samedi 23 juin 2018

Macron contre la culture française

A chacun son choix, #MACRON #POUTINE .  L’un assume ses racines, l'autre les brade contre des voix.
(Droit du Sang @07keiler, 22 juin)



















Emmanuel Macron et le reniement de la culture française (06.02.2017)
  • Par  Yves Jégo 

  • Mis à jour le 07/02/2017 à 15:39 

  • Publié le 06/02/2017 à 17:05

FIGAROVOX/TRIBUNE - À Lyon ce dimanche, Emmanuel Macron a lancé : «Il n'y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse». Pour Yves Jégo, la spécificité de la culture française est ce qui nous permet notamment de ne pas nous perdre dans le matérialisme.


Ancien secrétaire d'État chargé de l'Outre-mer, Yves Jégo est député de Seine-et-Marne et maire de Montereau-Fault-Yonne.

Partout dans le monde on sait qu'il y a une culture française et on aime la France pour sa culture. Seul l'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée en meeting à Lyon semble l'ignorer lorsqu'il déclare qu'«il n'y a pas une culture française, il y a une culture en France et elle est diverse».
Cette déclaration n'est pas anecdotique, elle est même le signe inquiétant d'une vision destructrice de ce qui fait depuis toujours la spécificité de notre pays.
Prétendre qu'il n'y a pas de culture française mais une culture en France est le fruit d'un reniement profond qui revient par déduction à expliquer qu'il n'y a pas de langue française mais une langue en France qui serait par nature diverse.
Notre langue française est aujourd'hui la seule, avec l'anglais, présente sur tous les continents
On mesure tout de suite l'énormité du propos. Notre langue française est aujourd'hui la seule, avec l'anglais, présente sur tous les continents et par conséquent l'un des vecteurs de notre spécificité culturelle.
La langue française est singulière et pourtant sans effacer les langues de France, les langues régionales, les créoles, elle nous lie et nous relie au monde.
Oui, il y a bien une culture française et elle est riche, diverse, vivante, elle est singulière et ouverte, elle l'a toujours été.
Quand nous affirmons, qu'il y a une culture française ce n'est pas parce que nous prétendons qu'elle est supérieure aux autres, c'est parce que nous savons qu'être Français c'est partager une culture commune, une langue bien spécifique et l'esprit de la République.
Affirmer l'existence d'une culture française c'est concevoir la culture comme un bien commun
Affirmer l'existence d'une culture française c'est concevoir la culture comme un bien commun.
Dans la formule de l'ancien banquier d'affaires, ce qui est le plus troublant et au fond révélateur, c'est cette idée qui est à la base du communautarisme si contraire à l'esprit de notre République, selon laquelle chacun porte sa propre culture et que notre pays doit s'arranger de ces diversités qui ne partagent plus rien de commun.
Non, l'essentiel, le fondamental, c'est notre capacité à faire vivre une culture commune, de la chérir et de l'enrichir ensemble.
Alors oui, il existe bien une culture française spécifique et unique, née d'un subtil et puissant mélange issu de notre histoire et de ceux qui ont forgé la nation française.
Dire qu'il n'y a pas de culture française c'est ramener la France à une société sans personnalité consommatrice de produits culturels mondialisés
Certes, la culture française n'est pas figée, elle évolue en permanence mais faut-il nier pour autant son existence?
Dire qu'il n'y a pas de culture française c'est ramener la France à une société sans personnalité consommatrice de produits culturels mondialisés et incapable de déployer sa singularité.
Si comme semble le penser l'ancien inspecteur des Finances il n'y a pas de culture française, il n'y a alors pas non plus d'exception culturelle française, ce qui sous-entend une inquiétante soumission aux normes anglo-saxonnes et viendrait clore à notre détriment un combat que la France mène sur toutes les scènes internationales.
Cette saillie sur l'absence de culture française est en fait révélatrice d'un dogme qui s'applique déjà à l'économie et détruit peu à peu le produit en France, ruine notre appareil de production.
L'ancien ministre de l'Economie rejoint cette frange ultralibérale du monde économique qui pense qu'un produit est français même s'il est fabriqué en Chine où ailleurs
L'ancien ministre de l'Economie rejoint cette frange ultralibérale du monde économique qui pense qu'un produit est français même s'il est fabriqué en Chine où ailleurs.
Design in California but Made in China, telle est la philosophie d'Apple entreprises globalisées et de bien d'autres entreprises actrices de la mondialisation.
Cette dérive explique sans doute à la fois leurs profits gigantesques mais aussi en grande partie le retour du populisme qui a porté Donald Trump au pouvoir et risque de faire de même pour Marine Le Pen.
À force de voir niées leur spécificité nationale, les peuples se rebellent et le nationalisme resurgit sous une forme brutale.
Entre la vision protectionniste de ceux qui pensent que la France ne peut survivre que dans la restauration nostalgique d'un pays séparé du monde et la vision mondialiste dont le «néolibéralisme» d'Emmanuel Macron dans sa négation de la singularité culturelle française est l'expression, je crois en la singularité culturelle française qui est celle d'une France exigeante et ouverte, soucieuse d'enrichir sa civilisation, une France qui n'oublie pas que sa singularité culturelle est un atout pour sa croissance et pour son rayonnement au-delà de ses propres frontières. Cest ce rapport à la culture française qui nous interdit de nous oublier dans le mépris des autres ou de nous perdre dans le matérialisme.
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Quand Macron confond peuple et civilisation (22.03.2017)
  • Par  Claude Sicard 

  • Publié le 22/03/2017 à 19:55
FIGAROVOX/TRIBUNE- Emmanuel Macron avait publié dans Le Figaro une tribune en réponse aux critiques suite à ses déclarations sur la culture française. Pour Claude Sicard, le candidat souhaite que les Français cessent de défendre leur culture.

Consultant international, expert des problèmes de développement, Claude Sicard est l'auteur de Le face à face islam chrétienté: quel destin pour l'Europe? et L'islam au risque de la démocratie, aux éditions F.X de Guibert.

