Sexe et mensonges : Leila Slimani s'attaque aux démons intimes du Maroc (29.08.2017)
Attentats en Espagne : 2 arrestations au Maroc (29.08.2017)
Le viol collectif d'une jeune femme dans un bus indigne le Maroc (21.08.2017)
Agression sexuelle dans un bus : le Maroc indifférent aux violences faites aux femmes ? (21.08.2017)
Une scène filmée à Tanger relance le débat sur le harcèlement sexuel au Maroc (11.08.2017)
Maroc: le gouvernement veut s'assurer du développement des régions (13.07.2017)
Au Maroc, œil au beurre noir cherche poudre libre pour maquillage de violences (07.12.2016)
Sexe et mensonges :
Leila Slimani s'attaque aux démons intimes du Maroc (29.08.2017)
- Par Elena Scappaticci
- Mis à jour le 29/08/2017 à 16:12
- Publié le 29/08/2017 à 13:34
Dans une enquête qui paraît le
6 septembre prochain, la lauréate du Goncourt 2016 se livre à un réquisitoire
en règle contre une société qui n'offre d'autres choix aux femmes que d'être
vierge ou épouse, tout en consommant le sexe comme une marchandise.
Bienvenue dans la «société du
mensonge». Une société qui sacralise la virginité tout en étant la cinquième
consommatrice mondiale de pornographie sur Internet. Dans son nouvel
ouvrage, Sexe et mensonges*, Leila Slimani se confronte aux démons
intimes de son pays d'origine: le Maroc. À travers les témoignages de femmes
ayant souhaité garder l'anonymat, de journalistes et de sociologues
marocains, la
lauréate du Goncourt 2016 dessine les contours d'une société où
l'hypocrisie est reine et la frustration sexuelle constante. Comme Kamel
Daoudavant elle, Leila Slimani refuse ainsi de nier la réalité de la
«misère sexuelle» au Maghreb. «Non seulement cette misère est bien réelle»,
affirme-t-elle courageusement, «mais c'est un fait social massif, et dont les
conséquences sont devenues clairement politiques.»
Révoltée par la tartufferie
généralisée qui gangrène le Maroc, et le monde arabo-musulman, elle revendique
une parole «politique, engagée, émancipatrice» et proclame la nécessité d'une
reconnaissance des «droits sexuels». Pour l'auteur de Chanson douce,
les féministes marocaines se trompent de combat en focalisant leur lutte sur la
seule conquête de droits sociaux. Au Maroc, l'égalité réelle commence par la
reconnaissance d'un droit à la sexualité pour les femmes, droit qui seul permet
d'échapper totalement au système patriarcal.
À ceux qui lui reprocheront
d'alimenter des clichés rétrogrades sur l'islam, elle oppose la réalité des
femmes emprisonnées pour adultère ou avortement, des innombrables enfants
abandonnés à la naissance. En vertu de l'article 490 du Code pénal,
l'interdiction de la fornication en dehors du cadre conjugal constitue une
véritable «épée de Damoclès» légale pesant sur l'ensemble de la société
marocaine. L'adultère est notamment puni de deux ans de prison. L'avortement
est illégal, sauf en cas de viol.
Névrose collective
Alors, oui, comme le rappelle
Nouzha Skalli, ancienne ministre de la Famille et de la Solidarité, pour que
ces lois s'appliquent dans la réalité, «il faudrait construire des dizaines de
nouvelles prisons pour contenir des milliers de personnes.» Dans une société en
pleine transition, les interdits explosent. De moins en moins de marocains
attendent le mariage pour faire l'amour. Mais la société ferme les yeux sur ces
bouleversements et impose le mensonge à chacun. Face à cette vérité qu'il faut
taire, les pouvoirs publics cultivent ainsi depuis des années une doctrine
basée sur une «séparation étanche entre l'espace public et l'espace privé.»
Faites l'amour, donc, mais cachez-vous!
Officiellement nié,
nécessairement caché, le sexe n'en est que plus présent dans les esprits,
alimentant une véritable névrose collective. Les femmes sont évidemment les
premières victimes de cette «culture du mensonge institutionnalisée». Vitrines
non consentantes de la «moralité» marocaine, elles subissent les effets
désastreux de la schizophrénie ambiante. Entre la femme vertueuse -
c'est-à-dire vierge, ou soumise à son époux - et la prostituée, les
intermédiaires n'existent pas. La virginité est constituée en «capital» le plus
précieux pour la Marocaine, un capital dont la perte signifie automatiquement
la mise au ban de la société.
«Pour beaucoup d'hommes et de
femmes, il n'y a pas d'intermédiaires entre la femme vertueuse et la
prostituée.»
