lundi 30 avril 2018

Islamisme et politique 29.04.2018


Travailleurs maltraités: Koweït ne veut pas "d'escalade" avec Manille (30.04.2018)
Natacha Polony : «Veuillez cacher cet antisémitisme…» (27.04.2018)
Les européennes de 2019 : vers un affrontement historique (29.04.2018)
En Chine, un incroyable «Big Brother» pour trier les bons et les mauvais citoyens (19.04.2018)
À Lima, «le mur de la honte» (27.04.2018)
Italie : Di Maio s'ouvre au Parti démocrate (29.04.2018)

Florian Philippot va sortir un livre intitulé Frexit en vue des européennes (30.04.2018)
La domination grandissante de la Chine en Asie du Sud-Est (30.04.2018)
Ce que racontent les femmes espagnoles avec #Cuéntalo (30.04.2018)
Afghanistan : deux attentats meurtriers frappent le coeur de Kaboul (30.04.2018)
Royaume-Uni : Sajid Javid, un nouveau ministre de l'Intérieur dans un gouvernement fragilisé (30.04.2018)
La Chine peut-elle envahir Taïwan ? (29.04.2018)
Qu'est-ce que le scandale Windrush, qui a poussé la ministre de l'Intérieur britannique à la démission ? (30.04.2018)
En Irak, les «White Flags» vont-ils succéder à Daech? (29.04.2018)
Syrie : explosion sur une base utilisée par l'Iran, des combattants iraniens tués (30.04.2018)
Les Lords donnent au Parlement britannique le droit de bloquer le Brexit en l'absence d'accord (30.04.2018)
Nétanyahou accuse l'Iran d'avoir un programme nucléaire secret (30.04.2018)
Hautes-Alpes: la préfecture annonce avoir stoppé l'action des Identitaires (30.04.2018)

Travailleurs maltraités: Koweït ne veut pas "d'escalade" avec Manille (30.04.2018)
Par Le Figaro.fr avec AFP - Mis à jour le 30/04/2018 à 18h51 | Publié le 30/04/2018 à 18h42
Un haut responsable koweïtien a cherché à calmer le jeu lundi dans la crise qui oppose son pays à Manille autour du traitement des travailleurs domestiques philippins dans ce riche émirat du Golfe. "Il y a eu beaucoup de malentendus et d'exagérations des faits", a déclaré à la presse le ministre adjoint des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser al-Soubeih. "Nous avions pris une position ferme (...) mais nous ne voulons pas d'escalade et nous voulons des contacts pour résoudre le problème", a-t-il dit à propos de la décision de son pays, prise la semaine dernière, d'expulser l'ambassadeur philippin à Koweït et de rappeler le sien de Manille.
Le Koweït entendait ainsi protester contre des opérations attribuées à des agents de l'ambassade philippine consistant à aider des domestiques à fuir leurs employeurs koweïtiens soupçonnés de les maltraiter. En réponse, le président philippin Rodrigo Duterte a interdit de manière définitive dimanche à ses concitoyens de partir travailler au Koweït. "L'interdiction est permanente. Il n'y aura plus de recrutement, en particulier de domestiques", a dit M. Duterte. Environ 262.000 Philippins travaillent au Koweït, dont près de 60% comme employés de maison, selon le ministère philippin des Affaires étrangères. Au total, plus de deux millions de Philippins sont employés dans les pays du Golfe.
En février, M. Duterte avait interdit provisoirement aux Philippins de partir travailler au Koweït après le meurtre d'une domestique philippine, Joanna Demafelis, dont le corps avait été retrouvé dans un congélateur, portant des traces de torture. Le président philippin a promis dimanche de faire rapatrier les employés de maison victimes d'abus et appelé ses compatriotes qui travaillent actuellement au Koweït à rentrer dans l'archipel. "La voie est encore ouverte pour une solution acceptable pour les deux parties", a déclaré lundi le haut responsable koweïtien. Il a cependant insisté sur la demande de son pays de se faire remettre les employés de l'ambassade qui ont été impliqués, selon lui, dans l'organisation de la fuite de domestiques philippins de chez leurs employeurs koweïtiens.
L'ambassadeur philippin Renato Pedro Ovila avait indiqué samedi à l'AFP qu'il allait quitter le Koweït mercredi matin et affirmé ne pas avoir l'intention d'accéder à la demande des Koweïtiens d'identifier ceux qui ont aidé des domestiques. Lundi, le gouvernement koweïtien a affirmé son rejet de toute "agression visant sa souveraineté et ses lois", mais il a promis dans le même temps que les "mesures nécessaires" seraient prises, soulignant son "attachement aux relations entre les deux pays", a rapporté l'agence officielle Kuna. Le gouvernement koweïtien a décidé de mettre en place une commission présidée par le ministre des Affaires sociales et du Travail et composée des ministères de l'Intérieur, des Affaires étrangères, de la Santé et du Commerce "pour veiller à la coopération avec les Etats amis en vue de parvenir à des solutions pour faire venir des employés de maison".

Natacha Polony : «Veuillez cacher cet antisémitisme…» (27.04.2018)
Par Natacha Polony
Mis à jour le 27/04/2018 à 19h20 | Publié le 27/04/2018 à 17h35
CHRONIQUE - La seule importation du conflit entre Israël et la Palestine ne suffit pas à raconter ce qui se passe en France et dans le monde. La gangrène d'un islamisme qui impose partout une lecture littéraliste du Coran ne peut pas être évacuée si facilement.
«Injuste et délirant.» Ainsi le recteur de la Grande Mosquée a-t-il qualifié le manifeste contre l'antisémitisme signé pourtant par des personnalités aussi diverses que François Pinault, Dominique Perben ou François Berléand. Tous ces gens ne seraient-ils que des inconscients incapables de déceler l'intention perverse cachée dans ce texte? Ou bien seraient-ils eux-mêmes coupables de nourrir quelque intention malveillante à l'égard d'une religion de paix et de ses croyants, qu'on voudrait implicitement exclure de la communauté nationale?
Tel est bien le nœud du problème: à chaque fois que des voix s'élèvent, les plus diverses possible, pour tenter de sortir du déni, de nommer enfin l'innommable et de poser les bases d'un rassemblement, de doctes esprits s'emploient à vider le message de sa substance et à détourner le débat. Michel Wieviorka parle d'un manifeste «partiel et partial»: un antisémitisme «connu depuis un bon quart de siècle» et «déjà dénoncé d'abondance». Circulez, il n'y a rien à voir, ni surtout à dire. Puisqu'on en a déjà parlé, n'est-ce pas, on ne va pas y revenir… D'autant qu'à nommer cet antisémitisme islamiste, on en oublierait l'antisémitisme traditionnel européen… Comprenez, le véritable danger en France, c'est la republication de Céline et Maurras. Mohamed Merah avait trop lu Rebatet.
On peut ne pas juger indispensable la publication des pamphlets antisémites de Céline et, pour autant, voir dans les arguments de Michel Wieviorka une brillante façon de noyer le poisson. La même dont use Emmanuel Macron, qui, depuis les États-Unis, a déclaré qu'«il y a deux racines de ce nouvel antisémitisme. La première est liée à l'importation du conflit entre Israël et la Palestine (…). La deuxième racine est une sorte d'ancien antisémitisme français, qui existait au début du siècle et qui reprend de l'ampleur».
Cette chronique alerte depuis des années contre la résurgence de l'antisémitisme, contre les «mort aux Juifs!» entendus dans les rues de Paris et contre la jonction, réalisée lors de la manifestation «Jour de colère» le 26 janvier 2014, entre un antisémitisme d'extrême droite, version soralienne, et un antisémitisme d'extrême gauche, camouflée derrière l'antisionisme. Mais la réponse présidentielle est un peu courte. Ou plutôt, elle cherche délibérément à construire un balancement qui n'existe pas en France pour mieux escamoter le débat lancé par le Manifeste de Philippe Val.
Et l'on aimerait entendre des voix s'élever contre la politique insupportable, mais aussi suicidaire, de la droite israélienne, qui grignote les Territoires palestiniens
On ne peut, bien sûr, négliger le fait que le conflit israélo-palestinien constitue dans le monde un abcès de fixation. Et l'on aimerait entendre des voix s'élever contre la politique insupportable, mais aussi suicidaire, de la droite israélienne, qui grignote les Territoires palestiniens jusqu'à rendre impossible désormais une solution à deux États. Suicidaire, car Israël, avec des citoyens de seconde zone, ne serait plus l'État démocratique de ses origines. Il fut un temps, au début des années 2000, où des intellectuels français faisaient vivre sur ce sujet un indispensable débat. Leur silence laisse croire à une unanimité qui nourrit le ressentiment et repousse l'antisionisme dans les franges de l'antisémitisme.
Pour autant, la seule «importation du conflit entre Israël et la Palestine» ne suffit pas à raconter ce qui se passe en France et dans le monde. La gangrène d'un islamisme qui impose partout une lecture littéraliste du Coran - et c'est bien la lettre du Coran, n'en déplaise à Dalil Boubakeur, mais aussi la Sîra et les hadiths, toute la tradition autour de la vie de Mahomet, qui servent de prétexte aux islamistes - ne peut pas être évacuée si facilement. Moins encore quand l'État qui porte cette vision et finance ses sectateurs, l'Arabie saoudite, noue une alliance dangereuse avec les États-Unis et Israël, et veut entraîner la France dans la dénonciation de l'accord nucléaire avec l'Iran. Mais ce qui se joue dans nos banlieues, et dans la tête de ceux qui basculent dans le délire antisémite, qu'il s'agisse d'assassiner une vieille dame ou de massacrer des enfants de 3 ans devant leur école, n'est qu'en partie déterminé par ces facteurs.
Le ressentiment, la frustration qui voient se coaguler antisémitisme et haine de la France germent dans des esprits culturellement en jachère, livrés à cet obscurantisme contre lequel se sont élevées les Lumières. Le Manifeste contre l'antisémitisme ne prétend nullement, comme s'en émeuvent 30 imams qui ont réagi dans Le Monde , que seul un musulman qui s'éloignerait de sa religion pourrait être pacifiste. En revanche, il appartient à l'école - et, dans l'idéal, aux représentants des religions - d'enseigner la différence entre l'ordre des croyances et celui des savoirs. De quoi permettre à un jeune musulman de ne pas considérer comme une vérité le caractère incréé du Coran, et donc d'entrer dans une forme de distance qui articule l'identité du citoyen et celle du croyant. Les imams français n'ont visiblement pas encore envie d'affronter ces difficultés. L'école non plus, quand le président lui-même y prône «la bienveillance et l'ouverture» plutôt que le savoir et l'exigence. Les intellectuels encore moins, dont la grande angoisse est de passer pour islamophobes. Continuons donc de débattre de la réédition de Céline ou de l'antisémitisme en Hongrie, jusqu'au prochain drame.

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Les européennes de 2019 : vers un affrontement historique (29.04.2018)

Par Leading European Newspaper Alliance LENA
Mis à jour le 29/04/2018 à 19h55 | Publié le 29/04/2018 à 19h53
ANALYSE - Selon Alberto D'Argenio, journaliste à La Repubblica, partenaire du Figaro au sein de l'alliance Lena, le Parlement européen pourrait bien se retrouver l'année prochaine avec une majorité eurosceptique, populiste, guidée par l'extrême droite.
L'Union européenne comptera au moins 31 membres en 2025 - si elle existe encore cette année-là. Serbie et Monténégro sont déjà en train de négocier leur adhésion à l'Union européenne. Albanie et Macédoine pourraient bien les imiter rapidement, la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini venant de recommander aux gouvernements d'ouvrir les négociations d'ici au mois de juin. À l'avenir, ça pourrait également être au tour du Kosovo et de la Bosnie.
Même si certaines capitales préféreraient ralentir ce processus, au fond, personne en Europe n'est opposé à l'intégration des Balkans. Le souvenir de la guerre qui a dévasté la région après l'explosion de la Yougoslavie est encore trop frais. Les tensions qui divisent encore la zone sont trop palpables. Pourtant, la semaine dernière, Emmanuel Macron a déclaré face au Parlement européen: non aux nouvelles adhésions tant que l'Union européenne n'aura pas été réformée.
Personne ne peut accuser le président français d'anti-européanisme. Nul ne peut penser qu'il préférerait laisser les Balkans à la merci de leurs pulsions historiques plutôt que de les intégrer à l'Europe. Son propos est différent et d'une actualité criante. Aujourd'hui, l'Union est déjà ingouvernable à 28 membres. Et ce n'est pas à cause de la bureaucratie de Bruxelles - dont les politiques publiques, qui ont leurs qualités et leurs défauts, visent à améliorer la vie des citoyens - mais bien à cause des gouvernements, désormais divisés sur deux plans. Voilà des années que l'Europe du Nord et celle du Sud se disputent sans parvenir à se mettre d'accord sur la réforme essentielle du perfectionnement de l'euro. Quant à l'Europe de l'Ouest et celle de l'Est, elles sont opposées sur les questions des migrants et de la relance de l'intégration européenne. L'inertie de l'Union est due à ces scissions, qui entraînent un immobilisme favorisant l'avancée des populismes nés sur le continent. En toile de fond se joue une bataille encore plus profonde autour de la raison sociale de l'Europe du futur: continuera-t-elle de s'accrocher aux démocraties libérales? Se pliera-t-elle aux autocraties illibérales déjà visibles dans certains pays comme la Hongrie de Viktor Orban?
La bataille décisive de cet affrontement historique se jouera lors des élections européennes de mai 2019. L'année prochaine, les partis associés à la famille socialiste étant en chute libre, le Parlement européen pourrait bien se retrouver avec une majorité eurosceptique, populiste, guidée par l'extrême droite.
Macron a raison : avant d'agrandir l'Union, il faut la réformer. Tout au moins en retirant le droit de veto aux gouvernements pour augmenter les décisions à la majorité qualifiée. Dans la négative, l'Europe deviendra encore plus ingouvernable.
Pour éviter un tel scénario et pour jouer un rôle positif dans le débat sur les missions de l'Union, Macron travaille à la construction de son propre parti européen, «Europe en marche». Fusionnant avec les libéraux, marchant sur les plates-bandes du Parti populaire européen (rassemblement des partis européens de la droite classique, NDLR), et des socialistes et s'alliant avec de nouvelles forces comme Ciudadanos, il a l'ambition d'arriver deuxième aux élections européennes derrière la droite classique, afin d'empiéter sur l'espace dont disposent les eurosceptiques.
Macron est le seul leader qui souhaite encore réformer l'Europe et parle sincèrement de lui donner une nouvelle respectabilité aux yeux des citoyens. Ce projet recevable se heurte aux réticences de ses collègues, Angela Merkel comprise, et à la faiblesse politique de ses alliés naturels dans cette croisade, l'Italie et l'Espagne.
Macron a raison: avant d'agrandir l'Union, il faut la réformer. Tout au moins en retirant le droit de veto aux gouvernements (dans les cas où ils en disposent actuellement, NDLR) pour augmenter les décisions à la majorité qualifiée. Dans la négative, l'Europe deviendra encore plus ingouvernable. Avant même d'envisager un élargissement vers les Balkans, qui n'aura pas lieu avant au moins sept ou huit ans, il faudra concrétiser cette réforme, ainsi que, avant 2019, celles de l'euro et des politiques migratoires.
Tous l'affirment, mais à part Macron, personne n'a le courage d'y croire vraiment, privilégiant les batailles politiques à court terme à une vision de l'avenir. La classe dirigeante européenne actuelle devrait en venir aux faits si elle ne veut pas être balayée de la carte politique du continent et risquer de disparaître de l'Union européenne.

