Les échanges diplomatiques s'intensifient avec Tirana, où une vingtaine de mesures a été prise. L'Albanie implique la France dans le contrôle des passagers au départ. Elle accorde plus facilement les laissez-passer consulaires, sans lesquels aucun retour de clandestin n'est possible, et va accueillir deux officiers de liaison français.

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À Saint-Omer, comment évaluer l'âge des mineurs isolés (04.09.2017)



Mis à jour le 05/09/2017 à 10h06 | Publié le 04/09/2017 à 20h20

L'association France Terre d'Asile gère dans cette commune du Pas-de-Calais un centre pour jeunes mineurs isolés.

Saint-Omer

Dans le centre historique de Saint-Omer, une rue pavée borde une grande porte cochère en pierre de taille. Au rez-de-chaussée, on accède à un immense appartement de 350 mètres carrés. Les plafonds moulés et les grandes cheminées ornées de lourds trumeaux tranchent avec la nouvelle fonction des lieux. Autrefois occupés par une vieille dame seule, les salons en enfilade accueillent aujourd'hui jusqu'à 45 lits superposés en métal bleu.

Les pièces à l'étage reçoivent quant à elles les bureaux de France Terre d'Asile. L'association et le département du Nord-Pas-de-Calais ont loué cet appartement de la rue des Bleuets pour le transformer en Maison du jeune réfugié, un centre d'hébergement à destination des mineurs isolés étrangers (MIE).

La moitié des hôtes viennent d'Erythrée. Les autres sont Afghans, Soudanais ou Ethiopiens. «Depuis le démantèlement de la jungle de Calais, nous sommes devenus le seul centre d'hébergement d'urgence pour les mineurs sur tout le Calaisis», explique le directeur départemental de FTA, Jean-François Roger. Au 31 juillet dernier, la structure avait déjà reçu 1542 jeunes, contre 1422 sur l'ensemble de l'année 2016. La quasi-totalité (95%) des jeunes qui font une demande d'asile ici reçoivent une réponse positive. Mais avant d'accorder cette protection aux mineurs étrangers isolés, encore faut-il vraiment déterminer qui l'est réellement.

«Généralement, le mineur isolé n'a pas été le protagoniste de son exil. Celui-ci a été organisé et payé par les parents, qui ne peuvent pas se permettre financièrement de partir aussi»
Amadou Diop, « évaluateur » de France Terre d'Asile

Pendant longtemps, on procédait à une expertise médicale par le biais de tests osseux. Mais la méthode n'est plus utilisée par le parquet de Saint-Omer depuis 2009. «Elle est caduque ; elle se base sur un échantillon de jeunes Nords-Américains des années 30, alors que l'essentiel les jeunes viennent actuellement de la corne d'Afrique et d'Afghanistan», explique Jean-François Roger. «De plus, elle donne un résultat avec une marge d'erreur de 18 mois, quand la plupart des jeunes concernés ont entre 16 et 18 ans.» L'expertise médicale a donc été remplacée par une enquête sociologique réalisée sur place. Une méthode qui ne permet pas plus de déterminer l'âge réel du candidat à l'asile, mais qui donne un faisceau d'indices permettant de présumer de la «minorité» du jeune.

C'est le travail d'Amadou Diop, 27 ans. Ce grand garçon placide est l'un des «évaluateurs» de FTA. Dans une petite salle du second étage de l'ancien appartement, il conduit des entretiens déterminants pour la suite du parcours des jeunes demandeurs d'asile. La trame de l'entretien est constante: il cherche d'abord des éléments d'état civil. «Si le jeune a des papiers d'identité, nous cherchons à vérifier s'ils sont probants», explique-t-il.

Viennent ensuite les questions sur sa situation familiale. «On demande le nom du père, de la mère, le d'âge entre chacun des frères et sœurs, sa place dans la fratrie… Cela donne des faisceaux d'indices sur la réalité de l'âge qu'il se donne.» Puis il est interrogé sur son parcours scolaire. «A quel âge a-t-il commencé l'école, qu'a-t-il étudié ; on regarde si cela correspond aux éléments connus sur son pays d'origine.»

«Ici on ne fait que manger et dormir. Il n'y a pas de Wifi. On passe nos journées sans but»
Hafton, un mineur isolé érythréen

On lui demande ensuite de décrire son mode de vie. «On évalue sa spontanéité, son rapport au temps. Un enfant va être très ancré dans le présent, très descriptif dans les événements successifs de sa journée», détaille Amadou Diop. Arrivent enfin deux sujets centraux: les motifs du départ, et le parcours migratoire. «Généralement, le mineur isolé n'a pas été le protagoniste de son exil. Celui-ci a été organisé et payé par les parents, qui ne peuvent pas se permettre financièrement de partir aussi», explique-t-il.

À l'issue de ces entretiens, le parquet de Saint-Omer confirme la minorité du jeune dans 60 à 70% des cas. Le mineur isolé obtient alors une ordonnance de placement provisoire, mais celle-ci ne signe généralement pas la fin de son attente et de son désœuvrement. «Ici on ne fait que manger et dormir. Il n'y a pas de Wifi. On passe nos journées sans but», explique Hafton, un Érythréen de 17 ans qui attend de rejoindre l'Irlande. Un témoignage qui se retrouve dans la bouche de bien d'autres jeunes qui passent leurs journées ici.

Quant à ceux dont la demande de protection a été rejetée par la justice, il existe une possibilité de recours devant la Cour d'appel de Douai. Mais très peu de jeunes vont jusque-là. Soit ils retournent à Calais, soit ils profitent d'une faille administrative: faute de disposer d'un fichier qui centraliserait les dossiers refusés, il est impossible de savoir si un jeune n'a pas déjà fait une demande de protection. Il leur suffit donc de quitter Saint-Omer pour aller tenter dans chance dans un autre département.

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Saint-Omer

Dans le centre historique de Saint-Omer, une rue pavée borde une grande porte cochère en pierre de taille. Au rez-de-chaussée, on accède à un immense appartement de 350 mètres carrés. Les plafonds moulés et les grandes cheminées ornées de lourds trumeaux tranchent avec la nouvelle fonction des lieux. Autrefois occupés par une vieille dame seule, les salons en enfilade accueillent aujourd'hui jusqu'à 45 lits superposés en métal bleu.

Les pièces à l'étage reçoivent quant à elles les bureaux de France Terre d'Asile. L'association et le département du Nord-Pas-de-Calais ont loué cet appartement de la rue des Bleuets pour le transformer en Maison du jeune réfugié, un centre d'hébergement à destination des mineurs isolés étrangers (MIE).