Dans le figaro du 17 Mars, Emmanuel Macron a publié un article en réponse aux indignations qu'a soulevé sa déclaration dans un meeting à Lyon par laquelle d'une manière tout à fait surprenante il affirma : «Il n'y a pas de culture française». Quelque temps après, dans une réunion avec la colonie française de Londres, il aggrava son cas en formulant une nouvelle ineptie : «L'art français, je ne l'ai jamais vu». De telles affirmations sont quelque peu inattendues dans la bouche d'un candidat qui brigue l'accès à la plus haute fonction dans notre pays, et il faut tenter de comprendre la réelle signification de son message.
Sa démonstration, extrêmement habile, a pour objectif de plaider pour un monde ouvert où les nations disparaîtraient en se dissolvant dans le mondialisme.
Emmanuel Macron veut nous convaincre que la notion d'identité française est archaïque, et qu'il n'y a pas lieu de s'y accrocher. Dans son article il explique que les cultures évoluent en intégrant sans cesse de nouveaux apports étrangers, et il cite un certain nombre d'exemples : Joseph Kessel, Marie N'Diaye, Leila Slimani… pour ce qui est de la littérature française. Et il en est de même dans les arts. La culture française, nous dit-il, «n'a cessé de se réinventer». Il ne faut pas s'en étonner, d'après lui, puisque «le fondement de la culture française c'est de prétendre à l'universel». Toute sa démonstration a pour but de railler les tenants de l'invariance (de l'identité française) qu'il affuble de différents noms d'oiseaux : des «réactionnaires», des «aigris», des «rétrogrades». Bref des gens qui ne connaissent pas l'évolution du monde. Sa démonstration, extrêmement habile, comme toujours, peut en piéger plus d'un : elle a pour objectif de plaider pour un monde ouvert où les nations disparaîtraient en se dissolvant dans le mondialisme.
Le tour de passe-passe que nous joue Emanuel Macron dans cet article est monté comme tous les tours de prestidigitation où un habile manipulateur fait aux yeux de tous disparaître mystérieusement un objet pour en faire jaillir subitement un autre, au grand étonnement d'un public ébahi. Comment donc notre candidat à l'élection présidentielle procède-t-il dans son article? Il fait disparaître sous nos yeux sans que nous nous en apercevions la notion de «civilisation» pour lui substituer subrepticement celle de «peuple» .Et personne n'y voit rien: il s'agit tout simplement de mots, dont le public ne sait pas très bien d'ailleurs ce qu'ils signifient, et hop, le tour est joué. En avant donc pour cesser de défendre notre identité et nous fondre dans le magma d'une culture universelle.
Le concept de civilisation est fondamental en anthropologie, alors que celui de « peuple » inventé par Emmanuel Macron, n'existe pas.
Pour percevoir où se situe le piège, et le déjouer, il faut nous en référer à quelques notions simples d'anthropologie, cette branche passionnante des sciences humaines qui étudie comment l'homme vit en société. Le concept de civilisation est fondamental en anthropologie, alors que celui de «peuple» inventé par Emmanuel Macron, n'existe pas. Les anthropologues nous disent que l'histoire des hommes est celle des civilisations. Il faut donc bien comprendre ce qu'est une «civilisation.» L'anthropologue Rodolfo Stevenhagen nous dit : «C'est l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérise une société.» Et Spengler, de son côté, expliquait dans son fameux ouvrage sur le déclin de l'Occident : «Chaque civilisation est une expérience unique, un art, une science, une façon de penser, qui sont incompréhensibles en dehors de l'esprit qui l'anime» . Il faut bien voir qu'à l'intérieur de chaque civilisation il existe des cultures différentes : par exemple la culture en Europe des pays latins n'est pas la même que celle des pays du Nord, car les uns sont catholiques et les autres protestants : mais tous sont des chrétiens, et ces peuples relèvent de la même civilisation. Il ne faut donc pas confondre, ce que l'on fait très souvent, les concepts de «civilisation» et de «culture».
Dans le monde actuel il existe sur notre planète plusieurs civilisations : cinq civilisations différentes, selon les uns, sept, selon d'autres, et notre civilisation, la civilisation occidentale, est l'une d'elles, et sans doute la plus importante. Elle existe depuis le début de l'ère chrétienne. Dans le passé, il y eut diverses autres civilisations qui ont eu chacune leur heure de gloire, puis, un jour, ont décliné puis disparu.
Chaque civilisation, nous disent unanimement les anthropologues, est fondée sur une religion.
Chaque civilisation, nous disent unanimement les anthropologues, est fondée sur une religion : et ce constat est fondamental. Le christianisme, pour ce qui est de notre civilisation occidentale, l'islam, pour ce qui est de la civilisation musulmane, etc…. Notre civilisation, comme toutes les autres a, bien sûr, au cours du temps, évolué. Parmi les événements les plus marquants il y eut avec la Révolution française de 1789 ce que le philosophe Marcel Gauchet a appelé une «sortie de religion». Ce fut un virage très important, mais il n'a rien changé aux fondements de notre civilisation : les valeurs chrétiennes se sont simplement laïcisées, par réaction contre les pouvoirs abusifs que s'étaient arrogés sous l'ancien régime les membres du clergé catholique. Ces valeurs continuent à constituer la colonne vertébrale de notre civilisation. On a inscrit dans le marbre les trois valeurs fondamentales dans lesquelles se retrouvent tous les citoyens du pays : liberté, égalité, fraternité. Ce sont des valeurs chrétiennes, et la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 est fondée, elle aussi, sur les valeurs amenées au monde par le christianisme.
Ce qui explique que dans l'évolution de toute civilisation il existe un certain nombre d'invariants, c'est le fait que chaque civilisation est, par définition, fondée sur une religion. Chaque fois les croyances religieuses ont instillé des valeurs et des manières de voir le monde, ainsi que de vivre ensemble qui sont spécifiques. Si l'on change ces valeurs qui ont été créatrices, on change de civilisation. Avec le remplacement que fait Emmanuel Macron du concept de «civilisation» par celui de «peuple», l'auteur de l'article se dégage des enseignements que nous donnent les anthropologues sur les racines des civilisations et sur l'évolution de celles-ci. Emmanuel Macron nous plonge ainsi dans le doute, et cela lui permet de plaider pour un univers mouvant où rien ne se perpétue. L'auteur veut nous accoutumer à l'idée que l'on s'achemine inéluctablement vers une civilisation mondiale où les peuples perdront leur identité et seront indifférenciés.
Soyons donc prudents pour ne pas tomber dans le piège ainsi tendu. Le philosophe Guy Coq, fondateur de la revue Esprit a expliqué qu'une civilisation devait avant tout «veiller aux causes internes de sa propre destruction». La thèse défendue par Emmanuel Macron dans son article est pernicieuse : elle relève de ces courants qui conduisent à la destruction d'une civilisation. Souvenons-nous de cet avertissement lancé au XVIIIème siècle par le philosophe italien Giambatista Vico : «L'adhésion aveugle à des convictions fausses présentées sous le couvert de vérités est la principale cause du déclin d'une civilisation».
Puisse cet avertissement être entendu par les princes qui, demain, nous gouverneront.
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Angus Deaton : « Les Blancs non diplômés sont les nouveaux persécutés » (18.06.2018)
Réputé pour ses travaux sur le bien-être des populations, l'économiste, Prix Nobel 2015, s'alarme de la hausse de la mortalité des Blancs américains.
Propos recueillis par Clément Lacombe et Thomas Mahler
Modifié le 18/06/2018 à 11:51 - Publié le 18/06/2018 à 07:00 | Le Point
Entrevue. « Le Point » a rencontré Angus Deaton le 15 mai, à Paris. Ce spécialiste de la microéconomie s’attache à étudier au plus près les comportements individuels.

Longtemps, on a lu Angus Deaton pour recevoir une dose d'optimisme. Pour se souvenir de la condition originelle de l'être humain, se rappeler combien la famine, la maladie et la mort ont été longtemps ses compagnons de route. Et mesurer combien le progrès et la science ont changé la vie de plusieurs milliards d'individus. Dans son essai La Grande Évasion (PUF, 2016), le Nobel d'économie aime, par exemple, expliquer qu'un enfant sur deux né aujourd'hui dans un pays riche pourrait être centenaire quand 20 % des filles nées aux États-Unisen 1910 sont mortes avant leur cinquième anniversaire e...

La laïcité: guillotine de l'islam républicain?
  • 7 AOÛT 2013


Un article du Monde daté du 5 août « dévoile » une nouvelle idée lumineuse du Haut Conseil à l’Intégration : interdire le port du voile (islamique bien sûr, quoi d’autre ?), cette fois à l’université.