Sanaa El Aji, journaliste
marocaine interviewée par Leila Slimani
En témoigne l'histoire de Nour,
trente ans, dont Leila Slimani a recueilli le témoignage. Malgré l'interdit, la
jeune femme vit depuis plusieurs années avec un homme en concubinage. Par peur
de la rumeur, du regard des gens de son quartier et de sa situation
d'illégalité, la jeune femme a menti à son compagnon, prétendant être vierge au
moment où elle l'a rencontré. Qu'importe, celui-ci, une fois leur relation
consommée, préférera toujours épouser une fille vierge, après avoir profité de
la disponibilité sexuelle de Nour. «Le poids de la société, des parents, de la
religion, tout cela fait que les hommes ont beau prétendre être ouverts
d'esprit et compréhensifs, dès qu'ils pensent au mariage, il faut que ce soit
une fille vierge.» Aujourd'hui, Nour songe à économiser pour, comme des
milliers de femmes avant elle, faire une réfection de l'hymen et pouvoir
prétendre au mariage. Elle envisage même de porter le voile pour ne plus subir
de jugements désapprobateurs sur sa conduite. Ainsi, plutôt que de faire le
choix de la rébellion, «la jeunesse prend son parti de la schizophrénie
ambiante, contourne les interdits et joue le jeu des apparences.»
Cette hypocrisie à grande échelle
contribue à créer des relations extrêmement tendues entre les hommes et les
femmes, engendrant beaucoup de violence, notamment dans l'espace public. En
témoigne notamment les deux cas de harcèlement et d'agression sexuelle
ayant scandalisé
le pays au mois d'août. «Dans ce pays tu ne peux pas porter ce que tu veux
alors qu'il y a partout des affiches publicitaires avec des filles à moitié
nues. Mais toi, à 21 heures, tu ne sors pas. La rue ne t'appartient pas. Tu es
toujours une intruse dans l'espace public», confie Zhor, jeune Marocaine
émancipée.
Ce climat de dissimulation
permanente est aussi la porte ouverte à toutes les dérives. Si avoir des
relations sexuelles hors du cadre marital doit déjà être tu, quid de pratiques
comme l'inceste, la pédophilie ou le viol? Elles aussi sont passées sous
silence. Mustapha, policier à Rabat, a pu constater à maintes occasions à quels
extrêmes pouvait conduire cette culture du mensonge. Il ne songe pourtant pas à
se plaindre de la situation, car au Maroc, le sexe est un commerce juteux pour
ceux qui sont chargés de le traquer: «on rackette les prostituées, les couples
d'amoureux, les couples adultérins …il n'y a pas de morale là-dedans, pas de
religion», explique-t-il: c'est la loi du fric. La loi du plus fort.» Aux bons
payeurs la jouissance est offerte. Pour les autres, l'immense majorité, la
misère sexuelle s'ajoute à la misère sociale.
« La religion est un outil de
contrôle social. Plus les régimes sont sous pression, plus ils répriment la
sexualité sous le voile de l'Islam.»
Shereen el Feki, La Révolution du
plaisir, citée par Leila Slimani
Face à un tel constat, Leila
Slimani ose poser la question qui fâche: être musulman et avoir une sexualité
libre et épanouie, est-ce possible? Oui, répond-elle, à condition que le corps
féminin cesse de constituer un enjeu identitaire dans la bataille culturelle
qui oppose les plus conservateurs à l'Occident. «Nous vivons dans des sociétés
où le religieux s'est renforcé et où la femme est censée représenter l'identité
musulmane», explique Asma Lambaret, médecin, chercheuse et figure de la pensée
réformiste au Maroc. «La visibilité des femmes détermine désormais le degré
d'islamisation d'une société.» Mais l'islam dévoyé n'est pas seul en cause: sa
récupération politique explique également un tel retournement doctrinaire.
Plutôt que de diaboliser l'islam,
la jeune femme nous invite à traquer le politique dans ses manifestations les
plus diffuses. «Est-ce un hasard si la plupart des pays musulmans où le sexe
est tu et caché sont aussi ceux où le «citoyen-croyant» est dépossédé de ses
droits fondamentaux?» s'interroge Leila Slimani. Et l'auteur franco-marocaine
de citer le célèbre ouvrage de la sociologue égyptienne Shereen el Feki, La
Révolution du plaisir: «La religion est un outil de contrôle social.
Plus les régimes sont sous pression, plus ils répriment la sexualité sous le
voile de l'Islam.»
*Sexe et mensonges, La vie
sexuelle au Maroc, Leila Slimani, Arènes éditions, sortie prévue le 6
septembre , 17 euros.
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Attentats en Espagne : 2
arrestations au Maroc (29.08.2017)
- Par Le Figaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 29/08/2017 à 16:15
- Publié le 29/08/2017 à 16:07
Le ministre de l'Intérieur
espagnol, Juan Ignacio Zoido, a déclaré aujourd'hui à Rabat que deux hommes
soupçonnés d'avoir des liens avec le double attentat commis en Catalogne les 17
et 18 août ont été arrêtés au Maroc. "Grâce aux contacts permanents
et à la collaboration entre les deux pays, les services de sécurité marocains
ont procédé ici au Maroc à deux arrestations liées aux attentats de Barcelone
et Cambrils. Je ne souhaite pas entrer dans les détails, car ils relèvent
encore de l'enquête", a dit le ministre espagnol.