La moitié des hôtes viennent d'Erythrée. Les autres sont Afghans, Soudanais ou Ethiopiens. «Depuis le démantèlement de la jungle de Calais, nous sommes devenus le seul centre d'hébergement d'urgence pour les mineurs sur tout le Calaisis», explique le directeur départemental de FTA, Jean-François Roger. Au 31 juillet dernier, la structure avait déjà reçu 1542 jeunes, contre 1422 sur l'ensemble de l'année 2016. La quasi-totalité (95%) des jeunes qui font une demande d'asile ici reçoivent une réponse positive. Mais avant d'accorder cette protection aux mineurs étrangers isolés, encore faut-il vraiment déterminer qui l'est réellement.

«Généralement, le mineur isolé n'a pas été le protagoniste de son exil. Celui-ci a été organisé et payé par les parents, qui ne peuvent pas se permettre financièrement de partir aussi»
Amadou Diop, « évaluateur » de France Terre d'Asile

Pendant longtemps, on procédait à une expertise médicale par le biais de tests osseux. Mais la méthode n'est plus utilisée par le parquet de Saint-Omer depuis 2009. «Elle est caduque ; elle se base sur un échantillon de jeunes Nords-Américains des années 30, alors que l'essentiel les jeunes viennent actuellement de la corne d'Afrique et d'Afghanistan», explique Jean-François Roger. «De plus, elle donne un résultat avec une marge d'erreur de 18 mois, quand la plupart des jeunes concernés ont entre 16 et 18 ans.» L'expertise médicale a donc été remplacée par une enquête sociologique réalisée sur place. Une méthode qui ne permet pas plus de déterminer l'âge réel du candidat à l'asile, mais qui donne un faisceau d'indices permettant de présumer de la «minorité» du jeune.

C'est le travail d'Amadou Diop, 27 ans. Ce grand garçon placide est l'un des «évaluateurs» de FTA. Dans une petite salle du second étage de l'ancien appartement, il conduit des entretiens déterminants pour la suite du parcours des jeunes demandeurs d'asile. La trame de l'entretien est constante: il cherche d'abord des éléments d'état civil. «Si le jeune a des papiers d'identité, nous cherchons à vérifier s'ils sont probants», explique-t-il.

Viennent ensuite les questions sur sa situation familiale. «On demande le nom du père, de la mère, le d'âge entre chacun des frères et sœurs, sa place dans la fratrie… Cela donne des faisceaux d'indices sur la réalité de l'âge qu'il se donne.» Puis il est interrogé sur son parcours scolaire. «A quel âge a-t-il commencé l'école, qu'a-t-il étudié ; on regarde si cela correspond aux éléments connus sur son pays d'origine.»

«Ici on ne fait que manger et dormir. Il n'y a pas de Wifi. On passe nos journées sans but»
Hafton, un mineur isolé érythréen

On lui demande ensuite de décrire son mode de vie. «On évalue sa spontanéité, son rapport au temps. Un enfant va être très ancré dans le présent, très descriptif dans les événements successifs de sa journée», détaille Amadou Diop. Arrivent enfin deux sujets centraux: les motifs du départ, et le parcours migratoire. «Généralement, le mineur isolé n'a pas été le protagoniste de son exil. Celui-ci a été organisé et payé par les parents, qui ne peuvent pas se permettre financièrement de partir aussi», explique-t-il.

À l'issue de ces entretiens, le parquet de Saint-Omer confirme la minorité du jeune dans 60 à 70% des cas. Le mineur isolé obtient alors une ordonnance de placement provisoire, mais celle-ci ne signe généralement pas la fin de son attente et de son désœuvrement. «Ici on ne fait que manger et dormir. Il n'y a pas de Wifi. On passe nos journées sans but», explique Hafton, un Érythréen de 17 ans qui attend de rejoindre l'Irlande. Un témoignage qui se retrouve dans la bouche de bien d'autres jeunes qui passent leurs journées ici.

Quant à ceux dont la demande de protection a été rejetée par la justice, il existe une possibilité de recours devant la Cour d'appel de Douai. Mais très peu de jeunes vont jusque-là. Soit ils retournent à Calais, soit ils profitent d'une faille administrative: faute de disposer d'un fichier qui centraliserait les dossiers refusés, il est impossible de savoir si un jeune n'a pas déjà fait une demande de protection. Il leur suffit donc de quitter Saint-Omer pour aller tenter dans chance dans un autre département.

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Des portraits-robots à partir de gènes (04.09.2017)

  • Par Jean-Luc Nothias
  • Mis à jour le 04/09/2017 à 19:32
  • Publié le 04/09/2017 à 19:20
Grâce à un échantillon ADN, des chercheurs sont parvenus à prédire couleurs des yeux, de la peau, taille et poids, âge biologique, sexe, origine ethnique et même tonalité de la voix.

Montre-moi tes gènes, je te dirai de quoi tu as l'air. Et je dessinerai ton visage. Les moyens de faire parler notre ADN n'en finissent plus de nous étonner. Suscitant enthousiasme et sueurs froides. Après le décryptage ethnique de nos origines familiales accessible à tous (entre 100 et 200 euros), celui de nos susceptibilités à certaines maladies d'origine génétique (et la possibilité pour certaines d'une guérison par chirurgie génétique), voici que les laboratoires de recherche d'une société américaine, Human Longevity Inc (HLI), proposent une méthode pour, à partir d'un échantillon d'ADN, reconstituer le visage (en 3D), l'origine ethnique, le sexe, la couleur des yeux, celle de la peau, l'âge biologique, la taille, le poids, la voix de la personne dont est issu l'ADN (travaux publiés dans les PNAS, ...

Migrants/Paris: Emmaüs menace de ne pas ouvrir un centre humanitaire (05.09.2017)

  • Par Le Figaro.fr avec AFP
  • Mis à jour le 05/09/2017 à 11:33
  • Publié le 05/09/2017 à 11:27
Emmaüs Solidarité a menacé mardi de ne pas ouvrir, dès lundi prochain, le centre humanitaire pour migrants qu'il gère porte de La Chapelle à Paris, s'il n'obtient pas d'ici là des garanties de l'État pour pouvoir remplir sa mission d'accueil inconditionnel.


"Si nous n'avons pas de garanties de la part de l'État, nous n'ouvrons pas lundi prochain", ce qui serait une première depuis l'installation du centre dans le nord de Paris en novembre, a assuré à  Aurélie El Hassak-Marzorati, la directrice générale adjointe d'Emmaüs Solidarité.

"Il faut qu'on ait des réponses cette semaine, un engagement fort de la part de l'État, sinon on ne pourra pas continuer", a-t-elle ajouté, en avertissant qu'au delà, "il n'est pas exclu qu'on réfléchisse à sortir totalement du dispositif".

