Des dizaines de
milliers de Britanniques protestent contre le Brexit (23.06.2018)
Macron dénonce
«la lèpre» populiste en Europe (21.06.2018)
Sebastian Kurz,
l'étoile montante des souverainistes européens (22.06.2018)
Quand Bezons la
rouge se met au keffieh… (22.06.2018)
Ivan Rioufol :
«L'Europe des nations entame sa reconquête» (21.06.2018)
Goldnadel : «Je
préfère encore les lépreux à la gauche morale qui les insulte !» (25.06.2018)
«Pour une Europe
de nations souveraines, débruxellisons l'Union européenne !» (29.06.2018)
En Suède, la
tolérance se fissure à l'égard des demandeurs d'asile (29.06.2018)
François
d'Orcival : «Le droit d'asile, prérogative de l'État» (29.06.2018)
Une majorité de
Français estime que l'Hexagone accueille «trop» de migrants (28.06.2018)
«C'est quand la
paix est revenue en Afrique que se sont déclenchées les migrations»
(29.06.2018)
Ivan Rioufol : «Les
mondialistes confrontés à leurs erreurs» (28.06.2018)
Natacha Polony :
«Bisounourserie nationale universelle» (29.06.2018)
Anastasia
Colosimo : «Du ciel, Orwell doit rire de manière sarcastique» (29.06.2018)
Le candidat de
Trump pour l'agence des migrations de l'ONU recalé (29.06.2018)
Julian
King : «Toute une génération risque d'avoir affaire au terrorisme»
(29.06.2018)
Scandales sexuels
à répétition: l'humanitaire en crise (29.06.2018)
Au lycée militaire
de Saint-Cyr, rigueur et patriotisme au service de l'excellence (27.06.2018)
Crise de la masculinité :
ce nouveau phénomène qui traverse l'Occident (27.06.2018)
Italie: Salvini
lance l'idée d'une "Ligue des Ligues" en Europe (01.07.2018)
Bock-Côté : «Le
politiquement correct se radicalise au rythme où la société diversitaire se
décompose» (29.06.2018)
L’ambassadeur de France en Hongrie soutient Orban et
ose dire la vérité «le véritable antisémitisme est le fait des musulmans»
(01.07.2018)
Des dizaines de milliers de Britanniques protestent contre le
Brexit (23.06.2018)
Deux ans après le référendum, les
pro-européens sont descendus dans la rue pour réclamer un nouveau référendum
sur les conditions de la sortie de l'UE. Une contre-manifestation pro-Brexit
s'impatiente du non-respect de la volonté populaire.
Correspondant à Londres
«Nous exigeons un vote
populaire», scandait une foule aux drapeaux bleus étoilés devant le Parlement
de Westminster, à Londres, samedi après-midi. Pour le deuxième
anniversaire du vote pour le Brexit, des dizaines de milliers de
manifestants - 100.000 selon les organisateurs - se sont déplacés de tout le
Royaume-Uni pour réclamer un nouveau référendum, sur les conditions de sortie
de l'Europe, une fois un accord conclu avec Bruxelles. Plus d'une dizaine
d'associations anti-Brexit se sont unies derrière ce mot d'ordre d'un «People's
vote».
« 17 millions de personnes ont
voté pour Adolf Hitler, 17 millions ont voté pour le Brexit, 17 millions
peuvent se tromper. »
Vince Cable, chef du Parti
libéral-démocrate (centriste) a assuré aux participants que le Brexit n'était
«pas une affaire achevée». La militante pro-européenne Gina Miller a appelé à
un nouveau référendum pour «que les futures générations nous entendent dire que
nous avons fait ce que nous pouvions pour notre pays». Sur une bannière, on
pouvait lire: «17 millions de personnes ont voté pour Adolf Hitler, 17 millions
ont voté pour le Brexit, 17 millions peuvent se tromper.»
Une majorité de 53% pour
rester dans l'UE
«La majorité des gens qui ont
voté pour quitter l'UE ne savaient pas sur quoi ils se prononçaient. Les
négociations sont un désastre. Le gouvernement ne sait pas ce qu'il veut»,
explique Terry O'Donovan, directeur de théâtre irlandais, installé à Londres
depuis dix-huit ans. Eve Bartlett, avocate, justifie cette «requête
démocratique de se prononcer sur le résultat des négociations afin que le
peuple puisse dire si ça correspond à ce qu'il veut». Elle assure connaître
«plusieurs personnes qui ont changé d'avis» après avoir voté pour le Brexit en
juin 2016.
Selon un sondage Survation publié
vendredi, 48% des Britanniques soutiendraient un nouveau référendum, contre 25%
à y être opposés. Une majorité de 53% se prononcerait alors pour rester dans
l'Union européenne, contre 47% pour sortir, selon la même enquête. La
manifestation de samedi entendait donner le coup d'envoi d'un «été d'action»
pour accroître la pression sur la première ministre Theresa May et le chef de
l'opposition Jeremy Corbyn.
En passant devant Downing Street,
le cortège, venu de Pall Mall, hue la résidence de la chef du gouvernement. Un
peu plus loin il chante «Où est Jeremy Corbyn?»
«Récupérer notre pays»
« Il y a deux ans, nous avons
voté pour quitter l'Europe et on attend toujours. Pourquoi ? Nous voulons
quitter l'UE maintenant. Le meilleur accord, c'est pas d'accord. »
L'orateur d'une contre-manifestation
pro-Brexit.
A quelques dizaines de mètres de
là, séparé par d'importantes barricades et des cordons policiers, arrivait le
cortège d'une contre-manifestation pro-Brexit, réunissant plusieurs centaines
de personnes. Dans une nuée d'Union Jack britanniques et de drapeaux anglais à
la croix de Saint Georges, les manifestants entonnaient des hymnes patriotiques
comme Rule Britannia et scandaient: «Nous voulons récupérer
notre pays».
«Il y a deux ans, nous avons voté
pour quitter l'Europe et on attend toujours. Pourquoi? s'indignait un orateur à
la tribune. Nous voulons quitter l'UE maintenant. Le meilleur accord, c'est pas
d'accord.»
Sandra Zuccaro, retraitée est
venue de Windsor. «Je suis là parce que je crois en l'Angleterre, pas dans
l'Union européenne, expliquait-elle. Mrs May est tellement prudente qu'elle va
nous piéger. Il n'est pas question d'un second référendum: quand vous pariez
sur le mauvais cheval, on ne refait pas la course.» Ancienne électrice de
l'Ukip (United Kingdom Independence Party) de Nigel Farage, elle soutient
désormais le conservateur europhobe Jacob Rees-Mogg qu'elle espère voire
remplacer Theresa May.
La rédaction vous
conseille :
- Brexit:
l'art de la survie de Theresa May
- L'économie
britannique continue de pâtir du Brexit
- Brexit:
Paris attirerait plus de délocalisations dans le secteur bancaire que
Francfort
Ses derniers articles
- Des
dizaines de milliers de Britanniques protestent contre le Brexit
- La
sortie de l'UE du Royaume-Uni pousse la cause d'une Irlande unie
- Deux
ans après le Brexit, le Royaume-Uni reste plongé dans le brouillard
Sur le même sujet
- Brexit
: l'impossible modèle pour les souverainistes européens
- Terrorisme :
en 2017, le nombre d'attaques a doublé
- Roger
Scruton : «La motivation du Brexit était avant tout culturelle»
- Le
Brexit pousse la cause d'une Irlande unie
Thématique : Royaume-Uni
- Les + partagés
- Des
dizaines de milliers de Britanniques protestent contre le Brexit
- Macron
veut sanctionner les pays de l'UE refusant les migrants
- Canada
: une Française franchit sans le savoir la frontière américaine et se
retrouve en détention
- États-Unis
: la confusion règne sur le sort des familles sans-papiers déjà séparées
Macron dénonce «la lèpre» populiste en Europe (21.06.2018)
VIDÉO - Les pays d'Europe
centrale vont boycotter le sommet sur la crise des migrants dimanche à
Bruxelles.
Un camp contre un autre. Dans un
discours virulent prononcé jeudi
à Quimper, Emmanuel Macron a choisi la confrontation plutôt que la
concertation avec les gouvernements populistes au pouvoir au sein de l'Europe,
le combat contre «le nationalisme qui renaît, la frontière fermée que certains
proposent» et ceux qui «trahissent même l'asile». À quelques jours d'un
mini-sommet particulièrement sensible et consacré aux migrations, le chef de
l'État a semblé vouloir donner le coup d'envoi de la campagne pour les
élections européennes l'année prochaine.
«Je vous le dis avec beaucoup de
gravité», a-t-il commencé en défendant le cœur de son ADN politique: l'Europe.
«Beaucoup la détestent, mais ils la détestent depuis longtemps et vous les
voyez monter, comme une lèpre, un peu partout en Europe, dans des pays où nous
pensions que c'était impossible de la voir réapparaître. Et des amis voisins:
ils disent le pire et nous nous y habituons! Ils font les pires provocations,
et personne, personne ne se scandalise de cela!» Ces mots particulièrement
sévères visent en premier lieu l'Italie, gouvernée depuis peu par une alliance
d'extrême droite et de populistes de gauche, unis dans leur rejet d'un certain
idéal européen et leur opposition à l'accueil des réfugiés sur le continent. Le
ministre de l'Intérieur Matteo Salvini a notamment choqué en voulant compter la
population rom.
«Des amis voisins disent le
pire et nous nous y habituons ! Ils font les pires provocations, et personne,
personne ne se scandalise de cela»
Emmanuel Macron, à Quimper, jeudi
Mais le chef de l'État pensait
sans doute aussi aux pays d'Europe centrale, réunis dans le groupe de Visegrad.
Ceux-ci, la Hongrie, la République tchèque, la Pologne et la Slovaquie, se sont
réunis à Budapest jeudi en compagnie du chancelier autrichien Sebastian Kurz.
Vienne va prendre la présidence tournante de l'Europe au prochain semestre et
l'Autriche partage avec eux une ligne de fermeté, voire de fermeture. Le
premier ministre hongrois Viktor Orban a annoncé que le
groupe de Visegrad boycotterait la réunion prévue à Bruxelles. «Le
mini-sommet de dimanche est inacceptable, ils veulent réchauffer une ancienne
proposition que nous avons déjà refusée», a renchéri le premier ministre
polonais Mateusz Morawiecki.
Onze pays ont en revanche déjà
annoncé leur participation: Allemagne, France, Italie, Espagne, Autriche,
Grèce, Pays-Bas, Bulgarie, Belgique, Danemark, Malte. Mais cette opération qui
vise à sauver Angela Merkel, sur un siège éjectable depuis que sa coalition
menace de s'effondrer, commence mal: un projet de conclusion, diffusé dans la
presse, a suscité la
colère de Rome qui a failli annuler sa venue. «Il est inacceptable
de participer à un sommet dont les conclusions sont déjà écrites», a prévenu le
président du conseil Giuseppe Conte dans un message publié sur Internet. Angela
Merkel a dû prendre son téléphone pour l'assurer que ce texte, évoquant des
amendes pour les demandeurs d'asile quittant leur pays d'enregistrement, un
mécanisme «flexible» de réadmission entre États membres, mais aussi un système
de «solidarité» pour répartir les migrants dans l'UE, était «mis de côté».
Les tenants de l'ouverture sont
sur la défensive. En Jordanie jeudi, Angela Merkel a bien tenté d'évoquer
quelques principes: «Nous devons être un pays ouvert», a-t-elle répondu à une
étudiante, inquiète de savoir s'il fallait «avoir peur» de venir en Allemagne.
Mais le temps presse pour elle: le parti bavarois CSU lui a laissé jusqu'au
1er juillet pour trouver une solution sous peine de déclencher une crise
politique.
«Donneurs de leçons»
La partie n'est pas facile non
plus pour le chef de l'État Emmanuel Macron. Il a répondu à Quimper aux
«donneurs de leçons» qui critiquent sa politique migratoire et son refus
d'accueillir davantage de migrants: «Allez m'expliquer qu'il faut accueillir
tout le monde. Mais regardez la société française et ses fractures! Regardez ce
que nous faisons aussi et nous n'avons pas en rougir», a-t-il affirmé. «On
vient accuser les Européens de n'être “pas assez”, pas tout à fait comme on
voudrait. Et on oublie de dénoncer ceux qui ne le sont plus du tout!», a-t-il
ajouté. L'attaque, comme moyen de défense.
La rédaction vous
conseille :
- Migrants:
sous la pression de la majorité, Macron se défausse sur Rome
- Sur
les migrants, Macron tiraillé entre l'opinion et la majorité
Sebastian Kurz, l'étoile montante des souverainistes
européens (22.06.2018)
Depuis son élection, le jeune
chancelier s'est posé en chef de file du camp de la fermeté sur la question
migratoire, fédérant une alliance de pays d'Europe centrale et orientale face à
Bruxelles.
Il fourmille de surnoms! «Macron
de droite» pour son côté «enfant prodige» et son parcours fulgurant en dehors
des sentiers battus. «Cauchemar d'Angela Merkel», parce qu'il est désormais
courtisé par les conservateurs allemands qui rêvent d'un Kurz rhénan. «Justin
Trudeau d'Autriche», pour son art déjà consommé de la gestion de son image et
la décontraction polie et étudiée de ses chemises sans cravate, de ses jeans
slim et de ses cheveux lissés en arrière. «Justin Bieber de la politique», pour
sa jeunesse extrême, à peine 31 ans! Dans la bouche de ses adversaires, il
est aussi «minidictateur» et même «Bébé Hitler», pour avoir adopté une large
partie du programme du parti d'extrême droite FPÖ sur le contrôle de
l'immigration, parti avec lequel il a formé une coalition gouvernementale.
Autant d'appellations qui révèlent l'intérêt vif et contradictoire que
Sebastian Kurz, nouveau chancelier d'Autriche arrivé aux affaires en octobre
après la victoire de son parti OVP, suscite à travers toute l'Europe.
Il est rare que la politique
autrichienne suscite autant d'échos hors de ses frontières, depuis l'empire des
Habsbourg… Si la curiosité est telle, c'est que le vent de l'histoire gonfle
les voiles politiques de Kurz, conservateur
de droite, qui a osé mettre la question migratoire au cœur de son programme et
prétend aider à réformer l'Europe dans un sens favorable à la protection des
frontières, des nations et des identités. Depuis son élection, le jeune
chancelier s'est carrément posé en chef de file du camp de la fermeté sur la
question migratoire, fédérant une alliance de pays d'Europe centrale et orientale,
face à Bruxelles, mais aussi et surtout face à Angela Merkel et Emmanuel
Macron. Bref, ressuscitant de manière inattendue l'espace politico-géographique
de l'Autriche-Hongrie.
Il y a quelques jours, Sebastian
Kurz appelait à la
création d'«un
axe»composé
de l'Allemagne, de l'Autriche et de l'Italie, pour formuler une
position plus énergique sur la question des migrations, clairement un pavé dans
la mare de la chancelière allemande, au moment où elle se débat avec ses
partenaires de la CSU, qui menacent d'agir sans elle si elle n'accepte pas un
durcissement spectaculaire des règles de l'asile. Mercredi, il allait jusqu'à
tenir conseil avec ses amis de Bavière, dans le nord de l'Autriche, agitant le
spectre d'une «catastrophe migratoire» «semblable à celle de 2015 si l'UE échoue
à élaborer une réponse commune».
Lors d'une spectaculaire
offensive destinée à affirmer son leadership sur ce sujet brûlant, Kurz, qui
veut faire du sujet la priorité de la présidence autrichienne de l'UE, à partir
du 1er juillet, s'est aussi rendu jeudi à Budapest, où il a été l'invité
spécial du groupe de Visegrad, comprenant la Hongrie, la Pologne, la République
tchèque et la Slovaquie, qui affiche une hostilité marquée à l'idée de quotas
européens de réfugiés obligatoires et plaide pour la mise en place d'un
dispositif ambitieux de contrôle de la frontière extérieure de l'UE.
Pour ses adversaires, Kurz est
un homme dangereux qui ouvre une voie royale à l'extrême droite, parce qu'en la
faisant entrer dans la bergerie gouvernementale, il devient son otage
Difficile d'imaginer qu'il y a à
peine six ans Sebastian Kurz quittait les bancs de l'université.
Deux ans plus tard, il est propulsé vice-ministre de l'Intérieur en charge de
l'intégration, poste auquel il va faire passer une loi interdisant la burqa,
puis une autre coupant largement dans les subventions sociales aux candidats à
l'intégration pour les forcer à se mettre au travail. Quelques mois plus tard,
il est ministre des affaires étrangères, à l'âge de 27 ans, en pleine
crise des migrants de 2015. C'est là qu'il va gagner sa popularité, en
négociant pour une fermeture de la route des Balkans, afin d'endiguer le flot
des migrants. Un positionnement qui va lui servir de tremplin idéal dans sa
marche à la Chancellerie en octobre 2017.
Pour ses adversaires, Kurz est un
homme dangereux qui ouvre une voie royale à l'extrême droite, parce qu'en la
faisant entrer dans la bergerie gouvernementale - notamment aux postes clés des
Affaires étrangères et de la Défense - il devient son otage, notamment sur la question
de la réponse à l'islam, à l'immigration. Au grand dam des fédéralistes
européens, il prône une Europe des nations souveraines qu'il oppose à l'Europe
souveraine de Macron. Inscrit dans une continuité qui a toujours fait de
l'Autriche un pont entre l'Est et l'Ouest, il prône aussi un rapprochement très
net avec la Russie, réclamant notamment la levée progressive des sanctions
appliquées depuis l'annexion de la Crimée (ses alliés du FPÖ, eux, réclament
carrément la reconnaissance de l'appartenance russe de la presqu'île).
Les partisans de Kurz réfutent
toutefois l'idée qu'il serait devenu la feuille de vigne du FPÖ, affirmant
qu'il reste un farouche partisan de l'UE et tente simplement de trouver une
voie médiane entre les naïfs, uniquement préoccupés de questions humanitaires,
et les extrémistes, qui veulent carrément mettre fin au droit d'asile. «Toute
la question est de savoir», note The Economist dans un récent portrait du jeune
chancelier, si Kurz pourra défendre «les nuances» de sa propre position, ou
s'il sera obligé, comme David Cameron sous la pression des tories les plus
conservateurs, de s'aligner sur ses partenaires d'extrême droite. Pour
l'instant, clairement, lui se voit en médiateur: entre Paris, Berlin et les
pays de Visegrad. Entre Bruxelles et Moscou. Entre les peuples qui rêvent de
frontières et les gouvernants qui les ont oubliées.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 23/06/2018. Accédez à sa version
PDF en cliquant ici
La rédaction vous
conseille :
- Crise
migratoire: Merkel sommée de trouver une solution d'urgence
- Macron
dénonce «la lèpre» populiste en Europe
- Crise
migratoire: mini-réunion d'urgence à Bruxelles
- Crise
migratoire: un axe Munich-Vienne-Rome contre Angela Merkel
Journaliste
Ses derniers articles
- Sebastian
Kurz, l'étoile montante des souverainistes européens
- Quand
Giscard retrouve Kissinger pour lui décerner le prix Tocqueville
- Trump
face à Kim Jong-un : «guerre», marchandage et show
Quand Bezons la rouge se met au keffieh… (22.06.2018)
Le maire communiste de la ville
du Val-d'Oise multiplie les provocations anti-israéliennes.
«Salut, Bezons la Rouge!» La
ville de Bezons (29.000 habitants, dans le Val-d'Oise) est communiste depuis
qu'il y a des communistes en France: cela date du congrès de Tours
(1920)! Le
maire actuel, Dominique Lesparre, élu en 2001, est le quatrième maire
depuis 1945. Tous communistes.
Or, il a fait de sa ville une
sorte de capitale palestinienne en Ile-de-France - en multipliant les
provocations anti-israéliennes: après avoir reconnu «l'Etat de Palestine»,
jumelé sa municipalité avec une ville palestinienne extrémiste, il a poussé
plus loin le 11 juin en inaugurant, chez lui, une «allée de la Nakba», «en
mémoire de l'expulsion des 800.000 Palestiniens et de la destruction des 532
villages en 1948 par le criminel de guerre David
Ben Gourion…». Cette fois, l'intolérable a obligé le ministre de
l'Intérieur à réagir fermement.
Les racines staliniennes de
l'histoire politique de Bezons et l'alignement des communistes français sur la
politique extérieure soviétique expliquent-ils l'origine de ces provocations?
Evidemment oui, mais pas au début. Le maire de Bezons devrait relire son
manuel: car Staline fut
le premier à reconnaître l'Etat
d'Israël naissant en mai 1948 ; sans les armes tchèques
livrées sur ordre de Moscou, affirma même Ben Gourion, il n'aurait sans doute
pas gagné sa guerre contre les Arabes… Staline rêvait alors de faire de l'Etat
hébreu un satellite. Des Juifs russes se battaient dans les rangs des
organisations clandestines. Mais si les Juifs bâtissaient des kibboutzim, cela
n'en faisait pas des communistes. Surtout, Staline resta l'antisémite viscéral
qu'il était en envoyant, au même moment, au goulag et au massacre les élites
intellectuelles et artistiques restées en URSS.
La communauté juive américaine se
mit à soutenir massivement ses frères d'Israël. Pour Staline et ses
successeurs, Israël n'était donc plus qu'un «pion» du camp occidental. lls
armèrent les Arabes contre lui, au nom de l'antisionisme et de la «justice»…
Lorsque les Juifs russes, fuyant
le régime totalitaire, arrivèrent par centaines de milliers en Israël, cela
libéra un peu plus les campagnes anti-israéliennes du Kremlin. Et le soutien
«au peuple palestinien» a pris, à point nommé, le relais de l'antisionisme des
origines, pour masquer honorablement le vieil antisémitisme qui s'était
incrusté depuis si longtemps dans la société communiste…
La rédaction vous
conseille :
- Israël,
70 ans de défis pour un pays toujours en gestation
- Pierre
Rehov: «Pourquoi l'État palestinien n'a toujours pas vu le jour»
- À
quoi ressemblera l'État d'Israël dans vingt ans?
François d'Orcival
Ivan Rioufol : «L'Europe des nations entame sa reconquête»
(21.06.2018)
CHRONIQUE - L'échec des
européistes, ces peuplophobes, est programmé. À moins que Macron et Merkel
reconnaissent avoir fait fausse route, l'issue de la crise migratoire ne fera
pas l'économie de leur mise en cause.
