19 févr. 2019, 22:17
Ancien député LREM, Sébastien Nadot, désormais parlementaire indépendant, a interrompu une séance à l'Assemblée en brandissant une banderole fustigeant le rôle de la France dans la guerre au Yémen car elle continue à vendre des armes aux Saoudiens.
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Le 19 février, le député indépendant de Haute-Garonne, Sébastien Nadot, n'a pas hésité à frapper fort pour attirer l'attention sur le rôle de la France dans le conflit au Yémen, accusée de vendre des armes à l'Arabie saoudite, l'un des belligérants. Lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale durant l’intervention du député Meyer Habib, Sébastien Nadot a déployé une banderole sur laquelle était écrit en lettres rouge sang : «La France tue au Yémen».
La séance a été immédiatement interrompue par Richard Ferrand, le président de l'Assemblée, qui a effectué un rappel à l'ordre, avec inscription au procès verbal.
«Je vais avoir une amende prise sur mon indemnité, mais ce n'est rien au regard du devenir des enfants du Yémen. C'est dérisoire au regard de ce qui se passe là bas», a réagi Sébastien Nadot, contacté par RT France. Il avait été exclu de La République en marche (LREM) en décembre 2018 pour avoir voté contre le budget.
Considérant que la France enfreint la position commune de l'Union européenne, j'ai saisi la Commission européenne pour intenter une action en justice
Sur sa lancée, le député de Haute-Garonne vient d'entamer une action en justice à l'échelle européenne, comme il l'a annoncé au JT de RT France.
«Dans la mesure où ici au Parlement, la question sur le Yémen et les ventes d'armes à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis n'est pas débattue, dans la mesure où le gouvernement n'a pas annoncé de changement dans ses pratiques, considérant que la France enfreint la position commune de l'Union européenne, j'ai saisi la Commission européenne pour intenter une action en justice [...]», a-t-il déclaré.
La Commission européenne devra répondre sous quinze jours sur la recevabilité de cette action en justice. «La cour de justice de l’Union européenne est là pour faire respecter les textes, or la France ne respecte pas le position commune de 2008. Beaucoup de gens critiquent l'Union européenne, mais elle a aussi ses vertus pour faire respecter le droit, et la cour est indépendante», explique-t-il. Il compte sur le fait que d'autres pays, comme l'Allemagne, ont mis le débat sur la table et souhaiteront que la France suive ce chemin.
La majorité tenterait-elle d'étouffer le débat sur le Yémen ?
Le député Sébastien Nadot n'en est pas à son coup d'essai pour attirer l'attention sur la situation humanitaire catastrophique du Yémen et l'attitude de la France, qui continue à minimiser son implication dans cette guerre.
Depuis 2015, le Yémen est le théâtre d'une guerre opposant les rebelles chiites houthis, qui contrôlent la capitale yéménite Sanaa et le port de Hodeida, à une coalition de pays arabes sous commandement saoudien qui défend le gouvernement réfugié à Aden et qui mène régulièrement des raids aériens sur le Yémen.
Or la France continue à vendre des armes aux Saoudiens et aux Emiratis. Le 17 févier, l'ONU a annoncé que le gouvernement yéménite et les rebelles Houthis s'étaient entendus sur la «phase 1» du redéploiement de leurs forces prévu par l'accord de décembre 2018 sur le statut de la ville portuaire d'Hodeïda.
Mais pour Florence Parly, les ventes doivent être considérées à l'aune du relativisme. «La France est un des fournisseurs parmi bien d'autres [...] La France est un fournisseur modeste de l'Arabie saoudite», avait-elle assuré en octobre 2018. Modeste ? Cette affirmation avait été battue en brèche par Hélène Legeay, consultante en droits humains, interviewée par RT France à la même époque. «En 2017, il y a un record toutes années confondues de livraisons d'armes, comme l'atteste le rapport annuel du ministère des Armées», avait-elle révélé. Sur les 5,2 milliards d'euros d'armes livrées par la France en 2017, 1,38 milliard d'euros ont pris la direction de l'Arabie saoudite.
Si avec ça on n'a même pas eu un petit débat de rien du tout en commission, ça me fait dire que si le gouvernement veut éteindre toute initiative pour savoir ce qu'il se passe au Yémen, c'est peut-être qu'il y a un problème, ça rend les choses suspectes
Choqué par ces agissements, le député, à l'époque rallié à LREM avait élaboré en avril 2018 une proposition de résolution sur le respect des engagements internationaux de la France sur les exportations d’armes aux belligérants du conflit au Yémen. Au sein de LREM, une quarantaine de députés avaient signé ce texte, réclamant une enquête. «Certains avaient fini par retirer leur signature sous la pression du gouvernement. Quand tous les pays sont en questionnement, en France, il n'y a pas le début d’un petit débat à l'Assemblée nationale, encore moins au Sénat. Le nœud du problème, c’est qu'il y a un souci démocratique qui se révèle à travers cette impossibilité de parler de la guerre au Yémen», dénonce-t-il.
Aujourd'hui, même si certains marcheurs s'en sont retirés, d'autres co-signataires ont apporté leur soutien à la proposition de résolution, dans les rangs de La France insoumise et du Modem notamment. «Nous sommes maintenant une soixantaine. Si avec ça on n'a même pas eu un petit débat de rien du tout en commission, ça me fait dire que si le gouvernement veut éteindre toute initiative pour savoir ce qu'il se passe au Yémen, c'est peut-être qu'il y a un problème, ça rend les choses suspectes», estime Sébastien Nadot.
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