lundi 9 avril 2018

Islamisme et politique 06.04.2018


La République en marche est désormais perçu comme un parti de droite (06.04.2018)
Les fils de Mireille Knoll: «l'avenir des Juifs en Europe est en danger» (06.04.2018)
François d'Orcival : «Quand l'islam s'impose au lycée» (05.04.2018)
Attentat raté dans le XVIe à Paris : deux iPhones retrouvés dans la cellule d'un des suspects (07.04.2018)

Allemagne : une voiture fonce dans la foule à Münster, trois morts (07.04.2018)
La finance islamique prend un nouvel essor (06.04.2018)
Le manque de main-d'œuvre accélère en Europe avec la croissance et la numérisation de l'économie (05.04.2018)
En Hongrie, la hausse des salaires n'enraye pas la pénurie d'ouvriers (05.04.2018)
Hongrie : l'opposition espère faire vaciller le système Orban (06.04.2018)
Liban : la communauté internationale renfloue les caisses mais demande des réformes (06.04.2018)
Éric Zemmour: «Le parapluie de la ministre» (06.04.2018)
Quand l'OCDE inspire les réformes d'Emmanuel Macron (05.04.2018)
Jacques Testart : «Le transhumanisme est le nouveau nom de l'eugénisme» (06.04.2018)
Natacha Polony : «Sous les pavés, le naufrage» (06.04.2018)
Francis Fukuyama : «Il y a un risque de défaite de la démocratie» (06.04.2018)
À la fac de lettres de Montpellier, 200 bloqueurs ont pris le pouvoir (05.04.2018)
La «conférence de presse» surréaliste des étudiants bloqueurs de Tolbiac (06.04.2018)
Seine-Saint-Denis: des professeurs exercent leur droit de retrait pour dire stop à la violence (06.04.2018)
Affrontements meurtriers entre Palestiniens et soldats israéliens à la frontière de Gaza (06.04.2018)
Affrontements entre Palestiniens et soldats israéliens à la frontière de Gaza (06.04.2018)
À Jérusalem, ce Temple que les activistes juifs rêvent de rebâtir (05.04.2018)
Arabie saoudite: les défis de Mohammed ben Salman (06.04.2018)
Plongée au coeur du chaos à Mayotte (06.04.2018)
Jean-Robert Pitte : «Le gouvernement ne doit rien céder au blocage honteux des universités» (05.04.2018)
Terrorisme : la cote de l'exécutif s'effrite (06.04.2018)

La République en marche est désormais perçu comme un parti de droite (06.04.2018)

  • Publié le 06/04/2018 à 12:35
LE SCAN POLITIQUE - Selon un sondage Ipsos, une majorité de Français classe le mouvement présidentiel à droite de l'échiquier politique, une évolution notable en un an.
Le «ni gauche-ni droite» a vécu. Du moins dans l'esprit des Français. Selon un sondage Ipsos pour l'association Lire la politique, que Le Monde publie ce vendredi, une majorité d'entre eux considèrent désormais La République en marche comme un parti de droite. Dans le détail, 25% le classent au centre droit et 20% à droite. C'est plus qu'il y a un an lorsqu'Emmanuel Macron, en pleine campagne présidentielle, entendait réunir aussi bien les sympathisants de gauche que de droite: à l'époque, 13% des sondés situaient LaREM au centre droit et 15% à droite.
Les premiers mois du quinquennat et le chapelet de réformes - du code du Travail au régime des cheminots, en passant par la loi immigration - ont bouleversé la perception des Français, qui retrouvent de manière croissante dans l'action de la majorité les attributs d'un pouvoir de droite. En mars 2017, 12 % de sondés jugeaient La République en marche très à gauche ou à gauche, ils ne sont plus que 5 %. De la même manière, seuls 21% des Français classent désormais le parti présidentiel au centre, contre 33 % l'an passé.
Le sondage du Monde révèle également une forte persistance du clivage gauche-droite, qu'Emmanuel Macron entend pourtant dépasser. Ainsi, 71 % des sondés estiment qu'être de gauche et de droite, «ce n'est pas pareil». De même, 62 % jugent qu'il existe entre ces familles «de vraies différences». Et une majorité de sondés se situent volontiers sur l'échiquier politique: 32 % se classent à gauche, 37 % à droite et 29 % au centre. 22 % d'entre eux assurent n'être ni à gauche, ni à droite, ni au centre.
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«L'avenir des Juifs en Europe est en danger», déclare un des fils de Mireille Knoll

  • Mis à jour le 06/04/2018 à 11:49 

  • Publié le 06/04/2018 à 10:47
Les fils de Mireille Knoll: «l'avenir des Juifs en Europe est en danger» (06.04.2018)
Les deux fils de l'octogénaire violemment assassinée dans son appartement ont fait part de leurs craintes concernant la montée de l'antisémitisme en France et ont critiqué les polémiques ayant suivi la «marche blanche».
VIDÉO - Les deux fils de l'octogénaire violemment assassinée dans son appartement ont fait part de leurs craintes concernant la montée de l'antisémitisme en France et ont critiqué les polémiques ayant suivi la «marche blanche».
«Ma mère est la grand-mère et la mère de tout le monde.» Ce vendredi, les fils de Mireille Knoll, octogénaire juive assassinée dans son appartement du XIe arrondissement parisien il y a deux semaines, se sont exprimés à l'antenne de CNews. Alors que le caractère antisémite a été retenu pour l'homicide, Daniel et Allan Knoll ont fait part de leurs inquiétudes sur la sécurité des juifs en France, en rappelant que leur mère «était très ouverte à tout le monde».
Interrogés sur la place des Juifs en France, les deux hommes n'ont pas semblé partager la même opinion. Tandis qu'Allan Knoll, élu à Montreuil, a déclaré qu'il «ne proposerait pas à un Français de quitter la France» et qu'il était «hors de question de confondre nationalité et culte», son petit frère a exposé ses craintes à l'antenne: «Je pense que, malheureusement, l'avenir des juifs en Europe est en danger. Il faut se préparer à une Alya en Israël ou à un départ sur un autre continent.» Il a également regretté que «cette folie meurtrière» soit la conséquence de préjugés toujours présents au sein d'une partie de la population, selon lesquels si on est Juifs, «on est automatiquement riches.»
Les deux fils ont rappelé la femme «candide» qu'était leur mère, à la fois «très discrète» mais qui «accueillait tout le monde avec plaisir et bonté» à son domicile. Le fils cadet, Daniel, a raconté comment il avait découvert l'enfance de sa mère, lorsque sa fille lui a dit: «Papa, on ne sait rien de notre histoire». Il l'a alors interviewé, ce qui a mis en lumière son passé en 1940 et les violences antisémites qu'elle avait vécu jeune: «Elle s'est battue avec une fille dans la cour de l'école parce qu'on lui avait dit 'sale juive'».
«Le CRIF a fait une erreur»
Tous deux sont également revenus sur les circonstances de la découverte de sa dépouille le 23 mars dernier, en partie carbonisé et présentant onze plaies provoquées par arme blanche. «Quand je suis arrivé, j'ai découvert l'horreur. J'ai cette image horrible... Brûlée... Ça m'a rappelé les camps de concentration», a confié Allan Knoll. Ils ont affiché leur incompréhension face au profil du principal suspect du crime, Yacine Mihoub, 28 ans, qui fréquentait depuis longtemps Mireille Knoll. «Elle connaissait son agresseur depuis qu'il avait 7 ans, elle ne l'a jamais craint. Il buvait du Porto chez elle.» Avant d'en déduire qu'il s'agissait forcément d'un «acte prémédité»: «On n'arrive pas avec un poignard chez une dame âgée, si ce n'est pas prémédité.»
Dans la dernière partie de l'interview, Daniel et Allan Knoll ont salué l'action d'Emmanuel Macron: «On a été très émus par les paroles du président de la République». Concernant les polémiques ayant suivi la «marche blanche» après l'éviction du cortège de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, ils ont tous les deux assurés que «le CRIF avait fait une erreur» et qu'ils auraient dû faire partie du cortège. «Ils ont aussi leur mère», ont déclaré les fils de l'octogénaire tuée. Avant de conclure: «Il est peut-être temps que les choses changent.»
Zemmour : «Les Juifs et les Chrétiens sont des cibles»»
Le chroniqueur du Figaro revient sur le meurtre de Mireille Knoll et sur les mobiles de ses assassins présumés.
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Par François d'Orcival
Publié le 05/04/2018 à 18h01
CHRONIQUE - Au lycée, la radicalité est le produit d'une idéologie, le fondamentalisme religieux.
«Les lycéens musulmans sont nettement plus portés que les autres à adhérer à des idées absolutistes en matière religieuse. Ils justifient aussi plus souvent la violence religieuse.» Cela se disait depuis longtemps et notamment chez les premiers concernés, les enseignants - mais on les soupçonnait d'exagération. Cette fois, l'affirmation est le résultat d'une enquête approfondie conduite par deux directeurs de recherche au CNRS, Olivier Galland et Anne Muxel*. Aussitôt après les attentats de 2015, ceux-ci ont voulu mesurer le degré de «radicalité» existant chez les jeunes. Ils ont constitué un échantillon large, 7000 élèves de seconde dans 23 lycées de quatre académies (Lille, Créteil, Dijon, Aix-Marseille), sans négliger centres-villes et zones rurales avec, parmi eux, 1753 lycéens de confession musulmane. Un travail scientifique qui a exigé près deux ans de travail. Ce qu'ils montrent démolit les excuses répétées de la «radicalité»: celle-ci, disent-ils, n'est le fruit ni d'un contexte économique ou social ni de discriminations. En revanche, elle est bien le produit d'une idéologie, le fondamentalisme religieux, quel que soit le contexte. Les enquêteurs observent des «tendances radicales d'une ampleur et d'un caractère sans commune mesure dans l'islam.» Pour un lycéen musulman, son identité première, celle par laquelle il se définit, n'est pas la France mais sa religion, transmise par le père encore plus que par la mère. Pour 80 % de ces lycéens, «c'est la religion qui dit la vérité, c'est tout», et une lycéenne explique que «l'islam, c'est la religion que tout le monde devrait suivre».
«Complotisme»
Plus la pratique religieuse est élevée, plus fort est l'absolutisme (l'intégrisme), et plus déterminée la justification de la violence («Les journalistes de Charlie Hebdo l'ont bien cherché»). A l'idéologie radicale, souligne l'enquête, correspond l'adhésion aux thèses «complotistes» (principales sources de l'antisémitisme): 64 % des jeunes musulmans sont imprégnés de «complotisme». Les mêmes sont ceux qui accordent le moins de crédit à l'information des médias, et lui préfèrent les «nouvelles alternatives» diffusées sur internet. Ainsi, radicalité religieuse et radicalité politique se combinent pour fabriquer l'explosion de la violence. C'est au lycée que se prépare le mélange…
* La Tentation radicale, Puf, 460 p., 22 €.
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Attentat raté dans le XVIe à Paris : deux iPhones retrouvés dans la cellule d'un des suspects (07.04.2018)
Par Morgane Rubetti et AFP agenceMis à jour le 07/04/2018 à 15h19 | Publié le 07/04/2018 à 12h46
Incarcéré à la prison de Fresnes, Aymen B., l'un des trois auteurs présumés de la tentative d'attentat dans un immeuble du XVIe arrondissement de Paris en septembre, s'est servi de deux smartphones depuis sa cellule pour communiquer sur Facebook. Le parquet de Créteil a ouvert une enquête préliminaire en février.
Il est l'un des trois hommes soupçonnés d'avoir voulu faire exploser un immeuble du XVIe arrondissement de Paris avec des bonbonnes de gaz en septembre. Fiché S «sûreté de l'État», Aymen B., en détention provisoire à la prison de Fresnes pour sa participation présumée à cet attentat raté, a pu utiliser deux smartphones pendant deux mois depuis sa cellule, selon des informations du Parisien .
Le 6 février, les surveillants du Bureau central du renseignement pénitentiaire ont découvert deux iPhones cachés sous le matelas de la cellule du radicalisé partagée avec Cédric L.B, également fiché S.
Aymen B. s'en serait servi pour communiquer sur Facebook du 12 décembre 2017 au 6 février 2018.
Toujours selon Le Parisien, le juge en charge du dossier aurait, après avoir été alerté par le Renseignement pénitentiaire, décidé de mettre d'abord les téléphones sur écoute. Aucun message ou appel à caractère terroriste n'ayant été interceptés, le juge a finalement ordonné une perquisition de la cellule.
Le parquet de Créteil a ouvert une enquête préliminaire en février, confiée à la police judiciaire parisienne. Les smartphones ont été analysés. Sur le réseau social, l'ancien employé d'une pizzeria de Draveil (Essonne) a posté des photos de famille, des recettes de crêpes, des poèmes islamistes mais surtout des images de torture dans la prison d'Abou Ghraib en Irak, rapporte le quotidien. Dans son dernier message, Aymen B. fait allusion à son codétenu: «Faite doura pour mon codétenu ca femme viens d'accoucher demander au tout Puissant, au Très Miséricordieux de le libérer pour qu'il puisse rejoindre ca famille et qu'Allah lui facilite ainsi qu'à vous».
Compte tenu de l'absence de message à caractère purement terroriste, les deux codétenus devraient être seulement poursuivis pour «recel de remise illicite d'objet à détenu». Ils seront entendus devant la commission disciplinaire de la prison de Fresnes mercredi. Ils encourent jusqu'à 14 jours de quartier disciplinaire.
L'attentat avorté du XVIe arrondissement
Aymen B., 30 ans, avait été mis en examen en octobre 2017 pour «tentative d'assassinat en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste» et écroué, avec deux de ses complices présumés. Le 30 septembre 2017 les trois hommes avaient prévu de faire exploser un immeuble d'habitation du XVIe arrondissement de Paris grâce à quatre bonbonnes de gaz reliées à un dispositif de mise à feu sur le palier du bâtiment.
Ces bonbonnes étaient ouvertes, aspergées d'essence et le mécanisme de mise à feu commandé par un téléphone portable en parfait état de marche. Malgré trois appels et pour une raison inconnue, le dispositif n'avait pas fonctionné.
Avant l'attentat raté, les policiers s'étaient inquiétés de son influence auprès des jeunes de son quartier. Sur les réseaux sociaux, Aymen B. affichait fièrement son statut de fiché S. Selon Le Parisien, il aurait quelques fois montré à son entourage ou à certains clients de la pizzeria dans laquelle il travaillait des vidéos de propagande de Daech.
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Allemagne : une voiture fonce dans la foule à Münster, trois morts (07.04.2018)
Par Le figaro.fr
Mis à jour le 07/04/2018 à 19h02 | Publié le 07/04/2018 à 17h41
Un véhicule a foncé samedi après-midi dans la foule à Münster. La police évoque une vingtaine de blessés, dont six dans un état grave. Le conducteur s'est suicidé, précise-t-elle, appelant toutefois à «ne pas spéculer» sur les causes de cet évènement.
Un véhicule - vraisemblablement une camionnette - a foncé ce samedi après-midi dans la foule à Münster, dans le nord-ouest de l'Allemagne. La police fait état de trois morts et d'une vingtaine de blessés, dont six entre la vie et la mort. Les faits ont eu lieu vers 15H30 dans le centre-ville, à une heure très fréquentée où les rues étaient pleines et les commerces remplis de clients, en cette journée ensoleillée. Le conducteur a «foncé sur des terrasses de café et de restaurant sur une place du centre-ville», a indiqué une porte-parole de la police.
Peu de temps après les faits, le conducteur du véhicule s'est suicidé avec une arme à feu «dans son véhicule», rapportent les autorités. Des investigations sont actuellement en cours pour vérifier la présence ou non d'explosifs à bord du véhicule. Selon le quotidienBild , un sac aurait été retrouvé dans la voiture.
«Un acte terrible»
À ce stade, on ignore s'il s'agit d'une attaque terroriste ou d'un accident. Si les autorités allemandes, habituellement prudentes dans ce genre de situations, ne se sont pas encore exprimées sur la nature de l'incident, les médias allemands évoquent pour leur part un attentat. Ce que la police refuse de faire. Un de ses porte-paroles a indiqué qu'il était «trop tôt» pour parler d'une attaque terroriste.
Sur Twitter, Armin Laschet, le premier ministre de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (le Land allemand où se situe Münster, ndlr) a quant à lui évoqué un «acte terrible» et «un triste et terrible jour» pour le pays. Par ailleurs, le ministre fédéral de l'Intérieur Horst Seehofer, en fonction depuis 23 jours, a indiqué que «la police et l'Etat travaillaient à toute vitesse pour élucider les faits».
Le quartier a été évacué et un périmètre de sécurité a été établi. Sur Twitter, la police a appelé les habitants de cette ville à éviter le centre pour laisser les secours mener leur opération. Des images diffusées à la télévision allemande montrent plusieurs véhicules de police et de pompiers stationnés dans le centre de cette ville de plus de 300.000 habitants, située dans Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, à 70 kilomètres environ au nord de Dortmund. Dans un de ses nombreux tweets, la police de Münster a précisé que les secouristes s'occupaient actuellement des blessés.
Des photos relayées par les médias allemands montrent également une terrasse dont les chaises et les tables avaient été complètement renversées.
L'Allemagne, cible des djihadistes
À deux reprises en 2017, en février puis en novembre, deux conducteurs avaient fauché un groupe de personnes avec leur voiture. Dans les deux cas, la piste terroriste n'avait pas été privilégiée. Les autorités allemandes restent néanmoins vigilantes en raison de la menace djihadiste qui pèse sur le pays. L'Allemagne avait été frappée par un attentat à la voiture bélier en décembre 2016 sur un marché de Noël, qui avait fait 12 morts et fut revendiqué par l'organisation Etat islamique (EI). Son auteur, le Tunisien Anis Amri avait été tué quelques jours plus tard près de Milan.
Plus récemment, à la fin du mois de juillet 2017, un demandeur d'asile en passe d'être débouté a tué une personne à coups de couteau dans un supermarché et en a blessé six autres, un acte motivé selon la justice par «l'islamisme radical». Et fin octobre, la police allemande a interpellé un Syrien de 19 ans soupçonné de préparer un «grave attentat» à la bombe. Les mouvements islamistes potentiellement violents ont connu ces deux dernières années un essor dans le pays. Les services du renseignement intérieur estiment à environ 10.000 le nombre d'islamistes radicaux en Allemagne, dont 1.600 soupçonnés de pouvoir passer à la violence. Le pays reste une cible pour des groupes jihadistes, en particulier en raison de son engagement au sein de la coalition combattant l'EI en Irak et en Syrie et dans celle déployée en Afghanistan depuis 2001.
La finance islamique prend un nouvel essor (06.04.2018)