Mme El Hassak-Marzorati s'inquiète notamment de la diminution des capacités d'orientation en aval: "En moyenne, nous enregistrions 250 entrées et sorties par semaine, ce qui est un rythme déjà insuffisant. La semaine dernière on est tombés à 166, lundi à 23, mardi à 18, et il y a une absence totale de visibilité pour les jours à venir".

Le centre est censé accueillir les migrants une dizaine de jours. Mais la saturation a conduit à la formation d'un campement indigne aux portes du site, plusieurs fois évacué (la dernière opération, le 18 août, a concerné près de 2.500 personnes).

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Il y a 20 ans, la mort de Mère Teresa, la «sainte de Calcutta» (10.12.2014)


  • Par  Figaro Archives 
  • Mis à jour le 05/09/2017 à 11:52 
  • Publié le 10/12/2014 à 09:58
LES ARCHIVES DU FIGARO - Le 5 septembre 1997 la petite sœur au sari blanc et bleu décédait: le monde entier lui rendait un vibrant hommage. Retrouvez son portrait paru dans les colonnes du Figaro à l'époque.

Mère Teresa meurt, à l'âge de 87 ans, d'un accident cardiaque, le 5 septembre 1997 à Calcutta, où elle a fondé l'ordre des Missionnaires de la Charité. L'annonce de sa mort crée l'émotion dans les rues de Calcutta mais également dans le monde entier. Le Pape Jean-Paul II, aussitôt prévenu, fait part de sa «profonde douleur». Béatifiée dès 2002, Mère Teresa est canonisée par le pape François le 4 mars 2016, devant 120.000 fidèles rassemblés place Saint-Pierre à Rome.

Article paru dans Le Figaro du 6 septembre 1997.

L'inestimable héritage de la «sainte de Calcutta»

Un simple écriteau au numéro 54A d'une rue de Calcutta: Mother Teresa. Ici, la maison mère des missionnaires de la Charité où a vécu «la femme la plus puissante du monde», ainsi que l'avait un jour qualifiée le secrétaire général des Nations unies. Son héritage? Elle laisse deux saris blancs à liserés bleus, un chapelet, une croix, un sac en toile, un parapluie, une paire de sandales et un petit tricot de laine bleue pour l'hiver, mais surtout une immense œuvre de charité.
Près de 3.500 sœurs, réparties en plus de quatre cents centres sur les cinq continents, poursuivront sa tâche. «S'il y a des pauvres sur la Lune, nous irons aussi», avait-elle lancé avec la foi de l'apôtre Paul, pour qui «l'amour excuse tout, croit tout, espère tout, endure tout».

Elle relève notre époque et lui rend une lueur d'espoir.

Dans ce siècle de larmes et de sang, de totalitarismes et de tohu-bohu guerriers, mère Teresa a imprimé son visage chiffonné et son sourire malicieux, sa lumineuse bonté et sa pacifique ardeur. Comme les malades et les mourants sur qui elle s'est si souvent penchée, elle relève notre époque et lui rend une lueur d'espoir. Elle donne simplement sa tendresse maternelle. Le XXe siècle s'achèverait-il avec une génération en mal de paternité? Heureusement, il y a eu aussi mère Teresa. Celle que, de son vivant, on appelait «la sainte de Calcutta».

Son vrai nom: Agnès Gonxha Bojaxhiu. Elle est née le 27 août 1910 à Skopje (alors en Albanie, aujourd'hui sur le territoire de l'ex-Yougoslavie). Ses parents, des agriculteurs, lui donnent une éducation assez stricte, ainsi qu'à ses deux sœurs et à son frère. A dix-huit ans, le 28 novembre 1928, la jeune fille entre chez les sœurs de Notre-Dame de Lorette, à Rathfarnham, en Irlande. Elle ne reviendra en Albanie que près de soixante ans plus tard, le 14 août 1989: c'était une visite privée, pour aller sur les tombes de sa famille. Auparavant, la dictature marxiste lui avait refusé son visa d'entrée lorsque sa mère était mourante.

Sœur Agnès

La jeune recrue est aussitôt envoyée par son ordre religieux en Inde pour y faire son noviciat. Puis, pendant presque vingt ans, sœur Agnès -c'est ainsi qu'elle se nomme alors- enseigne la géographie aux jeunes filles des hautes castes qui fréquentent le collège Sainte-Marie à Calcutta. Mystérieuse préparation à connaître la géographie universelle de la pauvreté.

Tout bascule le 10 septembre 1946. C'est le «jour de l'inspiration». Agnès Bojaxhiu voyage en train. La misère surgit de partout, effrayante. Nouveau tournant dans la vie de cette femme de trente-six ans: elle se sent invinciblement poussée à se consacrer au service «des plus pauvres d'entre les pauvres». De retour à Calcutta, sœur Agnès demande à l'archevêque l'autorisation de quitter sa congrégation. Celui-ci refuse, mais lui conseille d'en parler à sa supérieure... qui accepte, sous réserve de l'agrément du Pape. Cette permission n'arrivera que le 8 août 1948.

La religieuse, vêtue d'un sari blanc bordé de bleu, se lance dans l'aventure. Elle change de nom, en hommage à la sainte française, la «petite» Thérèse de l'Enfant-Jésus. Elle fonde sa congrégation: les sœurs missionnaires de la Charité, ordre consacré au Cœur Immaculé de Marie.

Elle effectue d'abord un stage intensif de trois mois chez les «Medical Sisters» de Patna. Sa première rencontre: une vieille femme jetée par son fils dans une poubelle, et déjà couverte de fourmis. Le 21 décembre 1948, mère Teresa obtient l'ouverture de sa première école dans la banlieue de Calcutta. Non pas des classes aux murs blanchis, mais un jardin public, en plein air, pour des enfants abandonnés à qui l'hygiène est plus importante que l'alphabet. C'est le début d'une longue croisade.

«Ce qui compte, ce n'est pas de faire beaucoup, c'est de mettre beaucoup d'amour dans ce que l'on fait.»
Mère Teresa.

Calcutta, capitale du Bengale indien, est un enfer. Toute la misère du monde, depuis des années, s'y est donné rendez-vous. Chaque nuit, des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants cherchent leur sommeil le dernier peut-être dans d'innommables bidonvilles ou à même le trottoir. Ici, une mère accouche; là, un mourant râle. À cette épouvante ne peut s'opposer qu'un courage infatigable.
Mère Teresa le montre, avec humilité: «Ce qui compte, ce n'est pas de faire beaucoup, c'est de mettre beaucoup d'amour dans ce que l'on fait», disait-elle à ses sœurs, dont la première à la rejoindre dans son apostolat fut, le 19 mars 1949, une de ses anciennes élèves.