L'Espagne est gagnée par le
syndrome de la Castafiore. La cantatrice de Tintin vocalise sur Gounod: «Ah! Je
ris de me voir si belle en ce miroir!» S'enivrent ainsi d'eux-mêmes ceux
qui, depuis dimanche, se mirent dans leur grande bonté en
s'ouvrant aux 629 «réfugiés» de l'Aquarius,
navire indésirable en Italie, à Malte, en France. «Bienvenue chez vous», est-il
écrit à l'entrée du port de Valence. Sur la mairie, une banderole: «Nous
voulons accueillir.» En dessous: «Le passé est en noir et blanc. Le futur
multicolore.» Le nouveau gouvernement socialiste de Pedro Sanchez a offert à
chaque clandestin une carte de séjour de 45 jours, ainsi qu'une carte
sanitaire gratuite. Il a fait enlever les lames tranchantes posées sur les
hauts barbelés (6 mètres) qui séparent du Maroc les enclaves espagnoles de
Ceuta et Melilla sur respectivement 8 km et 12 km. La moitié des
clandestins de l'Aquarius, dont les 11 Marocains et les 43 Algériens,
veulent venir en France…
Les socialistes espagnols
auraient dû lire saint Vincent de Paul: «Le bruit ne fait pas de bien, et le
bien ne fait pas de bruit.» L'exhibition de leur générosité sonne faux. Ce
narcissisme a pour résultat paradoxal d'amener à un oubli de soi. C'est ainsi
que l'Union européenne, tombée en dévotion pour l'Autre, s'est mise à mépriser
les peuples et les nations qui la constituent. Ce ne sont pas les malheureux
Africains débarqués à Valence, accueillis par 2300 personnes, qui déstabiliseront
l'Europe. Cependant, il y a une irresponsabilité de la part de la gauche
espagnole, soutenue par le pape François, à ne pas s'estimer solidaire d'une
inquiétude collective qui ébranle la construction européenne. «L'Europe est
dans un processus de décomposition», a admis, mardi, le ministre Bruno
Le Maire, avant une rencontre entre Emmanuel Macron et Angela Merkel. Mais
ces deux-là aussi ont été étourdis par l'«Air des bijoux»: «Ah, je ris…!»
chantent-ils ensemble.
C'est la folle décision de la
chancelière d'accueillir, en 2015, un million de réfugiés musulmans, sous les
applaudissements des européistes exaltés, qui est à l'origine de la prévisible
rébellion des peuples, furieux de n'avoir jamais eu leur mot à dire. «Mère
Angela» (ainsi nommée par les médias dévots, en comparaison de Mère Teresa)
avait été unanimement louangée par ceux, dont était Macron, qui estimaient
indiscutable l'ouverture de l'Europe, au nom de ses valeurs humanistes et de
son «hiver démographique». La suite est connue: les agressions sexuelles à
Cologne et les premiers attentats, la montée de l'antisémitisme islamique,
l'échec de l'intégration d'un peuple nouveau, etc. Une fois encore, les
Cassandre ont eu raison. Mais les bons apôtres, bénis par le Vatican, ne feront
pas leur mea culpa. Les intégristes des droits de l'homme restent insensibles
au droit à préserver sa propre patrie. Ils persistent à penser, comme le
secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, mardi, que les migrations sont
«inévitables» et «nécessaires».
Attendre de Macron et
Merkel qu'ils
agissent pour résoudre la question migratoire revient à demander à
deux pyromanes de gérer les incendies qu'ils ont allumés. Mardi, Benjamin
Griveaux, porte-parole du gouvernement, a appelé à «la solidarité européenne
contre les populismes», faisant comprendre que la menace est, pour l'État, dans
le réveil des nations et non dans l'immigration de peuplement et l'islam
totalitaire. Ces aveuglements sont des complicités. La chancelière, pressée de
se ressaisir par son ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer (CSU), est
affaiblie. Le président français, qui prétendait relancer l'Europe souveraine
en se moquant du «repli national», n'est compris que des hypocrites: ils se
gardent d'offrir chez eux l'hospitalité qu'ils défendent. Mardi, Macron et
Merkel ont demandé«une réponse européenne» à la crise migratoire. Mais c'est
l'Allemagne qui, il y a trois ans, a choisi unilatéralement d'ouvrir ses
frontières. Cette Europe-là, coupée des gens d'en bas, n'a pas de leçons de
solidarité à donner.
Échec des peuplophobes
Macron paie son erreur d'analyse,
réitérée depuis son engagement dans la campagne présidentielle: elle fait
croire que les problèmes migratoires se règlent par l'économie et le social. Or
les bonnes santés de la Pologne, de l'Autriche ou de l'Allemagne démontrent que
la question civilisationnelle dépasse l'approche matérialiste et budgétaire.
Que cela plaise ou non, Donald Trump est plus en phase avec les réalités
humaines que ses adversaires péremptoires. En juillet 2017, à Varsovie, le
président américain s'était livré à un plaidoyer pour la «grandeur de l'Occident»
et pour le renouveau des nations et des frontières. Il avait désigné «le
terrorisme de l'islam radical» comme l'adversaire du monde libre. À l'adresse
des élites suicidaires, il avait déclaré: «Si nous n'oublions pas qui nous
sommes, nous ne pourrons pas être vaincus.» Devant les discours sans âme et
déconnectés du réel du couple Macron-Merkel, ces Thénardier de l'UE, ceux de
Trump s'approchent le plus des reconquêtes démocratiques qui s'observent au
cœur des nations renaissantes. Le nouveau monde n'est pas celui que Macron
prétend incarner.
L'échec des européistes, ces
peuplophobes, est programmé. À moins que Macron et Merkel reconnaissent avoir
fait fausse route, l'issue de la crise migratoire ne fera pas l'économie de
leur mise en cause. Les perroquets à carte de presse, les politologues
encartés, les moralistes de salon sont, dès à présent, confrontés à leur
entêtement à nier les faits. Ce sont eux qui répètent depuis trente ans que
l'immigration et l'islam ne sont que des peurs irrationnelles, des
fantasmes attisés par l'extrême droite. Mercredi, les autorités allemandes ont
annoncé avoir déjoué un attentat islamiste à la bombe biologique (ricine),
après l'arrestation d'un Tunisien arrivé par regroupement familial. La veille,
Trump avait suscité le scandale en assurant que la criminalité dans l'Allemagne
ouverte était en hausse. Son choix, corrigé
mercredi, de séparer les enfants de leurs parents clandestins arrêtés
n'était pas humainement défendable. Aucun faux pas ne lui sera pardonné. Mais
les faux gentils, qui feignent la générosité en se détournant des misères
qu'ils engendrent, ont perdu toute crédibilité.
La France, qui a refusé
d'accueillir l'Aquarius, recevra pourtant une partie des clandestins. Cette
incohérence est celle du progressisme macronien. En face, le conservatisme doit
encore se structurer. Mais sa parole, libérée des génuflexions à Big Other (Jean
Raspail), est plus que jamais attendue.
La rédaction vous
conseille :
- «L'Aquarius
est le symbole d'une débâcle européenne»
- Séparation
d'enfants migrants: Trump recule face au tollé
C’est désormais OFFICIEL : Il
y a George Soros derrière Macron (Màj : L’info est FAKE)
C’est désormais OFFICIEL : Il
y a George Soros derrière Macron
Cette information est fausse
comme l’a révélé Check News. Ce qui est intéressant c’est que le site
internet ilpopulista.it a pour codirecteur Matteo Salvini !
Lisez l’article en entier pour mieux comprendre
l’affaire.
Ci-dessous l’article tel qu’il a
été traduit :
Lecito se demande ce que les
magnats de la finance ont demandé en échange, et qui n’agissent certainement
pas dans un pur esprit “patriotique”.
Soros et Rothschild seraient
également parmi les financiers “cachés” de la campagne électorale d’Emmanuel
Macron. Le président pacifiste ouvre les portes aux immigrants. La révélation
vient des Macronleaks, où des individus malveillants ont “piraté” plus de 20
000 courriels liés à la campagne présidentielle française, une montagne de
documents stockés dans les messageries du personnel d’Emmanuel Macron qui ont
été publiés en ligne et partagés avec Wikileaks.
Évidemment, dans ces cas,
l’authenticité est toujours en doute et c’est pourquoi nous utilisons le
conditionnel, mais lorsque nous parcourons ces échanges, nous découvrons que
beaucoup d’argent provient du Crédit Agricole (huit millions) et du géant
bancaire Rothschild, Soros et Goldman-Sachs. En résumé, George Soros :
2 365 910,16 €, David Rothschild : 976 126,87 €, Goldman-Sachs : 2 145 100 €.
Et à ce stade, il est légitime de
se demander ce que ces magnats de la finance, qui n’agissent certainement pas
dans un pur esprit “patriotique”, ont demandé en retour. Et comment leur
soutien pèse-t-il dans les choix du président bienfaisant ?
Goldnadel : «Je préfère encore les lépreux à la gauche morale
qui les insulte !» (25.06.2018)
FIGAROVOX/CHRONIQUE - L'avocat
revient cette semaine sur les propos d'Emmanuel Macron à Quimper, évoquant «une
lèpre qui monte» en Europe. Selon Gilles-William Goldnadel, le chef de l'État
comme l'ensemble de la «gauche morale» ont l'indignation sélective.
Gilles-William Goldnadel est
avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes
les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
Ainsi, pour notre président si
savant qu'il en devient clinicien, les nationalismes montant en Europe avec
leur traduction électorale, la colère populiste à l'endroit de l'immigration
illégale et forcée relèveraient de la lèpre.
Pour répondre à cet Européen à la
bonne franquette, cette métaphore médicale somatique principalement utilisée
par les fascistes et les nazis («la lèpre rouge», «la lèpre juive»…) ne me
paraît pas, au-delà du diagnostic hasardeux, d'un très bon goût olfactif.
Sans entrer profondément dans une
histoire psychologique de la lèpre à travers les temps, la traque des lépreux,
que l'on diabolise et dont on exagère la puissance contagieuse maléfique,
l'enfermement dans une léproserie jusqu'à leur mort sur le bûcher ne me semble
pas de très bon augure collectif, a priori venant d'un homme que je tiens pour
intelligent autant que cultivé. Mais l'essentiel n'est pas dans ce procès en
sorcellerie aux odeurs de fagots et de ragots, ni même dans les propos de
Macron et de sa suite mais plutôt de la suite qu'a dans ses propos un président
systématique.
Ainsi le président a attendu
l'exaspération électorale populaire pour la taxer de lépreuse, mais il ne lui
serait jamais venu à son esprit et encore moins à sa langue sélective d'évoquer
une lèpre islamiste après des massacres sanglants ou une lèpre gauchiste après
les violences des Blacks Blocks, des antifas ou les blocages illégaux et
violents…
Car au-delà de la chronique
hebdomadaire un peu futile qui voit s'enchaîner les propos et se déchaîner les
polémiques médiatiques qui chassent les précédentes, un fait plus métapolitique
et psychologique s'incruste dans l'esprit public: le président a la dent dure
pour le pauvre mâle blanc et l'œil bienveillant pour l'Autre différent.
C'est ainsi au demeurant que je
faisais remarquer la semaine passée que j'aurais au moins souhaité pour M.
Erdogan le même traitement verbal de défaveur que celui réservé à M. Salvini.
Cette injuste et exaspérante
sélectivité aux oreilles d'un certain petit peuple devenu vieux, taxé de lépreux
et traité tel un gueux, s'est retrouvé cette semaine dans la manière
inéquitable dont ont été traités publiquement deux jeunes insolents aux teints
très différents. Le service très actif de communication présidentielle a publié
avec empressement la belle manière ferme dont un petit bonhomme mal élevé qui
l'avait appelé par son prénom abrégé avait été dûment rectifié. Déjà, et même
si j'ai approuvé la juste réprimande paternelle encore que je l'aurais
souhaitée moins publicitaire, mon esprit frondeur me fit gazouiller incontinent
que j'eusse préféré des remontrances publiques à des mal-élevés plus élevés.
C'est ainsi que j'aurais bien vu et entendu lors de sa dernière interview
présidentielle M. Macron demander à M. Plenel de l'appeler par sa fonction
plutôt que par son nom. J'y aurais vu, disons, plus de hardiesse.
Mais je n'étais pas arrivé au
bout de ma gêne. Ma suspicion à constater chez l'auguste intéressé un courage
et une indignation à sociologie variable aura connu son acmé en cette fin de
semaine. C'était la fête de la musique à l'Élysée, et un jeune disc-jockey s'y
est rendu en portant ce T-shirt: «fils d'immigrés, noir et pédé». On
m'autorisera d'abord cette interrogation, relevant, il est vrai de la
spéculation désormais scientifiquement indémontrable, mais je ne suis pas
assuré de la qualité de l'accueil réservé à celui qui aurait porté
ostensiblement sur sa poitrine: «Je suis Français depuis longtemps, blanc et
hétérosexuel». Je n'exclus pas qu'il aurait été rangé au moins dans la léproserie
morale du président et de sa suite distinguée. L'affaire a fait grand bruit
bien au-delà de la fâcheuse sphère. Pour faire bonne mesure, l'émission
Quotidien, pourtant ordinairement peu bégueule, s'est amusé avec espièglerie à
reproduire la traduction des chansons interprétées sur le perron élyséen: «Ce
soir, brûlons cette maison, brûlons-la complètement… je me suis fait sucer la
bite et les boules... Il y a de la beuh partout». J'ignore si Marlène Schiappa
entend l'anglais, mais je gagerais que pour le même texte incendiaire et
vulgaire, un Tex à l'Élysée n'aurait pas fait long feu. Pour l'éteindre, la
cellule élyséenne de communication a cru de bonne politique d'assumer
pleinement l'événement en exhibant le président tendance et sa première dame
entourés d'artistes noirs et travestis. L'idée était sans doute de revendiquer
cette modernité provocante et rebelle et de moquer les ringards comme autant de
lépreux. À titre personnel, je me moque autant des faux rebelles que des
ringards grincheux, encore que je comprenne bien qu'on ne comprenne pas qu'on
puisse invoquer sévèrement le mercredi le prestige de la fonction et le jeudi
être autant dans le relâchement. Mais l'essentiel est ailleurs.
Le service de la communication
présidentielle ne pourra pas faire diversion, car cette photographie assumée
est hors du cadre de la réprobation de ceux qui se sont étonnés que le
disc-jockey qui avait écrit la veille sur son site Facebook pour expliquer sa
tenue: «Je sais ce que représente l'Élysée en termes d'oppression» n'ait pas
autant été morigéné qu'un petit insolent ayant donné du Manu au président.
Et pour l'écrire plus
chromatiquement, qu'il paraisse plus urgent de chapitrer publiquement un jeune
mâle blanc insolent à la sexualité inconnue qu'un jeune mâle noir provocateur
qui vante son homosexualité et sa couleur.
Mais cette différence de
traitement sociologique, politique et, on le voit, ethnique n'est pas la marque
rhétorique du seul président français.
Elle est en réalité dans l'ADN
constitutif de la gauche progressiste pathologiquement anti-occidentale à
laquelle il continue de vouloir appartenir pour les questions sociétales par un
désir de positionnement électoral dont je ne suis plus sûr de la pertinence,
comme par une inclination naturelle.
Voilà une gauche morale,
traumatisée par la lèpre électorale, qui fait actuellement fond contre les
fakes pour tenter d'interdire certains sites sur la Toile taxée de fachosphère.
Cette morale sélective aura
atteint son apogée cette semaine aux États-Unis, puisque l'on sait à présent
que les photographies utilisées pour émouvoir l'opinion à propos des enfants de
migrants emprisonnés par l'administration Trump étaient en fait des fake
news venus d'ailleurs, dûment instrumentalisés pour la bonne cause.
Ainsi, la photo de la petite migrante mexicaine de 2 ans montrait en réalité
une fillette hondurienne qui n'était en rien emprisonnée. Time en a fait sa Une
en la mettant face à face, dans un photomontage sur fond rouge, la petite fille
apeurée face à un Donald Trump immense avec la légende: «bienvenue en
Amérique».
Un autre cliché à grand succès
lacrymal montrait une vingtaine d'enfants derrière une grille, certains voulant
tenter de la gravir, et a circulé pendant des jours comme une supposée photo de
centres de détention pour mineurs à la frontière mexicaine. En réalité, il
s'agissait d'une photo représentant des enfants palestiniens attendant la
distribution de nourriture pendant le ramadan à Hébron…
Enfin, la troisième image, qui a
fait le tour du monde, représentait un enfant en train de pleurer dans ce qui
semblait être une cage… Il s'agissait en fait d'une mise en scène trompe-l'œil
utilisée dans le cadre d'une manifestation contre la politique migratoire
américaine. Bref, un fake d'un fake...
Résumons. Voilà une gauche morale,
traumatisée par la lèpre électorale, qui fait actuellement fond contre les
fakes pour tenter de discréditer voire d'interdire certains sites sur la Toile
taxée de fachosphère. C'est dans ce cadre hautement déontologique que, lors
d'une émission de France Culture consacrée aux fake news le 21 mars dernier,
Pierre Haski, fondateur de Rue89 et actuel président de Reporters Sans
Frontières, confessait benoîtement: «durant la campagne électorale française,
j'ai participé à une opération de surveillance du Web qui était financée par
l'Open Society fondation de Georges Soros, basée à Londres, qui a mis de gros
moyens, c'était après les élections américaines. Ils voulaient voir ce qui se
passerait, s'il y aurait le même type de phénomène qu'aux USA. Pendant six mois
ils ont surveillé, analysé ce que les gens partageaient avec une société de
marketing.»
Et voilà la même gauche morale
qui vient de tolérer l'une des campagnes médiatiques les plus grossièrement
mensongères que l'on puisse imaginer.
Et que croyez-vous qu'il se
passe, le regret, voire la repentance?
Vous n'y êtes pas. Je vous défie
de trouver le mot «fake» accolé à tous ces faux grossiers. C'est ainsi que
l'Obs, exhibant l'une des photos menteuses, se contentait de reconnaître:
«cette enfant n'a pas été séparée de ses parents. Sa photo reste un symbole.».
Voilà donc la manière dont le
clergé médiatique confesse un fake sans le nommer: quand celui-ci convient, la
fin justifie les plus mauvais moyens.
Voilà pourquoi il m'arrive de
préférer la compagnie de mes lépreux, le soir, au doux son des crécelles.
La rédaction vous
conseille :
- Ivan
Rioufol: «L'Europe se perd, en étouffant les peuples»
- Loi
contre les fake news: le dessous des cartes
- Comment
la lutte contre les «fake news» est devenue une affaire d'États
Gilles William Goldnadel
«Pour une Europe de nations souveraines, débruxellisons
l'Union européenne !» (29.06.2018)
FIGAROVOX/TRIBUNE - Selon Julien
Aubert et treize parlementaires d'«Oser la France», l'Union européenne est en
train d'agoniser de ses contradictions. Face à ce constat, ils affirment
l'importance pour Les Républicains d'opter pour une politique de souveraineté
nationale.
«Oser la France» est un
laboratoire d'idées lancé en novembre 2017 par le député LR Julien Aubert et
rassemblant plusieurs parlementaires et élus gaullistes, souverainistes,
patriotes et républicains.
Les Républicains partagent très
largement le diagnostic sur la crise de l'Union européenne: l'Europe,
construite dans l'ambiguïté d'un fédéralisme que Philippe Séguin avait
prophétisé en 1992, est en train d'agoniser de ses contradictions. Faite pour
organiser la convergence, la zone euro a creusé le ressenti entre débiteurs et
créditeurs. La libre circulation au sein de l'espace Schengen a, sur fond de
crise migratoire, fait exploser la solidarité européenne et provoqué le Brexit
et la poussée des mouvements contestataires. Emmanuel Macron, au logiciel daté
des années 70, s'est isolé avec un discours grandiloquent déconnecté de la
réalité. Face à cela, plusieurs attitudes sont possibles. La première pourrait
s'appeler «option du guépard», à l'instar du film éponyme: «Tout changer pour
que rien ne change». Elle consiste, après la phase d'un diagnostic plus ou
moins sombre qui permet d'exorciser de manière cathartique les remords d'une
Droite qui s'est souvent trompée, de continuer à proposer exactement les mêmes
solutions politiques que d'habitude. S'ensuit donc une liste impressionnante de
souhaits tous plus ambitieux les uns que les autres: «plus d'harmonisation
fiscale, pour un nouveau fonds d'intervention, pour une augmentation du budget,
pour des ressources propres, pour une nouvelle étape de la construction
européenne, pour une Europe de la Défense, de l'Énergie etc.»
Avant de clamer qu'il faut une
Europe de ceci ou de cela, il faudrait déjà qu'il y ait une Europe tout court.
Cette fuite en avant est un
faux-semblant. Elle ne veut pas voir que le projet européen est encalminé et
risque d'emporter les Nations qui composent l'Europe dans sa chute. Avant de
clamer qu'il faut une Europe de ceci ou de cela, il faudrait déjà qu'il y ait
une Europe tout court capable de correctement gérer les politiques qu'on lui a
confiées par le passé. Lorsqu'on voit que malgré la PAC, la France a régressé
dans son potentiel agricole, et qu'elle est en passe de devenir importatrice
nette dans quelques décennies, il y a lieu de s'inquiéter. En réalité, refuser
de tirer les conséquences lucides des erreurs du passé est un mauvais service à
rendre à l'Union européenne. Tout occupés à se projeter, ne perdons pas de vue la
base de départ. L'Europe est le petit problème: le grand problème est la
France, qui a perdu tous ses leviers d'action - monétaire, budgétaire,
agricole, industriel - qu'elle a sacrifiée pour bâtir une Europe censée
démultiplier son influence. Problème: un multiple de zéro reste un zéro.
L'option alternative est de croire en la France, en brisant d'entrée un axiome
qui s'est insidieusement imposé, comme quoi «la France est trop petite pour
survivre seule».
Sans nier que l'Union est un
acteur indispensable pour peser, à condition qu'elle fonctionne, il faut
arrêter avec le discours capitulard expliquant qu'on ne croit qu'aux grands
ensembles continentaux pour exister dans la mondialisation. La grandeur de la
France est un objectif.
Où est l'indépendance aujourd'hui
? Nulle part.
Son indépendance en est la
conséquence. La puissance en est la clé. Or, où est l'indépendance aujourd'hui?