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Un article du Monde daté du 5 août « dévoile » une nouvelle idée lumineuse du Haut Conseil à l’Intégration : interdire le port du voile (islamique bien sûr, quoi d’autre ?), cette fois à l’université.
Passons sur le fait que le HCI est un organisme public censé promouvoir l’intégration. Passons aussi sur le fait, évident, que si elle était traduite dans une loi, une de plus, celle-ci serait discriminatoire à l’encontre d’une catégorie de la population. Passons encore sur le fait que l’université n’est pas l’école, que les étudiants sont des personnes majeures, que leur liberté n’a pas vocation à y être entravée, conformément d’ailleurs à l’article 50 de la loi du 26 janvier 1984 qui reconnaît aux étudiants le droit d’exprimer, avec toutes les restrictions nécessaires (prosélytisme, troubles à l’ordre public, etc.), leurs convictions religieuses. Passons enfin sur le fait que les présidents d’universités n’ont jamais fait état de problèmes particuliers sur ce plan, ce qu’a d’ailleurs rappelé le président de la Conférence des Présidents d’Universités (CPU) Jean-Loup Salzmann.
Ce qui est intéressant dans cette nouvelle affaire, ce n’est pas tant cette nouvelle idée stupide, qui sera d’ailleurs rapidement enterrée, émanant d’un organisme qui se cherche de nouvelles raisons d’exister, que ce qu’elle révèle de ce que l’on nomme aujourd’hui « laïcité ».
De la loi proscrivant le port de signes religieux ostensibles à l’école en 2004 à la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public, en passant par les innombrables polémiques autour de la viande halal dans les cantines ou des salariées des crèches privées comme dans l’affaire Baby-Loup, c’est en effet au nom de la laïcité que les pouvoirs publics et les responsables politiques ont prétendu agir.
En vérité, il faut bien le reconnaître, depuis 25 ans et la première affaire dite du « voile islamique » à Creil, c’est contre l’islam et les musulmans que le principe de laïcité a exclusivement fonctionné. En vérité, la laïcité est désormais en France le faux nez et l’argument apparemment consensuel d’une congrégation de hérauts qui, de l’extrême droite à l’extrême gauche, et pour des raisons différentes, ne supportent pas que l’islam, et l’islam seulement, gagne du terrain en France. Au mieux ceux-là agissent au nom d’une sécularisation intégrale de la société qui ensevelit toutes formes de croyances sous le tapis de la Raison républicaine, quand bien même celle-ci patauge. Au pire, ils brandissent l’étendard de la laïcité pour mieux masquer leurs arrière-pensées racistes ou, si l’on préfère, différentialistes.
Au fond, ce que l’on appelle aujourd’hui laïcité n’a plus rien de laïc. Il y a un siècle, la laïcité était un principe d’apaisement, d’équilibre, ainsi d’ailleurs que l’exprime la loi de 1905 dans ses deux premiers articles : la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes ; la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
Trois piliers fondaient ainsi cette laïcité « à la française ». D’une part, il s’agissait de faire en sorte que l’Etat, par sa neutralité et son impartialité, soit sécularisé et ne s’immisce plus dans les affaires religieuses, du seul apanage des Eglises, afin de mettre définitivement un terme à toute tentation césaro-papiste. D’autre part, la liberté de culte, corollaire de la liberté de conscience, ou d’opinion, consacrée par l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et chèrement acquise au cours de notre histoire, était garantie. Enfin, aucun culte ne l’emportait sur les autres : toutes les religions étaient réputées égales entre elles.
Un siècle plus tard, le seul pilier de la sécularisation demeure debout. Les autres ont volé en éclats. Aujourd’hui, c’est ainsi au nom de la laïcité que l’Etat, censé être impartial, tente de régenter les affaires musulmanes à travers le branlant CFCM et assomme la liberté de culte à l’aide d’une massue discriminatoire qui frappe toujours les mêmes visages, que ceux-ci soient d’ailleurs voilés ou non. Quant à l’égalité entre les cultes, il n’y a qu’à considérer les territoires du culte, les lieux où l’on prie, pour prendre acte du fait qu’elle n’est qu’un mythe.
Les raisons de ce renversement sont nombreuses. La religion musulmane est dynamique en France tandis que les autres religions s’essoufflent, en particulier la religion catholique, majoritaire. L’islam gagne en visibilité et, parce qu’il offre aux plus démunis un sens, une identité, une transcendance, il concurrence un idéal républicain qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Enfin, et il ne faut pas l’omettre, le radicalisme islamique qui prospère partout où il peut s’enraciner sur fond de misère et de relégation est une source d’effroi pour des opinions publiques fragilisées par la crise économique et la dissolution des repères traditionnels. L’islam radical est ultra-minoritaire en France, mais sa dramatique visibilité de par le monde trouble légitimement les consciences et biaise les perceptions.
Pour autant, ces peurs et incompréhensions, aussi légitimes soient-elles, doivent-elles conduire à inverser la portée de la laïcité pour en faire, au lieu d’un principe d’apaisement, un rempart contre l’islam ? La lutte nécessaire contre des pratiques religieuses extrémistes, à l’instar de la burqa, doit-elle se faire en mettant à l’index, si j’ose dire, une population entière dont une fraction importante subit de plein fouet le chômage et la pauvreté, avec pour conséquence de les marginaliser, et donc peut-être de les radicaliser davantage ?
De lois en polémiques, la laïcité est ainsi devenue l’euphémisme d’un athéisme idéologique qui se confond avec une islamophobie rampante, divise notre pays, les croyants des incroyants, les musulmans des autres.
Le problème, alors, n’est pas tant l’exercice d’une conviction religieuse que la liberté, celle de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer. Chacun doit comprendre que derrière ce bout de tissu que l’on appelle « voile islamique » se dissimule cette fragile lueur, toujours en péril, qui est au fondement de notre nation et fait que nous pouvons être fiers de ce que nous sommes : la liberté. Pour combien de temps encore ?

Emmanuel Macron : «Pourquoi nous sommes un peuple» (16.03.2017)

Par Emmanuel Macron
Mis à jour le 16/03/2017 à 18h29 | Publié le 16/03/2017 à 18h22
TRIBUNE - Le candidat à l'Élysée répond aux critiques qui lui sont adressées après sa déclaration affirmant qu'« il n'y a pas une culture française, il y a une culture en France, et elle est diverse ».
En quoi sommes-nous un peuple? Depuis plusieurs années, des groupes et des responsables politiques nous empêchent de répondre à cette question vitale pour la survie du projet français.
Les uns font leur nid au creux de notre identité. Leur premier combat fut de stigmatiser ceux qui ne leur ressemblaient pas et leur première victoire fut la naissance du ministère de l'Identité nationale. Alors que depuis toujours notre culture prétend à l'universel, ils l'ont réduite à une lignée. Alors qu'elle n'a cessé de donner aux individus les moyens de leur autonomie, ils l'ont enchaînée à une religion. Alors qu'elle s'est bâtie dans la richesse des formes et la pluralité des arts, ils l'ont rétrécie à un étroit corpus d'œuvres et d'auteurs.
Je crois qu'il est urgent de sortir de l'alternative mortifère dans laquelle nous nous sommes enfermés
D'autres tentent au contraire de renier et de dissoudre la Nation française. Ils croient à des particularismes indépassables et imaginent que leur religion, leur communauté et les lois qu'ils se donnent sont supérieures à la République. Eux aussi sont les promoteurs du repli, du déni et de l'enfermement. Ils ne voient pas que le communautarisme est l'autre nom du ghetto.
La crise qui dure est économique et sociale. Mais elle est également civilisationnelle et morale. C'est pourquoi je crois qu'il est urgent de sortir de l'alternative mortifère dans laquelle nous nous sommes enfermés.
Si les Français forment un peuple, ce n'est pas parce qu'ils partagent une identité figée et rabougrie.
Le fondement de la culture française, c'est une ouverture sans pareil. Notre culture est toujours parvenue à se dépasser elle-même, à voguer vers le neuf, l'imprévu, l'inconnu. Elle n'a cessé de se réinventer face à l'abîme, se portant toujours là où on ne l'attendait pas. C'est pourquoi le terme même d'identité ne peut être accolé à celui de «culture française». L'identité promue par nos réactionnaires, c'est l'invariance, la sèche continuité. «En art, il n'y a pas d'étrangers», disait Brancusi. C'est pourquoi j'ai pu dire qu'il n'existe pas une culture française, comme si l'on pouvait réduire tant de richesses à un visage unique, à une parole univoque, à une histoire uniforme. La culture française est un fleuve nourri de confluents nombreux, la rencontre de la tradition et de la modernité.
Le fondement de la culture française, c'est de prétendre à l'universel.
Si les Français forment un peuple, ce n'est pas non plus parce qu'ils coexistent passivement.
Le fondement de la culture française, c'est de prétendre à l'universel. Aller vers Hugo, Gide, Duras, Glissant ou Yourcenar, c'est l'inestimable opportunité donnée à chacun de vivre la vie des autres, de dépasser sa condition. C'est la raison pour laquelle la France est plus qu'une somme de communautés. Elle est cette idée commune, ce projet partagé, dans lesquels chacun, d'où qu'il vienne, devrait pouvoir s'inscrire.
Partir de ce que nous avons en commun: voilà le cœur de mon projet présidentiel.
Ce que nous avons en commun, d'abord, c'est la langue française. C'est elle, notre territoire. Savoir lire et écrire, ce n'est pas seulement augmenter ses chances de trouver un emploi. C'est d'abord s'enraciner en France, dans notre Nation. Parler français, penser en français, sentir en français est le viatique véritable pour tout individu désireux de s'inscrire dans la République. «Ma patrie, c'est la langue française», disait Albert Camus: c'est cette patrie qui nous fait grands, qui nous fait rayonnants. La langue française n'est pas un vecteur de rejet. Elle est la condition de notre projet. C'est pourquoi notre pays triomphe lorsque ses écrivains se nomment aujourd'hui Marie NDiaye, Leïla Slimani, Alain Mabanckou et hier Joseph Kessel, Henri Troyat, Guillaume Apollinaire. Et lorsqu'ils ne sont pas français, mais ont pour nom Léopold Sédar Senghor, Kateb Yacine, Ahmadou Kourouma, Salah Stétié, c'est que nous avons réussi à faire rayonner notre meilleure part.
Ce que nous avons en commun, ensuite, c'est l'héritage culturel de notre pays. Autant je veux lutter contre une conception de la culture comme identité qui exclut, comme monde fermé aux autres, autant je voudrais redire aux Français qu'ils doivent être fiers de leur héritage. Or, parcourant le pays depuis des mois, que vois-je? Je vois une France qui n'a pas renoncé à perpétuer les arts et les lettres qui l'ont faite si grande. Elle continue de s'enorgueillir de ses écrivains, de ses peintres, de ses architectes, de ses musiciens, qui forgent, façonnent, dessinent les contours et les reliefs de notre pays.
Ne croyons pas les professionnels du pessimisme, des regrets : la culture française conserve son rang parmi les nations.
Ce que nous avons en commun, enfin, c'est une ambition folle. Cette volonté d'accéder à l'universel est un projet qui nous dépasse. Il n'est pas une université au monde qui ne convie nos romanciers, pas une ville qui ne passe commande à nos architectes, pas un salon sans nos peintres, pas un concert sans que soient joués nos compositeurs. Ne croyons pas les professionnels du pessimisme, des regrets: la culture française conserve son rang parmi les nations. Elle reste ce modèle vers lequel tournent les yeux ceux qui cherchent un surcroît de sens. Elle est ce havre où la liberté de l'esprit est une réalité. Mais il y a plus. Dans ce monde qui change si profondément, qui menace d'effacer les frontières, de nous fondre de façon indistincte, notre culture est un atout maître. Par elle nous savons dialoguer avec le monde. Grâce à elle, nous savons que la puissance des valeurs est plus grande que les forces de l'argent. Avec elle, nous avons conscience que la diversité n'est pas une faiblesse mais une force.
Dans ce siècle qui prend forme sous nos yeux, la première exigence est de savoir ce que nous avons à faire ensemble. Ne nous laissons pas dissuader par les aigris et les rétrogrades. Regardons en face qui nous sommes, notre appartenance commune. C'est ainsi que nous pourrons nous dépasser, bâtir ensemble, comprendre le monde, influencer sa marche et faire entrer la France dans cette ère nouvelle.
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Emmanuel Macron