» Lire aussi - Attentats de Barcelone et Cambrils : le réseau
terroriste avait planifié une attaque de grande envergure
M. Zoido était dans la capitale
du Maroc pour "un échange au plus haut niveau" avec son homologue
marocain au sujet de l'enquête sur les attaques qui ont fait 16 morts en
Espagne. Les principaux suspects de ces attentats revendiqués par le
groupe jihadiste Etat islamique (EI) sont marocains ou d'origine marocaine. La
plupart vivaient en Espagne depuis de nombreuses années.
» Lire aussi - Le terroriste des Ramblas abattu par la police
espagnole
Le Maroc "collabore
étroitement avec les forces de sécurité espagnoles", ont souligné les deux
hommes. Le ministre marocain est lui revenu sur l'implication de Marocains
de la diaspora dans des attentats perpétrés en Europe. "Les enfants
des immigrés marocains de la deuxième et troisième génération qui ont vu le
jour dans les pays européens ont besoin d'une attention toute particulière
(...) pour échapper aux griffes du terrorisme, essentiellement au sein de
mosquées non contrôlées ou entre les mains de certains imams extrémistes",
a-t-il souligné.
Selon des images diffusées par la
chaîne de télévision marocaine 2M, une autre rencontre s'est tenue aujourd'hui
à Rabat entre de hauts responsables sécuritaires marocains et espagnols, dont
le patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, et le chef du
service des renseignements de la Guardia Civil, Pablo Salas.
Le viol collectif d'une jeune femme dans un bus indigne
le Maroc (21.08.2017)
Voir aussi :
Espagne (attentats de Madrid 2004, Barcelone et Cambrils 2017)
Finlande (Turku 2017)
Depuis sa mise en ligne dimanche, la vidéo du viol collectif
d'une jeune femme scandalise la société civile. Les six auteurs de l'agression,
survenue le 18 août dernier, ont été arrêtés ce lundi. Ils sont âgés de 15 à 17
ans.
Le Maroc est sous le choc après la diffusion, dimanche, sur
internet, d'une vidéo montrant un groupe de jeunes agresser sexuellement une
jeune femme dans un bus. Selon la société chargée du transport en commun M'dina
Bus, l'agression s'est déroulée le vendredi 18 août. La police a indiqué, ce
lundi, dans un communiqué, l'arrestation des six agresseurs, âgés entre 15 et
17 ans, qui ont été placés sous surveillance policière. La même source a
précisé que la victime, âgée de 24 ans, était atteinte d'un handicap mental, et
relevé qu'elle n'avait, avant la diffusion de la vidéo, reçu aucune plainte, ni
de la part de la jeune femme agressée ni de la part du chauffeur.
Depuis leur diffusion dimanche, les images n'en finissent
pas d'indigner médias marocains et internautes. Elles dévoilent un groupe
d'adolescents, torse nu, en train de bousculer violemment une jeune femme en
pleurs dans un bus, la touchant dans des parties intimes de son corps, tout en
s'esclaffant. La victime, à moitié dénudée, pousse des cris de détresse, alors
que le bus continue de rouler, sans qu'aucun passager n'intervienne. La scène a
eu lieu à Casablanca, métropole économique du royaume, précise la presse
locale, affirmant que la victime est atteinte d'un handicap mental.
Les médias marocains horrifiés
«Horreur à Casablanca», «Des monstres commettent un crime
odieux», écrit la presse locale, qui tire la sonnette d'alarme sur le phénomène
du harcèlement des femmes dans l'espace public. L'association Touche pas à mon
enfant a lancé, ce lundi, un appel à témoins afin «de traduire en justice cette
horde barbare qui s'est attaquée lâchement à une jeune fille». Des internautes
ont, eux, appelé à un sit-in le 23 août à Casablanca pour exprimer leur
indignation. D'autres, en revanche, s'en sont pris à la victime, prenant la
défense des agresseurs.
» Lire aussi: Une jeune femme harcelée par une horde d'hommes à
Tanger
Début août, une autre vidéo montrant une horde de jeunes
hommes traquer une jeune femme marchant seule dans la rue à Tanger (nord) avait
déjà suscité l'indignation dans le pays. Au Maroc, marcher seule dans la rue
relève parfois du parcours du combattant. Ou plutôt de la combattante: elles y
subissent fréquemment remarques désobligeantes et insultes. Selon les chiffres
officiels, près de deux Marocaines sur trois sont victimes de violences. Et les
lieux publics sont les endroits où la violence physique à leur égard est la
plus manifeste.
Agression sexuelle dans un bus : le Maroc indifférent aux
violences faites aux femmes ? (21.08.2017)
Une vidéo diffusée sur Internet montre une jeune femme
violentée par quatre adolescents, sans que le chauffeur ne réagisse.