Nulle part. Nous sommes devenus une colonie numérique américaine, librement
vassalisée par les GAFAM. Nos voisins n'ont pas la même sensibilité que nous à
ce sujet, ayant accepté depuis plusieurs décennies, le parapluie américain en
matière de Défense. Nous sommes devenus une puissance désindustrialisée et donc
vulnérable, au nom de la constitution du marché unique et de la nécessité de
bâtir des géants européens. Nos fleurons ont été démantelés, avec la complicité
naïve de gouvernements décidés à sortir du colbertisme: liquider en 20 ans, 200
ans d'acquis, un record. Nous sommes devenus un pays incapable de maîtriser ses
frontières et le flux migratoire, provoquant ainsi le blocage du jeu
démocratique par peur de cautionner les solutions du Front National. Nous
sommes devenus un pays incapable de mettre ses comptes à l'équilibre, qui a
délégué à Francfort le soin de battre monnaie et à Bruxelles les clés du
Trésor. Face à cela, sauf à vouloir provoquer un accident démocratique majeur,
il convient de récupérer les instruments qui permettent au politique de
justifier son existence en permettant l'alternative du choix démocratique. Alors
que le débat sur l'Europe s'ouvre aux Républicains, nous proposons que notre
ligne emprunte 8 points de passage obligés pour tracer en pointillé un nouveau
cap:
Premièrement, s'affranchir du
piège tendu par le Frexit mais afficher clairement le refus d'une Europe
fédérale comme objectif de la construction actuelle, ce qui signifie mettre fin
aux transferts de souveraineté et à la marche forcée vers l'harmonisation ;
Deuxièmement, limiter l'Union
européenne à la civilisation européenne, ce qui revient à fermer la porte à la
Turquie mais ouvrir des négociations avec la Russie, et donc s'émanciper de la
politique étrangère américaine ;
Il faut construire des
coopérations avec quelques États en «débruxellisant» l'UE.
Troisièmement, remettre les
parlements nationaux au cœur de la mécanique institutionnelle en supprimant au
passage le rôle politique de la Commission ;
Quatrièmement, construire des
coopérations avec quelques États en «débruxellisant» l'UE, sur des sujets
immédiats comme la construction d'un Amazon ou un Google Européen, capable de
nous protéger des fausses informations et des espionnages divers et variés ;
Cinquièmement, instaurer dans la
constitution la primauté de la loi française sur le droit européen dérivé,
lorsque cette dernière est postérieure, afin de permettre à un Parlement de
suspendre par une loi de souveraineté l'application d'un texte qui porte
atteinte à nos intérêts. Ce n'est qu'ainsi qu'on mettra fin à l'illusion d'une
construction fédérale: imagine-t-on les résolutions de l'assemblée générale des
Nations Unies l'emporter sur la loi? ;
Sixièmement, remettre la notion
de service public au cœur de la logique européenne en mettant fin à la
politique de libre concurrence sans limite et en protégeant nos derniers
fleurons français sous monopole ;
Septièmement, s'engager à voter
contre toute nouvelle libéralisation commerciale, qu'il s'agisse du Mercosur ou
du CETA ;
Huitièmement, assouplir les
critères de Maastricht en excluant les investissements d'avenir (santé,
éducation) ou les dépenses que la France endosse en matière de sécurité
extérieure (Opex, nucléaire) pour le plus grand bénéfice de nos voisins.
L'heure est venue non seulement de changer de discours mais aussi de mettre en
place les mesures susceptibles de permettre une réorientation de l'Union. A
défaut, le débat se cantonnera à ceux qui affichent clairement leur fédéralisme
et ceux qui n'en veulent pas mais qui le construisent quand même. Or, les
jusqu'au-boutistes prennent le sujet par le mauvais bout.
Il faut oser une autre Europe,
une Europe de Nations souveraines, une Europe qui n'est pas l'avenir de la
France, ni même sa substitution, mais un complément utile pour sa grandeur et
son destin.
Tribune écrite par Julien
Aubert, député de Vaucluse, président d'Oser la France.
Cosignée par:
-Thibault Bazin, député de
Meurthe-et-Moselle, vice-président d'Oser la France
-Valérie Beauvais, députée de
la Marne et vice-présidente d'Oser la France
-Jean-François Parigi, député
de Seine-et-Marne et vice-président d'Oser la France
-Bérengère Poletti, députée
des Ardennes et vice-présidente d'Oser la France
-Patrice Verchère, député du
Rhône et vice-président d'Oser la France
-Stéphane Viry, député des
Vosges et vice-président d'Oser la France
-René Danesi, sénateur du
Haut-Rhin
-Alain Dufaut, sénateur de
Vaucluse
-Bernard Fournier, sénateur de
la Loire
-Olivier Paccaud, sénateur de
l'Oise -Philippe Pemezec, sénateur des Hauts-de-Seine
-René-Paul Savary, sénateur de
la Marne
-Jean-Philippe Mallé, ancien
député PS et vice-président d'Oser la France
-Bernard Carayon, maire LR de
Lavaur et conseiller régional d'Occitanie, vice-président d'Oser la France
-Stéphane de Sallier Dupin,
conseiller régional de Bretagne
-Stéphane Sauvageon,
conseiller régional de Provence-Alpes-Côte D'Azur
-Thierry Horry, conseiller
régional du Grand Est et maire de Marly
-Olivier Arsac, adjoint au
maire de Toulouse en charge de la sécurité et conseiller métropolitain de
Toulouse Métropole
-Gurval Guiguen, conseiller
municipal et métropolitain de Rennes
-Jean-Claude Castel,
conseiller départemental des Alpes-de-Haute-Provence et maire de Corbières
-Alexandre Rassaërt, maire LR
de Gisors et conseiller départemental de l'Eure
-Pierre Laget, adjoint au
maire des 11ème & 12ème arrondissements de Marseille chargé des Finances
-Jean-Louis Ghiglione, adjoint
au maire de Chatenay-Malabry
-Nicolas Leblanc, adjoint au
maire de Maubeuge
-Jérôme Besnard, conseiller
municipal de Mont-Saint-Aignan.
La rédaction vous
conseille :
- «Pour
un renouveau démocratique en Europe»
- «Les
Républicains doivent défendre une Europe d'États-nations»
- «L'Union
européenne tue l'Europe»
- Donner
un nouvel élan à l'UE, vite!
En Suède, la tolérance se fissure à l'égard des demandeurs
d'asile (29.06.2018)
Le royaume nordique a durci sa
législation, mais vient de permettre à 9.000 mineurs déboutés de l'asile de
retenter leur chance… Signe des tensions sur la question migratoire à dix
semaines des élections.
Stockholm
«Parlez moins de migration, et
plus d'économie.» Cette injonction, faite par la secrétaire générale du
puissant syndicat suédois IF Metall au premier ministre social-démocrate Stefan
Löfven, lui-même ancien dirigeant de ce syndicat, illustre bien l'ambiance
délétère qui règne en ce moment en Suède, l'un des derniers pays d'Europe où la
social-démocratie est encore au pouvoir.
Si le royaume nordique a
enregistré 400.000 demandes d'asile depuis 2012 - soit une pour 25 habitants,
un record en Europe -, il peut aussi se prévaloir d'une économie florissante:
le chômage est descendu sous la barre des 7 %, la croissance dépasse les
3 %, le budget est en excédent. Malgré ces performances, le gouvernement
de Stefan Löfven est sous pression. Depuis 2014, il a perdu un sympathisant sur
quatre.
Fermeture des vannes de
l'immigration
Pour les élections de septembre,
les sondages annoncent déjà les Démocrates de Suède comme la deuxième force du
pays, et même la première chez les électeurs masculins. Comme en Allemagne, ce
parti d'extrême droite prospère sur la crise migratoire. Son étoile montante
Jimmie Akesson, un ancien webdesigner de 39 ans, pourrait empêcher la formation
d'un futur gouvernement, tous les autres chefs de parti refusant pour l'instant
de travailler avec lui.
» LIRE AUSSI - En
Suède, l'épineuse gestion des mineurs étrangers
Pour contrer cet inéluctable
glissement, Stefan Löfven a fermé les vannes de l'immigration dès la fin 2015,
en réinstaurant un contrôle des passeports sur le pont de l'Oresund, qui relie
la Suède au reste de l'Europe, et en prenant en juin 2016 des mesures
temporaires de durcissement des règles d'asile. Mais depuis quelques mois, sa
politique est devenue illisible. Le 4 mai, il annonçait que ces mesures
temporaires - quota d'«environ 14.000» réfugiés par an, généralisation du
permis de séjour de trois ans (auparavant à durée indéterminée), regroupement
familial et aides sociales seulement pour ceux qui obtiennent le statut de
réfugiés - devenaient définitives. Mais un mois plus tard, il accordait aux
mineurs demandeurs d'asile arrivés en Suède en 2015 et déboutés le droit de
déposer un nouveau dossier, à condition d'entreprendre des études dans le
royaume. Cette mesure d'amnistie prend effet le 1er juillet et pourrait
concerner 9.000 jeunes.
«Les électeurs ne distinguent
plus la ligne politique des sociaux-démocrate et au final, tous les partis
baissent dans les sondages, sauf l'extrême droite»
Anders Lindberg, rédacteur en
chef politique du quotidien «Aftonbladet»
Alors que Stefan Löfven qualifie
ce louvoiement de «retour à une politique sociale-démocrate traditionnelle de
l'asile», ses détracteurs y voient soit une droitisation, destinée à séduire
les électeurs des Démocrates de Suède, soit dans le cas de l'amnistie une
concession faite aux Verts, qui menaçaient de quitter la coalition
gouvernementale. «Les sociaux-démocrates ont essayé de désamorcer le sujet migratoire,
mais ils n'ont fait qu'ajouter à la confusion, constate Anders Lindberg,
rédacteur en chef politique du quotidien Aftonbladet. Les électeurs
ne distinguent plus leur ligne politique et au final, tous les partis baissent
dans les sondages, sauf l'extrême droite.» «L'agenda des élections va être
différent cette année, ajoute Karin Eriksson, reporter politique au Dagens
Nyheter. Ce n'est plus l'économie, la santé, les retraites qui vont être
décisives, mais les réponses à la crise migratoire.»
Cette question fait aujourd'hui
bouger les lignes politiques en Suède. Le flux migratoire s'est
considérablement réduit - seulement 27.000 demandes d'asile en 2017 -, mais le
pays est confronté comme d'autres en Europe à la résistance des déboutés qui ne
peuvent pas ou ne veulent pas retourner dans leur pays d'origine. En 2015,
avant la crise migratoire, seuls 13 % des Suédois pensaient que
l'immigration était néfaste pour le pays ; cette année, ils sont
31 %.
La rédaction vous
conseille :
- La
Suède en proie à une insécurité inédite
- Le
modèle suédois bousculé par l'afflux de réfugiés
- La
percée de l'extrême droite en Suède secoue le pays
François d'Orcival : «Le droit d'asile, prérogative de
l'État» (29.06.2018)
Sous les IIIe et IV e
Républiques, les réfugiés en grand nombre étaient «mis à l'abri» dans des
«centres fermés».
Des «centres fermés»… L'idée n'est
pas nouvelle, elle nous vient de la République (IIIe du nom), radicale,
socialiste, humaniste et «fraternelle», qui n'avait guère d'états d'âme à
l'égard de ses réfugiés. Elle avait pourtant tous les motifs d'être
accueillante, entourée qu'elle était par les dictatures hitlérienne et
mussolinienne, alors que se déroulait en Espagne une atroce guerre civile entre
communistes et anarchistes d'un côté, franquistes nationalistes de l'autre.
La France avait vu arriver
150.000 réfugiés espagnols durant les premières années de cette guerre. A
la fin de 1938 et au début de 1939, quelque 500.000 autres traversèrent
les Pyrénées. Près des deux tiers furent dirigés vers des camps où ils furent
«mis à l'abri». Par souci de protection du territoire.
» LIRE AUSSI - Au fait, c'est quoi le droit d'asile?
Un premier décret, du 2 mai
1938, indiquait: «Le nombre sans cesse croissant d'étrangers résidant en France
impose au gouvernement d'édicter certaines mesures que commande impérieusement
le souci de la sécurité nationale, de l'économie générale du pays et de la
protection de l'ordre public.» Les mesures annoncées firent l'objet d'un
décret-loi du 12 novembre 1938. Les étrangers jugés «indésirables»,
disait-il, «seront astreints à résider dans des centres dont la désignation
sera faite par décret…»
Hors l'accueil des persécutés
et des combattants de la liberté, le droit d'asile ne s'impose pas ; il est de
la seule souveraineté de l'Etat
Les centres fermés en question
furent rapidement construits, surtout dans le Midi: Argelès, Agde, Collioure,
Canjuers, Rivesaltes, etc., tandis que d'autres réfugiés étaient embarqués
pour l'Algérie. Toutes choses décidées par un président du Conseil radical,
Edouard Daladier (qui venait de signer les accords de Munich), et un ministre
de l'Intérieur, Albert Sarraut, «vieux routier» tout aussi radical.
Ces camps demeureront sous
l'Occupation. A la Libération, la IVe République prévoira dans le
préambule de sa Constitution que «tout homme persécuté en raison de son action
en faveur de la liberté a droit d'asile sur le territoire de la République».
C'est l'origine du droit actuel.
La convention de Genève de 1951, inspirée par les persécutions de la Shoah et
les déplacements de populations d'après-guerre, prolongera le droit des
«réfugiés et apatrides». Hors l'accueil des persécutés et des combattants de la
liberté, le droit d'asile ne s'impose pas ; il est de la seule
souveraineté de l'Etat. En France, ce principe remonte aux Capétiens.
La rédaction vous
conseille :
- Demandes
d'asile en France: «Un cap a été franchi»
- Les
juges du droit d'asile s'inquiètent des effets d'un texte «précipité»
- Au
fait, c'est quoi le droit d'asile?
Une majorité de Français estime que l'Hexagone accueille
«trop» de migrants (28.06.2018)
Par Alain
Barluet et Service
InfographieMis à jour le 29/06/2018 à 10h28 | Publié le 28/06/2018 à
21h17
SONDAGE - Près de trois quart des
personnes interrogées jugent que l'action du gouvernement n'est «pas à la
hauteur» des enjeux de la crise migratoire, selon une enquête Odoxa-Dentsu
Consulting pour France Info et Le Figaro.
Pour six Français sur dix, le
pays accueille «trop» de migrants. Même les sympathisants de gauche ne pensent
pas que la France n'en accueille «pas assez», selon un sondage réalisé mardi et
mercredi auprès d'un échantillon représentatif de 967 Français, par
Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et Le Figaro. Sans
surprise, c'est parmi les sympathisants du Rassemblement national (ex-FN) que
l'on compte le plus de Français jugeant que les migrants sont accueillis en
nombre excessif (98 %).
Cette position atteint 76 %
chez Les Républicains (LR), 42 % parmi La République en marche (LaREM) et
tout de même 36 % dans les rangs de la France insoumise. Au total, toutes
sensibilités confondues, il y a six fois moins de Français estimant que l'on ne
reçoit «pas assez» de migrants (10 %) que ceux qui pensent qu'on en
accueille «trop» (60 %). Pour 30 % des Français, le pays accueille
«le bon nombre de migrants», c'est-à-dire ni trop ni pas assez. Ce chiffre
atteint 45 % pour la LaREM et pour le Parti socialiste, il est à 18 %
chez LR.
L'Europe critiquée
Dans leur ensemble les Français
jugent très nettement (73 %) que l'action du gouvernement n'est «pas à la
hauteur» des enjeux de la crise migratoire. En lisant le sondage, Emmanuel
Macron aura toutefois la satisfaction, très relative, de constater que la
défiance à l'égard de la politique migratoire était encore plus forte sous le
précédent quinquennat (82 % en 2015). Les sympathisants LR, qui pourraient
voir plutôt favorablement certains volets de l'action gouvernementale, sont en
revanche largement défavorables à sa politique migratoire (76 %). Selon
Céline Bracq, la directrice générale d'Odoxa, «cela peut expliquer la
radicalisation des positions des leaders de la droite, dont Laurent Wauquiez.
S'il n'en retire aucun bénéfice, c'est que la surenchère verbale ne convainc
pas les Français et qu'ils se montrent assez désabusés à ce sujet, les
gouvernements peinant à les convaincre sur leur politique d'immigration».
Sur ce thème, les critiques se
sont également renforcées à l'égard de l'Europe: 73 % des Français ne lui
font pas confiance pour régler la question des migrants, davantage qu'en 2015
(+ 7 points).
La rédaction vous
conseille :
- Migrants:
Libye et Tunisie doutent des annonces européennes
- Crise
migratoire: un numéro d'équilibriste difficile pour Angela Merkel
«C'est quand la paix est revenue en Afrique que se sont
déclenchées les migrations» (29.06.2018)
TRIBUNE - Les conflits ont cessé
dans la plupart des pays d'Afrique, explique le professeur d'histoire du
Maghreb contemporain à Paris-I Panthéon-Sorbonne*. La grande majorité des
migrants ne fuient pas la guerre, mais la misère. Or une partie importante de
ces personnes comptent parmi les plus aptes à sortir le continent africain du
sous-développement. Loin de soulager l'Afrique, les migrations l'appauvrissent
donc de façon dramatique, démontre l'historien, Pierre Vermeren*.
Les
migrants de l'Aquarius,
à qui a été promis le paradis européen, s'efforçaient d'échapper non pas aux
guerres - l'Afrique n'en compte plus beaucoup - mais aux plaies ordinaires du
continent: fragilité voire inexistence des États, corruption des
fonctionnaires, exactions des polices, des mafias et des groupes islamistes
radicaux, inégalités sociales extrêmes, absence de couverture sociale, travail
sous-payé, brutalité des rapports sociaux, de genre et de classe, carence en
logements et en infrastructures.
Ce quotidien, lot de plusieurs
milliards d'habitants du tiers-monde, est l'inverse exact du Lunapark permanent
que la société de loisir occidentale projette sur Internet et sur les écrans du
monde entier. Quand celle-ci porte aux nues des histoires édifiantes, telle la
romance du jeune footballeur africain de talent au bras d'un top model
européen, combien d'infortunés sont prêts à tout, jusqu'à risquer leur vie,
pour accomplir ce rêve d'homme?
Il est pourtant à craindre que le
cimetière méditerranéen renferme plus d'espoirs avortés que l'Europe ne recèle
de telles success stories. Entre 1993 et 2017, 33.293 personnes
identifiées, essentiellement issues d'Afrique, seraient mortes noyées en
Méditerranée selon une étude allemande parue à l'automne 2017. Combien de
centaines de milliers d'autres ont été exploitées
au travailou sexuellement, ou sont marquées par les affres d'une
existence brutale et précaire?
«Jamais, dans les médias, la
parole n'est donnée aux acteurs africains - sur ce sujet pas plus que sur un
autre»
Les migrations mondiales en cours
donnent lieu en Occident à un championnat où ferraillent la morale (religieuse
et laïque) et les intérêts (électoraux, économiques). Très peu d'acteurs
s'intéressent aux migrants en tant qu'êtres humains individualisés, et encore
moins aux sociétés qui les font fuir par millions. Jamais, dans les médias, la
parole n'est donnée aux acteurs africains - sur ce sujet pas plus que sur
un autre. Il en va ainsi des gouvernants, des familles soit quittées soit
abandonnées par les migrants, des patients qui se retrouvent sans médecins, des
promoteurs de la migration qui vivent de ce commerce, ou même des immigrés,
sauf en cas de drame (comme après les
ventes d'esclaves en Libye, ou lors d'un naufrage particulièrement
meurtrier). La migration est considérée comme une catastrophe naturelle qu'il
faut accepter ou subir, mais dont on ne songe pas à établir les causes, les
impasses ni les circonstances.
Un collectif sans visage
Personne ne se demande pourquoi,
durant la grande famine chinoise des années 1960, la misère indienne des années
1970 et la sécheresse doublée de famine au Sahel des années 1980, ou lors des
conflits d'Afrique des années 1990 qui ont fait de 10 à 20 millions de morts,
un nombre infime de migrants a quitté ces continents. C'est quand la paix est
revenue en Afrique, que les conflits se sont apaisés (même dans la Corne du
continent), alors que la croissance n'a jamais été si forte depuis les années
1960, que se déclenchent les migrations. La propension à considérer les
migrants comme un collectif sans visage, une fatalité que le destin jette sur
les routes de l'Occident est donc biaisée.
C'est oublier que ceux qui
partent et les organisateurs de la migration, qu'ils se trouvent au nord ou au
sud, ont des objectifs précis, parfaitement identifiables. Suivons dans l'ordre
les étapes de la migration: les pays émetteurs, puis les organisations
internationales, enfin les pays récepteurs.
Parmi les pays émetteurs,
certains sont des pays en guerre. La
Syrie reste la tragédie majeure de ce début de siècle. Mais n'oublions
pas que la vague de migrants syriens en Europe a été pilotée par Ankara en
2015-2016, jusqu'à ce que les autorités turques obtiennent le paiement d'une
importante compensation financière par Berlin.
Il est en outre exceptionnel que
les victimes de la faim ou des catastrophes climatiques prennent la route, car
la migration est un processus économique coûteux qui doit être financé (par les
gouvernements, les familles ou les mafias).
«L'essentiel des migrations forcées
est dû aux entreprises mafieuses, dont le Nigeria semble le principal
pourvoyeur en Europe»
La migration concerne des
individus plutôt aisés des sociétés en développement, hormis ceux proches de
l'objectif qu'ils souhaitent atteindre, à l'instar des Mexicains et des
Marocains dans les années 1990, ce qui permet une émigration moins ciblée. Mais
de façon générale, étudiants, diplômés chômeurs ou cadres sont les plus
susceptibles de pouvoir améliorer leur sort. Pendant la guerre civile
algérienne, la totalité des professeurs de français et un grand nombre
d'universitaires et d'intellectuels francophones ont été chassés vers la
France. Près de la moitié des médecins africains exerceraient hors du
continent, où les conditions d'exercice de la médecine sont exécrables - la
plupart du temps, biens publics et matériels affectés à la santé sont volés,
détournés ou revendus à vil prix par des cadres de santé, dans l'indifférence
ordinaire des gouvernements du continent.
Quant aux migrations forcées,
elles sont organisées soit par les familles elles-mêmes, soit, le plus souvent,
par les groupes mafieux. Les mineurs relèvent des deux catégories. Quand ils
sont envoyés en éclaireurs par les familles, leur installation vise à faire
venir le reste de la famille, ou au moins à envoyer des devises au pays.