Bérénice Levet : «Emmanuel Macron ne voit ni l'art, ni la culture, ni la France» (24.02.2017)

  • Mis à jour le 07/03/2017 à 18:42 

  • Publié le 24/02/2017 à 15:52
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - A Londres, Emmanuel Macron a déclaré : «L'art français, je ne l'ai jamais vu». Pour la philosophe Bérénice Levet, le candidat d'En Marche révèle par cette formule qu'il est le héraut d'un multiculturalisme postnational.


Bérénice Levet est docteur en philosophie et professeur de philosophie au Centre Sèvres. Elle a notamment publié La théorie du genre ou le monde rêvé des anges, publié chez Grasset en novembre 2014 et réédité en 2016 dans une version «Poche» chez Hachette, avec une préface inédite de Michel Onfray. Son dernier essai, Le crépuscule des idoles progressistes, vient de paraître chez Stock.

FIGAROVOX. - Après avoir déclaré à Lyon qu'«il n'y avait pas de culture française » car les cultures sont «plurielles », Emmanuel Macron, en visite à Londres, a surenchéri: «L'art français, je ne l'ai jamais vu ». Avez-vous déjà vu l'art français?
Bérénice LEVET. - Assurément. On ne se contentera pas d'égrener quelques noms mais malgré tout, donnons de la chair à cette réalité bien vivante qu'est l'art français. Il s'incarne dans les œuvres de Nicolas Poussin, Watteau, Fragonard, Ingres, Delacroix, Monet, Cézanne, Vuillard, Bonnard, Nicolas de Staël, Picasso.
Je conseillerai à Emmanuel Macron, notamment si l'élection présidentielle interrompait sa marche ou plutôt sa fuite en avant, - ce que l'on ne peut qu'espérer pour la France car confier ses destinées à un homme qui nie qu'elle ait quelque identité culturelle serait fort inquiétant , nous y reviendrons sans doute -, je lui conseillerai donc d'aller visiter le musée du Louvre, les salles du département des peintures françaises du XVIIe siècle, il y découvrira l'esthétique classique qui fait la spécificité des peintres de Louis XIII et de Louis XIV ; celles du XVIIIe qu'il gagnera à visiter escorté par les salons de Diderot.
Nietzsche a magnifiquement résumé l'esprit du XVIIe siècle qu'il admirait tant : ne jamais se laisser aller, même seul avec soi-même.
Il y a une unité et une continuité, une sorte de fil qu'on peut dévider depuis Fouquet jusqu'à Balthus. L'art français, écrit l'historien d'art André Chastel, «se tient à bonne distance de l'extravagance et du ‘'visionnaire'', l'émotion forte n'est pas leur fait. Le lyrisme est toujours un peu bridé (…) les troubles de l'émotion sont toujours filtrés à travers l'élégance rêveuse ou la dignité du ton».
Être français, soit dit en passant, devrait signifier se sentir les obligés de cette passion de la forme. Nietzsche a magnifiquement résumé l'esprit du XVIIe siècle qu'il admirait tant: ne jamais se laisser aller, même seul avec soi-même.
Cette peinture, son esthétique fait écho à notre philosophie, notre littérature, nos jardins dits précisément «à la française»: Descartes, Corneille, Racine, La Fontaine, Bossuet, Le Nôtre forment une seule et même constellation.
Quels rapports existent entre l'art et la nation?
Il n'est pas en France, de Tintoret, de Füssli, de Goya et, puisque M. Macron était en Angleterre, citons des peintres anglais, il n'est pas de Hogarth, pas de Gainsborough. Et c'est cela qui est exaltant, chaque esthétique nous dévoile, nous découvre, nous révèle des aspects du réel qui, lui, nous est commun.
Ce qu'ignore plus que tout Emmanuel Macron, c'est que les peintres eux-mêmes se sont plu à exalter notre drapeau tricolore.
Ce qu'ignore sans doute plus que tout Emmanuel Macron, c'est que les peintres eux-mêmes se sont plu à exalter notre drapeau tricolore. Dans Les couleurs de la France (Éditions Hoëbeke) , un ouvrage collectif consacré au drapeau français, paru en novembre 2016 mais passé quasi inaperçu - comme si un an après les attentats islamistes du Bataclan et des terrasses de café, brandir l'étendard national n'était plus de mise -, je recommande au candidat d'En Marche, là encore de s'arrêter et de lire l'essai de Jérôme Serri, «Le drapeau célébré par nos plus grands peintres»: «Il se pourrait bien, écrit l'ancien directeur du Fonds Régional d'Art Contemporain, que notre pays soit le seul au monde à posséder un drapeau dont la signification emblématique serait double. Symbole d'une révolution politique, il pourrait l'être d'une autre révolution, esthétique celle-là», hypothèse que l'auteur s'emploie à établir à travers une centaine de tableaux, depuis les impressionnistes jusqu'à Picasso.
Paris a été au XIXe siècle le lieu de révolutions picturales décisives pour tout l'art du XXe siècle.
On rappellera également, et l'exposition Chtchoukine qui se tient actuellement à Paris en offre une remarquable illustration, que Paris a été au XIXe siècle le lieu de révolutions picturales décisives pour tout l'art du XXe siècle, révolution de la couleur et de la lumière avec les impressionnistes, et révolution de la couleur et de la forme avec Cézanne. Malraux le rappelait, Au XVIIe siècle, les peintres faisaient le voyage de Rome. À la fin du XIXe et au début du XXe, tous feront celui de Paris.
Attention, qu'on ne mésinterprète pas mon propos. L'art, le grand art, a une portée universelle, il n'est pas le produit des lieux qui l'ont vu naître ; le peintre, le grand peintre n'est pas l'instrument par lequel le génie d'une nation s'exprimerait. C'est l'inverse qui est vrai, c'est dans les œuvres d'art que nous prenons conscience de nous-mêmes, de ce qui fait l'identité d'un peuple.
Jean-Jacques Aillagon a pris sa défense dans Le Figaro en remarquant: «Jean-Baptiste Lully n'est-il pas Florentin? Une grande partie de la grande aventure de l'art français du XXe siècle n'a t-elle pas été accomplie par des étrangers? (...) Cette prodigieuse diversité ne nous vient pas seulement des horizons lointains du monde». Cet argument est-il valide?
Non, cet argument n'est en rien valide. Assurément Chagall, Nicolas de Staël, Brancusi sont-ils des émigrés, mais lorsqu'ils choisissent de rejoindre Paris et nulle autre capitale, c'est l'admiration qui les meut. Paris s'impose alors, je l'ai dit, comme le lieu le plus favorable à l'exercice de leur art, elle a été la capitale des arts au XIXe siècle, avec l'impressionnisme, elle est le lieu de la révolution de la couleur, de la lumière, Manet, Monet, Renoir renouvellent notre appréhension du réel - qu'on relise Proust, et ce que le narrateur doit au peintre Elstir - et Cézanne vint, dont tous les courants picturaux du XXe siècle sont issus.
Ces peintres émigrés ne viennent pas «enrichir de leurs différences» l'art français, ils viennent déjà s'en nourrir et aspirent à lui donner une suite.
Le point essentiel ici, que Jean-Jacques Aillagon et Emmanuel Macron acquis à l'idéologie multiculturaliste ne parviennent plus à penser, est que ces peintres ne viennent pas «enrichir de leurs différences» l'art français, ils viennent s'en nourrir et aspirent à lui donner une suite. Les vertus d'humilité et de fidélité à une histoire sont premières chez les grands artistes. Ils se sentent d'abord les obligés des morts. «Ce sont nous, les peintres, disait Picasso, les vrais héritiers, ceux qui continuent à peindre» et il ajoutait: «un peintre a toujours un père et une mère, il ne sort pas du néant». Le dogme d'une créativité originelle leur est parfaitement étranger. Ils copient Poussin, Delacroix, Cézanne afin de pénétrer le secret de leur art, d'en déchiffrer l'énigme et c'est dans la confrontation avec les maîtres qu'ils découvrent leur originalité, si originalité il y a. Car contrairement à ce que l'égalitarisme contemporain veut nous faire accroire, le don de l'art est extrêmement rare.