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En Chine, un incroyable «Big Brother» pour trier les bons et les mauvais citoyens (19.04.2018)

Par Cyrille Pluyette
Mis à jour le 20/04/2018 à 15h45 | Publié le 19/04/2018 à 19h31
ENQUÊTE - Le Parti communiste chinois, qui s'immisce déjà dans le quotidien des citoyens, met au point un dispositif pour récompenser les «bons» sujets et punir les «mauvais», en collectant des données dans tous les domaines de leur vie. Fondé sur les nouvelles technologies, «le système de crédit social» doit être opérationnel en 2020.
De notre correspondant à Pékin
Liu Hu, un journaliste d'investigation, s'était spécialisé dans les enquêtes sensibles: il dénonçait la corruption de hauts responsables du régime. Arrêté en 2013 pour «fabrication et diffusion de rumeurs», il est condamné fin 2016 pour «diffamation» dans une autre affaire. La cour exige qu'il présente publiquement ses excuses, à ses frais. Mais c'est au printemps 2017 que sa vie bascule. Alors qu'il essaye de réserver un billet d'avion sur Internet, un message apparaît: il n'est pas autorisé à effectuer cet achat. «Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait», se souvient cet homme de 43 ans. En fait, sans que personne ne l'avertisse, il avait été placé sur une «liste noire» liée à son numéro de carte d'identité.
Liu Hu n'a pas non plus le droit de prendre des trains à grande vitesse, de solliciter un prêt bancaire ou d'acquérir un appartement. Lorsqu'il s'en est rendu compte, il a appelé le juge: la somme demandée n'était pas arrivée, le compte indiqué n'étant pas valide. Liu Hu a de nouveau effectué un transfert, mais la cour lui demande désormais un montant bien supérieur. Une exigence infondée, estime le journaliste, qui n'a aucune idée du temps que durera sa mise à l'index.
«Le système envisagé est un outil efficace pour gouverner la société, mais aussi pour reconstruire les valeurs morales»
Lin Junyue, chercheur à l'Association chinoise de développement du marché
Plusieurs dispositifs de ce genre sont testés dans tout le pays depuis quelques années. Ils préfigurent le vaste «système de crédit social» que la Chine est en train de développer. Cet outil, dont une première mouture doit être lancée à partir de 2020, a pour ambition de répartir dans une sorte de fichier la population en bons et mauvais citoyens, en fonction de données informatiques glanées dans tous les domaines. Il est présenté par Pékin comme un moyen de renforcer le respect des règles et la stabilité sociale. Mais ses détracteurs y voient l'avènement d'une dystopie orwellienne: l'instauration d'un Big Brother, visant à permettre au régime autoritaire de contrôler la moindre parcelle de la vie privée des Chinois.
«Des punitions nécessaires»
Le périmètre de ce dispositif n'a cessé de croître, depuis les premiers travaux de réflexion, lancés à la fin des années 1990. Au départ, le but était classiquement de vérifier la solvabilité des emprunteurs. Mais le concept a ensuite été étendu à tous les aspects de la société. Ses contours sont en cours d'élaboration, mais les informations fournies par les tribunaux, la police, le fisc, les sites de commerce électronique ou les réseaux sociaux devraient être collectées, si l'on se fie aux expérimentations actuelles et aux experts. L'objectif est «de s'assurer que les personnes dignes de confiance seront récompensées dans tous les domaines ; et que celles qui brisent la confiance rencontreront des difficultés à chaque étape» de leur existence, résume un document gouvernemental publié en 2014. Les individus défaillants seraient, par exemple, pénalisés dans la recherche d'un emploi ou d'un établissement scolaire ; et leur entourage pourrait même être touché, selon certains spécialistes.
«Le système envisagé est un outil efficace pour gouverner la société, mais aussi pour reconstruire les valeurs morales», se félicite Lin Junyue, chercheur à l'Association chinoise de développement du marché, et considéré comme le «père» du dispositif. Il estime que «des punitions sont nécessaires» pour lutter contre les problèmes sociaux qui secouent la Chine, comme les scandales de sécurité alimentaire ou les sites de microcrédits en ligne recourant à des méthodes de mafieux. Quand le projet sera achevé, «tous les individus seront notés», de même que les entreprises et les établissements publics, avance Lin Junyue. Certains chercheurs pensent cependant qu'une telle entreprise sera compliquée à mettre en œuvre techniquement pour près de 1,4 milliard d'habitants. Et peut-être aussi à faire accepter politiquement. Le mécanisme pourrait donc reposer au départ sur des listes noires.
«Une personne peut être accusée de violer la loi sur la cybersécurité si elle exprime en ligne des idées qui vont contre les intérêts du Parti»
Samantha Hoffman, chercheuse au Mercator Institute for China Studies
Pour l'heure, les punitions infligées dans les dispositifs pilotes portent souvent sur des restrictions dans les transports. La Cour suprême chinoise a précisé qu'environ 10 millions de personnes, qui n'avaient pas payé leur dette ou exécuté une décision de justice, se sont vu interdire l'accès aux avions ou aux trains rapides, entre 2013 et début mars 2018. L'institution estime que ces représailles ont contraint des millions de personnes à obtempérer, alors que le gouvernement, faute de lois et d'institutions efficaces, peine généralement à traquer les impayés. Mais le régime s'apprête à franchir une étape supplémentaire à partir du 1er mai. En plus des mauvais payeurs, seront également bannis des airs et de certains chemins de fer des personnes ayant propagé de fausses informations sur le terrorisme, utilisé des billets périmés, fumé dans un wagon, ou encore omis de s'acquitter de leur assurance sociale.
Ce n'est qu'un début. Le Parti communiste chinois (PCC) s'immisce déjà dans la vie quotidienne des citoyens depuis des décennies, «mais les nouvelles technologies lui permettent de rendre ses méthodes plus efficaces», explique Samantha Hoffman, chercheuse au Mercator Institute for China Studies. Tel qu'il est imaginé, le système «accroîtrait la capacité du Parti à façonner le comportement des individus», poursuit cette experte. Le principe est d'agir de façon préventive, «afin d'éviter l'émergence de tout problème susceptible de menacer le régime», ajoute-t-elle.
«La création d'immenses bases de données constitue une violation du droit à la vie privée»
Maya Wang, chercheuse pour Human Rights Watch (HRW)
«C'est effrayant, car cela va faire de la Chine un État policier», s'inquiète l'historien indépendant Zhang Lifan, qui craint que ce chantier ne serve à faire encore davantage pression sur ceux qui dérangent le gouvernement. Outre le fait que «la création d'immenses bases de données constitue une violation du droit à la vie privée», Maya Wang, chercheuse pour Human Rights Watch (HRW), dénonce aussi des critères «très arbitraires» pour placer les gens sur une liste noire. Le fait que le système collectera aussi des données juridiques ne rassure pas non plus certains observateurs, la frontière entre ce qui est politique et ne l'est pas étant floue. «Une personne peut ainsi être accusée de violer la loi sur la cybersécurité si elle exprime en ligne des idées qui vont contre les intérêts du Parti», fait observer Samantha Hoffman.
Dans un scénario à la 1984, les autorités chinoises, qui ont déjà installé plus de 170 millions de caméras de surveillance sur le territoire, chercheront en toute logique à intégrer la reconnaissance faciale dans le projet, prévoient les spécialistes. Il deviendra alors encore plus facile de bloquer un individu, grâce à cette technologie très prisée par le régime. Le système Skynet de caméras, installé dans 16 municipalités et provinces chinoises, aurait ainsi permis d'identifier en deux ans plus de 2000 personnes recherchées, selon la presse d'État. Tout récemment, un fugitif a même été repéré - à sa plus grande stupéfaction - dans une foule de 60.000 personnes assistant à un concert de musique pop dans la ville de Nanchang. Et les médias chinois ont montré en février des policiers en train de scanner la foule avec des lunettes équipées de systèmes de reconnaissance faciale, dans la ville de Zhengzhou.
Prédire des futurs crimes
C'est au Xinjiang, aux confins de l'Asie centrale, que cette logique ultrasécuritaire est poussée à son paroxysme. Dans cette région troublée par des violences ces dernières années, les autorités utilisent un algorithme pour prédire des crimes futurs et mettre de façon préventive les personnes suspectes dans des centres de rééducation politique extrajudiciaire, affirme HRW. Le monde imaginé par Philip K. Dick et adapté par Steven Spielberg dans Minority Report, où la police intercepte les criminels avant qu'ils n'agissent, serait donc en train de devenir une réalité. Selon l'association, le gouvernement, qui s'inquiète de liens éventuels entre «séparatistes» et djihadistes, puise pour cela dans un vaste ensemble de données: images tournées par des caméras de vidéosurveillance, mouvements bancaires, dossiers juridiques, ou encore informations glanées dans les smartphones et les ordinateurs. Les autorités sanitaires, ajoute HRW, ont par ailleurs commencé à recueillir l'ADN de la population locale, largement peuplée d'Ouïgours, une ethnie de religion musulmane, dans le cadre d'un programme de santé gouvernemental.
De nombreuses incertitudes planent encore sur le système de crédit social. Lin Junyue, son fondateur, pense qu'il ne comprendra que des fonctions de base en 2020, et qu'il «faudra au moins dix ans de plus pour le terminer». Mais l'unification des différents systèmes existants pourrait prendre beaucoup plus de temps. Le gouvernement va en outre être confronté à d'épineuses questions juridiques, notamment sur la protection des données.
«Comme le projet vise les mauvais comportements, beaucoup de gens pensent qu'ils ne seront pas concernés»
Li Ming, consultant à l'Institut de recherche sur le big data de Pékin
L'idée de ce «flicage informatique» n'est pas apparue par hasard en Chine. Elle revient en effet à numériser et à perfectionner le dang'an: ce dossier physique détenu par l'administration compile toutes sortes d'informations sur les citoyens depuis leur plus jeune âge (commentaires des enseignants, rapport des employeurs…). Sous le règne de Mao Tsé-toung, le Parti le consultait pour l'attribution des emplois ou même autoriser les mariages. Mais avec le développement de la mobilité interne, il a montré ses limites, et la plupart des sociétés privées ne l'exigent plus.
Pour l'heure, le projet en cours a suscité peu de réactions en Chine. «Comme il vise les mauvais comportements, beaucoup de gens pensent qu'ils ne seront pas concernés», observe Li Ming, consultant à l'Institut de recherche sur le big data de Pékin. Mais dans un pays où même les images de Winnie l'Ourson sont censurées sur Internet - certains internautes les utilisant pour évoquer le président chinois Xi Jinping - les Chinois pourraient déchanter si leur espace de liberté recule encore.

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À Lima, «le mur de la honte» (27.04.2018)
Par Vincent Jolly
Mis à jour le 27/04/2018 à 06h50 | Publié le 27/04/2018 à 06h46
REPORTAGE - Sur les hauteurs de la capitale péruvienne, ce mur sépare le quartier riche, Las Casuarinas, de Pamplona Alta : l'un des plus grands bidonvilles du pays. Plus que d'une simple ségrégation sociale, ce rempart est le stigmate d'un État défaillant et corrompu.
À nos pieds serpente, sur l'arête d'une montagne qui surplombe la ville de Lima, un mur. Haut de près de 3 mètres, épais de 50 centimètres, surmonté par endroits de barbelés auxquels s'accrochent des sacs plastique portés par le vent, il sépare deux versants. À gauche, Pamplona Alta, l'un des plus grands bidonvilles du Pérou, et l'un des quartiers les plus pauvres de la capitale. À droite, Las Casuarinas, une communauté fermée, gardée par une société privée - petit faubourg abritant quelques-unes des plus riches familles du pays.
«Ce mur, il nous dit ce que l'on ne peut pas être. Il nous dit ce que l'on ne sera jamais»
Un habitant de Pamplona Alta
D'un côté du mur, plus de 400.000 âmes grouillent dans un gigantesque et chaotique entrelacs de petites bicoques de tôle, de brique et de bois, érigées sur une terre désertique et poussiéreuse s'étendant à perte d'horizon. De l'autre, 600 familles se répartissent dans de sublimes villas dont les piscines sont encerclées de gazon vert émeraude fraîchement tondu. Au second plan de ce spectacle ahurissant, devant lequel viennent pâlir les plus sinistres prédictions dystopiques d'Aldous Huxley ou de George Orwell, Lima s'allonge au bord de l'océan - monstrueuse fourmilière de près de 10 millions d'habitants, au bord de mer englouti par l'épais et habituel brouillard hivernal mélangé aux nuages de pollution. «Si le mur tombait, on ne serait pas plus riches. Ce mur, il nous dit ce que l'on ne peut pas être. Il nous dit ce que l'on ne sera jamais.» Ce témoignage fataliste d'un habitant de Pamplona Alta n'avait jamais vraiment quitté nos esprits. Ce n'est qu'une fois en haut de cette montagne que nous en avons pris la mesure.
Dans les rues de Miraflores et de San Isidro, ou des autres quartiers aisés et touristiques de la capitale que nous distinguons au loin depuis notre promontoire, le mur n'évoque rien, sinon pas grand-chose. «El muro de la vergüenza», comme l'ont baptisé les habitants et les médias locaux - littéralement «Le mur de la honte» -, ne jouit pas d'une grande notoriété et ne choque pas outre mesure ceux qui découvrent son existence. S'il sillonne aujourd'hui les montagnes sur plus d'une quinzaine de kilomètres, s'interrompant lorsque la géographie suffit à créer une barrière naturelle, le premier pan aurait été construit en 1971 par un collège privé jésuite, le Colegio de la Inmaculada. Mais la date «officielle» de construction la plus fréquemment évoquée reste 1985.
Se protéger des invasions
Situé juste à côté de la mythique autoroute Transaméricaine, qui relie l'ensemble des Amériques du nord au sud, l'établissement se niche au pied des montagnes, entre Las Casuarinas et Pamplona Alta. Le mur aurait été construit pour protéger le collège des invasions. Invasion de quoi, par qui? Des terres en périphéries des grandes villes par les populations indigènes venues des Andes: un exode rural qui a débuté dès le milieu du XXe siècle.