Par Armelle Bohineust
Mis à jour le 06/04/2018 à 18h34 | Publié le 06/04/2018 à 18h29
La City, qui gère un tiers des actifs conformes à la charia, entend conserver sa première place mondiale.
Longtemps cantonnés aux pays du Levant, du Golfe (Iran, Arabie saoudite…) et d'Afrique du Nord, les crédits et les placements conformes à la charia, la loi musulmane, sont en pleine expansion. Les émissions de «sukuks», des obligations adossées à des actifs, ont plus que doublé depuis 2008. Les sukuks s'élèvent désormais à 100 milliards de dollars dans les pays du Golfe, constate l'agence de notation Moody's. Et le marché de la finance islamique, estimé à 2000 milliards de dollars en 2017, devrait approcher 3000 milliards cette année, prévoient les experts.
Ce secteur «gagne des parts de marché par rapport à la banque classique», souligne Sébastien Hénin, directeur général d'Aliénor Capital et expert du Moyen-Orient. C'est le cas notamment dans des pays musulmans comme le Maroc ou Oman, qui ne voulaient pas jusqu'ici de banques islamiques, de peur d'introduire une dimension religieuse dans leur économie. Ils font aujourd'hui volte-face pour attirer les investisseurs et élargir leurs sources de financement.
Drainer l'épargne inactive
En Algérie, la finance conforme à la charia, développée par des banques privées, ne représente que 2% du marché. Mais le gouvernement a lancé en novembre un plan pour renforcer l'offre de «finance dite islamique». Il entend ainsi drainer l'épargne inactive et assécher l'économie parallèle, en particulier celle des agriculteurs, qui empruntent 55 milliards de dinars (400 millions d'euros) par an.
Les autorités des pays musulmans sont conscientes que bon nombre d'entreprises et de particuliers restent à l'écart du système bancaire, en partie pour des raisons religieuses
Les autorités des pays musulmans sont conscientes que bon nombre d'entreprises et de particuliers restent à l'écart du système bancaire, en partie pour des raisons religieuses. Elles encouragent donc les produits compatibles avec la charia. Ceux-ci proscrivent la notion d'usure et les intérêts. Mais ils admettent une marge bénéficiaire et reposent sur le partage des risques entre créancier et emprunteur.
Pour permettre à un particulier d'acquérir une voiture, la banque peut ainsi recourir à la «mourabaha», technique la plus utilisée. Elle consiste à acheter le véhicule pour le revendre à un prix supérieur au client. Celui-ci paye alors la voiture en une série de versements équivalents aux mensualités d'un crédit classique. Un artifice qui permet d'éliminer la notion d'intérêt et revient au même pour le banquier.
Village olympique de «London 2012»
Un peu partout dans le monde, les banques s'intéressent à ces produits. D'autant plus que les principes du secteur se rapprochent de ceux de la finance responsable, elle aussi en plein essor. Les investissements dans les jeux d'argent, l'alcool, la pornographie ou la production de porcs sont prohibés. La spéculation et les prises de risques excessives sont bannies, ce qui exclut les produits dérivés complexes.
La City compte plus de 20 banques islamiques, soit deux fois plus qu'aux États-Unis, plus ou moins «charia compatibles»
La Grande-Bretagne, première place mondiale de la finance islamique avec 728 milliards de dollars d'actifs gérés, s'y est ouverte dès les années 1990. La City compte plus de 20 banques, soit deux fois plus qu'aux États-Unis, plus ou moins «charia compatibles», où l'on peut souscrire des comptes épargne ou des prêts immobiliers. Ces activités progressent d'environ 15% par an.
La finance islamique alimente aussi des investissements tels que le village olympique de «London 2012». Et les Britanniques entendent continuer à profiter de cette manne. «La finance islamique offre une opportunité majeure pour l'avenir de notre secteur», pointait en septembre Miles Celic, président du lobby financier TheCityUK, dans un rapport appelant le gouvernement à «s'assurer que la nouvelle législation post-Brexit n'ait pas d'implications sur la finance islamique».

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Le manque de main-d'œuvre accélère en Europe avec la croissance et la numérisation de l'économie (05.04.2018)
Par Armelle Bohineust et Anne CheyviallePublié le 05/04/2018 à 19h55
Le phénomène est d'ampleur mondiale. Un peu partout, ingénieurs et techniciens, artisans et commerciaux ne sont plus assez nombreux.
En dépit de ses 7,1 % de chômeurs, toute l'Union européenne a du mal à recruter des travailleurs. Et, paradoxalement, la situation se complique avec l'accélération de la croissance. En Allemagne, la locomotive de l'Europe, 2,8 % des emplois étaient vacants fin 2017, comparés à une moyenne européenne de 2 %, détaille Eurostat, l'Office européen de statistiques. Les pays d'Europe de l'Est sont particulièrement touchés, la palme revenant à la République tchèque (4,4 %), suivie de la Belgique, de l'Allemagne et le Royaume-Uni. Le phénomène est d'ampleur mondiale indique une enquête réalisée l'an dernier auprès des entreprises par Manpower. Plus de 40 % des dirigeants ne trouvent pas les compétences dont ils ont besoin, «un record jamais atteint en dix ans», ponctue la société, spécialiste du recrutement. Si le Japon, avec un taux de chômage à 2,5 %, arrive logiquement en tête, le top 10 mondial des pays manquant de main-d'œuvre inclut plusieurs États européens, à commencer par la Roumanie, la Bulgarie ou la Hongrie.
L'Europe de l'Est pâtit depuis des années de l'exil économique de ses concitoyens, à la recherche de salaires plus attractifs à l'Ouest. La crise a amplifié la fuite des travailleurs qualifiés et des cerveaux. C'est particulièrement vrai pour les pays Baltes ou la Grèce, qui ont subi une sévère récession. «Il y a eu une émigration massive, surtout des plus compétents, et, aujourd'hui, malgré la reprise, peu de gens reviennent, car les différences de salaires restent importantes», constate Stefano Scarpetta, directeur de l'emploi et des affaires sociales à l'OCDE. «Du reste à Athènes, ajoute-t-il, si l'économie est repartie, ce n'est pas forcément dans les secteurs les plus attractifs en termes d'emploi, comme le tourisme». Résultat, malgré un taux de chômage de 20 % et près d'un emploi sur cent vacant, 60 % des patrons grecs, selon l'enquête Manpower, témoignent de leurs difficultés de recrutement.
« Les vraies faiblesses sont structurelles» 
Stefano Scarpetta, directeur de l'emploi et des affaires sociales à l'OCDE
Autre problème: la démographie. «Entre une population qui vieillitet un taux de fécondité en chute(taux moyen de 1,6 enfant par femme), l'Europe fait face à une hausse du manque de main-d'œuvre qui pourrait affecter sa croissance économique», s'inquiète Ramnivas Mundada, économiste du cabinet GlobalData. Phénomène ancien en Allemagne et dans les économies développées, la faible croissance démographique touche aussi l'Europe de l'Est et du Sud. Les dernières données d'Eurostat font ressortir un taux de fécondité de 1,34 % en Espagne et en Italie et 1,39 % en Pologne.
Au-delà des aspects conjoncturels, «les vraies faiblesses sont structurelles», insiste Stefano Scarpetta en pointant «l'inadéquation des compétences, des systèmes éducatifs et des formations aux besoins des marchés, et les défauts d'orientation». Un signal très net en France, souligne-t-il: «Un tiers des travailleurs exercent un métier qui ne correspond pas à leur niveau d'études et de qualifications.» L'Hexagone comme beaucoup d'autres pays en Europe, surtout du Sud, privilégie les filières académiques aux dépens des filières technologiques et professionnelles. À l'inverse de l'Allemagne et de la Suisse - qui valorisent plus les stages et l'apprentissage - et des pays nordiquesqui ont des systèmes de formation plus flexibles et adaptés aux besoins des entreprises. Ces pays affichent de meilleurs résultats sur l'emploi des jeunes.
«Au lieu de rechercher le profil idéal, ils doivent investir dans la formation de leurs salariés»
Stefano Scarpetta, directeur de l'emploi et des affaires sociales à l'OCDE
À l'inverse, au Sud, les jeunes ne sont pas suffisamment en contact avec le monde de l'entreprise. «Ainsi, 10 % seulement des 20-25  ans ont une expérience professionnelle en Italie et 20 % en France contre 60 % au Canada ou aux Pays-Bas», complète l'expert de l'OCDE, qui critique, au passage, la «religion du diplôme» en France et en Europe du Sud. «Les employeurs fondent le recrutement surtout sur les qualifications plus que sur la base de compétences. Au lieu de rechercher le profil idéal, ils doivent s'investir dans la formation de leurs salariés.»
En particulier dans les secteurs les plus affectés par la pénurie de main-d'œuvre. Un peu partout, ingénieurs et techniciens, artisans et commerciaux ne sont plus assez nombreux. Le manque de compétences dans les métiers liés à la digitalisation de l'économie augmente aussi très vite. «Il y a de grandes pénuries dans l'enseignement et la formation, l'informatique et l'électronique, l'ingénierie et les technologies», résume Stefano Scarpetta. Les besoins en compétences plus transversales sont également criants comme les aptitudes à l'oral, la résolution de problèmes complexes et le management. Même si, constate Manpower, les chefs d'entreprise ont plus que doublé les formations, en quelques années. Sur la formation professionnelle, insiste l'OCDE, il ne suffit pas d'y mettre les moyens. Il faut la qualité. Par exemple en certifiant les instituts de formation, comme en Allemagne et en Australie. Autre priorité pour doper l'emploi, encourager la mobilité qui reste un frein dans les pays du Sud. L'Italie avec sa fracture nord-sud est de ce point de vue l'exemple flagrant.

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En Hongrie, la hausse des salaires n'enraye pas la pénurie d'ouvriers (05.04.2018)
Par Thibaut Varga
Publié le 05/04/2018 à 20h19
Le gouvernement de Viktor Orban, qui a pour objectif ultime de développer usines et innovations technologiques 100 % magyares, se heurte aux départs de ses compatriotes vers l'Autriche voisine, ou encore l'Allemagne.
Dans l'usine d'Axon Cable à Kecskemét, au centre de la Hongrie, 300 employés s'activent pour produire des câbles de haute technologie, vendus aux sous-traitants de l'industrie automobile. Une voiture sur deux sortant sur le marché européen est équipée de câbles de cette entreprise française, fortement implantée à l'international. Depuis son arrivée en Hongrie en 2000, la filiale locale n'a cessé de s'agrandir. Les carnets de commandes débordent. Sauf que depuis au moins deux ans, ce n'est «vraiment pas facile de trouver des ouvriers qualifiés», commente Joachim Rilling, manager du site de Kecskemét. «Les employés dont on aurait besoin quittent le pays. Les ingénieurs hongrois peuvent facilement doubler leur salaire en émigrant en Allemagne ou en France», déplore-t-il. La concurrence entre employeurs est rude à Kecskemét, ville de 110.000 habitants, qui bénéficie à plein des délocalisations européennes, allemandes, en particulier. Mercedes y a monté une usine en 2012 où travaillent environ 4000 personnes. Quelque 2500 postes supplémentaires devraient être créés grâce à l'agrandissement du constructeur.
Depuis la chute du communisme et surtout, depuis son entrée dans l'Union européenne, en 2004, la Hongrie, avec sa main-d'œuvre qualifiée peu chère, a longtemps fait figure de pays manufacturier idéal au cœur de l'Europe, attirant de nombreux investisseurs étrangers. Les indicateurs de l'économie hongroise se sont même remis au vert, après le ralentissement de 2008. Le pays affichait 3,8 % de croissance en 2017 et un chômage de 4 %. De quoi réjouir le gouvernement de Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, qui mène une politique d'industrialisation volontariste, avantages fiscaux à l'appui. L'objectif ultime est de développer usines et innovations technologiques 100 % magyares.
«Nous ne pouvons pas augmenter les rémunérations sans cesse, nos marges ont déjà été réduites de 10-15 %»
Joachim Rilling
Le premier ministre a par ailleurs procédé à d'importantes augmentations du salaire minimum, 15 % en 2017 et 8 % cette année. Pour arriver aujourd'hui à environ 270 euros net d'impôt (84.887 forints). Une somme encore insuffisante pour ralentir les départs à l'étranger, accélérés ces dernières années, vers l'Autriche voisine, ou encore l'Allemagne. On estime ainsi qu'approximativement 10 % des Hongrois en âge de travailler sont employés à l'étranger. Pour les employeurs, en Hongrie cela pose de sérieux problèmes. «Nous avons procédé à une augmentation de salaire de 5 à 10 % par an depuis cinq ans. Nous ne pouvons pas augmenter les rémunérations sans cesse, nos marges ont déjà été réduites de 10-15 %», remarque Joachim Rilling. «La Hongrie n'est plus un pays low-cost», conclut-il.
À cela s'ajoute le déclin démographique, qui creuse encore un peu plus le déficit de main-d'œuvre. «À la différence des pays de l'Ouest, la Hongrie n'a pas vraiment de main-d'œuvre de remplacement», analyse Ferenc Rolek, coprésident de la Confédération des employeurs hongrois et des industriels. C'est effectivement là que le bât blesse. Puisque Viktor Orban a fermé la porte à l'immigration depuis 2015, ne reste à la Hongrie qu'une robotisation accrue, une meilleure formation, l'emploi des seniors, voire des réductions de postes dans le secteur public pour espérer résoudre le problème. Avant que les usines ne quittent le pays.

Hongrie : l'opposition espère faire vaciller le système Orban (06.04.2018)
Par Laure Mandeville
Mis à jour le 06/04/2018 à 17h44 | Publié le 06/04/2018 à 17h36
L'homme fort de Hongrie brigue dimanche un troisième scrutin législatif d'affilée.
Depuis la fin février, souffle sur la Hongrie comme un espoir de changement. Ténu, timide. Mais un espoir tout de même. Celui de parvenir à battre le parti gouvernemental Fidesz, ou au moins de porter une entaille significative à la formidable machine politique construite par le premier ministre Viktor Orban en huit ans de pouvoir, en le privant de sa majorité absolue au Parlement lors des législatives très attendues de dimanche. Si les sondages annoncent que l'homme fort de Hongrie est bien en piste pour un nouveau mandat, l'idée d'une surprise fait son chemin. Un analyste en vue du pays, Gabor Torok, affirme tabler sur un taux de participation de 68 % des voix, scénario qui priverait le Fidesz de sa majorité absolue, et lui apporterait selon l'expert, 101 sièges sur 199. «Si Orban perd sa majorité absolue, ce sera déjà un peu le début de la fin», confie Andras Kosa, rédacteur en chef du journal d'opposition Magyar Nemzet.
«Pour que l'opposition gagne dimanche, il faudrait que de tels accords se reproduisent dans toutes les circonscriptions»
Peter Marki-Zay, un conservateur indépendant
C'est à Hodmezovasarhely, petite ville tranquille située dans les vastes et romantiques plaines du sud de la Hongrie, que cet espoir inattendu a surgi en février, quand Peter Marki-Zay, un conservateur indépendant, père de 7 enfants, a été élu maire avec 57 % des votes, unifiant sous sa bannière tous les partis d'opposition, pour terrasser le candidat du pouvoir Zoltan Hegedus (41 %). Le résultat, que les sondages n'avaient pas vu venir, a causé une onde de choc. «Une sacrée surprise», déclare la nouvelle vedette Marki-Zay, économiste quadragénaire brillant et ouvert qui a longtemps travaillé pour le groupe EDF au Canada et aux États-Unis. «Cela montre que le peuple est prêt à sanctionner la corruption massive du pouvoir et l'entreprise de destruction des contre-pouvoirs en cours, s'il voit une alternative, dit-il. La manière dont le gouvernement et le Fidesz ont utilisé des slogans racistes pour faire de l'homme d'affaires juif George Soros et des migrants les boucs émissaires de tous les problèmes, a été grossière et ridicule!»
Quand il a accepté, notamment à la demande insistante du parti Jobbik (mouvement d'extrême droite qui aurait opéré un virage apparent au centre), de se présenter comme candidat unique d'opposition, Marki-Zay, un ancien du Fidesz qui rêve de l'apparition d'un vrai parti conservateur tolérant, avait des réserves. Il n'était pas d'accord avec le passé raciste du Jobbik et juge sa mue «incomplète». Surtout, il n'imaginait pas une telle victoire! Derrière son adversaire, se profilait en effet l'ombre de l'un des piliers du gouvernement Orban, Janos Lazar. «Hodmezovasarhely est son fief depuis 1990, il en a été le maire, le protecteur.» Mais l'accord négocié entre Jobbik et l'ex-Parti socialiste ont eu raison de cette forteresse pro-Fidesz. «Pour que l'opposition gagne dimanche, il faudrait que de tels accords se reproduisent dans toutes les circonscriptions», dit Peter Marki-Zay, pour qui sa victoire a été possible grâce à la participation de plus de 65 %.
Une possible lucarne pour l'opposition
Mais les leçons d'Hodmezovasarhely sont-elles transposables? «C'est plutôt une anomalie», nous déclare le porte-parole du gouvernement Zoltan Kovacs. Mais Marki-Zay ne l'exclut pas, persuadé que «les gens détestent désormais suffisamment le Fidesz» et un régime Orban «englué dans la corruption», pour se mobiliser. Si le suspense gagne, les observateurs restent très prudents. Ils rappellent que le système Orban garde maints leviers de pouvoir. Une bonne partie de la presse nationale et la quasi-totalité de la presse locale sont aux mains de l'État ou d'oligarques proches du pouvoir, laissant «le journalisme indépendant très affaibli», raconte Gabor Horvath, rédacteur en chef du quotidien d'opposition Nepszava.
Le système électoral favorise le Fidesz, qui a pu avoir la majorité absolue au Parlement avec seulement 45 % des votes en 2014. Aujourd'hui, le système panaché de scrutin de liste et de circonscription, ouvre une possible lucarne pour l'opposition. Mais la fragmentation des partis complique la donne, d'autant que le scrutin de circonscription à un seul tour, ne permet pas les alliances au second tour. Il est vrai aussi que le gouvernement Orban a un bilan plutôt positif en matière économique, avec une croissance de 4 % en 2017 et un taux de chômage de 3,8 %, même si le système controversé d'emplois à bas coût privilégié pour attirer les grandes usines occidentales fait débat.
«Oui, je suis déçue par le Fidesz et M. Janos Lazar. Ils s'occupent de leurs petits arrangements pendant que nous peinons à joindre les deux bouts»
Gyongyi Faur, gérante d'un magasin de décoration
Enfin, Viktor Orban a su consolider autour de lui une base solide de Hongrois traumatisés par les scandales et injustices de la transition à l'économie de marché, et réceptifs à sa révolution nationale et conservatrice, en rupture avec le modèle de société libérale et multiculturelle de l'Europe occidentale. Le gouvernement a aussi défendu haut et fort l'idée de la souveraineté nationale, en relation avec l'immigration, un ressort puissant. «Les gens vont peser le pour et le contre, dit Marki-Zay, entre leur crainte de la migration et de la perte de contrôle, qui les fait aller vers Orban, et leur colère montante face aux excès d'un régime qui n'est plus contrôlé.» Dans les rues ensoleillées de Hodmezovasarhely, jeudi, plusieurs passants disaient effectivement leur colère envers un pouvoir «coupé du quotidien». C'était le cas de Gyongyi Faur, gérante d'un magasin de décoration. «Oui, je suis déçue par le Fidesz et M. Janos Lazar. Ils s'occupent de leurs petits arrangements pendant que nous peinons à joindre les deux bouts», déclarait-elle, confiant avoir voté pour le nouveau maire et précisant vouloir voter pour le parti Jobbik pour avoir enfin «un changement».
À la sortie d'un magasin de fruits, Laszlo, 50 ans, confiait ne pas avoir été surpris de la victoire de Marki-Zay. «Je suis du Fidesz, mais ce qu'ils ont fait au niveau du pays me fait monter la tension! Ils prennent tous les contrats pour eux et ne laissent que des miettes!», dit-il. En même temps, comme tous les passants interrogés, Laszlo soulignait être d'accord avec le Fidesz sur l'immigration. «On a peur de perdre le contrôle dans le futur», concédait aussi Csilla, 26 ans, qui votera Fidesz car elle ne voit «aucune alternative». Des propos contrastés qui laissaient peser un vrai suspense sur la suite. Les Hongrois semblent de plus en plus soucieux d'instaurer des garde-fous face au pouvoir. Mais pas prêts à renoncer à la révolution nationaliste amorcée par Orban.