Écoles, dispensaires ne suffisent pas. Une nuit de juin 1952, mère Teresa ramasse une femme qui agonise sur le trottoir inondé par la mousson, les doigts de pieds rongés par les rats. Tous les hôpitaux où la religieuse vient frapper refusent la mourante. Au petit matin, celle-ci s'éteint dans les bras crispés de la religieuse. Croire à la Résurrection du Christ et laisser ainsi la mort triompher, c'est impossible pour mère Teresa.

La «Maison du cœur pur»

Elle se rend, le cœur en révolte, à la mairie de Calcutta, demande un local pour les agonisants sans toit, insiste, argumente, supplie. On lui concède, dans le quartier hindou, une partie de l'annexe du temple de Kali, déesse de la mort et patronne de Calcutta. C'est le mouroir, la «Maison du Cœur pur», là où mère Teresa désirait finir ses jours. Chaque matin, la police y amène celles et ceux que la mort n'a pas voulu prendre la nuit sur le trottoir. «Ils ont vécu comme des bêtes, qu'ils meurent ici au moins comme des êtres humains», soupire mère Teresa, qui les accueille, les soigne, les aime.

Quelque 50.000 lépreux croupissent autour de Calcutta. Pour les secourir, mère Teresa reçoit d'innombrables concours en personnes et en argent. Des bienfaiteurs lui donnent des ambulances: elle les transforme en cliniques mobiles qui sillonnent régulièrement les zones de taudis. Elle réalise une «Cité de la paix» où les familles de lépreux apprennent un métier et où leurs enfants vont à l'école. Chacun retrouve un peu de dignité humaine, toutes races et toutes religions confondues. «C'est mon amour pour Dieu en action, confesse-t-elle. Notre travail n'est rien d'autre que l'amour de Dieu. J'aime Dieu par une action vivante, active, en servant les plus pauvres d'entre les pauvres.»
La nouvelle congrégation de mère Teresa naît officiellement le 7 octobre 1950, avec une douzaine de recrues. Aux trois vœux religieux traditionnels pauvreté, chasteté, obéissance, la règle en ajoute un quatrième: celui de consacrer toute sa vie aux plus pauvres des pauvres de manière exclusive, et sans jamais accepter aucune récompense matérielle. De Calcutta, la congrégation s'étend rapidement à d'autres villes de l'Inde. Les premières fondations extérieures à ce pays auront lieu en 1965, à Caracas et Barquisimeto (Venezuela). Le 25 mars 1963, un jésuite originaire d'Australie, frère André, missionnaire à Calcutta, vient donner une branche masculine aux missionnaires de la Charité. Un ordre masculin créé sous l'inspiration d'une religieuse, ce n'est tout de même pas si fréquent!

Les grands de ce monde lui décernent tous les prix possibles et imaginables.

Sans relâche, mère Teresa fonde, recrute, réconforte, file en Europe ou en Amérique pour convaincre les puissants qu'«ils doivent, eux aussi, faire quelque chose». Elle finit par ébranler les certitudes, secouer les indifférences. Elle force les yeux à regarder l'océan de misère où elle nage désespérément. Elle réussit à ouvrir toutes les portes et tous les cœurs. Les grands de ce monde lui décernent tous les prix possibles et imaginables. Citons d'abord le prix international Jean-XXIII pour la paix, qu'elle reçoit des mains de Paul VI en 1971. Il y eut aussi le prix Patna (indien), le prix du Bon Samaritain, le prix Pandit-Nehru (1972), le prix Templeton (1973), le prix Albert-Schweitzer (1975), le prix Balzan et c'est bien la moindre des choses le prix Nobel de la paix (1979). Elle est la sixième femme à le recevoir. C'est l'occasion pour elle de rappeler à Oslo que «le peuple n'a pas besoin de pitié, mais de respect», et de faire supprimer le traditionnel banquet. Gain: 7.000 dollars dont bénéficieront les pauvres.

Le 10 décembre 1979, dans son discours de réception du prix Nobel, elle médusa son auditoire. Après en avoir fait distribuer le texte, elle lui fit réciter la fameuse prière attribuée à saint François d'Assise: «Seigneur, faites de moi un instrument de votre paix...» Bien sûr, elle parla «au nom des affamés, des nus, des sans-logis, des infirmes, des aveugles, des lépreux, de tous ces gens qui ne se sentent pas voulus, pas aimés, pas soignés, rejetés par la société.» Bien sûr aussi, elle avait à en raconter sur la misère des vivants. Bien sûr! Mais, elle ajouta: «Le plus grand destructeur de la paix, aujourd'hui, est le crime commis contre l'innocent enfant à naître.» Populaire, mère Teresa? Elle le fut moins dans son combat sans concession contre l'avortement et toutes les formes de contraception. «Si vous ne voulez pas l'enfant à naître, donnez-le-moi, je le veux!», s'est-elle écriée à Ottawa en septembre 1988.

Invitée des dizaines de fois par les congrès missionnaires, elle a même pris la parole devant le Synode des évêques à Rome. C'était le 6 octobre 1980. «Je remplace ici les personnes rejetées par la société, les lépreux, les mourants, les marginaux, les laissés-pour-compte, déclare-t-elle d'une voix douce. Je vous apporte leur amour.» Mais elle n'hésite pas à trancher sur la rondeur ecclésiastique: «Vous, évêques, dit-elle, aimez vos prêtres. Vous êtes mariés à vos diocèses. Les pauvres sont vos enfants.»
Tous ceux qui l'ont rencontrée ont été bouleversés par sa personnalité cachée sous sa silhouette frêle et sa démarche voûtée. Mgr Rodhain, fondateur du Secours catholique, avait dit d'elle: «Sans phraser, humblement, au ras du sol, elle est le reflet authentique de saint Vincent de Paul.»

Incendie de charité

Raoul Follereau, l'apôtre des lépreux, avait été frappé par son visage tendu et ses yeux secs. «Elle n'a pas le droit de perdre une parcelle de ses forces dans la douceur stérile des larmes, écrivait-il. En elle, il n'y a pas de pitié au sens sentimental. La pitié, c'est la forme malingre de l'amour. Elle est l'amour.»
Où n'a-t-elle pas tenté de propager son incendie de charité? Au Liban, en 1982, elle se démène pour faire passer à Beyrouth-Est une soixantaine d'enfants musulmans handicapés dont l'hôpital a été bombardé. En janvier 1985, elle se rend en Chine, à l'invitation de l'Association des catholiques patriotes. Cuba l'accueille en juillet 1986: elle demande à Fidel Castro de prier pour elle. Elle a déjà fondé cinq maisons en Union soviétique, qu'elle visite en 1987. Harlem, Belfast, Lima, Rome...
Aucune grande ville, aucun drame humain ne lui sont étrangers.

En France existent deux communautés féminines, à Paris et à Marseille, et une communauté masculine, à Paris. Aucune grande ville, aucun drame humain ne lui sont étrangers. «Si chacun commence à partager, à aider, à servir son prochain, alors la paix viendra», dit-elle encore. Le monde est son cloître.