Alexis Machaca, 28 ans, vit à Pamplona, et travaille dans la ville de Lima. Il aurait aimé devenir ingénieur, mais son maigre salaire, gagné sur les chantiers, ne lui permet pas d'économiser pour payer des études. - Crédits photo : Gael Turine / MAPS
À Pamplona Alta, la plupart des habitants sont issus de l'une des nombreuses tribus recensées par le gouvernement péruvien (plus d'une soixantaine), et, pour la grande majorité, de celle des Quechuas. Certains sont arrivés dans le bidonville il y a plus de trente ans et n'ont jamais réussi à le quitter par manque de moyens. Avec 850 soles de salaire mensuel (un peu moins de 250 euros), et une fois l'électricité et l'eau payées, difficile d'économiser de quoi s'offrir un avenir meilleur: Lima est la deuxième plus grande ville du globe située au milieu d'un désert après Le Caire. Les réservoirs d'eau de 1000 litres dans lesquels chaque foyer stocke ses réserves peuvent coûter 400 soles l'unité, sachant qu'il faut dépenser plus de 60 soles pour le remplir chaque mois.
D'autres ont choisi de venir habiter ici pour pouvoir se permettre d'envoyer leurs enfants dans de bons établissements. Enfin, quelques-uns préfèrent repartir dans les campagnes plutôt que de rester au pied du mur de la honte. Pamplona Alta recouvre quatre collines alignées comme des vagues de roches et de terres arides. Les habitations ont été progressivement érigées en terrasses, creusées au fur et à mesure à coups de marteau-piqueur dans la falaise. Sur les versants les plus anciens - et les plus près du mur -, chaque parcelle a été exploitée et les cases vont jusqu'à s'adosser au rempart.
Un urbanisme dérégulé
On se déplace à Pamplona Alta en empruntant des escaliers abrupts sous un soleil plombant, ou par des chemins de fortune zigzaguant entre les maisons, jonchés de bouteilles d'Inca Kola ou autres sodas. En journée, la semaine, le bidonville est presque vide. Tous ou presque partent travailler en ville. Seules certaines femmes restent pour surveiller les enfants les plus jeunes et garder le peu de biens que la famille possède. Cruelle ironie, beaucoup ont un emploi dans les quartiers riches de l'autre côté du mur: à Las Casuarinas, mais aussi à La Molina, La Rinconada ou La Planicie. À vol d'oiseau, les quartiers en question ne sont qu'à quelques centaines de mètres. Mais pour se rendre au travail, pas question d'enjamber le mur.
Ceux qui se rendent à Las Casuarinas sont contraints de faire le tour (30 à 60 minutes de trajet selon la circulation), et de passer un poste de contrôle. La zone est entièrement fermée et dispose d'un service de sécurité privé, financé par les habitants des beaux quartiers, et qui patrouille et surveille 24 heures sur 24 les rues et la zone tampon qui sépare les plus hautes villas du mur de protection. Pour les autres, La Molina, La Rinconada et La Planicie ont installé des checkpoints à certains endroits du rempart, avec tour de contrôle et garde muni d'une radio, veillant à ce que personne de suspect, comme des groupes de squatteurs, ne puisse traverser. «Au mieux, ce mur est une honte, au pire, c'est une insulte», témoigne une religieuse travaillant dans une des missions des Sœurs comboniennes au cœur de Pamplona Alta.

Un éleveur de porcs de Pamplona Alta prépare le repas de son élevage clandestin. La police corrompue ferme les yeux sur ces nombreuses fermes aux conditions sanitaires terribles. - Crédits photo : Gael Turine / MAPS
18 heures. Le soleil brûlant commence à se coucher sur l'horizon de l'océan lorsque nous la voyons arriver au loin, au bas d'une des montagnes noires sur lesquelles ondule le mur. Grimpant une route goudronnée de La Molina, elle porte sur ses épaules un large et lourd sac blanc, sa fille trottinant à ses côtés. Elle nous apprend qu'elle est la femme de ménage d'une famille vivant de ce côté-ci du mur. Chaque matin, et chaque soir, elle doit grimper les escaliers à pic de Pamplona Alta et des chemins rocailleux de l'autre versant pour aller travailler. Dans son sac: son linge et celui de sa famille que ses employeurs l'autorisent à laver dans leur machine.
Le mur cache le vrai problème
Un récit de vie de Pamplona Alta parmi tant d'autres, et qui n'illustre que trop bien les profondes inégalités existant entre les deux quartiers voisins. Les mêmes inégalités sclérosent la société péruvienne. «La brutalité symbolique du mur ne fait que dissimuler le vrai problème, analyse Monica Taurel, une interprète habitant avec son mari dans un appartement de Las Casuarinas depuis le début des années 2000. C'est évidemment tentant de résumer la situation aux méchants riches qui excluent les gentils pauvres. Mais ça n'a rien à voir avec l'exclusion - c'est de la protection.»
«Ce mur existe pour une seule raison : l'échec de l'État péruvien et de ses gouvernements successifs à structurer la ­société»
Monica Taurel, une interprète de Las Casuarinas
De son balcon, Monica peut apercevoir le mur. Très au fait des polémiques qu'il a pu susciter au fil des années, elle refuse catégoriquement les procès à la hâte qui sont faits aux habitants de Las Casuarinas. «C'est trop simple de l'appeler “le mur de la honte”. Vous voulez parler de honte? Que l'on explique plutôt pourquoi les habitants de Pamplona Alta payent leur eau potable quatre fois plus cher que moi. Que l'on explique aussi pourquoi les services publics y sont défaillants, voire inexistants. Que l'on explique pourquoi les écoles manquent de matériel et de professeurs - que l'on parle plutôt des rackets qui sont orchestrés là-bas. Ce mur existe pour une seule raison: l'échec de l'État péruvien et de ses gouvernements successifs à structurer la société. Les gens ne s'en rendent pas forcément compte: en Europe, on ne parle de l'Amérique du Sud qu'à travers la violence spectaculaire de pays comme la Colombiele Brésil ou le Honduras. Mais le Pérou n'est pas un État de droit non plus.»
Protéger les biens et les terres
Gangrené par une kyrielle d'affaires de corruption, dont la dernière en date, l'affaire Odebrecht, a éclaboussé l'ensemble de la classe politique (dont quatre des derniers présidents de la République), le Pérou est, de surcroît, en proie à un important trafic de terres. Les invasions et les squats illégaux sont légion dans le pays. Cette situation catastrophique résulte d'un gouffre judiciaire, vestige de l'idéologie communiste qui avait infusé dans le continent sud-américain. Autre cause du problème: les réformes agraires mises en place par le général Alvarado, proche du régime cubain, après son coup d'État de 1968. Et Pamplona Alta ne fait pas exception à la règle.
«Le mur protège la valeur des terres et des biens des gens de Las Casuarinas qui paient leurs impôts! poursuit Monica Taurel. Comme seulement 13 % de la population péruvienne. Vous n'avez pas idée de l'économie parallèle qui existe dans les quartiers pauvres de Lima ; des sommes colossales sont en jeu. Et du coup, les bidonvilles sont le terreau de la criminalité. Ai-je envie de ce mur? Oui. Ai-je besoin de ce mur? Certainement. Est-ce une honte pour moi d'avoir besoin de ce mur? Absolument.»

Une fille mange un fruit, adossée à sa maison, à Pamplona Alta. - Crédits photo : Gael Turine / MAPS
L'importance de l'économie parallèle en Amérique latine n'est plus à démontrer: on estime que de 50 à 75 % des travailleurs de ces pays exercent leurs activités hors du cadre légal. Dès 1983, dans un article du Washington Post, l'économiste péruvien Hernando de Soto évaluait que la «shadow economy» des bidonvilles produisait l'équivalent de 11 milliards de dollars en biens et services - à l'époque, Lima ne comptait que 5 millions d'habitants contre 10 aujourd'hui, et le mur n'avait pas encore été érigé. De Soto, qui a connu l'époque où le Pérou luttait contre le groupe terroriste marxiste du Sentier lumineux, n'a pas changé d'avis sur la situation de la population pauvre et majoritairement indigène, comme celle que l'on trouve à Pamplona Alta.
«Ils ont des maisons, mais pas de titres de propriétés, expliquait-il lors d'un discours il y a quelques semaines. Des plantations, mais pas de terres ; des entreprises, mais pas de statuts de constitution de société.» À Lima, comme partout ailleurs, l'illégalité se confond dans l'extralégalité: pour survivre, des citoyens, devant l'incapacité de leur gouvernement et de leur État à fournir un cadre légal (pour une entreprise, une propriété, un état civil même), contournent comme ils peuvent un système inerte et vicié. À cela s'ajoute une criminalité, certes en baisse par rapport aux autres pays d'Amérique du Sud, mais toujours rampante - surtout concernant les cambriolages et les braquages.
Augusta Ludowieg vit à Las Casuarinas avec ses enfants, sa belle-famille et ses petits-enfants. Plusieurs fois par mois, elle se rend dans une paroisse située de l'autre côté du mur, à Pamplona Alta, qui apporte de l'aide aux jeunes mères et leurs enfants. Comme toutes les autres familles de Las Casuarinas, Augusta a dû participer au financement du mur - 3000 soles (environ 750 euros), selon elle. Tous ses proches affirment être contre le mur et ce qu'il représente. «Les habitants de Las Casuarinas n'étaient pas forcément unanimes lors de la construction du mur, raconte Augusta. Mais c'est un conseil de sept personnes résidentes et élues qui prennent les décisions pour l'organisation du quartier. Alors, le mur a été construit. Et le gouvernement n'a rien fait pour l'empêcher.» Ils admettent, cependant, qu'il leur procure une sécurité bienvenue.
«Nous possédions une maison sur une plage, dans le sud du pays, raconte Gian Ludowieg, le petit-fils d'Augusta. Mais elle a été envahie par des squatteurs, et nous l'avons perdue. Alors oui, le mur est peut-être nécessaire.» Et de poursuivre, de concert avec son père et sa grand-mère: «Ce mur n'est pas le seul, vous savez. À Lima, tout le monde vit derrière un mur.»

Cette famille de Las Casuarinas est l'une des rares à entreneir des rapports avec des personnes vivant de l'autre côté du mur, à Pamplona Alta. - Crédits photo : Gael Turine / MAPS
À Lima, au Pérou, et plus largement, en Amérique latine, l'urbanisation brutale, le manque de projets d'aménagements urbains, l'absence de cadastre ou de titres de propriété et la forte criminalité ont créé un besoin de protection chez les habitants - chez les pauvres comme chez les riches. Le «mur de la honte» n'est que le syndrome le plus patent d'une maladie profonde et complexe, le fragment émergé d'une muraille encore plus haute: celle que les individus dressent entre eux lorsque les États et les gouvernements échouent à créer un modèle social viable et à installer une primauté du droit. Car dans le bas de Pamplona Alta, et dans les quartiers pauvres de la ville, des murs et des barrières encerclent aussi certaines maisons.
La «honte» de Las Casuarinas ne réside finalement que dans sa proximité géographique avec Pamplona Alta. Le mur s'étend sur plus de dix kilomètres, mais la partie «protégeant» Las Casuarinas en mesure moins de deux. Les autres zones résidentielles luxueuses de La Planicie et La Rinconada, où l'on trouve des lacs artificiels avec, en leur centre, des villas comme sorties de Beverly Hills, sont elles aussi abritées derrière le mur. Mais le contraste est moins évident, moins scandaleux. «El muro de la vergüenza» porte bien son nom ; mais encore faudrait-il déterminer à qui incombe cette honte. Aux habitants de Las Casuarinas? À ceux de Pamplona Alta? Ou bien à un État qui, faute de mieux, laisse le mur se soustraire à son autorité et à ses devoirs, camouflant son échec et sa défaillance.
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Italie : Di Maio s'ouvre au Parti démocrate (29.04.2018)
Par Richard Heuzé
Mis à jour le 29/04/2018 à 18h40 | Publié le 29/04/2018 à 18h14
Le chef du Mouvement 5 étoiles est prêt à passer un accord de gouvernement avec le centre gauche.
Deux mois après les élections, c'est au tour du Parti démocrate d'entrer en scène. Luigi Di Maio, le leader du Mouvement 5 étoiles (M5S), renonce unilatéralement à l'alliance avec la Ligue de Matteo Salvini pour tendre la main à la formation de Matteo Renzi. «Nous avons de nombreux points en commun. Définissons ensemble objectifs et échéances pour rédiger un contrat de gouvernement», écrivait-il dimanche.
Mercredi, la direction du Parti démocrate se réunira pour donner sa réponse. La perspective d'une alliance paraît extrêmement compliquée, à première vue même impossible. Le M5S (parti antisystème fondé en 2009 par Beppe Grillo) n'a cessé de combattre les réformes de Matteo Renzi, à commencer par celles de l'école et du Code du travail. Il a largement contribué à l'échec du référendum constitutionnel du 4 décembre 2016. Multipliant insultes, bagarres au Parlement et manifestations de rue. Pour Renzi, «pas question de faire un gouvernement avec eux. Notre base ne veut pas d'accord». Une majorité de ses troupes parlementaires (70 députés sur 105 et 35 sénateurs sur 52) le suit. Et du côté du M5S, seulement 13 % de la base, selon le dernier sondage Ipsos, souhaite une alliance avec le PD, alors que 32 % se montrent favorables à un accord avec la Ligue de Salvini.
«Pas question de faire un gouvernement avec eux. Notre base ne veut pas d'accord»
Matteo Renzi, Parti démocrate
La tentation est pourtant très forte au PD d'éviter la rupture. L'alternative possible serait un retour aux urnes en octobre - le gouvernement de Paolo Gentiloni continuant d'expédier les affaires courantes. Avec le risque réel pour le parti de disparaître de l'horizon politique après la débâcle du 4 mars où il avait obtenu à peine 18 %.
Aussi, Luigi Di Maio, avec une parfaite duplicité et une grande habileté, joue-t-il sur la corde sensible en leur proposant «un contrat à l'allemande, noir sur blanc et immédiat, pour améliorer la qualité de vie des Italiens». Objectifs concrets, thèmes communs comme la lutte contre la pauvreté, l'aide aux retraités dans le besoin, un salaire horaire minimum, une banque publique d'investissement, la lutte contre les infiltrations mafieuses dans les institutions: tous points que le Parti démocrate ne peut pas refuser. Mais en se gardant bien de dire qui devra conduire l'alliance et sans renoncer à la présidence du Conseil, ce que lui demandent plusieurs dirigeants démocrates. En cas d'accord, le «régent» du Parti démocrate, Maurizio Martina, promet de consulter les militants.
Pour l'éditorialiste du Corriere della Sera Pierluigi Battista, «l'Italie vit un dilemme absolument inédit depuis l'instauration de la République, quelque chose de jamais vu ni vécu et qui engendre inévitablement angoisses, désorientations, peur de l'inconnu. Jamais les forces politiques n'avaient été aussi antagonistes. Dans le passé, les partis ont collaboré autour de la démocratie chrétienne sans se livrer à une guerre aussi impitoyable».
À droite, la Ligue devrait sortir renforcée par sa victoire aux élections régionales de ce dimanche dans le Frioul-Vénétie Julienne. Et, sur le pied de guerre, Matteo Salvini se dit prêt à renouer à tout moment avec Luigi Di Maio. Mais si le PD devait entrer au gouvernement, il mobiliserait «des millions d'Italiens dans la rue».