Parfois, de surcroît, des gouvernements sans scrupules en profitent pour se
débarrasser de jeunes mineurs orphelins ou délinquants présents dans les
capitales des pays du Sud (on en voit actuellement les dramatiques conséquences
à Rennes ou à Paris).
Mais l'essentiel des migrations
forcées est dû aux entreprises mafieuses, dont le Nigeria semble le principal
pourvoyeur en Europe: le trafic de prostituées et de jeunes enfants en
direction de l'Italie, que les mafias répartissent sur le continent, se double
du trafic lié à la distribution de cocaïne. Beaucoup de migrants, utilisés par
les cartels, ingèrent et transportent des milliers de capsules de cocaïne qui
seront restituées en Europe.
Ces formes de migrations, qui
oscillent entre la traite d'êtres humains et l'esclavage, contribuent à
maintenir certains secteurs de l'économie africaine dans le sous-développement,
la violence, voire la criminalité, c'est-à-dire le contraire d'une migration
émancipatrice. Au demeurant, la migration des étudiants (quand elle est sans
retour) et celle des cadres ont des conséquences tout aussi négatives à l'autre
bout de la chaîne. Parmi les personnes les plus susceptibles de sortir le
continent africain du sous-développement, des millions ne reviendront jamais.
Une perte sèche
Que les raisons personnelles des
intéressés soient bonnes ou mauvaises, les conséquences sur l'industrie,
l'environnement et la santé de leurs pays d'origine sont catastrophiques. La
perte de cadres coûteusement formés par des États pauvres est une perte sèche.
C'est ce que pensent de nombreux dirigeants africains, qui accusent l'Europe de
les piller et de pratiquer la «traite des cerveaux». Certes, la migration
suscite de forts transferts monétaires, mais des millions de familles en
Égypte, en Kabylie, au Sénégal, au Mali, dans le Sud tunisien, dans le Rif ou
le Souss marocains sont de ce fait maintenues sous une perfusion qui confine à
la mendicité, dispensant par là même les États de ces pays des investissements
utiles.
À l'inverse, du côté des organisations
internationales, en 2000, un prérapport de l'ONU, intitulé «Migration de
remplacement: une solution aux populations en déclin et vieillissantes»,
annonçait que l'Europe avait besoin de 139 millions de migrants d'ici à 2025
pour maintenir sa croissance face à son déclin démographique. Ce rapport
traduit la conviction prépondérante parmi les décideurs européens et onusiens:
il faudrait intensifier ces migrations non pour le bien des pays pauvres mais
au service des pays riches vieillissants.
«Dans les pays riches, les
impératifs économiques ne dictent pas les migrations : ce sont des choix
politiques qui forgent des options économiques et un modèle de croissance»
Cette politique, qui est à
l'œuvre en dépit des réticences de plus en plus marquées des peuples d'Europe,
n'améliore vraiment ni le sort de l'Afrique ni celui de l'Europe. En Europe, la
croissance économique faible et la légère croissance démographique due aux
migrations, s'équilibrent pour faire stagner la richesse produite par habitant.
Alors qu'au Japon stagnation du PIB et baisse de la population en l'absence
d'immigration permettent une légère croissance des niveaux de vie. Deux modèles
s'opposent: croissance des facteurs (en France) contre progrès technique (au
Japon, notamment en robotique).
Dans les pays riches, les
impératifs économiques ne dictent pas les migrations: ce sont des choix
politiques qui forgent des options économiques et un modèle de croissance. La
France, par exemple, a fait le choix d'une économie financière et de consommation
qui produit de moins en moins de biens matériels, dopée par l'endettement
public que soutiennent les banquiers: elle a donc besoin d'un flux stable de
nouveaux consommateurs que lui offrent les migrants et leurs enfants, y compris
les moins qualifiés, pour faire fonctionner ses grandes entreprises (bâtiment,
distribution, téléphonie, économie sociale hors marché).
«Dans ce vaste marché mondial
des producteurs et des consommateurs, chacun pousse ses intérêts»
À l'inverse, l'Allemagne a fait
le choix d'une économie de production de haut de gamme, qui lui impose des
migrants qualifiés pour «faire tourner» la machine industrielle et
l'agriculture. Son ouverture aux diplômés syriens a été à cet égard décevante,
car la très grande majorité n'a pas les compétences nécessaires pour occuper
les emplois proposés, outre l'obstacle de la langue allemande. Quant au Canada,
économie de la connaissance comme en rêvait l'Europe il y a quinze ans, il fait
appel à une migration d'ingénieurs et de cadres que lui permet son
«insularité», très loin des grands bassins de migrants.
Dans ce vaste marché mondial des
producteurs et des consommateurs, chacun pousse ses intérêts. La mobilité des
hommes rebaptisés «migrants» est un des rouages de la grande machine économique
mondiale. C'est une explication de la promotion d'un modèle, meurtrier, qui
favorise si peu le développement du continent africain.
* Ancien élève de l'École
normale supérieure, agrégé et docteur en histoire, Pierre Vermeren a publié de
nombreux ouvrages salués par la critique, en particulier Le Choc des
décolonisations. De la guerre d'Algérie aux printemps arabes (Odile
Jacob, 2015), La France en terre d'islam. Empire colonial et religions (Belin,
2016) et Histoire du Maroc depuis l'indépendance (La Découverte,
coll. «Repères», 5e édition, 2016).
La rédaction vous
conseille :
- Renaud
Girard: «L'Europe fracturée par l'immigration illégale»
- Andrej
Babis: «Qu'on arrête de parler de quota de migrants!»
- Le
cri de colère des travailleurs humanitaires de l'«Aquarius»
Ivan Rioufol : «Les mondialistes confrontés à leurs erreurs»
(28.06.2018)
CHRONIQUE - Le président français
rejette les pays d'Europe qui ont fait de la question identitaire et de la
lutte contre l'islam conquérant le centre de leur politique. Or, dans le
rapport de force que Macron impose aux populistes européens, ces derniers
mènent la danse.
Leur haine fait pitié: c'est
celle des désespérés. Nicolas
Dupont-Aignan a subi la
rage de Laurent Ruquier et de sa bande, samedi soir sur
France 2. Pour avoir moqué leur «petite caste», qui louange l'immigration
pour la galerie, le président de Debout la France s'est fait lyncher par la
meute «progressiste». Ainsi se comportent les mondialistes. Ils vivent
comme une insulte les repliements qui leur donnent tort. Jusqu'alors, ces
petits-maîtres se contentaient de réfuter les réalités, en disqualifiant les
observateurs. Cependant les évidences sont devenues énormes. Certes, le
discours officiel persiste à soutenir que les arrivées de clandestins ne
constituent pas un problème migratoire, ou que la critique de l'emprise
islamiste en France est un populisme hérité du nazisme. Mais ces bobards font
rire. Les propagandistes ont la méchanceté des vaincus. Ce soir-là,
Dupont-Aignan a gagné. C'est aussi à ces petits signes que se lit
l'effondrement d'une époque.
C'est la panique chez les
faussaires. Même Jacques Toubon, Défenseur des droits, en oublie ses leçons de
rigueur. Dans le JDD, il déclare: «Partout la peur, l'idée de
submersion - fausse, le solde migratoire en France est nul sur les périodes des
trente dernières années - guident les opinions et les choix politiques.» Or ce
solde, c'est-à-dire la différence entre les entrées et les sorties, est de
60.000 environ. Il a longtemps été à 100.000. Surtout, Toubon oublie de
préciser que ce chiffre est principalement dû au départ des Français les plus
diplômés, tandis que les arrivants sont des étrangers moins formés. Bref, la
France continue d'exporter des bac + 5 et d'importer des bac
- 5. En 2015, elle a enregistré 364.000 entrées, contre 297.000
départs. Reste que les bidonneurs n'ont pas fini d'abuser les esprits et de
moquer les «peurs», tout en craignant «la parole libérée».
Les mondialistes, qui brodent
sur le spectre des années 1930, sont ce qu'ils dénoncent : ils détestent le
peuple et la démocratie, et laissent l'islamo-fascisme en paix
Dans ce contexte tendu, le chef
de l'État souffle sur les braises quand il
compare le populisme à «une
lèpre qui monte». Il a lancé cet assaut le 21 juin à Quimper.
Emmanuel Macron vise ceux qui défendent les nations, les frontières, et
s'opposent à davantage d'immigration. Ce faisant, il suggère la mise au ban des
Français soucieux de préserver leur culture et d'éradiquer le totalitarisme
islamique, cette authentique «peste verte» qu'il ignore. Plus généralement, le
président rejette les pays d'Europe qui ont fait de la question identitaire et
de la lutte contre l'islam conquérant le centre de leur politique. Or, dans le
rapport de force que Macron impose aux populistes européens, ces derniers
mènent la danse. Angela Merkel, affaiblie, est sa seule alliée d'envergure,
avec le pape François (voir mon blog). Mais leur commune indifférence au
besoin de protection des peuples les marginalise à leur tour.
La «lèpre» que dénonce Macron est
dans l'article 2 de la Constitution, sur le principe de la République:
«gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple». La menace populiste
n'est autre que le retour du citoyen dans l'Histoire. Les mondialistes, qui
brodent sur le spectre des années 1930, sont ce qu'ils dénoncent: ils détestent
le peuple et la démocratie, et laissent l'islamo-fascisme en paix. «Pas
d'amalgame!» exigent-ils avec raison pour différencier le djihadiste du
musulman. Mais eux-mêmes mêlent extrémistes et patriotes. Dimanche, la
Direction générale de la sûreté intérieure a opportunément interpellé dix
membres d'«ultradroite», soupçonnés de visées terroristes. Parce qu'il
serait reproché à ce groupe de vouloir répondre par la violence à
l'islamisation de la France, ceux qui entendent y résister pacifiquement sont
mis dans le même sac. Pour la pensée d'État, ceux qui évoquent le risque de
guerre civile sont des lépreux qui s'ignorent.
Autorité affaiblie
N'en déplaise aux vendeurs de
vivre ensemble, la menace d'une guerre interne n'est pas une vue de l'esprit.
«Avec la rupture des années 2015 et 2016, nous avons changé d'époque. […] La
paix ne va plus de soi», avait déclaré en décembre 2016 le général Pierre de
Villiers, avant
qu'il ne démissionne de
son poste de chef d'état-major des
armées. François Hollande, alors président, avait admis à deux
journalistes du Monde : «Comment peut-on éviter la partition?
Car c'est quand même ça qui est en train de se produire: la partition.» Face à
l'apathie des pouvoirs publics, comment ne pas comprendre les inquiétudes de
ceux qui n'oublient pas les 230 victimes, en France, du terrorisme
islamique depuis janvier 2015? Chercher à criminaliser cette crainte, au
prétexte qu'elle met en cause l'islam politique, est une trahison. En juin
1941, de Gaulle confiait: «Je pense qu'il faudrait désormais songer… aux moyens
d'arrêter la progression communiste en Europe (1).» Macron, tout à sa
guerre inutile contre les populistes, ne songe pas aux moyens d'arrêter la
progression islamiste en Europe. L'Histoire jugera.
Au moins le président aurait-il
pu donner corps à sa fonction, en assurant sans faiblir son apparente autorité
monarchique. Lors des dernières commémorations de l'appel du
18 Juin, Macron
avait fait la leçon à un jeune Gavroche qui l'avait interpellé: «Ça va,
Manu?» Le chef de l'État: «Tu m'appelles Monsieur le Président de la
République, ou monsieur.» Le lycéen, filmé par les réseaux sociaux, s'était
immédiatement excusé. Or, le 21 juin, Fête de la musique, le couple
présidentiel s'est fait photographier à l'Élysée, entouré d'un groupe «électro»
se présentant comme «fils d'immigrés, noirs et pédés». Les accoutrements
étaient aussi vulgaires que les paroles des textes traduits: «Ce soir, brûlons
cette maison», « Ne t'assieds pas, salope», «Suce ma bite et lèche mes boules»,
«Danse, enculé de ta mère», etc. Répondant aux indignés, Christophe
Castaner, proche de Macron, a raillé leur «racisme» et leur «homophobie».
Les «lépreux» ont raison
Macron se réveillerait-il enfin,
face au risque réel de fracture de l'Union européenne? Mardi, il a reconnu que
certaines organisations non gouvernementales (ONG) naviguant en
Méditerranée font
bien le jeu de la mafia des passeurs de clandestins. Cela fait des
semaines que les populistes Orban (Hongrie) et Salvini (Italie) dénoncent ce
scandale, au grand dam des mondialistes. Les deux «lépreux» avaient donc
raison…
Erratum: la semaine dernière,
j'ai attribué par erreur à saint Vincent de Paul: «Le bruit ne fait pas de bien
et le bien ne fait pas de bruit.» Il s'agit de saint François de Sales.
(1) François Kersaudy, Le
Monde selon de Gaulle, Tallandier.
La rédaction vous
conseille :
- Ivan
Rioufol: «La France est devenue une zone à défendre»
- Ivan
Rioufol: «L'Europe se perd, en étouffant les peuples»
Natacha Polony : «Bisounourserie nationale universelle»
(29.06.2018)
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Après des
mois de vives discussions, le service national universel commencera en 2019.
Une polémique qui «restera dans les annales politiques comme mètre-étalon du
torpillage», pour notre chroniqueuse.
Il faut beaucoup d'efforts et de
constance pour vider une idée soutenue par une très large majorité des
citoyens. On pressent cependant que le cas du service
national universel restera dans les annales politiques comme
mètre-étalon du torpillage. Il faut dire qu'ils s'y sont mis à plusieurs. Mais
le résultat est concluant: nous allons donc «renforcer la résilience de notre
communauté nationale», pour
reprendre les mots du président de la République, en envoyant les
jeunes de 16 ans un mois en colonie de vacances avec cours de catéchisme
républicain - puisque douze ou treize ans dans les classes n'ont pas été
suffisants.
Puis ces jeunes gens seront
invités à s'investir dans le milieu associatif. Pendant deux semaines, donc. Le
temps de prendre leurs marques, et hop, ils rentreront chez eux. Ce qui n'est
pas bien grave puisque, en tant que mineurs, ils n'ont aucun droit d'exercer la
moindre responsabilité. Tout au moins le projet prévoit-il de les loger en
internat, si possible loin de chez eux, dans un but de brassage social. Vœu
pieux, là encore, puisque leur statut de mineur permettra aux parents de
protester contre l'intolérable atteinte à leur liberté, voire les mauvais
traitements infligés aux chers petits si on les oblige à se lever un peu tôt ou
que l'éloignement leur pèse.
Les
premiers à avoir permis ce chef-d'œuvre d'inutilité sont les militaires,
qui ont tout fait - on les comprend, au vu du budget de nos armées -
pour ne pas écoper de la garderie. Il y eut également les associations censées
représenter la jeunesse - comme si celle-ci était une classe sociale douée
de son identité propre et non un âge transitoire -, tous ces syndicats
étudiants offusqués à l'idée qu'on puisse imposer quoi que ce soit à des jeunes
gens au nom du Bien commun. Parce que le Bien commun, n'est-ce pas, il ne
faudrait tout de même pas qu'il nous empêche de jouir sans entraves et de vivre
sans temps mort… Des droits à, mais surtout pas le devoir de…
En janvier 2015, peu après les
attentats, un sondage Ifop donnait 80 % des Français en faveur d'un service
national
On peut inclure également dans le
lot des fossoyeurs tous ces bons apôtres qui déplorent la fracturation de la
communauté nationale mais ne voient vraiment pas en quoi un service national
pourrait constituer un ciment. Les fatalistes adeptes du «ah là là, c'est
compliqué», les sceptiques qui, sous prétexte qu'il «ne faut pas croire aux
miracles et fantasmer sur le bon vieux service militaire», considèrent qu'il
est urgent surtout de ne rien faire. On peut y adjoindre les comptables,
souvent de droite, pour qui tout cela coûte beaucoup trop cher, puisque la
colonne «investissements» n'existe pas dans leurs tableaux Excel, et les bonnes
âmes, souvent de gauche, pour qui «service», «national» et «universel» sont déjà
trois mots de trop.
En janvier 2015, peu après les
attentats, un sondage Ifop donnait 80 % des Français en faveur d'un
service national. Pour «répondre aux enjeux» des attentats, la majorité
socialiste avait préféré voter la loi «égalité et citoyenneté» qui, en plus de
l'extension du service civique, prévoyait des constructions de HLM, le
doublement de la peine pour les injures racistes et même un amendement pour
interdire la fessée…
Enfin, l'on peut saluer le
président lui-même, dont les volte-face en la matière ont permis ce fiasco. Un
mois, trois mois, puis de nouveau un mois… Pour les 18-21 ans, non,
finalement, pour les lycéens… On subodore qu'Emmanuel Macron, quand il avait
lancé cette idée pendant la campagne présidentielle, n'avait sans doute pas
pris le temps de réfléchir au-delà du coup de com' électoraliste. Aussi
oserons-nous lui suggérer quelques pistes de réflexion.
Notre pays souffre d'une
fracturation dont les dimensions sont multiples. Fracturation sociale, tant il
est vrai que le séparatisme urbanistique, la disparition de tous les lieux de
sociabilité, l'endogamie croissante accentuent les effets du creusement des
inégalités. Fracturation géographique, également, quand le fossé se creuse
entre les métropoles et tout le reste du territoire, villes moyennes et
villages, quand les pauvres sont assignés à résidence tandis que les élites
cultivent hors de France leur nomadisme touristique. Fracturation culturelle,
bien sûr, sous les effets conjugués de l'individualisme consumériste et du
communautarisme victimaire. Moi et les miens contre le reste du monde. Une
communauté politique se construit autour d'une mémoire commune, que l'école a
pour mission de transmettre, et la volonté d'un destin à inventer.
Mais face à la haine et au ressentiment
qui montent dans toutes les strates de la société, le rôle d'un service
national, complément d'une école véritablement républicaine, est de rappeler
aux citoyens - majeurs, donc - ces trois dimensions: «service» car chacun de
nous se doit aux autres, «national» car il y faut une dimension de défense
civile et, au-delà, le rappel de ces valeurs communes que nous ne défendrons
qu'en étant prêts à mourir ensemble pour elles, et «universel» car ce n'est pas
en tant qu'homme ou femme, ou en fonction de nos origines ou croyances que nous
partageons ces valeurs.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 30/06/2018. Accédez à sa version
PDF en cliquant ici
La rédaction vous conseille :
- Service
national universel: «La montagne a accouché d'une souris»
- Charles
Millon: «Un service national d'un mois serait une mesure purement symbolique!»
Journaliste
Ses derniers articles
- Natacha
Polony : «Bisounourserie nationale universelle»
- Natacha
Polony : «Dans l'Éducation nationale, la vieille rengaine des
pédago-modernistes»
- Natacha
Polony : «Brûlez cette chronique après l'avoir lue»
Anastasia Colosimo : «Du ciel, Orwell doit rire de manière
sarcastique» (29.06.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - De la
polémique autour du concert du rappeur Médine au Bataclan au projet de loi sur
les fake news, la question de la liberté d'expression et de ses limites fait
son retour trois ans après la marche du 11 janvier 2015 en hommage à la
rédaction de Charlie Hebdo. L'auteur des Bûchers de la
liberté dénonce la judiciarisation du débat d'idées et plaide pour un
retour aux fondamentaux de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
LE FIGARO MAGAZINE. - La
polémique autour du rappeur Médine au Bataclan a relancé le débat sur la
liberté d'expression. Que vous inspire cette polémique?
Anastasia COLOSIMO. - La
liberté d'expression ne devrait pas créer de débat en France, même lorsque
l'emploi qui peut en être fait dérange, voire suscite une indignation légitime.
C'est là un principe fondamental de la Déclaration de 1789 qu'il faut entendre
d'abord comme une affirmation universelle de l'émancipation. Toutefois dans la
conception française, à la différence de l'américaine, l'homme qui dispose de
ce droit inaliénable est inséparable du citoyen qui l'exerce. Il n'est pas un
simple individu, mais un sujet investi du bien commun. La question est donc
d'ordre politique et s'adresse aux programmateurs du Bataclan qui sont libres,
réglementairement, d'ignorer la charge symbolique que revêt collectivement ce
lieu et d'y préférer une logique d'intérêt privé.
Que faut-il faire? L'interdire
au risque de lui offrir une formidable occasion de se victimiser et de dénoncer
la censure d'une France supposément «raciste» et «islamophobe»? Ou laisser
faire et apparaître indifférent à la mémoire des morts du Bataclan et faible
face aux discours islamistes…
«La liberté est première, la
prohibition l'exception»
Le juge peut considérer que certaines paroles du rappeur transgressent la légalité
admiseet le faire condamner. Le préfet de police peut estimer que le
spectacle représente un risque de trouble à l'ordre public et le faire
interdire. Mais même en pareil cas, il est bon que ni l'un ni l'autre n'agisse
de la sorte sans une forme d'hésitation sacrée. Pas tant par faiblesse,
négligence ou laxisme, que par crainte de briser les tables de la loi: la
liberté est première, la prohibition l'exception. Quant à l'Etat, il a charge
d'assurer la sécurité des manifestations plutôt que de les réprimer par avance
car il sait, de surcroît, qu'il donne alors l'avantage de la victimisation,
vous avez raison, à l'incivilité. C'est cela la France idéale, cette conviction
et cette sagesse. Cette force aussi. Mais la tentation est grande, désormais,
de combler par un excès de coercition le déficit de citoyenneté.
Les partisans de
l'interdiction citent volontiers l'exemple des spectacles de Dieudonné.
L'ordonnance Dieudonné du Conseil d'Etat du 9 janvier 2014 n'a-t-elle pas
été un succès?
Le succès ou l'insuccès d'une
ordonnance tiendrait-il à l'indice de satisfaction qu'elle cause sur le
baromètre des humeurs? Ou faut-il imaginer, au contraire, que le pouvoir
d'alors n'a pas manqué de commander au préalable un sondage qui lui
garantissait avoir les coudées franches? Je ne suis pas pour une République des
juges, mais moins encore pour une démocratie des doxas. Sauf si vous me
souteniez que cette interdiction a fait reculer les thèses de Dieudonné, ce qui
serait présomptueux puisqu'elle l'a consacré martyr et a démultiplié son aura
sur internet.
Plus gravement, cette ordonnance
a entériné l'idée selon laquelle l'ordre public, qui est matériel, évaluable en
termes de violences potentielles et de débordements réels, pourrait être
également immatériel, comptable des sentiments personnels, des affects
communautaires ou de notions générales telles que la dignité. Autrement dit le
royaume du subjectif et de l'équivoque ouvert à des interprétations aussi
infinies que conflictuelles, à rebours même de ce qui fait la loi.