Bien des livres, un film même, lui ont été consacrés. Elle n'a pas succombé à ce vertige médiatique. Symbole humanitaire, elle voulait s'effacer devant sa source: l'Évangile et la prière. En avril 1990, elle avait proposé de quitter ses fonctions de supérieure générale; le Pape avait accepté «en raison de son âge et de sa santé». Pourtant, le 8 septembre de la même année, elle avait été réélue à l'unanimité par le chapitre général des missionnaires de la Charité. Déjà, en 1985, Jean-Paul II avait refusé de la déclarer inéligible, et elle avait supplié ses sœurs de ne plus voter pour elle. Depuis la fondation de l'ordre, elle avait été constamment réélue à l'unanimité.

«La mort n'est pas autre chose que de rentrer chez soi, dans la maison du Père», disait cette petite voix qui nous faisait tous moins «bêtes» et plus «humains». Son humilité avait de l'audace: «Très Saint Père, demanda-t-elle à Jean-Paul II, vous savez ce qui serait gentil? C'est de donner aux pauvres, à mon peuple, la moitié seulement des richesses du Vatican.»

L'Église l'élèvera-t-elle sur ses autels? C'est probable. Le peuple, lui, l'a déjà canonisée: «She is a living saint» («c'est une sainte vivante»), affirmaient ceux qui l'ont connue. «Qu'est-ce qu'un saint, interrogeait-elle encore, sinon une âme résolue, et qui se sert de la force de Dieu pour agir?» Cette force-là n'est pas morte. «L'amour est un fruit toujours de saison», répétait mère Teresa, qui s'est consumée au service de ses frères.
Par Élie Maréchal

Celle qui faisait fléchir les puissants

Article paru dans Le Figaro du 6 septembre 1997.

Le 5 mai 1991, au Bengladesh, la bégum Khaleda Zia, Nawaz Sharif, premier ministre du Pakistan, Bernard Kouchner, secrétaire d'État français à l'Action humanitaire et Mère Teresa, survolent, en hélicoptère militaire, la zone dévastée par un violent cyclone. Renaud Girard journaliste du Figaro, également présent, relate la scène suivante.

C'est alors que la petite sœur de Calcutta, qu'on avait presque oubliée tant elle s'était faite discrète, demande à s'asseoir un moment à côté du premier ministre du Pakistan. Elle a une chance à saisir, qu'elle ne veut pas manquer.

À voix soudain audible par l'ensemble de l'aréopage, elle explique à son puissant voisin les persécutions administratives dont souffre une communauté de religieuses à Karachi: l'institution est menacée de fermeture. Le premier ministre s'indigne, affirme n'être pas au courant... Mais cinq minutes après, elle tient son succès: une promesse publique que jamais ce couvent chrétien en terre musulmane ne sera fermé. Dans son anglais rocailleux, elle dit simplement «Thank you, Prime Minister», puis replonge dans son silence et sa prière.

Mère Teresa n'en était pas à son premier coup d'éclat pour faire plier les puissants. Débarquant un soir à l'aéroport de Khartoum, les humanitaires qui l'attendent lui apprennent que le gouvernement islamiste au pouvoir au Soudan bloque un train de vivres destiné aux chrétiens du Sud. Depuis l'hôtel, elle appelle aussitôt la Maison-Blanche et demande à parler à son ami, le président Reagan. Le standardiste croit à une blague, jusqu'à ce qu'elle lui communique un numéro privé en Californie. Une heure après, le président des États-Unis la rappelle dans le bureau de l'ambassadeur américain incrédule, soustrait à sa garden-party. «Pas de problème, ma mère, je joins aussitôt le premier ministre soudanais.» Le lendemain, comme par miracle, les voies étaient réparées, et le train du salut s'ébranlait vers le Sud affamé.

Par Renaud Girard

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Merkel prête à fermer la porte de l'Europe à la Turquie (04.09.2017)


  • Par Nicolas Barotte
  • Mis à jour le 04/09/2017 à 20:54
  • Publié le 04/09/2017 à 19:34
La question de l'arrêt des négociations avec Ankara s'est invitée dimanche dans la campagne électorale allemande.

Au jeu de la surenchère, Ankara risque de perdre. La question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne a fait irruption dans le débat électoral allemand dimanche soir. À trois semaines du scrutin, le candidat du SPD, Martin Schulz, a tenté de prendre Angela Merkel à revers, en réclamant la fin des discussions avec la Turquie. La chancelière a paru surprise par le revirement de son rival, qui avait soutenu le processus d'adhésion ouvert en 2005. Puis, pour ne lui laisser aucun espace, elle a ajouté qu'elle chercherait «une position commune» avec ses partenaires européens afin de «mettre un terme» aux négociations avec Ankara.

La chancelière «se soumet au populisme», a sèchement répondu sur place Ibrahim Kalin, le porte-parole de Recep Tayyip Erdogan. «Nous espérons que cette atmosphère problématique va se terminer», a-t-il ajouté en regrettant, sans craindre le paradoxe, que la relation germano-turque «soit la victime d'un horizon politique». Ankara, qui avait multiplié les provocations pendant des mois, accusant tour à tour l'Allemagne «de pratiques nazies», de «défendre des terroristes» ou appelant purement et simplement les électeurs allemands d'origine turque à voter «contre Merkel et le SPD», se retrouve pris à son propre piège.

«Nous voudrions avoir de meilleures relations avec la Turquie, mais il faut voir la réalité en face.»
Angela Merkel, fin août

Économiquement, une rupture avec les Vingt-Sept serait catastrophique pour la péninsule. À Ankara, on refuse de l'envisager. «C'est un affront aux principes de base de l'Europe», a assuré Omer Celik, le ministre turc des Affaires européennes, en tentant une approche positive. Puis le chef de la diplomatie Mevlüt Çavusoglu a renoué avec le parallèle nazi: l'Europe «se tourne vers les valeurs de l'ère ayant précédé la Seconde Guerre mondiale… barbarie, fascisme, violence, intolérance», a-t-il accusé en estimant que les politiques allemands faisaient le jeu «de l'islamophobie».

Le gouvernement allemand n'avait pourtant pas manqué d'avertir la Turquie, engagée depuis le putsch avorté du 15 juillet 2016 dans une dérive autoritaire: présidentialisation du régime, poursuite des opposants, arrestation de journalistes, fermeture de la base de la Bundeswehr d'Incirlik… «Nous voudrions avoir de meilleures relations avec la Turquie, mais il faut voir la réalité en face», avait expliqué Angela Merkel fin août. Depuis cet été, son gouvernement assume donc «un changement de ligne politique» vis-à-vis d'Ankara, impliquant des pressions économiques et politiques. Les discussions sur l'élargissement d'accords douaniers sont par exemple suspendues de fait. L'accord conclu pour fermer la frontière aux migrants n'est en revanche pas remis en cause.