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Florian Philippot va sortir un livre intitulé Frexiten vue des européennes (30.04.2018)
Par Pierre Lepelletier
Mis à jour le 30/04/2018 à 12h29 | Publié le 30/04/2018 à 11h35
LE SCAN POLITIQUE - Le président des Patriotes a annoncé lundi la sortie d'un livre à la rentrée prochaine. Un ouvrage qui devrait lui servir de point de départ en vue des élections européennes, où il sera candidat.
Il a décidé de prendre la plume. Invité de RTL lundi, Florian Philippot a annoncé la sortie d'un livre à paraître en septembre prochain. «Je suis en train de l'écrire, je tiens à l'écrire moi-même», a précisé le président des Patriotes. Le titre du livre est déjà tout trouvé, baptisé simplement Frexit. Florian Philippot veut en effet poser noir sur blanc les raisons pour lesquelles il estime que la France doit sortir de l'Union européenne. Un fil rouge qu'il a toujours suivi, et qui l'a notamment amené à claquer la porte du Front national alors que Marine Le Pen souhaite relayer la question de la souveraineté monétaire au second plan.
Florian Philippot devrait ainsi profiter de son livre pour revenir plus en détail sur son départ du parti frontiste... et régler quelques comptes avec son ancienne présidente. «Le premier chapitre revient sur mes derniers mois au FN. Je reviendrai un petit peu sur ce débat (de l'entre-deux-tours, ndlr). J'estime que mon départ du FN s'est fait sur la question européenne parce que Marine Le Pen n'assume plus la défense de l'indépendance nationale, a estimé le président des Patriotes. Ça l'amène dans un discours de leurre. Aujourd'hui elle veut faire beaucoup de choses, notamment en matière d'immigration, mais elle ne se donne plus les moyens de son indépendance nationale».
Un livre-programme
Le livre de Florian Philippot devrait lui servir de point de départ en vue des élections européennes de 2019 où il portera la candidature des Patriotes. «Cela lui permet de poser les choses. De dire aux électeurs: “Voilà mon programme, voilà ce que je vous propose” autrement que par l'intermédiaire des médias comme il a l'habitude de le faire», résume Maxime Thiébault, cofondateur du mouvement.
Reste à savoir quel accueil recevra le livre de Florian Philippot à sa sortie dans les bacs. «Il ne fait pas ça dans un but financier», insiste son équipe. «C'est plus une manière de dire aux gens: “Tu ne connais pas Florian Philippot? Tu ne sais pas ce que sont Les Patriotes? Tu ne sais pas ce que veut dire le Frexit? Achète le livre, et en trois, quatre jours, tu sauras tout».
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La domination grandissante de la Chine en Asie du Sud-Est (30.04.2018)
Par Alexis Feertchak
Mis à jour le 30/04/2018 à 12h59 | Publié le 30/04/2018 à 11h18
INFOGRAPHIES - Les vastes exercices navals de la marine chinoise, ces dernières semaines, notamment à proximité de Taïwan, sont la dernière illustration de l'influence régionale grandissante de Pékin qui souhaite limiter celle des États-Unis. Le Figaro revient sur cet arc de crise qui s'étend des îles Spratleys aux îles Senkaku.
La marine chinoise a procédé, le 12 avril, à la plus grande parade de son histoire, suivie, la semaine suivante, par des exercices navals à tirs réels, notamment dans le détroit de Taïwan, à quelques encablures de cette île souveraine, mais dont Pékin considère qu'elle est partie intégrante de son territoire.
Ce conflit larvé, qui dure depuis plus d'un demi-siècle, n'est pas le seul lieu de tensions aux abords de la Chine. Plus à l'Ouest, la présence de Pékin s'accroît parmi les îles de la mer de Chine méridionale, revendiquées par d'autres États frontaliers. À l'est de Taïwan, c'est en mer de Chine orientale qu'un différend oppose Pékin au Japon à propos des îles Senkaku. Dans cet arc de crise, stratégique pour la Chine comme pour les États-Unis, les enjeux sont à la fois commerciaux, énergétiques, militaires et politiques. Décryptage, cartes à l'appui.

 Taïwan et le risque d'une rupture du statu quo
Depuis l'élection de Tsai Ing-Wen à la tête de Taïwan en 2016, et plus encore depuis l'élection de Donald Trump à la Maison-Blanche, la Chine durcit le ton vis-à-vis de Taïpei. «Pékin montre les muscles et réactive la “diplomatie du chéquier”, cette politique qui consistait pour les deux États rivaux à monnayer leur reconnaissance diplomatique», analyse pour LeFigaroBarthélémy Courmont, maître de conférences à l'Université catholique de Lille et directeur de recherche à l'IRIS. Aujourd'hui, la communauté internationale respecte très largement le principe de «la Chine unique» forgé par Pékin. Seuls 23 petits États reconnaissent officiellement Taïwan. «Quand Pékin a accédé à l'ONU en 1971, c'était le contraire. La France était l'un des rares pays européens à avoir reconnu la RPC», rappelle le géopolitologue, auteur d'un récent essai, Asie du Sud-Est. Trajectoires plurielles et incertaines.
«L'idée que le statu quo entre les États-Unis et la Chine à propos de Taïwan est rompu progresse dans chaque camp», corrobore l'historien Pierre Grosser, professeur agrégé à Sciences Po Paris et auteur d'un récent essai, L'histoire du monde se fait en Asie. Avant même son investiture, Donald Trump avait appelé la dirigeante taïwanaise, provoquant l'ire de Pékin. En juin 2017, la Chine a vertement protesté contre la vente d'1,3 milliards d'armes américaines à Taïwan. «Les Chinois pensaient jouer avec Taïwan le jeu de la séduction, comme avec Hongkong, mais aujourd'hui cette politique est terminée», poursuit l'historien. «Le rapport de force militaire s'est renversé. Depuis dix ans, c'est Pékin qui a l'avantage. Les Taïwanais sont inquiets», corrobore Barthélémy Courmont.
● En Mer de Chine méridionale, la domination de la Chine est un état de fait

Bordée par plusieurs États, dont la Chine, le Vietnam, les Philippines, Brunei et la Malaisie, la mer de Chine méridionale est stratégique à plusieurs titres. Outre des ressources en poisson, en gaz et en pétrole, cette mer semi-fermée est sur le chemin de la plus grande route maritime du monde, par laquelle passe près d'un tiers du commerce mondial. C'est aussi un poste avancé militaire, qui permet à Pékin de gagner une «profondeur stratégique», notamment pour ses sous-marins nucléaires basés, plus au Nord, sur l'île d'Hainan. Historiquement, ses milliers de récifs et ses centaines d'îles font l'objet de revendications des pays frontaliers, mais l'emprise de Pékin, ces dernières années, change la donne. La Chine s'est lancée dans une militarisation des îlots et des récifs, doublée de la construction d'îles artificielles, notamment dans l'archipel des Spratleys. Une fortification chinoise qu'un général américain a baptisée du nom de «grande muraille de sable». «La Chine n'est plus dans la recherche du dialogue, mais dans l'imposition d'un état de fait», estime Barthélémy Courmont.
Pendant de nombreuses années, les revendications des différents États se sont traduites par des actions juridiques multilatérales. Ainsi, en 2016, les Philippines avaient obtenu une décision favorable de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye à propos du récif de Scarborough, occupé par Pékin depuis 2013. «Depuis les choses ont changé, la Chine occupe de facto la région et a convaincu les États frontaliers de négocier avec eux de façon bilatérale, même si le Vietnam reste sur des positions plus fermes». En échange d'une acceptation de cet état de fait, la Chine leur propose de juteuses coopérations économiques, à l'image des Philippines, qui se rapprochent de Pékin depuis l'élection de Rodrigo Duterte. «Paradoxalement, nous allons du coup vers un apaisement», estime le directeur de recherche à l'IRIS.
● La Mer de Chine orientale, révélatrice des ambiguïtés entre la Chine et le Japon
Le cas des îles Senkaku, cette fois-ci en mer de Chine orientale, est différent. Des tensions récurrentes ont lieu entre la Chine, qui y envoie régulièrement des navires, et le Japon, qui occupe ces îles. Mais «Tokyo n'est pas dans la même position que les autres pays de la région, car il peut encore se positionner d'égal à égal avec Pékin», explique Barthélémy Courmont qui rappelle que, du côté chinois, les îles Senkaku ne revêtent pas la même importance stratégique que celles de la mer de Chine méridionale.
Le gouvernement conservateur du Japon tient certes un discours offensif vis-à-vis de la Chine. Son premier ministre, Shinzo Abe, souhaite notamment réviser la constitution pour lever l'interdiction de la guerre et augmente le budget de la défense. Néanmoins, «il est très affaibli et je ne crois pas que les Japonais soutiennent ce tournant nationaliste», nuance Barthélémy Courmont. «Abe consolide aujourd'hui son alliance avec les États-Unis, mais, discrètement, il y a un dégel avec Pékin. Récemment, le ministre des Affaires étrangères chinois est venu à Tokyo», corrobore Pierre Grosser qui rappelle qu‘Obama avait déclaré que l'alliance américano-japonaise couvrait les îles Senkaku. «Les Chinois savent qu'ils ne peuvent pas faire n'importe quoi», insiste-t-il.
● Pour les Chinois, repousser les Américains, mais jusqu'où?

Derrière ces trois zones conflictuelles au large de la Chine, se trouve la volonté affirmée de Pékin de sécuriser une zone d'influence régionale et de limiter la présence des États-Unis, dont la puissante 7e Flotte, qui couvre l'océan Indien et l'ouest du Pacifique, est basée au Japon. «La Chine croit qu'elle est la première puissance terrestre qui parviendra à devenir aussi une puissance navale», explique Pierre Grosser. Comme l'illustre la parade navale de la semaine dernière, la marine chinoise, qui est devenue en 2016 la deuxième au monde par son tonnage, connaît depuis une dizaine d'années une croissance exponentielle. À ce jour, les chantiers navals chinois construisent simultanément 2 porte-avions, 17 destroyers et 4 frégates.
«Les Chinois ont l'impression d'être en position défensive dans leur “étranger proche”», explique Pierre Grosser, reprenant un concept forgé par les Russes. «Toute la stratégie chinoise consiste à empêcher les Américains de s'approcher de leurs côtes, ce qui serait pour eux un cauchemar. C'est le cœur de la tension entre Pékin et Washington», déclare l'historien. «Même si la marine américaine continue de mener des opérations en mer de Chine méridionale au nom de la “liberté de navigation”, c'est un échec pour Washington. La stratégie du pivot vers l'Asie promue par Barack Obamaet initiée dès le second mandat de George W. Bush ne fonctionne pas, à l'image du bras d'honneur que Rodrigo Duterte a tendu aux États-Unis en se tournant vers Pékin», analyse Barthélémy Courmont, qui estime que cet échec est antérieur à l'arrivée de Donald Trump.
Une ambition chinoise qui ne se limite plus à son «étranger proche» et qui pourrait encore davantage gêner Washington. Alors que la Chine a mis en service sa première base navale à l'étranger en 2017, à Djibouti sur le Golfe d'Aden, la deuxième puissance économique de la planète se tourne vers l'Est et le Pacifique. Il y a une semaine, l'information selon laquelle Pékin serait en discussion avec la République de Vanuatu, un archipel de Mélanésie, pour établir une base navale a ainsi fait vivement réagir l'Australie, l'un des principaux alliés des Américains dans la région.
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Ce que racontent les femmes espagnoles avec #Cuéntalo (30.04.2018)
Par Baptiste Erondel | Le 30 avril 2018

Sur Twitter et sous le hashtag #cuentalo - pour «raconte-le» - s'accumulent des centaines de milliers de témoignages de femmes victimes de violences sexuelles.
L'Espagne a trouvé son #BalanceTonPorc. C'est sous le hashtag #Cuentalo, «raconte-le», que des anonymes et des personnalités témoignent des violences sexuelles dont elles ont été victimes, ou relatent celles subies par des proches. Des comptes dédiés s'ouvrent même le temps de rapporter une agression, un viol... Le mouvement, déjà vaste, a pris davantage d'ampleur depuis le rendu d'un jugement disculpant de «viol» cinq hommes ayant abusé d'une jeune femme. Que disent précisément ces femmes sur Twitter ? Nous avons passé au crible leurs posts, symboles de la lutte contre la culture machiste et patriarcale.
"Il me dit que je vais le payer cher"
Parmi ces centaines de milliers de récits glaçants, celui de Lucia Etxebarria. L'écrivaine espagnole se remémore sur son compte Twitter sa rencontre avec un célèbre auteur. «J'ai 28 ans. Je viens de gagner le prix Nadal (le plus ancien prix littéraire délivré en Espagne, NDLR). Un célèbre écrivain me fait des avances. Je lui dis non. Il me dit que je vais le payer cher. Et je l'ai payé. Mauvaises critiques, destructrices. Vingt-trois ans après, Béatrice et les corps célestes est un classique.»