Par Ghalia Kadiri (contributrice Le Monde Afrique,
Casablanca)
LE MONDE Le 21.08.2017 à 18h06 • Mis à jour le 21.08.2017 à
22h50
La scène est choquante. Pourtant, elle est loin d’être
inédite au Maroc, où près de deux femmes sur trois sont victimes de violences,
selon des chiffres officiels. Dans une vidéo mise en ligne dans la nuit du
dimanche 20 au lundi 21 août – mais les faits se sont déroulés il y a trois
mois –, une femme de 24 ans est agressée en pleine journée à l’arrière d’un
bus, à Casablanca, par quatre jeunes hommes. Hilares, ils lui arrachent les
vêtements, touchent violemment ses seins et l’insultent en darija (arabe
dialectal marocain). Sur les images, la jeune femme apparaît à moitié nue, en
larmes, suppliant ses agresseurs de la laisser partir, sans que le chauffeur ne
réagisse.
Depuis sa diffusion, la vidéo a suscité des réactions
controversées sur la toile. La plupart des internautes ont posté des messages
de soutien à la jeune femme, condamnant fermement les agressions sexuelles
envers les femmes, de plus en plus fréquentes au Maroc – et impunies.
L’association Touche pas à mon enfant a par ailleurs utilisé Facebook pour
publier des captures d’écran de la vidéo afin de permettre l’identification des
agresseurs et de « traduire en justice cette horde barbare qui s’est attaquée
lâchement à une jeune fille ».
Mais d’autres s’en sont pris à la victime, jugeant sa tenue
« indécente » et « provocante ». « Vu comment elle est habillée, elle ne peut
s’en prendre qu’à elle-même ! », commente un internaute sur Facebook. « C’est
une prostituée. Elle n’a eu que ce qu’elle méritait », écrit un autre.
« Ça fait partie de notre quotidien »
Ces réactions mitigées témoignent des contradictions d’une
société tiraillée entre modernité et conservatisme. Dans un pays qui se veut
tolérant et où les femmes n’ont pas l’obligation de porter le voile, une partie
de la société légitime la violence à leur encontre. En janvier, deux Marocaines
blessées lors de l’attentat du réveillon à Istanbul avaient fait l’objet d’une
vive campagne d’insultes, accusées d’avoir fêté le jour de l’an « dans un lieu
de débauche alors qu’elles sont musulmanes ».
Pour Wafae, 22 ans, « les agressions sexuelles font partie
de notre quotidien ». A Casablanca, se déplacer seule est devenu une épreuve de
chaque jour pour les femmes. « Que ce soit dans le bus, dans la rue ou même
dans un souk plein de monde, on subit des attouchements, des insultes. Les
hommes ouvrent leur braguette, collent leur sexe au dos des femmes et vont
jusqu’à éjaculer sur nous. En plein espace public ! » Autour d’elles, les
témoins restent silencieux. « Ils lèvent les yeux au ciel, font semblant de ne
pas voir. Les chauffeurs de bus n’interviennent jamais », poursuit la jeune
femme.
Lire aussi : Au
Maroc, œil au beurre noir cherche poudre libre pour maquillage de violences
Dans ce climat de violence, beaucoup de femmes portent un
voile pour se protéger des agressions. « Mais ça ne suffit pas. On a beau
porter une djellaba large et un foulard malgré la chaleur estivale, les hommes
s’en prennent à nous », déplore Wafae.
Ces agressions sont la plupart du temps ignorées par les
autorités. « La loi marocaine condamne le harcèlement des femmes au travail,
mais pas dans les espaces publics », avait concédé début août à l’AFP Mustapha
Ramid, ministre d’Etat chargé des droits de l’homme.
Mais cette fois, la viralité de la vidéo et le battage
médiatique autour ont eu pour effet de faire intervenir les pouvoir publics.
Lundi, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a annoncé
l’arrestation de six individus âgés de 15 à 17 ans « pour leur implication
présumée dans l’agression sexuelle d’une jeune fille dans un bus à Casablanca
».
Une scène filmée à Tanger relance le débat sur le
harcèlement sexuel au Maroc (11.08.2017)
Après la diffusion d’une vidéo sur les réseaux sociaux, les
médias et les défenseurs des droits humains tirent la sonnette d’alarme.
Le Monde.fr avec AFP Le 11.08.2017 à 11h28 • Mis à jour le
16.08.2017 à 10h41
A Tanger, dans le nord du Maroc, en septembre 2016.
Au Maroc, pays qui se veut, selon les discours officiels,
chantre d’un islam tolérant et où les femmes n’ont pas l’obligation de porter
le voile, marcher seule dans la rue relève parfois du parcours de la
combattante. Elles y subissent fréquemment remarques désobligeantes et
insultes.
Récemment, la question du harcèlement des femmes a refait
surface après la diffusion sur les réseaux sociaux, fin juillet, d’une vidéo
d’une dizaine de secondes montrant une horde de jeunes hommes en train de
traquer une femme en jeans et tee-shirt marchant seule dans la rue. La scène se
déroule sur une avenue de Tanger, dans le nord du pays.