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Liban : la communauté internationale renfloue les caisses mais demande des réformes (06.04.2018)
Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 06/04/2018 à 17h34 | Publié le 06/04/2018 à 17h04
La conférence réunie à Paris a décidé d'instaurer un mécanisme de suivi des réformes que Beyrouth s'engage à conduire.
De l'argent, oui, mais conditionné par des réformes. À l'initiative de la France, la communauté internationale a accepté de renflouer, une nouvelle fois, les caisses de l'État libanais en assortissant son aide d'un vaste plan de réformes sur la gouvernance économique d'un pays qui subit de plein fouet les crises du Moyen-Orient.
Réunis à Paris vendredi, une quarantaine de pays et une dizaine d'institutions internationales ont offert plus de 11 milliards de dollars d'aide, sous forme de prêts ou de dons, au pays du Cèdre. La France a octroyé 400 millions d'euros de prêts et 150 de dons. «Dans un Moyen-Orient […] meurtri par les guerres civiles, le Liban reste un modèle de pluralisme, de tolérance et d'ouverture dont nous avons besoin, a souligné Jean-Yves Le Drian, en ouverture de la conférence. Mais le Liban n'est pas une île, il subit de plein fouet les effets […] de la crise syrienne. Il combat le terrorisme à ses frontières et en son sein. Et, avec plus d'un million de réfugiés, il a pris plus que sa part du fardeau de l'exil syrien», a ajouté le ministre des Affaires étrangères.
«Dans un Moyen-Orient […] meurtri par les guerres civiles, le Liban reste un modèle de pluralisme, de tolérance et d'ouverture dont nous avons besoin»
Jean-Yves Le Drian, ministre des des Affaires étrangères français
La conférence se veut différente des trois précédentes, qui s'étaient soldées par des échecs, les fonds alloués ayant souvent disparu dans les sables d'une administration gloutonne, alors que le Liban n'a pas connu d'élections depuis 2009 et était, jusqu'à récemment encore, sans budget, depuis 2015. «Cette fois, on est dans la reconstruction par les réformes et avec en prime l'intervention du secteur privé», insiste un diplomate français, qui suit le dossier. Quelque 250 projets ont été sélectionnés par les Libanais. Les principaux chantiers visent les transports, l'eau, et la réforme d'EDL - l'EDF locale - dans un pays où près de vingt ans après la guerre, les coupures d'électricité sont encore quotidiennes.
Des législatives en mai
Autre nouveauté: la conférence instaure un mécanisme de suivi minutieux des réformes que Beyrouth s'engage à conduire. Le calendrier de la conférence ne doit rien au hasard. Dans un mois, le Liban organisera des élections législatives. «Le prochain gouvernement libanais ne pourra ignorer l'engagement pris à Paris», veut croire le diplomate. Cette conférence succède à une première, organisée à Rome le mois dernier, consacrée à l'armée libanaise, qui avait été marquée par un engagement financier inédit de la Russie. Et dans trois semaines se tiendra une troisième réunion internationale, dédiée au million de réfugiés syriens accueillis par le Liban. Un fardeau que le pays du Cèdre souhaite partager. «Rien n'est garanti, concède le diplomate. Des Libanais voulaient des financements sans réformes, et certains bailleurs, la Grande-Bretagne, notamment, voulaient des réformes sans financement.»
Jusqu'au dernier moment, l'Arabie saoudite, l'un des «grands électeurs» du Liban, en tant que défenseur des sunnites - aux côtés de l'Iran pour les chiites et de la France pour les chrétiens - a laissé planer le doute sur le montant de son aide: un milliard de dollars en prêt. Téhéran n'avait pas été invité à Paris. Quant à son allié libanais, le Hezbollah, il a affiché jusqu'à maintenant une «neutralité» vis-à-vis de ces réformes.

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Éric Zemmour: «Le parapluie de la ministre» (06.04.2018)
Par Eric Zemmour
Publié le 06/04/2018 à 08h30
CHRONIQUE - L' exercice de l'interview politique a changé au point que les membres du gouvernement font aujourd'hui relire par Matignon le texte de leur entretien destiné à la presse écrite.
C'est une histoire qui aurait pu rester méconnue. Une histoire de rien du tout qui ne changera pas la face du monde, mais éclaire d'une lumière crue les mœurs politico-médiatiques de notre temps. Le journalLes Echos a annoncé qu'il avait renoncé à diffuser une interview de la ministre des Transports, Elisabeth Borne, à la veille de l'annonce par les syndicats de la SNCF de leur mouvement massif de grève. La raison de cette curieuse décision? L'entretien avait été tellement corrigé par les services de Matignon qu'il en était dénaturé. Pourtant, c'est là pratique courante. J'ai connu, jeune journaliste dans les années 1980, un temps où les hommes politiques ne demandaient pas à relire leurs propos. Ils étaient suffisamment sûrs de leur verbe, de leurs idées aussi, de leur idéologie pour tout dire. Ils avaient aussi confiance dans ceux qui les interrogeaient. Ce temps-là est révolu. J'ai vécu ce basculement au début des années 1990. Il m'est arrivé de rejeter une interview qui me revenait avec mes propres questions modifiées! Il faut dire que les conditions d'origine n'étaient plus remplies. Les hommes politiques ne maîtrisaient plus aussi bien ni leur parole ni leurs idées. Certains journalistes ont fait montre de grande malhonnêteté en changeant les réponses pour salir politiquement (un Jean-Marie Le Pen, par exemple) ou faire vendre. Le contrat de confiance a été rompu. On a vu sortir les magnétophones (comme preuve en cas de polémique, voire de procès) ; la relecture a posteriori s'est imposée partout. Les communicants ont pris le pouvoir sur les militants. La prudence a gagné les plus impétueux ; elle s'est transformée en pusillanimité chez les prudents.
Les politiques ont craint de plus en plus le «dérapage» que les journalistes guettaient avec gourmandise
Les politiques ont craint de plus en plus le «dérapage» que les journalistes guettaient avec gourmandise. On n'était plus là pour échanger des idées, des opinions, des informations, mais pour faire tomber un coupable, lui faire avouer son crime. Le politiquement correct a fait des ravages. Le moralisme idéologique des médias aussi. Les réseaux sociaux ont encore aggravé les frayeurs de tous les politiques de se retrouver la cible d'une meute déchaînée et anonyme.
La relecture concernait au départ un détail, une formulation maladroite, un écart de langage. Elle est devenue réécriture complète des réponses - et même des questions. Le journaliste n'est plus alors qu'un prête-nom de la communication politique.
Quand l'interviewé est ministre, il ouvre les parapluies comme un fonctionnaire. Il se fait relire par les services de Matignon, voire par l'Elysée. La multiplication des ministres techniciens (comme précisément Elisabeth Borne), béotiens en politique, ou de ces ministres seulement choisis pour leur sexe (femme) ou leur origine («minorités visibles»), a encore accru le phénomène.
Les Echos ont voulu avec raison arrêter une dérive. Mais ce sera un coup d'épée dans l'eau.
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Quand l'OCDE inspire les réformes d'Emmanuel Macron (05.04.2018)
Par Anne de Guigné
Mis à jour le 05/04/2018 à 17h41 | Publié le 05/04/2018 à 17h38
ANALYSE - Depuis son élection, Emmanuel Macron se montre un élève consciencieux du FMI, de l'OCDE et de la Commission européenne, en suivant parfaitement leurs recommandations libérales en matière économique.
Ministre de l'Économie enthousiaste, banquier d'affaires inventif, inspecteur des finances remarqué… Avec Emmanuel Macron, la France s'est dotée d'un président familier des affaires économiques, un proche de grands patrons et de théoriciens émérites. Même s'il disserte plus volontiers sur son parcours philosophique ou ses goûts littéraires pointus, l'économie a bien été, jusqu'en mai dernier, la grande affaire de cet homme pressé.
Et pourtant, presque un an après son entrée à l'Élysée, il est difficile de déceler une patte personnelle dans les réformes présentées. Sur le volet économique, pour l'instant, le président applique les recommandations des experts. Ainsi le doublé libéral d'entrée de quinquennat - l'assouplissement du Code du travail assorti d'une baisse de la fiscalité sur le capital - était réclamé depuis des années par les grandes institutions internationales: FMI, Commission européenne, OCDE.
De manière troublante, les réformes lancées par l'exécutif semblent même souvent tirées mot pour mot des rapports de l'OCDE. La dernière grande étude de l'institution internationale sur la France recommande ainsi pêle-mêle de baisser les dépenses publiques, de «simplifier et raccourcir les procédures de licenciement, par exemple en réformant la justice prud'homale», de fusionner les branches professionnelles, de certifier les formations proposées par les organismes privés, d'aller vers un système de retraite universelle, d'abaisser la masse salariale de la fonction publique, de baisser l'impôt des entreprises mais d'augmenter les taxes environnementales, de développer une politique de la prévention en santé, d'accentuer l'autonomie des universités, de fusionner les organismes de logement social…
Qu'Emmanuel Macron sacrifie l'originalité pour s'inspirer des recommandations d'économistes chevronnés est en soit plutôt rassurant
Autant de points repris fidèlement dans les lois déjà votées ou en préparation. Angel Gurria, le secrétaire général de l'OCDE, aurait tort de bouder son plaisir. «Nous avons connu et bien travaillé avec Emmanuel Macron quand il était secrétaire adjoint de l'Élysée, nous avons soutenu sa loi quand il était ministre de l'Économie mais, alors, les conditions n'étaient pas encore réunies, il n'était pas aux commandes. Aujourd'hui, il y a les conditions, il y a la conviction, il y a la vision!», s'enthousiasmait-il, en septembre.
Qu'Emmanuel Macron sacrifie l'originalité pour s'inspirer des recommandations d'économistes chevronnés est en soit plutôt rassurant. À de rares exceptions peu heureuses, comme les premières années Mauroy, les gouvernements français ont toujours salué les pistes de l'OCDE. Face au choc pétrolier de 1975, Valéry Giscard d'Estaing suit l'institution pas à pas: il adhère à sa «stratégie des locomotives» avant de prendre, suite au rapport McCracken de 1977, le tournant de la politique de l'offre.
Le «juste milieu»
Emmanuel Macron va plus loin ; en période de reprise, il veut appliquer les réformes recommandées depuis des décennies par le consensus des économistes. Une étape difficile, sans aucun doute nécessaire pour le pays, mais risquée. L'homme qui ambitionnait avec sa candidature de réconcilier les Français avec la politique doit assumer un exercice du pouvoir technocrate.
«L'État est devenu la proie des ministériels de profession et de cette classe qui voit la patrie dans son pot-au-feu, les affaires publiques dans son ménage», raillait Chateaubriand au sujet du «juste milieu» de Louis-Philippe. Emmanuel Macron ne se voit certainement pas comme un nouveau roi-bourgeois. Pour continuer à réformer le pays sans le disloquer, alors que la magie des images du Louvre s'est émoussée et que les rêves européens se heurtent aux divergences franco-allemandes, il a maintenant besoin d'un nouvel élan politique.