#Cuentalo tengo 28 años. Acabo de ganar el premio Nadal. Un famosísimo escritor me tira los tejos. Le digo que no. Me dice que lo voy a pagar caro. Y lo pagué: Críticas nefastas, destructivas.
23 años después, Beatriz y los cuerpos celestes es un clásico.
Paula Borja, aujourd'hui manager, est toujours hantée par un traumatisme remontant à son enfance. «J'ai 32 ans et je me réveille apeurée quand l'édredon tombe la nuit. Quand j'étais petite, il m'est arrivé la même chose. L'homme qui aurait dû m'aimer le plus jetait l'édredon à terre et là, tout commençait», raconte-t-elle sous le hashtag #cuentalo.


Tengo 32 años y me despierto con miedo cuando se me cae el edredón por las noches. Cuando era pequeña me pasaba igual. El hombre que más tenía que haberme querido tiraba el edredón al suelo y ahí empezaba todo #cuéntalo
Elisa Maza, 41 ans, relate sur Twitter les sévices subis alors qu'elle n'était qu'une enfant. «C'était mon père, ça a commencé bien avant que je puisse m'en souvenir. Vers 2 ou 3 ans ? Moins ? Je viens d'avoir 41 ans et cela fait quelques mois que je suis une thérapie, je croyais l'avoir surmonté, ce n'était pas le cas. Je fais des dépressions chroniques, j'ai des crises d'angoisse, je fais des cauchemars... Je n'ai jamais été en couple, je ne me sens en sécurité que seule», écrit-elle. Depuis, son post a été «liké» plus de 5000 fois et a suscité plus de 2500 réactions.



#cuéntalo Fue mi padre, y empezó antes que mi memoria. ¿Dos, tres años?, ¿menos? Acabo de cumplir 41 y hace unos meses volví a terapia porque, aunque creia que si, no lo he superado. Depresión crónica, ataques de ansiedad, pesadillas... Nunca tuve pareja. Sola me siento segura.
"Un étranger se masturbait sur moi dans le bus"
Les violences sexuelles ne surviennent pas que dans la sphère familiale. Zazu en a fait les frais dans l'espace public, à l'âge de 12 ans. «Un étranger se masturbait sur moi dans le bus qui m'emmenait à la maison. Je n'ai pas bougé. Je sentais la honte, la culpabilité, le dégoût. Je ne l'ai dit à personne avant des années. J'ai vécu comme si ça n'était pas arrivé, mais je n'ai plus porté de jupe pendant des années.»

#Cuéntalo Con 12 años un desconocido se masturbó en mi en el autobús urbano q me llevaba a casa. No me moví. Sentí vergüenza, culpa, asco. No se lo conté a nadie hasta años después. Viví como si no hubiera ocurrido pero no volví a llevar falda durante años. Es la primra q rcuerdo
Une autre internaute, sous le pseudonyme «Soy Mujer» («je suis une femme»), décrit l'agression subie lorsqu'elle avait 7 ans. «Un homme m'a plaquée contre une porte, a descendu ma culotte et a fait des attouchements. La mémoire reste intacte 43 ans plus tard.»

He arrancado el día proponiendo el #cuéntalo porque creo que CASI TODAS hemos sufrido algún tipo de agresión sexual.
HILO

Con 7 años me metió en un portal un asqueroso guarro pederasta, me bajó las bragas y me realizó tocamientos. El recuerdo sigue intacto 43 años después. No pude contarlo en casa, no sabía ni que me estaba sucediendo #cuentalo
Un récit auquel fait écho celui de Montse Fradera, sur le même réseau social. «J'avais 14 ans. Un après-midi d'hiver, quand je suis sortie de la gymnastique, un homme s'est tenu à côté de moi et m'a attrapé le bras. Il m'a dit que je lui devais une faveur. Je n'ai rien dit, il avait un rasoir dans sa poche. Il m'a forcé. Il a commencé à jouer debout derrière moi et m'a dit qu'il voulait uriner. Si quelqu'un venait, il se cacherait. Il a baissé son pantalon. Je ne sais pas où j'ai puisé cette force, mais j'ai descendu les escaliers. J'entends encore ses cris.»

He arrancado el día proponiendo el #cuéntalo porque creo que CASI TODAS hemos sufrido algún tipo de agresión sexual.
HILO

#cuéntalo Yo tenía 14 años. Una tarde de invierno al salir de gimnasia deportiva, un hombre se me puso al lado y me agarró del brazo. Me dijo que le tenía que hacer un favor, i que no dijera nada, que tenía una navaja en el bolsillo. Me obligó a entrar a una portería.
«Quand j'avais 16 ans, ma famille et moi sommes parties en voyage. Un de mes cousins a décidé de faire des choses la nuit. Je me suis figée et j'ai pleuré. Je dis cela maintenant parce que j'étais terrifiée à l'époque», écrit encore Pamela.



When I was 16, my family and I went to a trip. One of my cousins decided to do inappropriate things at night. I just froze and started crying. I say this now cause I was terrified back then #cuentalo
Salaya, elle, a été agressée à l'école alors qu'elle avait 10 ans. «Nous détestions l'un des enseignants, nous le fuyions dès qu'on le voyait. Plus tard, j'ai compris. Baisers et caresses. C'était désagréable, mais je ne comprenais pas pourquoi.»

Con 10 años, de vacaciones, en Las Ramblas, un hombre no dejaba de agarrarme el culo, miré hacia atrás y me hizo un gesto obsceno q no comprendí. Sentí desagrado y empecé a caminar delante de mi abuela. Lo escribí en mi diario, años después lo comprendí #Cuéntalo

En la escuela odiábamos a uno de los maestros, por la calle huíamos nada más verlo. También lo comprendí después. Besos, caricias, siéntate en mi cuello... era desagradable, pero no entendía el porqué. #cuéntalo
«Ce n'est pas un geste d'adhésion, mais une accumulation de récits intimes, commente dans Le Figaro Cristina Fallaras, journaliste indépendante à l'origine de #Cuentalo. En nous emparant des réseaux sociaux, nous racontons ce que personne ne nous a laissées raconter dans les médias.» Des médias qui, après l'affaire WeinsteinMe TooBalance ton porc ou encore Time's Up, sont désormais tout ouïe.

Afghanistan : deux attentats meurtriers frappent le coeur de Kaboul (30.04.2018)
Par Le figaro.fr et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 30/04/2018 à 17h12 | Publié le 30/04/2018 à 10h20
VIDÉO - Au moins 25 personnes, dont un photographe de l'AFP, un reporter de la BBC et huit autres journalistes, ont été tuées lundi dans deux attaques revendiquées par l'État islamique. La presse semble avoir été particulièrement prise pour cible.
Le groupe État islamique a revendiqué lundi la responsabilité du double attentat qui a une nouvelle fois frappé la capitale afghane. Au moins 25 personnes, dont un photographe de l'AFP, un reporter de la BBC et sept autres journalistes, ont été tuées dans ces attaques suicides survenues tôt ce lundi matin au coeur de Kaboul. Le second attentat semble avoir visé la presse accourue sur le site du premier.
Selon un bilan encore provisoire communiqué en fin de matinée par le ministère de la Santé afghan, le double attentat a fait au moins 25 morts et 49 blessés. Une journaliste de l'AFP a pour sa part décompté 14 corps à la morgue de l'hôpital Wazir Akbar Khan, mais d'autres victimes ont été acheminées vers l'hôpital de l'ONG italienne Emergency. Au moins «six journalistes et quatre policiers figurent au nombre des tués dans ces deux explosions», a précisé à l'AFP le porte-parole du ministère Najib Danish.

Shah Marai, chef photographe du bureau de l'AFP à Kaboul. - Crédits photo : Johannes Eisele/AP
Shah Marai, chef photographe du bureau de l'AFP à Kaboul qui s'était rendu sur les lieux de la première explosion, a été tué par la deuxième déflagration survenue une trentaine de minutes plus tard. Il travaillait pour l'AFP depuis 1996. Il a notamment contribué à la couverture pour l'agence de l'invasion américaine de 2001.
Ahmad Shah, un reporter afghan de la BBC en pachtou a également été tué, a annoncé la radio-télévision britannique à Kaboul. «C'est avec une immense tristesse que la BBC confirme la mort de notre reporter afghan Ahmad Shah à la suite d'un attentat», indique la BBC dans un communiqué. Yar Mohd Tokhi, un journaliste travaillant pour la chaîne Tolo News, déjà éprouvée par un attentat revendiqué par les talibans en 2016 qui avait fait sept morts a aussi été fauché par l'explosion.
Les autres journalistes décédés ont été identifiés: Mahram DuraniSabawoon Kakar et Ebadullah Hananzai du média Azadi; Ghazi Rasooli et Nowroz Ali Rajabi de la chaîne 1TV et Saleem Talash et Ali Saleemi de la chaîne Mashal TV.
Selon une source sécuritaire, le kamikaze qui a visé la presse s'était préalablement glissé parmi les reporters, «muni d'une caméra». «Le kamikaze s'est fait exploser parmi les journalistes, il a fait des victimes», a précisé le porte-parole de la police de Kaboul Hashmat Stanikzai. Les reporters étaient allés couvrir le premier attentat, perpétré peu avant 08h locales à proximité du siège des services de renseignements afghans.
«Les apostats des forces de sécurité, des médias, et d'autres (personnes) ont accouru sur le [premier] site de [l'attaque], où un frère kamikaze les a pris par surprise avec sa veste explosive», selon la revendication de l'Etat islamique.
- Crédits photo : Rahmat Gul/AP
La France a condamné «un acte odieux» et déploré que la «presse paie encore un lourd tribut», a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. «Dans ce moment douloureux, je souhaite assurer l'AFP et ses équipes partout dans le monde de notre totale solidarité», a t-il ajouté. «Je tiens à rendre un hommage particulier à tous les journalistes qui, souvent au péril de leur vie, continuent à travailler chaque jour dans des conditions difficiles pour nous informer», a souligné le chef de la diplomatie française.
Kaboul est devenue selon l'ONU l'endroit le plus dangereux d'Afganistan pour les civils avec une recrudescence des attentats, généralement perpétrés par des kamikazes et tour à tour revndiqués par les talibans ou le groupe Etat islamique (EI).
Le précédent en date dans la capitale, le dimanche 22 avril, a fait près de 60 morts et 20 blessés dans un quartier à majorité chiite: un kamikaze de l'EI avait visé un centre de délivrance de cartes d'identités en vue des élections législatives du 20 octobre.
L'une des attaques les plus meurtrières, le 27 janvier, avait fait 103 morts et plus de 150 blessés.

L'Agence France Presse se dit «dévastée»
«Nous sommes dévastés par la mort de notre photographe Shah Marai qui témoignait depuis plus de quinze ans de la tragédie qui frappe son pays. La direction de l'AFP salue le courage, le professionnalisme et la générosité de ce journaliste qui avait couvert des dizaines d'attentats avant d'être lui-même victime de la barbarie», a déclaré Michèle Léridon, directrice de l'Information de l'AFP.
De nombreux messages de sympathie et de condoléances affluaient lundi au bureau de l'AFP-Kaboul dont un autre journaliste, Sardar Ahmad, a été tué en mars 2014 avec toute sa famille, à l'exception d'un enfant alors âgé de trois ans, dans un attentat taliban.
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Royaume-Uni : Sajid Javid, un nouveau ministre de l'Intérieur dans un gouvernement fragilisé (30.04.2018)