Personne n'avait osé jusqu'à présent évoquer la fin des négociations d'adhésion. Dans son programme adopté en juin, le SPD assurait encore «que l'isolement de la Turquie n'est pas dans l'intérêt de l'Europe». Mais aux yeux de Martin Schulz, Recep Tayyip Erdogan est allé trop loin et l'Allemagne doit siffler la fin de la partie.

Angela Merkel, qui n'a jamais été favorable à l'adhésion de la Turquie à l'UE rechigne à élever la voix. Elle craint que la Turquie ne se tourne vers la Russie.

Angela Merkel, qui n'a jamais été favorable à l'adhésion de la Turquie à l'UE et qui a toujours défendu l'idée d'un «partenariat», rechigne à élever la voix. Elle craint que la Turquie ne se tourne vers la Russie. Elle négocie par ailleurs la libération des ressortissants allemands emprisonnés en Turquie. Lundi, l'un d'eux a été relâché. Onze Allemands se trouvent toujours enfermés «pour des raisons politiques».

La question de l'adhésion de la Turquie «pourrait être évoquée» lors du prochain sommet européen en octobre, a estimé lundi le porte-parole de la chancelière. Elle devient effectivement épineuse pour les Vingt-Sept. Mais l'unanimité serait requise pour interrompre les discussions et elle n'est pas acquise. «Nous continuerons les échanges», a commenté avec prudence la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Les promesses de campagne ne seront pas simples à tenir.

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Clandestins : la France veut faciliter les expulsions (04.09.2017)


  • Par Jean-Marc Leclerc
  • Mis à jour le 04/09/2017 à 20:53
  • Publié le 04/09/2017 à 20:06
INFOGRAPHIE - Les trois quarts des clandestins interpellés restent en France. Pour les éloigner, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, promet des moyens et une réforme du cadre juridique.
«Si l'on veut sauvegarder le droit d'asile, il ne faut pas confondre réfugiés des théâtres de guerre, ou fuyant les persécutions politiques, et migrants économiques.» Sur le pont durant tout l'été, Gérard Collomb campe sur sa ligne ferme en matière d'immigration. Un message qui devrait être réitéré ce mardi, alors que le chef de l'État en personne s'exprimera devant le corps préfectoral réuni au Palais de l'Élysée.

Les chiffres sont éloquents.Les «retours forcés» n'ont pas dépassé 13.000 expulsions l'an dernier, soit 16 % de moins qu'en 2015. En intégrant tous les types d'éloignements (contraints, aidés et même les départs «spontanés»), ce sont les trois quarts des clandestins qui restent donc en France. Or, tous ne sont pas ...

La mère d'un djihadiste français jugée pour financement du terrorisme (05.09.2017)


  • Par Esther Paolini
  • Mis à jour le 05/09/2017 à 11:57
  • Publié le 05/09/2017 à 09:49
Nathalie Haddadi est jugée ce mardi au Tribunal correctionnel de Paris pour avoir envoyé de l'argent à son fils parti en Syrie et décédé depuis. Elle risque jusqu'à dix ans de prison.

Mère d'un «martyr» mort en Syrie, Nathalie Haddadi comparaît ce mardi à partir de 13h30 au Tribunal correctionnel de Paris pour «financement du terrorisme». Âgée de 42 ans, cette Alsacienne est accusée d'avoir envoyé 2835 euros à son fils qui s'en est servi pour rejoindre la zone irako-syrienne. Sur le banc des accusés, elle est accompagnée de son fils cadet et d'un ami du djihadiste, ayant également envoyé de l'argent.

«J'ai perdu mon fils. Ce jour-là, c'est comme si on m'avait ouvert la poitrine à vif. Et je me retrouve devant ce tribunal. J'ai le sentiment d'être à terre et que l'on continue à s'acharner», confie Nathalie Haddadi au Parisien. Son fils, Abbes Bounaga, est décédé en août 2016 en Syrie. Il avait à peine 21 ans.

Radicalisé à la maison d'arrêt de Strasbourg

Avant de rejoindre le califat, le jeune homme est déjà bien connu des services de police: trafic de drogue, violences aggravées. Alors que sa mère est une «musulmane non pratiquante», lui se radicalise à la maison d'arrêt de Strasbourg à partir de 2014. Sous le coup d'une interdiction de sortie du territoire, le jeune homme rejoint Francfort (Allemagne) en novembre 2015, puis l'Algérie, dont il a la nationalité et où son père réside. Inquiète de sa radicalisation, elle lui envoie de l'argent pour le billet d'avion, afin «qu'il fasse sa vie là-bas», précise-t-elle à France Bleu.

Environ six mois plus tard, Abbes Bounaga a des envies de voyages. Sa mère, conseillère commerciale, lui envoie à nouveau de l'argent afin qu'il se rende en Malaisie pour profiter de vacances ensoleillées. Mais son fils ne se contente pas de visiter les îles de l'océan Indien. Il rejoint les Émirats arabes unis, puis l'Iran, la Turquie et enfin la Syrie. Il la contacte par téléphone et lui confie alors: «Maman, je t'aime, mais j'aime Dieu plus que toi».


Ses déplacements sont financés par les virements bancaires de sa mère, de son frère et d'un ami. De son côté, Nathalie Haddadi se défend et assure n'avoir eu aucune connaissance de la destination finale. Abbes Bounaga lui avait garanti avoir besoin de cet argent pour payer des frais d'hospitalisation en Malaisie. À l'été 2016, un appel sur l'application Viber lui apprend finalement que son fils est décédé en kamikaze en zone de combat irako-syrienne.

Ce mardi, la 16e chambre du Tribunal correctionnel de Paris doit déterminer si apporter une aide pécuniaire à une personne radicalisée signifie participer au financement du terrorisme. Le Code pénal est très précis sur le sujet: «constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques (...)». Si la justice décide de rendre coupable Nathalie Haddadi, de nombreux autres parents de djihadistes français pourraient se retrouver également sur le banc des accusés.

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L'immigration massive, cause ou symptôme du malaise français ? (04.09.2017)



Mis à jour le 04/09/2017 à 19h18 | Publié le 04/09/2017 à 17h58

EXTRAITS EXCLUSIFS - Son nom est pour l'instant inconnu. Il ne va pas le rester longtemps. Stéphane Perrier, jeune cadre dans l'industrie de 34 ans publie son premier livre «La France au miroir de l'immigration» chez Gallimard, dans la prestigieuse collection «Débat» dirigée par Marcel Gauchet.