Ces images ont suscité des réactions contrastées sur les
réseaux sociaux. Car si certains désapprouvent, d’autres s’en sont pris à la
victime, jugeant sa tenue « indécente ». « Elle peut se dénuder si elle veut,
mais pas dans notre ville conservatrice ! », a commenté un internaute. « Cette
traînée a eu ce qu’elle méritait ! », a écrit un autre.
Soutien des médias locaux
Les médias locaux et défenseurs des droits de l’homme ont
immédiatement condamné le harcèlement de la jeune femme, tirant la sonnette d’alarme
sur ce phénomène. « Le harcèlement sexuel, un sport national au Maroc ? », a
titré le site d’informations Ladepeche.ma. Le site Hespress.ma, le plus lu du
royaume, écrit quant à lui : « La traque collective d’une jeune Marocaine remet
sur le devant de la scène la question du harcèlement sexuel ».
Lire aussi : Au
Maroc, œil au beurre noir cherche poudre libre pour maquillage de violences
Pour Khadija Ryadi, ex-présidente de l’Association marocaine
des droits humains (AMDH) et Prix de l’ONU pour les droits de l’homme en 2013,
« des femmes sont agressées dans la rue, humiliées, insultées. A un certain
moment de la nuit, ça devient l’état de siège pour elles ».
« C’est une vraie crise de valeur dans notre société »,
a-t-elle ajouté auprès de l’AFP.
Au cœur de la capitale, Rabat, peu de femmes sont attablées
en terrasse des innombrables cafés qui trônent sur le fameux boulevard
Mohammed-V. « Et encore ! Nous sommes dans un quartier plutôt chic. Allez voir
dans les quartiers populaires, les femmes y sont exclues de l’espace public !
», vitupère Sara, la trentaine, une habitante du quartier. « Sans parler des
villes conservatrices ou des bourgades reculées. Cela vous donne une image de
l’hégémonie de l’homme. »
En cause, une « culture traditionnelle » qui considère
l’espace public comme réservé aux hommes et, de ce fait, « la présence des
femmes comme une intrusion indue », explique Nouzha Skalli, militante pour
l’égalité des sexes et ex-ministre chargée des droits des femmes, qui évoque
une « recrudescence » des agressions dans l’espace public.
En toile de fond, les contradictions d’une société tiraillée
entre modernité et conservatisme. D’un côté la « libéralisation des mœurs, qui
légitime l’attrait sexuel pour les filles et déculpabilise la drague », de
l’autre la « propagation d’une idéologie misogyne et agressive, qui les accuse
de s’habiller de façon provocante et les considère comme responsables »,
décrypte Nouzha Skalli.
Lire aussi : « En
Algérie, de toute façon, on n’a que la plage »
« Une idéologie moyenâgeuse »
En termes de violences à caractère sexuel ou sexiste, le
Maroc présente un bilan pour le moins déplorable. Selon des chiffres officiels,
près de deux Marocaines sur trois sont victimes de violences. Et les lieux
publics sont les endroits où la violence physique à leur égard est la plus
manifeste.
Ces dernières années, plusieurs cas d’agressions ont défrayé
la chronique, notamment sur les plages, où les femmes hésitent de plus en plus
à se mettre en maillot de bain. Ces agressions revêtent un caractère collectif
et décomplexé, de la part de jeunes se considérant comme « défenseurs de la
vertu », regrette Nouzha Skalli, qui dénonce une « idéologie moyenâgeuse et
dangereuse ». En 2016, une page Facebook, fermée depuis, incitait à prendre en
photo des femmes en bikini pour les désigner à la vindicte publique. Pour
Khadija Ryadi, ex-présidente de l’AMDH, « les idées rétrogrades véhiculées sur
les chaînes satellitaires du Moyen-Orient et les discours religieux ont
empoisonné notre société ».
En réaction à cette vidéo, Mustapha Ramid, ministre d’Etat
chargé des droits de l’homme, joint par l’AFP, concède que la loi marocaine «
condamne le harcèlement des femmes au travail, mais pas dans les espaces
publics ». Il assure néanmoins qu’un projet de loi « complet » qui criminalise
les violences à l’égard des femmes, incluant pour la première fois le
harcèlement dans les lieux publics, est en cours d’adoption au Parlement.
Maroc : le gouvernement veut s'assurer du développement des
régions (13.07.2017)
Mis à jour le 13/07/2017 à 22:10
Le Premier ministre marocain a promis ce jeudi une tournée
de son gouvernement dans les différentes régions du royaume pour y suivre et
"accélérer" les projets de développement, une revendication au coeur
de la contestation populaire qui secoue le Rif (nord). Cette tournée permettra
de "faire le point sur les projets en cours, identifier ce qui bloque
éventuellement et en accélérer leur réalisation", a annoncé jeudi Saad
Eddine El Othmani à l'ouverture du conseil du gouvernement, dans des propos
rapportés par la presse.