À travers ces remarques, Emmanuel Macron ou ses proches ne font-ils pas le procès de l'assimilation et n'ouvrent-ils pas la voie au multiculturalisme?
Emmanuel Macron est totalement acquis à la conversion de la France au multiculturalisme. Même s'il n'utilise pas le mot, ses déclarations sur la culture, sur l'art sont éloquentes.
Il entend présider aux destinées de la France mais notre nation lui est parfaitement indifférente.
On pourrait les attribuer à de l'ignorance. Tellement infatué de lui-même, Emmanuel Macron ne se rendrait pas même compte qu'il laisse s'écailler le vernis de l'homme cultivé, philosophe, dont il aime à se recouvrir. Mais non, son propos est idéologique. Il sait ce qu'il fait. La France n'a pas d'identité, dit-il, elle n'est qu'un contenant.
Il entend présider aux destinées de la France mais notre nation lui est parfaitement indifférente. Ne nous laissons pas duper: c'est en touriste qu'il se réfère à Jeanne d'Arc, le passé ne l'oblige à rien. Il est résolu au contraire à couper les fils qui nous y relient encore, où il ne voit qu'entraves. Il est le candidat du postnational. Il a programmé l'obsolescence de la France, de la forme de vie proprement française.
C'est en touriste qu'Emmanuel Macron se réfère à Jeanne d'Arc, le passé ne l'oblige à rien.
On reproche à Emmanuel Macron de n'avoir pas de programme, mais que nous importe? Nous savons parfaitement dans quel monde il entend nous faire vivre. Il s'agit pour lui, d'«adapter la France à la marche du monde». Ce mot d'adaptation est redoutable: il signe la reddition avec ce que nous sommes, avec les exceptions françaises. Emmanuel Macron cite René Char mais il désarme tout esprit de résistance. Hannah Arendt parlait d'une «dégradante obligation d'être de son temps».
Être adapté à la marche du monde, exhorte E. Macron, c'est-à-dire à l'ultralibéralisme économique - l'ubérisation de tous les secteurs d'activité est son projet, la flexibilité, la précarité, l'instabilité son programme - mais non moins à l'ultralibéralisme dans le domaine des mœurs. La France sera parfaitement «adaptée» lorsqu'elle aura libéralisé la GPA, et autorisé la PMA pour tous, lorsque l'école ne sera plus du tout une école des savoirs - qui sont autant d'entraves à la maniabilité, à la flexibilité - mais, docile aux injonctions de l'O.C.D.E. et de son test PISA, des «compétences». Il est le candidat de la vie liquide telle que décrite par le philosophe Zygmunt Bauman.
Les mœurs françaises, la religion catholique, ne seront plus que des composantes parmi d'autres d'un pays qu'on continuera, par pur nominalisme, d'appeler la France.
Adaptation parfaite enfin, lorsque la France sera définitivement convertie au multiculturalisme, de là ses déclarations sonores et répétés sur la culture et l'art français qui n'existeraient pas, autrement dit, lorsqu'elle ne sera plus qu'une mosaïque de communautés vivant les unes à côté des autres, chacune selon ses mœurs, son calendrier et sous l'autorité, pour les unes des salafistes et des Frères musulmans. Les mœurs françaises, la religion catholique, ne seront plus que des composantes parmi d'autres d'un pays qu'on continuera, par pur nominalisme, d'appeler la France. L'identité française s'épuiserait dans la reconnaissance des droits de l'individu, et, bien entendu, de ses crimes!
Sa vision du monde est purement économique. Il envisage notre nation comme une start-up qui aurait besoin d'avoir à sa tête un jeune cadre supérieur, dynamique, souriant, «sympa», ouvert, accueillant.
On le prétend neuf, il incarnerait le renouveau mais il ne propose qu'une chose: parachever le processus bien en cours de déstructuration, de décomposition de la France selon le mot de Malika Sorel.
N'est-ce pas un constat trop pessimiste?
Sans vouloir dramatiser à l'excès, la situation de la France est grave.
Sans vouloir dramatiser à l'excès, la situation de la France est grave. Ces élections présidentielles sont les premières après les attentats qui nous ont frappés depuis 2015 et tout se passe comme s'ils n'avaient pas eu lieu. Les études, les témoignages se multiplient confirmant ce que François Hollande, réservant ses assauts de lucidité à ses visiteurs du soir, a appelé la «partition» de la France, et nous regardons ailleurs. Il faut lire toute affaire cessante La France Soumise, qu'a dirigée Georges Bensoussan. Une question devrait être au cœur de la campagne, celle des territoires perdus de la République et de leur reconquête. Or, cette reconquête suppose que nous renaissions comme nation, civilisation et que nous la donnions à connaître et surtout à aimer. Il est totalement irresponsable de travailler, ainsi que le fait Emmanuel Macron, dans le sens de l'effacement de l'identité nationale.
Bon nombre de Français sont choqués d'entendre dire que la culture, l'art français n'existent pas.
Bon nombre de Français sont choqués d'entendre dire que la culture, l'art français n'existent pas. Mais, il est non moins vrai qu'il est bien difficile de donner un contenu à cet héritage. Depuis la décennie 1970, nous vivons dans l'oubli et la disqualification de notre héritage, aussi devrions-nous nous saisir de cette occasion pour le rendre à sa vitalité et à sa fécondité. Cimenter le peuple français autour de ses peintres venus du plus lointain des siècles, de ses poètes, de ses romanciers en plus de ses grandes figures nationales. Cela a un nom, une politique d'assimilation, et d'assimilation pour tous, dans la mesure où, qu'ils soient de souche, comme on ne doit pas dire, ou non, il n'est plus d'héritiers de notre civilisation!
Notre patrimoine artistique et culturel est-il une curiosité de musée ou un élément vital pour la société?
L'identité nationale est une identité charnelle, c'est dans les œuvres littéraires, picturales, musicales que le génie français s'éprouve, le génie c'est-à-dire l'esprit singulier, unique d'une nation et sa grandeur. L'identité nationale est une identité sensible et pas seulement intellectuelle, c'est une sensibilité et les œuvres d'art en sont le vocabulaire. Hannah Arendt disait qu'elle était allemande par la grâce des poètes, de Goethe notamment. Lorsqu'il lui a fallu posséder la langue anglaise, elle s'est mise à l'école d'Emily Dickinson, de Yeats, de Conrad…
Dans cet essai, je formule un vœu, il serait grand temps de reconnaître un droit des peuples, et pas seulement des individus, à la continuité historique.
Vous venez de publier Le crépuscule des idoles progressistes. Placez-vous la candidature d'Emmanuel Macron dans le cadre de ce crépuscule?
En aucune façon. Au contraire. Emmanuel Macron entretient le culte de ces idoles du progressisme - la désaffiliation, l'affranchissement à l'égard du passé, le postnational… - il se refuse à comprendre que les peuples n'en veulent plus - notons au passage, et c'est accablant, qu'aucun des candidats à gauche ne prend en charge le besoin d'identité nationale, d'inscription dans un lieu, dans une histoire qui se fait de nouveau jour après avoir été disqualifié, criminalisé. Dans cet essai, je formule un vœu, il serait grand temps de reconnaître un droit des peuples, et pas seulement des individus, à la continuité historique.
Je n'ignore pas qu'Emmanuel Macron remplit les salles, qu'il exerce une certaine fascination mais il me semble que son succès doit être relativisé. C'est l'effet de loupe produit par les caméras braquées sur le phénomène Macron. Maintenant, s'il devait se retrouver au second tour face à Marine Le Pen, rien n'exclut qu'il l'emporte tant les imprécations morales diffusées par les médias qui, en dépit de tout garde le monopole de la parole légitime, seront sonores.
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Mathieu Bock-Côté : «L'homme sans civilisation est nu et condamné au désespoir» (29.04.2016)