  • Mis à jour le 30/04/2018 à 15:14 
  • Publié le 30/04/2018 à 13:01
La Première ministre britannique Theresa May nomme un nouveau ministre de l'Intérieur, Sajid David, après la démission d'Amber Rudd en raison du scandale provoqué par le traitement accordé aux immigrés originaires des Caraïbes, une nouvelle crise qui
Cet ancien banquier d'origine pakistanaise, qui occupe des fonctions ministérielles depuis six ans, devient ministre de l'Intérieur après la démission retentissante d'Amber Rudd, une figure influente du parti conservateur, proche de la première ministre, Theresa May, sur fond de scandale «Windrush» lié à l'immigration.
Le ministre britannique des Communautés, Sajid Javid, a été nommé ce lundi ministre de l'Intérieur en remplacement d'Amber Rudd, qui a démissionné dimanche, en raison du scandale provoqué par le traitement accordé aux immigrés originaires des Caraïbes, a annoncé le 10, Downing Street. Cette affaire fragilise Theresa May à seulement trois jours d'élections locales, mais ne déplaît pas aux conservateurs partisans d'une ligne plus dure sur le Brexit, dont Amber Rudd était l'une des farouches adversaires.
Sajid David, élu au Parlement dans la circonscription de Bromsgrove dans l'ouest de l'Angleterre et admirateur de l'ancienne première ministre Margaret Thatcher, qu'il cite comme modèle politique, occupe des fonctions ministérielles depuis 2012. Il a été le premier des ministres britanniques à appartenir à la communauté d'Asie du Sud, note Reuters. Il a notamment été secrétaire d'État à la Culture, aux Médias et au Sport, de 2014 à 2015, puis aux Affaires, à l'Innovation et aux Compétences, de 2015 à 2016. D'origine pakistanaise, fils d'un chauffeur de bus, c'est à l'Université d'Exeter où il étudie l'économie et la politique qu'il adhère au parti conservateur. Il travaille ensuite dans la banque, notamment aux États-Unis puis en Amérique du Sud, avant de revenir à Londres en 1997 comme directeur à la Deutsche Bank. Il a mis un terme à sa carrière financière en 2009 pour se consacrer à la politique.
Une ligne mesurée sur le Brexit
À moins de 48 ans, l'ancien banquier hérite du portefeuille de la très influente Amber Rudd, souvent pressentie comme future premier ministre. À 54 ans, cette proche de Theresa May a dû quitter son poste, qu'elle occupait depuis juillet 2016, après avoir reconnu avoir «involontairement trompé» une commission parlementaire sur «les objectifs de déplacement des immigrés clandestins». Sa carrière a ainsi explosé après des semaines de polémiques au sujet de la «génération Windrush», ces enfants d'immigrés des Caraïbes arrivés légalement au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale, mais traités comme des clandestins et menacés d'expulsion par les services de l'immigration. Jusqu'à 50.000 personnes sont concernées par ce scandale d'excès de zèle du ministère de l'Intérieur.
Cette étoile montante des «Tories» était également favorable au maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Son départ est vu comme une aubaine par les «brexiters» au sein de sa famille politique. De ce point de vue, le profil de son remplaçant, Sajid Javid, apparaît moins europhile. S'il a fait campagne contre, il avait pourtant déclaré, avant la campagne, que son cœur était pour le Brexit, rappelle Reuters. Après les résultats, il a déclaré que «nous étions tous des Brexiters, maintenant».
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La Chine peut-elle envahir Taïwan ? (29.04.2018)

Par Cyrille Pluyette
Mis à jour le 30/04/2018 à 22h13 | Publié le 29/04/2018 à 21h25
INFOGRAPHIES - Pékin se montre de plus en plus menaçant envers l'île, qu'il soupçonne de vouloir déclarer formellement son indépendance.
La Chine a montré ses muscles récemment dans le détroit de Taïwan en y menant des exercices navals à balles réelles. Cette démonstration de force intervient alors que Xi Jinping, le président chinois, se montre de plus en plus menaçant envers Taïpeh, qu'il met en garde contre toute tentation séparatiste. «L'empereur rouge» cherchera-t-il à s'approprier l'île par la force? Il prendrait de gros risques en s'attaquant à un allié des États-Unis, mais ce scénario ne peut pas être écarté à terme. Quoi qu'il en soit, les tensions entre les deux superpuissances pourraient s'intensifier sur ce dossier, alors que Donald Trump multiplie les gestes de rapprochement avec Taïwan, provoquant l'ire de Pékin.
● Quel message veut faire passer Pékin?
Les manœuvres militaires navales organisées le 18 avril dans le détroit de Taïwan, une bande large d'environ 180 kilomètres qui sépare le continent chinois de l'île, étaient les premières dans cette zone ultra-sensible depuis 2016. La Chine est certes restée à distance des côtes taïwanaises, mais le message était sans ambiguïté. Pékin «a voulu mettre en garde Taïpeh et Washington: pas question de franchir les lignes rouges fixées par le régime et de remettre en cause ses intérêts essentiels», explique Bonnie Glaser, du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS). Xi Jinping a martelé en mars que toute initiative séparatiste s'exposerait à une «punition de l'Histoire». Le géant asiatique a déjà averti dans un texte de loi de 2005 qu'il n'hésitera pas à utiliser la force si ce tabou est brisé.
L'île, où s'était replié en 1949 le leader nationaliste Tchang Kaï-chek, après la victoire des troupes communistes, mènede facto une politique indépendante. Mais la Chine considère que Taïwan fait partie intégrante de son territoire. Les relations se sont fortement dégradées depuis l'élection, début 2016, de la présidente Tsai Ing-wen, qui dirige le Parti progressiste démocratique, dont un courant pousse à l'indépendance. Pékin, qui a renforcé ses patrouilles aériennes et navales depuis l'accession au pouvoir de la dirigeante, la soupçonne de vouloir déclarer formellement l'indépendance, ce qu'elle réfute.
● Pourquoi Xi Jinping vise-t-il une réunification?
Aux yeux de la Chine, Taïwan est la priorité numéro un, en termes de souveraineté territoriale. Il est dans «l'intérêt fondamental» des Chinois de parvenir à la «réunification complète» du pays, a prévenu Xi Jinping en mars. Le numéro un chinois devrait donc, en toute logique, chercher d'une manière ou d'une autre à l'avenir à s'approprier l'île, estiment plusieurs experts. «Sur le plan stratégique, ce territoire constitue un élément central dans le rapport de force entre la Chine, d'un côté, et les États-Unis et leurs alliés asiatiques, de l'autre», souligne Mathieu Duchâtel, directeur adjoint Asie et Chine de l'European Council on Foreign Relations (ECFR). À cela, s'ajoute le fait que Taïwan «symbolise la compétition entre les régimes autoritaires et le modèle démocratique», dont il est un digne représentant en Asie, poursuit cet expert. En déroulant cette rhétorique de fermeté, Xi Jinping, qui a bâti une partie de sa légitimité sur sa ligne nationaliste, cherche enfin à soigner son image de dirigeant fort et respecté auprès de sa population.

- Crédits photo : Le Figaro
● La Chine risque-t-elle d'attaquer Taïwan?
«Le risque d'une attaque chinoise sur Taïwan ne peut pas être écarté», souligne Bonnie Glaser, du CSIS. Mais, étant donné la prudence de Taïpeh, qui offre peu de prises à Pékin, cette possibilité semble actuellement «faible», estime-t-elle. Une offensive chinoise, qui entraînerait vraisemblablement une intervention militaire de Washington, serait par ailleurs trop risquée pour le moment, selon plusieurs experts. «Les États-Unis se sont engagés par la loi à défendre la démocratie taïwanaise et l'Armée populaire de libération (APL) n'est pas prête à affronter la marine américaine», souligne Juliette Genevaz, chercheuse à l'Irserm. Signe toutefois que l'île prend la menace chinoise au sérieux, la présidente taïwanaise a supervisé le 13 avril ses premiers exercices navals depuis son arrivée aux manettes.

- Crédits photo : Le Figaro
Les manœuvres chinoises s'inscrivent surtout «dans une stratégie de guerre psychologique destinée à atteindre le moral des Taïwanais et à les contraindre d'envisager une forme de réunification», analyse Jean-Pierre Cabestan, sinologue à l'université baptiste de Hongkong. «L'objectif de Pékin est de fragiliser le statu quo existant tandis que celui de Taïpeh est, au contraire, de le préserver», renchérit Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique.
Ces pressions s'ajoutent à celles exercées par Pékin pour tenir à l'écart Taïwan des organisations internationales, réduire le nombre d'alliés officiels de Taïpeh, ainsi qu'à ses initiatives pour inciter l'élite économique et intellectuelle à s'établir sur le continent chinois. Le régime autoritaire reste cependant peu attractif pour la population insulaire. «Les forces pro-unification ont peu de chances d'être élues dans l'île: tant que les États-Unis les soutiennent, il paraît peu probable que les Taïwanais acceptent de se soumettre», pronostique Jean-Pierre Cabestan. Une impasse qui pourrait conduire à terme la Chine à employer la force.
● Vers une hausse des tensions sino-américaines sur ce dossier?
La Chine, qui condamne tout contact entre Taïpeh et des pays étrangers, a été ulcérée par plusieurs initiatives pro-taïwanaises validées ces derniers mois par le président américain Donald Trump. Une récente loi encourage ainsi les visites mutuelles entre responsables des États-Unis et de Taïwan. Washington n'entretient pas de lien officiel avec l'ex-Formose, mais des relations informelles, en lui vendant notamment des armes. La Maison-Blanche vient d'autoriser la vente à Taïpeh de la technologie lui permettant de construire ses propres sous-marins. Les tensions pourraient franchir un cran supplémentaire sur ce dossier - en plus de celles existantes sur le front commercial - avec la nomination récente du «faucon» John Bolton, un proche de Taïwan, comme conseiller de Donald Trump à la sécurité nationale. Il avait plaidé en 2017 pour un rapprochement militaire entre Washington et Taïpeh, de façon à contrer Pékin. En mars, Alex Wong, sous-secrétaire adjoint au département d'État, a indiqué que les États-Unis voulaient «renforcer leurs liens avec le peuple taïwanais», lors d'une visite à Taïpeh.
Reste à savoir si Washington ira jusqu'à défier la Chine. Pékin a promis que des escales de navires de guerre américains sur l'île - une perspective défendue dans un texte signé l'an dernier par le leader américain - constitueraient une ligne rouge. Une crise avait déjà éclaté fin 2016, lorsque Donald Trump, à peine élu, avait accepté un appel téléphonique de la dirigeante taïwanaise, rompant avec la ligne suivie par la diplomatie américaine pendant plusieurs décennies.
● Un conflit entre Pékin et Washington est-il possible en Mer de Chine du Sud?

- Crédits photo : Le Figaro
Le 12 avril, Xi Jinping a assisté à un exercice naval géant en mer de Chine méridionale, présenté comme le plus spectaculaire de l'histoire du pays. «Le besoin d'édifier une marine forte n'a jamais été aussi pressant qu'aujourd'hui», a déclaré le maître de Pékin, en veste et casquette de treillis, dont la présence dans cette zone maritime disputée était loin d'être anodine. La Chine affirme sa souveraineté sur de nombreuses îles et des récifs de la région, également revendiqués par plusieurs pays riverains (Vietnam, Philippines, Malaisie ou Brunei). Et transforme des îlots qu'elle contrôle en bases militaires pour appuyer ses prétentions territoriales.
La rivalité sino-américaine s'intensifie dans cette région, où l'écart de puissance se resserre. Mais les États-Unis cherchent aussi à montrer leurs muscles dans ses eaux, où navigue actuellement un porte-avions de l'US Navy. Ils envoient régulièrement des navires de guerre patrouiller au nom de la «liberté de navigation» près d'îlots administrés par Pékin, qui dénonce en retour des «provocations». Des incidents sont possibles, mais un conflit semble toutefois peu probable dans l'immédiat. «Pékin, qui pratique la politique du fait accompli, cherche à modifier progressivement la situation à son avantage sans pour autant déclencher une réponse forte de la communauté internationale», observe Antoine Bondaz. Si l'empire du Milieu semble être parvenu à ses fins concernant des îlots en mer de Chine méridionale, les États-Unis pourraient se montrer plus pointilleux au sujet de Taïwan.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 30/04/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Qu'est-ce que le scandale Windrush, qui a poussé la ministre de l'Intérieur britannique à la démission ? (30.04.2018)