Droit du sol

Un dernier point doit être mentionné. Il concerne la procédure d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France, improprement nommée «droit du sol». Cette procédure n'est évidemment pas neuve - elle a été créée par une loi de 1889 -, mais trois évolutions en ont modifié la portée. Les deux premières ont déjà été évoquées: le changement de nature de l'immigration a entraîné une forte augmentation du pourcentage d'enfants d'immigrés culturellement distants de la population historique ; l'école a vu sa mission d'intégration nationale abandonnée, et sa mission d'instruction civique et morale, amputée. La troisième évolution a autant d'importance: autrefois, l'acquisition de la nationalité française à la majorité était assortie, pour les hommes, de l'obligation d'effectuer un long service militaire et d'un risque élevé de faire la guerre pour sa nouvelle patrie à un moment ou à un autre de son existence - le but essentiel de la loi de 1889 était d'ailleurs d'assurer l'égalité devant ce devoir. Aujourd'hui, en revanche, devenir français confère des droits sans impliquer d'engagement véritable. (…) C'est en effet en 1993 qu'a été abrogée la disposition qui permettait au gouvernement de s'opposer à cette acquisition pour «défaut d'assimilation». La loi responsable de cette abrogation prévoyait toutefois - en guise de contrepartie? -que l'acquisition de la nationalité française nécessiterait une «manifestation de volonté». Cela même sembla trop: la condition fut supprimée dès 1998 et n'a jamais été rétablie depuis.

Déni de réalité

Les contre-vérités de certains responsables politiques seraient impossibles sans le concours d'un grand nombre de journalistes et la complaisance de la majorité des démographes. Trois procédés principaux sont utilisés pour minorer l'ampleur de l'immigration en France.

Le premier est la diversion: on argue du niveau plus élevé des flux d'immigration dans la majorité des pays de l'OCDE pour soutenir que la France n'est pas un pays d'immigration massive. C'est un peu comme si, un 15 août, on soutenait qu'il fait froid en France sous prétexte que le thermomètre n'affiche chez nous que, mettons, 28 °C contre 36 °C en Italie du Sud et 42 °C en Arabie saoudite.

Le deuxième procédé est l'exploitation biaisée des chiffres. On affirme par exemple que les 200.000 entrées annuelles ne représentent que 0,3 % de la population française. Le calcul est exact, mais doublement malhonnête: d'une part, il revient à comparer un flux à un stock, comme si l'immigration était un événement ponctuel ; d'autre part, et surtout, il oublie les naissances engendrées par l'immigration familiale (…).

Le troisième procédé est la manipulation du concept de solde migratoire (…) Si le nombre de natifs sortant de France est supérieur au nombre de natifs rentrant en France, le solde migratoire diminue, alors que la part des immigrés dans la population augmente. Un solde migratoire nettement inférieur aux flux d'immigration peut donc signifier à la fois que beaucoup d'immigrés repartent et que beaucoup de natifs s'en vont. Par exemple, une étude de l'Insee publiée en octobre 2015 évaluait, pour l'année 2013, le solde migratoire total à 33.000 personnes et le solde migratoire des immigrés à 140.000 personnes.

L'argument culturel

Mais l'ouverture aux cultures étrangères n'implique nullement l'immigration de populations étrangères. L'humanité n'a-t-elle été qu'une juxtaposition de tours d'ivoire jusqu'au développement de l'immigration dans le sillage de la révolution industrielle ?

Le premier argument, que nous avons déjà rencontré, car il constitue le soubassement du multiculturalisme, est donc l'argument culturel: l'immigration serait la condition de notre dynamisme culturel, ou, a minima, une source d'enrichissement culturel. La première assertion est absurde, tandis que la seconde est valide mais ne justifie en rien notre régime migratoire. La culture étouffe dans les pièces closes, elle se nourrit d'échanges et a besoin, pour prospérer, de contacts réguliers avec ses extérieurs ; sur le plan collectif comme au plan individuel, le soliloque entraîne immanquablement l'assèchement de la créativité. La chose est entendue. Mais l'ouverture aux cultures étrangères n'implique nullement l'immigration de populations étrangères. L'humanité n'a-t-elle été qu'une juxtaposition de tours d'ivoire jusqu'au développement de l'immigration dans le sillage de la révolution industrielle? Les peuples européens étaient-ils fermés les uns aux autres au Moyen Âge? Par quel mystère, alors, les arts roman et gothique ont-ils pu se répandre d'un pays à l'autre? On loue souvent les apports de l'Andalousie musulmane à la civilisation européenne ; elle n'a pourtant envoyé aucun immigré hors d'Espagne. Le caractère infime de l'immigration n'empêcha pas la Renaissance de se propager à l'ensemble du continent. Qui oserait soutenir que la France était moins ouverte à la culture italienne au XVIe siècle qu'au XXe siècle?

La France en tout cas n'a pas été culturellement stérile - c'est le moins que l'on puisse dire - jusqu'au XIXe siècle ; voilà qui devrait normalement suffire à ridiculiser l'idée que nous aurions un besoin culturel d'immigration. Il est juste, en revanche, d'affirmer que l'immigration est source d'enrichissement culturel. Mais pourquoi devrait-elle être familiale? Elle ne l'était guère auparavant et, à nous entendre, elle nous enrichissait tout autant. Pourquoi cette immigration familiale devrait-elle être massive? Un nombre inférieur d'immigrés ne nous permettrait-il pas d'entrer en contact avec le même nombre de cultures? Brisons là l'enchaînement des questions rhétoriques: il devrait aller de soi, pour toute personne sensée, que les bénéfices culturels de l'immigration ne nécessitent aucunement la permanence de flux familiaux massifs

La morale

La maîtrise de l'immigration, qui implique la possibilité de moduler - et donc, le cas échéant, de réduire - les flux d'immigration, était naguère considérée par tous comme une prérogative normale de l'État. Personne n'établissait de lien entre l'exercice de cette prérogative et un quelconque racisme ou une quelconque xénophobie. Écoutons ce que déclarait Pierre Mendès France, figure unanimement admirée et modèle de modération, à la tribune de l'Assemblée nationale lors du débat relatif au traité de Rome: «Si le mouvement des capitaux et des biens peut à première vue ne pas paraître toucher aux concepts de nation et de patrie, il n'en est pas de même pour les migrations de populations. Il n'est pas indifférent pour l'avenir de la France ni que, pendant une période, les Italiens affluent en France, ni que, simultanément ou pendant une autre période, les Français du Languedoc, de l'Auvergne ou de la Bretagne soient conduits à chercher de meilleures conditions de travail dans une Allemagne qui, en cours de développement rapide, offrirait des emplois à des travailleurs menacés par le chômage.» Il va sans dire que, à l'époque, ces propos n'ont pas déclenché la moindre réprobation.

Les musulmans, nouveaux Juifs?