Comprenons-nous bien, je ne défends ni Dieudonné, ni Médine et je pense qu'il
faut les combattre. Mais ce serait leur accorder une victoire facile qu'à cause
de leurs outrances et outrages, on accepte de ne plus distinguer les paroles
des actes et qu'on en vienne à chasser de la cité tout propos, quel qu'il soit,
qui heurte, choque ou inquiète.
Les islamistes et adversaires
de la démocratie ne se gênent pas, eux, pour utiliser l'arme du droit et pour
avancer, en particulier, un antiracisme dévoyé et procédurier…
C'est ce que le philosophe du
droit Guy Haarscher appelle la stratégie du loup dans la bergerie. Ce
détournement a permis au blasphème d'accomplir un retour masqué dans les
prétoires où il était banni depuis deux siècles. A défaut de pouvoir brandir un
principe religieux, l'interdit du sacrilège, en face d'un principe séculier, la
liberté d'expression, les identitarismes militants ont traduit leurs
revendications dans un principe laïcisé: ils opposent désormais le respect des
sentiments d'autrui à la liberté d'expression.
Mais cette traduction est une
trahison: elle emprunte une allure démocratique pour empêcher la démocratie
réelle. Malin et pervers! Historiquement, les intégristes catholiques ont
précédé sur cette voie les fondamentalistes islamiques. Paradoxalement,
eux-mêmes ont embrayé le pas sur les communautarismes contestataires issus de
Mai 68 dont les descendants directs prolifèrent à foison en retournant le progressisme
contre le progrès puisque l'on aura même vu le voile se transformer en bannière
féministe.
«Il faut réinscrire le
caractère non négociable du principe de liberté d'expression tant dans les
textes que dans les mentalités. En revanche, une telle position oblige à
tolérer l'expression de chaque opinion qui pourrait nous déplaire»
Cette dérive était-elle
inscrite dès le départ dans la loi Pleven?
Tous ces concurrents dans le
prêt-à-penser sont, en effet, peu ou prou les rejetons de la loi Pleven de
1972, preuve que l'enfer est pavé de bonnes intentions: en introduisant la
provocation à la haine, à la violence, à la discrimination, ainsi que la
diffamation et l'insulte envers une personne ou un groupe de personnes en
raison de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion,
cette loi a précipité la tribalisation armée des consciences et la guerre
perpétuelle à la médisance. Avec pour résultat les limites grandissantes qui
sont imposées à la loi sur la liberté de la presse de 1881 et qui, pour le
coup, constituent un vrai baromètre.
L'historien Georges
Bensoussan, poursuivi par différentes associations, dont le CCIF, pour avoir
observé l'antisémitisme culturel qui sévit dans certaines familles musulmanes,
a dû endurer deux procès. Que pensez-vous de la décision du parquet de
poursuivre par deux fois, malgré une première relaxe?
Alors que Georges Bensoussan a
été poursuivi, alors qu'il a été relaxé, alors que le CCIF a acté son droit de
faire appel, il aurait été étrange que le ministère public ne suive pas. Là
encore, il faut s'interroger sur les conditions de possibilité de la première
requête. Pourquoi a-t-elle été jugée recevable? Parce que la loi Pleven
autorise un tel type de procès et que les magistrats ne font que l'appliquer.
C'est donc la légitimité et l'opportunité de cette loi qui doivent être remises
en cause.
» LIRE AUSSI - Retour sur l'affaire Georges Bensoussan: le procès du réel
Le cas de Georges Bensoussan,
pour être des plus illustratifs, n'est cependant qu'un exemple d'une
judiciarisation appelée à devenir pandémique si elle n'est pas stoppée sans
attendre. La liberté d'expression peut et doit connaître certaines limites, qui
étaient assez clairement édictées dans la loi initiale de 1881 avant toutes les
modifications ultérieures. Mais il faut réinscrire le caractère non négociable
de son principe tant dans les textes que dans les mentalités. En revanche, une
telle position oblige à tolérer l'expression de chaque opinion qui pourrait
nous déplaire. On ne peut pas déplorer les effets dont on chérit les causes.
Qu'avez-vous pensé de la
polémique sur la publication des pamphlets de Céline?
«Je reste convaincue que la
libre circulation des idées est le meilleur rempart contre les opinions
dangereuses»
Encore un cruel paradoxe. La
France est devenue le pays où l'on défile un jour pour réclamer un improbable
droit au blasphème et où l'on s'écharpe le lendemain pour murer des pans
entiers de la mémoire. On aura ainsi vu un délégué interministériel, chargé de
la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, intervenir
de manière intimidante auprès d'un éditeur et le président de la République se
mêler de l'affaire pour inviter ce dernier à s'abstenir de son métier.
On peut aimer ou non Céline, le
considérer comme un génie ou non, se procurer ses pamphlets ou non et, après les
avoir lus, les juger abominables, ce qu'ils sont. Mais une œuvre littéraire ou
artistique ne saurait être matière à amputation, particulièrement lorsqu'elle
est destinée à tomber à court terme dans le domaine public. Je reste convaincue
que la libre circulation des idées est le meilleur rempart contre les opinions
dangereuses, que celles-ci doivent être confrontées et disputées et que leur
réduction au silence ne fait qu'alimenter les alcôves où elles pullulent.
Faut-il en finir avec la
judiciarisation du débat d'idées? Cela passe-t-il par la suppression de la loi
Pleven et plus largement de l'ensemble des lois mémorielles?
La multiplication des lois
mémorielles et l'extension de la protection de leur subjectivité à d'autres
groupes fondés sur le genre, la sexualité ou encore le handicap, sans que cette
liste soit à l'évidence close. Chaque fois, l'intention est louable et,
immanquablement, les conséquences ressortent désastreuses. Le pire est que ces
dispositions ont un effet cliquet: elles ne peuvent être détricotées sans
envoyer le signal hautement négatif d'un défoulement permissif et compensatoire
quasiment illimité. Quel gouvernement, quel Parlement prendra le risque de
proposer d'abolir ces lois et imposera de revenir à la loi initiale de 1881 qui
apparaît rétrospectivement si juste et équilibrée?
Cela ne doit-il pas
s'accompagner d'un réarmement intellectuel et moral?
«Méfions-nous des moralistes
affichés qui trop souvent prêchent ce qu'ils ne vivent pas»
C'est tout mon propos!
Tocqueville notait déjà que le plus difficile en démocratie est de maintenir
l'exigence de la vertu à moins de quoi s'instaure vite une tyrannie des minorités.
Mais un tel sursaut réclame des prophètes, non pas des idéologues. Le
conservatisme patrimonial a contre lui de préférer hier à demain. Il est un
signe du grand vieillissement de l'Europe. S'il s'agit de se battre, à tout
prendre le front intellectuel est préférable au terrain des mœurs. Méfions-nous
des moralistes affichés qui trop souvent prêchent ce qu'ils ne vivent pas.
La question de la liberté
d'expression est particulièrement complexe sur le web. Cet espace non régulé
est aussi celui de la liberté de diffamer ou d'accuser sans preuve.
Aujourd'hui, internet ressemble
furieusement au PMU d'hier. L'humanité n'a pas changé, mais la fabrique de la
multitude est devenue mondialisée et l'arbitraire de la censure s'est
américanisé. Le vrai problème, selon moi, est que nous avons perdu la bataille
de la souveraineté culturelle sur le web.
Quel regard portez-vous sur le
phénomène #BalanceTonPorc?
La libération de la parole qu'a
provoquée l'affaire Weinstein était sans doute
nécessaire, mais la chasse aux sorcières qui s'est ensuivie au mépris de la
présomption d'innocence et de toute procédure légale a nui à la justice
recherchée. Je note là encore l'entraînement de l'Amérique sur nos conduites et
de ce phénomène, d'un point de vue général, il n'y a pas lieu de se réjouir
puisqu'il nous montre en position de subordonnés jusque dans nos prises de
conscience supposément collectives.
Le présentateur Tex a été
licencié par France Télévisions pour une blague jugée sexiste sur les femmes
battues...
Se faire mettre honteusement à la
porte pour une blague, même de mauvais goût, semble relever de la
science-fiction. Où étaient les millions de Charlie descendus dans la rue pour
dire non à la dictature des nouvelles sacralités? Les événements ne sont certes
pas comparables, mais le même spectre du lynchage, ce déni d'un jugement
équitable, les menace.
Que pensez-vous de la récente
proposition de loi sur les fake news: régulation justifiée ou «ministère de la
Vérité»?
Qu'il est dommage qu'Orwell n'ait
guère cru dans l'au-delà. Sinon, il y serait et, du ciel, on entendrait éclater
son rire sonore. Et sarcastique, bien sûr.
La rédaction vous
conseille :
- Le
concert de Médine peut-il être interdit?
- La
lutte contre les «fausses informations», parfait alibi d'une vérité
officielle
- Loi
sur les «fake news»: «Nous vivons un moment qu'Orwell aurait adoré
prophétiser»
Le candidat de Trump pour l'agence des migrations de l'ONU
recalé (29.06.2018)
Par Camille
Calvier et AFP agenceMis à jour le 29/06/2018 à 16h22 | Publié le
29/06/2018 à 16h05
En lice pour la direction
générale de l'Organisation internationale pour les migrations ce vendredi, Ken
Isaacs, le candidat des États-Unis, a été éliminé. C'est l'ancien ministre
portugais Antonio Vitorino qui a finalement été élu.
L'Organisation internationale
pour les migrations (OIM), l'agence onusienne qui défend l'apport des migrations
pour les sociétés, a choisi l'ancien ministre portugais Antonio Vitorino pour
devenir son nouveau directeur général ce vendredi. Et le candidat américain,
Ken Isaacs, désigné par Washington malgré ses propos polémiques sur les
musulmans, a été recalé dès le 3e tour. Il ne succédera donc pas à son
compatriote, William Lacy Swing, qui a effectué deux mandats de cinq ans à la
tête de l'OIM.
Un coup dur pour les États-Unis:
la direction générale de l'OIM, dont ils sont l'un des principaux contributeurs,
avait toujours été occupée par un Américain depuis la création de l'institution
en 1951, à l'exception du Néerlandais Bastiaan Haveman dans les années 1960.
» LIRE AUSSI - L'ONU
rappelle Trump à l'ordre sur la question des réfugiés
Désigné début février par
l'administration Trump, Ken Isaacs, 65 ans, est l'ancien vice-président de
l'ONG humanitaire chrétienne Samaritan's Purse, dirigée par le fils de l'évangéliste Billy Graham. Une expérience qu'il met
en avant dans sa vidéo de campagne, où on le voit lors de ses missions auprès
de réfugiés. Mais l'élection de l'humanitaire de carrière semblait compromise
depuis plusieurs semaines. Il était au cœur d'une controverse après avoir été
épinglé sur ses propos anti-islam et climatosceptique.
Des tweets polémiques
C'est le Washington Post qui
a publié une série de tweets anti-musulmans, postés par Ken Isaacs entre 2015
et 2017. Il y affirmait par exemple que le Coran «ordonne» aux musulmans de
commettre des actes de violence et suggérait que les réfugiés chrétiens
devraient avoir la priorité sur eux, exprimant des doutes sur le fait que
l'islam soit une religion de paix, à la suite des attentats de Londres en 2017. Déjà en 2016, il
avait estimé que la Suisse et l'Autriche devraient construire un mur pour mieux
contrôler leurs frontières face aux réfugiés.
Les détracteurs de Ken Isaacs ont
également ressorti un message posté sur Facebook dans lequel il qualifiait le
lien entre sécurité nationale et changement climatique de «plaisanterie», alors
que de nombreuses migrations sont liées à des facteurs climatiques. Les tweets
ont été retirés depuis et son compte Twitter est devenu privé.
Face aux critiques, le candidat
américain a assuré qu'il ne prenait «jamais» en compte la foi des personnes
dans le besoin. Dans un courrier à l'AFP, il a aussi fait valoir son passé de
travailleur humanitaire pendant plus de 30 ans dans des régions difficiles
comme la Somalie, le Soudan du Sud et l'Afghanistan. Interrogé par l'AFP sur le
lien entre migration et changement climatique provoqué par l'homme - reconnu
par l'OIM -, Ken Isaacs a répondu: «J'ai constaté de mes propres yeux comment
les conditions météorologiques, les sécheresses, les mauvaises récoltes, la
désertification, les ouragans et les typhons (...) déclenchaient les
migrations.»
Si Ken Isaacs a été critiqué pour
ses propos polémiques, l'ombre de la politique migratoire de Trump, qui prône
la «tolérance zéro», a aussi plané sur la candidature de l'Américain. Les
États-Unis avaient déjà fait l'objet de critiques de l'ONU, pour l'interdiction permanente
d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de plusieurs pays,
pour la plupart à majorité musulmane, et pour sa récente décision de séparer des enfants de migrants de leurs parents
entrés illégalement sur le territoire américain. Une politique mise à l'arrêt après un déluge de
critiques.
La rédaction vous
conseille :
- L'immigration aux États-Unis, une question explosive depuis
un siècle
- Immigration aux États-Unis: un tribunal ordonne de réunir
les familles séparées
- Le
dérèglement climatique, responsable numéro 1 des migrations dans le
monde?
Julian King : «Toute une génération risque d'avoir
affaire au terrorisme» (29.06.2018)
EXCLUSIF - Le commissaire
européen à la Sécurité analyse pour Le Figaro la menace
terroriste. Il met notamment l'accent sur les dangers liés aux attaques
chimiques ou biologiques.
Sir Julian King, commissaire
européen à la Sécurité, était à Paris mardi, où il a participé à un colloque
organisé par l'École de guerre sur «l'Europe qui protège». Avant de s'envoler
pour un sommet des Nations unies sur la lutte contre le terrorisme à New York,
il a accordé un entretien exclusif au Figaro.
LE FIGARO. - Europol, dans son
dernier bilan, fait état d'un doublement des attaques terroristes entre 2016 et
2017 avec un bilan de 62 tués et 819 blessés. Les Européens doivent-ils se
préparer à faire face au terrorisme pendant encore des années?
Julian KING. - Le
terrorisme fera partie de notre vie pour quelques années au moins. Si l'on ne
fait pas attention, cela pourrait même devenir l'histoire d'une génération.
Faut-il rappeler que la menace reste très élevée? Dans tous les pays ayant eu à
subir une attaque, le niveau d'alerte est au plus haut ou presque. Si nous avons
tiré les leçons des attentats
de Paris et de Bruxelles,
nous devons relever le défi des attaques low-costs, commises par des gens qui
n'ont jamais voyagé et qui frappent sur leur territoire. Par ailleurs, il faut
absolument travailler contre la
radicalisation sur Internet, car toutes les attaques commises en Europe
dans ces douze derniers mois ont un lien avec des contenus diffusés en ligne.
Que les terroristes y aient été embrigadés ou que leur attaque ait été
revendiquée par des sites de propagande.
«Il faut absolument travailler
contre la radicalisation sur Internet, car toutes les attaques commises en
Europe dans ces douze derniers mois ont un lien avec des contenus diffusés en
ligne»
Julian King
À la Commission, vous
travaillez aussi sur l'apparition de nouvelles formes de menaces…
Tout à fait. Nous travaillons
notamment sur les attaques dites «hybrides», qui mixent en même temps des
frappes physiques et «cyber». Les risques d'attentats chimiques ou biologiques
sont au moins tout aussi inquiétants. La
tentative d'assassinat dont a été victime un ex-agent double russenous
a rappelé la réalité de cette menace. Si cela a été commis en pleine rue d'une
ville du Royaume-Uni, cela peut se faire n'importe où. Pour cette raison, nous
avons lancé dès l'année dernière un plan d'action visant à renforcer la
coopération et la résilience des pays face au risque NRBC (nucléaire,
radiologique, biologique et chimique, NDLR). Nous recensons aussi nos
ressources en antidotes sur l'ensemble de l'Union. Rappelons que la dernière
arrestation de terroristes manipulant de telles substances, en l'occurrence de
la ricine, qui est un poison très violent, remonte à la semaine dernière en
Allemagne…
Plus largement, qu'est-ce que
l'Europe a mis en œuvre pour durcir la riposte antiterroriste?
Nous avons d'abord déployé toute
une batterie de mesures pour limiter les moyens d'action des terroristes et
restreindre l'accès aux armes à feu, aux substances susceptibles d'entrer
dans la
confection d'explosifs artisanaux, comme le TATP. Des propositions ont
été faites pour tarir les sources de financement, faciliter l'accès des forces
de l'ordre aux registres centraux bancaires. Des informations cruciales pour
remonter la trace des réseaux. Aux frontières, les contrôles ont été renforcés
grâce au Passenger Name Record (PNR), déjà adopté par quatorze pays - cinq
autres s'apprêtent à le faire -, mais aussi avec la mise en place d'un
corps de gardes-frontières et de gardes-côtes. Ces derniers sont au nombre de
1700, et nous avons proposé de les renforcer à hauteur de 10.000 personnes
d'ici à 2027. Toutes les personnes entrant et sortant de l'espace Schengen sont
contrôlées à travers les bases de données sécuritaires, y compris les citoyens
européens, ce qui n'était pas le cas avant avril 2017.
«Toutes les personnes entrant
et sortant de l'espace Schengen sont contrôlées à travers les bases de données
sécuritaires, y compris les citoyens européens, ce qui n'était pas le cas avant
avril 2017»
Julian King
Que faites-vous pour démasquer
les terroristes qui utilisent aussi de fausses identités?
Nous avons intensifié les
échanges d'informations entre États membres, notamment via la Système
d'information Schengen (SIS II). Consulté plus de 5 milliards de fois
l'année dernière, il contient aujourd'hui 76 millions d'alertes concernant
des personnes ou des objets recherchés. Il a ainsi contribué à 40.000
arrestations et 200.000 suivis à distance de criminels. La France est l'un des
pays qui a le plus contribué à cette base. En 2016, son utilisation a augmenté
de 40 %, puis encore de 30 % de plus l'année dernière. Les États ont
compris que cela vaut la peine d'alimenter cette précieuse base de données.
En matière d'accès aux
explosifs et aux armes, des leçons ont été tirées des récentes attaques…
Pour les explosifs, nous avons
dressé la liste des «précurseurs», ces produits utilisés par les terroristes
pour fabriquer des explosifs. L'objectif est d'empêcher un accès facile du
grand public aux substances pouvant être dangereuses. C'est le cas du peroxyde
d'hydrogène (l'eau oxygénée) utilisé pour la fabrication du TATP. Les kamikazes
du 13 novembre 2015 ont utilisé du TATP, et les terroristes de Barcelone
étaient en train d'en fabriquer des quantités importantes avec des stocks d'eau
oxygénée. On peut aussi citer le nitrate d'ammonium (engrais) ou l'acide
sulfurique. Nous proposons de durcir le régime général en matière d'achat de
ces précurseurs. Pour les armes, une directive a déjà été adoptée pour mettre
hors d'accès les armes les plus dangereuses. À la différence de la France, où
la directive est déjà transposée, la réglementation était très insuffisante
dans certains États. L'autre question importante est la neutralisation des
armes avec l'adoption de critères beaucoup plus stricts et surtout communs à
l'ensemble des États.
La rédaction vous
conseille :
- Terrorisme:
en 2017, le nombre d'attaques a doublé
- Terrorisme:
la «task force» se déploie sur tous les fronts
- Le
gouvernement tente d'accélérer la mise en œuvre du plan contre la
radicalisation
Scandales sexuels à répétition: l'humanitaire en crise
(29.06.2018)
ENQUÊTE - Les affaires de mœurs
qui affectent MSF, Oxfam ou Save the Children, jettent le discrédit sur un
secteur humanitaire, hérité des années 1970 et qui peine à se réformer. Enquête
sur les dysfonctionnements de ce métier de terrain, pourtant indispensable.
Quelques jours après l'opération
de sauvetage
de migrants à bord de l'Aquarius,
la prestigieuse organisation Médecins sans frontières (MSF) est rattrapée par
un scandale sans précédent. Les témoignages d'anciennes employées s'exprimant à
visage couvert dans
une émission de la BBCrévèlent les comportements déplacés de certains
membres de l'organisation, alors en poste au Kenya, au Liberia et en Afrique
centrale. «Il y avait ce collègue plus âgé, qui a installé une femme dans la
base [de l'ONG], confie l'une d'elles, missionnée auprès de malades du sida
dans cette région. Il était clair que c'était une prostituée mais il l'appelait
sa petite amie. Elle passait nuit après nuit avec lui.» Avant d'ajouter: «Il
avait une cinquantaine d'années, et elle était beaucoup, beaucoup plus jeune.
Et c'était si flagrant, si flagrant - et tellement répandu.» Une autre
travailleuse humanitaire affirme dans la même émission, à propos d'une
opération de MSF au Kenya: «Il y avait sans aucun doute un abus de pouvoir. Ils
se trouvaient là depuis longtemps, profitaient de leur aura comme travailleur
humanitaire occidental. Peut-être que la direction n'était pas au courant, mais
on ressentait clairement que certains des hommes se comportant comme des
prédateurs étaient vus comme trop importants pour tomber.»
Sexe tarifé en Haïti
Cinq mois après les révélations
du Times sur le
recours à la prostitution de certains employés de l'ONG britannique Oxfam en
2010 en Haïti, ces nouvelles accusations augurent une crise de confiance. À
l'époque, une jeune Haïtienne avait raconté au quotidien britannique qu'elle
avait eu une relation avec l'ancien directeur d'Oxfam en Haïti, Roland Van
Hauwermeiren, alors qu'elle avait 16 ans et lui 61. Ce dernier avait fini
par reconnaître avoir payé des prostituées, sur fond d'apocalypse, le séisme
ayant causé la mort de plus de 230.000 Haïtiens. Sept employés d'Oxfam en Haïti
ont depuis quitté l'ONG: quatre ont été licenciés pour faute grave et trois
autres, dont le directeur (qui entre-temps avait rejoint l'ONG française Action
contre la faim au Bangladesh), ont démissionné. Depuis le scandale, les dons
vers Oxfam-GB ont chuté de 18 millions d'euros.
Le directeur général a
démissionné le mois dernier «pour offrir un nouveau départ à l'organisation».
L'hécatombe ne s'arrête pas là. Le Comité international de la Croix-Rouge
(CICR) a annoncé en février que 21 de ses membres avaient été licenciés depuis
2015 «pour avoir acheté des relations sexuelles» lors de leurs missions ou
avaient démissionné à la suite d'une enquête interne.