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Journaliste
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Jacques Testart : «Le transhumanisme est le nouveau nom de l'eugénisme» (06.04.2018)
Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 06/04/2018 à 18h30 | Publié le 06/04/2018 à 18h21
ENTRETIEN - Le père scientifique du premier bébé-éprouvette, aujourd'hui opposé à la PMA et à la GPA, publie un livre sur le transhumanisme. Il alerte sur les dangers d'évolutions présentées comme inéluctables.
LE FIGARO.- Dans votre livre Au péril de l'humain, vous vous intéressez au mouvement transhumaniste. Quelle est l'origine de ce courant? Quels en sont les fondements théoriques?
Jacques TESTART .-C'est un mouvement qui est né en Californie dans les années 1960-1970, à un moment où la recherche informatique balbutiante va rencontrer le mouvement new age et hippie. Des jeunes, attirés par le bouddhisme, opposés à la guerre du Vietnam et terrifiés par la guerre nucléaire, vont forger une nouvelle idéologie basée sur la communication et puiser leurs solutions dans l'informatique. Ces libertaires sont aujourd'hui devenus absolument libertariens et ne remettent plus du tout en question le capitalisme. Le mouvement a gagné l'Europe dans les années 2000 mais on a commencé à en parler tardivement, il y a quatre ou cinq ans. Aujourd'hui, il est déplorable que le mot ne figure même pas à l'agenda des États généraux de la bioéthique, où on évoque seulement l'intelligence artificielle.
En quoi consiste ce transhumanisme?
N'ayons pas peur des mots. Fondamentalement, le transhumanisme est le nouveau nom de l'eugénisme: il se donne pour but d'améliorer l'espèce humaine grâce à la technologie, en visant la santé parfaite, les performances physiques et intellectuelles et l'immortalité. Dans l'eugénisme, il n'y a pas forcément de dimension coercitive. Je dirais que le credo commun des transhumanistes est la foi en une technologie salvatrice, sans recul critique. Certains sont extrémistes et prônent ouvertement la fusion de l'homme avec la machine, d'autres plus «modérés», à l'instar d'un Laurent Alexandre ou d'un Luc Ferry en France, croient en une sorte d'hyperhumanisme fondé sur la technologie.
«Le transhumanisme entend outrepasser les limites naturelles de la condition humaine : le vieillissement, la mort, la différence sexuelle»
Jacques Testart
Pour tous, on constate la rencontre d'un infantilisme archaïque avec une puissance technologique inédite. Le transhumanisme entend outrepasser les limites naturelles de la condition humaine: le vieillissement, la mort, la différence sexuelle. La santé parfaite, l'immortalité sont des promesses qui ne pourront jamais être tenues. L'espérance de vie en Occident est même en train de marquer le pas. Mais les transhumanistes nous habituent à cette idée. Le livre montre que la recherche française s'active dans les mêmes voies que celle de Californie, mais avec des moyens beaucoup plus modestes.
Pourquoi qualifiez-vous ce mouvement d'«idéologie de remplacement»?
Le transhumanisme est une idéologie de remplacement destinée à offrir un nouveau salut par la technique à des hommes qui ont acté la mort de Dieu et n'ont plus de grands projets politiques. Il se substitue aussi à un capitalisme essoufflé qui avait promis progrès social et croissance sans limites. Avec l'islamisme, c'est peut-être la seule idéologie qui reste sur le marché. Mais les paradis qu'elles promettent sont tout aussi illusoires.
Les partisans du transhumanisme traitent leurs adversaires de nostalgiques pleurnichards. N'ont-ils pas raison? Que peut faire l'Europe quand la Chine ou la Silicon Valley ne se fixent aucune limite?
C'est le même raisonnement que tiennent les libéraux en économie: «There is no alternative(TINA)», disait Margaret Thatcher. Il faut suivre ou l'on finira écrasés. Emmanuel Macron a promis d'octroyer 1,5 milliard d'euros à l'intelligence artificielle: c'est dérisoire quand on songe à ce que possèdent les Gafa, mais c'est beaucoup trop lorsqu'on songe à la misère dans laquelle est notre hôpital public! Ça n'a pas de sens malgré le titre du rapport de Villani («Donner du sens à l'IA»)… Mais il faut «être compétitif»: c'est le grand slogan des transhumanistes comme des économistes libéraux. Et en ce cas, où s'arrêter? Si on nous compare aux Chinois qui n'ont aucune limite, va-t-on autoriser le clonage humain pour suivre la tendance? Suivre la pente est une facilité. L'alignement sur le pire n'est pas une perspective réjouissante.
«Le transhumanisme est une idéologie de remplacement destinée à offrir un nouveau salut par la technique à des hommes qui ont acté la mort de Dieu et n'ont plus de grands projets politiques»
Jacques Testart
Nous sommes en plein «États généraux de la bioéthique», dont le sujet principal est l'extension de la PMA. Que pensez-vous des débats en cours?
Les États généraux de la bioéthique avaient pour vocation la consultation citoyenne mais on voit bien que ce n'est pas le cas. Le «comité citoyen»(qui n'est pas la conférence de citoyens prévue dans la loi de 2011) est marginalisé et ne correspond à aucune codification empirique ou légale, par exemple il n'y a aucune transparence sur la formation des citoyens. Les États généraux de la bioéthique sont devenus une simple mise à jour du droit à partir des avancées de la science mais surtout des exigences de certains lobbys. Il s'agit à chaque fois d'ajouter une nouvelle permissivité plutôt que de fixer des limites. On nous dit qu'il n'y a pas d'alternative, mais il n'y a pas non plus de retour en arrière possible. Chaque loi votée est «une avancée» irréversible. Prochainement, ce sera la PMA et, dans sept ans, à l'occasion des prochains États généraux, on légalisera peut-être la GPA.
«Plus que l'extension de la PMA à « toutes » ou l'acceptation de la GPA, je crois que c'est là l'enjeu capital de la bioéthique : la sélection des embryons et celle des personnes à venir»
Jacques Testart
Vous-même avez été le «père» du premier bébé-éprouvette… Comment vous êtes-vous rendu compte des limites de la manipulation du vivant?
Le jour de la naissance d'Amandine en 1982, j'ai vu les médias se précipiter en masse à l'hôpital. Je croyais avoir accompli un acte de plomberie, pour réparer la stérilité d'un couple, mais je me suis rendu compte qu'il s'était passé quelque chose de beaucoup plus profond anthropologiquement. En 1986, dans L'Œuf transparent, j'ai tenté d'expliquer en quoi cette démarche d'apprenti sorcier était révolutionnaire: désormais on pouvait voir l'œuf, le début de la conception, avant même la naissance. Cette pré-naissance ouvrait la voie au diagnostic pré-implantatoire (DPI, inventé quatre ans plus tard), et donc à l'eugénisme consenti.
En 1994, le DPI a été autorisé pour les porteurs d'une maladie grave. Depuis 2000, il est ouvert aux «risques de maladies», c'est-à-dire potentiellement à tout le monde. Certains veulent aller toujours plus loin: le comité d'éthique de l'Inserm et l'Académie de médecine voudraient passer tous les embryons au DPI. Plus que l'extension de la PMA à «toutes» ou l'acceptation de la GPA, je crois que c'est là l'enjeu capital de la bioéthique: la sélection des embryons et celle des personnes à venir. C'est ça la véritable révolution qui explosera dès que les embryons seront fabriqués par dizaines et sans servitudes médicales.
Vous êtes assez isolé à gauche dans le combat contre la PMA et la GPA. Comment l'expliquez-vous?
C'est vrai. Mes amis politiques (Écologistes, Insoumis, Anticapitalistes…) comprennent rarement mes positions éthiques qui, pour les transhumanistes, relèvent du «bioconservatisme». Il y a quelques exceptions comme José Bové dont le naturalisme chrétien/paysan rencontre mon naturalisme darwiniste de précaution. Mais Mélenchon, dont je soutiens le programme politique, reste un indécrottable scientiste. Côté EELV, il y a comme une angoisse de ne pas paraître moderne et aussi la revendication individualiste qui leur fait accepter toutes les transgressions. Ce qui est très inquiétant, c'est la désinvolture avec laquelle est traitée par presque tous la transgression transhumaniste.
«Côté EELV, il y a comme une angoisse de ne pas paraître moderne et aussi la revendication individualiste qui leur fait accepter toutes les transgressions»
Jacques Testart
Les jeux sont-ils faits?
Les nouveaux prophètes comme Laurent Alexandre nous expliquent qu'il ne servirait à rien de lutter puisque la révolution transhumaniste est inéluctable. Le TINA s'est emparé de la bioéthique et même de l'humanisme. Évidemment, si on pose l'alternative entre la mort et la vie, la bonne santé et la maladie, tout le monde est transhumaniste! Il nous faut revendiquer, avec Jean-Michel Besnier «le consentement au hasard et à l'inachèvement». Concrètement, et puisqu'il s'agit de lutter contre un imaginaire infantile mais puissamment armé par des technologies fascinantes, il nous faut inventer un imaginaire concurrentiel qui montre qu'une autre humanité est possible, faite de convivialité et d'entraide plutôt que de compétition, d'empathie plutôt que de mépris pour le vivant, de frugalité plutôt que du gaspillage polluant qui ruine notre environnement.
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Natacha Polony : «Sous les pavés, le naufrage» (06.04.2018)
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Publié le 06/04/2018 à 18h12
CHRONIQUE - L'inégalité ne se joue pas dans la maigre sélection à l'entrée des facs.
Il y a ceux qui luttent pour les migrants, ceux qui griffonnent sur les murs «un bon flic est un flic mort», ceux encore qui réclament l'abolition du capitalisme… Qu'une protestation précise soit l'occasion d'exprimer un mécontentement plus général relève de l'évidence, et parfois même de la nécessité quand il s'agit de débusquer, à travers des événements en apparence divers, la manifestation d'un système. L'éclectisme des revendications exprimées par les étudiants qui bloquent aujourd'hui quelques facultés n'a pourtant rien à voir avec cette «convergence des luttes» dont rêve tout mouvement social.
Quiconque a un jour assisté à une AG étudiante sait que les mondes parallèles théorisés par les scientifiques existent. Les postures, toujours semblables,celles de jeunes gens souvent agressifs et masqués, celles de jeunes filles se découvrant pasionaria, les uns et les autres persuadés qu'ils luttent contre l'oppression capitaliste, recouvrent en général une détestation de la démocratie qui ne peut en aucun cas servir la cause du peuple dans son ensemble,et des mouvements sociaux en particulier.
Depuis trente ans, nul n'a été capable parmi les gouvernements successifs de penser le statut du savoir dans une société utilitariste qui prétend évaluer la « performance » des chercheurs
En l'occurrence, quelques jeunes gens s'opposent farouchement au système Parcoursup qui se substitue à l'algorithme d'APB pour orienter les bacheliers vers le supérieur. La cruauté inciterait à citer le communiqué de l'Unef résumant la position du syndicat. Le Canard Enchaîné l'a fait avec délice: la réforme de l'université «vient créé de nouvelle barrière à l'accès des jeunes à la filière de leur choix (sic)» ; les filières «ont mise en place un système de points (sic)».Et puisque les problématiques de genre sont désormais la farce dont on garnit n'importe quelle volaille, l'Unef craint que les femmes ne choisissent «des filières avec des qualités ou prérequis dont elles pensent disposer actuellement et étant à l'heure portée  (sic)». On comprend que l'Unef s'oppose à toute forme de sélection…
On aurait cependant mauvaise grâce à ne pas reconnaître que l'imposition du nouveau système dans l'urgence de ce printemps pose des problèmes insolubles puisque le ministère demande aux professeurs d'université d'examiner des milliers de dossiers selon des critères pour le moins erratiques. Mais derrière la colère sincère ou non de ces professeurs, comme derrière les angoisses de jeunes gens qui réclament qu'on les laisse s'entasser dans des filières surchargées où 60 % d'entre eux échoueront,nous sommes confrontés au sens même de cette institution pluriséculaire qu'est l'université. Ce temple laïc du savoir, tel qu'il émergea en Europe occidentale vers le XIIe siècle, a-t-il quoi que ce soit à voir avec ces filières plus ou moins professionnalisantes qui tentent de coexister avec des grandes écoles ultrasélectives. Depuis trente ans que des réformes prétendent adapter l'université à la modernité, nul n'a été capable parmi les gouvernements successifs de penser le statut du savoir dans une société utilitariste qui prétend évaluer la «performance» des chercheurs.
On parlerait de nouveaux intellectuels précaires si ces jeunes gens maîtrisaient la langue française et lisaient abondamment
Nul n'a été capable de choisir entre une université qui préserverait son sens et la spécificité du savoir spéculatif, mais qui devrait restreindre son accès pour orienter davantage de jeunes gens vers des formations en lien avec le monde de l'entreprise, notamment à travers l'alternance, et une université prenant en charge cette massification, mais en cessant de prétendre que la majorité des étudiants peuvent se consacrer au savoir spéculatif. Est-ce un hasard si les facultés de sciences humaines sont en pointe dans des mouvements qui réclament à toute force que jamais la société ne s'interroge sur le nombre de diplômés de sociologie ou d'ethnopsychologie, en comparaison du manque criant d'électriciens,de plombiers ou d'artisans de bouche?On parlerait de nouveaux intellectuels précaires si ces jeunes gens maîtrisaient la langue française et lisaient abondamment plutôt que de servir de réceptacle idéologique aux théories qui ont confisqué la pensée sociologique française et qui lisent le monde à travers le seul prisme de la lutte contre «toutes les discriminations».
Les mouvements sociaux qui expriment aujourd'hui le désarroi ou la colère de populations constatant la destruction des classes moyennes et populaires des pays occidentaux et l'amenuisement de l'État protecteur et stratège n'ont pas grand-chose à voir avec les soubresauts d'une jeunesse qui refuse de voir que l'inégalité ne se joue pas dans la maigre sélection à l'entrée des facs mais dans la destruction, en amont, de l'école républicaine, à laquelle ont applaudi tous les sociologues qui leur servent de mentors. Une vraie convergence des luttes, nécessaire aujourd'hui, serait celle qui, loin des agitations groupusculaires, ferait se rejoindre les artisans, ouvriers, entrepreneurs, paysans ou professions libérales qui croient à l'effort, au travail, aux valeurs, mêlant responsabilité et fraternité, qui lient une société et que le capitalisme financier détruit économiquement et culturellement.

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Francis Fukuyama : «Il y a un risque de défaite de la démocratie» (06.04.2018)
Par Alexandre Devecchio
Publié le 06/04/2018 à 07h07
INTERVIEW - En 1992, après la chute de l'URSS, La fin de l'histoire et le dernier homme était devenu le livre culte des apôtres de la «mondialisation heureuse». Mais le triomphe de la démocratie libérale, prophétisé par Francis Fukuyama, n'a pas eu lieu. À l'occasion de la réédition de son essai, l'intellectuel revient sur sa thèse.
FIGARO MAGAZINE. - Depuis sa parution il y a près de trente ans jusqu'à aujourd'hui,La Fin de l'histoire et le dernier homme suscite de nombreuses polémiques. Beaucoup de commentateurs interprètent ce que vous appelez «la fin de l'histoire» comme l'avènement d'un temps stationnaire et dépourvu de conflit, le triomphe de la mondialisation heureuse… Est-ce un malentendu?
Francis FUKUYAMA. - Ce dont je suggérais la fin n'était évidemment pas l'histoire comme succession d'événements. Par «la fin de l'histoire», il faut comprendre le terme «histoire» au sens philosophique où l'entendaient Hegel et Marx. Les deux théoriciens allemands croyaient que l'évolution des sociétés humaines n'était pas infinie, mais s'achèverait le jour où l'humanité aurait mis au point une forme de société qui satisferait ses besoins les plus profonds et les plus fondamentaux. Cela ne signifiait pas que des événements importants allaient cesser de se produire ou que les journaux pour les raconter allaient cesser de paraître. Le terme «histoire» doit être entendu comme le processus historique de grande ampleur par lequel une société traverse plusieurs phases. Par exemple, en passant de société agraire à société industrielle et commerciale. La question est alors la suivante: quelle est la dernière étape de ce processus? Les marxistes ont donné leur réponse à cette question il y a cent cinquante ans en imaginant que la finalité de ce processus d'évolution de la société serait une utopie communiste.
Mon livre a paru au moment de l'effondrement de l'URSS. Je l'ai écrit quelques mois avant la chute du mur de Berlin, au moment même où les manifestations prodémocratie se déroulaient sur la place Tian'anmen à Pékin, et au milieu d'une vague de transitions démocratiques en Europe de l'Est, en Amérique latine, en Asie et en Afrique subsaharienne. J'affirmais alors que l'histoire prenait un tour très différent de ce qu'avaient imaginé les intellectuels de gauche. Le processus de modernisation économique et politique menait non vers le communisme, comme l'avaient prédit les marxistes, mais vers une forme de démocratie libérale et d'économie de marché. Je n'ai pas changé d'avis. Le libéralisme politique, même fragilisé, n'a toujours aucun concurrent sérieux.
Notre monde, celui de Poutine, de Xi Jinping, d'Al-Qaida et de Daech, ne ressemble-t-il pas davantage à celui annoncé par Samuel Huntington dans Le Choc des civilisations?
Le monde dépend aujourd'hui encore d'un ordre que l'on peut appeler l'ordre libéral international. Ni l'islamisme, ni le capitalisme d'État chinois, ni le régime autoritaire russe ne constituent de véritables alternatives. Il est vrai que Xi Jinping est à la tête de ce qui se voudrait être un autre ordre, un ordre autoritaire qui se poserait en tant qu'alternative à nos démocraties libérales. Mais, en y regardant de plus près, on s'aperçoit que la Chine profite aujourd'hui de son intégration au sein d'un marché ouvert. Et ce pays n'aurait probablement pas connu le même essor sans cette partie de l'équation. Il faut comprendre que le succès d'un système politique se mesure par sa stabilité sur le long terme, voire le très long terme, et l'on ne peut rien déduire à ce sujet d'une seule décennie ou du règne d'un seul leader.
«L'assimilation des populations immigrées aux normes démocratiques libérales est extrêmement difficile en Europe. C'est là une plus grande menace pour la démocratie que la situation au Moyen-Orient»
Francis Fukuyama
Dans cette optique du temps long, les régimes autoritaires sont particulièrement mal armés. Ils ont de nombreuses faiblesses. Ils sont considérés comme illégitimes et dépendent bien souvent d'une seule écrasante personnalité ou de facteurs conjoncturels. Dans le cas de la Russie, par exemple, une grande partie de son apparente prospérité et de son succès en tant que grande puissance découlait d'un cours du prix de l'énergie qui lui était particulièrement favorable. Les difficultés sont apparues après l'effondrement du cours du pétrole en 2014, et Poutine ne masquera pas éternellement ses échecs économiques derrière son omniprésence diplomatique. Presque vingt ans après son arrivée au pouvoir, l'économie russe est toujours aussi dépendante des exportations d'hydrocarbures.
Et en ce qui concerne Daech?
L'islamisme radical a rencontré un certain succès en s'imposant par la force sur certaines populations ou en se nourrissant d'un sentiment de vide et d'aliénation, mais ce n'est pas un système qui est particulièrement aimé ou respecté. Ce genre de système ultra-autoritaire a un potentiel de longévité faible. Preuve en est que le califat ne s'étend plus. Il semble même entré en phase d'extinction.
Vous écriviez: «L'islam n'offre guère de séductions à la jeunesse de Berlin, de Tokyo, de Paris ou de Moscou.» C'était avant que de jeunes Occidentaux s'enrôlent dans l'État islamique pour combattre le monde occidental dans lequel ils ont grandi...
Cela révèle l'échec de l'intégration dans des pays comme la France, l'Angleterre, les Pays-Bas ou l'Allemagne. L'assimilation des populations immigrées aux normes démocratiques libérales est extrêmement difficile en Europe. Et, si vous me le demandiez, je vous dirais que c'est là une plus grande menace pour la démocratie que la situation au Moyen-Orient.
L'immigration déstabilise-t-elle les démocraties libérales?
L'immigration est l'un des ressorts les plus puissants de l'essor du nouveau populisme dans les États de l'Union européenne. Toute démocratie se doit de contrôler son propre territoire et de décider qui est citoyen et qui ne l'est pas. L'Union européenne a été conçue pour organiser la libre circulation à l'intérieur de ses frontières, mais les architectes de l'UE ne se sont pas suffisamment souciés des frontières extérieures. Le système de Schengen ne peut pourtant fonctionner sans une sécurisation optimale de celles-ci. L'immigration n'est ni «bonne» ni «mauvaise» en soi. Mais, si les flux ne sont pas contrôlés, cela engendre les fractures sociales, territoriales et culturelles que nous observons aujourd'hui et qui ont pour corollaire la montée des populismes.
La victoire de Trump aux États-Unis peut-elle être également lue comme la réaction de la majorité face à «la tyrannie des minorités»?
Dans La Fin de l'histoire et le dernier homme, je mettais déjà en garde contre une prolifération massive de «droits» nouveaux. Les programmes de «discrimination positive» ont eu pour résultat un envahissement croissant des droits des groupes spécifiques, à la place des droits individuels et universels, dans la législation américaine. Il n'y a plus de communauté nationale unique, ou de bien commun, mais seulement une rivalité constante entre des groupes sociaux préexistants dont les objectifs spécifiques n'ont que peu de rapports entre eux. Les droits universels de l'individu commencent à se dissoudre dans un fatras de droits particuliers.
«Dans une démocratie libérale, vous devez absolument avoir une population qui se voit comme appartenant à une seule et même communauté démocratique»
Francis Fukuyama
Outre les pertes d'emplois subies par la classe ouvrière dues à la mondialisation et à la désindustrialisation, la victoire de Trump est l'une des conséquences de cette évolution. À gauche, le vieux cheval de bataille de la lutte des classes a été remplacé par la nouvelle monture du combat politique pour la reconnaissance des droits de groupes spécifiques tels que les Afro-Américains, les immigrants ou les femmes. C'est selon moi compréhensible, mais cela a entraîné une forte réaction à droite. La majorité blanche de la population qui avait pour habitude de se penser comme emblématique de la nation s'est sentie maltraitée face à ce qu'elle perçoit comme étant des privilèges que l'on offrirait aux minorités. Cela montre qu'il est extrêmement dangereux pour toute démocratie digne de ce nom de se diviser en autant de catégories différentes, définies par la seule biologie. Dans une démocratie libérale, vous devez absolument avoir une population qui se voit comme appartenant à une seule et même communauté démocratique. C'est l'un des principaux obstacles que devront franchir les démocraties libérales si elles veulent encore prospérer, en Europe comme en Amérique du Nord.

L'intellectuel Francis Fukuyama est l'auteur de plusieurs essais politiques et économiques, dont La fin de l'histoire et le dernier homme et Ordre politique et décadence politique. - Crédits photo : Stephane Grangier/Corbis via Getty Images
Du Brexit à la victoire de Donald Trump en passant par l'émergence de «démocraties illibérales» à l'est de l'Europe, assistons-nous à une révolte des Occidentaux contre l'ordre libéral post-1989?
Oui, c'est l'un des aspects de ma réflexion qui a vraiment évolué au cours de ces dernières années. Le problème d'aujourd'hui n'est pas seulement que les pouvoirs autoritaires soient à la manœuvre, mais que beaucoup de démocraties ne se portent pas bien. Déjà, dans mon dernier livre, Ordre politique et décadence politique, publié en 2014, je diagnostiquais des phénomènes de «récession démocratique». Même si la démocratie libérale reste à mes yeux le meilleur des modèles, elle n'est pas intangible. Le fait pour un système d'avoir autrefois été une démocratie libérale stable, couronnée de succès, ne signifie pas qu'il le restera à jamais. Nombre d'institutions politiques américaines ont montré des signes d'effritement, et ce avant même l'élection de Trump. Fait de contre-pouvoirs pour se préserver de la tyrannie, le système politique américain s'est transformé en «vétocratie», modèle politique où le blocage devient un mode de non-gouvernement. Et cette décadence n'est pas l'apanage des seuls Américains. La croissance de l'Union européenne et le déplacement de la décision politique du niveau national vers Bruxelles font que le système européen dans son ensemble ressemble de plus en plus à celui des États-Unis.
Il faut aussi tenir compte de l'évolution des nouvelles technologies depuis 1989. Lors de la naissance d'Internet dans les années 1980 et 1990, celles-ci nous sont d'abord apparues comme de potentiels alliés de la démocratie. Or, aujourd'hui, elles contribuent à plein à la polarisation grandissante et à la méfiance croissante des citoyens envers leurs propres institutions. Et ce n'est pas fini: il y a d'autres nouveaux développements à surveiller de près comme les biotechnologies, qui vont probablement donner l'opportunité de manipuler l'être humain d'une façon qui nous aurait semblé inimaginable auparavant.
«La jeunesse a besoin de croire en quelque chose qui la dépasse, sous peine de basculer dans le relativisme ou le nihilisme»
Francis Fukuyama
Le vide métaphysique des démocraties libérales n'est-il pas leur grand point faible?
C'est un argument que je défendais déjà dans La Fin de l'histoire et le dernier homme… Il est manifeste pour presque tout le monde aujourd'hui que la démocratie libérale est largement préférable à ses principaux concurrents: communisme, islamisme ou régimes autoritaires. Mais est-elle en elle-même digne d'être choisie? La principale satisfaction que l'on a lorsque l'on vit dans une démocratie libérale est avant tout liée au confort matériel et à la liberté personnelle dont on profite. Mais tout cela est-il suffisant pour l'épanouissement d'une population?
Vous prédisiez aussi l'apparition du «dernier homme», uniquement préoccupé par son bien-être personnel et son confort. L'Europe posthistorique, qui a évacué le tragique de l'histoire, ne risque-t-elle pas de sombrer face aux nouvelles menaces?
Un défaut largement reconnu de la théorie libérale anglo-saxonne est que les hommes ne mourront jamais pour un pays fondé uniquement sur le principe de la préservation de soi. Les hommes issus de l'éducation moderne se contentent de rester assis chez eux et de se féliciter de leur largeur d'esprit et de leur absence de fanatisme! En faisant de la préservation de soi le premier de tous les impératifs, le dernier homme ressemble à l'esclave de Hegel. L'expérience de l'histoire l'a blasé, il est désabusé quant à la possibilité d'une expérience directe des valeurs. Face aux nouvelles menaces, les sociétés occidentales doivent impérativement renouer avec leurs idéaux. La jeunesse, en particulier, a besoin de croire en quelque chose qui la dépasse sous peine de basculer dans le relativisme ou le nihilisme. La démocratie et la démocratie libérale elle-même étaient, il fut un temps, cet idéal vers lequel aspirer. Pour ceux qui vivaient sous le communisme, notamment. Or, avec la paix et la prospérité qu'ont connues les deux dernières générations, de nombreux jeunes semblent prendre l'existence de la démocratie libérale pour acquise.
Ils pensent qu'ils vivront, quoi qu'il arrive, dans une société démocratique et, en conséquence, tout cela n'est plus une aspiration pour eux. Il nous faut donc constamment rappeler aux jeunes générations que cela pourrait bien leur être repris s'ils ne se mobilisent pas. Si les jeunes générations ne parviennent à se mobiliser contre l'ennemi qu'en allant s'asseoir à la terrasse d'un café un verre de mojito à la main, alors oui, il y a un risque de défaite de la démocratie.
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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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À la fac de lettres de Montpellier, 200 bloqueurs ont pris le pouvoir (05.04.2018)