Elle devrait débuter dès la semaine prochaine dans la région
de Béni Mellal-Khénifra (centre), ainsi que dans "les provinces du
sud", terme qui désigne le Sahara occidental sous contrôle marocain.
Saad Eddine El Othmani s'est dit "conscient du fait que
plusieurs régions du royaume n'ont pas bénéficié des retombées du développement
de ces dernières décennies" et a promis que son gouvernement
"oeuvrera à réaliser un développement équitable" partout dans le
pays. Le développement est la principale revendication du mouvement de
contestation qui secoue depuis neuf mois la province d'Al-Hoceïma (nord), dans
la région du Rif.
Pour endiguer la fronde populaire, l'Etat avait relancé un
vaste programme de constructions d'infrastructures dans la province mais le roi
Mohammed IV a exprimé récemment son mécontentement sur le retard accumulé dans
les chantiers. Une partie de la presse marocaine analysait jeudi l'annonce de
Saad Eddine El Othmani comme une initiative pour éviter que le contestation
dans le Rif "ne fasse tache d'huile" "L'exécutif redouble
d'efforts pour éviter que les colères" des habitants du pays face au
manque d'infrastructures "ne dégénèrent comme à Al-Hoceïma",
commentait ainsi le site Yabiladi.
Sous la pression policière et après une vague d'arrestations
fin mai, les manifestations ont finalement cessé depuis deux semaines à
Al-Hoceïma, où les militants restent néanmoins mobilisés pour exiger désormais
la "libération des prisonniers". Alors que commence la saison
estivale et le retour attendu de nombreux Rifains de la diaspora, le ministère
du Tourisme a organisé la visite sur place en début de semaine d'une délégation
d'artistes pour "promouvoir la destination", a rapporté l'agence
officielle MAP. Une délégation de trois parlementaires belges s'étaient par
ailleurs rendue sur place en fin de semaine dernière, afin de "mieux
comprendre" la situation, selon ses membres, trois élus socialistes.
Au Maroc, début du procès de Nasser Zefzafi, leader de la
contestation dans le Rif (10.07.2017)
Des manifestations pacifiques agitent la région du nord
depuis plusieurs mois. Accusé d’« atteinte à la sécurité intérieure », le chef
du Hirak risque des décennies de prison.
Le Monde.fr avec AFP Le 10.07.2017 à 10h39 • Mis à jour le
10.07.2017 à 11h56
A Rabat, le 11 juin, manifestation de soutien du mouvement
de protestation dans le Rif pour la libération de Nasser Zefzafi et contre la
corruption des élites marocaines.
Le procès de Nasser Zefzafi, leader de la contestation
populaire dans le nord du Maroc, débute, lundi 10 juillet à Casablanca, alors
que les manifestations ont quasiment cessé. Mais les militants restent
mobilisés pour « la libération des prisonniers ».
Emprisonné depuis la fin mai pour avoir interrompu le prêche
d’un imam dans sa ville d’Al-Hoceima, Nasser Zefzafi doit passer en milieu de
matinée devant les juges de la chambre criminelle de la cour d’appel de
Casablanca. Le chef du Hirak (la « mouvance », nom donné localement à la
contestation), aux harangues enflammées dénonçant « l’Etat corrompu », fait
face à de lourdes charges, notamment « atteinte à la sécurité intérieure » pour
lesquelles il encourt plusieurs décennies de prison.
Lire aussi : NasserZefzafi, l’insurgé du Rif marocain
Durcissement des autorités
Depuis la mort atroce de Mouhcine Fikri, un vendeur de
poisson broyé accidentellement dans une benne à ordures (???) fin octobre 2016, le
chômeur de 39 ans menait la fronde contre le « makhzen » (pouvoir), au nom de
sa région natale du Rif.
Pendant près de huit mois, la petite ville d’Al-Hoceima et
la localité voisine d’Imzouren ont vibré au rythme de manifestations
pacifiques, rassemblant parfois des milliers de personnes, pour le
développement d’une région historiquement frondeuse, qu’elles jugent
marginalisée et négligée. La relance par l’Etat d’un vaste plan
d’investissements et de chantiers d’infrastructures – avec des visites répétées
de cohortes de ministres – n’a pas suffi à désamorcer la colère.
Le mois de mai a été marqué par un net durcissement des
autorités dans la gestion des manifestations, de plus en plus réprimées par des
forces de l’ordre, désormais omniprésentes dans la province.
Dans la foulée de l’arrestation de Nasser Zefzafi, la
totalité des leaders et figures connues du Hirak a été interpellée. Les heurts
se sont également multipliés, les policiers tentant tous les soirs d’empêcher
ou de disperser les rassemblements de soutien aux prisonniers du Hirak. Selon
un dernier bilan officiel, 176 personnes ont été placées en détention
préventive. Cent vingt sont en cours de jugement, passibles de sévères
condamnations allant jusqu’à vingt mois de prison.