  • Publié le 29/04/2016 à 19:36
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - A l'occasion de la sortie de son nouveau livre,Mathieu Bock-Côté a accordé un entretien fleuve à FigaroVox. L'intellectuel québécois y proclame son amour de la France et fait part de son angoisse de voir le multiculturalisme détruire les identités nationales.


Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique vient de paraître aux éditions du Cerf.

Propos recueillis par
Alexandre Devecchio@Alex_devecch

En tant que Québécois, quel regard portez-vous sur la société française?
Je m'en voudrais d'abord de ne pas dire que j'aime profondément la France et que j'hérite d'une tradition très francophile, autrefois bien présente chez nous, qui considère encore un peu votre pays comme une mère-patrie. La France, en un mot, ne nous est pas étrangère. Vous me pardonnerez ces premiers mots, mais ils témoignent de mon affection profonde pour un pays avec lequel les Québécois entretiennent une relation absolument particulière. En un mot, j'ai le sort de la France à cœur!
La pénétration de l'idéologie multiculturelle, que vous dénoncez dans votre livre, est-elle en France aussi forte que dans les pays d'Amérique?
Le multiculturalisme prend un visage tout à fait singulier au Canada. Au Canada, le multiculturalisme est inscrit dans la constitution de 1982, imposé de force au Québec, qui ne l'a jamais signé. Il a servi historiquement à noyer le peuple québécois dans une diversité qui le privait de son statut de nation fondatrice. Pierre Trudeau, le père de Justin Trudeau, était radicalement hostile au peuple québécois, à son propre peuple, qu'il croyait traversé par une tentation ethnique rétrograde. C'était faux, mais c'était sa conviction profonde, et il voulait désarmer politiquement le Québec et le priver de sa prétention à constituer une nation.
Dans l'histoire du Canada, nous étions un peuple fondateur sur deux. Avec le multiculturalisme d'État, on nous a transformés en nuance identitaire parmi d'autres dans l'ensemble canadien. Il faut rappeler ces origines oubliées du multiculturalisme canadien à ceux qui n'en finissent plus d'idéaliser un pays qui a œuvré à oblitérer sa part française.
Je vous donne au passage ma définition du multiculturalisme, valable au-delà du contexte canadien: c'est une idéologie fondée sur l'inversion du devoir d'intégration. Traditionnellement, c'était la vocation de l'immigré de prendre le pli de la société d'accueil et d'apprendre à dire nous avec elle. Désormais, c'est la société d'accueil qui doit se transformer pour accommoder la diversité. La culture nationale perd son statut: elle n'est plus qu'un communautarisme parmi d'autres. Elle devra toutefois avoir la grandeur morale de se dissoudre pour expier ses péchés passés contre la diversité.
C'est le pays du communautarisme décomplexé, c'est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.
Retour au Canada. Au fil du temps, le multiculturalisme canadien s'est autonomisé de sa vocation antiquébécoise et en est venu à représenter paradoxalement le cœur de l'identité canadienne. Il a remplacé ce qu'on pourrait appeler l'identité historique canadienne par une identité idéologique fondée sur la prétention. Ce qui tient lieu d'identité commune au Canada aujourd'hui, et cela plus encore depuis l'arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, que la France regarde étrangement d'un air enamouré, c'est le sentiment d'être une superpuissance morale, exemplaire pour l'humanité entière, une utopie réussie représentant non seulement un pays admirable, mais la prochaine étape dans le progrès de l'humanité.
L'indépendantiste québécois que je suis a un regard pour le moins sceptique devant cet ultranationalisme canadien qui conjugue la fierté cocardière et l'esprit post-moderne.
Plus largement, au Canada, le multiculturalisme sert de machine à normaliser et à banaliser les différences les plus extrêmes, les moins compatibles avec ce qu'on appellera l'esprit de la civilisation occidentale ou les mœurs occidentales. C'est le pays du communautarisme décomplexé, c'est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.
C'est le pays qui banalise sous le terme d'accommodements raisonnables un relativisme généralisé, qui peut aller très loin. C'est le pays où certains iront même jusqu'à dire que le niqab est peut-être même le symbole par excellence de la diversité canadienne, puisque son acceptation par les élites témoigne de la remarquable ouverture d'esprit de ceux qui le dirigent et des institutions qui le charpentent. Pour le dire autrement, le Canada pratique un multiculturalisme à la fois radicalisé et pacifié.
En France, le multiculturalisme semble moins agressif ...
Il domine aussi l'esprit public mais n'est pas nécessairement revendiqué par les élites, qui entretiennent, à travers la référence aux valeurs républicaines, l'idéal d'une nation transcendant sa diversité. On sait bien que la réalité est autre et que la référence républicaine s'est progressivement désincarnée et vidée de sa substance nationale depuis une trentaine d'années.
En fait, la France fait une expérience tragique du multiculturalisme. Elle se délite, se décompose sous nos yeux, et la plupart de mes interlocuteurs, ici, me confessent avoir une vision terriblement pessimiste de l'avenir de leur pays. J'ajoute, et je le dis avec tristesse, que les Français semblent nombreux, lorsque leur pays est attaqué, à se croire responsable du mauvais sort qu'ils subissent, comme s'ils avaient intériorisé pleinement le discours pénitentiel occidental, qui pousse nos nations à s'autoflageller en toutes circonstances.
Le multiculturalisme s'est imposé chez vous par une gauche qui, depuis le passage du socialisme à l'antiracisme, au début des années 1980, jusqu'à la stratégie Terra Nova, en 2012, a été de moins en moins capable de parler le langage de la nation, comme si cette dernière était une fiction idéologique au service d'une majorité tyrannique désirant écraser les minorités.
Il s'est aussi imposé avec l'aide des institutions européennes, qui sont de formidables machines à dénationaliser les peuples européens.
La droite, par ailleurs, toujours prompte à vouloir donner des gages au progressisme, a peu à peu abandonné aussi la nation, ou s'est du moins contentée de la définir de manière minimaliste en en évacuant l'histoire pour retenir seulement les fameuses valeurs républicaines.
Le multiculturalisme est tenté par ce qu'on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.
Le multiculturalisme est la dynamique idéologique dominante de notre temps, et cela en Amérique du nord comme en Europe occidentale. Chez les élites, il suscite la même admiration béate ou la même passion militante. Il propose toujours le même constat: nos sociétés sont pétries de stéréotypes et de préjugés, elles sont fermées à la différence et elles doivent se convertir à la diversité pour enfin renaître, épurées de leur part mauvaise, lavées de leurs crimes. Pour emprunter les mots d'un autre, le multiculturalisme se présente comme l'horizon indépassable de notre temps et comme le seul visage possible de la démocratie.
La gauche européenne, en général, y voit d'ailleurs le cœur de son programme politique et idéologique.
Je note autre chose: le multiculturalisme est partout en crise, parce qu'on constate qu'une société exagérément hétérogène, qui ne possède plus de culture commune ancrée dans l'histoire et qui par ailleurs, renonce à produire du commun, est condamnée à entrer en crise ou à se déliter. Lorsqu'on légitime les revendications ethnoreligieuses les plus insensées au nom du droit à la différence, on crée les conditions d'une déliaison sociale majeure.
Mais devant cette crise, le multiculturalisme, loin de s'amender, loin de battre en retraite, se radicalise incroyablement. Pour ses thuriféraires, si le multiculturalisme ne fonctionne pas, c'est qu'on y résiste exagérément, c'est que les nations historiques, en refusant de s'y convertir, l'empêchent de transformer pour le mieux nos sociétés selon les termes de la promesse diversitaire.
Il faudra alors rééduquer les populations pour transformer leur identité et les amener à consentir à ce nouveau modèle: on cherche, par l'école, à fabriquer un nouveau peuple, ayant pleinement intériorisé l'exigence diversitaire. On cherchera à culpabiliser les peuples pour les pousser à enfin céder à l'utopie diversitaire.
C'est la tentation autoritaire du multiculturalisme, qui est tenté par ce qu'on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.
Quels sont les points communs et différence avec la France?
L'histoire des deux pays, naturellement n'est pas la même. La France est un vieux pays, une vieille culture, une vieille civilisation qui se représente généralement comme un monde commun à transmettre et non comme une utopie à exporter, même si la révolution française a eu un temps cette tentation.
En un mot, la France a des ressources inouïes pour résister au multiculturalisme même si elle ne les mobilise pas tellement le discours culpabilisateur inhibe les peuples et les convaincs que l'affirmation de leur identité relève de la xénophobie et du racisme.
Mais encore une fois, il faut le dire, c'est le même logiciel idéologique qui est à l'œuvre. Il repose sur l'historiographie victimaire, qui criminalise les origines de la nation ou réduit son histoire à ses pages noires, sur la sociologie antidiscriminatoire, qui annihile la possibilité même d'une culture commune, dans la mesure où elle n'y voit qu'une culture dominante au service d'une majorité capricieuse, et sur une transformation de la démocratie, qui sera vidée de sa substance, dans la mesure où la judiciarisation des problèmes politiques et le transfert de la souveraineté vers le gouvernement des juges permet de désarmer institutionnellement un peuple qu'on soupçonne de céder au vice de la tyrannie de la majorité.
En un mot, si l'idéologie multiculturaliste s'adapte à chaque pays où elle s'implante, elle fait partout le même diagnostic et prescrit les mêmes solutions: c'est qu'il s'agit d'une idéologie, finalement, qui pose un diagnostic global et globalement négatif sur l'expérience historique occidentale.
Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s'en réclamer, d'autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.
Vous définissez aussi le multiculturalisme comme la créature de Frankenstein du marxisme. Mais cette idéologie est née dans les pays anglo-saxons de culture libérale. N'est-ce pas paradoxal?
Je nuancerais. Le multiculturalisme comme idéologie s'est développée au cœur des luttes et contestations qui ont caractérisé les radical sixties et les radical seventies et s'est alimenté de références idéologiques venant des deux côtés de l'Atlantique. Par ailleurs, de grands intellectuels français ont joué un rôle majeur dans la mise en place de cette idéologie, née du croisement d'un marxisme en décomposition et des revendications issues de la contre-culture. Michel Foucault et Alain Touraine, par exemple, ont joué un grand rôle dans la construction globale de l'idéologie multiculturaliste. En fait, je dirais que la crise du progressisme a frappé toutes les gauches occidentales. Chose certaine, il ne faut pas confondre l'idéologie multiculturaliste avec une simple expression globalisée de l'empire américain. C'est une explication trop facile à laquelle il ne faut pas céder.
En France, vieux pays jacobin qui a fait la révolution, le multiculturalisme reste contesté malgré la conversion de la majorité de nos élites …
Il est contesté partout, il est contesté au Québec, il est contesté en Grande-Bretagne, il est contesté aux États-Unis, il est aussi contesté chez vous, cela va de soi. Sur le fond des choses, le refus du multiculturalisme repose sur le refus d'être dépossédé de son pays et de voir la culture nationale transformée en identité parmi d'autres dans une citoyenneté mosaïque. Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s'en réclamer, d'autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.
Le drame de cette contestation, c'est qu'elle est souvent inhibée, disqualifiée ou criminalisée. La simple affirmation du sentiment national a longtemps passé pour de la xénophobie plus ou moins avouée, qu'il fallait combattre de toutes les manières possibles. D'ailleurs, la multiplication des phobies dans le discours médiatique, qui témoigne d'une psychiatrisation du débat public: on veut exclure du cercle de la respectabilité démocratique ceux qui sont attachés, d'une manière ou d'une autre, à l'État-nation.
On ne sortira pas de l'hégémonie multiculturaliste sans réaffirmer la légitimité du référent national, sans redonner ses lettres de noblesse à un patriotisme enraciné et décomplexé.
Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s'esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu'elle représente, est particulièrement efficace dans les milieux qui se veulent progressistes et craignent par-dessus tout de ne pas avoir l'air assez à gauche.
Depuis quelques années, on observe également en France la percée d'un féminisme identitaire qui semble tout droit inspiré de Judith Butler. Quelle a été son influence au Québec et plus largement en Amérique du Nord? Ce féminisme est-il une variante du multiculturalisme?
Ce féminisme est dominant dans nos universités et est particulièrement influent au Québec, surtout dans une nouvelle génération féministe très militante qui voit dans la théorie du genre l'expression la plus satisfaisante d'une certaine radicalité théorique qui est pour certains une drogue dure. La théorie du genre, en d'autres mots, est à la mode, très à la mode (et elle l'est aussi plus généralement dans les universités nord-américaines et dans les milieux culturels et médiatiques), et il est mal vu de s'y opposer. Il faut pourtant dire qu'elle est portée par une tentation nihiliste radicale, qui entend tout nier, tout déconstruire, au nom d'une liberté pensée comme pure indétermination. C'est le fantasme de l'autoengendrement. La théorie du genre veut éradiquer le monde historique et reprendre l'histoire à zéro, en quelques sortes, en abolissant la possibilité même de permanences anthropologiques.
On peut certainement y voir une autre manifestation de l'héritage des radical sixties et de l'idéologie diversitaire qui domine généralement les départements de sciences sociales et au nom de laquelle on mène la bien mal nommée lutte contre les discriminations - parce qu'à force de présenter toute différence à la manière d'une discrimination, on condamne toutes les institutions à la déconstruction. Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s'esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu'elle représente, est particulièrement efficace dans les milieux qui se veulent progressistes et craignent par-dessus tout de ne pas avoir l'air assez à gauche.
Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu'ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l'héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime.
Depuis les attentats de janvier 2015, le débat autour de l'islam divise profondément la France. Cette question est-elle aussi centrale en Amérique du Nord? Pourquoi?
Elle est présente, très présente, mais elle est l'est de manière moins angoissante, dans la mesure où les communautarismes ne prennent pas la forme d'une multiplication de Molenbeek, même si la question de l'islam radical et violent inquiète aussi nos autorités et même si nous avons aussi chez certains jeunes une tentation syrienne.
Mais la question du voile, du voile intégral, des accommodements raisonnables, se pose chez nous très vivement - et je note qu'au Québec, on s'inquiète particulièrement du multiculturalisme. Nos sociétés sont toutes visées par l'islamisme. Elles connaissent toutes, aussi, de vrais problèmes d'intégration.
Généralisons un peu le propos: partout en Occident, la question de l'Islam force les pays à se poser deux questions fondamentales: qu'avons-nous en propre, au-delà de la seule référence aux droits de l'homme, et comment intégrer une population qui est culturellement très éloignée, bien souvent, des grands repères qui constituent le monde commun en Occident?
Cela force, à terme, et cela de manière assez étonnante, plusieurs à redécouvrir la part chrétienne oubliée de notre civilisation. Non pas à la manière d'une identité confessionnelle militante, évidemment, mais tout simplement sous la forme d'une conscience de l'enracinement.
Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu'ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l'héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime.
Cela ne veut pas dire, évidemment, qu'il faille courir au conflit confessionnel ou à la guerre des religions: ce serait désastreux.
Mais simplement dit, la question de l'islam nous pousse à redécouvrir des pans oubliés de notre identité, même si cette part est aujourd'hui essentiellement culturalisée.
Le conservatisme rappelle à l'homme qu'il est un héritier et que la gratitude, comprise comme une bienveillance envers le monde qui nous accueille, est une vertu honorable. C'est une philosophie politique de la finitude.
L'islamisme et ses prétentions hégémoniques ne sont-ils pas finalement incompatible avec le multiculturalisme qui suppose le «vivre ensemble»?
L'islamisme a un certain génie stratégique: il mise sur les droits consentis par les sociétés occidentales pour les retourner contre elles. Il se présente à la manière d'une identité parmi d'autres dans la société plurielle: il prétend s'inscrire dans la logique du multiculturalisme, à travers lui, il banalise ses revendications. Il instrumentalise les droits de l'homme pour poursuivre l'installation d'un islam radical dans les sociétés occidentales et parvient à le faire en se réclamant de nos propres principes. Il se présente à la manière d'une identité parmi d'autres qui réclame qu'on l'accommode, sans quoi il jouera la carte victimaire de la discrimination. C'est très habile. À travers cela, il avance, il gagne du terrain et nous lui cédons. Devant cela, nous sommes moralement désarmés.
Il faudrait pourtant se rappeler, dans la mesure du possible, que lorsqu'on sépare la démocratie libérale de ses fondements historiques et civilisationnels, elle s'effrite, elle se décompose. La démocratie désincarnée et dénationalisée est une démocratie qui se laisse aisément manipuler par ses ennemis déclarés. D'ailleurs, au vingtième siècle, ce n'est pas seulement au nom des droits de l'homme mais aussi au nom d'une certaine idée de notre civilisation que les pays occidentaux ont pu se dresser victorieusement contre le totalitarisme. Du général de Gaulle à Churchill en passant par Soljenitsyne, la défense de la démocratie ne s'est pas limitée à la défense de sa part formelle, mais s'accompagnait d'une défense de la civilisation dont elle était la forme politique la plus achevée.
Comment voyez-vous l'avenir de la France. Le renouveau conservateur en germe peut-il stopper l'offensive multiculturaliste de ces 30 dernières années?
On dit que la France a la droite la plus bête du monde. C'est une boutade, je sais, mais elle est terriblement injuste.
Je suis frappé, quant à moi, par la qualité intellectuelle du renouveau conservateur, qui se porte à la fois sur la question identitaire et sur la question anthropologique, même si je sais bien qu'il ne se réclame pas explicitement du conservatisme, un mot qui a mauvaise réputation en France.
Je définis ainsi le conservatisme: une philosophie politique interne à la modernité qui cherche à la garder contre sa tentation démiurgique, contre la tentation de la table-rase, contre sa prétention aussi à abolir l'histoire comme si l'homme devait s'en extraire pour se livrer à un fantasme de toute puissance sociale, où il n'entend plus seulement conserver, améliorer, transformer et transmettre la société, mais la créer par sa pure volonté. Le conservatisme rappelle à l'homme qu'il est un héritier et que la gratitude, comprise comme une bienveillance envers le monde qui nous accueille, est une vertu honorable. C'est une philosophie politique de la finitude.
L'homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n'est pas libre : il est nu et condamné au désespoir.
Réponse un peu abstraite, me direz-vous. Mais pas nécessairement: car on aborde toujours les problèmes politiques à partir d'une certaine idée de l'homme. Si nous pensons l'homme comme héritier, nous nous méfierons de la réécriture culpabilisante de l'histoire qui domine aujourd'hui l'esprit public dans les sociétés occidentales. Ce que j'espère, c'est que la renaissance intellectuelle du conservatisme en France trouve un débouché politiquement, qui normalement, ne devrait pas être étranger à l'héritage du gaullisme. Pour l'instant, ce conservatisme semble entravé par un espace politique qui l'empêche de prendre forme.
Et pour ce qui est du multiculturalisme, on ne peut bien y résister qu'à condition d'assumer pleinement sa propre identité historique, ce qui permet de résister aux discours culpabilisants et incapacitants. Il faut donc redécouvrir l'héritage historique propre à chaque pays et cesser de croire qu'en l'affirmant, on bascule inévitablement dans la logique de la discrimination contre l'Autre ou le minoritaire. Cette reconstruction ne se fera pas en quelques années. Pour user d'une image facile, c'est le travail d'une génération.
Le multiculturalisme peut-il finalement réussir le vieux rêve marxiste de révolution mondiale? La France va-t-elle devenir les Etats-Unis ou le Canada?
À tout le moins, il s'inscrit dans la grande histoire du progressisme radical et porte l'espoir d'une humanité réconciliée, délivrée de ses différences profondes, où les identités pourraient circuler librement et sans entraves dans un paradis diversitaire. On nous présente cela comme une sublime promesse: en fait, ce serait un monde soumis à une terrible désincarnation, où l'homme serait privé de ses ancrages et de la possibilité même de l'enracinement. L'homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n'est pas libre: il est nu et condamné au désespoir.
En un sens, le multiculturalisme ne peut pas gagner: il est désavoué par le réel, par la permanence de l'authentique diversité du monde. Il pousse à une société artificielle de carte postale, au mieux ou à la décomposition du corps politique et au conflit social, au pire. Et il est traversé par une vraie tentation autoritaire, chaque fois. Mais il peut tous nous faire perdre en provoquant un effritement de nos identités nationales, en déconstruisant leur légitimité, en dynamitant leurs fondements historiques.
Et pour la France, permettez-moi de lui souhaiter une chose: qu'elle ne devienne ni les États-Unis, ni le Canada, mais qu'elle demeure la France.

Donald Trump avait raison: les migrants, arrivés massivement depuis 2015, sont responsables d’une augmentation significative de la criminalité en Allemagne (MàJ: Samuel Laurent présente son travail sur France5)
Par Francois le 23/06/2018
MàJ 23/06/2018
Samuel Laurent présente son travail de fact-checking sur le sujet à partir de 2:12

21/06/2018
Donald Trump s’est récemment fendu d’un tweet dans lequel il affirmait que la criminalité avait augmenté en Allemagne et suggérait que c’était dû à l’afflux de migrants à partir de 2015. Il a aussitôt été sévèrement critiqué dans la presse, aux États-Unis comme en France, au motif que cette affirmation serait fausse.
Il est exact que, d’après les derniers chiffres de la police fédérale allemande, la criminalité a baissé de manière significative en Allemagne l’année dernière. On voit cela très clairement sur ce graphique qui montre l’évolution du nombre de crimes enregistrés par la police depuis 2001. Par conséquent, à strictement parler, la déclaration du président américain est effectivement fausse, ce que se sont empressés de faire remarquer les médias.
Le nombre de crimes violents a augmenté de manière significative en Allemagne juste après l’arrivée des migrants et cette augmentation leur est à peu près entièrement imputable
En revanche, ces derniers ont montré beaucoup moins d’empressement à examiner la question de l’effet des migrants sur la criminalité en Allemagne, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. En effet, le fait que la criminalité a baissé en Allemagne l’an dernier ne veut pas dire que, toutes choses égales par ailleurs, les migrants n’ont pas augmenté la criminalité.
De fait, d’après les mêmes chiffres que les médias ont utilisé pour critiquer la déclaration de Donald Trump, le nombre de crimes violents a augmenté de manière significative en Allemagne juste après l’arrivée des migrants et cette augmentation est à peu près entièrement imputable à ces derniers.
En effet, en 2016, le nombre de crimes violents enregistrés par la police avait augmenté d’environ 6,7%, alors qu’il n’a baissé que d’environ 2,3% en 2017. On peut constater ce phénomène sur le graphique suivant, qui montre l’évolution du nombre de crimes violents enregistrés par la police depuis 2001.


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