Par Caroline Beyer
Mis à jour le 05/04/2018 à 21h53 | Publié le 05/04/2018 à 19h53
REPORTAGE - Depuis le 27 mars, le campus Paul-Valéry est paralysé par une « occupation illimitée ».
Blocage «illimité» de «Paul-Va», la fac de lettres de Montpellier connue pour son positionnement à gauche. Et ce, jusqu'à la démission d'Emmanuel Macron… Ainsi en a décidé l'AG du 27 mars qui, quelques jours après les violences à la fac de droit, a réuni quelque 2500 personnes. Un record.
«Comment répondre à de telles revendications?», interroge, dépité, Patrick Gilli, président de Paul-Valéry. Après deux mois de blocage, pendant lesquels il a tenté de maintenir une présence de l'équipe de direction sur place, le président est fatigué. Pris au piège sur ce campus de dix hectares au nord de Montpellier, il est suivi dans ses faits et gestes par le comité de mobilisation composé de quelque 200 bloqueurs, dans une fac qui compte 20.000 étudiants. Impossible pour lui d'organiser des réunions, sauf à être secrètes. «Les bloqueurs ont décrété que toute parole, toute réunion, devait être entendue par les étudiants. Nous sommes attachés à la liberté d'expression en général, mais également à la nôtre!», lance un membre de la direction, qui décrit une «loi totalitaire». Des montagnes de chaises et de tables interdisent l'accès aux bâtiments. «Nous n'avons pas accès à nos bureaux. Quand nous faisons venir nos étudiants pour signer des conventions de stages, c'est sous le regard inquisiteur des bloqueurs», rapporte un enseignant.
Quelle marge de manœuvre pour le président de Paul-Valéry? «L'enjeu, c'est la défense du service public et la tenue des examens», explique Patrick Gilli, qui n'a d'autre choix que de sauver les meubles. Ces examens, qui doivent se tenir la semaine prochaine, seront «dématérialisés», explique-t-il. Ils seront passés en ligne, via la plateforme numérique de l'université, à laquelle les étudiants seront appelés à se connecter. L'évaluation prendra en compte le fait que les étudiants n'ont pas eu cours depuis deux mois et qu'ils auront accès à Internet pendant la rédaction de leur devoir. Ces conditions ne risquent-elles pas de dévaluer le diplôme? s'interrogent déjà des étudiants. Il est aussi question d'organiser des épreuves dans des lycées montpelliérains, sous protection policière.
« L'enjeu, c'est la défense du service public et la tenue des examens »
Patrick Gilli, président de Paul-Valéry
Avec le risque de déplacer au sein de ces établissements le conflit dur qui sévit à Paul-Valéry… Cette solution n'est donc pas privilégiée, tout comme le recours aux forces de l'ordre pour évacuer le campus. «Ni possible pratiquement» - véritable «passoire», le campus compte plus de dix entrées - «ni politiquement souhaitable», indique le président. Côté bloqueurs, on exige le «semestre gratuit», à savoir 10/20 accordés à tous et parfois, même, 12/20, «pour permettre aux étudiants de se consacrer à la lutte», expliquent les concernés.
Prêts à en découdre
«On ne peut pas gérer 200 bloqueurs en 2018? Ubuesque, estime Julien Roque, professeur à Paul-Valéry. Les étudiants et les enseignants veulent travailler, mais ils ont peur d'être agressés physiquement.» Qui sont ces bloqueurs prêts à en découdre? Quelques étudiants lambda et beaucoup d'activistes d'extrême gauche, tendance France insoumise, ainsi que des syndicalistes de Solidaires et du Scum, le Syndicat de combat universitaire de Montpellier, de mouvance anarcho-syndicaliste, créé en 2014 et vers lequel ont émigré les déçus de l'Unef, devenu transparente. Dans les rangs de ces bloqueurs, on veut croire à «la convergence des luttes» et, cinquante ans après 1968, à un printemps social. Quant à l'objet originel de la contestation, la loi Vidal, qui instaure la sélection à l'université, il est presque oublié.
Entamé à la mi-février, le blocage de Paul-Valéry aurait pu se poursuivre dans l'indifférence quasi générale, ou s'essouffler, s'il n'y avait eu, il y a quinze jours, ces violences à la fac de droit de Montpellier. Dans la nuit du 22 au 23 mars, l'évacuation musclée par des individus encagoulés et armés de bâtons d'étudiants et de militants qui occupaient un amphithéâtre a durci les lignes.La mise en examen du doyen et d'un professeur d'histoire du droit pour «complicité de violences» a amplifié les tensions. Une étincelle survenue alors que le mouvement étudiant de contestation n'avait pas vraiment pris depuis le vote en février de la loi Vidal.
«Quand les esprits s'échauffent, ce sont les mêmes poncifs qui reviennent. Les hippies contre les fascistes, les étudiants de droit contre les étudiants de lettres»
Une enseignante de Paul-Valéry
Depuis, Montpellier est aussi devenu le symbole d'un affrontement qui semblait appartenir au passé, entre l'extrême droite et l'extrême gauche. «Fascisme chic à la fac de droit», titrait ainsi Paul Alliès, ancien doyen de la fac de droit, dans une tribune sur Mediapart. «Quand les esprits s'échauffent, ce sont les mêmes poncifs qui reviennent. Les hippies contre les fascistes, les étudiants de droit contre les étudiants de lettres», relativise une enseignante de Paul-Valéry. «Il s'agit d'une attaque menée par une milice fasciste», martèle une élue de Solidaires étudiants, qui évoque tout à la fois l'UNI, syndicat de droite, la Cocarde, une association gaulliste et souverainiste créée en 2015, Génération identitaire, ce mouvement de jeunesse d'extrême droite, ou encore la Ligue du Midi, groupuscule régionaliste identitaire. Aujourd'hui, la tension est encore vive à la fac de droit, alors que Montpellier s'apprête à accueillir, le 14 avril, une manifestation de la Coordination nationale des étudiants en lutte (CNL), regroupement de la contestation étudiante qui agite une vingtaine d'universités.

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La «conférence de presse» surréaliste des étudiants bloqueurs de Tolbiac (06.04.2018)
Par Le Figaro Etudiant • Publié le 06/04/2018 à 12:50 • Mis à jour le 06/04/2018 à 13:20
Le chien de Tolbiac a désormais son propre compte Twitter sur les réseaux sociaux.Crédits photo: Tolbiac auto média

VIDÉO - Les étudiants qui occupent actuellement le campus de Tolbiac de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne ont publié hier une vidéo dans laquelle ils réclament la démission du président de la République .
Des banderoles contestataires, trois personnes arborant des masques colorés, et un chien qui a l’air de se demander ce qu’il fait là. C’est le cadre surréaliste de la première «auto-conférence de presse» publiée hier sur les réseaux sociaux par les étudiants qui occupent le campus de Tolbiac de l’université Paris I, dans le XIIIe arrondissement de la capitale. Sous le nom de «Commune Libre de Tolbiac», les jeunes gens diffusent ainsi, via les réseaux sociaux, leurs revendications.
Ces étudiants revendiquent de pouvoir mieux contrôler leur communication sans passer par les «médias classiques» qui «déforment» leurs propos. Après avoir confirmé qu’une assemblée générale avait voté le blocage illimité du campus parisien, ces représentants anonymes de la «commune libre de Tolbiac» listent leurs revendications. Le retrait de la loi ORE (loi relative à l’orientation et la réussite des étudiants), source du mouvement de contestation des étudiants, mais également de meilleurs salaires pour les cheminots et les travailleurs précaires de l’université ainsi que... la démission du président de la République, Emmanuel Macron. Le tout est bien évidemment écrit en écriture inclusive.
Un compte Twitter pour les listes de courses
Le temps de cet inventaire, le chien, peu concerné par les propos tenus, cherche à droite et à gauche une occupation plus intéressante. Les bloqueurs poursuivent leur laïus: «Ici, on bloque la production de savoir institutionnel pour créer nos propres savoirs» indiquent les personnes masquées. Reste à comprendre comment ils vont sanctionner cet apprentissage. Par des partiels, peut-être? La Commune libre de Tolbiac insiste également sur la nécessité de construire un «rapport de force» avec l’administration de l’université et «in fine avec le ministère de l’Enseignement supérieur». Le gros plan final sur le chien sur fond de guitares électriques saturées vient conclure ce moment de communication déjà culte.
Le logo des bloqueurs de Tolbiac.
Les jeunes bloqueurs de Tolbiac relaient également leur quotidien à Tolbiac sur le réseau social Twitter. Sur un compte intitulé @TolbiacLibre, ils donnent le programme de l’occupation, réagissent à des articles de presse et donnent des détails de leur vie au sein des murs du campus parisien. Le compte rendu des assemblées générales, des conférences organisées - comme celle avec les sociologues Frédéric Lordon et Bernard Friot, mais également leurs besoins plus sommaires comme ce message qui ressemble à une liste de courses.


BESOINS :
- PQ
- Thé
- Légumes
- Jus de fruit
Railleries sur les réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux, les moyens de communication des jeunes bloqueurs font sourire. «Si vous voulez être entendus et pris au sérieux par le gouvernement, commencez déjà par avoir l’air crédible» commente par exemple Lucas sous la vidéo. «Même le chien, au bout de 15 secondes, commence à chercher une porte de sortie tellement il a compris qu’elle racontait n’importe quoi» se moque Alexandre. Thibault en rajoute également: «Nous exigeons la démission de Poutine, un titre de Ligue 1 pour Rennes, l’indépendance de la Guyane et quatre exemplaires de l’album posthume de Johnny» raille-t-il.
Sur Twitter, un utilisateur malicieux a créé un compte dédié au chien présent dans la vidéo, pour se moquer gentiment des discours et revendication des jeunes de la Commune Libre de Tolbiac. Son premier message? «Help»!
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Jean-Robert Pitte : «Le gouvernement ne doit rien céder au blocage honteux des universités» (05.04.2018)

Par Jean-Robert Pitte
Publié le 05/04/2018 à 17h21
TRIBUNE - De nombreuses facultés sont occupées par des étudiants opposés à la sélection à l'université. Pour l'ancien président de l'université Paris-Sorbonne*, la réforme Parcoursup est pourtant salutaire.
Nous sommes à la veille du cinquantenaire du navrant mois de mai 1968 dont l'université française n'est toujours pas remise. La gauche nihiliste qui n'a rien oublié se devait de célébrer l'événement en organisant l'une de ces émotions étudiantes dont elle a le secret. La méthode a fait ses preuves à de multiples reprises, dès qu'un gouvernement tentait de remettre un peu de bon sens dans un système qui marche sur la tête (la réforme Saunier-Seïté de 1976, celle de Devaquet en 1986, le CPE de Villepin en 2006, la réforme Pécresse de 2007, par exemple).
«Les enseignants sont majoritairement opposés à Parcoursup et votent des motions déclarant que les nouvelles règles ne seront pas appliquées et ce par pure idéologie égalitariste»
Jean-Robert Pitte
Une poignée d'étudiants bien formés (aujourd'hui par les militants de La France insoumise et de Génération.s) suffit à déclencher le mouvement selon un scénario bien rodé: petit rassemblement dans un amphi pour débattre de Parcoursup, la réforme de l'entrée à l'université portée par Frédérique Vidal, vote de blocage du site à main levée après de longues heures de débats à sens unique, érection aux portes de barricades de tables et de chaises, apposition de graffitis sur les murs, piquets de grève, convocation d'une AG le lendemain afin de décider de la poursuite du mouvement, établissement d'un lien avec les cheminots de la SNCF qui, eux aussi, luttent contre «la casse du service public».
Les rares opposants osant et sachant parler en public qui paraissent dans les AG se font conspuer sans ménagement et battent en retraite ; la parole est monopolisée par les petits tribuns entraînés. Lorsque j'évoque une poignée d'étudiants, ce n'est pas une figure de style: les membres de l'Unef, par exemple, mouvement étudiant le plus opposé à la réforme, ne sont au plus que 19 000 en France sur 2,4 millions d'étudiants, soit 0,8 %, contre 8 % de syndiqués pour les salariés, proportion déjà très faible.
Les enseignants sont majoritairement opposés à Parcoursup et votent dans les conseils des départements, UFR et facultés des motions déclarant que les nouvelles règles ne seront pas appliquées et ce par pure idéologie égalitariste. Toute forme, même très atténuée, d'orientation des jeunes est considérée comme une sélection, un refus de «donner sa chance à tout le monde» même si, au fond d'eux-mêmes, ils savent très bien que c'est une pure illusion et que la sélection se fera par l'échec. Ils s'en consolent en affirmant que s'ils disposaient de davantage de moyens pour encadrer les étudiants de niveau insuffisant, ils sauraient bien faire réussir tout le monde! Dans quel autre pays que la France voit-on des fonctionnaires décider de ne pas appliquer une réglementation décidée par leur tutelle, alors même que celle-ci a été annoncée dans son programme par un nouveau président de la République bien élu à peine un an auparavant, ce qui n'empêche pas de donner des leçons de démocratie à la Russie et à la Chine?
«Beaucoup ne se remettent pas de la perte de leurs illusions»
Dans le programme du candidat Emmanuel Macron, on pouvait lire: «Pour éclairer nos étudiants sur leur choix d'orientation, nous exigerons que chaque établissement de l'enseignement supérieur publie en toute transparence les taux de réussite et les débouchés professionnels, par formation, de ses anciens étudiants. Chaque université affichera les prérequis de chacune des formations qu'elle propose. […] Un lycéen ne disposant pas de ces prérequis pourra s'inscrire après avoir comblé ses lacunes, par des cours d'été ou par la validation de modules universitaires.» C'est ainsi que les nouvelles règles prévoient, par exemple, que dans une filière en tension comme les Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) il faut disposer de compétences scientifiques, sportives, en expression écrite, et avoir eu un investissement associatif ou des responsabilités collectives. Est-ce plus scandaleux que les tirages au sort qui ont été pratiqués tout au long de ces dernières années?
Il existe cependant des différences entre ce mouvement et les précédents. La première est que la majorité des étudiants ne le suit pas et ce pour une bonne raison, c'est qu'ils ne sont pas concernés, puisqu'ils sont déjà entrés à l'université et que Parcoursup est destiné aux lycéens de terminale. Comme d'habitude, ils restent sagement chez eux en attendant que cela passe, espérant secrètement que la revendication d'une note minimale de 10/20 aux examens sera acceptée par les conseils des universités afin que personne ne soit pénalisé par le blocage.
«L'amélioration des modalités d'entrée à l'université par une orientation intelligente et responsable est une nécessité»
Jean-Robert Pitte
En revanche, il faut s'attendre, après les vacances de printemps, à des tentatives de mobilisation des lycéens, encore qu'il soit bien tard puisqu'ils ont déjà exprimé leurs dix vœux pour leur entrée dans l'enseignement supérieur. L'autre différence est que la CPU (Conférence des présidents d'université) est acquise à Parcoursup, même si elle estime qu'elle manquera de moyens pour l'appliquer complètement la première année. Elle s'est exprimée le 16 janvier dernier sans ambiguïté: «La CPU est attachée aux orientations de la réforme de l'accès en premier cycle de l'enseignement supérieur qu'elle soutient, notamment parce qu'elle doit permettre de mieux orienter les élèves, les préparer aux spécificités de l'enseignement supérieur et favoriser leur réussite.»
Le lien orientation-réussite est une évidence. C'est l'insuffisance ancienne et absurde d'une vraie politique d'orientation au collège et au lycée, c'est l'abaissement continu du niveau du baccalauréat, c'est l'existence de filières sélectives qui accueillent les bacheliers avec mention (classes prépas, BTS, IUT, écoles de commerce ou d'ingénieurs post-bac) qui expliquent l'affligeant taux d'échec de 60 % en première année d'université. Beaucoup de jeunes ne se remettent pas de la perte de leurs illusions!
Un ministre en vue du gouvernement s'exprimait récemment en privé en affirmant: «Nous réformerons ce pays malgré lui!» L'amélioration des modalités d'entrée à l'université par une orientation intelligente et responsable est une nécessité. Elle doit s'accompagner du développement des filières professionnalisantes et de l'apprentissage, ce qui était clairement inscrit dans le programme d'Emmanuel Macron. Comme pour la réforme de la SNCF, tout recul serait de plomb pour la société, la réussite de sa jeunesse en particulier, pour notre économie et pour l'espérance de modernisation que la dernière élection présidentielle a fait naître.
*Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques

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Seine-Saint-Denis: des professeurs exercent leur droit de retrait pour dire stop à la violence (06.04.2018)
Par Esther Paolini • AFP agence • Publié le 06/04/2018 à 15:19
Les professeurs et familles de Seine-Saint-Denis ont manifesté jeudi pour dire «stop à la violence» dans les lycées. Crédits photo: Rodrigo Arenas