« Dépression grave »
Sous la pression, peut-être aussi avec l’approche de la
saison estivale, les manifestations ont finalement cessé début juillet. La
tension est aussi retombée avec le retrait des policiers de lieux publics
emblématiques à Al-Hoceima et Imzouren, une mesure décidée par le roi Mohammed
VI en signe d’apaisement, selon les autorités locales.
Mais le mouvement n’a toutefois pas totalement disparu avec
la poursuite d’attroupements improvisés de jeunes sur les plages, d’appels sur
les réseaux sociaux et de concerts de casseroles ou de klaxons. La libération
des détenus est devenue le nouveau leitmotiv des protestataires, qui
s’inquiètent en particulier du sort de Sylia Ziani, figure féminine du
mouvement, aujourd’hui en «dépression grave» selon ses avocats.
Samedi soir, une manifestation de soutien à la jeune femme
de quelques dizaines de personnes a été violemment dispersée à Rabat. Plusieurs
personnalités de défense des droits humains et des manifestantes ont été
frappées par les policiers, a-t-on pu voir sur des images qui ont fait le tour
des médias marocains.
Les autorités ont justifié leur intervention par le « refus
d’obtempérer » des manifestants, ainsi que par leur intention « préméditée de
provoquer et d’agresser (…) les forces publiques ».
Tortures et mauvais traitements
L’approche « sécuritaire » adoptée par les autorités reste
très critiquée par les ONG et la société civile, mais également par une partie
de la classe politique. Le patron de l’Istiqlal (parti historique de
l’indépendance), Hamid Chabat, a ainsi demandé samedi la remise en liberté de
Nasser Zefzafi et de ses codétenus, dont la cause était « pacifique » et les
revendications « économiques et sociales ».
A l’image du premier ministre islamiste Saad Eddine
Al-Othmani, les principaux partis du pays sont revenus sur leurs accusations de
« séparatisme » contre le mouvement de protestation « hirak ». Et le débat fait
toujours rage sur les suspicions de tortures et de mauvais traitements
qu’auraient subis certains détenus.
La semaine dernière, des fuites dans la presse d’un rapport
du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), un organisme officiel, ont
été transmises à la justice. Ces expertises médicales ont été catégoriquement
démenties par la police. Dimanche, un « comité des familles des détenus » a
demandé l’ouverture d’une enquête sur ces allégations de mauvais traitements,
et a de nouveau appelé à la libération des détenus, en premier lieu de la jeune
Sylia Ziani « dont l’état de santé s’est détérioré ».
Au Maroc, œil au beurre noir cherche poudre libre pour
maquillage de violences (07.12.2016)
Une émission diffusée sur une chaîne publique apprenait aux
femmes à dissimuler les traces de coups, symptomatique du conservatisme des
islamistes au pouvoir.
Par Youssef Ait Akdim (contributeur Le Monde Afrique, Rabat)
LE MONDE Le 07.12.2016 à 15h39
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Manifestation à Rabat lors de la Journée internationale de
la femme, le 8 mars 2015.
« La’akar’al khnouna ! », dit une expression marocaine
intraduisible (littéralement « du rouge à lèvres sur de la morve »). Plus
parlante, la version anglaise : « Lipstick on a pig », pour dire comment une
réalité crue peut être embellie. Mercredi 23 novembre, la présentatrice de la
matinale « Sabahiyat » de 2M, la deuxième chaîne de télé marocaine, a justement
proposé une leçon d’embellissement et de « make up » aux femmes battues.
Evoquant la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux
femmes, l’animatrice a donné à ses « chères auditrices » des conseils pour masquer
ecchymoses et hématomes à l’aide d’une palette de fards.
Lilia Mouline, l’une des figures de la chaîne, détaille ses
gestes sur une cobaye en plateau : « Cette zone est sensible, n’appuyez pas,
mais vous pouvez tapoter avec un petit pinceau. » Toute la game chromatique y
passe. « Pour finir, appliquer de la poudre libre, qui est transparente, va
fixer le maquillage pour votre journée au travail ou si vous avez des tâches à
effectuer ». Si le fond de teint résiste, l’honneur est sauf.
« Erreur d’appréciation »
Ce dérapage télévisuel a déclenché une tempête de
protestations au Maroc, notamment sur les réseaux sociaux, avant de tourner en
boucle sur les médias internationaux. « On parle de nous dans le métro de
Hongkong ! », se désole un internaute. Prenant la mesure de l’indignation, la
chaîne a réagi via un communiqué sur sa page Facebook, présentant ses « excuses
les plus sincères pour cette erreur d’appréciation », mais seulement après
avoir souligné son « engagement depuis vingt-sept ans en faveur de la défense
des droits de la femme ».
Lire aussi : Le
procès de deux jeunes Marocaines pour un « selfie amoureux » reporté à
l’après-COP22
Des sanctions ont été promises contre les responsables de
l’« erreur d’appréciation » et le communiqué a été lu lors du journal télévisé
du soir.