  • Mis à jour le 30/04/2018 à 16:48 

  • Publié le 30/04/2018 à 11:22
Royaume-Uni: L'audition d'Amber Rudd à l'origine de sa démission
La ministre britannique de l'Intérieur Amber Rudd a démissionné dimanche après plusieurs scandales entourant le traitement des immigrés par ses services. Elle était sur la sellette depuis plusieurs jours.
FOCUS - Dimanche soir, Amber Rudd a démissionné après plusieurs semaines de polémique. Des immigrés arrivés légalement au Royaume-Uni et leurs descendants s'étaient retrouvés menacés d'expulsion.
Sur la sellette depuis plusieurs semaines, la ministre de l'Intérieur britannique, Amber Rudd, a fini par démissionner dimanche, emportée par un double scandale lié aux questions migratoires. Pour la première ministre Theresa May, qui était très proche de la partante, ce départ est un coup dur.
La génération Windrush
Amber Rudd finit par payer le scandale Windrush, du nom de l'Empire Windrush, le premier navire chargé de Jamaïcains à accoster à Londres, en 1948, afin de reconstruire le pays après la guerre. Ce bateau sera le premier d'une longue lignée, puisque 550.000 Caribéens profiteront des facilités offertes par le Royaume-Uni aux membres du Commonwealth pour gagner son sol. En 1973, cette possibilité prend fin, mais les personnes arrivées avant cette date sont considérées comme britanniques à part entière, même si le ministère de l'Intérieur n'entreprend alors aucune démarche pour les recenser. Une erreur que certains payent aujourd'hui. La carte d'identité n'est pas obligatoire au Royaume-Uni et, bien souvent, les populations concernées sont trop pauvres pour voyager: elle n'ont donc jamais fait faire de passeport. Si bien que ces personnes se retrouvent aujourd'hui incapables de justifier leur identité.
Pendant des années, cela ne leur pose cependant aucun problème. Jusqu'en 2013, lorsqu'un changement de politique, sous l'impulsion de la ministre de l'Intérieur de l'époque, Theresa May, vient compliquer leur situation. Il est décidé de créer un «environnement hostile» aux immigrés illégaux. Les employeurs, les médecins ou les propriétaires sont incités à les dénoncer, sous peine d'amende. Nombre de membres ou de descendants de la «génération Windrush» sont confondus avec des sans-papiers. Ils sont contraints de devoir présenter des preuves de leur présence au Royaume-Uni pour chaque année, sous peine d'expulsion.
Quotas
Des articles de presse illustrent ces situations, parfois aberrantes, contribuant à alimenter un scandale dont Theresa May ne semble pas percevoir l'ampleur. La première ministre refuse dans un premier temps de recevoir une délégation d'ambassadeurs de 12 pays dont sont issus les membres de la génération Windrush. Elle s'était cependant excusée quelques jours plus tard lors d'un sommet du Commonwealth tandis qu'Amber Rudd assurait dédier une équipe entière à la régularisation des cas.
Royaume-Uni: L'audition d'Amber Rudd à l'origine de sa démission
La ministre britannique de l'Intérieur Amber Rudd a démissionné dimanche après plusieurs scandales entourant le traitement des immigrés par ses services. Elle était sur la sellette depuis plusieurs jours.
Le calme n'est cependant pas revenu pour la ministre de l'Intérieur. Les appels à la démission se sont multipliés ces dernières semaines, allant de pair avec de nouvelles révélations sur des quotas d'immigrés à expulser, fixé par le ministère. Amber Rudd se défend de l'existence de tels quotas, mais la publication dans la presse de documents prouvant l'inverse aura provoqué sa chute.
Amber Rudd aura donc joué le rôle de fusible, payant les politiques mises en place à l'époque par Theresa May. La première ministre n'est peut-être pas tirée d'affaire pour autant. Cette démission intervient quelques jours avant des élections locales qui s'annonçaient déjà compliquées pour les conservateurs. Le vote protestataire pourrait être amplifié par ce scandale.
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En Irak, les «White Flags» vont-ils succéder à Daech? (29.04.2018)
Par Inès Daif et Thierry OberléMis à jour le 30/04/2018 à 13h14 | Publié le 29/04/2018 à 17h24
Un nouveau groupe clandestin, les «Drapeaux Blancs», sème la terreur dans la région de Kirkouk.
Province de Salah ad-Dine (Irak)
Le temps semble suspendu dans les rues de Touz Khourmatou, mosaïque ethno-religieuse - kurde, turkmène et arabe - à 60 km de Kirkouk. La ville a été l'un des théâtres violents de l'offensive irakienne du 16 octobre 2017. Ce jour-là, les forces irakiennes ont chassé les Kurdes de cette zone située dans les «territoires disputés» que contrôlaient les pechmergas depuis l'invasion de Daech en 2014. Depuis, une forte instabilité perdure. Ce délitement offre un terreau parfait pour la résurgence de groupements insurrectionnels ou terroristes. Le 13 avril, des habitants de la zone de Dakuk, entre Kirkouk et Touz Khourmatou, ont ainsi dû fuir durant la nuit, après l'arrivée d'un groupe mystérieux, nommé symboliquement dans la région les White Flags (les Drapeaux Blancs). Un nom donné par les habitants et les forces en présence pour marquer à la fois la continuation et la rupture avec les Drapeaux Noirs de Daech officiellement anéantis de 9 décembre 2017.
À Touz Khourmatou des photos d'hommes rassemblés dans des caves à Kifri, un village voisin, ou encore roulant à moto dans les environs circulent. «J'ai reçu des menaces de mort des White Flags», confie Mohammed Fiaq, le porte-parole de l'UPK, l'un des principaux partis politiques kurdes. «Six hommes sont d'abord venus à la mosquée avec des turbans noirs autour de la tête, ils ne se sont pas identifiés. Le lendemain ils sont revenus avec sept voitures. Ils ont fait le tour du village sans attaquer les civils et ont pris les postes à l'abandon des pechmergas. L'armée irakienne ou les Hachd ne sont pas intervenus. Le 13 avril, la population s'est réfugiée vers Tawuq et Chamchamal» raconte, de son côté, un habitant de Farik, un village à 20 km de Dakuk.
«Pour moi, ce sont ou des anciens de Daech, ou bien des groupes mafieux ralliés à Daech ou alors des Kurdes»
Mohammed al-Bayati, numéro deux de l'organisation chiite Badr
La configuration montagneuse est propice au développement et à l'ancrage de ces groupes qui ne revendiquent pas leurs actions. Ils sévissent principalement dans la plaine de Dakuk (province de Kirkouk). «Trois villages ont été pris par les White Flags le 11 avril. Autour de Dakuk, où ils sont plus forts que toutes les forces armées présentes. Ils sont là pour affaiblir la zone», explique un haut responsable de l'intelligence kurde.
Ici chacun à sa version sur l'origine des combattants clandestins selon l'armée ou la milice à laquelle on appartient. Des Kurdes pensent que c'est un jeu de l'armée irakienne voire des Américains. Mais beaucoup incriminent des forces dissidentes kurdes.
Des flèches rouges sur une carte
«Pour moi, ce sont ou des anciens de Daech, ou bien des groupes mafieux ralliés à Daech ou alors des Kurdes», affirme Mohammed al-Bayati, numéro deux de l'organisation chiite Badr. Les Hachd Badr, supplétifs de l'armée irakienne, en conflit avec les Kurdes, contrôlent principalement les montagnes et la périphérie de Touz Khourmatou. «Ils ont profité du recul des pechmergas après les affrontements du 16 octobre pour prendre position. Ils contribuent à augmenter le conflit intercommunautaire. Ces gens sont impalpables: ils agissent la nuit et passent d'une localité à l'autre. Il y a des attaques de civils, quatre personnes ont été brûlées dans une voiture vers Dakuk», raconte Mohammmed al-Bayati. Il ajoute que plus de 12 attaques incombent à Daech depuis le 16 octobre, comme celle revendiquée à Hawija faisant 28 morts dans des Unités de mobilisation populaires.
Dans la salle de commandement de l'ERD (unité d'intervention rapide irakienne), la police irakienne, trône une carte marquée de trois flèches rouges désignant les White Flags. «Pour moi les White Flags, c'est Daech. Ils sont à 3 km dans les montagnes faisant face à la base. Tous les jours nous avons des interventions de nettoyage de poches résistantes» tranche le sous-général Fawzi.
«C'est Daech qui a troqué son drapeau noir contre un drapeau blanc»
un haut responsable de l'intelligence kurde
L'État islamique est-il en train de réapparaître et de signifier son retour sous une nouvelle forme? Pour l'expert irakien, Shalallaw Kirkuky, il ne faut pas, dans tous les cas de figure, minimiser le phénomène. «C'est une organisation similaire à Daech. Le 9 avril, onze policiers fédéraux ont été tués pendant la nuit près de Dakuk. C'est une puissance régionale qui doit les financer et qui les entraîne. Ils ont des armes lourdes et utilisent des nouvelles technologies satellites», estime-t-il. «Ils ont deux chefs, un irako-syrien, Khalid Mooradi et Chalak, un chef kurde.»
Le nom du leader présumé Khalid Mooradi est également confirmé par l'analyste politique irakien Hicham al-Hashemi proche de l'intelligence irakienne, qui considère, en revanche, avoir affaire à «des séparatistes kurdes qui veulent à nouveau asseoir leurs pouvoirs sur les territoires perdus en octobre». Reste que le haut responsable des services de renseignement kurdes n'en démord pas. Il est convaincu d'être confronté à un avatar de l'État islamique.
«C'est Daech qui a troqué son drapeau noir contre un drapeau blanc. Ces hommes viennent en partie de Syrie et se sont unis avec des survivants de poches de l'État islamique irakien subsistant au sud de Kirkouk, de Hawija, de Tall al-Wad, Mossoul et Tall Afar. Ils sont une centaine. Un certain Abou Ghinam originaire de Kirkouk est leur chef des finances. Ils sont armés de mitraillettes, de roquettes et de RPG. Le 11 avril, ils ont tué le sous-général Moustafa al-Jabani de l'armée irakienne. Pour nous il n'y a pas de doute: ils sont un simple prolongement de Daech.»
Qu'ils soient des rescapés de Daech, ou des Kurdes radicalisés et islamisés, les intrigants White Flags n'ont, sans doute, pas fini de faire parler d'eux.

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Syrie : explosion sur une base utilisée par l'Iran, des combattants iraniens tués (30.04.2018)

  • Publié le 30/04/2018 à 17:57
Après des tirs de missiles dimanche soir observés dans la région de Hama, les soupçons se sont une nouvelle fois orientés vers Israël, qui martèle sa détermination à tout faire pour empêcher une implantation militaire durable de la République islamique à sa frontière nord.
De notre correspondant à Jérusalem
L'explosion fut d'une violence telle que des capteurs disposés dans la région l'ont assimilée à un tremblement de terre. Dimanche vers 22h30, le quartier général de la 47e brigade de l'armée syrienne, située dans la périphérie de Hama et utilisée par l'Iran, a été visé par des missiles dont l'impact a provoqué une immense boule de feu. Selon l'ONG Observatoire syrien des droits de l'homme, au moins 26 combattants ont été tués par ces frappes. Un aéroport militaire situé près d'Alep a également été pris pour cible. Les soupçons se sont d'emblée orientés sur Israël, qui a laissé planer le doute sur son implication. Le président Bachar el-Assad a fustigé lundi «l'escalade des agressions contre la Syrie», sans pour autant désigner l'auteur de ces attaques.
L'Etat hébreu, qui a frappé plus d'une centaine de convois et de dépôts d'armes sophistiquées en Syrie depuis janvier 2013, a pour habitude de ne pas confirmer son implication dans ce type d'opérations. Cette politique d'ambiguïté vise à laisser au pays ou la milice prise pour cible la possibilité de ne pas répliquer sans nécessairement perdre la face. Lundi matin, un influent expert militaire a toutefois estimé que l'hypothèse d'une frappe israélienne était «la plus vraisemblable». «La puissance et la précision de ces attaques laissent penser qu'elles ont nécessairement été perpétrées par un Etat», a indiqué Amos Yadlin, ancien chef des renseignements militaires et directeur de l'Institut d'études pour la sécurité nationale, qui met en garde depuis plusieurs mois contre le risque de confrontation entre l'Iran et lsraël.
«L'explosion spectaculaire observée à Hama n'a pas pu être provoquée par les munitions qui ont visé le site. Tout laisse au contraire penser qu'elle a été causée par la présence de nombreux engins balistiques en sous-sol», a ajouté M. Yadlin. Selon une source proche de l'axe Iran-Syrie-Hezbollah citée par le New York Times, 200 missiles auraient été détruits lors de la déflagration. Les stratèges israéliens soupçonnent l'Iran d'avoir récemment commencé à entreposer des missiles sol-sol sur la base de la 47ème brigade. Ils redoutent que les Gardiens de la révolution ne préparent ainsi leur riposte aux frappes conduites par l'Etat hébreu le 9 février contre la base T-4, près de Palmyre, lors desquelles quatorze personnes dont sept combattants iraniens ont été tués. «Plusieurs options s'offrent à nos adversaires, détaille Amos Yadlin. Ils peuvent frapper Israël au moyen d'un missile balistique tiré depuis l'Iran, la Syrie ou le Liban, préférer une attaque directe à nos frontières ou opter pour une action contre des intérêts israéliens à l'étranger.»
Dans ce contexte de tensions croissantes, l'Iran a choisi de maintenir le flou sur l'étendue de ses pertes après les frappes de dimanche soir. Une agence semi-officielle a annoncé lundi en début de matinée la mort de 18 conseillers militaires iraniens, avant de se rétracter quelques heures plus tard. L'Observatoire syrien des droits de l'homme affirme pour sa part que la plupart des 26 victimes recensées étaient de nationalité iranienne. «Il est possible que Téhéran préfère maintenir une forme d'ambiguïté sur cette attaque pour ne pas avoir à répliquer immédiatement. De leur point de vue, il est essentiel que leur riposte soit efficace ou bien cela sera vécu comme une humiliation», avance M. Yadlin.
Les dirigeants israéliens, qui se disent frustrés de contraster que la Russie n'a pas l'intention de brider les velléités d'implantation militaire durable de l'Iran en Syrie, ont décidé de défendre leurs intérêts par leurs propres moyens. Au cours des derniers mois, ils ont mené au moins cinq frappes contre des sites iraniens - au risque de précipiter un embrasement. «C'est tout le dilemme auquel est confrontée l'armée israélienne, résume Amos Yadlin. Pouvons-nous tolérer que l'ennemi accumule si prêt de nos frontières des systèmes avancés de défense antiaérienne, des drones militarisés et des missiles balistiques? Ou bien est-il préférable d'agir de manière préventive - en sachant que la situation peut déraper à tout moment?»
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Les Lords donnent au Parlement britannique le droit de bloquer le Brexit en l'absence d'accord (30.04.2018)

  • Mis à jour le 30/04/2018 à 19:45 

  • Publié le 30/04/2018 à 19:22
VIDÉO - L'amendement adopté ce lundi par la chambre des Lords donne aux parlementaires la possibilité de décider d'un maintien dans l'Union européenne, en cas d'échec des négociations menées par le gouvernement de Theresa May.
La chambre des Lords britannique, l'équivalent de notre Sénat, a adopté lundi un amendement au projet de loi sur le Brexit donnant au Parlement le pouvoir d'empêcher le gouvernement de quitter l'Union européenne en l'absence d'accord avec Bruxelles. La proposition a été adoptée par 335 voix contre 244. À l'issue de son examen par les Lords, le texte doit revenir dans les prochaines semaines devant les députés, qui l'avaient voté en janvier et qui pourraient donc supprimer ou modifier cet amendement embarrassant pour l'exécutif.
Le gouvernement conservateur de Theresa May avait précédemment indiqué qu'il laisserait certes le Parlement voter sur l'accord de divorce. Mais en cas de rejet, la seule option restante était alors une sortie sans accord, une perspective qui inquiète particulièrement les entreprises britanniques. L'amendement adopté lundi donne aux parlementaires la possibilité «de suggérer de nouvelles négociations», voire de décider d'un maintien dans l'UE, a expliqué le Lord conservateur Douglas Martin Hogg, un des signataires.
Ce vote constitue un énième camouflet pour le gouvernement depuis le début de l'examen du projet de loi par la chambre des Lords, majoritairement pro-UE, et illustre les divisions du parti au pouvoir sur le Brexit. Avant même son adoption, l'exécutif avait prévenu qu'une telle proposition risquait «d'affaiblir la main du Royaume-Uni dans les négociations sur le Brexit», selon un porte-parole de Theresa May.
Courant avril, les «Pairs», non élus, avaient déjà voté pour que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne soit conservée dans la loi britannique, et adopté un amendement remettant en cause le projet du gouvernement de quitter l'union douanière.
Le projet de loi gouvernemental sur le retrait de l'Union européenne est censé permettre au Royaume-Uni de continuer à fonctionner normalement lorsqu'il aura coupé le cordon avec le bloc européen. Il met notamment fin à la suprématie du droit européen sur le droit national britannique et organise la transposition des réglementations européennes.
Barnier brandit le risque d'un échec
Un peu plus tôt lundi, le négociateur en chef du Brexit pour l'Union européenne, Michel Barnier, avait mis en garde contre le «risque» d'un échec des négociations avec Londres sur le Brexit en raison de la question de la frontière irlandaise. «Le cadre de l'accord doit contenir une solution claire et opérationnelle concernant l'Irlande», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. «Tant que nous n'aurons pas atteint cet accord, il y a un risque» que ces négociations n'aboutissent pas, a-t-il ajouté.
S'exprimant à Dundalk, à un jet de pierre de la frontière avec l'Irlande du Nord, il a dit espérer des progrès d'ici les conseils européens de juin puis d'octobre, tout en insistant sur le fait qu'il n'est pas «favorable à repousser davantage» la conclusion d'un accord. Michel Barnier a aussi rappelé que la mise en place de la période de transition prévue de la fin mars 2019 jusqu'au moment de la sortie officielle du Royaume-Uni de l'Union, à la fin décembre 2020, dépendait de la conclusion d'un accord sur la sortie elle-même entre Londres et Bruxelles en octobre prochain.
Brexit : «La décision du Royaume-Uni crée le risque d'un retour d'une frontière dure»
Michel Barnier, le négociateur européen du Brexit, affirme que l'Union européenne doit se préparer au risque que les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE se terminent sans accord.
La crainte d'une frontière interne
Londres comme Bruxelles disent vouloir éviter le rétablissement d'une frontière «dure» entre la province britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande voisine, membre de l'Union, après la sortie britannique de l'UE fin mars 2019. Il s'agit de préserver l'accord de paix de 1998, qui avait mis fin à trois décennies d'affrontements sanglants entre nationalistes et unionistes nord-irlandais, en renforçant les liens entre les deux territoires. Certains craignent également de voir naître une frontière interne si l'Irlande du Nord reste alignée sur la réglementation européenne contrairement au reste du pays.
Dimanche, dans un entretien au journal dominical irlandais Sunday Independent, le responsable européen avait souligné que «le Brexit a créé un problème spécifique en Irlande, il est donc de la responsabilité du Royaume-Uni de présenter une solution pratique». Mais «jusqu'à présent, nous n'avons reçu aucune solution pratique», avait-il déploré. Theresa May est plus que jamais sous pression.
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Nétanyahou accuse l'Iran d'avoir un programme nucléaire secret (30.04.2018)