Soutenus par les parents d’élèves, des enseignants de lycées de cette banlieue parisienne lancent un cri d’alarme face au manque de sécurité à l’intérieur mais aussi aux abords des établissements scolaires.
Un élève agressé au marteau, un parpaing lancé dans une salle de classe, des tirs d’arme à plombs... Face à la recrudescence de violences dans plusieurs établissements de Seine-Saint-Denis (93), des enseignants et parents d’élèves se mobilisent pour réclamer plus de sécurité. Depuis mercredi, des professeurs font valoir leur droit de retrait afin d’interpeller le rectorat, mais aussi l’État sur une situation qu’ils jugent alarmante.
Aux lycées Suger et Paul Eluard de Saint-Denis tout comme au lycée Maurice Utrillo de Stains, c’est un même cri d’alarme. Fin mars, un incendie volontaire a été déclaré à Suger après des appels à brûler l’établissement sur les réseaux sociaux. Quelques jours auparavant, un élève a été hospitalisé après avoir été agressé au marteau à Stains. La semaine dernière, deux élèves ont été blessés après des jets de pierre au lycée Paul Eluard.
Tout en refusant de donner cours, les professeurs se sont rassemblés jeudi pour dire «stop à la violence». Ils étaient accompagnés de plusieurs dizaines de parents d’élèves. Rodrigo Arenas, président de l’Association de Parents d’élèves adhérents (FCPE) dans le 93 explique au Figaro qu’il y a un «climat de tension générale délétère»: «Ce n’est pas qu’une question d’éducation, mais aussi un problème d’une appropriation de l’espace public par des bandes de quartier», explique-t-il au téléphone. D’après lui, la violence se situe à la fois à l’intérieur des établissements, mais aussi devant les grilles des lycées. «Récemment, des élèves se sont fait courser en scooter et agressés sur le trajet entre le lycée et le gymnase. Ça devient un problème de sûreté nationale.»
Le président de la fédération évoque l’inquiétude des familles: «Avant on était soucieux qu’ils réussissent à l’école. Maintenant on s’inquiète de voir comment ils vont rentrer à la maison». «Une agression, ça peut arriver à tout moment», a de son côté confié à l’AFP Sofian, un élève en terminale STL au lycée Paul Eluard de Saint-Denis qui décrit des «règlements de comptes entre bandes de quartiers différents». «On ne se sent plus en sécurité», résume sa camarade Asha.
Vers des agents de polices aux abords des lycées?
D’une même voix, parents d’élèves et professeurs réclament une mesure d’urgence: «La mise en place de forces d’interposition à l’abord des lycées afin que la normalité revienne», précise Rodrigo Arenas, avant d’ajouter: «Ces actes de violences ne sont pas bénins, ce n’est pas un surveillant ou un professeur qui peut rêgler ça». Au lycée Maurice Utrillo de Stains, une équipe mobile de sécurité (EMS) a bien été instaurée ces derniers jours, mais elle n’était pas présente aux horaires d’ouverture et de fermeture, là où les altercations ont souvent lieu, selon France Info.
À l’académie de Créteil, on assure que la situation n’est pas prise à la légère. Tout en dénonçant des «actes de violence inacceptables», le rectorat assure «œuvrer dans le sens d’une recherche de solutions à cette problématique aussi préoccupante que complexe», avec notamment la présence d’un inspecteur Établissement-vie scolaire ainsi que la mise en place d’une cellule d’écoute. Un Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et de la radicalisation doit également se réunir ce vendredi à 15 heures avec des représentants de l’académie, de la préfecture et de la mairie de Stains pour trouver des réponses à l’exaspération des professeurs, mais aussi des familles.

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Affrontements meurtriers entre Palestiniens et soldats israéliens à la frontière de Gaza (06.04.2018)
Par Le figaro.fr
Mis à jour le 06/04/2018 à 18h00 | Publié le 06/04/2018 à 08h44
VIDÉO - Quatre Palestiniens ont été tués et des centaines d'autres blessés par les forces israéliennes ce vendredi alors que des affrontements ont de nouveau éclaté près de la barrière séparant la bande de Gaza et Israël.
Les craintes n'ont pas mis longtemps à se vérifier dans les faits: la manifestation de milliers de Palestiniens le long de la barrière séparant la bande de Gaza et Israël a dégénéré en affrontements meurtriers. Des manifestants ont incendié des pneus et lancé des pierres sur les soldats israéliens postés à la barrière de sécurité séparant les deux territoires, selon des correspondants de l'AFP sur place. Les militaires ont riposté en tirant du gaz lacrymogène et des balles réelles. Au moins quatre Palestiniens ont été tués. Quelque deux cent cinquante autres manifestants ont été blessés, a rapporté le ministère de la Santé à Gaza.

Les manifestants évacuent leurs blessés - Crédits photo : SAID KHATIB/AFP
Des milliers de Palestiniens étaient rassemblés près de la barrière à l'est de la ville de Khan Younès, dans l'enclave palestinienne contrôlée par le mouvement islamiste Hamas, ennemi juré de l'État hébreu. «Je tomberai en martyr aujourd'hui. Je traverserai la frontière», a lancé Ahmed Abou Ghali, 20 ans, en montrant sa blessure qui a nécessité 20 points de suture, infligée lors des protestations le 30 mars. «J'ai été blessé mais j'ai réussi à fuir l'hôpital».
Israël inflexible

Les manifestants Palestiniens jettent des pierres en direction des soldats israéliens - Crédits photo : MOHAMMED SALEM/AFP
Certains jeunes Palestiniens ont collecté ces derniers jours de nombreux pneus pour les faire brûler et empêcher ainsi les tireurs israéliens de les voir distinctement. Mais les soldats ont installé un énorme ventilateur de quelque deux mètres de haut avec l'objectif apparent de dissiper la fumée.
Avec les milliers de Palestiniens qui ont afflué à la frontière, cette nouvelle flambée de violences meurtrière était à craindre. Israël avait prévenu que les consignes de tir resteraient les même que celles données le 30 mars, la journée la plus meurtrière depuis la guerre en 2014 entre Israël et le Hamas avec 19 morts et quelque 1400 blessés Palestiniens.
L'émissaire du président américain Donald Trump pour le Proche-Orient, Jason Greenblatt, avait lancé une mise en garde aux manifestants, leur demandant de «rester en dehors de la zone tampon de 500 mètres» et de ne «pas s'approcher de la barrière de la frontière de quelque manière que ce soit». «Nous condamnons les leaders et les manifestants qui appellent à la violence ou envoient des manifestants - y compris des enfants - vers la barrière, sachant qu'ils pourraient être blessés ou tués», a ajouté le responsable américain dans un communiqué à la tonalité extrêmement ferme.
Le bilan s'est alourdi vendredi avec la mort des quatre Palestiniens à l'est de la ville de Khan Younès, dans le sud de l'enclave palestinienne, tués lors des affrontements à la frontière, dont un adolescent de 16 ans. Un autre Palestinien touché la semaine dernière par des tirs israéliens a succombé à ses blessures, qui s'ajoutent à celle d'un autre tué jeudi lors d'un raid israélien dans la bande de Gaza, ce qui porte à 23 le nombre de Palestiniens tués depuis vendredi dernier.

L'armée israélienne réplique par des tirs de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants - Crédits photo : MAHMUD HAMS/AFP
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Affrontements entre Palestiniens et soldats israéliens à la frontière de Gaza (06.04.2018)

  • Mis à jour le 06/04/2018 à 12:21 

  • Publié le 06/04/2018 à 08:44
VIDÉO - Des affrontements ont éclaté vendredi entre manifestants palestiniens et soldats israéliens près de la barrière séparant la bande de Gaza et Israël, où des violences ont fait 19 morts palestiniens vendredi dernier.
Les craintes n'ont pas mis longtemps à se vérifier dans les faits: La manifestation de Palestiniens le long de la barrière séparant la bande de Gaza et Israël a dégénéré en affrontements. Des manifestants ont incendié des pneus et lancé des pierres sur les soldats israéliens postés à la barrière de sécurité séparant les deux territoires, selon des correspondants de l'AFP sur place. Les militaires ont riposté en tirant des gaz lacrymogènes et des balles réelles.
Des centaines de Palestiniens étaient rassemblés près de la barrière à l'est de la ville de Khan Younès, dans l'enclave palestinienne contrôlée par le mouvement islamiste Hamas, ennemi juré de l'Etat hébreu. «Je tomberai en martyr aujourd'hui. Je traverserai la frontière», a lancé Ahmed Abou Ghali, 20 ans, en montrant sa blessure qui a nécessité 20 points de suture, infligée lors des protestations le 30 mars. «J'ai été blessé mais j'ai réussi à fuir l'hôpital».
Israël inflexible
Certains jeunes Palestiniens ont collecté ces derniers jours de nombreux pneus pour les faire brûler et empêcher ainsi les tireurs israéliens de les voir distinctement. Mais les soldats ont installé un énorme ventilateur de quelque deux mètres de haut avec l'objectif apparent de dissiper la fumée.
Avec les Palestiniens qui continuent d'affluer, une nouvelle flambée de violences meurtrière est à craindre, surtout qu'Israël a prévenu que les consignes de tir resteraient les même que celles données le 30 mars, la journée la plus meurtrière depuis la guerre en 2014 entre Israël et le Hamas avec la mort de 19 Palestiniens.
L'émissaire du président américain Donald Trump pour le Proche-Orient, Jason Greenblatt, avait lancé une mise en garde aux manifestants, leur demandant de «rester en dehors de la zone tampon de 500 mètres» et de ne «pas s'approcher de la barrière de la frontière de quelque manière que ce soit». «Nous condamnons les leaders et les manifestants qui appellent à la violence ou envoient des manifestants - y compris des enfants - vers la barrière, sachant qu'ils pourraient être blessés ou tués», a ajouté le responsable américain dans un communiqué à la tonalité extrêmement ferme.
Gaza: des Palestiniens tués par l'armée israélienne
Au moins 17 Palestiniens ont été tués en un jour par l'armée israélienne dans des affrontements à la frontière de la bande de Gaza, à l'occasion d'une marche de protestation de plusieurs milliers de personnes.
 «S'il y a des provocations, il y aura une réaction des plus dures comme la semaine dernière. Nous n'avons pas l'intention de changer les consignes de tir, nous restons sur la même ligne.»
Avigdor Lieberman, ministre israélien de la Défense
Malgré les critiques de l'ONU et de l'Union européenne, qui ont réclamé une «enquête indépendante» sur l'usage par Israël de balles réelles, les responsables israéliens ont refusé de modifier les consignes de tir pour les manifestations prévues après les prières de vendredi. «S'il y a des provocations, il y aura une réaction des plus dures comme la semaine dernière. Nous n'avons pas l'intention de changer les consignes de tir, nous restons sur la même ligne», a prévenu à la radio publique le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman. «Nous n'avons pas affaire à une manifestation mais à une opération terroriste», a ajouté le ministre.
Il a par ailleurs qualifié de «cinquième colonne (...) et de mercenaires» les dirigeants de B'Tselem, une ONG de gauche qui a appelé les soldats israéliens à ne pas tirer vers des Palestiniens non armés. B'Tselem a publié des encarts dans des médias avec comme titre: «Désolé commandant, je ne tire pas». «Soldat, les consignes de tir susceptibles de provoquer la mort de civils ne présentant pas de danger pour des vies humaines, sont illégales», a affirmé l'ONG.
Le bilan s'est alourdi vendredi avec la mort d'un Palestinien blessé la semaine dernière par des tirs israéliens, qui s'ajoute à celle jeudi d'un autre tué jeudi lors d'un raid israélien dans la bande de Gaza, ce qui porte à 20 le nombre de Palestiniens tués depuis vendredi dernier. Des dizaines de milliers de Palestiniens avaient afflué le 30 mars près de la barrière séparant Israël de Gaza, au premier jour de «la marche du retour». Quelque petits groupes avaient affronté les forces israéliennes en jetant des pierres.
Transfert de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem
Cette protestation, qui doit durer six semaines, vise à réclamer «le droit au retour» de quelque 700.000 Palestiniens chassés de leurs terres ou ayant fui lors de la guerrequi a suivi la création d'Israël en 1948. Des milliers de manifestants sont de nouveau attendus vendredi.
«Nous ne nous attendions pas à ce que les Israéliens tirent pour tuer.»
Asaad Abou Sharkh, porte-parole et membre du comité d'organisation de la «Marche du retour».
«Je pense qu'il y a eu une erreur d'organisation de notre part, nous n'aurions pas dû laisser les gens» s'approcher de la frontière vendredi dernier, a affirmé Asaad Abou Sharkh, porte-parole et membre du comité d'organisation de la «Marche du retour». «Nous ne nous attendions pas à ce que les Israéliens tirent pour tuer», a-t-il ajouté. Le Hamas a annoncé qu'il verserait des indemnités de 3000 dollars aux familles de manifestants tués et 500 dollars à ceux grièvement blessés.
Parmi les prochaines périodes à hauts risques figure surtout à la mi-mai le transfert prévu de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Cette décision annoncée en décembre par le président Donald Trump et qui va coïncider avec le 70e anniversaire de la création d'Israël, a ulcéré les Palestiniens. Ces derniers veulent faire de Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la ville occupée et annexée par Israël, la capitale de l'Etat auquel ils aspirent. L'ONU ne reconnaît pas l'annexion de Jérusalem-Est par Israël.
La période est d'autant tendue que le 15 mai marque aussi le début du jeûne musulman du ramadan et la commémoration de la «Nakba» (la «catastrophe» en arabe) qu'a représenté pour les Palestiniens la proclamation de l'Etat d'Israël en 1948. La désespérance dans la bande de Gaza, éprouvée par les guerres, le blocus, la réclusion, la pauvreté et les pénuries, ajoute à la tension ambiante.
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À Jérusalem, ce Temple que les activistes juifs rêvent de rebâtir (05.04.2018)

Par Cyrille Louis
Mis à jour le 06/04/2018 à 11h07 | Publié le 05/04/2018 à 19h33
REPORTAGE - Troisième lieu saint de l'islam, l'esplanade des Mosquées est revendiquée par des groupuscules juifs qui prônent un retour sur ce site, sur lequel s'élevait le Temple il y a deux mille ans. Une remise en cause du statu quo pourrait mettre le feu aux poudres.
Correspondant à Jérusalem
La cérémonie n'a rassemblé qu'une petite foule mais elle a reçu un très large écho. Lundi 26 mars, le gouvernement israélien a pour la première fois autorisé des activistes juifs à reconstituer le sacrifice pascal au pied de l'esplanade des Mosquées. Un brasier entouré de parpaings et recouvert d'une plaque de tôle a été allumé. Une dizaine de prêtres ont revêtu leur habit de lin blanc, deux agneaux ont été immolés et leur sang a été recueilli dans des ustensiles forgés à cet effet - le tout sous une solide protection policière.
Par-delà sa dimension folklorique, l'événement témoigne du soutien croissant accordé aux groupuscules qui rêvent de reconstruire le Temple là où il s'élevait il y a deux mille ans. Dans la foule majoritairement religieuse flânait un jeune homme coiffé de longues mèches brunes et d'une kippa tricotée, vêtu d'un T-shirt noir sur lequel se dessinait la silhouette du Dôme du Rocher. Au pied de l'édifice islamique, dont la coupole s'élève sur les décombres de l'antique sanctuaire, on pouvait lire: «Est-ce que ceci ne vous dérange pas?»
Jusqu'à une période récente, les forces de l'ordre expulsaient systématiquement tout pèlerin juif enfreignant l'interdiction de prier ou de se prosterner sur l'Esplanade
Comme chaque année durant les fêtes de Pessah, les adeptes du Temple redoublent d'activité, et la police s'est déployée en masse pour prévenir d'éventuelles violences. À Jérusalem et bien au-delà, les musulmans voient d'un mauvais œil ces activistes qui pressent le gouvernement israélien de modifier le statu quo sur l'Esplanade. Ce lieu, que les juifs appellent mont du Temple et révèrent comme leur principal lieu saint, est depuis plusieurs siècles réservé à la pratique de l'islam. Il abrite la mosquée al-Aqsa et le Dôme du Rocher. Les fidèles d'autres confessions et les athées sont autorisés à s'y rendre à certaines heures, mais ils ont interdiction d'y prier. Cette règle perpétuée par les Britanniques et les Jordaniens fut confirmée après la conquête de la ville par Israël en juin 1967. Le ministre de la Défense Moshe Dayan craignait que sa remise en cause n'entraîne le pays dans une guerre sans fin avec le monde musulman. Cette décision fut d'autant mieux acceptée que la plupart des rabbins déconseillent à leurs fidèles de gravir l'Esplanade où ils risqueraient de profaner le Saint des saints. Mais un nombre croissant d'activistes conteste cet interdit et prône un «retour» sur le site - préalable indispensable, selon eux, à la reconstruction du sanctuaire.
«Le réveil vient par vagues», prêche Shimshon Elboim, un juif ultraorthodoxe âgé de 44 ans, qui coordonne une trentaine d'organisations dédiées à la renaissance du Temple. Les premières, explique-t-il, sont nées au lendemain de la guerre des Six-Jours. Les autres ont germé après le désengagement du Sinaï (1982) puis de la bande de Gaza (2005). L'évacuation, à l'initiative d'Ariel Sharon, de 8.000 colons établis dans l'enclave côtière fut vécue comme un traumatisme particulièrement douloureux par le camp sioniste religieux. «Beaucoup de gen, ont entamé un examen de conscience et se sont demandé ce qu'ils pouvaient faire pour qu'un tel malheur ne se reproduise plus», poursuit Shimshon Elboim. C'est à cette époque que des activistes relativement peu nombreux mais déterminés décident d'affirmer leur présence sur l'Esplanade et aux alentours.
Canaliser les frictions
Chaque matin, des groupes organisés prennent l'habitude de parcourir le site sous escorte de la police. Une fois par mois à la tombée de la nuit, des dizaines de juifs religieux en font le tour à travers le quartier musulman de la Vieille Ville et s'arrêtent devant chacune de ses portes pour prier. Les commerçants palestiniens reçoivent alors l'ordre de fermer leurs boutiques et de vider les lieux afin d'éviter toute confrontation tendue avec les adeptes du Temple.
La police, officiellement chargée de faire respecter le statu quo, canalise comme elle peut les frictions. D'un côté, des activistes dont les provocations peuvent à tout moment mettre le feu aux poudres. De l'autre, une population musulmane sur la défensive. Jusqu'à une période récente, les forces de l'ordre expulsaient systématiquement tout pèlerin juif enfreignant l'interdiction de prier ou de se prosterner sur l'Esplanade. Mais elles ne tolèrent pas davantage les manifestations de défiance palestiniennes. Il y a deux ans, les groupes de mourabitoun(«sentinelles», en arabe) déployés pour perturber l'ascension des adeptes du Temple en scandant «Allahou Akbar» ont été dissous sur ordre du gouvernement.
«C'est en augmentant la fréquentation du mont du Temple que nous pousserons les autorités à y modifier le statu quo»
Avia Frankel, responsable de l'ONG Kapot HaManul
Soucieux de rassurer, Benyamin Nétanyahou martèle qu'il n'a nullement l'intention d'y autoriser la prière des juifs. Mais ces promesses ne suffisent pas toujours à conjurer les violences. Le 29 octobre 2014, un Palestinien affilié au Djihad islamique ouvre le feu et blesse grièvement l'influent activiste Yehuda Glick, qui vient de prononcer une conférence sur la renaissance du Temple. À l'automne 2015, les tensions autour de l'Esplanade déclenchent une vague d'attaques au couteau et à la voiture-bélier contre des soldats et des civils israéliens. En juillet 2017, le meurtre de deux policiers druzes par trois Arabes venus du nord d'Israël et l'installation consécutive de portiques de sécurité aux entrées du sanctuaire provoque une grave crise dont les autorités ne sortiront qu'en faisant marche arrière.
«Ces accès de fièvre ne sont bons pour personne», soupire Avia Frankel, responsable de l'ONG Kapot HaManul. Très active, cette étudiante de 32 ans œuvre depuis quelques années à réduire les tensions qui accompagnent les visites de juifs religieux sur l'Esplanade. Son association forme des guides accompagnateurs et a noué un dialogue quotidien avec la police comme avec les activistes les plus radicaux. Ces derniers ont progressivement accepté de ne plus enfreindre trop ostensiblement l'interdiction de prier, si bien que les incidents sont devenus plus rares.
«Nous ne voulons pas seulement attirer des militants convaincus, plaide la jeune femme, mais aussi des familles, religieuses ou non, car c'est en augmentant la fréquentation du mont du Temple que nous pousserons progressivement les autorités à y modifier le statu quo.» Cette stratégie, à l'épreuve depuis deux ans, semble porter ses fruits. Le nombre annuel de visites autorisées par la police est passé d'environ 11.000 en 2015 à 14.500 l'année suivante et plus de 25.000 en 2017. «Ces chiffres, se réjouit Shimshon Elboim, montrent que nos idées, longtemps minoritaires, sont en train de se diffuser auprès du public et des autorités.»