La bourde serait peut-être passée inaperçue sur une obscure
chaîne d’un bouquet satellite, mais 2M est une chaîne publique, la plus
regardée du royaume. Détenue majoritairement par l’Etat, elle attire une large
audience grâce à une programmation généraliste faisant la part belle aux
feuilletons populaires (y compris des telenovelas doublées en darija, l’arabe
marocain), aux émissions d’actualité et au divertissement. De plus, la chaîne
se targue d’être à l’avant-garde sur les problématiques et sujets de société,
ce qui la met souvent en porte-à-faux avec le courant islamiste.
Lire aussi : Fatima
Mernissi, une lumière arabe s’est éteinte au Maroc
62,8 % des femmes victimes de violences
Les violences contre les femmes sont un phénomène massif au
Maroc. En 2010, le Haut Commissariat au plan révélait que 62,8 % des femmes
âgées de 18 à 65 ans avaient subi un acte de violence sous une forme ou une
autre durant les douze mois précédant l’enquête. 23 % des femmes disent avoir subi
un acte de violence sexuelle au cours de leur existence, 55 % ont indiqué être
victimes de violences dans un cadre conjugal et 35 % ont déclaré des violences
physiques.
Lire aussi : Le roi
Mohammed VI va prendre en charge les frais de justice de Saad Lamjarred
Ces chiffres sont très élevés. A titre de comparaison,
l’Observatoire français des violences faites aux femmes estime que 223 000
femmes en France sont victimes chaque année de violences conjugales sous ses
formes les plus graves, soit 1 % de la population de référence. Et surtout, au
Maroc, la loi du silence atteint des proportions abyssales. Le même rapport
précise que la violence conjugale n’est rapportée à une autorité compétente que
dans 3 % des cas. Même quand les forces de sécurité sont sollicitées, 25 % des
plaintes se soldent par le seul établissement d’un procès-verbal, et 38 % par
la conciliation entre les conjoints et la renonciation à la poursuite. Seul 1,3
% des coupables désignés sont arrêtés.
Adoptée en 2011, la nouvelle Constitution marocaine prône
l’égalité et prohibe toutes les formes de discriminations, prévoyant même des
mécanismes de lutte contre la violence, qui restent à adopter. «
Malheureusement, toutes les avancées concernant les droits des femmes sont
menacées par la montée des conservateurs lors des législatives en 2011 et
reconduits en 2016 », s’inquiète Ilhame Ouadghiri, présidente d’Initiatives
pour la protection des droits des femmes. Cette ONG gère depuis 2009 le centre
d’accueil et d’orientation Batha à Fès, qui accompagne des femmes victimes de
violences.
Ministre anti-féministe
Mme Ouadghiri juge « scandaleuse » l’émission télévisée de
2M : « Il est surréaliste que la banalisation de la violence de genre en arrive
là. » Elle réserve cependant ses critiques les plus acerbes à la ministre de la
solidarité, de la famille et de la femme, l’islamiste Bassima Hakkaoui, qui est
aussi porte-parole par intérim du gouvernement. Figure de proue de l’opposition
à la nouvelle Moudawana, une réforme libérale du Code de la famille imposée par
le roi Mohammed VI en 2004 contre une opinion largement conservatrice, Mme
Hakkaoui continue de ferrailler avec les féministes depuis son entrée en
gouvernement en janvier 2012.
« QUAND LE PREMIER MINISTRE BENKIRANE ASSURE QUE LES FEMMES
SONT DES LUSTRES ET QUE LEUR PLACE EST À LA MAISON, LES PARTIS NE RÉAGISSENT
MÊME PAS » ILHAME OUADGHIRI, PRÉSIDENTE D’INITIATIVES POUR LA PROTECTION DES
DROITS DES FEMMES
« Tout le travail de la société civile est aujourd’hui
menacé par un gouvernement conservateur à majorité islamique et où le compromis
politique semble se faire au dépend des droits des femmes », dénonce la
responsable d’ONG, qui parle de régression depuis cinq ans. Et d’ajouter : «
Quand le premier ministre Abdelilah Benkirane assure que les femmes sont des
lustres et que leur place est à la maison, les partis politiques ne réagissent
même pas ! »
Lire aussi : L’islam et les femmes : entre fantasmes et réalités
Comme la majorité des représentants de la société civile,
elle s’agace de n’avoir pas été associée au projet de loi contre les violences
faites aux femmes, qu’elle a découvert « dans les médias », et dont elle
critique toute la philosophie : « Contradiction des approches adoptées, absence
de la dimension de genre, lien exclusif établi entre les femmes et les enfants,
confusion des registres de la prévention, de la protection et de la prise en
charge des victimes. » La liste n’est pas exhaustive. La ministre Bassima
Hakkaoui, elle, n’a pas souhaité réagir à cette mise en cause.
Un exemple récent de l’ambiguïté et du conservatisme qui
dominent est le slogan choisi en cette fin d’année 2016 par le gouvernement
islamiste pour la campagne nationale de lutte contre les violences : « La
violence contre les femmes est méprisable. Les respecter est preuve de
virilité. » Pas sûr que l’argument soit repris par les féministes.