La comparaison entre les juifs d'alors et les musulmans d'aujourd'hui est tout aussi fantaisiste. Les juifs étaient une minorité anciennement installée en Europe occidentale, dont le nombre était stable ; les musulmans sont une minorité récemment installée en Europe occidentale et leur nombre augmente rapidement. On reprochait aux juifs d'être juifs, au nom d'une conception biologique de la nation ; on ne reproche rien aux musulmans en tant que tels: on s'inquiète de l'augmentation rapide de leur nombre et des difficultés d'intégration associées. Aucun juif, dans aucune nation d'Europe occidentale, ne réclamait d'adaptation du droit, de l'enseignement ou des usages nationaux à sa communauté ; dans toutes les nations d'Europe occidentale, certains musulmans réclament des adaptations du droit, de l'enseignement ou des usages nationaux à leur communauté. Il n'existait aucun extrémisme juif commettant des attentats en Europe occidentale ; il existe un extrémisme musulman qui a commis de multiples attentats, ayant fait plusieurs centaines de morts, en Europe occidentale.

Pourtant on ne trouve nulle trace aujourd'hui, à l'égard des musulmans, des comportements observés à l'égard des juifs dans les années 1930, et même dans la décennie précédente: dès les années 1920, en Allemagne, plusieurs personnalités juives avaient été victimes de violences - le ministre des Affaires étrangères Walther Rathenau avait même été assassiné en 1922 -, des corporations étudiantes refusaient d'admettre des juifs, et des journaux à tirage respectable regorgeaient de propos menaçants ; dans l'Europe occidentale actuelle, aucune personnalité musulmane n'a subi de violence, le refus d'admettre des musulmans où que ce soit est interdit et tous les journaux à tirage respectable distinguent soigneusement l'islamisme de l'islam, et l'islam comme religion des musulmans comme individus.

Identité

Il arrive que cette affirmation-négation de l'identité française prenne un tour exalté. Redéfinie comme abstraction universaliste, la France se voit revêtue d'une auréole: sa particularité serait de rejeter sa particularité ; son identité nationale résiderait dans le refus du principe même d'une identité nationale. En somme, à la manière dont, selon Marcel Gauchet, le christianisme est la religion de la sortie de la religion, la France serait la nation de la sortie de la nation. La négation de son identité historique accomplirait sa vocation historique. S'il possède de nombreux concurrents, c'est indiscutablement Jean-Luc Mélenchon, au dire duquel l'histoire de France commence en 1789 et dontLa Marseillaise est moins un hymne national qu'un chant révolutionnaire international, qui incarne le plus éloquemment ce patriotisme sans patrie.

L'effort

«Ce n'est pas ouvrir les bras que de n'avoir plus l'énergie de les lever.»

Il s'agit toujours de renoncer à une ambition, de fuir une responsabilité. Il s'agit toujours de choisir le parti du moindre effort, d'opter pour la solution de facilité. Réguler l'immigration, c'est un effort, tandis qu'il est si facile de s'ouvrir aux quatre vents. Assimiler ou intégrer des immigrés, c'est un effort, tandis qu'il est si facile de s'en remettre aux communautés. Être une nation, c'est un effort, tandis qu'il est si facile de n'être qu'une société d'individus. Être une République, c'est un effort, tandis qu'il est si facile de n'être qu'une juxtaposition d'intérêts. Poursuivre son histoire, c'est un effort, tandis qu'il est si facile de négliger son héritage. Assumer une autorité, c'est un effort, tandis qu'il est si facile de se défausser. Éduquer, c'est un effort, tandis qu'il est si facile d'enseigner uniquement des compétences. Maintenir l'ordre, c'est un effort, tandis qu'il est si facile de céder à l'augmentation de la violence. Peut-être nos idées faussement progressistes sont-elles ce qui reste de l'esprit européen quand il est fatigué. Peut-être devrait-on dire de leurs promoteurs ce que Stendhal disait des bourgeois de Paris en 1830: «Ils prennent l'étiolement de leur âme pour de la civilisation et de la générosité.» Ou de manière tout aussi lapidaire: ce n'est pas ouvrir les bras que de n'avoir plus l'énergie de les lever.

Le «défaut d'assimilation»

D'un point de vue théorique, la nécessité d'une démarche pour acquérir la nationalité française est bien plus cohérente avec le projet républicain. Il est pour le moins paradoxal de n'exiger aucune démarche pour entrer dans une nation que l'on définit en partie par l'adhésion de ses membres - de ne pas exiger l'expression de la volonté ne serait-ce qu'un seul jour pour rejoindre une nation que l'on définit en partie comme un «plébiscite de tous les jours». Il faut par ailleurs que la démarche soit accomplie à un âge où le jugement individuel est formé. Il s'ensuit que seuls les étrangers majeurs devraient être autorisés à demander la nationalité française - il est aujourd'hui possible d'acquérir la nationalité par déclaration à l'âge de 13 ou de 16 ans. Pour les étrangers nés en France qui en feraient la demande à leur majorité, la naturalisation serait de droit. Néanmoins, à la fois par principe et pour tenir compte de la situation actuelle, la disposition qui permettait autrefois au gouvernement de s'opposer par décret, dans les six mois précédant la majorité d'un étranger, à l'acquisition de la nationalité française pour «défaut d'assimilation», devrait être rétablie.

Extraits choisis par Eugénie Bastié

«La France au miroir de l'immigration», Stéphane Perrier, Gallimard, 288p, 22 euros. Sortie le 7 septembre.

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Stéphane Perrier

Syrie : l'armée brise le siège de l'EI à Deir Ezzor (05.09.2017)

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  • Mis à jour le 05/09/2017 à 12:59
  • Publié le 05/09/2017 à 12:47
L'armée syrienne a brisé aujourd'hui un siège de plus de deux ans imposé par les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) à une zone gouvernementale de Deir Ezzor, dans l'est du pays, a rapporté la télévision officielle.


"Les forces de l'armée arabe syrienne ont brisé le siège de Deir Ezzor", a indiqué la télévision dans un bandeau, en faisant la jonction avec les soldats assiégés dans la base de la brigade 137.

GB/terrorisme : des militaires parmi les 4 néo-nazis présumés arrêtés mardi (05.09.2017)


  • Par Le Figaro.fr avec AFP
  • Mis à jour le 05/09/2017 à 13:14
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Des militaires figurent parmi les quatre néo-nazis présumés soupçonnés de préparer des actes terroristes arrêtés aujourd'hui par la police dans les West Midlands (centre de l'Angleterre), a annoncé le ministère britannique de la Défense.


"Nous sommes en mesure de confirmer que plusieurs membres de l'armée ont été arrêtés par la police", a indiqué le ministère dans un communiqué, sans en préciser le nombre.

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