Un groupe de juifs s'est réuni aux abords de l'Esplanade des mosquées, là où se dressait le temple il y a 2000 ans. - Crédits photo : MENAHEM KAHANA/AFP
Des soutiens dans la classe politique
Si le ton change, cependant, le message n'a rien perdu de son potentiel explosif. Les adeptes du Temple soulignent que la mobilisation en vue d'obtenir un plus large accès à l'Esplanade n'est à leurs yeux qu'une première étape. «Nous interprétons l'élection de Donald Trump à la Maison-Blanche et le soutien clair qu'il apporte à Israël comme un encouragement du Tout-Puissant à intensifier nos efforts», assure Rivka Shimeon, responsable de l'ONG Les femmes pour le Temple. Comme elle, de nombreux activistes appellent à accroître les pressions sur le gouvernement pour qu'il autorise les juifs à prier sur l'Esplanade. D'autres voient plus loin encore, et affirment que l'heure est venue de reconstruire le sanctuaire. Les activistes qui ont organisé le sacrifice pascal au pied de l'Esplanade, établis pour certains dans des colonies qui comptent parmi les plus radicales de Cisjordanie, campent sur cette ligne dure.
Le Dôme du Rocher, cette «abomination» qui trône en lieu et place du Temple, a selon eux vocation à disparaître. Sa destruction violente, envisagée au début des années 1980 par une cellule terroriste que la police démantela à temps, n'est officiellement plus au programme. «Mais on pourrait très bien le démonter pierre par pierre et le reconstruire ensuite en Arabie saoudite ou au Maroc», propose Shimshon Elboim, qui dit ne pas s'inquiéter des réactions du monde musulman.
«Ces activistes autrefois perçus comme des fanatiques marginaux, bénéficient d'une audience croissante auprès de la classe politique»
Aviv Tatarsky, porte-parole de l'ONG israélienne Ir Amim
Le gouvernement israélien, s'il récuse ces discours extrémistes, soutient en pratique plusieurs des associations qui militent pour la renaissance du sanctuaire. Des subventions sont attribuées à l'Institut du Temple, dont l'activité consiste à diffuser aussi largement que possible l'histoire de ce lieu ainsi qu'à fabriquer les objets du culte en attendant sa reconstruction. Son petit musée, qui a pignon sur rue au cœur de la Vieille Ville, reçoit de nombreux groupes scolaires.
«Ces activistes, autrefois perçus comme des fanatiques marginaux, bénéficient d'une audience croissante auprès de la classe politique», s'inquiète Aviv Tatarsky, porte-parole de l'ONG israélienne Ir Amim, qui parle de «liaisons dangereuses». Uri Ariel, le ministre de l'Agriculture, compte parmi les figures de proue du mouvement et une dizaine de députés appellent ouvertement à la reconstruction du Temple. Quant au ministre de l'Intérieur, Gilad Erdan, il a donné ordre aux policiers de faire preuve de tact avec les activistes. «Pour peu qu'on reste discret, glisse Rivka Shimeon, on peut désormais prier sans être importuné.»
Depuis son petit bureau situé près du Dôme du Rocher, Abdallah Abou Taleb assiste, impuissant, à cette érosion du statu quo. Salarié par le royaume de Jordanie, dont Israël reconnaît sur le papier le rôle de gardien des lieux saints islamiques, il a sous ses ordres 225 gardes mais ceux-ci ont interdiction de contrôler ceux qu'il appelle «les colons» lorsqu'ils enfreignent les règles. «Même désarmés, dit-il, nous sommes les ultimes protecteurs de ce sanctuaire.» Dans le souk des Cotonniers, en bordure de l'Esplanade, les commerçants palestiniens préviennent: «Les juifs croient pouvoir pousser encore et encore sans rencontrer de réaction - mais ils se trompent. Tôt ou tard, leurs agressions finiront par provoquer une explosion.»

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Arabie saoudite: les défis de Mohammed ben Salman (06.04.2018)
Par Jean-Marc Gonin
Publié le 06/04/2018 à 08h00
Le prince héritier d'Arabie saoudite arrive à Paris ce 8 avril pour conclure une tournée débutée à Londres et poursuivie aux Etats-Unis. Agé de 32 ans, réformateur audacieux, le futur roi voit sa politique se heurter à trois obstacles qu'il devra surmonter.
● 1. Une famille royale réticente voire hostile
Son père, l'actuel roi Salman ben Abdelaziz al-Saoud, 82 ans, a bouleversé l'ordre à deux reprises pour en faire son successeur. En 2015, lors de son accession au trône, il a d'abord conféré le titre de prince héritier à son demi-frère Moukrine. Trois mois plus tard, il l'a remplacé par son neveu Mohammed ben Nayef, destitué à son tour en juin 2017 au profit de son propre fils. Pour faire bonne mesure, en novembre dernier, le jeune prince héritier a fait arrêter et séquestrer à l'hôtel Ritz-Carlton de Riyad des centaines de dignitaires dont 11 princes dans le cadre d'une opération anticorruption. Et ceux-ci n'en sont ressortis qu'au prix de lourdes transactions financières.
Autant dire que Mohammed ben Salman ne fait pas l'unanimité parmi ses cousins.
Citant des sources haut placées à Washington, la chaîne américaine NBC a même affirmé qu'il avait fait assigner à résidence sa propre mère, la princesse Fahda bint Falah ben Sultan al-Hithalayn, parce qu'elle désapprouvait sa stratégie de prise de pouvoir et voulait en parler à son père. Le prince héritier a fait catégoriquement démentir ces informations.
● 2. Une économie en pleine mutation
Mohammed ben Salman tente de transformer une Arabie saoudite dépendante du pétrole en une économie diversifiée. Dans ce but, il applique une «thérapie de choc». Il y a urgence: la rente pétrolière ne suffit plus à faire vivre les 29 millions de Saoudiens. Or, la moitié de la main-d'œuvre est composée d'expatriés. Aujourd'hui, 25 % des Saoudiens de moins de 30 ans sont au chômage. Et cela va empirer: en 2030, il faudra doubler le nombre d'emplois pour absorber la poussée démographique. Cette année, le déficit budgétaire devrait dépasser les 50 milliards de dollars malgré la cure d'austérité décidée par le prince héritier. Et le taux de chômage est monté à 12,1 % de la population active.
Pour contrecarrer les effets négatifs à court terme de ses réformes, Mohammed ben Salman a lancé son plan «Vision 2030». Il compte, entre autres, pousser la production de gaz naturel, passer à la fois aux énergies renouvelables et au nucléaire civil. En outre, et c'est le but de sa tournée internationale, il entend séduire les investisseurs pour qu'ils viennent créer des emplois. Enfin, il espère vendre 5 % du capital d'Aramco, la compagnie pétrolière nationale.
● 3. Une politique régionale risquée
Prince héritier, Mohammed ben Salman est également ministre de la Défense depuis plus de trois ans. Il est donc l'architecte de l'opération contre les rebelles houthis au Yémen depuis 2015. Son objectif consiste à reprendre la partie occidentale du pays, dont la capitale Sanaa, et rétablir le président légitime Abdrabbo Mansour Hadi, qui a dû fuir en mars 2015. L'Arabie saoudite apporte un appui aérien aux forces loyalistes contre celles de Houthis, soutenues par l'Iran. En trois ans, la guerre a, selon l'ONU, fait 10.000 victimes civiles. Pour le budget de Riyad, la facture s'élèverait à 200 millions de dollars par jour, selon plusieurs instituts stratégiques.
L'image du prince héritier dépendra beaucoup de l'issue de cette opération et des solutions politiques qui pourraient l'abréger. Les tensions avec l'Iran ne se limitent pas au Yémen. Elles ont aussi conduit Mohammed ben Salman à établir un blocus du Qatar, jugé trop proche de Téhéran. Or, cette ostracisation de l'émirat n'a pas produit les effets escomptés. Bien que fan déclaré du prince héritier saoudien, Donald Trump a même tenté une médiation avec Doha.
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Plongée au coeur du chaos à Mayotte (06.04.2018)
Par Jean-Louis Tremblais
Publié le 06/04/2018 à 06h50
GRAND REPORTAGE - Promu hâtivement 101e département français en 2011, Mayotte vit des crises à répétition, provoquées par l'immigration clandestine et une insécurité galopante. Une situation quasi insurrectionnelle.
De nos envoyés spéciaux Jean-Louis Tremblais (texte) et Noël Quidu (photos)
Tristes tropiques! Il y a quelque chose de pourri sur l'île aux Parfums, autrefois réputée pour ses plantations d'ylang-ylang. L'odeur des ordures, qui ne sont plus collectées par la voirie et s'amoncellent un peu partout, s'est substituée aux fragrances de Guerlain. Paralysé depuis six semaines par un mouvement social persistant et ingérable, le 101e département français vit une situation quasi insurrectionnelle. Grèves, blocages, barrages, manifestations, et, depuis le week-end dernier, apparition de milices d'autodéfense procédant à des «décasages» (destruction de logements illégaux) manu militari: la population mahoraise, à la fois actrice et victime de la crise, n'en peut plus. Même la visite de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, n'a pas suffi à désamorcer la bombe à fragmentation.
Cette catastrophe annoncée a deux causes : l'immigration clandestine et l'insécurité galopante, la première nourrissant la seconde. Dès son arrivée à Mamoudzou, la principale agglomération, le voyageur est brutalement immergé dans la réalité. A l'hôtel Caribou (bienvenue, en shimaoré, la langue autochtone d'origine swahilie), une note de la réception avertit la clientèle: «Suite à de nombreuses agressions en soirée et au manque d'éclairage sur la place Mariage et en ville, nous vous conseillons d'être extrêmement vigilants lors de vos déplacements à partir de 18 h 30.» Au restaurant de l'établissement, un panneau est affiché sur les WC, dont la serrure est cadenassée: «Dégradations, vols, manque de civisme nous contraignent à fermer nos toilettes.» La lecture de France Mayotte, aux manchettes plus horrifiques les unes que les autres, achève la mise en condition. Il y est question de caillassages de bus scolaires, d'attaques de collèges ou de lycées, d'enseignants molestés, de rixes au tchombo (machette locale) entre bandes d'ados, d'automobilistes détroussés par des «coupeurs de route», de cambriolages à répétition (1), de morgue pleine, etc. Bienvenue à Mayotte, effectivement!

Les conditions de vie et d'hygiène dans les bangas sont déplorables. - Crédits photo : Photo: Noël Quidu
Commençons par le commencement. Aux racines du mal, si l'on ose dire. Rendez-vous est pris au siège de la police aux frontières (PAF), sur Petite-Terre. Mobilisés 24 heures sur 24, agissant sur terre comme sur mer, ses hommes constituent le fer de lance de la lutte contre l'immigration clandestine qui provient à 98 % des Comores, ex-Tom (territoire d'outre-mer) devenu indépendant en 1975 alors que Mayotte choisissait de rester française. Le modus operandi est hélas connu: au départ d'Anjouan, située à 70 kilomètres du littoral mahorais, des pirogues à moteur appelées kwassa-kwassa - nom d'une danse africaine signifiant «ça tangue, ça tangue!» - embarquent les candidats à l'exil moyennant 300 ou 400 euros.
Un trafic juteux pour les passeurs: mesurant moins de 10 mètres, conçues pour une demi-douzaine de passagers, elles en transportent parfois jusqu'à 40. Sans compter les jerricanes d'essence et, de temps en temps, un zébu ou un cabri, censés fournir la pitance à l'arrivée.
A condition de réussir la traversée: avec un plat-bord réduit au minimum, chargés jusqu'à la gueule, ces frêles esquifs chavirent au moindre grain, voire à la moindre houle. Selon un rapport du Sénat, 12.000 personnes seraient mortes en tentant ainsi de gagner Mayotte.
Le trafic incessant des kwassa-kwassa
Alertée par les radars de la Marine nationale et les vedettes de surveillance de la gendarmerie maritime,
la PAF intercepte environ 400 kwassa-kwassa chaque année.
Mais ils sont des milliers de Comoriens à passer à travers les mailles du filet et à toucher le sol français, avec son jackpot évident: un PIB 13 fois supérieur, des soins gratuits, une maternité qui fonctionne à plein régime (2) et une régularisation éventuelle…
«Les sans-papiers sont prêts à tout pour nous échapper. Quitte à mettre leur vie en péril, et la nôtre indirectement.»
Chef d'équipe de la PAF
L'autre mission de la PAF consiste à les repérer et à les arrêter. Tel est le rôle du groupe d'appui opérationnel (GAO) que nous accompagnons. Une dizaine de fonctionnaires, bien entraînés et bien équipés, qui patrouillent quotidiennement sur Grande-Terre à bord de leurs Duster 4 x 4. Surnom de cette unité: la «police-basket», car les contrôles se terminent souvent en sprints effrénés dans la mangrove ou les bidonvilles.
Ce n'est pas un hasard si son emblème (siglé sur les tee-shirts) est le guépard! «On ne sort jamais à moins de dix, explique le chef d'équipe, un ancien de la brigade anti-criminalité (BAC). Non pas à cause de la population, qui nous apprécie et nous encourage, tant le ressentiment anticlandestin est au paroxysme. Mais parce que les interpellations sont de plus en plus difficiles et dangereuses. On ne s'attarde pas trop dans les bangas (3). Il faut éviter les attroupements, les guets-apens, les jets de pierre. Et puis les sans-papiers sont prêts à tout pour nous échapper. Quitte à mettre leur vie en péril, et la nôtre indirectement.»
Et de citer le cas récent d'un collègue qui a eu le bras arraché en dévalant une ravine avec un récalcitrant qu'il était en train de neutraliser. La «pêche du jour» (une douzaine de Comoriens) se déroule sans encombre, si ce n'est une course-poursuite mouvementée dans un marécage insane et fétide.
Les autres, après vérification des identités, se laissent cueillir avec fatalisme: ils savent qu'ils reviendront. Anjouan est si proche, en kwassa-kwassa! Un petit malin attend même les véhicules de la PAF avec sa valise et fait du stop. L'occasion de rentrer gratos. Car la République est généreuse: après un bref séjour - 17 heures en moyenne - dans le centre de rétention administrative (CRA) flambant neuf, pourvu de tout le confort moderne et de la télévision satellite, il sera installé dans l'un des deux ferrys prévus à cet effet et reprendra la direction des Comores. Coût pour l'Etat: 140 euros par trajet. Sachant que la PAF de Mayotte expulse 20.000 clandestins chaque année (la moitié du total national), la facture des seuls éloignements est facile à calculer…

Promu hâtivement 101ème département français en 2011, Mayotte vit des crises à répétition, provoquées par l'immigration clandestine et une insécurité galopante. - Crédits photo : Photo: Noël Quidu
Un habitant sur deux est étranger
On l'aura compris: Mayotte tient du tonneau des Danaïdes et du rocher de Sisyphe. Une usine à gaz, dans laquelle Paris injecte 1,2 milliard d'euros annuels. Et ça ne va pas s'arrêter là: au rythme de 4 % par an (elle est de 0,4 % pour toute la France), la croissance démographique y est exponentielle.
Officiellement, d'après le recensement de l'Insee en 2017, Mayotte compte 256.500 habitants, dont 42 % d'étrangers, et la moitié de ce dernier contingent est en situation irrégulière. Pour le député LR Mansour Kamardine, qui souligne au passage avoir été cambriolé 15 fois en deux ans, les véritables statistiques sont plus inquiétantes: «Au vu des importations (98 % de ce qui est consommé sur place est importé), je chiffre la population à 400.000 individus, dont 52 % de non-Mahorais. C'est comme si la métropole avait 35 millions d'étrangers sur son territoire! Qui peut résister à une telle pression migratoire? Les Mahorais, qui sont pourtant chez eux, n'ont même plus accès aux services publics, saturés par l'immigration illégale.» Il condamne pêle-mêle les années Hollande («abandon programmé» et «aveuglement volontaire»), un «grand remplacement de population» orchestré au plus haut niveau et le trouble jeu du Quai d'Orsay, fort gêné par le contentieux territorial qui empoisonne les relations franco-comoriennes depuis 1975.