L'humanitaire, intouchable
Maîtrisant impeccablement le
système médiatique qui leur a permis d'exister, les organisations se défendent
comme elles peuvent: «Nous sommes profondément attristés que, dans ce cas, les
personnes qui s'adressent à la BBC ne se soient pas senties suffisamment en
confiance pour nous en parler, déclarait vendredi dernier MSF, dont
97,90 % des fonds émanent de donateurs privés. […] L'absence de plainte
est un défi majeur à relever, car les personnes touchées peuvent ne pas se
manifester de peur de ne pas être soutenues ou d'être stigmatisées.» Depuis
2007, «tous les employés sont encouragés à signaler des comportements déplacés
ou des abus, soit à leur hiérarchie, soit à travers des canaux spécifiques, via
des adresses électroniques dédiées, en dehors de toute ligne hiérarchique»,
peut-on lire dans un communiqué de l'organisation. Dans les faits, en 2017, 146
plaintes ou alertes ont été enregistrées au siège de MSF parmi lesquelles 24
étaient des cas de harcèlement ou d'abus sexuel. Au total, sur ces cas, 19
personnes ont été licenciées. Dans les autres cas, les employés ont été
sanctionnés par des mesures disciplinaires ou des suspensions. Un nombre
dérisoire si on le compare aux 38.000 employés que compte l'ONG dans le monde.
Mais un symbole puissant.
«MSF, pour qui j'ai travaillé
pendant cinq ans, précise Sylvie Brunel, est une organisation plus courageuse
que les autres, elle fait en permanence une autocritique extrêmement violente
en interne pour s'assurer de rester bien fidèle à sa mission.» Reste que les
opérations, dont la durée varie d'un mois à un an selon qu'elles répondent ou
non à une urgence, se déroulent loin. «Il est difficile pour la hiérarchie,
parfois à des milliers de kilomètres, de savoir ce qui se passe dans le secret
du terrain, sans contrôle social, souffle Paul Salvanès, habitué des théâtres de
crise au Darfour, en République démocratique du Congo, en Afghanistan et dans
les territoires palestiniens. Parmi les humanitaires, on trouvera toujours
quelques brebis galeuses, racistes, meurtriers ou pervers sexuels,
détaille-t-il. Il faut s'occuper d'eux sérieusement. Mais accuser la totalité
des acteurs du secteur serait aussi absurde que de rendre tous les employés du
privé responsables du travail des enfants dans les usines textiles au
Bangladesh.»
Paul Salvanès, travailleur
humanitaire sur le terrain, au Darfour en 2008. - Crédits photo : Agnes
Coutou
Revêtus de leurs habits de
lumière, défenseurs d'un certain ordre moral et des droits de l'homme, les
«humanitaires» sont à bien des égards, des figures intouchables, symboliquement
rangées du côté des acteurs du Bien. «Ils sont indéboulonnables et donnent des
leçons à tout le monde, s'exaspère Sylvie Brunel, également ancienne présidente
d'Action contre la faim. C'est tellement confortable d'être un héraut et un
héros de l'humanitaire.» L'image de sauveur du monde, ancrée dans les
imaginaires occidentaux et cristallisée par la photo de Bernard Kouchner au
Biafra, en 1968, secourant les enfants mal nourris, a pourtant bien vécu.
Choc des cultures
«La proximité de la mort, les
situations de détresse humaine, nous font repousser sans cesse les limites de
ce qui est acceptable»
Paul Salvanès, travailleur
humanitaire
La professionnalisation et la
bureaucratisation qui ont marqué le secteur ces dernières années ont eu raison
de l'élan charitable qui le caractérisait à ses origines. «Aujourd'hui, faire
de l'humanitaire se conçoit dans un plan de carrière, analyse Sylvie Brunel. Le
profil des engagés varie mais, pour la plupart, ceux-ci font face dans leur vie
à un besoin de rupture, ce qui favorise d'éventuels comportements extrêmes,
dangereux ou addictifs.» Dans son mode de fonctionnement, très bien décrit dans
son palpitant roman noir - à peine fictif - sur l'épopée d'un travailleur
humanitaire de 25 ans, La Haine qu'il faut, Paul Salvanès
raconte la promiscuité dans les bases, la fatigue, l'éloignement des familles,
l'obligation de rédiger des rapports au siège, la logique comptable, la
concurrence inter-ONG sur le terrain et les émotions extrêmes ressenties au
cours d'une mission. «L'intensité de nos vies, le travail dur, sans relâche,
sans week-end, sans loisir, peut amener des comportements à risque, la
consommation de drogues, d'alcool et des comportements sexuels particuliers qui
se combinent avec une prostitution parfois omniprésente, confie ce diplômé de l'Essec.
L'humanitaire est une ligne de crête. On est en permanence confronté à des
dilemmes opérationnels, sécuritaires, éthiques. Pour certains, ces zones grises
deviennent un abîme moral. La proximité de la mort, les situations de détresse
humaine, nous font repousser sans cesse les limites de ce qui est acceptable.»
La clinique de Mathare (Kenya),
tenue par MSF, reçoit 2500 victimes de violences sexuelles chaque année. -
Crédits photo : Georges BARTOLI / fedephoto
«Il faut comprendre le choc des
cultures qui sévit parfois, analyse à son tour Sylvie Brunel. Les femmes
africaines récipiendaires de l'aide cherchent à se trouver un papa, un
protecteur. Elles ont quelques années seulement pour se sortir de leur
condition. Il faut les comprendre, souffle-t-elle. De l'autre côté, les
humanitaires sont seuls, loin de leur bureau. Il faut une véritable grandeur
morale pour résister à cette tentation.» La personnalité du chef de mission
compte pour beaucoup. «En Haïti, se souvient Didier Le Bret, ambassadeur de France
lors du séisme de 2010, le chef de la mission de MSF était un fou furieux. Il
prenait tout le monde de haut. Un jour, pour m'empêcher de rentrer dans l'un de
ses centres, il a fait placer un cadavre devant la porte! se souvient-il. Je
l'ai fait savoir, Rony Brauman [ancien président de MSF, NDLR] est intervenu et
nous avons fini par travailler en bonne intelligence avec cette ONG, notamment
pour éradiquer l'épidémie de choléra qui sévissait.»
Le comportement de ces
humanitaires «tout puissants» qui circulent avec chauffeurs et voitures
blindées est connu. Jouissant d'un pouvoir d'achat certain, avides d'occasions
pour se libérer de situations surchargées émotionnellement, ils peuvent être
tentés de jouir sans entrave de leur ascendant sur des populations vulnérables.
«Autrefois, le père blanc s'engageait dans un pays pour toute la vie, souligne
un diplomate. Le pied à peine posé sur sa terre de mission, il commençait déjà
à creuser sa tombe. Aujourd'hui, les employés d'ONG ne font que passer, cela
change profondément la relation avec les populations locales qui le savent et
tentent par tous les moyens d'en tirer leur avantage.» Tout concourt à chercher
des sauf-conduits sans lendemain dans l'anonymat des populations en détresse.
La réforme se fait attendre
Corollaire pervers de la présence
humanitaire: siphonner les ressources humaines du pays en payant quatre ou cinq
fois plus les collaborateurs locaux (selon un ratio parfois d'un expatrié pour
dix employés locaux). «Quand on a été biberonné un an ou plusieurs mois avec un
bon contrat et que l'ONG se replie, alors on cherche un visa», ironise un
employé de Solidarités international. Ainsi, l'énergie et la bonne volonté des
populations locales peuvent être durablement altérées après les crises. «Nous
avions embauché l'un des très bons vétérinaires locaux soudanais pour vacciner
les troupeaux dans notre opération au Darfour, raconte encore Paul Salvanès.
Finalement, celui-ci a préféré devenir gardien de nuit pour un centre des
Nations unies plutôt que de travailler avec nous car il était mieux payé
là-bas.»
- Crédits photo : ,
Avec ces scandales à répétition,
nombreux sont les employés du secteur qui en espèrent la réforme, appelant de
leurs vœux le recrutement de davantage de femmes dans les équipes, plus de
vigilance sur la «moralité» des personnels, une logique administrative moins
prégnante et un retour au terrain. Le défi est majeur, il concerne l'équilibre
de notre monde convulsif, plus vulnérable et déboussolé que jamais.
À lire
La haine qu'il faut, de Paul
Salvanès, Toucan, 416 p., 13,90 € (2018).
Secourir sans périr, sous
la direction de Michaël Neuman et Fabrice Weissman. CNRS Éditions, 274 p.,
20 €.
Au lycée militaire de Saint-Cyr, rigueur et patriotisme au
service de l'excellence (27.06.2018)
REPORTAGE - Composé à 70%
d'enfants de militaires, cet internat des Yvelines (78) revendique le port de
l'uniforme, la vie en communauté, et l'amour du pays pour atteindre un niveau
académique d'exception.
Dans la cour du lycée militaire
de Saint-Cyr dans les Yvelines, en région parisienne, un chapelet de jeunes
garçons reprend en chœur des chants de l'armée de terre. Leurs voix gaillardes
résonnent en écho sur les murs alentours, où le crépi s'effrite pour laisser
place aux briques de béton. Détruite en grande partie par un bombardement en
1944 puis reconstruite sous l'impulsion du général de Gaulle en 1966,
l'ancienne École spéciale militaire continue de transmettre ses valeurs aux
jeunes générations. Elle fait partie des six lycées militaires gérés par le ministère de
la Défense.
À Saint-Cyr, les 500 lycéens,
tous internes, profitent d'un double encadrement: des cours dispensés par des
professeurs de l'Éducation nationale et une rigueur militaire insufflée par des
officiers de l'Armée de terre. Et ça marche: l'an dernier, tous ont eu leur
bac, dont 80% avec mention (21,3 % de mentions très bien). L'établissement
envoie un quart de ses lycéens dans des classes préparatoires, et 70% de ceux
qui vont à l'université y valident leur licence en trois ans.
La grande particularité de
Saint-Cyr réside dans son recrutement, avec 70% des élèves qui ont au moins un
parent militaire. Les autres élèves sont des enfants de fonctionnaires, et des
boursiers depuis 2008 (15% chacun). «Notre première mission en tant que lycée
de défense, c'est l'aide aux familles de militaires» affirme le colonel Thierry
Assonion, actuel commandant de l'établissement. «Leurs parents sont souvent en
opération extérieure, poursuit le colonel. Ils vivent loin et déménagent
beaucoup, d'où l'idée d'un internat ouvert sept jours sur sept». Un tiers des lycéens
reste le week-end dans l'enceinte de Saint-Cyr, et certains enchaînent des
périodes de sept semaines sans sortir de ses murs, sauf pour les «QL», les
quartiers libres du mercredi après-midi et du week-end.
« Tout le monde perd quelques
points de moyenne en arrivant »
Safi, élève de première, boursier
Toutefois, le recrutement reste
sélectif. Le lycée de Saint-Cyr reçoit en moyenne trois dossiers pour une
place. «Je ne connais pas grand monde qui avait moins de 15 de moyenne au
collège» précise Sébastien, un élève de terminale. La sélection s'y fait sur
dossier et elle est particulièrement drastique pour les boursiers et les
enfants de fonctionnaires. Alain Godon, le proviseur du lycée, confirme
recevoir «de très nombreux dossiers, triés ensuite par l'organe de formation de
l'Armée de terre et répartis dans les six lycées militaires de France».
«J'avais plus de 18 de moyenne au collège, reconnaît Safi, un élève de
première, boursier, dont le père est restaurateur et la mère au foyer.
D'ailleurs, tout le monde perd quelques points de moyenne en arrivant». Malgré
tout, Saint-Cyr se défend d'être un lycée élitiste, et son proviseur Alain
Godon martèle que l'établissement est, à l'image du milieu militaire, un modèle
de mixité social. À 2300 euros l'année en internat, vêtements et nourriture
compris, c'est en tout cas «un beau cadeau» que fait l'armée à ses militaires.
Une véritable «vocation sociale», selon le colonel.
Les «bonjour mon capitaine»
succèdent aux «à tout à l'heure mon colonel»
Autre clef du succès, la
discipline qui règne dans l'école. La vie dans cet internat ressemble un peu à
la vie dans une caserne. La journée à Saint-Cyr commence par un rassemblement
en uniforme marine et ciel devant le drapeau tricolore à 7h30. Après l'appel de
rigueur, les militaires dispensent les informations importantes de la journée.
Le vendredi à l'aube, on y lève les couleurs et une Marseillaise est entonnée.
La journée de cours qui suit ressemble à beaucoup d'autres, à quelques détails
près.
Dans les couloirs, les grappes
d'élèves croisent leurs responsables et les «bonjour mon capitaine» succèdent
aux «à tout à l'heure mon colonel». À Saint-Cyr, on parle de «compagnie» pour
les promotions, et de«section» pour les classes. Ainsi, «la 505» désigne la
seconde 5, «la 403» la première 3, et ainsi de suite jusqu'à la seconde année
de classe préparatoire.
Les lycéens reçoivent des livres
à la remise des prix annuelle. - Crédits photo : Guillaume Cabre/SIRPAT
Le soir, les lycéens rejoignent
leurs chambres, leurs lits aux couvertures rêches et leurs douches aux
tuyauteries blanches de calcaire. Les bâtiments commencent à accuser le poids
de l'âge. «Au moins, on ne pourra pas dire qu'on abuse de l'argent du
contribuable» s'amuse le capitaine Ludovic, officier supérieur adjoint du
lycée. Ce n'est que le soir également que ces lycéens retrouvent leurs
smartphones, car depuis cette année, ils n'y ont plus accès pendant la journée.
«L'envie de travailler des
élèves leur vient du milieu militaire, qui met en avant l'exigence, le travail
et la réussite»
Frédéric Le Moal, professeur
d'histoire géographie
Plus que le confort, c'est tout
un ensemble de traditions que recherchent ces jeunes en venant à Saint-Cyr.
«L'attachement à la France nous unit, explique Sébastien, un élève de terminale.
En seconde il faut s'adapter, mais au final on est tous attachés à ces valeurs
patriotes et à la rigueur militaire». Frédéric Le Moal, professeur d'histoire
géographie, explique que «l'envie de travailler des élèves leur vient du milieu
militaire, qui met en avant l'exigence, le travail et la réussite». Tout est
mis en place pour les y aider, avec deux heures d'études chaque soir dans les
classes. Et l'excellence est encouragée par une remise des prix annuelle en
uniforme de gala en présence des parents.
L'uniforme, justement, l'un des
marqueurs forts de ces traditions y est perçu comme un vecteur de cohésion. «Au
quotidien, garçons et filles arborent un pantalon bleu marine, une chemise bleu
ciel, et de grosse chaussures noires cirées. Le fait qu'ils aient tous la même
tenue les met sur un pied d'égalité, poursuit le professeur d'histoire-géo.
Cela nous éloigne de la tyrannie des marques».
Garçons et filles arborent la
même tenue. - Crédits photo : Saint-Cyr
Enfin, dans cet ADN, le sport
tient également une place de choix. S'il n'existe dans la semaine aucun
entraînement spécifiquement inspiré du quotidien des militaires, l'éducation
physique représente «5 à 9 heures par semaine» d'après André, l'officier des
sports. «J'ai vécu dans un régiment étant petit, précise Marine, élève en
seconde. Faire du sport en groupe permet de nous garder soudés, comme c'est le
cas chez les militaires».
Les lycéens ont été heurtés
par cette enquête
Mais une onde de choc a traversé
les murs de Saint-Cyr ces derniers mois. Une enquête parue dans Libération fin mars fait
état, au sein des classes préparatoires, de «machine à broyer les femmes»,
d'humiliation et de harcèlement moral envers les filles, principalement entre
2013 et aujourd'hui. Thierry Assonion avoue avoir beaucoup souffert de cette
affaire. Il reconnaît que certains «rites initiatiques peuvent échapper au
regard des autorités» et qu'il y a eu «des débordements en prépa il y a
quelques années».
Le commandant de l'école précise
cependant que «ce qui est écrit dans l'enquête n'est pas ce qui est» et qu'il
s'agit d'«un phénomène de très faible intensité». Il dit aussi avoir «tout mis
en œuvre pour limiter ces comportements» et n'avoir constaté «aucune affaire de
bizutage» depuis trois ans où il est arrivé à Saint-Cyr. Et de conclure en
précisant que les cas évoqués dans l'enquête ne concernent pas le lycée. «Les
lycéens ont été heurtés parce que cette enquête a éclaboussé toute
l'institution Saint-Cyr, ajoute le proviseur Alain Godon. Ils se sentent salis
par un article dans lequel ils ne se reconnaissent pas».
«Un certain folklore au lycée»
Un peu désarçonnés effectivement,
les lycéens croisés ce jour-là tiennent à défendre leur institution. Comme
Camille, dont la classe de première S comporte 16 filles sur 28 élèves, et qui
précise que «l'encadrement militaire attache justement une attention toute
particulière aux relations entre filles et garçons». Ou Marine, qui dit n'avoir
entendu «aucune remarque sexiste» au cours de sa première année à Saint-Cyr.
«Honnêtement, l'article a surpris tout le lycée, dit-elle. Personne ne s'y est
reconnu». Sébastien reconnaît qu'il existe «un certain folklore au lycée», mais
qui «n'est jamais issu de traditions fermées, ni sectaires».
La rédaction vous
conseille :
- Avec
100 % de mentions au bac, le lycée Stanislas à Paris se veut un chaudron
de l'excellence
- À
Paris, l'école bilingue Jeannine Manuel encourage ses élèves à viser
l'international
- Les
secrets de la réussite de la Légion d'honneur, qui éduque les demoiselles
de France depuis 1805
Crise de la masculinité : ce nouveau phénomène qui
traverse l'Occident (27.06.2018)
ENQUÊTE - Retard à l'école,
culture de l'immaturité, misère sexuelle : la révolution féministe et
l'avènement d'une société égalitaire ont engendré une crise de la masculinité
sans précédent. Un phénomène qui commence à peine à être étudié.
«L'Occident a perdu foi dans la
masculinité»: c'est le titre d'une conférence de l'universitaire canadien
Jordan Peterson, inconnu il y a deux ans, devenu, selon le New
York Times , «l'intellectuel le plus vénéré et plus injurié»
d'Internet. Ce professeur de psychologie doit son succès à ses passes d'armes à
la télévision avec des militantes féministes dont il démonte implacablement
l'argumentaire, notamment sur les inégalités salariales. Le succès planétaire
de Peterson (des millions de vues sur YouTube) est révélateur
d'un phénomène qui passe au second plan, tant l'attention est retenue par la
révolution «MeToo»: celle d'une inquiétude de plus en plus partagée autour de
la masculinité des hommes occidentaux. Derrière la vague d'indignation contre
une domination masculine qui serait encore visible à travers le harcèlement
sexuel, se cache une autre vérité: celle d'un déclassement généralisé du mâle.
Réactions masculinistes
Le thème est en vogue au pays des
gender-studies. En 2006, le professeur américain spécialiste de Tocqueville et
de Machiavel, Harvey Mansfield, avait publié un essai, Manliness,
dans lequel il tentait de définir les contours et la positivité de la virilité
dans une société occidentale de plus en plus neutre. Le livre consterna
l'intelligentsia new-yorkaise mais fit des émules. Notamment le site «The Art of
Manliness», créé en 2008, qui prodigue conseils pratiques et théoriques
(de «comment réparer soi-même ses essuie-glaces» à «comment savoir si une femme
vous aime») pour «être un homme» à des millions de visiteurs.
Le succès de ce site américain a
inspiré Julien Rochedy, ancien président de la section jeunesse du Front
national, qui vient de créer «Major», une plateforme adressée au public
français. Barbe impeccablement taillée, cheveux gominés, t-shirt noir seyant,
sur fond de bibliothèque, le trentenaire explique face caméra, d'une voix
posée, les «dix pensées que les hommes doivent connaître». «Pendant des siècles
et des siècles, les hommes ont cherché à devenir des hommes, bon, ça s'est
arrêté il y a peu, mais pendant des siècles ça a été comme ça.» Pour enrayer
cette «décadence», le jeune homme vient de lancer cette plateforme. On y trouve
des posts de blog - «pourquoi les hommes doivent tenir l'alcool», «quand
frapper en cas d'agression» -, mais aussi une offre payante, la session
«alpha», composée de vidéos et de fiches philosophiques fortement imprégnées de
nietzschéisme.
«Trolls» contre «cucks»
Mansfied, Peterson et, dans une
moindre mesure, Rochedy sont la version chic et structurée d'une réaction
masculiniste qui prend parfois des atours plus primitifs: on la retrouve dans
les bandes dessinées de l'auteur à succès Marsault, qui prône une virilité
décomplexée et violente - tatouages, crânes rasés et fusils à pompe -, chez le
blogueur «Papacito», créateur de «fils de la pute de la mode», ou autres
disciples plus au moins rebelles du polémiste antisémite Alain Soral, premier à
avoir conspué dans ses vidéos la «féminisation» du monde et la «misère du
désir». Cet imaginaire culmine dans la culture «alt-right» qui s'exprime
beaucoup sur Internet où des «trolls» fustigent des «cucks», ces «hommes qui
cherchent sans cesse l'approbation des femmes». Cette culture peut prendre
parfois un tour tragique et criminel. Le 23 avril 2018, à Toronto, Alek
Minassian, 25 ans, a
fauché au volant de sa Chevrolet blanche dix personnes, dont huit femmes.
Membre des Incels, un groupe de célibataires involontaires, il avait affiché
sur Facebook sa volonté de tuer un maximum de «Chad et de Stacy», noms que
donnent ces jeunes hommes frustrés aux beaux gosses des deux sexes.
Changement anthropologique
sans précédent
Ces réactions masculinistes
marginales font système avec un discours féministe militant sur une masculinité
«toxique» qu'il conviendrait d'épurer, parfois doublé d'une tonalité carrément
revancharde («Il est temps que les hommes fassent l'expérience de la minorité»
a, par exemple, affirmé récemment l'ancienne ministre de la Justice, Christiane
Taubira). Mais il ne faudrait pas réduire le débat à cette dialectique
outrancière. Le sentiment le plus général est celui d'un malaise diffus: la
difficulté de plus en plus grande qu'ont les hommes occidentaux à trouver leur
place dans une société de plus en plus égalitaire. Ce malaise inspire de
nombreuses publications et controverses, aussi bien aux États-Unis qu'en
France. Ainsi le 21 mai dernier, au Théâtre de l'Œuvre, à Paris,
l'essayiste Natacha Polony organisait une table ronde au titre évocateur: «Le
mâle, une espèce menacée?», en présence de la chercheuse Olivia Gazalé, auteur
du Mythe de la virilité, de l'essayiste Peggy Sastre et du
psychiatre Jean-François Bezot.