  • Mis à jour le 30/04/2018 à 20:13 

  • Publiéle 30/04/2018 à 20:10
Lors d'une conférence de presse, le premier ministre israélien a présenté ce qu'il a décrit comme «les copies exactes» de dizaines de milliers de documents originaux iraniens obtenus il y a plusieurs semaines et qui prouveraient que Téhéran cherche à se doter de l'arme nucléaire.
Le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a affirmé ce lundi que son pays disposait de nouvelles «preuves concluantes» d'un programme secret iranien pour se doter de l'arme nucléaire. Le chef du gouvernement israélien, virulent détracteur de l'accord international sur les activités nucléaires de l'Iran, a présenté à la presse, à Tel-Aviv, et en direct devant les télévisions israéliennes ce qu'il a décrit comme «les copies exactes» de dizaines de milliers de documents originaux iraniens obtenus il y a quelques semaines au prix d'une «formidable réussite dans le domaine du renseignement».
Ces documents contenus sur papier ou sur CD et servant de décor à la déclaration de Benjamin Nétanyahou constituent des «preuves nouvelles et concluantes du programme d'armes nucléaires que l'Iran a dissimulé pendant des années aux yeux de la communauté internationale dans ses archives atomiques secrètes», a-t-il dit. Ces documents montrent que, malgré les assurances des dirigeants iraniens affirmant n'avoir jamais cherché à avoir l'arme nucléaire, «l'Iran a menti, et sacrément!», a-t-il déclaré.
L'hypothèse d'un nouvel accord
Benjamin Nétanyahou s'exprimait à l'approche de la date butoir du 12 mai fixée par le président américain Donald Trump pour décider ou non de dénoncer l'accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 par six grandes puissances, dont les États-Unis, avec la République islamique. Lors de sa visite à Washington la semaine dernière, Emmanuel Macron a proposé au président américain de préserver l'accord d'origine et d'ouvrir des négociations pour un nouvel accord élargi. La chancelière allemande Angela Merkel, également en visite aux États-Unis vendredi, a tenté à son tour de convaincre le locataire de la Maison-Blanche.
De son côté, le président iranien, Hassan Rohani, a souligné dimanche que son pays n'accepterait «aucune restriction au-delà de ses engagements» actuels.
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Montée de l'antisémitisme : qui sont les coupables ? (30.04.2018)

Par Gilles William Goldnadel
Publié le 30/04/2018 à 12h18
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Alors que la montée de l'antisémitisme est au cœur de l'actualité depuis quelques semaines et a suscité de nombreuses réactions, Gilles-William Goldnadel déconstruit quelques idées reçues ou raccourcis médiatiques.

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.

Tandis que l'aimable chauffeur de taxi maghrébin qui me ramenait jusqu'à mon domicile jeudi soir m'expliquait sans acrimonie, et manifestement sans savoir à qui il s'adressait , que les juifs, les sionistes, les banquiers et Rothschild étaient à l'origine de la crise économique, je songeais à la vanité du débat médiatique.
La pétition contre l'antisémitisme islamique dans Le Parisien. Un pas dans le bon sens, évidemment, compte tenu notamment de la personnalité des signataires. On peut évidemment, comme dans toute réflexion collective, et c'est mon cas, y contester individuellement ici ou là un concept ou une formulation.
À raison comme à tort. Ainsi, certains linguistes distingués ont fait la fine bouche s'agissant de l'expression «épuration ethnique», appliquée aux juifs quittant en masse la Seine-Saint-Denis. Pourtant, lorsque les trois quarts d'une population pacifique quitte un territoire pour cause de racisme violent, les deux mots employés ne paraissent pas outranciers. Je ne vois pas de notable différence avec les Serbes du Kosovo. J'irai plus loin, s'agissant de la Seine-Saint-Denis, le mot de remplacement aurait pu être employé sans mentir ni faillir. En tout état de cause, l'expression est infiniment moins discutable que celle d'«apartheid», utilisée par Jean-Louis Borloo appliquée notamment au même territoire et qui ne semble pas avoir fait l'objet d'une identique contestation par les linguistes précités. Dans ce cas précis, la comparaison avec la situation juridique et factuelle qui régnait en Afrique du Sud relève à la fois de l'offense aux Français et du mensonge à l'histoire.
S'agissant à présent de l'adresse aux autorités musulmanes françaises de demander de frapper d'obsolescence un texte divin, elle relève du vœu pieux selon moi, et du vœu impie selon ces dernières.
Et j'en viens, précisément, au texte des imams publié dans Le Monde. On pourrait évidemment considérer la réponse outragée comme désespérante, au regard de cette cécité intellectuelle et de cette susceptibilité hors de saison qui aura caractérisé une bonne partie des autorités officielles islamiques tandis que les paroles de haine s'écoulaient et que le sang juif coulait. Il n'empêche qu'on pourrait voir avant tout dans la pétition de la bonne volonté et une sortie du déni. On est loin de l'article collectif de ces intellectuels musulmans pourtant modérés publiés dans le JDD du 31 juillet 2016, et dans lequel ceux-ci faisaient la liste de tous les attentats terroristes commis en France qu'ils flétrissaient, à l'invraisemblable exclusion de ceux perpétrés contre les juifs.
Demander de frapper d'obsolescence un texte divin relève du vœu pieux selon moi, et du vœu impie selon les autorités musulmanes.
Toujours à la décharge des musulmans de France, je rappellerai les réticences d'une partie du monde chrétien (et notamment du clergé proche-oriental) au moment où le pape Jean XXIII supprima définitivement en 1959 la prière pascale contre les juifs «perfides», ou encore lors de Vatican II, lorsqu'il s'agit de condamner à nouveau l'appellation de «peuple déicide», déjà ébranlée par le Concile de Trente en 1566 qui avait précisé que les responsables de la mort du Christ n'étaient pas les Juifs mais bien toute l'humanité pécheresse.
Encore à décharge, cette observation contre l'illusion de ce que le présent débat serait moderne et que les rôles seraient figés. Citons d'abord Ernest Renan après qu'il a rendu un hommage critique au judaïsme: «l'islamisme ne peut exister que comme religion officielle ; quand on le réduira à l'État de religion libre et individuelle, il périra. L'islamisme n'est pas seulement une religion d'État. (…) C'est la religion excluant l'État. L'islam est la plus complète négation de l'Europe ; l'islam est le fanatisme ; l'islam est le déclin de la science, la suppression de la société civile ; l'épouvantable simplicité de l'esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, (…) pour le mettre en face d'une éternelle tautologie: Dieu est Dieu» (De la part des peuples sémitiques dans l'histoire de la civilisation 1862). Mais l'intellectuel réformiste afghan Jamal al-Din Asadâbâdi dans le Journal des Débats lui répondit: «Je ne peux m'empêcher d'espérer que la société mahométane arrivera un jour à briser ses liens et à marcher résolument dans la voie de la civilisation à l'instar de la société occidentale pour laquelle la foi chrétienne, malgré ses rigueurs et ses intolérances, n'a point été un obstacle invincible.»
Ainsi, nous sommes condamnés à espérer.
Et toujours à décharge à l'égard des musulmans modérés de France, j'affirme qu'ils ne sont pas les premiers responsables de cette situation, mais bien davantage ceux que j'ai nommés islamo-gauchistes, qui sont bien plus gauchistes dans leur haine pathologique de l'Occident qu'attachés sincèrement aux musulmans. J'affirme que si ceux-ci, en majesté médiatique, n'avaient fait pas montre d'une bienveillante indulgence à l'égard de l'islam radical et de ses invraisemblables excès, jamais la communauté musulmane organisée n'aurait épousé cet autisme dont on lui fait aujourd'hui un trop tardif grief.
Raison pourquoi, il faudrait bien davantage reprocher aux institutions françaises de la République de demeurer sous cette influence idéologique. Comment accepter, par exemple, que la section presse du parquet de Paris - véritable parquet dans le parquet - ait osé interjeter appel à l'encontre du jugement de relaxe de Georges Bensoussan, poursuivi par ce même parquet parce qu'il avait osé mettre en cause l'antisémitisme islamique? Dans un même ordre d'idées, comment accepter les poursuites de ce même parquet à l'encontre de Nicolas Dupont-Aignan sous le prétexte délirant autant que liberticide que celui-ci ait pu considérer comme invasif l'actuel phénomène migratoire aussi irrésistible que largement illégal?
L'antisémitisme qui tue aujourd'hui en France n'est ni très vieux ni très français.
Je rappellerai que la même section n'a pas bougé le petit doigt de son bras judiciaire lorsque je lui avais déféré ces livres de l'islam radical vendus en grandes surfaces qui appelaient à la mort des juifs des chrétiens et des mécréants.
Vanité des débats intellectuels et médiatiques que l'on voudrait décisifs lorsqu'on voit leur évolution positive, au regard de la récurrence de l'idéologie et des nécessités de la petite politique.
Nul n'est épargné, y compris au sommet de l'Olympe. Ainsi du président jupitérien.
Le voici qui croit devoir expliquer aux étudiants américains que l'antisémitisme criminel actuel serait à la confluence de l'importation du conflit israélo-palestinien, par la voie antisioniste, et de celle du «vieil antisémitisme français». C'est à la fois mésestimer la puissance de l'antijudaïsme islamique et surestimer la vigueur de l'antisémitisme nationaliste occidental discrédité par la Shoah.
L'antisémitisme qui tue aujourd'hui en France n'est ni très vieux ni très français.
À dire le vrai, je suis incapable d'écrire si Jupiter est rendu fou par la folle idéologie anti-occidentale qui lui aura fait dire que la colonisation française en Algérie était un crime contre l'humanité, ou s'il n'est pas prêt à renoncer de bonne grâce à ce front antifasciste qui lui aura servi de martingale gagnante il y a près d'un an.
Le cynisme politique n'excluant pas l'erreur intellectuelle, je ne suis pas obligé de choisir.
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Gilles William Goldnadel

Hautes-Alpes: la préfecture annonce avoir stoppé l'action des Identitaires (30.04.2018)

Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 30/04/2018 à 14h52 | Publié le 30/04/2018 à 14h48
La préfecture des Hautes-Alpes a annoncé ce lundi avoir "empêché" des militants de Génération Identitaire (GI) de "poursuivre" leurs patrouilles anti-migrants à la frontière franco-italienne, ce que conteste le groupuscule d'extrême droite.
Depuis le 21 avril et une première manifestation hostile aux migrants au col de l'Échelle, au-dessus de Briançon, ces militants qui agissent sous la bannière du mouvement "Defend Europe" affirment sillonner la région pour "veiller à ce qu'aucun clandestin ne puisse rentrer en France".
Selon leurs dires, ils ont "raccompagné" quatre clandestins à la frontière dans la nuit du 26 au 27 avril puis en ont signalé sept autres à la police la nuit suivante.
Selon la préfecture, "huit membres" de Génération identitaire ont à nouveau, dans la nuit du 28 au 29 avril, "tenté de se faire passer pour des supplétifs de l'État" en surveillant la frontière, alors que leur mouvement "n'est en rien habilité à agir dans ce domaine" et que cela leur a été "clairement signifié" à "plusieurs reprises".
Une entrave aux services de l'État
Les forces de l'ordre "leur ont donné ordre de stopper immédiatement leurs agissements néfastes, qui ne servent à rien dans la lutte contre l'immigration irrégulière, constituent au contraire une entrave pour les services de l'État à la bonne réalisation de leur mission et ne font qu'exacerber les tensions autour de la question migratoire", indique un communiqué de la préfecture.
"GI a ainsi été empêché de poursuivre son action", assure la préfecture, selon laquelle le groupe a "déclaré quitter les lieux en fin de nuit" de samedi à dimanche, et "n'a plus été observé à la frontière haut-alpine depuis lors". "Les services de l'État restent extrêmement vigilants", ajoute-t-elle.
Un porte-parole de GI a démenti que les militants avaient mis fin à leurs patrouilles, d'autant, a-t-il dit, que celles-ci ne sont pas répréhensibles pénalement. "Nos équipes sont toujours sur place, leur mission continue et nous n'avons pas reçu de demande de partir", a déclaré Romain Espino, évoquant une "vingtaine de militants", en majorité des Français.
"Juridiquement, on peut intervenir car on a la loi de notre côté et l'article 73 du code pénal protège notre action", a-t-il ajouté. Cet article stipule que "dans les cas de crime ou délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche".

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