Dès l'aube, les Comoriens entrés illégalement sur le territoire français s'agglutinent devant la préfecture de Mamoudzou pour faire régulariser leur situation. - Crédits photo : Photo: Noël Quidu
En effet, l'Union des Comores n'a jamais accepté la sécession de Mayotte et la considère comme sienne. Isolée à l'ONU et stigmatisée par l'Organisation de l'unité africaine (OUA), la France ferait profil bas et accepterait le chantage aux migrants afin de maintenir le statu quo et la tranquillité diplomatique. Une thèse qui s'est vérifiée le 21 mars (au plus fort des troubles), lorsque Moroni a interdit aux navires français raccompagnant les expulsés d'accoster à Anjouan! Un match de ping-pong immoral dont les balles sont avant tout les ressortissants comoriens instrumentalisés par leurs dirigeants et cyniquement utilisés comme monnaie d'échange…
Des zones de non-droit insalubres
Les conséquences de la pression migratoire, aussi spectaculaire qu'incontrôlable, sont multiples. Sur l'urbanisme d'abord, comme en témoigne Assani Bamcolo, maire de Koungou, municipalité où la moitié des 30.000 habitants sont illégaux. Dans sa commune, les nouveaux arrivants, non répertoriés et non appréciés, squattent les terrains publics ou privés (appropriation d'autant plus aisée que 80 % du foncier mahorais n'est toujours pas cadastré!) pour y bâtir leurs bangas en une nuit, sachant que la préfecture n'en ordonnera pas la destruction une fois que le toit - une simple plaque de tôle - est posé (la loi française l'interdit). Pour construire et survivre, ils saccagent l'environnement, coupant les arbres pour leurs cases et pillant le lagon (braconnage des tortues, notamment). Sans parler de l'érosion provoquée par cette poussée anarchique: sur les hauteurs de Koungou, le 10 janvier dernier, une mère de famille et quatre de ses enfants ont péri, ensevelis sous une coulée de boue suite à des précipitations diluviennes. Le premier édile de Koungou (dont le prédécesseur, octogénaire, a été assassiné à coups de marteau, ce qui donne une idée de l'ambiance) ne décolère pas: «Des milliers de personnes vivent dans ces zones de non-droit, insalubres et dangereuses. Pour nous, l'insécurité n'est pas un mot mais un fait. On s'enferme et on se barricade, le soir. Les restaurants ferment les uns après les autres car personne n'ose sortir après le crépuscule. On subit un couvre-feu de facto. Quand j'appelle la gendarmerie pour rétablir l'ordre ou déloger des occupants illégitimes, on me répond: envoyez un mail!»

Grande prière du vendredi à la mosquée de Tsingoni. 95 % des Mahorais sont de confession musulmane. - Crédits photo : Photo: Noël Quidu
Même son de cloche à la municipalité de Tsingoni, capitale de Mayotte à l'époque des sultans et qui s'enorgueillit de posséder la plus ancienne mosquée de France (4). Son patron, Mohamed Bacar, qui nous montre la porte défoncée de son bureau («un chômeur excité qui voulait du boulot!»), se sent abandonné par les autorités:
«Le problème numéro un est l'immigration clandestine qui gangrène les institutions et la société, et diffuse par capillarité. Or, cette question relève du domaine régalien.
«Les liens sociaux sont dissous et la délinquance grimpe en flèche»
Mohamed Bacar
C'est au gouvernement d'agir.» Mais il pointe aussi l'émergence d'une jeunesse sans repères, «qu'elle soit comorienne ou mahoraise», influencée par les réseaux sociaux et qui n'a plus le respect des anciens: «Autrefois, on allait à l'école coranique le matin, à l'école publique ensuite et on finissait à la madrasa.
Aujourd'hui, on a des collèges et des lycées surpeuplés. Et le smartphone comme seule boussole. Les liens sociaux sont dissous et la délinquance grimpe en flèche.» Quid de l'islam, dans ce département musulman où l'habit traditionnel est le kichali (châle) pour les femmes et l'ensemble boubou-kofia pour les hommes? «On voit de plus en plus de jeunes qui vont étudier en Egypte, au Soudan ou en Arabie saoudite, répond l'élu de Tsingoni. Au retour, certains professent un islam radical et se proclament fundis (pseudo-théologiens et crypto-guérisseurs, ndlr). Pour l'instant, ça ne prend pas, car c'est aux antipodes de notre conception mesurée et modérée de la religion. Quelques mosquées, trop extrémistes et trop islamistes, ont même été démantelées par des collectifs de citoyens!» Pour l'instant…
40 % des soins prodigués à des non-Assurés
Autres effets induits: les faillites éducatives et sanitaires. Sur le premier point, dans un contexte de collèges et de lycées surpeuplés, il suffit de rappeler deux chiffres: 50 % de la population a moins de 18 ans et 75 % des 16-25 ans sont déclarés «en difficulté de lecture». Quant à la santé publique, elle peine à fournir et à soigner. Dès 6 heures du matin, des multitudes colorées et chamarrées font la queue devant le centre hospitalier de Mayotte (CHM). Normal: notre exotique département soigne tout le monde, avec ou sans sécurité sociale. Oumar Massoundi, maïeuticien de profession, est au cœur du réacteur: la maternité, objectif de toute Comorienne en gésine, droit du sol oblige. Ce qu'il décrit dépasse l'entendement: «On ne pratique que les accouchements complexes au CHM. Dès que les femmes sont jugées transportables, au bout de trois ou quatre heures, on les transfère dans des maternités périphériques, en ambulance. Il n'y a plus de dimension humaine tant nous sommes en surcharge de travail, mobilisés en permanence et sans pouvoir récupérer. Il m'est arrivé de voir 16 accouchements en une seule garde (12 heures). D'ailleurs, les Mahoraises qui peuvent se le permettre vont désormais accoucher à la Réunion. Plusieurs centaines par an, et de plus en plus. Et puis, il y a un déficit de personnel: les sages-femmes venues de France, tout comme les médecins obstétriciens, sont des contractuelles qui ne restent pas longtemps au CHM, à cause des conditions de travail et de la violence qui règne à Mayotte.»

«Les histoires d'amour finissent mal, en général», chantaient les Rita Mitsouko. Celle entre Mayotte et Paris n'échappe pas à la règle. - Crédits photo : Photo: Noël Quidu
Même le tourisme, embryonnaire, est impacté par ce climat phobique. Avec ses paysages de carte postale, son lagon de 1100 kilomètres carrés, sa double barrière de récifs et sa fameuse passe en S (très prisée des plongeurs), le département pourrait être une destination paradisiaque.
Patrick Varela, propriétaire d'un maxi-catamaran haut de gamme qui promène ses clients d'îlot en îlot, en est convaincu: «J'ai eu le plaisir de faire découvrir le lagon à un responsable du tourisme mauricien. Il n'imaginait pas un tel potentiel. Voici ce qu'il m'a dit: “A Maurice, nous avons 1,36 million de touristes par an. Si on avait l'équivalent de Mayotte, on ferait autant, sinon plus!”» Or, Mayotte n'en attire pas plus de 50.000 chaque année. A qui on conseille d'aller à la plage à plusieurs (pour surveiller les affaires de l'un pendant que l'autre se baigne). Et qui ne peuvent accéder aux plus beaux sites (le mont Choungui ou les marches d'Acoua, par exemple) qu'en groupe, et en passant par des associations de randonneurs, de peur de se faire racketter ou dépouiller.
On ignore si, et comment, Emmanuel Macron sortira de l'impasse actuelle. Annonce de moyens supplémentaires, changement de préfet, nomination d'un délégué gouvernemental, négociations avec l'Union des Comores, il est à craindre que toutes ces mesures ne soient pas à la hauteur du défi. Et encore moins de nature à amadouer les Mahorais, dont certains souhaiteraient faire la police et rendre la justice à la place de l'Etat. Auquel cas il suffirait d'une étincelle pour que tout explose et que Mayotte bascule dans un cauchemar à l'africaine, avec chasses à l'homme et affrontements intercommunautaires. Le pire des scénarios.
(1) Le taux de cambriolage est trois fois supérieur à la moyenne nationale. La plupart des édifices publics (y compris les écoles) et des domiciles privés sont protégés par des barbelés à lames de rasoir type Otan, généralement utilisés en zone de guerre.
(2) Avec 10 000 naissances annuelles (30 par jour, l'équivalent d'une classe!), la maternité de Mayotte est la plus grande de France. 75 % des femmes qui y accouchent sont en situation irrégulière.
(3) Terme qui désigne ces baraques en tôle et en bois qui prolifèrent par métastases et représentent 37 % de l'habitat insulaire.
(4) Elle date du XVIe siècle. Colonisée et islamisée par les marchands arabes du golfe Persique, Mayotte est à 95 % musulmane sunnite.
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Jean-Robert Pitte : «Le gouvernement ne doit rien céder au blocage honteux des universités» (05.04.2018)

Par Jean-Robert Pitte
Publié le 05/04/2018 à 17h21
TRIBUNE - De nombreuses facultés sont occupées par des étudiants opposés à la sélection à l'université. Pour l'ancien président de l'université Paris-Sorbonne*, la réforme Parcoursup est pourtant salutaire.
Nous sommes à la veille du cinquantenaire du navrant mois de mai 1968 dont l'université française n'est toujours pas remise. La gauche nihiliste qui n'a rien oublié se devait de célébrer l'événement en organisant l'une de ces émotions étudiantes dont elle a le secret. La méthode a fait ses preuves à de multiples reprises, dès qu'un gouvernement tentait de remettre un peu de bon sens dans un système qui marche sur la tête (la réforme Saunier-Seïté de 1976, celle de Devaquet en 1986, le CPE de Villepin en 2006, la réforme Pécresse de 2007, par exemple).
«Les enseignants sont majoritairement opposés à Parcoursup et votent des motions déclarant que les nouvelles règles ne seront pas appliquées et ce par pure idéologie égalitariste»
Jean-Robert Pitte
Une poignée d'étudiants bien formés (aujourd'hui par les militants de La France insoumise et de Génération.s) suffit à déclencher le mouvement selon un scénario bien rodé: petit rassemblement dans un amphi pour débattre de Parcoursup, la réforme de l'entrée à l'université portée par Frédérique Vidal, vote de blocage du site à main levée après de longues heures de débats à sens unique, érection aux portes de barricades de tables et de chaises, apposition de graffitis sur les murs, piquets de grève, convocation d'une AG le lendemain afin de décider de la poursuite du mouvement, établissement d'un lien avec les cheminots de la SNCF qui, eux aussi, luttent contre «la casse du service public».
Les rares opposants osant et sachant parler en public qui paraissent dans les AG se font conspuer sans ménagement et battent en retraite ; la parole est monopolisée par les petits tribuns entraînés. Lorsque j'évoque une poignée d'étudiants, ce n'est pas une figure de style: les membres de l'Unef, par exemple, mouvement étudiant le plus opposé à la réforme, ne sont au plus que 19 000 en France sur 2,4 millions d'étudiants, soit 0,8 %, contre 8 % de syndiqués pour les salariés, proportion déjà très faible.
Les enseignants sont majoritairement opposés à Parcoursup et votent dans les conseils des départements, UFR et facultés des motions déclarant que les nouvelles règles ne seront pas appliquées et ce par pure idéologie égalitariste. Toute forme, même très atténuée, d'orientation des jeunes est considérée comme une sélection, un refus de «donner sa chance à tout le monde» même si, au fond d'eux-mêmes, ils savent très bien que c'est une pure illusion et que la sélection se fera par l'échec. Ils s'en consolent en affirmant que s'ils disposaient de davantage de moyens pour encadrer les étudiants de niveau insuffisant, ils sauraient bien faire réussir tout le monde! Dans quel autre pays que la France voit-on des fonctionnaires décider de ne pas appliquer une réglementation décidée par leur tutelle, alors même que celle-ci a été annoncée dans son programme par un nouveau président de la République bien élu à peine un an auparavant, ce qui n'empêche pas de donner des leçons de démocratie à la Russie et à la Chine?
«Beaucoup ne se remettent pas de la perte de leurs illusions»
Dans le programme du candidat Emmanuel Macron, on pouvait lire: «Pour éclairer nos étudiants sur leur choix d'orientation, nous exigerons que chaque établissement de l'enseignement supérieur publie en toute transparence les taux de réussite et les débouchés professionnels, par formation, de ses anciens étudiants. Chaque université affichera les prérequis de chacune des formations qu'elle propose. […] Un lycéen ne disposant pas de ces prérequis pourra s'inscrire après avoir comblé ses lacunes, par des cours d'été ou par la validation de modules universitaires.» C'est ainsi que les nouvelles règles prévoient, par exemple, que dans une filière en tension comme les Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) il faut disposer de compétences scientifiques, sportives, en expression écrite, et avoir eu un investissement associatif ou des responsabilités collectives. Est-ce plus scandaleux que les tirages au sort qui ont été pratiqués tout au long de ces dernières années?
Il existe cependant des différences entre ce mouvement et les précédents. La première est que la majorité des étudiants ne le suit pas et ce pour une bonne raison, c'est qu'ils ne sont pas concernés, puisqu'ils sont déjà entrés à l'université et que Parcoursup est destiné aux lycéens de terminale. Comme d'habitude, ils restent sagement chez eux en attendant que cela passe, espérant secrètement que la revendication d'une note minimale de 10/20 aux examens sera acceptée par les conseils des universités afin que personne ne soit pénalisé par le blocage.
«L'amélioration des modalités d'entrée à l'université par une orientation intelligente et responsable est une nécessité»
Jean-Robert Pitte
En revanche, il faut s'attendre, après les vacances de printemps, à des tentatives de mobilisation des lycéens, encore qu'il soit bien tard puisqu'ils ont déjà exprimé leurs dix vœux pour leur entrée dans l'enseignement supérieur. L'autre différence est que la CPU (Conférence des présidents d'université) est acquise à Parcoursup, même si elle estime qu'elle manquera de moyens pour l'appliquer complètement la première année. Elle s'est exprimée le 16 janvier dernier sans ambiguïté: «La CPU est attachée aux orientations de la réforme de l'accès en premier cycle de l'enseignement supérieur qu'elle soutient, notamment parce qu'elle doit permettre de mieux orienter les élèves, les préparer aux spécificités de l'enseignement supérieur et favoriser leur réussite.»
Le lien orientation-réussite est une évidence. C'est l'insuffisance ancienne et absurde d'une vraie politique d'orientation au collège et au lycée, c'est l'abaissement continu du niveau du baccalauréat, c'est l'existence de filières sélectives qui accueillent les bacheliers avec mention (classes prépas, BTS, IUT, écoles de commerce ou d'ingénieurs post-bac) qui expliquent l'affligeant taux d'échec de 60 % en première année d'université. Beaucoup de jeunes ne se remettent pas de la perte de leurs illusions!
Un ministre en vue du gouvernement s'exprimait récemment en privé en affirmant: «Nous réformerons ce pays malgré lui!» L'amélioration des modalités d'entrée à l'université par une orientation intelligente et responsable est une nécessité. Elle doit s'accompagner du développement des filières professionnalisantes et de l'apprentissage, ce qui était clairement inscrit dans le programme d'Emmanuel Macron. Comme pour la réforme de la SNCF, tout recul serait de plomb pour la société, la réussite de sa jeunesse en particulier, pour notre économie et pour l'espérance de modernisation que la dernière élection présidentielle a fait naître.
*Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques

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Jean-Robert Pitte

Terrorisme : la cote de l'exécutif s'effrite (06.04.2018)

  • Mis à jour le 06/04/2018 à 11:36 

  • Publié le 06/04/2018 à 06:00

EXCLUSIF - Seuls 41 % des Français font confiance au gouvernement pour assurer leur sécurité.
Éprouvés par les attentats de Trèbes et de Carcassonne, nos compatriotes semblent de plus en plus désemparés face à la menace djihadiste. Selon les résultats du dernier baromètre réalisé par Fiducial/Odoxa et que dévoileLe Figaro, le crédit de l'exécutif est en net repli sur ce sujet crucial. Alors que près d'un Français sur deux (49 %) faisait encore confiance au gouvernement dix jours avant la tragédie, ils ne sont plus que 41 % à partager cet avis. Soit une chute «épidermique» de huit points en l'espace de quelques jours. «C'est aussi le plus bas niveau jamais enregistré dans notre baromètre réalisé depuis mai 2016, observent les analystes.
61 % des Français affirment se sentir « souvent » ou de « temps en temps » en insécurité
Cela ne signifie pas que les Français contestent la légitimité du gouvernement en la matière, mais ils attendent des mesures d'exception face au terrorisme.» Avant de souligner que cela confirme une autre enquête d'Odoxa, publiée le 29 mars, qui établissait que les Français sont massivement en faveur des mesures proposées par Laurent Wauquiez et Manuel Valls à la suite de l'attaque du Super U. «Surtout, martèle l'étude, les Français considèrent qu'elles sont parfaitement applicables, ce qui explique cette attente à l'égard du gouvernement.»
Plus largement, l'inquiétude ressentie par la population, en léger repli par rapport à décembre dernier (- 5 %), reste à un niveau élevé. Le baromètre Fiducial/Odoxa en témoigne: 61 % des Français affirment se sentir «souvent» ou de «temps en temps» en insécurité. «Ce sentiment s'accompagne d'une faible confiance dans le gouvernement pour assurer leur sécurité face à la délinquance, aux cambriolages et aux agressions», note le document avant d'observer que «seuls 33 % des Français sont positifs en la matière.»
Renforcer les synergies
En fait, un nombre croissant de nos concitoyens considèrent que la puissance publique ne peut plus assurer seule la sécurité des Français. En cela, ils approuvent à 66 % la démarche de Gérard Collomb qui appelle à renforcer les synergies entre les forces régaliennes police-gendarmerie et les acteurs de la sécurité privée. Le 5 février dernier, le ministre de l'Intérieur avait annoncé la création d'une mission parlementaire sur le «continuum de sécurité» pilotée par les députés LaREM Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, ex-patron du Raid. Dans une proportion analogue (64 %), les sondés confortent aussi l'hôte de la Place Beauvau quand ils estiment que «des tâches qui ne rentrent pas dans le cœur de métier des forces de l'ordre peuvent être confiées à des agents de sécurité privée».
Un nombre croissant de nos concitoyens considèrent que la puissance publique ne peut plus assurer seule la sécurité des Français
Globalement, 77 % Français estiment qu'une «collaboration renforcée» «permettrait aux policiers et aux gendarmes de se consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée pour lesquelles ils ont été spécifiquement formés» et 66 % qu'elle «dégagerait plus de temps aux forces de l'ordre pour la prévention et le dialogue avec les citoyens». À 57 % enfin, ils jugent qu'une telle mesure «engendrerait des économies», notamment en déléguant certaines tâches telles que les «expertises juridiques et informatiques».

Sur le plan des missions, six sondés sur dix se disent enclins à confier à des entreprises la garde statique des bâtiments officiels et la sécurité des écoles. Plus mitigés face à la mise en place de patrouilles mixtes (54 %) ou au contrôle du stationnement par des sociétés privées (51 %), ils sont massivement hostiles aux contrôles de la vitesse des automobilistes (71 %) et au contrôle d'identité (60 %) par des sociétés privées.
S'ils ont désormais plutôt une bonne image des agents de sécurité (59 %), estompant en cela la caricature du «gros bras» en costume croisé, nos concitoyens posent des limites. Si les deux tiers (64 %) souhaitent que l'on autorise les agents de sécurité à porter une arme de type matraque ou bombe lacrymogène, ils sont opposés à ce qu'ils s'équipent d'armes à feu dans les sites sensibles, en particulier dans les écoles (68 %), les lieux de cultes (66 %) ou les enceintes sportives (62 %). En revanche, les Français seraient majoritairement favorables à voir des vigiles le pistolet à la ceinture dans les gares et aéroports, où le spectre d'une attaque peut surgir à tout moment.
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