«J'avais une forme de pitié
pour ces hommes obligés de faire amende honorable, de s'excuser d'être des
hommes, de se proclamer féministes»
Natacha Polony
«Ce sujet m'a été inspiré par
tout ce que j'ai vu ces derniers temps, c'est-à-dire tous ces hommes
transparents lors des débats autour de l'affaire Weinstein. J'avais une forme
de pitié pour ces hommes obligés de faire amende honorable, de s'excuser d'être
des hommes, de se proclamer féministes», explique Natacha Polony.
«On ne peut être indifférent au
changement anthropologique en train de se jouer sous nos yeux: la nouvelle
place des hommes, dans un monde où la séparation en deux sexes a perdu son
caractère d'évidence», analyse Marcel Gauchet, qui a consacré le dossier du
200e numéro de la revue Débat à cette question brûlante du
«masculin en révolution». «L'attention publique se concentre très normalement
sur la montée en puissance des femmes à tous les niveaux, ou sur les inégalités
persistantes dont elles sont victimes. Mais comment cette “révolution du
féminin” pourrait-elle ne pas affecter l'autre sexe? La mutation n'est pas
moindre de ce côté-là. La masculinité est passée d'un système d'évidences à une
mise en doute systématique.»
«Le phénomène le plus massif et
généralisé est celui de l'éducation avec un effondrement scolaire des jeunes
garçons et leur désinvestissement complet des études», souligne le sociologue.
Un point de vue que partage l'essayiste Laetitia Strauch-Bonart qui, dans un
livre percutant - Les hommes sont-ils obsolètes?- diagnostique le
déclassement masculin à l'aide de nombreuses études chiffrées. Elle raconte
l'histoire d'«un sexe qui, en perdant ses privilèges, a peut-être perdu sa
raison d'être».
La désindustrialisation et
l'avènement de l'économie du savoir profitent aux femmes
En effet, les hommes ont perdu le
contrôle de la procréation, sont en retard dans les salles de classe, et la
force physique qui était leur apanage n'a plus d'utilité sociale. En France, le
retard des garçons de 15 ans est de trois quarts d'année scolaire en moyenne en
«compréhension de l'écrit». Dans l'OCDE, cet écart atteint trois ans entre un
garçon issu des classes populaires et une fille issue des catégories
supérieures. Ce retard à l'école se poursuit dans le monde du travail: si, pour
le moment, des écarts subsistent en défaveur des femmes, la tendance lourde est
celle d'un déclassement des hommes. La désindustrialisation et l'avènement de
l'économie du savoir profitent aux femmes. En France, le taux d'emploi des
hommes a baissé de 82,3 % à 76,3 % entre 1997 et 2016, alors que
celui des femmes est passé de 66,6 % à 69,2 %. Elles sont 49 % à
être diplômées de l'enseignement supérieur contre 39 % chez les garçons.
Cette montée en puissance des
femmes pose un problème à certains hommes. C'est
le thème du roman de Patrice Jean, L'Homme
surnuméraire (Rue Fromentin). Son héros, Serge Le Chenadec,
est un quadra ordinaire qui prend la mesure de son inutilité auprès de sa femme
et de ses enfants. Le monde n'a plus besoin de lui: de sa calvitie, de son
boulot d'agent immobilier, de ses billets pour une soirée, en famille, au
cirque. Ces laissés-pour-compte de l'extension du domaine de la lutte peuplent
les romans de Michel Houellebecq, décrivant la misère sexuelle du mâle blanc
abandonné. «Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des
raisons analogues, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de
paupérisation absolue», dit l'un de ses personnages. «Le malaise masculin,
c'est mon quotidien!», confirme la sexologue Thérèse Hargot, qui reçoit dans
son cabinet de nombreux hommes déboussolés. «Les rapports de pouvoir ne peuvent
plus s'exercer dans la sphère publique, alors ils se rejouent dans la sphère
intime et sexuelle. Pour beaucoup d'hommes, elle devient un lieu de revanche,
explique-t-elle. La consommation de pornographie en est le signe le plus
frappant. Je le constate aussi dans l'infidélité des femmes. Beaucoup ne
désirent plus leurs hommes car ils sont dévirilisés.»
Les hommes se retrouvent face à
des injonctions paradoxales: une virilité caricaturale, réduite à sa seule
dimension sexuelle, est exacerbée, notamment dans la pornographie et le monde
ultra-compétitif de l'entreprise, tandis que le discours féministe domine
partout ailleurs. C'est ce que la romancière Nancy Huston appelle la «virilité
vrillée». «Je trouve qu'on demande l'impossible aux hommes, confiait-elle
au Figaro. On leur demande d'être forts et faibles, durs et
attentionnés, puissants et sans pitié dans le monde du travail, et doux comme
des agneaux à la maison.»
Nouvelle culture masculine de
l'immaturité
Face à cette montée des exigences
et l'absence de rites de passage vers le monde adulte (que constituaient une
école verticale, l'église ou le service militaire), beaucoup d'hommes retardent
leur entrée dans la paternité, voire la refusent. Cela débouche sur ce que
l'enseignant Martin Dekeyser appelle, dans un article de Débat, «la
nouvelle culture masculine de l'immaturité». «L'entrée dans la vie adulte est
devenue sensiblement plus difficile pour les jeunes hommes que pour les jeunes
femmes», analyse-t-il. Ceux-ci se réfugient dans une culture jeune composée de
dérision systématique, qui s'exprime principalement sur Internet ou dans les
jeux vidéo. Ils tendent de s'évader, laissant la responsabilité du monde aux
femmes, et en particulier aux mères.
Faut-il s'en inquiéter? La crise
de la masculinité occidentale n'est-elle qu'une réplique sismique de la
révolution sexuelle, vouée à s'éteindre d'elle-même, ou bien fait-elle craindre
un retour de bâton qui s'exprimerait dans l'exaltation d'une masculinité
primitive? Déjà, aux États-Unis, l'élection de Donald Trump, le «white angry
man», peut être lue comme une forme de Nemesis du politiquement correct des
campus américains. Elle n'a rien résolu de cet affrontement mais plutôt
renforcé dans une triste guerre la surenchère féministe et le virilisme
caricatural.
La rédaction vous
conseille :
- Nancy
Huston: «Il n'y a absolument rien de symétrique dans le désir»
- Mathieu
Bock-Côté: «La France résiste au féminisme anglo-saxon, et heureusement!»
- Bérénice
Levet: «Nous ne voulons pas que les hommes renient leur virilité»
- Harcèlement
sexuel: ces hommes déroutés par la parole des femmes
Journaliste Débats et opinions
Ses derniers articles
- Crise
de la masculinité : ce nouveau phénomène qui traverse l'Occident
- Roger
Scruton : «La motivation du Brexit était avant tout culturelle»
- Jérôme
Fourquet : «Le pari de Wauquiez sera tranché aux européennes»
Italie: Salvini lance l'idée d'une "Ligue des
Ligues" en Europe (01.07.2018)
Le ministre italien de
l'Intérieur et chef de file de la Ligue, Matteo
Salvini, a lancé ce dimanche l'idée "d'une Ligue des Ligues en
Europe", réunissant les mouvements "qui veulent défendre leurs
frontières", à l'occasion du rassemblement annuel de son parti
souverainiste à Pontida, dans le nord de l'Italie.
"Je pense à une Ligue des
Ligues en Europe, qui unisse tous les mouvements libres qui veulent défendre
leurs frontières et le bien-être de leurs enfants", a lancé Matteo Salvini
devant des milliers de sympathisants qui l'acclamaient. Plus tôt, il avait
annoncé que les élections européennes de 2019 seraient "un référendum
entre l'élite, le monde de la finance et celui du travail réel, entre une
Europe sans frontières avec une immigration de masse et une Europe qui protège
ses citoyens".
"C'est une émotion
indescriptible. Faites arriver le cri d'amour qui vient de Pontida", a
poursuivi Matteo Salvini sur une grande scène où figuraient les slogans
"Le bon sens au gouvernement" et "Les Italiens d'abord",
leitmotiv du chef de file du parti eurosceptique. Selon les médias, quelque
50.000 personnes sont venues de toute l'Italie pour cette grand-messe du
mouvement d'extrême droite organisée à Pontida, près de Bergame, car y serait
née en 1167 la Ligue lombarde, alliance de villes du nord contre l'empereur
Frédéric Barberousse.
'C'est le ministre qui décide'
Fort du double portefeuille de
vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur, dont il est titulaire depuis
un mois, Matteo Salvini a réussi à imposer le thème des migrants à l'agenda
européen en interdisant début juin l'accès aux ports italiens aux ONG portant
secours aux migrants en Méditerranée. Il les accuse d'être complices des
passeurs, ce qu'elles contestent avec virulence. "La décision d'ouvrir les
ports ou de les fermer, c'est le ministre de l'Intérieur qui la prend",
a-t-il martelé dimanche.
Cette décision est à l'origine de
tensions diplomatiques avec la France, cette dernière ayant accusé l'Italie
"d'irresponsabilité" et M. Salvini rétorquant que l'Italie n'avait
pas de leçons à recevoir de la part d'un pays qui, selon lui, n'a pas tenu ses
engagements en matière d'accueil.
Si les relations ont semblé se
réchauffer ces derniers jours entre les deux voisins, à la faveur de rencontres
entre le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte et le président français
Emmanuel Macron, Matteo Salvini n'a pas changé de ton pour autant. Il a conseillé
vendredi à Emmanuel Macron de "se laver la bouche parce que l'Italie à
fait beaucoup plus que les Français qui continuent de repousser des personnes à
Vintimille", à la frontière franco-italienne.
Large adhésion
Une ligne dure qui semble lui
réussir selon les sondages, dont un récent, réalisé mi-juin par Ipsos, a montré
qu'une majorité d'Italiens (59%) approuvaient ses choix en matière
d'immigration. Une large adhésion dont la Ligue, alliée du Rassemblement
national de Marine Le Pen en France, tire tout naturellement avantage: arrivée
au pouvoir aux législatives du 4 mars avec 17% des voix (en troisième
position), elle était créditée samedi de 31,2% des intentions de votes pour les
élections européennes, faisant du mouvement eurosceptique le premier parti
d'Italie.
Le parti dame le pion à son allié
de la coalition gouvernementale, le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème),
arrivé en tête des élections et qui reste stable à environ 30%. Luigi Di Maio,
le chef de file du M5S, devenu lui aussi vice-premier ministre (et ministre de
Travail), a été éclipsé par son allié de la Ligue, les thématiques sociales
portées par le M5S (comme le revenu de citoyenneté) étant reléguées au second
plan.
LIRE AUSSI
L'UE
s'écharpe sur la question migratoire
Macron choque les souverainistes en dénonçant la «lèpre» des extrêmes
Crise migratoire : des camps de migrants hors de l'UE
Macron choque les souverainistes en dénonçant la «lèpre» des extrêmes
Crise migratoire : des camps de migrants hors de l'UE
Bock-Côté : «Le politiquement correct se radicalise au rythme
où la société diversitaire se décompose» (29.06.2018)
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans
une charge contre le multiculturalisme et le politiquement correct, le
sociologue québécois puise dans l'actualité récente des exemples éloquents :
suppression du mot «race» de la Constitution, passages piétons aux couleurs de
la gay pride à Paris... Un entretien sans concession.
- Crédits photo : Cerf
Mathieu Bock-Côté est
sociologue et chargé de cours à HEC Montréal. Il a publié Le
Multiculturalisme comme religion politique (Éditions du Cerf,
2016).
FIGAROVOX.- Sur fond de
moralisation de la question migratoire et de radicalisation féministe, les
députés ont voté en commission le retrait du terme «race» de l'article 1er de
la Constitution et y ont également introduit l'interdiction de «distinction de
sexe». Que cela vous inspire-t-il?
Mathieu BOCK-CÔTÉ.- Cela
faisait un bon moment que la proposition d'un retrait du terme «race» de la
Constitution traînait dans le paysage politique. On rappelle avec raison que
François Hollande en avait fait la promesse lors de l'élection présidentielle
de 2012. Le raisonnement est le suivant: si les races n'existent pas, comme on
le dit aujourd'hui, pourquoi les mentionner? Ils y voient l'aboutissement
constitutionnel d'un antiracisme authentique. Pourquoi pas?
Mais il y a néanmoins un paradoxe
étonnant sur lequel on doit se pencher: c'est au moment où on veut bannir le
mot race que la question raciale resurgit au cœur de la vie politique, à
travers l'action des groupuscules identitaires d'extrême-gauche, dont les
Indigènes de la République sont emblématiques. La mouvance indigéniste entend
achever la décolonisation en dénationalisant la France, ce qui implique à la
fois sa soumission et sa conversion à un multiculturalisme qui veut non
seulement réintroduire la race dans le débat public, mais qui veut en faire la
catégorie fondatrice de la citoyenneté et de la représentation. Elle pousse à
une racialisation des appartenances qui accule ensuite au séparatisme racial
revendiqué, comme on le voit avec la multiplication des «rencontres non-mixtes
pour personnes racisées» dans le milieu universitaire, pour emprunter les
termes de la novlangue diversitaire. En fait, si on se penche un peu sur les
textes de référence de cette mouvance, on constate qu'elle cultive un racisme
antiblanc décomplexé. S'il y a une tentation raciste en France, elle vient de
là. La mouvance indigéniste excite le repli communautariste et cherche à
fissurer le noyau intime de la nation. Mais cela ne semble pas troubler
exagérément les grands médias, qui accueillent les représentants de cette
mouvance à la manière de grands démocrates. La haine raciale est officiellement
proscrite, sauf lorsqu'elle vise ceux qu'on nous invite à appeler les «Blancs»
parce qu'il s'agirait simplement d'une critique des «dominants» par les
«racisés». La mauvaise conscience occidentale a de l'avenir.
Qu'on me permette un mot sur
cette sociologie racialiste qui s'impose de plus en plus dans l'université.
Faut-il mettre le Français, l'Allemand, l'Écossais, l'Anglais, le Russe, le
Letton, le Québécois et le Néerlandais dans la même catégorie parce qu'ils sont
«Blancs»? Faut-il faire de même avec le Malien, l'Haïtien, le Kenyan et
l'Afro-Américain parce qu'ils sont «Noirs»? Cette racialisation débile des
appartenances est incroyablement régressive: elle pousse à l'abolition de
l'histoire et de la culture pour naturaliser les groupes humains en grandes
catégories zoologiques. Mais puisque cette proposition vient de la gauche, ou
du moins, d'une certaine frange de la gauche radicale, on l'accueille
favorablement, ou du moins, sans trop la condamner.
Alors devant cela, je me demande
quel est le sens de ce vote des députés, qui me semblent incroyablement
détachés du réel politique, auquel ils devraient pourtant porter attention. Que
pensent les députés qui se sont ralliés à cet amendement de cette effrayante
racialisation des appartenances?
Ce progressisme langagier
peut-il vraiment réduire ou corriger les injustices et les inégalités?
Allons-y d'une évidence: le
langage évolue, et d'une époque à une autre, il y a une forme de tri naturel
qui n'est rien d'autre qu'un mouvement de civilisation des mœurs. Dans notre
monde, on ne dit plus nègre, on ne dit plus rital, on
ne dit plus youpin, et globalement, c'est très bien. L'histoire de
la politesse nous rappelle que ce qui peut se dire ou ne pas se dire d'une
époque à l'autre varie et on peut se réjouir que certaines insultes hier
prisées méritent aujourd'hui à ceux qui les emploient une très mauvaise
réputation. Il arrive aussi que ce souci de «politesse» bascule dans
l'euphémisation du réel, lorsque le sourd devient le malentendant ou l'aveugle,
le non-voyant. On ne sait pas trop ce qu'on gagne à parler ainsi, sinon à
déréaliser le langage et à l'enfermer dans un univers autoréférentiel.
Le politiquement correct est
un dispositif inhibiteur installé au cœur de l'espace public qui a pour
fonction de refouler dans ses marges ceux qui affichent leur dissidence.
Mais ce n'est plus de cela dont
il s'agit ici dans cette orwellisation du langage qui caractérise aujourd'hui
la langue médiatique. Souvent, il s'agit de masquer le réel, tout simplement,
comme c'est le cas avec la référence obsédante au vivre-ensemble, au moment
même où la société se décompose et s'effiloche. Il peut aussi inverser le sens
du réel. Il faudrait se souvenir de Jacqui Smith, l'ancienne ministre de
l'intérieur britannique, qui en 2008, avait affirmé qu'il fallait parler non
plus d'attentats islamistes, mais anti-islamiques, parce qu'ils seraient
contraires à la vocation naturellement pacifique de l'islam. De la même
manière, quand un homme comme Jacques Toubon joue avec les chiffres et les
définitions pour laisser croire que l'immigration massive n'a pas eu lieu en
France depuis 40 ans, comme on l'a vu récemment, il s'engage dans un travail de
falsification de la réalité qui pousse le commun des mortels à croire que les
autorités cherchent moins aujourd'hui à agir sur le réel qu'à le dissimuler.
Cette idéologisation du langage devrait nous pousser à relire Milosz et
Koestler, qui ont consacré des pages lumineuses à l'aveuglement idéologique.
La guerre culturelle, qui s'est
substituée à la lutte des classes, est d'abord une bataille pour déterminer la
signification de notre univers symbolique et pour transformer les codes et
repères qui constituent le monde commun. On veut déterminer les paramètres de
la perception commune et décider quels phénomènes sociaux ou aura le droit de
voir ou non. Comment se représente-t-on la société? Comment a-t-on le droit de
la représenter? En fait, le politiquement correct est un dispositif inhibiteur
installé au cœur de l'espace public qui a pour fonction de refouler dans ses
marges ceux qui affichent leur dissidence avec l'orthodoxie diversitaire. Et le
politiquement correct se radicalise au rythme où la société diversitaire se
décompose, comme s'il fallait à tout prix empêcher qu'on en tienne compte. De
ce point de vue, le multiculturalisme est un régime idéocratique et
autoritaire.
Je vous donne un exemple: on
parle beaucoup, depuis quelques années, d'une «libération de la parole
xénophobe» et il est bien vu de s'en inquiéter. Il y aurait même une montée de
l'intolérance en Europe, et la démocratie serait mise en péril par la tentation
du repli identitaire - on connaît ce lexique. Mais on peut voir les choses
autrement: depuis une quarantaine d'années, on a assisté à la criminalisation
progressive du sentiment national, au point où même la forme la plus bénigne de
patriotisme a été assimilée à une inquiétante dérive nationaliste. À travers
cela, c'est le besoin d'enracinement qu'on a moralement disqualifié. Il n'est
plus légitime, pour un peuple, de vouloir assurer sa continuité historique ou
de défendre ses frontières devant l'immigration massive sans qu'on présente de
telles aspirations comme autant de symptômes de la progression de
l'extrême-droite dans la vie publique.
Alors s'agit-il vraiment d'une
libération de la parole xénophobe, ou du simple éclatement d'une digue
idéologique et médiatique qui censurait le sentiment national? S'agit-il d'un
retour du racisme 70 ans après la deuxième guerre mondiale ou d'un refus enfin
affirmé de xénophobiser tout ce qui relève de près ou de loin de la nation? À
tout le moins, on comprend que toute bataille politique suppose une bataille
pour définir la réalité, mais celle-ci n'est pas infiniment malléable et elle
finit par regagner ses droits, que nous la regardions en face ou non.
Plus anecdotique, Anne Hidalgo
a décidé d'installer de manière permanente des passages piétons LGBT après
qu'un passage piéton «arc-en-ciel» a été recouvert d'insultes homophobes. Dans
le même temps, l'Assemblée nationale sera pour la première fois pavoisée aux
couleurs LGBT. Cette politique en direction des minorités, sous prétexte de
lutte contre les discriminations, ne trahit-elle pas finalement l'idéal
égalitaire et anti-communautaire républicain?
Je ne suis pas certain que cela
soit si anecdotique. Ces insultes contre les homosexuels sont inadmissibles,
évidemment, et il est bien qu'on le dise, qu'on le répète, même. Ils relèvent
d'une bêtise crasse, abjecte et militante qui devrait avoir honte d'elle-même.
Mais on voit ici comment le
politiquement correct récupère ces insultes pour les instrumentaliser: on
cherche ainsi à faire croire qu'elles seraient symptomatiques d'une renaissance
du démon de l'homophobie qui hanterait la France. Il faudrait urgemment se
mobiliser contre lui pour le chasser de la cité. Cela correspond à la
sociologie diversitaire qui soutient que les sociétés occidentales se
définiraient aujourd'hui essentiellement par une structure patriarcale,
homophobe, raciste et sexiste qu'il faudrait faire tomber urgemment.
Pouvons-nous raison garder? On constate ici que le système médiatique est prêt
à récupérer n'importe quel événement pour maintenir en vie ce grand récit de
l'hostilité occidentale à la différence.
- Crédits photo : Andres
Kudacki/AP
Et cela peut aller plus loin. Si
la France suit la pente nord-américaine, c'est au nom de la lutte contre
l'homophobie, et demain, contre la transphobie, qu'on voudra de nouveau la
convertir à la théorie du genre ou qu'on militera pour la reconnaissance d'un
troisième sexe normalisé dans les formulaires administratifs, et cela, pour en
finir avec la représentation binaire de la différence sexuelle. Et comme on doit
s'y attendre, à ce moment, ceux qui ne participeront pas aux applaudissements
obligatoires seront rangés dans le camp des réactionnaires. Cela devrait nous
amener à réfléchir à la «lutte contre les discriminations», à laquelle en
appellent tous les politiques, sans prendre la peine de réfléchir au cadre
théorique dans lequel elle s'inscrit et qui la justifie. La moindre différence
est désormais pensée comme une discrimination illégitime à combattre.
Autre chose. Il faudrait se
questionner sur ce qui, dans le logiciel médiatique, permet de transformer un
fait divers en fait politique. Ces insultes sont comprises comme un événement
politique exigeant une réponse politique. Mais quelle est la matrice
idéologique qui transforme les faits divers en faits politiques, et comment
fonctionne-t-elle? Pourquoi, par exemple, le scandale de Telford est-il traité
comme un fait divers n'ayant aucune signification particulière? Pourquoi
avons-nous parlé avec tant de pudeur des agressions sexuelles à grande échelle
de Cologne? Pourquoi la hausse de l'insécurité causée par l'immigration massive
est-elle tue, ou même niée, au point même où ceux qui en font mention passent
pour des agitateurs racistes et des prêcheurs de haine?
En fait, tout ce qui remet en
question la grandeur de la société diversitaire est abordé avec une gêne
extrême: on craint que si l'information se rend au peuple, ce dernier n'en tire
des conclusions indésirables. Alors on ira même jusqu'à criminaliser les
porteurs de mauvaises nouvelles, comme on le voit avec les procès idéologiques
à répétition, qu'ont subi bien des intellectuels et journalistes français ces
dernières années.
De manière plus large, est-on
en train d'assister en France à un nouveau tournant politiquement correct?
Régis Debray a-t-il raison de parler d'américanisation de l'Europe?
Je ne suis pas particulièrement
porté à l'anti-américanisme mais je constate qu'il est aujourd'hui nécessaire
de critiquer une nouvelle forme d'impérialisme idéologique qui vient d'Amérique
et qui pousse chaque nation à la déculturation. Ce n'est pas être
anti-américain que de ne pas vouloir devenir américain et de ne pas vouloir
plaquer sur la France des catégories historiques et sociologiques qui n'ont
rien à voir avec elle. Pour parler du politiquement correct, on pourrait
peut-être même parler, pour s'inscrire dans l'histoire culturelle américaine,
d'une forme de puritanisme idéologique, qui consiste à vouloir purger une
société de toutes ses aspérités culturelles et symboliques, pour les rendre
conformes au dogme diversitaire. Il faut refouler les mauvais sentiments que
nous inspire la postmodernité et envoyer sans cesse à ses contemporains des
signes ostentatoires de vertu, pour emprunter la formule de Vincent Trémolet de
Villers. On le fera en dénonçant rituellement, et sur une base quotidienne,
s'il le faut, les phobies qui polluent notre monde, quitte à en inventer des
nouvelles, comme la grossophobie! Ceux qui prendront la peine de s'intéresser à
ce que devient aujourd'hui l'université américaine et aux types de controverses
qui l'animent seront sincèrement horrifiés.
Le politiquement correct a
pour vocation d'étouffer la part du vieux monde encore vivante en lui pour lui
permettre d'enfin renaître après son passage dans la matrice diversitaire.
Mais on peut aussi voir dans
l'idéologie diversitaire qui a fait du politiquement correct son régime de
censure médiatique une poursuite de la tentation totalitaire qui hante la
modernité et qui se présente aujourd'hui sous un nouveau visage. De nouveau, on
rêve à un monde réconcilié, réunifié et absolument transparent à lui-même. Un
monde sans identités, mais aussi sans carnivores, sans fumeurs, sans buveurs,
sans dragueurs, sans aventuriers et sans relations particulières, c'est-à-dire
un monde sans amitié, absolument programmé, lisse, amidonné - un monde qui
aurait fait mourir d'ennui un Joseph Kessel et qui donnerait des envies d'exil
à un Sylvain Tesson. Nous recommençons à rêver de l'homme nouveau, mais il
s'agit cette fois de l'homme sans préjugés, délivré de ses appartenances, de sa
culture, de ses désirs et du vieux monde auquel il était encore lié. Le
politiquement correct a pour vocation d'étouffer la part du vieux monde encore
vivante en lui pour lui permettre d'enfin renaître après son passage dans la
matrice diversitaire, purifié et prêt à embrasser une nouvelle figure de
l'humanité, délivrée de cette préhistoire morbide qu'aura été l'histoire de
l'Occident. Car pour que l'humanité nouvelle advienne, on doit d'abord en finir
avec l'Occident en général et l'Europe en particulier. Si on ne comprend pas
cela, on ne comprend fondamentalement rien au progressisme d'aujourd'hui.
Ce politiquement correct a été
embrassé depuis longtemps en Amérique du Nord. Quand est-il né exactement?
Comment a-t-il imposé son hégémonie culturelle?
En un mot, il naît sur les campus
américains, à partir de la fin des années 1960, et se développe jusqu'aux
années 1980, où il commence à s'institutionnaliser dans l'université, avant de
devenir médiatiquement hégémonique avec les années 2000. C'est le fruit des
Radical Sixties et d'un croisement bien particulier entre le néomarxisme et les
formes les plus toxiques de la contre-culture. Très schématiquement, il repose
sur une critique radicale de la civilisation occidentale, accusée d'avoir construit
une figure aliénante de l'homme, qu'il faudrait déconstruire en s'appuyant sur
les différentes minorités qui auraient subi son hégémonie. Il faut dès lors
attaquer ou censurer ce qui était encore hier la norme majoritaire de nos
civilisations, et valoriser ce qui était marginalisé ou laissé de côté. Sur le
plan philosophique, le politiquement correct repose sur une inversion radicale
du système normatif de notre civilisation, qui doit désormais neutraliser et
déconstruire son noyau existentiel, pour se définir désormais à partir de ceux
et celles qu'elle aurait historiquement exclu, qui sont désormais investis
d'une charge rédemptrice quasi-religieuse.
- Crédits photo : Jean-Christophe
MARMARA/Le Figaro
Concrètement, le politiquement
correct repose aujourd'hui sur une culture de la surveillance généralisée: tout
ce qui entre en contradiction avec l'orthodoxie diversitaire est dénoncé et
monté en scandale par des groupuscules à la psychologie milicienne qui se
comportent comme des professionnels de l'indignation - et il s'agit d'une
profession rentable. Pas une semaine ne se passe sans qu'on ne dénonce telle ou
telle rémanence du vieux monde et sans qu'on nous répète que nous avons encore
beaucoup de chemin à faire pour accoucher de la société diversitaire idéale. Le
politiquement correct carbure aux scandales, de temps en temps réels, la
plupart du temps artificiel, qu'il sait mettre en scène pour garder la société
vigilante contre l'éternel retour du monde d'hier, même sous la forme
apparemment neutralisée de la nostalgie. Jamais il ne baisse la garde, jamais
il ne veut la baisser. Souvent, il devient ridicule, comme on l'a vu avec la
controverse de l'écriture inclusive, et alors, il feint de s'arrêter, mais
c'est pour reprendre sa croisade dès que le cycle de l'actualité a repris son
cours. De ce point de vue, toute critique du politiquement correct implique une
critique du fonctionnement du système médiatique et une explicitation de ses
biais inavoués.
N'a-t-il pas été ébranlé par
l'élection de Donald Trump? La gauche intellectuelle américaine a-t-elle entamé
un début d'auto-critique sur ce sujet?
Au contraire. La gauche
intellectuelle américaine se radicalise. Elle ne doute plus d'elle-même. Devant
Trump, qui incarne de manière caricaturale et convenons-en, souvent détestable
tout ce qu'elle exècre, elle est ivre de vertu et fait valoir encore plus sa
splendeur morale. Jamais elle n'a moins douté que maintenant. Avec un grand
esprit de sérieux, elle se demande doctement si l'Amérique ne bascule pas vers
le fascisme. On devrait être capable de critiquer la présidence souvent
inquiétante de Trump sans verser dans une telle outrance - mais la gauche
idéologique est-elle capable de s'imaginer un adversaire qui ne soit pas un
ennemi du genre humain? Sa tentation, à laquelle toujours elle cède, c'est la
croisade morale pour chasser de la cité ceux qui ne souscrivent pas à ses
dogmes. Elle ne croit pas au pluralisme politique: elle distingue entre
l'avant-garde, qu'il faut célébrer, et dans laquelle elle se reconnaît, et
l'arrière-garde, assimilée au bois-mort de l'humanité, dont il ne faut pas
s'encombrer et qui est de toute façon condamnée par le sens de l'histoire. Au
fond d'elle-même, elle croit à la vertu politique de l'ostracisme. Ce qui la
menace, toutefois, c'est qu'une part de plus en plus importante de la
population se fiche désormais des campagnes de salissage médiatique. Plus
encore: plus les médias désignent à la vindicte publique un homme ou une idée,
plus cette frange de la population s'y identifie. La société se polarise comme
jamais.
Cette idéologie étrangère à la
culture européenne, en particulier française, peut-elle s'imposer durablement
sur le vieux continent? Ne risque-t-elle pas de nourrir, comme aux États-Unis,
une réaction «populiste»?
Plus le discours dominant
fonctionnera au déni de réel et plus il diabolisera ceux qui cherchent à en
rappeler l'existence.
On sous-estime le poids de la
révolte contre le politiquement correct dans ce qu'on appelle la poussée
populiste contemporaine. Le commun des mortels s'exaspère avec raison contre le
contrôle tatillon du langage, contre le culte immodéré des minorités quelles
qu'elles soient, contre les délires idéologiques comme l'écriture inclusive,
contre un certain féminisme radical qui n'en finit plus d'en appeler à la
charge contre le patriarcat alors que nos sociétés n'ont jamais été aussi
égalitaires, contre la mouvance trans et queer qui veut déconstruire les
fondements même de la différence sexuelle, et ainsi de suite. Le commun des
mortels sent qu'on veut transformer radicalement sa culture et naturellement,
il se braque. Il y a des limites à faire semblant de rien devant un tel
matraquage idéologique. Nos sociétés, avec raison, sont prêtes à s'ouvrir à une
pluralité de modes de vie, c'est la grandeur des sociétés libérales, mais n'ont
pas particulièrement envie d'être transformées en un grand camp de rééducation
idéologique à ciel ouvert avec des sermonneurs sur toutes les tribunes qui les
accusent d'être arriérées. Permettez-moi aussi une petite réflexion sur le
«populisme». Le «populisme» est un gros mot, très rarement définit, dont on
fait usage pour disqualifier moralement et politiquement ceux qui affichent
leur dissidence avec l'orthodoxie diversitaire. On s'alarme de sa montée sans
jamais nous dire exactement de quoi il s'agit. Et on peut croire que la
dénonciation désormais rituelle du populisme dans les médias contribue à cette
exaspération populaire, qui pousse aux révoltes électorales comme l'élection de
Trump, le Brexit ou l'élection italienne.
Alain Finkielkraut insiste sur
la nécessité de refuser «le politiquement correct» sans pour autant verser dans
«le politiquement abject». Dans un contexte de crise de l'Occident, cet
équilibre va-t-il devenir de plus en plus précaire? Comment le préserver malgré
tout?
Je partage le même souci qu'Alain
Finkielkraut. Le politiquement correct comme le politiquement abject sont les
deux faces d'une même médaille et ils s'expriment souvent d'une manière
absolument détestable sur les médias sociaux. Mais je vous avouerai mon
pessimisme: je crois de moins en moins en l'avenir de la courtoisie
démocratique, nécessaire à la conversation civique, même si je la crois
absolument nécessaire. Pour que la politique soit civilisée, ou du moins, pour
qu'on contienne sa charge polémique, elle doit s'inscrire dans un monde commun,
qui transcende nos désaccords les plus profonds. Ce cadre, c'était la nation.
Quand elle se décompose, c'est une psychologie de guerre civile qui remonte à
la surface. Je ne suis pas certain que nous puissions contenir, du moins pour
un temps, la radicalisation de la rhétorique politique. Sur internet, je l'ai
dit, plusieurs se complaisent dans la fange. La vie publique devrait exiger une
certaine décence. Elle suppose aussi une pluralité légitime de points de vue:
aucun camp ne devrait réclamer pour lui le monopole du vrai, du bien et du
juste.
Mais je suis convaincu d'une
chose: plus le discours dominant fonctionnera au déni de réel et plus il
diabolisera ceux qui cherchent à en rappeler l'existence, plus il poussera à la
révolte de grandes couches de la population et dégagera un boulevard pour des
entrepreneurs politiques qui sauront canaliser cette exaspération. En fait,
cette recomposition est déjà commencée. Reste à voir quel visage elle prendra.
La rédaction vous
conseille :
- Bock-Côté:
«La France fait un pas de plus vers le politiquement correct à
l'américaine»
- Mathieu
Bock-Côté: «La renaissance conservatrice n'est pas terminée»
- Dominique
Lecourt: «Le politiquement correct favorise le retour de toutes les
violences»
- «Le
multiculturalisme tue toute identité commune enracinée dans une histoire»
L’ambassadeur de France
en Hongrie soutient Orban et ose dire la vérité «le véritable antisémitisme est
le fait des musulmans» (01.07.2018)
Juil 01, 20183
Dans une note diplomatique
révélée par Mediapart ce 29 juin, l’ambassadeur de France en Hongrie, nommé en
2015 par François Hollande, enjoint le président français à modifier sa
perception de la politique du Premier ministre hongrois Viktor Orban.
La Hongrie est «un peu le Real
Madrid du monde politique moderne». L’auteur de cette comparaison surprenante
entre le club de football espagnol triple champion en titre de la prestigieuse
Ligue des champions et le gouvernement du Premier ministre hongrois Viktor
Orban n’est autre que l’ambassadeur de France à Budapest.
Eric Fournier, nommé par François
Hollande en 2015, a envoyé une note diplomatique à la direction de l’Union
européenne du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ainsi qu’à la
présidence de la République ce 18 juin. Dans ce document, que Mediapart a pu consulter, Eric Fournier attaque
frontalement la perception erronée qu’aurait la presse internationale des
forces politiques qui président à la destinée de la Hongrie.
Aucun gouvernement européen
ne peut se prévaloir d’une triple victoire électorale consécutive avec deux-tiers
des suffrages
Selon lui c’est «par jalousie»
que les commentateurs auraient développé une «magyarophobie» (le
mot «magyar» signifie «hongrois» dans la langue du pays et est utilisé
pour désigner le peuple hongrois). Pour le diplomate, la Hongrie est «un modèle
ayant su anticiper les problèmes posés par les mouvements migratoires
illégaux». Les accusations de populisme – le président français
Emmanuel Macron parle lui de «démocratie illibérale» – sont
«fantasmagoriques» poursuit l’ambassadeur. Dans une sous-partie de la note
initulée «le mythe du populisme», Eric Fournier rappelle également qu’«aucun
gouvernement européen ne peut se prévaloir d’une triple victoire électorale
consécutive avec deux-tiers des suffrages », en référence aux succès récurrents
de Viktor Orban dans son pays.
Ces accusations, peu
communes pour un diplomate en exercice soumis au devoir de réserve, ne
sont pas anodines. Elles interviennent en pleine tempête européenne
sur la question migratoire – où la Hongrie joue un rôle-clé en tant
que leader du groupe de Visegrad dont le ciment est
notamment la volonté de stopper les flux de migrants en Europe – et
alors qu’un éventuel déclenchement contre la Hongrie de l’article 7 du traité
de Lisbonne est en discussion depuis plusieurs mois. Une telle éventualité
pourrait conduire à lui retirer son droit de vote au sein du Conseil européen.
L’antisémitisme en Hongrie ? Un
«fantasme» de «journalistes étrangers»
Si la procédure est longue et
complexe, un premier jalon a été posé ce 25 juin. Une quarantaine
d’eurodéputés du comité chargé des libertés civiles ont en effet voté en faveur
du déclenchement de l’article 7 contre la Hongrie. Ce coup de semonce
s’apparente, pour Eric Fournier, à un caprice de la Commission européenne, qui
«cherche à faire payer à la Hongrie son discours critique».
Un modèle ayant su
anticiper les problèmes posés par les mouvements migratoires illégaux
Une des raisons pour lesquelles
les députés ont choisi de voter pour sanctionner, ou du moins envoyer un
message fort à la Hongrie, est la récente entrée en vigueur d’un
amendement à la Constitution hongroise qui stipule désormais que toutes les
institutions du pays doivent défendre la culture chrétienne. «Quoi de
plus normal, a priori, de la part d’une nation qui continue depuis 1 018 ans de
faire de Saint-Etienne l’un de ses pères fondateurs ?», s’interroge à
ce sujet Eric Fournier.
[Le] véritable
antisémitisme moderne [est] le fait des musulmans de France et d’Allemagne
Dernier point abordé par le
diplomate dans sa note : le supposé antisémitisme qui sévirait au sommet de
l’Etat hongrois, notamment du fait des campagnes anti-Soros – un
milliardaire gauchiste americano-hongrois pvisé par Viktor Orban pour ses
financements, par le biais de sa fondation Open Society, d’ONGs appelant à
l’accueil de réfugiés dans le pays. Ces insinuations sont non seulement un
«fantasme» de «journalistes étrangers», selon l’ambassadeur de France en
Hongrie, mais aussi un moyen de faire diversion quant au «véritable
antisémitisme moderne» qui est «le fait des musulmans de France et d’Allemagne».
Interrogé par Mediapart, le Quai
d’Orsay confirme l’existence de cette note et assure que ces propos «ne
reflètent nullement la position des autorités françaises». Ils relèvent au
contraire d’«un commentaire non sollicité et malvenu de son auteur,
auquel il a été fermement rappelé la nécessité d’une expression précise et
mesurée, dans le strict champ de ses compétences».
12 Juin 2016
Selon Yves Coppens, le berceau
de l'Humanité n'est pas en Afrique
La théorie de « l’Eve africaine »
et celle d’ « Out of Africa » peuvent être désormais rangées dans le rayon des
idéologies défuntes, quelque part entre la « lutte des classes » et le mythe de
la « colonisation-pillage »... Les Hommes européens ne viennent pas d'Afrique,
ni les hommes asiatiques non plus : Les avancées scientifiques des 20 dernières
années ont définitivement tordu le cou à ce mythe teinté de racisme et
d'idéologie de Gauche !
Déclarant à la revue Science et
Avenir (n° 772, juin 2011) que «L’Afrique n’est pas le seul berceau de
l’Homme moderne », Yves Coppens fait voler en éclats le postulat de
l’exclusivité des origines africaines de l’humanité. Il évacue également d’une
phrase plusieurs dizaines d’années d’un hallucinant « bourrage de crâne »
scientifique construit autour du paradigme du « Out of Africa ».
Pour mémoire, selon ce dernier,
les Homo sapiens seraient sortis d’Afrique sous leur forme moderne entre moins
100 000 ans et moins 60 000 ans, et ils auraient partout remplacé les
populations antérieures, ce qui fait que nous sommes tous des Africains…
C’est en prenant en compte les
découvertes récentes qu’Yves Coppens a radicalement révisé ses anciennes
certitudes. Désormais, pour lui, ni l’Homme moderne européen, ni l’Homme
moderne asiatique ne descendent de l’Homme moderne africain puisqu’il écrit : «
Je ne crois pas que les hommes modernes aient surgi d’Afrique il y a 100 000 à
60 000 ans (…) Je pense que les Homo sapiens d’Extrême-Orient sont les
descendants des Homo erectus d’Extrême-Orient ». Comment serait-il d’ailleurs
possible de continuer à soutenir que les Asiatiques ont une origine africaine
quand, dans une Chine peuplée en continu depuis 2 millions d’années, les
découvertes s’accumulent qui mettent en évidence la transition entre les hommes
dits archaïques et l’Homme moderne dont les Chinois actuels sont les très
probables descendants (Dong, 2008 : 48). Il en est de même avec les Européens.
Les importantes découvertes
archéologiques qui ont permis une totale révision des modèles anciens ne sont
pas des nouveautés pour les lecteurs de l’Afrique Réelle. Dans un dossier
publié dans le numéro 11 du mois de novembre 2010, il a ainsi été montré que
l’Homme moderne, qu’il soit asiatique, européen ou africain est issu de souches
locales d’hominisation ayant évolué in situ.
Un peu partout dans le monde,
nous voyons en effet et clairement des Homo erectus se « sapiensiser » et
donner naissance à des lignées locales, peut-être les plus lointains marqueurs
des « races » actuelles. Ces « sapiensisations » observables à la fois en Asie,
en Europe, dans le monde méditerranéen et en Afrique, réduisent à néant le
postulat du diffusionnisme au profit de l’hypothèse multi régionaliste que je
défends depuis de nombreuses années.
Les découvertes qui s’accumulent,
de la Georgie à l’Espagne, de la Chine au Maroc ou encore d’Israël à
l’Australie et à la Mongolie vont ainsi toutes dans le sens d’hominisations
indépendantes de (ou des) l’hominisation africaine.
Cette déferlante ayant fait céder
les fragiles digues dressées par la pensée unique, ses derniers défenseurs en
sont réduits à jongler avec les faits. Le célèbre généticien André Langaney n’a
ainsi plus qu’un pauvre argument à opposer aux nombreuses et très sérieuses
études faites en Chine puisqu’il ne craint pas d’écrire : « Des scientifiques
orientaux au nationalisme mal placé veulent à toute force que l’homme de Pékin
ou d’autres fossiles chinois soient leurs ancêtres » (Sciences et Avenir, page
63). Fin du débat !
Le dossier de Science et Avenir
constitue une étape essentielle dans la libération des esprits car il va
toucher le plus grand nombre. En dépit d’inévitables scories idéologiques qui
font surface ici ou là, et de concessions appuyées au politiquement correct, sa
publication signifie qu’il n’est désormais plus possible de cacher au grand
public une vérité que les spécialistes connaissaient mais qu’ils conservaient
prudemment dans leurs tiroirs afin de ne pas désespérer le « Billancourt de la
paléontologie »…
La théorie de « l’Eve africaine »
et celle d’ « Out of Africa » peuvent donc être désormais rangées dans le rayon
des idéologies défuntes, quelque part entre la « lutte des classes » et le
mythe de la « colonisation-pillage ».
Les études toutes récentes sur l'Homme de Dali en Chine ne
font qu'enfoncer le clou et tuent définitivement "L'Eve africaine" !
Elles ouvrent de nouvelles hypothèses qui font avancer la science en dehors de
toutes idéologies sclérosantes.
Celles sur l'Homme de Neandertal
montre qu'il n'était pas un sous-homme, mais un homme qui n'avait rien à envier
à l'Homme moderne venant d'Afrique (Lire : Neandertal peint les premières fresques 20 000 ans avant
l'arrivée de l'Homme moderne en Europe)
(Bernard Lugan pour le site http://breizatao.com
Yves Coppens est un
paléontologue et paléoanthropologue français, professeur émérite au
Collège de France. En France, son nom est attaché à la découverte en
1974 du fossile surnommé Lucy, puisqu'il était avec
l'Américain Donald Johanson et le Français Maurice
Taïeb l'un des trois codirecteurs de l'équipe qui l'a mis au jour.
Tag(s) : #Préhistoire
& Antiquité
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire