mercredi 11 avril 2018

Islamisme et politique 08.04.2018


Église, migration, laïcité, islam : notre interview du philosophe Rémi Brague (08.04.2018)
Awwad Alawwad : «Notre plan culturel pour l'Arabie saoudite est une thérapie de choc» (09.04.2018)
Renaud Girard : «Syrie, trois plaies toujours ouvertes» (09.04.2018)
La police peut-elle déloger les bloqueurs des universités ? (09.04.2018)
Laurent Wauquiez : «L'archipel du djihad» (09.04.2018)

Marche en mémoire de Mireille Knoll : les raisons de la position du Crif (09.04.2018)
Pernaut, Bourdin, Plenel : que signifie l'offensive médiatique de Macron ? (09.04.2018)
«Les projets de Macron pour l'Europe à l'épreuve des faits» (08.04.2018)
Des civilisations oubliées peuplaient l'Amazonie au Moyen-Âge (09.04.2018)
Intelligence artificielle : SenseTime lève 600 millions de dollars (09.04.2018)
NDDL : au premier jour de l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite (09.04.2018)
Tout ce que Facebook sait de moi (et de vous) (09.04.2018)
Attaque de Magnanville : une policière et ses enfants arrêtés (09.04.2018)
À Münster, la police passe au crible le passé du conducteur qui a foncé sur la foule (07.04.2018)
Un front commun Trump-Macron après l'attaque chimique en Syrie (09.04.2018)
Le dangereux face-à-face entre Turcs et Occidentaux dans le nord de la Syrie (09.04.2018)
Bolton, un faucon à la droite de Trump (09.04.2018)
NDDL : au premier jour de l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite (09.04.2018)
Emmanuel Macron consacré parmi les jeunes leaders mondiaux à Davos (16.03.2016)
Les Pays-Bas suppriment le référendum (10.04.2018)
Conférences, tri sélectif et soirées techno : bienvenue dans la ZAD de Tolbiac (09.04.2018)
Enquête ouverte après la découverte de cocktails molotov à Tolbiac (09.04.2018)
Münster : des lettres témoigneraient des idées suicidaires du conducteur (07.04.2018)
Hongrie : la victoire d'Orban marque une vision de l'UE frontalement opposée à celle de Macron (09.04.2018)
La stratégie du pouvoir hongrois pour museler les médias (08.04.2018)
La Hongrie sacre le souverainiste Orban (09.04.2018)
Le prince héritier saoudien a un faible pour l’immobilier des Yvelines (09.04.2018)
Commerce mondial : la Chine est-elle déloyale ? (09.04.2018)
Moscou accuse Israël d'avoir frappé une base de l'armée de l'air syrienne (09.04.2018)
«Les projets de Macron pour l'Europe à l'épreuve des faits» (08.04.2018)
Quelle est la nouvelle géopolitique des porte-avions ? (09.04.2018)
Syrie: suspicion de bombardement à l'arme chimique à Douma (08.04.2018)

Église, migration, laïcité, islam : notre interview du philosophe Rémi Brague (08.04.2018)
Par Vincent Tremolet de Villers
Publié le 08/04/2018 à 18h34
ENTRETIEN - Le philosophe et historien des religions souligne les origines chrétiennes de la laïcité et la spécificité de l'islam, qui «est un système juridique qui se présente comme d'origine divine et où tout, en conséquence, n'est pas négociable».
Lundi soir, le président de la République devrait s'exprimer au Collège des Bernardins devant des représentants de l'Église catholique. Le philosophe et historien des religions Rémi Brague rappelle le rôle central que le catholicisme a joué en France et analyse le déclin social et politique de ce que le Concordat de 1802 appelait «la religion de la majorité du peuple français». Il précise la distinction des ordres entre la politique et la vie spirituelle et critique, notamment sur l'accueil des migrants, tout discours moral des «gens qui sont à l'abri» vis-à-vis de ceux qui sont «en première ligne». Frappé par le «raz de marée de l'affectif» qui accompagne les États généraux de la bioéthique, il en appelle à la raison humaine, à la réflexion éthique et anthropologique plus qu'à des principes religieux.
LE FIGARO. - Le président de la République devrait s'exprimer au Collège des Bernardins lundi soir devant les représentants de l'Église de France. Les catholiques sont-ils devenus une minorité comme les autres?
Rémi BRAGUE. -Les catholiques pratiquants sont en effet, les enquêtes le disent, une minorité qui va s'amenuisant. Mais il y a minorité et minorité. Certains l'ont toujours été, comme les juifs et en France les protestants. Ils ont donc développé les talents qui leur permettent de négocier leur place au soleil. En revanche, le catholicisme a longtemps été «la religion de la majorité du peuple français», comme le disait le Concordat de 1802. Cela laisse des habitudes, peut-être de la nostalgie. Mais, faute d'entraînement, cela rend maladroit là où il s'agit de se faire entendre.
Ensuite, cette minorité de convaincus forme une petite barque. Mais elle flotte encore sur une vaste mer de tièdes qui vont encore à l'église pour leur enterrement, leur mariage ou le baptême de leurs enfants.
«Être en minorité a un désavantage : quand on fait partie des meubles, les autres s'imaginent qu'ils vous connaissent bien»
Être en minorité a un désavantage: quand on fait partie des meubles, les autres s'imaginent qu'ils vous connaissent bien. Or, le temps n'est plus où le très anticlérical «petit père» Combes avait fait ses thèses sur saint Bernard et sur saint Thomas d'Aquin. Ce que certains antichrétiens disent ou écrivent aujourd'hui sur le christianisme témoigne d'une ignorance arrogante et tranquille de l'histoire qui effraye.
Il faut encore distinguer trois choses: être en minorité, état de fait mesurable ; se sentir minoritaire, impression plus ou moins justifiée ; et vouloir se constituer en minorité. Cette dernière attitude produit souvent un repli orgueilleux en des communautés de «purs» toujours prêts à excommunier ceux qui leur paraîtront trop compromis avec le «siècle». Ce sont là des comportements pervers et suicidaires. Jean Duchesne les a bien dénoncés dans Le Catholicisme minoritaire? (2016).
La question des migrants pourrait être abordée, en quoi l'Église est-elle légitime pour s'exprimer sur ce thème? Comment distinguer ce qui tient de la charité personnelle et du réalisme politique?
Elle ne tire la légitimité, sur ce thème comme sur tous les autres, que de sa très longue expérience en matière de relation au prochain. Et surtout, elle a reçu du Christ des paroles inouïes sur l'amour dû à celui-ci qui n'est pas le membre du même club, mais tout être humain, dans lequel il faut voir le Christ lui-même.
Ne confondons pas les ordres: la charité personnelle ne fait pas une politique.  La charité personnelle, l'adjectif le dit, concerne les personnes: celles qui la pratiquent, seules ou en associations, et celles qui en sont l'objet. La politique, elle, suppose par définition qu'un dirigeant incite à une certaine attitude, parfois par la contrainte des lois, voire de la police, tout un groupe qui n'en a pas toujours envie. Les dirigeants doivent penser aux efforts qu'ils demandent à ceux qu'ils dirigent. Cela devient franchement vil quand des gens qui sont à l'abri font la morale à ceux qui sont en première ligne.
La voix de l'Église se fait entendre sur le sort des migrants mais très rarement sur «l'insécurité culturelle» que peuvent ressentir les populations d'accueil. Pourquoi?
Il est difficile de donner des chiffres précis qui permettraient de comparer un discours perçu comme bavard à un silence relatif. Il faut tenir compte aussi de la façon dont les médias choisissent de répercuter certains discours et d'en étouffer d'autres.
Par ailleurs, le sort des migrants est un fait spectaculaire, que les médias portent à notre connaissance à travers des images frappantes, d'ailleurs souvent sélectives, voire parfois truquées. Vous parlez de l'insécurité culturelle, reprenant la formule lancée par Christophe Guilluy et dont Laurent Bouvet a fait le titre d'un livre. Cette impression de «ne plus être chez soi» est un malaise diffus, qui la plupart du temps reste muet. Elle mène les gens à déménager plutôt qu'à manifester. Or, il est très facile de dire ce qu'il faut faire quand quelqu'un se noie: lui jeter une bouée, etc. Mais que dire devant quelqu'un qui change de quartier? Lui faire la morale serait assez ignoble, surtout quand on habite une banlieue huppée.
Cette rencontre aura lieu alors que se déroulent les États généraux de la bioéthique. La PMA pour toutes ou la GPA posent-elles des questions religieuses ou simplement éthiques ou anthropologiques?
Il faudrait commencer par appeler ces pratiques par leur nom, au lieu de les cacher sous des sigles. La plus réussie de ces échappatoires est le nom altruiste donné à la location d'utérus, donc la transformation en marchandises du corps humain, celui de la mère, celui de l'enfant, sans compter le sperme de celui qui ne sera jamais père.
Ensuite, ces questions ne relèvent en principe que de la seule réflexion éthique et anthropologique. Pour la mener, on n'a pas besoin de faire intervenir des principes religieux.
«Comme philosophe, je suis atterré par le raz de marée de l'affectif»
D'autant moins qu'ils sont trop souvent présentés comme des interdits et non comme une vision de l'homme. Ceci dit, je constate qu'il est difficile de raisonner froidement sur ces questions. Comme philosophe, je suis atterré par le raz de marée de l'affectif. Regardez le rapport du Comité national d'éthique: dix pages d'arguments purement rationnels contre la PMA aux couples lesbiens, et en conclusion: il faut l'accepter, à cause de l'égalité, notion totalement vague…
Mais nous sommes devant un paradoxe intéressant: les arguments rationnels, relevant de la morale tout court, sans adjectif, ne sont plus guère émis aujourd'hui que par des esprits religieux. Ceux-ci se réclament de la «loi naturelle», terme juste au fond, mais maladroit, parce qu'il n'est plus compris par la grande majorité de nos contemporains, qui la confondent soit avec les lois de la nature physique, soit avec la loi de la jungle. Il s'agit en fait de la loi de la raison, celle qui garde la distance nécessaire à une analyse des phénomènes. Par exemple, on sait très bien que pour se structurer un enfant a besoin d'un père et d'une mère qui l'élèvent à deux. Respecter ce besoin permet la continuation de l'humanité, comprise comme espèce humaine, mais aussi comme vertu.
Entre poussée islamiste, crise de la modernité, défense d'une culture chrétienne, diriez-vous que notre société est traversée par un tourment religieux?
Le dire est enfoncer des portes ouvertes. Ou plutôt, cela le serait si la nature religieuse du tourment dont vous parlez était claire. L'islam n'est qu'en partie ce que nous appellerions une religion. Il comporte des pratiques que nous classerions comme religieuses, comme la prière, le jeûne, le pèlerinage. Mais aussi des règles qui, pour nous, relèveraient du droit des successions ou du droit pénal, ou de simples coutumes, comme les interdits alimentaires, les règles vestimentaires, etc. La culture chrétienne, dites-vous? Mais si le christianisme n'est qu'une culture parmi d'autres, pourquoi lui accorder tant d'importance?
Le catholicisme en France est-il encore une culture commune ou est-il une affaire privée?
Les anthropologues décrivent avec précision et souvent avec talent la façon dont des mentalités, comme on dit, survivent longtemps après leur disparition des écrans radars de la conscience. Il est clair que la France a été marquée par la religion catholique en profondeur pendant près de quinze siècles. Le nier, c'est nier l'évidence. Ceci dit, la culture en question est ou non appropriée par les personnes concrètes, en un acte de foi nécessairement privé. Mais une fois ratifiée par une personne, elle produira nécessairement des effets sur le domaine public.
Jérôme Fourquet a publié un livre décrivant la «droitisation» des catholiques…
Je n'ai pas lu ce livre et ne puis donc que vous donner quelques impressions subjectives. Ce qu'est la droite, ce qu'est la gauche, voilà qui est très clair, n'est-ce pas? Je dirais quant à moi: l'homme de gauche, c'est celui qui s'imagine qu'il existe une droite - et non, par exemple, la réalité du monde… ; l'homme de droite, c'est celui qui pense que la gauche a raison de l'imaginer. Il se change donc en une caricature en miroir de l'homme de gauche, se bricole une idéologie, s'organise en parti, définit une ligne, etc.
«Une bonne partie de la gauche a abandonné la question sociale qui en avait fait la force et la légitimité aux deux derniers siècles. Elle préfère le ‘sociétal'»
Le fait massif est plutôt que les catholiques de droite n'ont plus grand monde en face d'eux. Ceux qui se disent à gauche y ont passé l'arme… Qui reste-t-il d'honorable parmi les «cathos de gauche»? Jacques Julliard, à coup sûr. Mais à part lui? Les malheureux, ils ont avalé tant de couleuvres! Il y en a eu qui sont restés aveugles à la réalité des pays gouvernés par les partis communistes, qui n'ont vu ni qui les «porteurs de valises» mettaient au pouvoir en Algérie, ni ce que faisaient les Lider Maximo et autres, etc. Ceci dit, je crains qu'un «à droite, toute» des catholiques ne leur fasse avaler à leur tour bien d'autres couleuvres.
De plus, tout porte à croire qu'une bonne partie de la gauche a abandonné la question sociale qui en avait fait la force et la légitimité aux deux derniers siècles. Elle préfère le «sociétal», ce qui veut dire en gros soigner les bobos des bobos.
N'oublions pas non plus les jeunes qui se placent à un niveau tel que le clivage gauche-droite perd sa pertinence. C'est le cas là où il s'agit, par exemple, non pas de dégoiser contre ceci ou cela, mais d'adopter dans son style de vie propre un comportement respectueux de l'environnement des générations dont nous avons hérité, de celles à qui nous devons transmettre, du corps (et surtout du corps féminin), du prochain, etc.
Vous avez signé l'appel des intellectuels contre le séparatisme islamiste. Comment articuler la laïcité, l'héritage culturel chrétien et la présence de millions de Français musulmans?

Sur la religion, Rémi Brague, flammarion, 256 pages, 19 euros. - Crédits photo : Flammarion
Ce séparatisme est un fait social aux causes multiples, dans lequel la faute est des deux côtés. Pour le dépasser, on aura besoin des deux côtés.
La laïcité est un mot ambigu pour lequel on peut parfaitement revendiquer une filiation chrétienne. S'il signifie la neutralité de l'État en matière de religion, les historiens nous rappelleront que ce fut une demande des premiers chrétiens contre l'Empire romain qui les a persécutés jusqu'à Constantin, puis des papes contre les empereurs. Si en revanche, on entend par là un laïcisme militant, soucieux d'en finir avec les religions, je lui souhaite bien du plaisir…
Il faut distinguer les gens que nous appelons ou qui s'appellent eux-mêmes musulmans, qu'ils soient français ou non, et l'islam. Les premiers ne se réduisent pas au second et les appeler «musulmans» - plutôt que par leur origine, leur métier, leur résidence, etc. -, c'est déjà les plaquer sur leur identité religieuse. C'est faire au niveau théorique ce que Frères musulmans et salafistes, d'accord sur ce point, veulent faire dans la pratique. L'islam, lui, derrière toutes ses variétés, est un système juridique qui se présente comme d'origine divine et où tout, en conséquence, n'est pas négociable.

Awwad Alawwad : «Notre plan culturel pour l'Arabie saoudite est une thérapie de choc» (09.04.2018)

Par Claire Bommelaer
Mis à jour le 09/04/2018 à 19h04 | Publié le 09/04/2018 à 19h01
INTERVIEW - De passage à Paris, le ministre saoudien de la Culture insiste sur les ambitions de son pays dans le cinéma.
Ministre de la Culture et de l'Information auprès du prince héritier Mohammed Ben Salman, Dr Awwad Alawwad est chargé de mettre en place un immense plan pour la culture en Arabie Saoudite. Il s'inscrit dans le plan Vision 2030, décrit comme une «thérapie de choc» pour l'économie et la société saoudiennes. Et démarre par l'ouverture de 350 cinémas dans le pays, divertissement jusque-là interdit.
LE FIGARO. - Vous vous rendez  au Festival de Cannes pour la première fois…  Quel est votre objectif?
70 % des Saoudiens ont moins de 35 ans, ils ont soif de divertissements et de changements. Il faut répondre à leurs attentes et à leurs espoirs
Awwad ALAWWAD. - J'y serai, ainsi que l'Autorité générale de la culture. C'est une grande première. L'Arabie saoudite a proposé deux longs-métrages à la compétition. Et nous diffuserons neuf courts-métrages saoudiens. Ils raconteront une histoire méconnue, mais qu'il faut maintenant partager. Cette présence est la partie visible d'un plan considérable de développement du cinéma.
Vous ouvrez une première salle de cinéma, à Riyad, le 18 janvier. Qu'allez-vous montrer?
Black Panther, un film de super-héros, réalisé par Ryan Coogler. Mais, à terme, nous allons ouvrir 350 cinémas, soit l'équivalent de 2 500 écrans. Nous sommes à l'aube d'une déferlante cinématographique qui va aussi encourager une production nationale.
Y aura-t-il des interdits?
Notre pays est le gardien des deux grands sites majeurs de l'Islam, et il n'est pas envisageable de montrer tout et n'importe quoi sur grand écran. Nous visons un public familial, et des films dits «blockbusters». Comme tous les pays, nous avons notre propre système d'avertissement au public, que nous mettrons en œuvre. Mais la question n'est pas là. Aujourd'hui, il n'y a même pas un écran de cinéma à Riyad, la capitale! Ces films sont attendus par la jeunesse. 70 % des Saoudiens ont moins de 35 ans, ils ont soif de divertissements et de changements. Il faut répondre à leurs attentes et à leurs espoirs.
Vous prévoyez l'ouverture, d'ici à 2030, de 440 institutions culturelles. Avez-vous les collections et les compétences pour cela?
Ce plan pour la culture est une thérapie de choc, d'un équivalent de 2,7 milliards de dollars. Mais nous allons monter progressivement en puissance. Nous sommes la terre de naissance de l'Islam et un grand musée d'art islamique est bien sûr envisagé. D'autres seront consacrés aux beaux-arts ou à l'art contemporain. Je viens de signer un accord de coopération avec Françoise Nyssen, ministre de la Culture française, l'Opéra de Paris, la Femis et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). L'Opéra de Paris va assurer une mission d'audit de nos installations musicales, en vue de la création d'un orchestre philharmonique. La Femis va former nos jeunes aspirants cinéastes. Quant à l'INA, il apportera son expertise sur des contenus audiovisuels. J'ai été ambassadeur en Allemagne pendant plusieurs années, et je connais l'Europe. Il n'y a pas mieux que le patrimoine et le savoir-faire français.
«Nous sommes un pays comme les autres, qui mélange des réformateurs et des conservateurs. Notre but est d'avancer avec volontarisme, tout en respectant l'ensemble des composantes du pays»
Dr Awwad Alawwad, ministre de la Culture et de l'Information
On ne compte plus les foires d'art contemporain ou les musées dans votre région.  Ne craigniez-vous pas qu'Abu Dhabi,  Sharjah ou Doha vous fassent de l'ombre?
La compétition est un moteur sain. Nous avons des atouts, y compris naturels et patrimoniaux. L'Arabie saoudite abrite de nombreux lieux et territoires inexplorés, vierges, merveilleux et empreints d'histoire, dont le site al-Ula, premier site classé au patrimoine mondial de l'Unesco, en 2008. L'Arabie saoudite possède en tout quatre sites classés au patrimoine mondial. Je crois que nous avons les clés de notre destin.
Êtes-vous sûr que les Saoudiens  soient tous favorables à une ouverture?
Nous sommes un pays comme les autres, qui mélange des réformateurs et des conservateurs. Notre but est d'avancer avec volontarisme, tout en respectant l'ensemble des composantes du pays.
Quand allez-vous ouvrir le pays  aux touristes étrangers?
Plus de 10 millions de pèlerins se rendent chaque année sur le sanctuaire de La Mecque et à la mosquée de Médine. Le tourisme international, quant à lui, est encore limité, et uniquement possible en voyages organisés. Donnez-nous le temps de construire des infrastructures et de mettre en place une stratégie de développement touristique durable et respectueuse de l'environnement. Nous ne sommes qu'au début d'un long processus. Cela prendra du temps. Dans cinq ans, une fois que cela sera fait, nous accorderons des visas aux touristes individuels.
Quelle place sera accordée aux femmes dans votre plan sur la culture?
Le prince héritier veut changer le royaume. Il affirme que les hommes et les femmes sont égaux. On ne peut pas bouger en laissant derrière nous la moitié de la population. Le conseil d'administration de l'autorité générale de la Culture vient de nommer trois personnalités: Mona Khazindar, qui dirigeait auparavant l'Institut du monde arabe à Paris, Maisa al-Subaih, dramaturge et metteur en scène, et Haifa Mansour, première réalisatrice en Arabie saoudite. N'est-ce pas un signe fort que nous compterons sur elles?
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 10/04/2018.
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Renaud Girard : «Syrie, trois plaies toujours ouvertes» (09.04.2018)
Par Renaud Girard
Publié le 09/04/2018 à 20h41
CHRONIQUE - Le territoire syrien est devenu le grand champ de bataille des idéologies, des religions et des États puissants du Moyen-Orient.
Les différents conflits armés que subissent les populations de Syrie se poursuivent, en dépit de l'attention que leur portent les organisations internationales, politiques ou humanitaires. En ce début d'avril 2018, le territoire syrien souffre de trois plaies ouvertes.
Le 9 avril à l'aube, la base aérienne de Tayfur, située entre Homs et Palmyre, subissait des frappesde missiles, très probablement tiréspar l'armée israélienne. Cet aérodrome militaire est utilisé par les gardiensde la révolution iraniens et leurs amisdu Hezbollah libanais. Tsahal redoute que des forces d'un axe chiite dirigé depuis Téhéran s'installent le long du massif du Golan, qu'elle occupe depuis sa victoire dans la guerre des Six-Jours de 1967. Entre 1982 et 2011, Israël s'est très bien arrangé du régime baasisteà Damas, garant de stabilité intérieureet aux frontières. Depuis 2012, la guerre civile en Syrie a favorisé l'éclosion sur son territoire de deux nouvelles menaces islamistes pour le nord de l'État hébreu: la chiite manipulée par l'Iran,et la sunnite de l'État islamique etd'Al-Qaïda. Israël garde un mauvais souvenir de la guerre de 33 jours qu'elle livra, à sa frontière nord, au Hezbollah durant l'été 2006. Malgré des destructions considérables infligéesà la population libanaise, Tsahal n'avait pas réussi à anéantir la milice du Parti de Dieu. Elle avait même renforcé le poids politique du Hezbollah, consacréà Beyrouth dans son rôle de «partide la résistance». Au cas où Trump déchirerait l'accord nucléaire du 14 juillet 2015 avec Téhéran, où les Iraniens décideraient de reprendreleur course à la bombe atomique, et où le premier ministre israélien envisagerait une frappe de leurs installations d'enrichissement d'uranium,le Hezbollah (et ses dizaines de milliers de missiles prêts à s'abattre sur la Galilée) jouerait un rôle dissuasif crucial.
Les civils sont les premiers affectés. Plus de 100 .000 auraient été tués, près de 10 millions déplacés
Deuxième plaie ouverte en Syrie: l'antique oasis de la Ghouta orientale, à 10 kilomètres à l'est de Damas, qui vient de passer de la rébellion au régime, après un deal d'évacuation des derniers combattants. Samedi 7 avril 2018 parviennent en Occident des images de civils suffoquant, après ce qui ressemble à une attaque chimique. Sont-ce les baasistes du régimequi ont fait le coup, prenant le risque irrationnel d'agiter à nouveauun chiffon rouge devant l'exécutif américain, ou s'agit-il d'une provocation des rebelles islamistes - lesquels ont, par le passé, également usé de gaz moutarde? Nousne disposons pas pour le momentde source indépendante de vérification.
Troisième plaie: l'exode des populations kurdes d'Afrine(nord-ouest de la Syrie) se poursuit, après la prise de la ville par l'armée turque, appuyée par les milices rebelles sunnites islamistes, protégées parle président Frère musulman Erdogan.
Le territoire syrien est devenu le grand champ de bataille des idéologies, des religions et des États puissants du Moyen-Orient. Les forces combattantes en présence sont plus d'une dizaine: l'armée syrienne baasiste, les déserteurs de l'Armée syrienne libre, l'État islamique,Al-Qaïda, le Hezbollah libanais, les pasdarans iraniens, les forces spéciales américaines, les Forces démocratiques syriennes (principalement kurdes), l'armée de l'air israélienne, l'armée turque, l'armée russe. L'ancien premier ministre du Qatar a déclaré que plus d'une centaine de milliards de dollars venus du Golfe avaient financé les groupes rebelles islamistes. Les civils sont les premiers affectés. Plus de 100 .000 auraient été tués, près de 10 millions déplacés. Le Pape a parlé d'«extermination».
En 1885, Jules Ferry vantait la « mission civilisatrice de la colonisation ». Force est de constater qu'aujourd'hui les Occidentaux ne savent plus faire
Pourquoi les Occidentaux n'ont-ils pas arrêté ce carnage, commencé, à l'été 2011, par la répression dansle sang de manifestations pacifiques issues des printemps arabes,et continué par l'entrée en jeu,aux côtés des rebelles, des forces islamistes soutenues par la Turquieet les pétromonarchies du Golfe?
Les Occidentaux ont diabolisé le régime de Bachar, sans pour autant aller jusqu'à le remplacer par la force. Car ils étaient traumatisés par deux expériences ratées de «regime change», en Afghanistan et en Irak. Dans les deux pays, ils ont, par la force de leurs armes et en dépensant des centaines de milliards de dollars, créé de nouvelles institutions et procédéà des élections. Mais la greffe de la démocratie à l'occidentale n'y a jamais pris. C'est le sectarisme qui a gagné.
En 1885, Jules Ferry vantait la «mission civilisatrice de la colonisation». Force est de constater qu'aujourd'hui les Occidentaux ne savent plus faire. Sans une main de fer, nul ne peut gouverner en terre d'islam, religion du sabre plutôt que du pardon. Si, en pénétrant à Bagdad en 2003, les Américains avaient pendu haut et court, sur des grues, une douzaine de pillards pris au hasard, la population irakienne les aurait pris au sérieux. S'ils avaient choisi un gouverneur capable de parler arabe à la télévision, et s'ils avaient associé l'armée irakienne à la rénovation proposée du pays, cela aurait peut-être marché. Mais n'est pas Lyautey qui veut.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'Occident a décidé de laisser les peuples musulmans s'administrer eux-mêmes. Il lui est désormais très difficile de revenir sur ce tournant stratégique.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 10/04/2018.
La rédaction vous conseille :

La police peut-elle déloger les bloqueurs des universités ? (09.04.2018)
Par Jean-Marc De Jaeger • Publié le 09/04/2018 à 12:10 • Mis à jour le 09/04/2018 à 12:35
L’université Paris 8, à Saint-Denis, fait partie de la dizaine d’établissements bloqués. Crédits photo: LUDOVIC MARIN/AFP

INTERVIEW - Maître Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation, rappelle que les forces de l’ordre ne peuvent entrer dans une université que sur décision de son président et du préfet.
Rennes 2, Jean-Jaurès à Toulouse, Tolbiac à Paris... Ce lundi, une dizaine d’universités sont encore bloquées par des étudiants opposés à la sélection à l’université. Mais ont-ils le droit d’occuper des amphithéâtres et d’empêcher d’autres étudiants de se rendre en cours ou en examen? Les forces de l’ordre peuvent-elles entrer dans les établissements? Maître Valérie Piau, avocate experte en droit de l’éducation et auteur du «Guide Piau: les droits des élèves et des parents d’élèves», nous rappelle les règles de droit.
«Les forces de l’ordre peuvent intervenir dans les universités mais seulement à la demande du président d’université et avec l’accord du préfet»Maître Piau, avocate spécialisée dans le droit de l’éducation
Le Figaro Étudiant - Les étudiants ont-ils le droit de bloquer leur université et de faire grève?
Valérie Piau - Le terme de grève étant propre aux travailleurs et au droit du travail, il ne s’applique pas aux étudiants. Ceci dit, les étudiants peuvent décider de ne plus aller en cours. Ils peuvent «occuper» une salle ou un amphithéâtre de leur université dans le but d’y débattre, comme le précise l’article 811-1 du Code de l’éducation: les étudiants «disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils exercent cette liberté à titre individuel et collectif, dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre public». Autrement dit, les étudiants n’ont pas le droit d’empêcher d’autres étudiants de se rendre en cours ou en examen. Ce qui constitue une «entrave à la liberté d’aller et venir dans un lieu public»
Valérie Piau est avocate en droit de l’éducation.
Que risquent les étudiants bloqueurs?
Les étudiants bénéficiaires d’une bourse sur critères sociaux sont soumis à une obligation d’assiduité. En s’absentant des cours, le Crous peut supprimer leur bourse voire demander le remboursement des certaines mensualités. Les bénéficiaires d’une bourse au mérite, qui se sont engagés à être assidus aux cours, peuvent aussi se voir retirer leur aide. Le manque d’assiduité peut en effet se traduire par une mauvaise note aux examens voire à un redoublement. À noter que les présidents d’université peuvent suspendre cette obligation d’assiduité lors des blocages pour ne pas pénaliser les boursiers. En cas d’agression ou de dégradation, l’agresseur peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire et peut, en plus, être poursuivi au pénal.
La police peut-elle intervenir dans les universités pour déloger les bloqueurs?
Les forces de l’ordre peuvent intervenir dans les bâtiments des universités mais seulement à la demande du président d’université. Ils ne peuvent pas entrer dans l’enceinte de l’université sur un simple appel d’étudiant. Le président doit être avisé au préalable. Celui-ci «est responsable du maintien de l’ordre et peut faire appel à la force publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État», comme l’indique l’article 712-2 du Code de l’éducation. Il doit au préalable demander l’autorisation du préfet. En cas de refus, le président sollicite le juge administratif des référés. En revanche, la loi interdit aux milices privées (agents de sécurité, groupes d’étudiants, etc.) d’intervenir. À Montpellier, le doyen de la faculté de droit avait demandé l’intervention de la police, qui avait été refusée par le préfet. Des personnes cagoulées sont alors venues chasser les bloqueurs avec violence. Le professeur a été accusé de complicité d’intrusion et violences en récidive» - en raison d’une condamnation datant de 2013. Et le doyen lui, a été accusé de «complicité d’intrusion».
«Un président d’université peut fermer l’établissement pour une durée maximale de 30 jours si le risque de troubles est trop important».Maître Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation
L’intervention de la police doit avoir un but préventif. Elle devient illégale dès lors que le trouble à l’ordre public a disparu, mais elle peut mettre fin à un trouble déjà réalisé. L’université est responsable si l’inaction du président cause un dommage. Le recteur et/ou le ministre peut se substituer au président en cas d’inaction de sa part. En outre, le président d’université peut fermer l’établissement pour une durée maximale de 30 jours s’il estime que la sécurité des personnels et étudiants n’est pas assurée. Le cas de la faculté de droit de Montpellier est une bonne illustration: l’irruption d’un groupe d’hommes cagoulés lors d’une assemblée générale entraîne la fermeture de la faculté puis sa réouverture dix jours plus tard sous le contrôle des forces de l’ordre.
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Laurent Wauquiez : «L'archipel du djihad» (09.04.2018)
Par Laurent Wauquiez
Publié le 09/04/2018 à 18h00
TRIBUNE - Le terrorisme islamiste se nourrit de la complaisance d'une partie de nos élites et de la culpabilisation des Français, argumente le président des Républicains.
À chaque attentat qui frappe notre pays, nous assistons à un étrange malaise, une démission de l'intelligence, une singulière difficulté à voir et nommer ce que nous avons sous les yeux. Les réflexes «pas d'amalgame» et «rien à voir» tiennent lieu de pensée dominante.
Certaines belles âmes pratiquent le déni, jusqu'à disculper l'islamisme du terrorisme. Le philosophe Alain Badiou écrit ainsi: «C'est un fantasme, cette histoire d'islamisme radical.» Le sociologue Raphaël Liogier propose quant à lui d'«utiliser les milieux salafistes dans la lutte contre les djihadistes au lieu de les poursuivre». Le politologue Olivier Roy voit dans le terrorisme une «révolte générationnelle», niant au passage toute «radicalisation de l'islam». Le sociologue Geoffroy de Lagasnerie ne masque pas son intention: «Excuser, c'est un beau programme de gauche.» Contre ceux décidés à «être antifascistes sans être antitotalitaires», on serait tenté de s'en remettre à ce constat mordant de George Orwell: «Vous devez être de l'intelligentsia pour écrire des choses pareilles ; nul homme ordinaire ne saurait être aussi stupide.»
Au-delà de quelques aveuglements individuels, nous sommes renvoyés à une tentation profonde ayant traversé l'histoire de France, celle de la démission des élites. Ce que Michel Houellebecq a dépeint par le mot de soumission. Nous avons déjà connu cette trahison des clercs lorsque les élites du second Empire n'ont pas voulu voir ce qui se tramait de l'autre côté du Rhin. C'est encore celle qui a conduit dans l'entre-deux-guerres à l'étrange défaite, parfaitement analysée par Marc Bloch. Et c'est celle de certains intellectuels persévérant dans l'illusion à la publication de L'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne. Le risque est que cette lâcheté donne le signal d'une société prête à capituler.
Pourquoi est-il si difficile au président de la République de reconnaître que c'est l'islam radical, et non les religions en général, qui pose aujourd'hui problème à la France ?
Car, à ce déni intellectuel, s'ajoute un déni politique qui paraît régner jusqu'au sommet de l'État. Emmanuel Macron ne cesse de repousser son discours tant de fois annoncé sur la laïcité. Il y a pire: devant les représentants des cultes, le 21 décembre dernier, c'est à «la radicalisation de la laïcité» qu'il s'en est pris, sans même prononcer le mot islamisme. Pourquoi est-il si difficile au président de la République de reconnaître que c'est l'islam radical, et non les religions en général, qui pose aujourd'hui problème à la France?
Comme ministre, Emmanuel Macron avait déjà fait porter à la France «une part de responsabilité» dans le terrorisme. Le 27 mars dernier, il a déclaré que c'est faute d'une«école de la bienveillance et de l'épanouissement» que les «pulsions de mort finissent par fasciner quelques-uns». Propos terrifiants d'aveuglement. Non, le terrorisme ne s'explique pas par un déficit de bienveillance à l'école ou une hausse du taux de chômage. Emmanuel Macron a l'air d'évoquer les tueries de masse dans les universités américaines, alors que c'est bien le fanatisme religieux qui nous a coûté le Bataclan, la promenade des Anglais, la résurgence de l'antisémitisme ou la mort héroïque d'Arnaud Beltrame. Comparé à Manuel Valls et malgré les timides avancées de l'hommage des Invalides, le 28 mars, Emmanuel Macron apparaît en recul dans la lucidité du diagnostic comme dans la fermeté du discours.
Sa vision repose sur une série de négations. Elle refuse de comprendre que nous avons affaire à un intégrisme religieux. Elle s'épargne toute réflexion sur les liens intimes entre le terrorisme et cet intégrisme qui altère une partie de l'islam et tente de le mettre sous sa coupe. Elle délaisse ainsi ceux des musulmans qui combattent l'islamisme. Elle semble également se nourrir de cette idéologie de la repentance qui accuse l'Occident de tous les maux et voit dans les islamistes des victimes par nature. C'est ainsi que l'humanisme européen démissionne face à l'intégrisme islamiste.
Il y a derrière le terrorisme un archipel du djihad. Notre aveuglement le laisse croître dans l'ombre.
Réduisant le terrorisme à quelques cas isolés relevant de la psychiatrie, la vision du président de la République ne voit pas que ce terrorisme est la partie émergée d'un iceberg massif. Elle met un voile sur le communautarisme, ce terreau du terrorisme irréductible aux seuls facteurs socio-économiques. Car la guerre que nous avons à mener n'est pas seulement une guerre contre le terrorisme ; c'est aussi une guerre contre le communautarisme. Nous avons laissé des quartiers se séparer de la République en cessant de faire vivre nos valeurs, en abandonnant le modèle d'assimilation, en jetant le patriotisme à la poubelle de l'Histoire. Comme le signalait une récente tribune collective jugée «stigmatisante» par le porte-parole du gouvernement, certains territoires de la République sont entrés en sécession, faisant fi de l'autorité de l'école, de nos lois et de notre mode de vie. Emmanuel Macron ne veut pas voir que le terrorisme est le symptôme avancé de l'installation du communautarisme au cœur de notre société. Il y a derrière le terrorisme un archipel du djihad. Notre aveuglement le laisse croître dans l'ombre.
Nous ne pouvons plus abriter notre impuissance derrière un cadre juridique gravé dans le marbre.
Nous ne pouvons plus abriter notre impuissance derrière un cadre juridique gravé dans le marbre. Regardons en face cette dérive traduite par une série de jurisprudences qui désarment la capacité de la République à se défendre. C'est notre droit que nous devons adapter à la lutte contre l'islamisme, et non l'inverse. Nous devons aussi combattre la jonction entre le terrorisme et la délinquance, l'hybridation entre l'islamisme et le banditisme. Cela nous oblige également à réduire une immigration que nous ne parvenons plus à intégrer. Ce combat est fondateur, car il est un combat contre nos aveuglements, nos soumissions, nos capitulations. Nous ne pourrons vaincre le terrorisme islamiste qu'en nous réarmant, qu'en nous réappropriant notre identité commune et en la transmettant à nouveau.
Face à cette addition d'aveuglements et de démissions, nous avons de légitimes raisons de nous inquiéter ou nous désespérer. Mais n'oublions jamais, à la suite de Simone Weil, que la France peut retrouver «au fond de son malheur une inspiration conforme à son génie». Il est temps de se le dire à nouveau.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 10/04/2018.
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Marche en mémoire de Mireille Knoll : les raisons de la position du Crif (09.04.2018)
Par Francis Kalifat
Mis à jour le 09/04/2018 à 18h45 | Publié le 09/04/2018 à 17h36
EXCLUSIF - Dans une tribune au Figaro , le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) répond aux critiques qui lui furent adressées, après avoir déclaré que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon «ne seraient pas les bienvenus» à la marche blanche pour Mireille Knoll.
Le terrorisme islamiste et l'antisémitisme qui tue ont à nouveau frappé la France le 23 mars. Ce jour-là, parmi les victimes, deux visages de la France: celui d'un héros donnant sa vie pour sauver une otage, Arnaud Beltrame, et celui d'une vieille dame juive de 85 ans poignardée puis brûlée dans son appartement, Mireille Knoll. Dès l'annonce du meurtre de Mireille Knoll, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a appelé à une marche blanche le 28 mars, devenue à l'annonce par le parquet du caractère antisémite de cet assassinat, une marche contre l'antisémitisme.
Le souvenir d'une femme assassinée doit être digne et solennel
Certains ont, à cette occasion, reproché au Crif d'avoir «brisé l'unité nationale» en indiquant que les dirigeants du Front national et de La France insoumise «ne seraient pas les bienvenus» à cette manifestation. Dans ce tumulte, j'ai distingué les vociférations des ennemis habituels des Français juifs, de l'émotion sincère d'amis, gênés par notre démarche.
J'ai entendu les critiques de ces amis. Je souhaite ici les examiner et expliquer les raisons de nos positions.
Le souvenir d'une femme assassinée doit être digne et solennel. Je condamne d'abord donc, sans réserve et avec force, les huées qui ont accueilli Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Le Crif n'a rien à voir avec la minorité de manifestants qui a brisé le recueillement du reste du cortège et encore moins avec la prétendue Ligue de défense juive, qui au-delà de ces troubles attaque publiquement le Crif et ses dirigeants depuis près de vingt ans.
Je craignais précisément ces débordements ; c'est aussi une des raisons pour lesquelles j'ai indiqué que les dirigeants du Front national et de La France insoumise ne seraient pas les bienvenus. Ces incidents, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon les anticipaient eux aussi, mais cela ne les a pas dissuadés de venir. Au contraire, eux, les intolérants, ont ainsi pu prendre la pose en victimes de l'intolérance. La ficelle est grosse, mais en ces temps de confusion et d'emballement, les ficelles les plus grosses marchent, hélas, plutôt bien.
La lutte contre l'antisémitisme exige un travail de mobilisation républicaine et de clarification politique
Certains ont accusé le Crif de briser l'unité nationale que requiert le combat contre l'antisémitisme en privant le pays de la photo-souvenir d'un temps collectif d'indignation. À ceux-là, je veux dire ma méfiance face une unité qui n'aurait été que de façade. La lutte contre l'antisémitisme exige certes une capacité d'indignation collective face à l'ignominie. Mais elle exige surtout un travail de mobilisation républicaine et de clarification politique. C'est précisément au nom de cette nécessité de clarification que les participations de La France insoumise et du Front national, nous ont paru, pour des raisons différentes, illégitimes et contre-productives.
Concernant tout d'abord le Front national, je dois dire mon inquiétude face aux critiques faisant fi, subitement, de plus de quarante ans de «cordon sanitaire» face à l'extrême droite. Depuis quand existerait-il en effet une tradition républicaine consistant à réunir, en tête de cortège et derrière une même banderole, des ministres et des élus de droite et de gauche en compagnie de Le Pen? A-t-on déjà vu pareille photo? Pourquoi est-ce à l'occasion d'une manifestation contre l'antisémitisme que l'on invoque précisément une nouvelle règle visant à inclure et donc à légitimer les dirigeants d'un parti fondé par des nostalgiques de Vichy? Les organisateurs de la manifestation historique du 11 janvier 2015 se sont épargné - à raison! - un tel «protocole» et une telle «unité», eux qui n'avaient pas invité Marine Le Pen. Mais peut-être certains souhaitaient-ils voir Le Pen acclamée et Mélenchon hué dans une manifestation organisée à l'initiative du Crif et contribuer ainsi à faire sauter le verrou moral pesant sur le Front national. Je demande face au Front national une chose simple: que les républicains de gauche comme de droite restent unis et continuent à résister à «l'offensive de dédiabolisation» de Marine Le Pen.
La lutte contre l'antisémitisme n'est pas un combat à la carte
Certains ont compris que Marine Le Pen n'ait pas sa place mais se sont offusqués que La France insoumise ne soit pas la bienvenue. À ceux-là, j'aurais beaucoup à dire sur les complaisances de l'extrême gauche avec l'antisémitisme mais aussi avec l'islamisme. Que dire en effet du soutien apporté, par exemple, par la députée Danièle Obono à Houria Bouteldja du Parti des Indigènes de la République, lorsqu'on lui présente les propos antisémites récurrents de cette dernière? Que signifient les propos de Jean-Luc Mélenchon, lorsqu'il reprend dans son récit de la marche du 28 mars le refrain bien connu de l'accusation de double allégeance? Jean-Luc Mélenchon est trop cultivé pour ignorer le poids symbolique de telles déclarations. Pourquoi La France insoumise a-t-elle tant de mal ne serait-ce qu'à énoncer le danger posé en France par le développement de l'islamisme? Enfin, comment expliquer - si ce n'est peut-être par clientélisme électoral? - l'aveuglement de La France insoumise face à la part inextricable d'antisémitisme présente dans les rhétoriques antisionistes? Soyons précis: la critique du gouvernement israélien peut être légitime, comme pour tout autre gouvernement, mais que signifie la haine absolue d'Israël lorsque cette haine ne vise que ce seul État dans le monde? Que dire enfin des propos de Jean-Luc Mélenchon en juillet 2014 félicitant les manifestants pro-palestiniens pour avoir su «se tenir dignes et incarner mieux que personne les valeurs fondatrices de la République française» alors que des groupes sortaient de ces cortèges à Paris ou Sarcelles pour attaquer des synagogues? Ce sont l'ensemble de ces ambiguïtés qu'une mobilisation sincère contre l'antisémitisme doit appeler à clarifier.
La lutte contre l'antisémitisme n'est pas un combat à la carte. Si les dirigeants de ces partis veulent vraiment participer à l'unité de la nation contre l'antisémitisme, alors qu'ils fassent le ménage chez eux et qu'ils lèvent toute ambiguïté sur leurs amitiés et leurs complaisances avec de véritables antisémites. Qu'ils dénoncent publiquement toutes les formes de l'antisémitisme, y compris l'antisionisme qualifié de «forme réinventée de l'antisémitisme» par le président de la République lui-même, mais aussi tout rejet de l'autre.
Voilà énoncées les conditions d'un rassemblement sincère et sans arrière-pensées, pour extirper ensemble ce cancer qui gangrène notre société et qui rend la vie des Français juifs de plus en plus difficile, il en va de la France, et de la République. Le Crif est prêt à relever le défi.

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Pernaut, Bourdin, Plenel : que signifie l'offensive médiatique de Macron ? (09.04.2018)

Par David Desgouilles
Mis à jour le 09/04/2018 à 15h41 | Publié le 09/04/2018 à 15h00
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Emmanuel Macron sera l'invité du 13h de TF1 jeudi, et de BFMTV et Mediapart dimanche soir. David Desgouilles y voit un coup de communication destiné à chasser sur les terres de Laurent Wauquiez, au cœur de la «France périphérique» et des classes populaires.

David Desgouilles est membre de la rédaction de Causeur. Il a notamment publié Dérapage (éd. du Rocher, 2017).

Lors de ses vœux à la presse, le président avait annoncé vouloir instaurer une «saine distance» à l'égard des journalistes, loin de la «connivence» et des «habitudes prises». Est-il en train de redevenir l'ami des journalistes?
Je ne pense pas que ces deux rendez-vous remettent en cause cette «saine distance», qui annonçait surtout la fin des «off» avec un ou plusieurs journalistes, ces fameux tête-à-tête dont François Hollande raffolait jusqu'à la caricature, ce qui avait donné le fameux livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Emmanuel Macron demeure dans une parole rare et exclusivement publique avec les journalistes. Ce sont désormais ses conseillers qui se livrent aux fameux «off». Lui choisit son calendrier avec la presse et souhaite montrer que c'est lui qui le choisit.
Quelle stratégie recherche-t-il en donnant deux interviews télévisées en un laps de temps aussi court?
Il souhaite, semble-t-il, reprendre la main dans un moment décisif de son quinquennat. Après être remonté dans les études d'opinion à l'automne, il subit à nouveau une baisse, corrélée à celle de son premier ministre depuis le mois de janvier. La mise en œuvre de ses mesures fiscales (hausse de la CSG, taxes sur les carburants) et d'autres décisions comme celle de la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires n'y est certainement pas pour rien. Ce qui apparaît également, c'est que le différentiel entre les cadres et les catégories populaires est devenu très important dans sa popularité. Plus de 60 % d'opinions favorables pour les premiers, moins de 30 % chez les secondes. Emmanuel Macron apparaît de plus en plus comme le Président des métropoles connectées à la mondialisation, celle des «winners», pour employer son franglais malheureusement habituel.
Emmanuel Macron va tenter d'aller sur le terrain de l'adversaire, et notamment celui de Laurent Wauquiez.
De plus, sont apparus différents conflits sociaux (SNCF, universités, éboueurs etc…) qui, à des degrés divers, secouent le gouvernement comme il ne l'a jamais été. On évoque le risque de convergence des luttes avec le spectre d'un nouveau Mai 68.
Cette double-interview répond à ces préoccupations. Emmanuel Macron va tenter d'aller sur le terrain de l'adversaire, et notamment celui de Laurent Wauquiez, qu'il craint plus qu'on ne le croit. À mon sens, il va tenter d'apparaître comme l'homme de l'Ordre républicain lors de ces deux rendez-vous et parler à des auditoires sensibles à la thématique de l'Ordre, comme pour conjurer le fameux Mai 68 qu'on lui promet. Pour résumer, il veut faire un «Baden Baden» préventif.
Auprès de Jean-Pierre Pernaut, dans un JT qui sera tourné en direct d'un petit village de l'Orne, le président s'adresse à un public rural… en somme, à des gens qui n'ont pas voté pour lui?
En effet, il s'adressera jeudi à une France périphérique, mais plutôt âgée. Cette France âgée a moins voté pour lui que pour François Fillon au premier tour, certes, mais elle a néanmoins voté pour lui au second tour. Et c'est cette France-là qui a la CSG en travers de la gorge. C'est aussi la France qui continue de se rendre la plus nombreuse aux urnes dans les élections intermédiaires et qui est la plus favorable à l'Europe. Il va tenter de la convaincre d'être derrière lui contre les «extrémismes», ceux qui empêchent les travailleurs de travailler et les étudiants d'étudier. C'est cette France qu'il veut tenter de convaincre que «L'Ordre, c'est lui». À cet égard, il n'est sûrement pas un hasard que l'évacuation de Notre-Dame-Des-Landes précède de peu ces deux rendez-vous médiatiques.
Le choix de Jean-Jacques Bourdin et d'Edwy Plenel a de quoi surprendre. Certains taxent le premier de «populisme», d'autres soupçonnent le second de connivence avec les islamistes. Pourquoi les avoir choisis?
Parce qu'il apparaîtra d'autant plus comme l'homme au-dessus de la mêlée. Il devrait se montrer beaucoup plus offensif lors de ce rendez-vous de dimanche qu'à celui de jeudi. Le choix de deux interlocuteurs connus pour être des intervieweurs-bagarreurs constitue en soi un message. Là aussi, il voudra apparaître comme l'homme de l'ordre face à un Bourdin qui va parler de la galère des usagers et un Plenel qui voudra insister sur les luttes sociales. On devrait le voir davantage - volontairement - en symbiose avec le premier qu'avec le second, d'autant qu'il y aura davantage de téléspectateurs devant BFM - et notamment les actifs de la France périphérique, absents devant leur poste à 13h le jeudi - que devant Mediapart. Tout le défi sera de rester l'homme du «en même temps», tout en affirmant cette volonté d'apparaître comme le garant de l'ordre républicain. Peut-être en profitera-t-il pour désigner clairement l'ennemi islamiste, ce qu'il a fait dans son discours d'hommage au colonel Beltrame mais qu'il n'a pas encore fait dans une émission de télévision. La présence d'Edwy Plenel lui donne en effet cette occasion.
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«Les projets de Macron pour l'Europe à l'épreuve des faits» (08.04.2018)
Par Olivier Bot
Publié le 08/04/2018 à 17h55
ANALYSE - Brexit, migrants, ultradroite... le président français désire fortement une Europe protectrice mais se retrouve confronté à de nombreux imprévus, estime Olivier Bot, rédacteur en chef à La Tribune de Genève, partenaire du Figaro au sein de l'alliance Lena.
Avec le Brexit, le projet européen devait reprendre des couleurs. En se mettant hors jeu, les Britanniques offraient une chance à l'Union: lever les obstacles que ce partenaire frileux mettait à chaque tentative d'avancée fédéraliste. Or les Européens les plus convaincus se rendent compte que cela ne suffira pas. Parmi les 27, les réticences sont de plus en plus nombreuses , les avis divergent et les contentieux se multiplient. Dernier épisode en date: le renvoi de diplomates russes acté par certains, refusé par d'autres.
Dans un peu plus d'un an, les élections européennes vont changer la physionomie du Parlement de Strasbourg. Le président français veut se saisir de cette opportunité pour mettre sur la table ses propositions, présentées dans son discours de la Sorbonne. Il lui faut faire entrer 150 eurodéputés de La République en marche et convaincre d'autres élus européens de constituer une majorité europhile avec lui. Le mantra d'Emmanuel Macron: faire que l'Europe soit protectrice de ses citoyens, face à la menace extérieure, dans le contrôle aux frontières et au plan social. Forte de sa capacité à projeter des forces militaires sur un théâtre extérieur, la France souhaite qu'une doctrine de défense et un budget communs soient effectifs en 2020. Mais quand Paris cible le Sahel, foyer de menace islamiste, l'Europe de l'Est s'inquiète de son voisin russe. Et en matière de défense, le Royaume-Uni reste le seul partenaire fiable, malgré le Brexit. Car l'armée britannique est la seule capable de former une force européenne crédible aux côtés des militaires français.
L'écroulement quasi général de la social-démocratie
L'absence de politique commune en matière de migrants a aussi laissé des traces. Alors qu'Italie et Grèce ont jusqu'ici dû gérer seules l'accueil et la gestion des dossiers des arrivants, elles ne peuvent plus aujourd'hui faire face. Le président français souhaite la création d'un office européen de l'asile et d'une police européenne des frontières, afin d'harmoniser les procédures. Mais le mal est fait. Les dernières campagnes électorales en Europe se sont focalisées sur ce thème, habilement instrumentalisé par les populistes, en Autriche comme en Italie.
Sur cette question, des pays comme la Hongrie ou la République tchèque, très hostiles à l'arrivée de migrants sur leur territoire, ne sont pas prêts à céder quoi que ce soit de leur souveraineté et du contrôle de leurs frontières. Macron n'a avec eux aucune marge de discussion. De plus, la victoire des populistes aux législatives en Italie brise l'alliance de Paris avec Rome et Berlin sur une gestion raisonnée des réfugiés et un accueil partagé en quotas par les pays membres.
«L'entrée en force de l'ultradroite antieuropéenne de l'AfD au Bundestag aura pour conséquence de freiner une intégration plus poussée, pourtant souhaitée par Berlin et Paris»
Cette élection italienne, après celle de l'Autriche, a également fait reculer l'ambition de gouvernance économique de la zone euro. Pays-Bas mais aussi Allemagne, partenaire historique de la France, sont de plus en plus réticents à l'établissement d'un budget propre aux pays qui ont adopté l'euro et qui grossirait la note des dépenses communes. La montée des souverainistes rend par ailleurs la nomination d'un ministre des Finances de la zone euro bien hypothétique. Car à Berlin, la mutualisation de la dette demeure une ligne rouge à ne pas franchir. Pas question de payer pour ces pays du Sud, que les Allemands appellent avec ironie «le Club Med». Au chapitre social, c'est la droite conservatrice qui bloque. Elle est majoritaire depuis l'écroulement quasi général de la social-démocratie en Europe et constitue jusqu'ici le principal groupe du Parlement européen. Or, elle voit d'un mauvais œil la généralisation d'une taxe sur les transactions financières, en vigueur en France, ou l'établissement d'une fourchette de taux d'impôt sur les entreprises, sans parler de la fixation de standards sociaux et d'un salaire minimum adapté à la réalitéde chaque pays. Les pays dont la santé économique dépend d'une politique de dumping social, comme l'Irlande,ne feront ainsi aucun geste pour une harmonisation à l'échelle de l'Union.
L'entrée en force de l'ultradroite antieuropéenne de l'AfD au Bundestag aura également pour conséquence de freiner une intégration plus poussée, pourtant souhaitée par Berlin et Paris. Il n'y a guère que sur le développement des start-up du numérique, la protection des données ou la généralisation du programme Erasmus pour les étudiants qu'un consensus semble possible.
Pour le reste, dans un environnement de plus en plus eurosceptique, il faudra beaucoup plus que sa force de conviction à Macron.
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Des civilisations oubliées peuplaient l'Amazonie au Moyen-Âge (09.04.2018)
Par Vincent Bordenave
Mis à jour le 09/04/2018 à 20h51 | Publié le 09/04/2018 à 06h00
Les archéologues ont mis au jour un réseau de villages s'étendant sur 400.000 km² qui traversait le continent sud-américain d'est en ouest, entre le XIIIe et le XVe siècle.
Imaginez des édifices de plusieurs dizaines de mètre de haut reliés les uns aux autres par des routes, au milieu de la forêt la plus grande et la plus dense au monde. Le tout s'étendant sur une zone tellement large et connectée qu'on estime qu'entre 500.000 et 1 million de personnes devaient y vivre entre 1250 et 1500. Un site incroyablement riche mais dont il ne reste quasiment plus rien aujourd'hui. Dans un article rédigé sous la direction de José Iriarte (université d'Exeter) et publié dans Nature Communication le 27 mars dernier, des chercheurs de l'université d'Exeter (Grande-Bretagne) et de l'université fédérale de Para (Brésil), apportent toutefois la preuve de l'existence d'un réseau de villages sur une zone de 400.000 km² dans le sud de l'Amazonie.
«Il faut bien comprendre que c'est très dur de retrouver des traces archéologiques dans cette zone,» explique Doyle McKey, spécialiste des populations tropicales au Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive de Montpellier. «La plupart des constructions étaient en bois. Dans un climat aussi humique que celui de l'Amazonie, ce type de matériaux ne résiste pas au temps qui passe.» 
Pendant longtemps, on a même supposé que cette zone hostile devait être désertée. Les tribus nomades se seraient contentées de vivre autour de la forêt. «On a longtemps fait preuve de mauvaise foi», explique Stéphen Rostain, directeur de recherche au laboratoire Archéologie des Amériques du CNRS à la Sorbonne. «L'Amazonie est une zone qui bouillonne par son ethnodiversité. On a tendance à l'occulter, mais c'est un territoire aussi large que l'Europe et la diversité devait y être au moins aussi grande. Il n'y a probablement pas une civilisation amazonienne, mais des civilisations amazoniennes!»
Il existerait 1 300 géoglyphes et villages sur toute la zone
Pour lever ces secrets, les archéologues comptent principalement sur les géoglyphes, ces grandes et mystérieuses traces aux sols, seuls vestiges des constructions passées. Il y a une dizaine d'années, la déforestation avait permis aux images satellites de révéler de premières traces à l'ouest dans la région de l'Acre. D'autres géoglyphes ont été découverts à l'est dans le Haut Xingu, un peu plus tard. «La grande force de ce papier, c'est de confirmer la principale hypothèse résultant de ces deux découvertes», raconte Doyle McKey. «A savoir, que la côte est et la côte ouest ont été reliées entre elles par un réseau d'habitations, de sites commémoratifs et de routes.»
En se basant sur des images satellites, les équipes du professeur José Iriarteils ont créé un modèle informatique permettant de trouver automatiquement des sites similaires à ceux où des géoglyphes avaient déjà été découverts. D'après ce modèle, il existerait 1300 géoglyphes et villages dans une bande de près de 400.000 km² de l'Amazonie du Sud. «Cette méthode ne donne pas de certitude à 100%, mais cela permet d'avoir une idée globale de l'état des constructions», explique Doyle McKey. Seul un tiers d'entre eux ont été mis au jour jusqu'à présent. Plusieurs expéditions ont été organisées pour se rendre sur les sites en question. Sur l'un d'entre eux, les chercheurs ont découvert des céramiques ainsi que du charbon indiquant qu'un village se trouvait à cet endroit au XVe siècle.
«Prés de 95% des populations ont été dissoutes.»

Un géoglyphe découvert par les chercheurs. - Crédits photo : Exeter University
Hélas, il est encore impossible de savoir précisément quelles étaient ces civilisations qui avaient réussi à dompter la forêt amazonienne. «C'est malheureusement très rare de trouver des ossements», explique Doyle McKey. «Et contrairement à ce que nous avons pu faire en Europe, on manque de données génétiques pour identifier les populations qui pourraient prétendre être les héritiers de ces civilisations.» «Près de 95% des populations vivant avant l'arrivée des Occidentaux ont été dissoutes», rajoute Stéphen Rostain. «Ce qui nous reste aujourd'hui ce sont les fantômes des splendeurs passées.» 
Les connaissances, certes encore lacunaires, permettent tout de même de dresser un premier portrait de ces Amazoniens. Si la zone étudiée pourrait avoir abrité 1 million de personnes, on estime à 7 millions le nombre de personnes qui ont peuplé l'ensemble de l'Amazonie à cette époque. «On sait qu'ils échangeaient énormément entre eux», continue Stéphen Rostain. «Il y avait une sorte de répartition. Certains peuples étaient spécialisés dans la céramique et la fournissaient aux autres. On sait aussi que le curare (un poison, NDLR) faisait l'objet d'une fête annuelle et était utilisé comme monnaie d'échange.» À l'ouest ont même été retrouvées des traces de palissades, témoignant de sites fortifiés. «Ces populations ne se faisaient pas la guerre comme nous la concevons, mais par un système d'alliance et d'interdépendance, elles se sont livrées des batailles intermittentes», rajoute le chercheur.
La plupart des traces laissées sont invisibles à nos yeux, pourtant c'est une transformation profonde de la nature qu'ont réalisée les Amazoniens. Ce qui explique pourquoi les sols et les végétations portent encore en eux les témoignages de ces peuples disparus.
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Intelligence artificielle : SenseTime lève 600 millions de dollars (09.04.2018)
Par Ingrid Vergara
Publié le 09/04/2018 à 18h59
Cette opération record fait de cette start-up chinoise la plus valorisée au monde dans ce domaine.
Reconnaître un visage en une milliseconde, même sur une image de mauvaise qualité ou au milieu d'une foule filmée par une caméra de surveillance, et lui associer avec la même célérité une identité enregistrée dans un fichier centralisé. Ou comparer quasiment sans erreur le visage d'un client avec la photo associée à un compte de paiement pour valider une transaction. C'est le type de prouesse que réalise SenseTime. Cette start-up chinoise, spécialiste du deep learning et de la reconnaissance faciale, a levé 600 millions de dollars (487 millions euros), principalement auprès du géant de l'Internet chinois Alibaba Group, du fonds singapourien Temasek et du groupe de distribution d'électronique grand public Suning. Ce nouveau tour de table valorise la société entre 3 et 4,5 milliards de dollars (entre 2,4 et 3,6 milliards d'euros), un record pour une société dans ce secteur. En juillet dernier, SenseTime avait déjà levé 410 millions de dollars (332 millions d'euros).
Profitable depuis l'an dernier, elle revendique une croissance moyenne de ses revenus de 400 % par an
Fondée en 2014 par Xiao'ou Tang, un ancien doctorant de Massachusetts Institute of Technology, et par Li Xu, la start-up a connu depuis un essor fulgurant. Sa technologie d'analyse visuelle est utilisée aussi bien par des autorités chinoises pour des systèmes de surveillance que par des groupes de distribution ou des banques pour des paiements ou des retraits par reconnaissance faciale ainsi que par de grands acteurs des télécoms comme Huawei et Xiaomi. Profitable depuis l'an dernier, elle revendique une croissance moyenne de ses revenus de 400 % par an.
Grandes ambitions
Outre le perfectionnement de sa technologie et l'augmentation de sa puissance de calcul, «ce financement élargit nos moyens pour proposer davantage d'applications industrielles»,explique son directeur général, Li Xu, dans un communiqué. SenseTime compte se développer dans la voiture autonome, la réalité augmentée ou la santé.
SenseTime veut augmenter d'un tiers le nombre de ses employés pour atteindre les 2000 personnes d'ici la fin de l'année
Elle doit aussi financer le coût grandissant des recrutements de talents, l'un des nerfs de la guerre dans ce domaine. Elle veut augmenter d'un tiers le nombre de ses employés pour atteindre les 2000 personnes d'ici la fin de l'année.
La Chine se donne les moyens de ses grandes ambitions dans l'intelligence artificielle: devenir leader mondial et créer une industrie d'une valeur de 150 milliards de dollars pour son économie d'ici à 2030. Pékin a ainsi annoncé des investissements de 20 milliards d'euros jusqu'en 2020, à destination des universités, des incubateurs et des start-up. Selon un rapport de CB insight, sur les 15,2 milliards de dollars (12,3 milliards d'euros) investis à l'échelle mondiale dans des start-up spécialisées en intelligence artificielle en 2017, la moitié est allée directement vers la Chine contre 38 % aux États-Unis. Dans la reconnaissance faciale, la Chine a un avantage de taille: sa réglementation est nettement moins contraignante qu'aux États-Unis et en Europe et ses bases de données sont gigantesques.
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Journaliste Rédactrice en chef du Figaro.fr
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NDDL : au premier jour de l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite (09.04.2018)
Par Angélique Négroni
Mis à jour le 09/04/2018 à 20h46 | Publié le 09/04/2018 à 19h35
REPORTAGE - Entre une action policière efficace et un soutien affaibli en faveur des 300 occupants sans titre, la ZAD n'était plus, ce lundi, cette citadelle imprenable qui avait résisté, en 2012, au millier de gendarmes engagés.
Envoyée spéciale à Notre-Dame-des-Landes
Dès 4 heures du matin ce lundi, sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le face-à-face a duré des heures. Plongés dans le noir et dispersés dans un champ gorgé d'eau, zadistes et forces de l'ordre se sont affrontés. Les premiers ont lancé des projectiles en blessant un gendarme, les autres ont répliqué en tirant des grenades lacrymogènes.
Près de trois mois après l'abandon du projet d'aéroport, l'État a ainsi lancé une vaste opération d'expulsions visant près de 100 des 300 zadistes sur place. Dans la nuit de dimanche à lundi, les 2500 gendarmes mobilisés avaient commencé à préparer leur intervention. Devant intervenir sur les squats situés aux abords de la RD281, cette «route des chicanes» longtemps occupée par les zadistes, ils en avaient bloqué les accès. Démarrant leur progression vers 3 heures du matin, les forces de l'ordre se sont avancées avec précaution. «Certains barrages étaient en flammes et des bouteilles de gaz ont été retrouvées», a indiqué un peu plus tard, non loin du théâtre des opérations, le responsable de la gendarmerie, Richard Lieurey.
Maîtrise rapide de la situation
Néanmoins, les forces de l'ordre ont assez rapidement maîtrisé la situation. Ayant tenu à distance militants et journalistes, ils ont procédé à diverses expulsions, en délimitant à chaque fois un périmètre précis d'intervention. En présence des services sociaux, de déménageurs et d'huissiers, ils ont ainsi anéanti une dizaine de squats dès la fin de matinée. «Cela prend du temps, car on relève les identités et il y a des formalités à accomplir», souligne la gendarmerie. L'intérieur de ces premiers lieux détruits abritait six personnes auxquelles des solutions de relogement ont été proposées. Toutes ont refusé. «Mais à chaque fois, il n'y a eu ni violence ni résistance», ajoute un observateur avec satisfaction. Organisée au cordeau, l'opération a, pour l'heure, porté ses fruits. «Contrairement à 2012, les militaires ne se sont pas dispersés et ont agi secteur par secteur. Ils ont réussi leur coup», admet même un zadiste.
Entre une action policière efficace et un soutien affaibli en faveur de ces 300 occupants sans titre, la ZAD n'était plus, ce lundi, cette citadelle imprenable qui avait su résister, en 2012, au millier de gendarmes engagés dans l'opération «César 44». Malgré l'appel réitéré des zadistes pour demander des renforts, les nouveaux arrivants, cette fois, n'étaient guère nombreux. Au cœur de la nuit, et au tout début du bras de fer avec les forces de l'ordre, ils étaient au mieux plusieurs centaines à tenir tête au dispositif des gendarmes sur la partie sud-est de la ZAD. Malgré les yeux rougis, les visages crispés par les jets réguliers de gaz lacrymogène, ils ont défendu leur position en lançant quelques paroles provocatrices et quelques projectiles. Le seul moment fort de la résistance. Après quoi la dispersion s'est vite étoilée vers divers lieux de la ZAD.
En bottes maculées de boue, les visages dissimulés sous des foulards - et sans arme artisanale qu'on leur prêtait pourtant avoir -, cette armée de militants de tous âges a ensuite rejoint des tentes ou des habitations menacées d'expulsion. Mais un air de défaite accompagnait leur marche. «On est bien moins nombreux qu'en 2012. C'est la faute à l'aéroport qui a été abandonné», lâche un zadiste dépité. Ce projet auquel le gouvernement a renoncé ne cimente plus, en effet, la lutte qui a changé de nature. Les zadistes, qui défendent sur ce territoire un modèle de société alternatif, et qui refusent de s'inscrire dans la légalité, ne font plus recette.
Appel à la mobilisation
Au cours d'une conférence de presse donnée par ces derniers, lundi matin, tous étaient abattus. L'opération d'expulsion qui devait être ciblée a pris des airs, selon eux, d'évacuation généralisée. «C'est une action d'ampleur qui est menée et on annonce la destruction de 40 lieux de vie sur 97», se désespère l'un d'eux en lançant une fois de plus un appel à la mobilisation, tout en répétant que c'est comme un seul homme que la ZAD défendra tous ses occupants.
«On a fait le choix digne d'être solidaire entre nous car on porte un projet commun», ajoute-t-il en reconnaissant qu'un coup dur a été porté à la ZAD. À ses côtés, se tenait une représentante de l'Acipa, l'une des associations historiques, rassemblant les agriculteurs du coin, qui a toujours lutté avec les zadistes. Mais, depuis l'abandon de l'aéroport, le soutien n'est plus aussi solide. «Cela dépend des gens», dit cette représentante. Sous le coup de l'émotion, et à constater la dislocation de la ZAD, certains se sont pris dans les bras.
«Plus ça va aller, plus ça va être compliqué»
Mais le pire pour les zadistes n'était pas encore arrivé. En début d'après-midi, les forces de l'ordre ont porté atteinte «à une structure emblématique» en encerclant le lieu des Cent Noms et en le détruisant en partie. «Cet endroit est un modèle, porteur d'un projet de vie agricole parfaitement abouti, avec des gens modérés qui auraient pu accepter un cadre légal pour continuer leur action», se désole Marcel Thébaud, l'un des agriculteurs expulsé qui devrait récupérer ses terres.
En larmes, certains soutiens aux zadistes ont alors crié à la trahison. «La préfète avait parlé d'expulsion ciblée de radicaux. Et on s'en prend à des habitants qui n'ont pas ce profil», lâche l'un d'eux. «Nous avions fait une démarche pour nous inscrire auprès de la Mutuelle sociale agricole. Et cela n'a pas été pris en compte», dénonce l'une des habitantes des Cent Noms qui, à la hâte, a pu mettre à l'abri les brebis. Quant aux autres habitants qui s'étaient perchés sur les toits, ils ont été délogés un à un par les forces de l'ordre. Puis les pelleteuses ont fait leur apparition. La destruction des lieux - une grange et diverses maisons - était semble-t-il une affaire d'heure. Même si les gendarmes reprennent, ce mardi à 6 heures, leurs opérations, ils ont, semble-t-il, gagné le début de la partie. La préfète, elle, reste prudente: «Plus ça va aller, plus ça va être compliqué, craint-elle. On a fait le plus simple».
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 10/04/2018.
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journaliste
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Tout ce que Facebook sait de moi (et de vous) (09.04.2018)
Par Elisa Braun
Mis à jour le 09/04/2018 à 20h06 | Publié le 09/04/2018 à 20h00
ENQUÊTE - Dans la foulée de l'affaire Cambridge Analytica, notre journaliste a téléchargé son archive de données collectées depuis son inscription, afin de comprendre ce que Facebook sait vraiment de nous. Une expérience vertigineuse.
Qui je suis. Qu'est-ce que j'ai fait. Quand et avec qui. Facebook sait à peu près tout de moi, depuis que j'ai consenti à m'inscrire sur son réseau social il y a dix ans. Qu'importe le fait qu'à l'époque, je n'étais même pas en âge de signer quoi que ce soit. Qu'importe aussi qu'entre-temps, l'entreprise ait grandi au point de considérablement repenser sa conception de la vie privée. Sur Facebook, une fois qu'on a signé, c'est pour la vie: les données y sont dans certains cas conservées pour une durée illimitée, que l'on soit inscrit sur son réseau social ou pas. L'entreprise se réserve aussi le droit de changer de politique de confidentialité sans forcément nous informer, puisqu'après tout, ces longs textes barbants, personne ne les lit.
La taille totale des politiques d'utilisation de Facebook atteint la taille record de 187880 caractères, soit l'équivalent de 48 pages
Personne, sauf des avocats, des passionnés de vie privée et ... moi. Dans la foulée de l'affaire Cambridge Analytica, qui a plongé Facebook dans la tourmente, j'ai voulu comprendre à quel point une entreprise pouvait prétendre me cerner, me pousser à voter pour quelqu'un ou acheter quelque chose à partir de mes simples données. Comment en était-on arrivé à ce que 87 millions de personnes se fassent manipuler en toute impunité par un obscur cabinet de conseil anglais - et sans doute quelques États au passage. Pourquoi certains amis n'avaient pas l'air de trouver cela particulièrement grave et pourquoi d'autres se demandaient ce que faisait la police, le régulateur, Mark Zuckerberg ou l'État.
Il est difficile de saisir ce que Facebook sait de quelqu'un en lisant seulement des listes très abstraites de données établies par des juristes ou des lanceurs d'alerte. Dans des proportions raisonnables, je livrerai donc une partie de mes traces numériques pour permettre à chacun de mesurer l'indiscrétion de ces services Web que nous utilisons tous les jours. J'ai aussi élaboré des critères pour distinguer les bonnes pratiques des mauvaises, et je tâcherai de mettre à jour ce travail régulièrement pour répondre à son objectif: aider à comprendre et à reprendre le contrôle de ses données en ligne.
Alors que Mark Zuckerberg se prépare pour sa convocation devant le Congrès américain, c'est donc avec Facebook que ce feuilleton au cœur de l'intime commence, qui se poursuivra avec d'autres services Web très gourmands en données... parce qu'il est urgent de comprendre de quoi leur modèle est fait et comment rester maître de ses propres données. Si vous voulez directement passer à cette partie de reprise en main de vos paramètres de confidentialité, une fiche mémo avec les liens et explications pratiques est disponible à la fin de cet article. Bonne lecture!

Sur Facebook, un giga de moi

Le journalisme requiert parfois de se confronter à la plus stricte réalité des faits: j'ai passé beaucoup trop de temps sur Facebook. J'ai cliqué sur une publicité pour regarder le catalogue du Printemps sur mon temps de travail. Posté des blagues que je trouve aujourd'hui particulièrement douteuses. Prétendu assister à des événements auxquels je n'ai en fait jamais mis un pied. Tout cela, je le sais non pas à cause d'une mémoire eidétique mais simplement parce que j'ai téléchargé mes archives Facebook, pesant pas moins d'un gigaoctet. Facebook permet cette option à chacun dans la partie paramètres (voir tutoriel ci-dessous). Même si j'avais préalablement lu les conditions d'utilisations, qui tentent de préciser en 48 pages quelles données sont collectées, j'y ai retrouvé des traces que je pensais à tout jamais effacées.
La liste des amis supprimés m'a par exemple rappelé la date précise des ruptures numériques les plus marquantes de mon existence. Le moment où j'ai organisé une tombola d'anniversaire. La mort d'un ami. Le changement de mot de passe urgent depuis la Corse. Dans plusieurs fichiers mal rangés, presque tout est consigné jusqu'à l'absurde. Les photos, les likes, les dates, les lieux ou les appareils depuis lesquels je me suis connectée. Alors que la mémoire veille à faire oublier ou refouler certains souvenirs douloureux, Facebook recueille même quels stickers j'ai utilisé sur son application Messenger. Et n'hésite pas à partager cette base de données quasi clinique avec toutes ses autres sociétés, selon des conditions que l'entreprise n'a pas jugé utile de détailler. Les plus connues s'appellent Instagram ou WhatsApp et ont chacune plusieurs centaines de millions d'utilisateurs. Facebook Payments Inc, Atlas, Onavo, Moves, Oculus, WhatsApp Inc., Masquerade, CrowdTangle sont moins connues, tout comme les laboratoires de recherche de Facebook et surtout, ses services marketing.
Intéressée par les chaussettes

Centres d'intérêt incompréhensibles repérés parmi mes 223 thèmes publicitaires - Crédits photo : Elisa Braun
Dans mes archives, je peux observer le travail considérable que ces services marketing ont fait pour tenter de définir mon profil de consommatrice autour de «centres d'intérêt» ou «thèmes publicitaires». Il en existe des centaines de milliers possibles (de Beyoncé à Donald Trump, en passant par le football ou les macaronis), et chaque compte s'en voit attribuer au moins six. Il est possible de consulter et régler ici une partie de ces informations sur nos goûts mais la liste la plus complète se trouve dans le fichier «ads» de vos archives. Pour Facebook, ces listes sont très utiles: des marques peuvent lui acheter un emplacement publicitaire qui apparaîtra auprès de ceux qui sont le plus susceptibles d'être intéressés. Par exemple, une marque de pizza peut cibler quelqu'un comme moi, apparemment intéressée par la gastronomie italienne.

Centres d'intérêt plutôt dérangeants sur lesquels on a pu me cibler. - Crédits photo : Elisa Braun
Dans la liste de mes 223 thèmes publicitaires, je découvre aussi un portrait de fille modèle: j'aimerais donc l'histoire de l'art, la langue française, les chats, le Collège de France, la philosophie et les chaussettes. D'autres me rappellent à la réalité: j'aime surtout les memes (ces blagues récurrentes sur Internet), la nourriture, les magazines et la bière. Enfin, une bonne partie me met franchement mal à l'aise: que signifie cet intérêt pour “colères”? pour Jésus? Comment Facebook croit-il savoir cela de moi ou l'a-t-il déduit? Est-ce que des entreprises ou des États se sont servis de ces informations pour me “profiler”? Pire: est-ce que d'autres personnes, qui ont des intentions bien moins louables que celle de me vendre une voiture, ont eu accès à ces détails que je n'ai jamais consenti à divulguer ou qui sont faux?
Cela, bizarrement, Facebook ne me le dit ni dans mes archives, ni dans ses conditions d'utilisation. Le peu d'explications qu'il fournit sur son modèle publicitaire a même été qualifié de «vague et trompeur» par une équipe de chercheurs de la Northeaster University, du CNRS et du Max Planck Institute. Dans leur article, ils expliquent que Facebook s'est par exemple offert les services de data brokers (ou agrégateurs de données, des acteurs qui chassent les bases de données auprès de magasins, start-up, chaînes hôtelières et les revendent au plus offrant). Cela permet par exemple d'associer un numéro de carte bancaire à certains achats, ou de définir un profil socio-économique. Ensuite, un algorithme se charge de croiser ces informations et de se livrer à des suppositions pour définir de nouveaux centres d'intérêt publicitaires. Dans ma liste de thèmes publicitaires, je repère donc des informations qui n'ont rien à voir avec ce que je fais sur Facebook. Je me mets même à élaborer des suppositions qui frôlent la paranoïa: pour mettre «poignet» dans cette liste, Facebook sait-il que je me le suis foulé il y a trois ans? Et comment connait-il mon salaire?
La passoire du Web

Sur Internet, des communautés entières se sont constituées pour profiter des quantités fourmillantes d'informations qui circulent sur Facebook. On les appelle les OSINTers (pour “Open Source Intelligence”). Simples Sherlock Holmes amateurs ou professionnels de l'intelligence économique (un euphémisme pour parler d'espionnage industriel ou politique), ils se sont spécialisés dans la recherche d'astuces pour retrouver des informations sur n'importe qui grâce aux réseaux sociaux. Facebook est l'un de leurs terrains de jeux favoris, tant l'entreprise s'est progressivement transformée en plus grosse passoire du Web. Jusqu'à peu, il était très facile de retrouver quelqu'un sur Facebook à partir d'un simple numéro de téléphone ou son adresse mail. Même les plus prudents seraient surpris de voir ce qui passe outre leur vigilance. À l'aide du simple identifiant de profil de Mark Zuckerberg (le chiffre «4»), il est très simple d'obtenir des informations que lui-même ou ses services de communication n'ont probablement pas souhaité rendre accessibles à n'importe qui.
● Voici ainsi des photos où Mark Zuckerberg est tagué en 2005, mais je pourrais aussi demander les photos prises à une date précise et ainsi connaître une partie de l'agenda de cet homme très médiatique.
● Toutes les photos de Mark Zuckerberg prises dans les locaux de Facebook, mais je pourrais aussi demander à Facebook de repérer celles prises à proximité de son domicile.
● Toutes les publications que Mark Zuckerberg a likées cette année
● Des photographies plutôt savoureuses des premières années de sieste post-soirée dans les locaux de Facebook.
De nombreux acteurs ont récupéré des informations, parfois même de manière industrielle et illégale, à l'aide de faux profils et robots pour “scraper” les contenus du réseau social et les enregistrer dans d'immenses registres. D'une manière beaucoup plus légale en revanche, Facebook a permis à des applications tierces (c'est-à-dire développées hors de sa maison) d'accéder à une partie des informations de ses utilisateurs. Sa permissivité extensive a ainsi permis à Cambridge Analytica de voler les informations de 87 millions d'utilisateurs, auxquels elle proposait un simple test contre rémunération. Facebook a récemment avoué que plusieurs entreprises de ce type avaient «volé» des données sur son réseau.
Mesures de rattrapages

Quand un de vos amis utilise une application de jeu pour couper des fruits par exemple, il permet à celle-ci de connaître vos opinions politiques et religieuses- Crédits photo : Facebook
Ces dernières semaines, Mark Zuckerberg a engagé des mesures parfois cosmétiquesparfois plus signifiantes pour colmater les fuites. «Nous nous sommes longtemps concentrés sur les effets positifs de nos outils. Mais nous n'avons pas réfléchi assez aux abus, et comment les éviter», s'est excusé le PDG lors d'une conférence de presse. L'exposition de la vie privée sur Facebook relève pourtant d'un choix politique que Mark Zuckerberg feint désormais d'ignorer. Son entreprise a consciencieusement permis de recueillir toutes ces données et de les partager à des acteurs tiers, moyennant qu'il tire aussi sa part du gâteau. Elle leur a, sans que personne ne l'y force, permis d'accéder aux opinions politiques et religieuses d'un utilisateur, mais aussi à celle de ses amis (voir capture ci-contre).Toujours plus gourmand, Facebook a aussi conclu de son plein droit en 2013 des partenariats avec les leaders du marché des data brokers .
Face au tollé provoqué par l'affaire Cambridge Analytica, Facebook a fermé l'accès à ces plateformes. Mais son business model, centré autour du ciblage, est loin d'être directement menacé par ces partenariats. Les données qu'il collecte en temps réel peuvent concurrencer celles de ces “brokers”. L'entreprise n'a d'ailleurs pas souhaité donner de chiffre sur l'impact de cette mesure de rattrapage. Facebook n'a pas non plus révisé sa politique de confidentialité, malgré d'apparentes clarifications. Il s'agit en fait d'exigences portées par le nouveau règlement général sur la protection des données (RGPD).

Lorsque l'on observe les litiges passés de Facebook en matière de données personnelles, le profil de l'entreprise atteste en effet d'une politique peu volontariste en matière de respect de vie privée. Depuis 2011, l'entreprise a payé rien qu'en Europe au moins 114,8 millions d'euros d'amende aux régulateurs, ce qui en fait le géant du Web à avoir le plus déboursé -devant Google, qui a payé 45 millions d'euros pour des infractions liées aux données personnelles. Avant d'en arriver à ces sanctions, les régulateurs ont procédé à de nombreuses enquêtes, avis publics, décisions de justice intermédiaires. Auxquelles Facebook n'a pas forcément montré patte blanche. Le gendarme des données personnelles, la Cnil, a ainsi dû le mettre en demeure de fournir les preuves qu'il se conformait bien à la loi française en décembre dernier, faute de nouvelles de sa part. Les amendes des autorités des données personnelles font l'effet d'une caresse au géant, qui a engrangé 40 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2017 et près de 16 milliards de dollars de bénéfice.
Avec le prochain règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD), l'Europe sera en mesure d'appliquer des sanctions aussi dures que celles de l'antitrust. En cas de manquements constatés, les entreprises pourront payer jusqu'à 4% de leur chiffre d'affaires mondial et 20 millions d'euros d'amende. Mark Zuckerberg devra alors formuler bien plus qu'un simple “désolé”.

EN ATTENDANT, QUELQUES GESTES SIMPLES POUR PROTÉGER VOS DONNÉES:
● Télécharger ses données pour prendre la mesure de la collecte
Il suffit d'aller ici, dans la page d'accueil de ses paramètres, et de cliquer sur «télécharger une copie». Elle vous sera directement envoyée par mail à l'adresse que vous utilisez pour vous connecter.
● Se livrer à l'exercice de l'auto-stalk (se fouiller soi-même)
Quelques outils comme stalkscan permettent de retrouver assez facilement toutes les photos sur lesquelles vous êtes identifié, mais qui n'apparaissent pas forcément sur votre profil. Il est possible de désactiver l'identification en cliquant sur «option» en bas à droite d'une photo. Pensez aussi à «déliker» ou supprimer les commentaires associés à certaines publications. Éventuellement, contactez leurs auteurs pour régler l'audience des publications (mieux vaut éviter le mode «public»).
● Gérer ses préférences publicitaires
Il suffit d'aller sur la page directement consacrée, ici. Si vous le souhaitez, vous pouvez supprimer un à un les centres d'intérêt qui vous ont été attribués ou que vous affichez. La partie la plus importante se situe au niveau de la rubrique «vos informations»: désactivez tous les boutons permettant à des annonceurs de vous cibler en fonction de votre situation amoureuse, de votre employeur, de votre poste ou de votre scolarité. Dans la partie «masquer les thèmes publicitaires», activez le bouton «définitivement» sur la partie «alcool».
●  Régler ses paramètres
Passez du temps à fouiller les différentes rubriques et notamment celle portant sur la confidentialité. Mieux vaut permettre l'accès à votre adresse mail ou à votre numéro de téléphone à vos seuls amis. Activez aussi l'examen des publications avant d'être tagué.
● Supprimer son compte
C'est par ici. En revanche, attention: la démarche est irrévocable, contrairement à la désactivation. Votre compte Facebook restera actif pendant 14 jours après votre demande. En cas de connexion avec vos identifiants durant cet intervalle, le processus de suppression sera annulé.
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Attaque de Magnanville : une policière et ses enfants arrêtés (09.04.2018)
Par Jean Chichizola
Mis à jour le 09/04/2018 à 20h29 | Publié le 09/04/2018 à 13h26
Ces gardes à vue visent à établir comment le terroriste Larossi Abballa a choisi ses victimes et trouvé leur adresse.
La fille d'une policière et une jeune femme de ses relations, islamiste radicale, placées en garde à vue, la policière elle-même interpellée avec son fils et deux membres de son entourage… Si la prudence s'impose avant la fin des gardes à vue, le dernier rebondissement de l'enquête sur l'assassinat de deux policiers à Magnanville (Yvelines), le 13 juin 2016, est des plus spectaculaire.
Près de deux ans après l'attentat, les policiers continuent notamment à se demander pourquoi le terroriste Larossi Abballa a ciblé le couple de policiers Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, tués à l'arme blanche, Jessica Schneider étant assassinée en présence de leur fils de 3 ans. Jusqu'à présent, ce choix demeurait énigmatique: de source proche du dossier, on a toujours précisé que rien ne laissait supposer que le délinquant Abballa avait croisé le chemin du commandant de police Salvaing dans le cadre d'une procédure policière ou judiciaire. L'islamiste avait pourtant assurément connaissance de l'adresse du couple et il a effectué des repérages avant de passer à l'attaque. Abballa a-t-il alors frappé par hasard ou lui avait-on livré des informations sur ses cibles?
Une fichée S
Le coup de filet opéré lundi par la sous-direction antiterroriste (Sdat) avec l'aide du Raid vise à tenter d'éclaircir ce mystère. Dans les six personnes, trois femmes et trois hommes, placées en garde à vue, on compte une policière de 48 ans, ancienne syndicaliste pour Alliance. Elle ne serait pas mise en cause directement. Sa fille, âgée de 29 ans, est également entendue. Enfin une des connaissances de cette dernière, islamiste radicale fichée S et âgée de 25 ans, a été également placée en garde à vue après avoir été extraite de sa cellule. Dans un autre dossier, elle a en effet été mise en examen et écrouée en 2017 pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Elle aurait aidé des islamistes à partir vers la zone syro-irakienne.
Quant aux trois hommes, âgés de 26, 30 et 33 ans, il s'agit du frère de la fichée S, qui aurait connu Abballa, d'un membre de l'entourage de la policière et de son fils. Major de police, cette dernière avait fait l'objet d'une enquête de police interne en 2016 pour avoir hébergé la connaissance de sa fille fichée S. À noter au passage que les policiers «de base» n'ont aucun moyen légal de savoir si une personne est visée par une fiche S, outil confidentiel de renseignement, ce que déplorent d'ailleurs les fonctionnaires en poste dans les Yvelines. Dans les six personnes visées par les interpellations de lundi, l'islamiste radicale déjà incarcérée semble être au cœur des interrogations des enquêteurs. Les interrogatoires permettront peut-être de savoir si elle a pu glaner des informations précieuses et les mettre à disposition de ceux qui préparaient l'attaque de Magnanville.
La «galaxie Rachid Kassim»
Car, si la question du choix de la cible se pose toujours, l'enquête a connu des avancées sur celle des complicités dont aurait bénéficié Larossi Abballa. On savait déjà qu'il était en contact, via les réseaux sociaux, avec la «galaxie Rachid Kassim», djihadiste derrière plusieurs attaques en France et qui aurait trouvé la mort en zone syro-irakienne. Deux de ses contacts, islamistes radicaux, Charaf Din Aberouz et Saad Rajraji, condamnés avec lui en 2013 dans une filière djihadiste, ont été mis en examen pour un soutien logistique sans participation directe à l'attentat. Ils ont été remis en liberté et placés sous contrôle judiciaire.
Le frère de Charaf Din Aberouz, Mohamed Lamine, a été quant à lui mis en examen en décembre dernier, cette fois pour «complicité d'assassinats terroristes» et incarcéré. L'intéressé avait été entendu en garde à vue au printemps 2017 puis remis en liberté sans être poursuivi. Quelques mois plus tard, les policiers avaient établi un lien entre lui et une trace ADN retrouvée sur l'ordinateur des policiers utilisé par Larossi Abballa pour revendiquer son attaque au nom de l'État islamique.
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À Münster, la police passe au crible le passé du conducteur qui a foncé sur la foule (07.04.2018)
Par Le figaro.fr
Mis à jour le 08/04/2018 à 16h46 | Publié le 07/04/2018 à 17h41
VIDÉO - Deux personnes sont décédées et une vingtaine d'autres ont été blessées samedi dans la ville allemande. Le conducteur, qui s'est suicidé, souffrait de troubles psychiques et avait déjà tenté de se donner la mort. Les autorités tentent de cerner les motivations de son acte alors que la piste de l'attentat a été écartée.
Un véhicule a foncé samedi après-midi dans la foule à Münster, dans le nord-ouest de l'Allemagne. Les autorités font état de deux morts et d'une vingtaine de blessés, dont six entre la vie et la mort. Les faits ont eu lieu vers 15H30 dans le centre-ville, à une heure très fréquentée où les rues étaient pleines et les commerces remplis de clients, en cette journée ensoleillée. Le conducteur, Jens R., âgé d'environ 48 ans, a «foncé sur des terrasses de café et de restaurant sur une place du centre-ville», a indiqué une porte-parole de la police.
Dans la foulée, le conducteur du véhicule s'est suicidé avec une arme à feu «dans son véhicule», ont également rapporté les autorités, précisant qu'elles ne recherchaient aucun autre suspect. Un «objet suspect» ressemblant à un explosif a été découvert dans sa camionnette et une équipe de déminage a été dépêchée sur place. Selon l'hebdomadaire Spiegel, les policiers ont saisi un fusil d'assaut à son appartement.
L'hypothèse de l'attaque terroriste a été écartée, affirmait samedi soir le ministre de l'Intérieur de la région du nord-ouest de l'Allemagne, Herbert Reul. «Rien n'indique pour le moment qu'on ait affaire à des motivations islamistes», a-t-il dit à la presse. Ce dimanche matin, le procureur a indiqué que les autorités n'avaient «jusqu'ici aucun élément sur de possibles motivations pour cet acte, l'enquête explore avec beaucoup d'intensité toutes les directions».
Des troubles psychologiques
Samedi, plusieurs médias révélaient que le conducteur de nationalité allemande souffrait de troubles psychologiques. Ce que le ministre de l'Intérieur de Rhénanie du Nord-Westphalie a confirmé. «Nous savons maintenant qu'il n'y avait vraisemblablement qu'un seul assaillant, un Allemand», a ajouté Herbert Reul. L'homme n'avait pas d'antécédent terroriste. Toujours selon les médias, l'homme connu pour un passé de petit délinquant et des actes de violences connaissait des difficultés professionnelles. Il avait fait «il y a peu» une tentative de suicide, selon la chaîne de télévision publique ZDF. Le conducteur du véhicule-bélier était «un Allemand et non un réfugié comme on le colporte partout», a encore souligné Herbet Reul.
Selon Hans-Joachim Kuhlisch, chef de la police de Münster, des perquisitions ont été effectuées cette nuit dans les quatre appartements que l'homme âgé de 48 ans possédait. Les recherches effectuées jusqu'ici n'ont pour le moment pas permis de privilégier la piste politique. Selon la chaîne ZDF, il entretenait des liens avec les milieurs d'extrême droite. Les deux victimes, de nationalité allemande, sont une femme de 51 ans et un homme de 65 ans.
L'Allemagne, cible des djihadistes
L'incident a réveillé les pires craintes des Allemands. À deux reprises en 2017, en février puis en novembre, deux conducteurs avaient fauché un groupe de personnes avec leur voiture. Dans les deux cas, la piste terroriste n'avait pas été privilégiée. Les autorités allemandes restent néanmoins vigilantes en raison de la menace djihadiste qui pèse sur le pays. L'Allemagne avait été frappée par un attentat à la voiture bélier en décembre 2016 sur un marché de Noël, qui avait fait 12 morts et fut revendiqué par l'organisation État islamique (EI). Son auteur, le Tunisien Anis Amri avait été tué quelques jours plus tard près de Milan.
Plus récemment, à la fin du mois de juillet 2017, un demandeur d'asile en passe d'être débouté a tué une personne à coups de couteau dans un supermarché et en a blessé six autres, un acte motivé selon la justice par «l'islamisme radical». Et fin octobre, la police allemande a interpellé un Syrien de 19 ans soupçonné de préparer un «grave attentat» à la bombe. Les mouvements islamistes potentiellement violents ont connu ces deux dernières années un essor dans le pays. Les services du renseignement intérieur estiment à environ 10.000 le nombre d'islamistes radicaux en Allemagne, dont 1600 soupçonnés de pouvoir passer à la violence. Le pays reste une cible pour des groupes djihadistes, en particulier en raison de son engagement au sein de la coalition combattant l'EI en Irak et en Syrie et dans celle déployée en Afghanistan depuis 2001.
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Un front commun Trump-Macron après l'attaque chimique en Syrie (09.04.2018)
Par Isabelle Lasserre
Mis à jour le 09/04/2018 à 20h23 | Publié le 09/04/2018 à 20h21
INFOGRAPHIE - Après le bombardement chimique présumé qui aurait fait 48 morts à Douma, la France et les États-Unis ont menacé le régime de Bachar el-Assad d'une « réponse forte ».
Dans le domaine international, c'est sans doute son premier vrai test de crédibilité depuis qu'il est arrivé à l'Élysée en mai 2017. Si des doutes avaient subsisté après les dernières attaques chimiques en Syrie, la ligne rouge fixée l'an dernier par Emmanuel Macron, puis affinée le mois dernier par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a cette fois été franchie. Selon les organisations humanitaires, le nouveau massacre chimique de la Douma, le dernier bastion rebelle, dans la Ghouta orientale, aurait fait 48 morts. Sur les réseaux sociaux, les photos des enfants en train de suffoquer sont insoutenables. Et le médecin Raphaël Pitti, responsable d'une ONG française, pense qu'une substance, peut-être du sarin, aurait été ajoutée au chlore pour amplifier les effets de l'attaque. En 2017, le chef de l'État avait promis que «toute utilisation d'armes chimiques» en Syrie donnerait lieu à des «représailles» ainsi qu'à «une riposte immédiate», même si la France devait, pour faire respecter ces principes, agir seule. Le 2 mars dernier, le chef de la diplomatie française a ajouté une clause supplémentaire - la létalité - à cette ligne rouge trop souvent testée sur le terrain par les forces du régime et leur principal allié russe.

Le problème des lignes rouges, c'est qu'il faut les respecter quand elles sont franchies. Pour avoir omis de le faire en août 2013, faisant ainsi capoter des frappes militaires destinées à punir le régime après le massacre chimique de la Ghouta, auxquelles la France tenait particulièrement, Barack Obama avait jeté une ombre indélébile sur son bilan de politique internationale. Aujourd'hui encore, la plupart des responsables français sont persuadés que le destin de la Syrie aurait pu être différent si le président américain et le premier ministre britannique n'avaient pas fait volte-face au dernier moment. «Ce fut une belle occasion manquée», affirme l'un d'eux. Paris, Londres et Washington: les trois protagonistes de l'été 2013 se sont parlé plusieurs fois au téléphone depuis l'attaque chimique commise samedi. Ils se sont prononcés pour une réponse internationale «forte» et agitent la menace de lancer des frappes militaires. S'il s'abstient de répondre, Donald Trump sera taxé de faiblesse, alors qu'il doit rencontrer d'ici à la fin du printemps le dictateur nord-coréen, auquel il aimerait imposer une sortie de crise dans le dossier nucléaire. Mais, derrière le régime syrien, c'est aussi le Kremlin qui teste la crédibilité de la ligne rouge française et défie Donald Trump quelques jours seulement après qu'il ait dit son intention de retirer les troupes américaines de Syrie. Washington et Paris reprochent à Moscou, parrain de l'accord de démantèlement des armes chimiques syriennes en août 2013, de ne pas avoir tenu ses promesses. «Les Russes s'étaient engagés à détruire l'arsenal chimique du régime. Ils ne l'ont pas fait», rappelle un responsable français proche du dossier. En laissant les Syriens dissimuler une partie de leurs stocks, ils ont, poursuit un spécialiste, «ouvert la boîte de pandore». Il croit savoir que des agents chimiques sont passés, depuis août 2013, dans les mains des djihadistes de l'État islamique. Il redoute que les combattants de Daech, une fois de retour en Europe, soient tentés d'utiliser ce mode opératoire devenu courant en Syrie.
Mais la sensibilité française au terrorisme chimique a d'autres racines: le traumatisme de la guerre de 1914-1918, l'engagement de Paris dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la conférence internationale organisée par la France au début de l'année pour y mettre fin. «Les Russes ont aidé à lever un dangereux tabou», affirme un diplomate. Il pointe du doigt l'affaire Skripal à Londres et l'assassinat au VX, en février 2017, du beau-frère de Kim Jong-un, le dictateur nord-coréen, en Malaisie.
Pour autant, la décision de faire ou non respecter la ligne rouge française en Syrie, avec ou sans les Américains, peut encore buter sur plusieurs obstacles. Le premier est «la grande difficulté», selon une source au ministère de la Défense, d'opérer «la traçabilité de l'attaque», en raison de la volatilité de certaines substances chimiques comme le chlore et malgré le fait que Bachar el-Assad ait été désigné à quatre reprises comme le principal responsable d'attaques au gaz toxique par des enquêteurs de l'ONU depuis 2014. L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a ouvert une enquête lundi pour essayer d'établir les faits rapidement. Le deuxième est la résistance opposée par les Russes à toute forme d'action contre le régime syrien. Alors qu'ils s'apprêtaient hier à porter leur déni au conseil de sécurité, les responsables russes ont contré les menaces de frappes brandies par les Américains et par les Français. Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, a dénoncé une «provocation» des rebelles. Il prévient qu'il serait «dangereux» de tirer des conclusions sans informations confirmées. Le troisième tient au fait que la situation des forces en présence en Syrie s'est complexifiée depuis août 2013, avec l'entrée en scène de nouveaux acteurs militaires, notamment la Russie, l'Iran et la Turquie. L'imbrication des forces, mais aussi les dénis d'accès opposés par les forces russes à leurs adversaires occidentaux dans les zones qu'ils contrôlent avec leurs avions et leur défense antiaérienne, rendent plus difficile toute opération qui serait plus ambitieuse qu'une frappe politique, ou diplomatique, contre le régime syrien. Celle de Donald Trump, en avril 2017, n'avait d'ailleurs rien changé à la situation en Syrie…

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Le dangereux face-à-face entre Turcs et Occidentaux dans le nord de la Syrie (09.04.2018)
Par Adrien Jaulmes
Mis à jour le 09/04/2018 à 21h02 | Publié le 09/04/2018 à 20h40
REPORTAGE - Les forces kurdes, combattants de Daech de la première heure, sont aujourd'hui contraintes de défendre leur position contre les attaques turques et redoutent un départ de la coalition américano-française.
Envoyé spécial à Dadat et Manbij
Les Français restent invisibles mais les Américains se montrent ostensiblement. Dans la campagne verdoyante au nord de Manbij, grosse ville syrienne à une trentaine de kilomètres à l'ouest de l'Euphrate, un grand drapeau étoilé flotte sur une colline plantée d'oliviers au-dessus du village de Dadat. Au pied du drapeau, une douzaine de gros véhicules blindés américains sont garés devant un fortin fait de gabions pliants, sorte de grands paniers cubiques remplis de terre et empilés de façon à former des remparts.
L'installation de la petite unité américaine sur cette crête au nord de la Syrie date de quelques jours à peine. Devant la position, d'autres gabions attendent d'être déployés pour compléter la fortification. Même si les soldats refusent de parler à des étrangers, leur présence n'a rien de secret. Tout au contraire: leur détachement est placé là pour être parfaitement visible et dissuader toute attaque.
«Les Forces spéciales françaises ne se montrent pas, mais elles sont là aussi, nous leur avons aménagé des positions aux alentours», assure le commandant Kendal, un officier kurde du comité militaire de Manbij, chargé de la liaison avec les forces occidentales. «Nous nous sommes battus ensemble contre Daech, aujourd'hui nous avons encore besoin de nos alliés de la coalition.»
Trois ans après leur déploiement dans le nord de la Syrie pour appuyer les milices kurdes syriennes contre l'État islamique, les forces de la coalition internationale viennent de se voir confier une nouvelle mission au profit des Kurdes syriens. Mais cette fois, l'adversaire n'est plus Daech. La menace vient d'une force régulière, qui plus est elle aussi membre de l'Otan et nominalement alliée de la coalition: l'armée turque.
«Vous voyez une position turque là-bas, sur la crête», indique Mahmoud Anah par l'embrasure d'un poste d'observation renforcé de sacs de sable. Ce jeune soldat à peine sorti de l'adolescence combat dans les rangs des Forces démocratiques syriennes (FDS), la formation qui englobe les milices kurdes de protection populaire (YPG) et leurs alliés arabes locaux, déployés sur le front de Manbij. Mahmoud montre du doigt un sommet de colline où la terre a été fraîchement retournée. Avec une dizaine d'autres soldats guère plus âgés que lui, Mahmoud occupe un poste avancé au-dessus de Dadat, à environ un kilomètre devant la position américaine. Ils remplissent une mission de «sonnette». En cas d'attaque, ces soldats serviront à prévenir les lignes de défense principales du début de l'offensive, sans grandes chances de la ralentir plus de quelques minutes.
«Je suis heureux que les Américains soient là sinon on pourrait être attaqués (par les Turcs) à tout moment»
Mahmoud, combattant kurde
«À côté des Turcs, vous avez une position de l'Armée syrienne libre», poursuit Mahmoud Anah, le bras tendu. Complication supplémentaire, l'armée turque est accompagnée elle aussi d'alliés syriens: sous le nom d'Armée syrienne libre, celui pris par les insurgés syriens contre le régime de Bachar el-Assad au début de leur soulèvement, ces supplétifs arabes, recrutés largement dans les rangs de groupes djihadistes, appuient et accompagnent l'opération «Rameau d'Olivier», lancée par l'armée turque le 20 janvier dernier, mettant ostensiblement à sac les maisons kurdes conquises.
«Depuis la chute du canton d'Afrine, le mois dernier, beaucoup de renforts turcs sont arrivés, certains hier encore», dit Mahmoud. «Je suis heureux que les Américains soient là», dit-il, «sinon on pourrait être attaqués à tout moment». Après s'être emparée du canton d'Afrine et l'avoir livré au pillage de leurs alliés arabes, l'armée turque menace à présent Manbij. Cette ville, reprise en 2016 à l'État islamique par les FDS, est la position la plus avancée des Kurdes syriens à l'ouest du fleuve Euphrate. Le président turc Erdogan, qui considère comme intolérable l'existence le long de sa frontière d'une entité kurde syrienne apparentée au PKK, le parti séparatiste kurde de Turquie, a désigné Manbij comme le prochain objectif pour ses troupes.
Cette menace représente un casse-tête diplomatique et militaire supplémentaire pour la coalition internationale rassemblée par Washington contre l'État islamique. D'abord parce que l'opération d'Afrine a déjà fait échouer l'offensive finale contre Daech dans le sud de la Syrie, les combattants kurdes ayant suspendu leurs opérations pour se redéployer face à cette nouvelle menace. Mais ensuite et surtout parce qu'elle oblige Washington, et Paris, à choisir entre deux mauvaises options: soit les Occidentaux cèdent aux pressions d'Erdogan et abandonnent en rase campagne leurs alliés kurdes après qu'ils ont payé le prix du sang pour reconquérir le territoire syrien de Daech, perdant ainsi ce qui leur reste de crédibilité dans la région ; soit ils placent un rideau de troupes en travers du chemin d'un allié de l'Otan au comportement de plus en plus erratique, et qui dispose d'un pouvoir de nuisance considérable, au risque de voir la situation déraper à tout moment.
«Jusqu'à présent les chefs américains nous ont confirmé qu'ils resteraient et riposteraient en cas d'attaque, notamment aérienne, de la part de la Turquie»
Abou Adel, le chef du conseil militaire de Manbij
Les déclarations de Donald Trump, qui a récemment annoncé vouloir retirer au plus vite ses troupes de Syrie, ont pour l'instant été contredites par le déploiement des forces américaines devant les positions turques. Mais ce face-à-face entre plusieurs membres de l'Otan sur l'Euphrate reste potentiellement dangereux. «Il y a de grands risques que les Turcs attaquent», dit Abou Adel, le chef du conseil militaire de Manbij.
«Mais aussi longtemps que la coalition sera présente, je pense qu'ils hésiteront. Jusqu'à présent les chefs américains nous ont confirmé qu'ils resteraient et riposteraient en cas d'attaque, notamment aérienne, de la part de la Turquie. Manbij est notre ville, nous l'avons libérée de l'État islamique, nous allons la conserver», dit-il. «Nous n'avons pas attaqué la Turquie ou la Russie, nous sommes ici chez nous.»
Le commandant Abou Adel déplore aussi la suspension des opérations contre Daech. «L'État islamique est loin d'être vaincu», ajoute-t-il. «Ses combattants sont encore là et bien actifs dans la région de Deir Ezzor. Ces derniers jours, ils se sont emparés de puits de pétrole appartenant au régime syrien. Mais nous ne pouvons rien faire, nous avons été obligés de ramener nos combattants vers Manbij: nous n'allons pas continuer à combattre l'État islamique pendant que nos villes et nos familles sont attaquées par la Turquie.»
Outre les Turcs au nord et l'État islamique au sud-est, les FDS de Manbij font aussi face au régime syrien de Bachar el-Assad vers l'ouest. «On n'a pas eu d'accrochages avec eux», dit Abou Adel. «On ne les aime pas plus que ça, mais nous n'avons pas de contentieux majeur pour le moment sur ce front.»
«Erdogan se comporte plus comme un chef de milice que comme un chef d'État»
Dans les rues de Manbij, l'atmosphère est presque normale. Des soldats américains s'arrêtent même pour acheter des kebabs. Mais les habitants se disent inquiets. «À Afrine, la Turquie a montré son véritable visage», dit Cheikh Farouk el-Machi, le coprésident du Comité civil de Manbij, l'organe de gouvernement placé à la tête de la ville. «Ils se prétendent des libérateurs, mais ils se comportent comme une force d'occupation. Ils défient et menacent tout le monde, et Erdogan se comporte plus comme un chef de milice que comme un chef d'État.»
Dans le bureau de l'«Organisation de l'aide aux familles des martyrs», qui prend en charge les conjoints et enfants des combattants des FDS tombés au feu, l'inquiétude est la même. «On compte beaucoup sur la présence des forces de la coalition», dit Kifal, une jeune veuve dont le mari a été tué en 2016 pendant les combats pour reprendre Manbij à l'État islamique, «mais on n'est pas tranquilles quand on entend les responsables occidentaux changer d'avis d'une semaine à l'autre».
D'autant que le front n'est pas calme. Sur la route d'Alep, où une grosse base américaine est installée au pied d'une gigantesque antenne de communication, le commandant Kendal indique sur une tablette les positions des forces turques. «La pression a augmenté beaucoup depuis la chute d'Afrine», dit-il. «Il y a des incidents presque tout le temps. Ce sont des tirs de mitrailleuse lourde, ou parfois de mortier ; la nuit, ils tirent des obus éclairants. On soupçonne les soldats turcs de se déployer en première ligne. Sans la présence des forces de la coalition, ils auraient déjà attaqué.»

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Bolton, un faucon à la droite de Trump (09.04.2018)
Par Philippe Gélie
Mis à jour le 09/04/2018 à 19h38 | Publié le 09/04/2018 à 19h15
ENQUÊTE - John Bolton a pris lundi ses fonctions de directeur du Conseil de sécurité nationale - le troisième à occuper ce poste en quatorze mois. Cet interventionniste affilié aux néoconservateurs ne cache pas sa défiance à l'égard des règles et des institutions internationales et «croit passionnément aux guerres préventives».
De notre correspondant à Washington
Le 29 mars dernier, le secrétaire à la Défense, James Mattis, l'a accueilli sur les marches du Pentagone avec une plaisanterie aigre-douce: «J'ai entendu dire que vous étiez le diable incarné, je voulais vous rencontrer.» John Bolton, 69 ans, a souri sous sa grosse moustache blanche, sans dissimuler son plaisir. Peu d'hommes sont précédés d'une réputation aussi sulfureuse que lui - patiemment bâtie et totalement assumée.
Au soir du 22 mars, lorsque Donald Trump a annoncé le choix de son troisième directeur du Conseil de sécurité nationale (CSN) en quatorze mois, l'immeuble Eisenhower qui jouxte la Maison-Blanche s'est vidé sous le choc plus tôt que d'habitude. Au département d'État comme au siège de l'ONU à New  York, ceux qui se souviennent du passage de Bolton ont ressorti leur armure. L'homme qui remplace depuis lundi le général H.R. McMaster ne s'est jamais distingué par ses idées modérées ou ses manières douces. «Son style sera de diriger un CSN impérial, où les ministères devront mettre en œuvre sans discuter la politique décidée à la Maison-Blanche», prédit Mark Groombridge, qui fut son assistant au département d'État.
La crise provoquée par la récente attaque chimique en Syrie va mettre immédiatement à l'épreuve sa vision du poste. «Bolton a toujours été un provocateur, observe John Bellinger, ancien du NSC et du département d'État. Mais on peut penser que certaines actions agressives qu'il préconisait lorsqu'il n'était pas au gouvernement lui apparaîtront différemment maintenant qu'il est responsable des conséquences.» Christopher Hill, un diplomate rompu aux négociations avec la Corée du Nord, souligne qu'il bénéficie d'une «énorme promotion: il n'a jamais eu ce niveau de responsabilité auparavant», explique-t-il à The Atlantic. «Il a toujours été une sorte d'électron libre, amusant mais pas particulièrement décisif. Tout cela change maintenant.»
«C'est un poseur de bombes. Et un drôle de petit enfoiré. Mais vous avez besoin de lui.»
Roger Ailes, feu le patron de Fox News à Steve Bannon
Ces observateurs méfiants sont exactement le genre de «bureaucrates» que méprise le nouveau conseiller - un trait qu'il partage avec le président. Dans ses Mémoires, Capituler n'est pas une option (1), Bolton dénonce «les carriéristes du département d'État formés à l'accommodement et au compromis avec les étrangers plutôt qu'à la défense agressive des intérêts américains.» Ce n'est pas un hasard si Steve Bannon, champion de la lutte contre «l'État profond», avait recommandé de l'embaucher dès la formation du gouvernement. Trump résistait, redoutant qu'il soit recalé par le Sénat comme en 2005 - et apparemment rebuté par sa moustache «ringarde». Mais le poste de conseiller à la sécurité nationale ne requiert pas l'approbation du Sénat.
«C'est un poseur de bombes, aurait dit à Bannon Roger Ailes, feu le patron de Fox News (2). Et un drôle de petit enfoiré. Mais vous avez besoin de lui.» La description renvoie sans doute à son caractère irascible et batailleur, quoique habile à flatter les puissants. Trump semble avoir été convaincu par ses fréquentes apparitions sur la chaîne conservatrice, où Bolton ne s'est jamais montré avare de compliments envers le président. Lors d'une audience devant le Sénat pour sa confirmation - jamais aboutie - au poste d'ambassadeur à l'ONU en 2005, Carl Ford, un républicain qui l'avait côtoyé au département d'État, le décrivait ainsi: «A kiss-up kick-down sort of guy», un type obséquieux avec ses supérieurs et «qui abuse de son autorité avec les petites gens.»
Ce fils de pompier de Baltimore a pourtant des origines modestes. Diplômé de Yale, avocat de formation, il a passé l'essentiel de sa carrière dans le gouvernement fédéral - servant tous les présidents républicains depuis Reagan - ou dans les think-tanks conservateurs qui font office de salle d'attente durant les Administrations démocrates. Comme sous-secrétaire d'État sous George W. Bush, il a retiré la signature américaine du Tribunal pénal international et lancé avec succès l'Initiative de sécurité contre la prolifération (PSI). Comme représentant aux Nations unies - un «intérim» de dix-sept mois faute de vote du Sénat -, il a mis en pratique sa philosophie d'une institution qui «pourrait perdre dix étages sans que cela ne change rien». «Je connais son dédain de l'ONU et je le partage», déclare l'actuelle titulaire, Nikki Haley.
Des accusations de harcèlement sexuel ont été portées contre Bolton, un autre point commun avec le président
Surestimant sa notoriété, Bolton avait brièvement envisagé de s'aventurer dans la course présidentielle en 2016. À la place, il a créé deux comités d'action politique (PAC) à son nom, qui ont levé 15 millions de dollars depuis 2013. Il devra les mettre en sommeil, ainsi que sa Fondation pour la sécurité et la liberté de l'Amérique. Son principal donateur est le milliardaire Robert Mercer, financier de Bannon, actionnaire de Breitbart News et de Cambridge Analytica. Bolton fut l'un des premiers clients aux États-Unis de cette entreprise accusée d'avoir manipulé les données de 87 millions de comptes Facebook.
Marié deux fois, père d'une fille qui a suivi ses traces à Yale, John Bolton maintient sa vie privée dans l'ombre. D'après les documents de son divorce en 1983, sa première épouse avait profité d'une de ses absences pour fuir le domicile conjugal en emportant les meubles. Des accusations de harcèlement sexuel ont été portées contre lui, un autre point commun avec le président. «Si je dis ça à Trump, il va l'embaucher», avait répliqué Bannon à Ailes qui lui confiait la chose (2). Les commentateurs politiques se sont étonnés que le président de «l'Amérique d'abord», dont l'unilatéralisme a parfois été pris pour de l'isolationnisme, recrute un interventionniste affilié aux néoconservateurs. Proche de l'ancien vice-président Dick Cheney, Bolton avait poussé à l'invasion de l'Irak et ne l'a jamais reniée depuis, alors que Trump y voit «une décision catastrophique». «Il n'y a pas une seule guerre en vue d'un changement de régime, où que ce soit, que John Bolton n'ait soutenue», dit Jon Soltz, président d'une association de vétérans de la guerre d'Irak. Fox News l'a adoubé comme «l'homme le plus radical sur la Corée du Nord». Dans une tribune en février au Wall Street Journal, il jugeait «parfaitement légitime pour les États-Unis de répondre au défi nucléaire nord-coréen en frappant les premiers». Après avoir déclaré que «parler à Kim Jong-un est pire qu'une perte de temps», il s'est ravisé pour applaudir le sommet accepté par Trump, «qui va l'empêcher de gagner du temps». En 2003, l'Administration Bush avait dû le retirer de l'équipe de négociateurs après qu'il eut qualifié Kim Jong-il de noms d'oiseau, Pyongyang le traitant en retour d'«ordure» et de «sangsue».
«Comme Trump, les dérives totalitaires ou les violations des droits de l'homme l'indiffèrent tant qu'elles ne menacent pas les États-Unis»
Kmele Foster
Les dirigeants iraniens le voient aussi, avec raison, comme un homme voué à leur perte. En janvier, il a réitéré sa condamnation de l'accord nucléaire comme «un faux pas stratégique majeur» et préconisé que les États-Unis «mettent fin à la révolution islamique avant son 40e anniversaire», en février prochain. En 2015, il conseillait déjà: «Pour stopper la bombe iranienne, bombardons l'Iran.» Sur sa recommandation, il est probable que Trump suivra son «instinct» et se retirera de l'accord à la mi-mai.
Bolton maintient qu'il fallait éliminer Saddam Hussein - comme il l'a suggéré depuis pour Kadhafi, la dynastie des Kim et les ayatollahs de Téhéran. Ce qu'il dénigre, ce sont les efforts futiles de démocratisation qui ont suivi: «Il se serait fort bien accommodé de remplacer Saddam par un autre dictateur à la botte de Washington tout en gardant le pétrole comme le suggère Trump, assure Kmele Foster, qui l'a côtoyé sur Fox. Comme Trump, les dérives totalitaires ou les violations des droits de l'homme l'indiffèrent tant qu'elles ne menacent pas les États-Unis.»
Le monde de John Bolton est divisé en deux camps, les vassaux et les adversaires. «Les Nations unies n'existent pas, disait-il en 1994. Ce qui existe, c'est une communauté internationale qui peut être occasionnellement dirigée par la seule véritable puissance mondiale, quand cela sert nos intérêts.» Son nationalisme, sa croyance en «la paix par la force», sa défiance des règles et des institutions internationales, sa prédilection pour les accords bilatéraux et les coalitions de volontaires, tout cela l'aligne parfaitement sur le président qui déclarait en novembre 2015: «J'adore la guerre, dans un certain sens.»
«Un faucon parmi les faucons, un radical qui enchante les conservateurs et donne le frisson aux modérés»
New York Times
Comme pour ce dernier, son «réalisme cynique» divise. «Un faucon parmi les faucons, un radical qui enchante les conservateurs et donne le frisson aux modérés», a écrit le New York Timesà propos de Bolton. Le New Yorker lui a décerné le brevet de «diplomate américain le plus corrosif du XXIe siècle». «Mon Dieu, s'est exclamé le sénateur démocrate Chris Murphy. La personne qui sera la première à entrer et la dernière à sortir du Bureau ovale croit passionnément aux guerres préventives.»
Sa nomination «est une bonne nouvelle pour les alliés de l'Amérique et une mauvaise nouvelle pour ses ennemis, le contredit le républicain Lindsey Graham. Il a une compréhension solide des menaces auxquelles nous sommes confrontés.» Michael Rubin, son collègue à l'American Enterprise Institute, estime: «En termes d'organisation, d'intellect, d'équité, d'engagement et de poursuite des intérêts américains, Bolton pourrait se révéler le meilleur conseiller à la sécurité nationale en une génération.»
Tout en le jugeant «intelligent, éduqué, doté de principes et d'expérience», le chroniqueur conservateur George Will estime que sa nouvelle position fait de lui «le deuxième Américain le plus dangereux» après le président. Dans une note envoyée à ses clients, l'agence de conseil Eurasia Group résume ainsi l'arrivée de Bolton: «L'Amérique d'abord, sous stéroïdes».
(1) Surrender is Not an Option, Threshold Ed., 2007.
(2) Le Feu et la Fureur, de Michael Wolff, Ed. Robert Laffont, 2018.

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NDDL : au premier jour de l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite (09.04.2018)
Par Angélique Négroni
Mis à jour le 09/04/2018 à 20h46 | Publié le 09/04/2018 à 19h35
REPORTAGE - Entre une action policière efficace et un soutien affaibli en faveur des 300 occupants sans titre, la ZAD n'était plus, ce lundi, cette citadelle imprenable qui avait résisté, en 2012, au millier de gendarmes engagés.
Envoyée spéciale à Notre-Dame-des-Landes
Dès 4 heures du matin ce lundi, sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le face-à-face a duré des heures. Plongés dans le noir et dispersés dans un champ gorgé d'eau, zadistes et forces de l'ordre se sont affrontés. Les premiers ont lancé des projectiles en blessant un gendarme, les autres ont répliqué en tirant des grenades lacrymogènes.
Près de trois mois après l'abandon du projet d'aéroport, l'État a ainsi lancé une vaste opération d'expulsions visant près de 100 des 300 zadistes sur place. Dans la nuit de dimanche à lundi, les 2500 gendarmes mobilisés avaient commencé à préparer leur intervention. Devant intervenir sur les squats situés aux abords de la RD281, cette «route des chicanes» longtemps occupée par les zadistes, ils en avaient bloqué les accès. Démarrant leur progression vers 3 heures du matin, les forces de l'ordre se sont avancées avec précaution. «Certains barrages étaient en flammes et des bouteilles de gaz ont été retrouvées», a indiqué un peu plus tard, non loin du théâtre des opérations, le responsable de la gendarmerie, Richard Lieurey.
Maîtrise rapide de la situation
Néanmoins, les forces de l'ordre ont assez rapidement maîtrisé la situation. Ayant tenu à distance militants et journalistes, ils ont procédé à diverses expulsions, en délimitant à chaque fois un périmètre précis d'intervention. En présence des services sociaux, de déménageurs et d'huissiers, ils ont ainsi anéanti une dizaine de squats dès la fin de matinée. «Cela prend du temps, car on relève les identités et il y a des formalités à accomplir», souligne la gendarmerie. L'intérieur de ces premiers lieux détruits abritait six personnes auxquelles des solutions de relogement ont été proposées. Toutes ont refusé. «Mais à chaque fois, il n'y a eu ni violence ni résistance», ajoute un observateur avec satisfaction. Organisée au cordeau, l'opération a, pour l'heure, porté ses fruits. «Contrairement à 2012, les militaires ne se sont pas dispersés et ont agi secteur par secteur. Ils ont réussi leur coup», admet même un zadiste.
Entre une action policière efficace et un soutien affaibli en faveur de ces 300 occupants sans titre, la ZAD n'était plus, ce lundi, cette citadelle imprenable qui avait su résister, en 2012, au millier de gendarmes engagés dans l'opération «César 44». Malgré l'appel réitéré des zadistes pour demander des renforts, les nouveaux arrivants, cette fois, n'étaient guère nombreux. Au cœur de la nuit, et au tout début du bras de fer avec les forces de l'ordre, ils étaient au mieux plusieurs centaines à tenir tête au dispositif des gendarmes sur la partie sud-est de la ZAD. Malgré les yeux rougis, les visages crispés par les jets réguliers de gaz lacrymogène, ils ont défendu leur position en lançant quelques paroles provocatrices et quelques projectiles. Le seul moment fort de la résistance. Après quoi la dispersion s'est vite étoilée vers divers lieux de la ZAD.
En bottes maculées de boue, les visages dissimulés sous des foulards - et sans arme artisanale qu'on leur prêtait pourtant avoir -, cette armée de militants de tous âges a ensuite rejoint des tentes ou des habitations menacées d'expulsion. Mais un air de défaite accompagnait leur marche. «On est bien moins nombreux qu'en 2012. C'est la faute à l'aéroport qui a été abandonné», lâche un zadiste dépité. Ce projet auquel le gouvernement a renoncé ne cimente plus, en effet, la lutte qui a changé de nature. Les zadistes, qui défendent sur ce territoire un modèle de société alternatif, et qui refusent de s'inscrire dans la légalité, ne font plus recette.
Appel à la mobilisation
Au cours d'une conférence de presse donnée par ces derniers, lundi matin, tous étaient abattus. L'opération d'expulsion qui devait être ciblée a pris des airs, selon eux, d'évacuation généralisée. «C'est une action d'ampleur qui est menée et on annonce la destruction de 40 lieux de vie sur 97», se désespère l'un d'eux en lançant une fois de plus un appel à la mobilisation, tout en répétant que c'est comme un seul homme que la ZAD défendra tous ses occupants.
«On a fait le choix digne d'être solidaire entre nous car on porte un projet commun», ajoute-t-il en reconnaissant qu'un coup dur a été porté à la ZAD. À ses côtés, se tenait une représentante de l'Acipa, l'une des associations historiques, rassemblant les agriculteurs du coin, qui a toujours lutté avec les zadistes. Mais, depuis l'abandon de l'aéroport, le soutien n'est plus aussi solide. «Cela dépend des gens», dit cette représentante. Sous le coup de l'émotion, et à constater la dislocation de la ZAD, certains se sont pris dans les bras.
«Plus ça va aller, plus ça va être compliqué»
Mais le pire pour les zadistes n'était pas encore arrivé. En début d'après-midi, les forces de l'ordre ont porté atteinte «à une structure emblématique» en encerclant le lieu des Cent Noms et en le détruisant en partie. «Cet endroit est un modèle, porteur d'un projet de vie agricole parfaitement abouti, avec des gens modérés qui auraient pu accepter un cadre légal pour continuer leur action», se désole Marcel Thébaud, l'un des agriculteurs expulsé qui devrait récupérer ses terres.
En larmes, certains soutiens aux zadistes ont alors crié à la trahison. «La préfète avait parlé d'expulsion ciblée de radicaux. Et on s'en prend à des habitants qui n'ont pas ce profil», lâche l'un d'eux. «Nous avions fait une démarche pour nous inscrire auprès de la Mutuelle sociale agricole. Et cela n'a pas été pris en compte», dénonce l'une des habitantes des Cent Noms qui, à la hâte, a pu mettre à l'abri les brebis. Quant aux autres habitants qui s'étaient perchés sur les toits, ils ont été délogés un à un par les forces de l'ordre. Puis les pelleteuses ont fait leur apparition. La destruction des lieux - une grange et diverses maisons - était semble-t-il une affaire d'heure. Même si les gendarmes reprennent, ce mardi à 6 heures, leurs opérations, ils ont, semble-t-il, gagné le début de la partie. La préfète, elle, reste prudente: «Plus ça va aller, plus ça va être compliqué, craint-elle. On a fait le plus simple».

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journaliste
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 Emmanuel Macron consacré parmi les jeunes leaders mondiaux à Davos (16.03.2016)
Par Jean-Pierre Robin
Mis à jour le 16/03/2016 à 11h02 | Publié le 16/03/2016 à 10h17
Le Ministre de l'Économie a été désigné aujourd'hui comme l'un des 121 «maîtres du monde» de moins de 40 ans, ainsi qu'une Française , Maelle Gavet, qui travaille dans le commerce en ligne.
Emmanuel Macron n'en finit pas de faire le buzz. Cette fois c'est le Forum économique mondial de Davos qui s'empare de sa personne pour le mettre sur un piédestal en le désignant Young Global Leader (YGL), jeune leader mondial. Il fait ainsi partie de la promotion 2016 des 121 «hommes et femmes de moins de 40 ans, scientifiques, chefs de gouvernement, futurs chefs d'entreprise, activistes sociaux qui façonnent la politique, la société et le monde qui les entourent».
Le Forum de Davos qui a toujours été fasciné par les «maîtres du monde», pour employer un langage caricatural compréhensible de tous, est particulièrement soucieux de pister les jeunes pousses, les espoirs. Il se targue notamment d'avoir couronné en sont temps parmi les YGL, David Cameron l'actuel premier ministre britannique.
La promotion 2016 des YGL comporte plus de femmes que d'hommes, nous est-il dit. Dont une Française, Maelle Gavet, «vice président exécutif des opérations mondiales à Priceline», un site américain qui aide à obtenir des tarifs avantageux sur les compagnies aériennes et tous les produits connexes. Cette diplômée de la Sorbonne et de l'IEP de Paris «est considérée comme l'une des principales femmes cadres «tech» au monde et a déjà travaillé à Ozon, le géant du commerce électronique basé à Moscou, connu comme la réponse de la Russie à Amazon», précise le Forum de Davos.
Maelle Gavet et Emmanuel Macron, nés exactement la même année (on ne dira pas laquelle par délicatesse) sont les deux seuls français YGL 2016. Parmi les autres promus on distingue «une femme qui travaille pour arrêter le trafic illégal d'organes, une autre qui est dans le domaine du recyclage des déchets radioactifs de l'énergie nucléaire, une troisième qui fait repousser les os humains endommagés, un leader de la technologie au Kenya, l'une des femmes élues au parlement de l'Afghanistan, le directeur adjoint de la Commission nationale du développement et de la réforme de la Chine qui conduit des travaux pour réduire les émissions de carbone du pays». Une liste à la Prévert, et totalement cosmopolite.
Si la palette des compétences retenues est très large, les seuls dénominateurs communs sont le leadership , l'esprit d'innovation , de changement et d'ouverture au monde. «Les moins de 40 ans à la tête de la quatrième révolution industrielle», s'enthousiasme le World Economic Forum.
La nomination d'Emmanuel Macron fera à n'en pas douter l'unanimité. Ses fans verront que ses qualités de modernisme sont reconnues internationalement. Quant à ceux qu'il irrite, surtout à gauche, ils se réjouiront de constater que le ministre de l'Économie ressemble décidément à la caricature qu'ils s'en font. Tout le monde est content.
Journaliste
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Les Pays-Bas suppriment le référendum (10.04.2018)
PUBLIÉ PAR GAIA - DREUZ LE 10 AVRIL 2018
Les partis de la coalition au pouvoir ont été échaudés. Ils ne veulent plus traîner le résultat des consultations comme un boulet.
Les députés néerlandais ont adopté par 76 voix contre 69, jeudi, un projet de loi qui prévoit la suppression du référendum consultatif. Jusqu’à maintenant, lorsqu’une pétition avait récolté plus de 300 000 signatures, le gouvernement se voyait contraint d’organiser un scrutin. Un référendum de ce type sur le pouvoir des services de renseignements est prévu le 21 mars. Ce pourrait bien être le dernier.
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Le texte préparé par la ministre des Affaires intérieures, Kajsa Ollongren, met en fureur une partie de l’opposition. À commencer par le nouveau parti d’extrême droite Forum pour la démocratie qui, dans les sondages, concurrence désormais sérieusement le Parti pour la liberté du sulfureux Geert Wilders. « Kajsa Ollongren est l’assassin de la démocratie », a lancé le chef de Forum pour la démocratie, Thierry Baudet.
De 1952 à 2015, seuls deux référendums, dont celui qui a vu le rejet de la Constitution européenne en 2005, avaient été organisés aux Pays-Bas. Mais depuis peu, les consultations se multipliaient. En 2016, les Néerlandais ont dû répondre « oui » ou « non » à l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Et en mars, ils doivent se prononcer sur les pouvoirs accordés aux services des renseignements néerlandais.
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Dans le cas du référendum sur l’Ukraine, le « non » l’avait emporté. Pendant des mois, le gouvernement néerlandais avait traîné le résultat comme un boulet, avant de décider de ne pas remettre en cause l’accord entre Bruxelles et Kiev.
Source : Ouest-france.fr

Conférences, tri sélectif et soirées techno : bienvenue dans la ZAD de Tolbiac (09.04.2018)
Par Paul de Coustin • Publié le 09/04/2018 à 12:12 • Mis à jour le 09/04/2018 à 12:40
Malgré le blocage, les occupants de Tolbiac organisent de nombreux événements au sein du centre.Crédits photo: CHRISTOPHE SIMON/AFP

REPORTAGE - Dans les bâtiments austères du centre de l’université Paris I, occupé depuis deux semaines, les manifestants développent une véritable vie en communauté. Ce samedi 7 avril, ils organisaient une soirée dans les amphithéâtres de Tolbiac.
«Ça fait du bien de vivre en dehors du capitalisme». Une jeune femme au crâne rasé sur les côtés, qui porte de longues tresses teintes en rouge, se réjouit du succès de l’occupation du campus de Tolbiac, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Voici deux semaines que des dizaines d’étudiants et de militants, en majorité d'extrême gauche, occupent ce centre de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne pour manifester contre la politique du gouvernement et la réforme de l’accès à l’université.
Ce samedi 7 avril, les occupants organisent une «soirée techno» dans l’amphithéâtre K, une manière de décompresser après l’attaque subie la veille, quand une bande de jeunes casqués ont lancé des projectiles et des fumigènes sur le bâtiment, réclamant son évacuation. Six des assaillants ont été interpellés et ont passé le week-end en garde à vue.
Des «cours d’autodéfense au piolet»
Tous les accès au centre sont fermés, et l’on pénètre sur le campus par l’arrière du bâtiment, en escaladant une grille à l’aide de cordes. Plusieurs camions de CRS surveillent les allées et venues des occupants et des curieux, certainement pour empêcher de nouveaux affrontements. Dans la «fosse», la cour extérieure du centre qui donne sur la rue, des dizaines de personnes sont réunies en petits groupes, autour de bouteilles d’alcool et de choses à grignoter. Sur la façade grise de la tour centrale du bâtiment, les occupants ont hissé de grandes lettres peintes en rouge et noir pour former le surnom emblématique de leur zone à défendre.
En pénétrant dans le bâtiment, une grande banderole «Commune Libre de Tolbiac» accueille les visiteurs. Le
fameux amphithéâtre N, où ont lieu les assemblées générales, a été rebaptisé «amphi dodo». Des pancartes à l’entrée prient les passants de respecter le sommeil des camarades fatigués par leur journée de lutte. Les curieux qui prennent des photos où des vidéos sont rapidement réprimandées par les occupants. «Surtout, pas de visages» indiquent-ils.
Sur les murs de l’accueil, on découvre le programme des différentes conférences organisées par les militants. On pouvait assister samedi à des débats concernant la «Préparation occupation Paris 3», une «réunion non-mixte d’auto-support (sans mecs)», ou encore une conférence sur le thème «Tchétchénie, la souffrance d’un peuple», ainsi qu’un surprenant «cours d’autodéfence au piolet» (sic).
«Pas de drogues dures»

En deux semaines, les occupants du site ont développé une véritable vie en communauté. Les tâches ménagères sont réparties sur un grand en carton, où l’on peut s’inscrire pour la «Team bouffe» ou pour faire le ménage. Tous les déchets doivent être triés. Dans un couloir, un fil tendu permet de sécher du linge. Une salle entière s’est transformée en épicerie solidaire, où chacun peut venir se servir en fruits, légumes, ou se faire une tartine. Un coin cuisine a également été aménagé, avec plusieurs réchauds sur lesquels sont posées de grandes casseroles. Au menu samedi soir, du chou.
Quelques règles de vie sont également précisées: «Pas de bruit entre 12h (minuit, NDLR) et 9h», «on ne fume pas à l’intérieur»,
«Pas de drogues dures». Lors de la «soirée techno», ce samedi soir, ces règles n’ont pas forcément été respectées. Dans l’amphi K, la soirée a tardé à décoller. Un jeune homme à crête brune a d’abord eu du mal à faire démarrer la grosse enceinte, à cause d’un faux contact. Une fois la musique lancée, avec quelques classiques de rap français, elle est à nouveau interrompue par un occupant, qui impose «de la musique militante» avant de lancer l’Internationale sous les rires et les vivats des jeunes présents.
Des cocktails molotov retrouvés sur le campus
Puis, les quantités d’alcool et de cannabis consommé aidant, l’ambiance prend au sein de la Commune Libre de Tolbiac. Jusque très tard dans la soirée, des centaines de jeunes aux profils très divers viennent danser au son de musique techno, de hip-hop américain et de classiques des soirées dansantes comme «Freed from desire» de Gala, ou «Les Démons de minuit» d’Émile et Images.
Malgré la détermination des jeunes, l’occupation du campus est néanmoins menacée. Dimanche, un agent de sécurité a trouvé plusieurs cocktails molotov sur une terrasse extérieure. Une enquête a été ouverte pour «détention de substance, produit incendiaire, explosif ou d’éléments destinés à composer un engin incendiaire ou explosif en vue de préparer une destruction, dégradation ou atteinte aux personnes». Si la responsabilité des occupants est avérée dans leur confection, l’évacuation du bâtiment par les forces de l’ordre pourrait être décidée. Et mettre fin à la «Commune Libre de Tolbiac».
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Enquête ouverte après la découverte de cocktails molotov à Tolbiac (09.04.2018)
Par Le Figaro Etudiant • AFP agence • Publié le 09/04/2018 à 09:54 • Mis à jour le 09/04/2018 à 12:51
En fonction des résultats de l’enquête, les occupants de Tolbiac pourraient se faire déloger. Crédits photo: CHRISTOPHE SIMON/AFP
Alors que le campus parisien est toujours bloqué et occupé par plusieurs dizaines de personnes, la découverte de ces engins explosifs pourrait entraîner l’évacuation des manifestants par les forces de l’ordre.
Une enquête a été ouverte après la découverte dimanche de 5 cocktails molotov à l’intérieur de la faculté parisienne de Tolbiac, bloquée depuis près de trois semaines par des opposants aux modalités d’accès à l’université, a indiqué lundi une source judiciaire. Les engins ont été trouvés par un responsable de la sécurité du site, sur une terrasse extérieure.
L’enquête, ouverte par le parquet de Paris et confiée à la sûreté territoriale devra déterminer qui est à l’origine de la fabrication de ces engins explosifs, a précisé la source judiciaire, confirmant une information de RMC/BFM TV. Des analyses sont également en cours pour déterminer la dangerosité des engins. Elle vise des faits de «détention de substance, produit incendiaire, explosif ou d’éléments destinés à composer un engin incendiaire ou explosif en vue de préparer une destruction, dégradation ou atteinte aux personnes», a précisé la source.
Un blocage sous pression
En fonction des résultats de l’enquête, la direction de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, qui se refuse pour le moment à toute intervention armée, pourrait appeler les forces de l’ordre à l’aide et faire évacuer le bâtiment. Les occupants sont bien déterminés à rester, avec l’organisation d’une nouvelle assemblée générale ce lundi à 11h et de nombreuses conférences organisées toute la journée.
Vendredi soir, des échauffourées ont éclaté quand un groupe de jeunes casqués, armés de battes de baseball, avaient lancé des projectiles contre les étudiants bloqueurs. Après les rixes, six personnes ont été interpellées et doivent être présentées lundi matin au parquet de Paris en vue d’éventuelles poursuites. Cinq d’entre eux sont des étudiants d’autres universités, le sixième est lycéen, selon une source judiciaire.
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Münster : des lettres témoigneraient des idées suicidaires du conducteur (07.04.2018)
Par Le figaro.fr
Mis à jour le 08/04/2018 à 20h53 | Publié le 07/04/2018 à 17h41
VIDÉO - L'homme qui a foncé avec une camionnette sur des clients assis à la terrasse d'un café-restaurant en Allemagne, samedi, souffrait de problèmes psychologiques, selon la police. La piste de l'attentat a été écartée.
Des troubles psychologiques et des intentions suicidaires. C'est la piste privilégiée par les enquêteurs pour expliquer le geste de cet Allemand qui a foncé samedi après-midi dans la foule à Münster, dans le nord-ouest de l'Allemagne. Au volant de sa camionette, l'homme âgé de 48 ans a tué deux personnes et en a blessé vingt autres, dont six sont encore entre la vie et la mort. Les faits ont eu lieu vers 15h30 dans le centre-ville, à une heure très fréquentée où les rues étaient bondées et les commerces remplis de clients, en cette journée ensoleillée.
Le conducteur, Jens R., a «foncé sur des terrasses de café et de restaurant sur une place du centre-ville», a indiqué une porte-parole de la police. Dans la foulée, il s'est suicidé avec une arme à feu dans son véhicule. La police a passé de nombreuses heures ensuite à sécuriser sa camionnette, où des fils de fer suspects étaient visibles, de crainte que s'y trouve un engin piégé. Au bout du compte, elle n'a trouvé que l'arme du conducteur, un pistolet d'alarme et une dizaine de très gros feux d'artifice, dont la poudre peut servir à confectionner un explosif.
Il avait menacé d'attaquer son père à coups de hache
Alors que l'Allemagne était plongée dans l'effroi et la crainte d'un nouvel attentat, la piste terroriste a été écartée samedi soir. «Rien n'indique pour le moment qu'on ait affaire à des motivations islamistes», avait affirmé le ministre de l'Intérieur de la région du nord-ouest de l'Allemagne, Herbert Reul. Exit la piste politique. L'homme n'avait pas d'antécédent terroriste. Le conducteur du véhicule-bélier était «un Allemand et non un réfugié comme on le colporte partout», avait aussi souligné le ministre.
Après plusieurs heures d'investigations, la police a finalement avancé la piste médicale et déclaré dimanche soir que le conducteur souffrait de problèmes psychologiques, confirmant des informations déjà relayées par la presse. Les enquêteurs se sont intéressés à sa personnalité et ont découvert qu'il rencontrait de nombreuses difficultés. Jens R. était connu des services psychiatriques de la ville de Münster, où il avait sa résidence principale, et avait fait l'objet depuis 2014 de plaintes pour violences ou menaces venant principalement de sa famille. Selon la chaîne de télévision n-tv, l'homme a notamment par deux fois menacé des membres de sa famille, dont son père, de les attaquer à coups de hache.
Des intentions suicidaires dans des lettres
Selon plusieurs médias, cet Allemand avait aussi envoyé fin mars, et laissé dans un de ses appartements, des lettres de plusieurs pages, d'où ressortent clairement ses intentions suicidaires. Il accuse dans ces longues missives ses parents et les médecins de ses difficultés et y reconnaît aussi ses problèmes psychologiques, en parlant de «troubles du comportement» et de «phases agressives». Il avait fait «il y a peu» une tentative de suicide, selon la chaîne de télévision publique ZDF.
Selon Hans-Joachim Kuhlisch, chef de la police de Münster, des perquisitions ont été effectuées dans la nuit de samedi à dimanche dans les quatre appartements que l'homme âgé de 48 ans possédait. Les recherches effectuées jusqu'ici n'ont pour le moment pas permis de privilégier la piste politique. Selon la chaîne ZDF, il entretenait des liens avec les milieux d'extrême droite. Les deux victimes, de nationalité allemande, sont une femme de 51 ans et un homme de 65 ans.
L'Allemagne, cible des djihadistes
Si les motivations exactes du conducteur restent mystérieuses, l'incident a réveillé les pires craintes des Allemands. À deux reprises en 2017, en févrierpuis en novembre, deux conducteurs avaient fauché un groupe de personnes avec leur voiture. Dans les deux cas, la piste terroriste n'avait pas été privilégiée. Les autorités allemandes restent néanmoins vigilantes en raison de la menace djihadiste qui pèse sur le pays. L'Allemagne avait été frappée par un attentat à la voiture bélier en décembre 2016 sur un marché de Noël, qui avait fait 12 morts et fut revendiqué par l'organisation État islamique (EI). Son auteur, le Tunisien Anis Amri avait été tué quelques jours plus tard près de Milan.
Plus récemment, à la fin du mois de juillet 2017, un demandeur d'asile en passe d'être débouté a tué une personne à coups de couteau dans un supermarché et en a blessé six autres, un acte motivé selon la justice par «l'islamisme radical». Et fin octobre, la police allemande a interpellé un Syrien de 19 ans soupçonné de préparer un «grave attentat» à la bombe. Les mouvements islamistes potentiellement violents ont connu ces deux dernières années un essor dans le pays. Les services du renseignement intérieur estiment à environ 10.000 le nombre d'islamistes radicaux en Allemagne, dont 1600 soupçonnés de pouvoir passer à la violence. Le pays reste une cible pour des groupes djihadistes, en particulier en raison de son engagement au sein de la coalition combattant l'EI en Irak et en Syrie et dans celle déployée en Afghanistan depuis 2001.
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Hongrie : la victoire d'Orban marque une vision de l'UE frontalement opposée à celle de Macron (09.04.2018)

Par Jean-Jacques Mével
Mis à jour le 09/04/2018 à 20h09 | Publié le 09/04/2018 à 20h04
VIDÉO - Avec les élections législatives remportées haut la main par le premier ministre hongrois, les courants les plus eurosceptiques de la droite dure prennent leur revanche sur les succès centristes de 2017.
À Bruxelles
2017 fut la saison des victoires électorales au centre, des Pays-Bas à la France s'affranchissant de la droite et de la gauche avec Emmanuel Macron à l'Allemagne neutralisant l'alternance dans une coalition Merkel IV. L'année 2018 se profile au contraire comme la revanche du souverainisme, de la droite dure et des extrêmes: la République tchèque, l'Italie et depuis dimanche la Hongrie de Viktor Orban.
Avec la victoire retentissante de l'homme fort de Budapest, les deux camps sont ainsi délimités et leurs chefs de guerre investis à un an des élections européennes, l'échéance politique qui va convoquer 350 millions d'électeurs aux urnes et changer les visages à tous les étages du pouvoir à Bruxelles. La vision du premier ministre Orban s'oppose radicalement à celle du président Macron. Pourtant, ils ont un vrai point en commun: la volonté de changer la donne partisane et l'UE tout entière, profitant à la fois des déchirements de la droite classique et du déclin annoncé d'Angela Merkel, papesse de la démocratie chrétienne sur le continent.
Les réactions à la victoire du chef du gouvernement hongrois, dotée d'une super-majorité parlementaire des deux tiers pour un troisième mandat consécutif de quatre ans, illustrent le clivage. Sans nommer Viktor Orban, le président français a critiqué, lundi, les dirigeants européens «qui se nourrissent de l'angoisse» populaire en exploitant le double spectre d'une immigration massive et d'un pouvoir bruxellois aussi technocratique que débridé. Ce n'est pas la première fois que l'Élysée cible le régime hongrois, déjà accusé de pratiquer le dumping fiscal à l'intérieur des frontières de l'UE, de niveler la protection sociale par le bas et de se gaver de fonds européens.
Sans surprise, les droites extrêmes et radicales se sont emparées du résultat hongrois afin de célébrer «un jour noir pour l'UE et une journée superbe pour l'Europe», selon les mots de Beatrix von Storch, numéro deux du parti nationaliste allemand AfD. La Ligue italienne, en marche sur Rome, etl'antimusulman néerlandais Geert Wilders sont sur la même ligne, en compagnie de Marine Le Pen, qui voit dans le scrutin hongrois «un nouveau rejet de l'immigration de masse et de l'inversion des valeurs» nationales.
Vétéran des sommets de l'UE
Il serait pourtant réducteur de ne voir dans la réélection de Viktor Orban qu'un énième sursaut du nationalisme en Europe ou l'effet finalement prévisible d'un sentiment d'assiégé typiquement magyar. L'homme est le vétéran des sommets de l'UE, il fréquente tout le monde. Il s'est juré de conduire et de rendre le conservatisme européen à ses racines «chrétiennes» lorsque l'heure de la chancelière allemande aura sonné. Il étend son influence, voire son autorité à toute l'Europe centrale, de l'Autriche de Sebastian Kurz à la Pologne de Jaroslaw Kaczynski.
Signe des temps, c'est le Parti populaire européen, organisation transnationale de la droite à laquelle émargent Angela Merkel, Jean-Claude Juncker, Silvio Berlusconi ou encore Laurent Wauquiez, qui a le premier salué le succès d'un camarade de parti: «Félicitations à Viktor #Orban et au #Fidesz pour leur nette victoire (...). J'ai hâte de continuer à travailler avec vous pour des solutions communes aux défis européens», écrit sur son compte twitter Manfred Weber, patron du PPE. Horst Seehofer, ministre allemand de l'Intérieur et membre lui aussi de la CSU, branche bavaroise et conservatrice de la démocratie chrétienne, n'est pas en reste.
Entre Paris et Berlin, le dossier Orban pourrait ouvrir un clivage de plus, quand l'agenda de réformes européennes promises par le président et par la chancelière donne depuis un an un dangereux sentiment de surplace. À peine lancé dans la campagne des européennes, Emmanuel Macron trouve à Budapest le repoussoir de tout ce qui ne marche pas dans l'UE. Au pouvoir depuis presque aussi longtemps que le patron du Fidesz, Angela Merkel n'a que rarement trouvé à redire aux dérives hongroises contre l'indépendance de la presse et l'autonomie de la justice.
En dehors du Parlement de Strasbourg et de la France, rares sont les acteurs pressés d'en découdre avec la Hongrie. Au contraire du gouvernement polonais, «Viktor Orban a modifié la Constitution hongroise avec les suffrages nécessaires, confiait récemment Frans Timmermans, numéro deux (social-démocrate) de la Commission Juncker. Il est aussi plus malin: il sait faire marche arrière quand il le faut.» La question est désormais de savoir s'il en éprouvera encore le besoin, avec les voix de 49  % de Hongrois, une majorité constitutionnelle toute neuve et la «contre-révolution culturelle» qu'il promet à l'UE tout entière...
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Journaliste

La stratégie du pouvoir hongrois pour museler les médias (08.04.2018)

Par Laure Mandeville
Mis à jour le 08/04/2018 à 20h45 | Publié le 08/04/2018 à 19h45
REPORTAGE - Les temps sont durs pour le journalisme indépendant en Hongrie, le contrôle du pouvoir s'étend de plus en plus, notamment dans les chaînes de télévision et dans les médias locaux.
Envoyée spéciale à Budapest
Mardi dernier, vers 19 h 30, Gabor Horvath, rédacteur en chef de Népszava, le plus grand journal d'opposition de Hongrie (21.000 exemplaires), proposait le tour du propriétaire - essentiellement une grande salle encombrée et sans fenêtres d'un immeuble du centre-ville. Quelques dizaines de journalistes s'activaient devant des écrans d'ordinateur, sous le portrait au regard bienveillant de François Fejtö, historien hongrois de Paris aujourd'hui décédé, connu pour sa célèbre Histoire des démocraties populaires. «Comme vous le voyez, ce ne sont pas des conditions idéales. Les temps sont durs pour le journalisme indépendant, je n'ai que 45 personnes en tout ici», soupirait ce reporter chevronné, passé notamment par Washington.
Pas question d'avoir le moindre correspondant à l'étranger: trop cher. Gabor Horvath ajoutait toutefois que «ses journalistes restaient combatifs», ce qui l'aidait à continuer. «Il est tellement important de garder les contre-pouvoirs vivants face à la vaste entreprise de contrôle des médias qu'a déployée la machine Orban depuis huit ans. Il y a clairement une volonté d'étouffer tous ceux qui sont en désaccord avec l'équipe en place», ajoutait Horvath, journaliste affable et posé, aux cheveux gris argenté. Une volonté dont il a personnellement fait les frais, raconte-t-il.
«Nous avions sorti une affaire sur le chef de cabinet de Viktor Orban. Il avait promis de nous poursuivre en justice. Mais en fait, on nous a tout simplement fermés!»
Jusqu'en 2016, Gabor Horvath est journaliste à Nepszabadsag, prestigieux quotidien fondé en 1956, qu'il a rejoint en 1988, avant la révolution démocratique de velours de 1989. Mais le 8 octobre 2016, à 8 h 40 du matin, quelqu'un frappe à la porte de son domicile pour lui remettre un courrier lui signifiant que son journal a fermé. Tous ses confrères reçoivent la même lettre. Un choc. «Après que le pouvoir a empêché la reprise de notre titre par un groupe étranger, au motif qu'il fallait limiter les prises de participation extérieures, nous étions censés être repris par le maire du village natal d'Orban, un milliardaire proche du pouvoir, après avoir été quelques mois aux mains d'un étrange milliardaire autrichien douteux. Mais nous avons depuis enquêté et nous sommes persuadés que tout avait été planifié avant entre ce milliardaire et le groupe en question, pour que nous soyons fermés. Nous avions sorti maintes affaires de corruption, dont l'une impliquant le président de la Banque nationale, et la manière dont il avait promu sa maîtresse, un professeur de yoga, à l'un des postes de direction de la banque. Nous avions aussi sorti une affaire sur le chef de cabinet de Viktor Orban, et les voyages d'agrément qu'il avait effectués avec les deniers de l'État. Il avait promis de nous poursuivre en justice. Mais en fait, on nous a tout simplement fermés!», raconte Horvath.
Les autorités hongroises démentent absolument cette version de l'histoire, et affirment que le journal était en banqueroute, ce que Horvath dément, évoquant des difficultés communes à toute la presse. Le pouvoir note aussi à juste titre que la presse reste d'une grande diversité. Outre Népszava, il existe en effet un autre journal d'opposition important, Magyar Nemszet, dont le propriétaire, le milliardaire Lajos Simicska, 11e fortune du pays, est un ancien proche du premier ministre Viktor Orban, mais a rompu avec lui. Cet oligarque possède également une chaîne d'opposition, Hir, à laquelle s'ajoute l'importante chaîne de télévision, RTL, détenue par les Allemands, qui fait de l'information indépendante, de même que la radio Klub, et une flopée de sites Internet antipouvoir.
Gabor Horvath le reconnaît volontiers et note que «si quelqu'un veut vraiment s'informer de manière indépendante, il le peut». Mais il remarque aussi que le contrôle du pouvoir s'étend de plus en plus, notamment dans les chaînes de télévision et dans les médias locaux. Ce mouvement de contrôle a été supervisé depuis 2010 par un certain Antal Rogan, ministre du gouvernement Orban, lequel définit la stratégie d'information du pouvoir via le Bureau de communication nationale. Cette structure discrète, installée sur les bords du Danube, favorise les médias pro-pouvoir en faisant tourner sur leurs ondes et dans leurs colonnes des publicités qui se transforment en millions de dollars, raconte une enquête du journal Politico.
Lavage de cerveau
En échange, les médias «amis», aux mains d'oligarques comme Lorinc Meszaros ou le producteur de Hollywood Andrew Vajnaa reprennent aveuglément les campagnes de propagande de l'équipe Orban sur les complots supposément ourdis par le magnat George Soros ou le danger migratoire. «Je dirais que 75 % des gens, qui n'ont pas nécessairement l'éducation et ou l'envie d'aller plus loin, sont soumis au lavage de cerveau des chaînes pro-pouvoir, qui ne se privent pas de déverser leur discours très caricatural voire mensonger. Il y a véritablement une simplification outrancière, choquante, carrément des “fake news” et des campagnes de diabolisation contre des personnalités d'opposition. Le patron du parti Jobbik, a par exemple été présenté comme un homosexuel via les médias pro-gouvernementaux, ce qui est totalement faux», dit Horvath, soulignant que les personnalités d'opposition n'ont quasiment pas accès à la télévision d'État. Il raconte que ses amis de l'agence de presse gouvernementale hongroise lui racontent en privé ne plus pouvoir rendre compte des sujets qui ne cadrent pas avec la propagande. «Ce n'est pas la Russie, parce qu'on ne tue pas les journalistes et qu'on ne les menace pas», dit Horvath. Mais il insiste sur la sophistication du verrouillage à l'œuvre à l'aide des groupes privés. «Une fois qu'ils sont en contrôle, ils limogent les journalistes et en recrutent de nouveaux à leur main…» Le rédacteur en chef de Népszava estime que Viktor Orban pourrait finir par regretter cette situation qui le prive d'un miroir et contribue à son isolement croissant. «Depuis sa brouille avec l'oligarque Lajos Simicska, forte personnalité qui lui tenait tête, il n'y a plus grand monde à oser lui donner une vision alternative de la sienne», conclut-il.

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La Hongrie sacre le souverainiste Orban (09.04.2018)
Par Laure Mandeville
Mis à jour le 09/04/2018 à 17h46 | Publié le 09/04/2018 à 17h42
Grand vainqueur des législatives, Viktor Orban peut renforcer son contrôle sur le pays et sa lutte contre l'immigration.
De notre envoyée spéciale à Budapest
C'est une victoire massive que le premier ministre Viktor Orban, partisan d'une approche musclée contre l'immigration illégale, a accrochée ce dimanche à son tableau de chasse politique, remportant haut la main le scrutin législatif de dimanche en Hongrie, après deux mandats successifs, malgré les espoirs qu'avait nourris l'opposition d'ébranler son assise à la faveur d'une très forte hausse de la participation (70 %). Cet ancien champion de la lutte contre le communisme - venu étudier le libéralisme à Oxford avec une bourse du financier George Soros, devenu depuis sa bête noire - a opéré une mue spectaculaire depuis son retour au pouvoir en 2010. Au point de devenir l'architecte d'une révolution conservatrice nationaliste, qui refuse la «société ouverte» et «un individualisme libéral» menant, selon lui, à un multiculturalisme destructeur.
Orban est quasiment assuré d'obtenir 133 sièges sur 199 au Parlement. Cela signifie que le parti gouvernemental et son allié du KDNP se retrouvent assurés d'avoir la majorité absolue des deux tiers
En rassemblant, selon des résultats encore provisoires, plus de 49 % du vote sur la liste du parti Fidesz, ainsi que 91 districts électoraux sur 106 au scrutin de circonscription, Orban est quasiment assuré d'obtenir 133 sièges sur 199 au Parlement. Cela signifie que le parti gouvernemental et son allié du KDNP se retrouvent assurés d'avoir la majorité absolue des deux tiers. Un tel score donne à l'homme fort de la Hongrie la possibilité de changer la constitution à sa guise. Une victoire nette qui a surpris sans doute le parti Fidesz lui-même. Avant les résultats, le chef de sa fraction parlementaire, Gergely Gulyas, avait affirmé que le parti perdrait selon toute probabilité sa majorité absolue.
La nouvelle vague orange du Fidesz est une claque pour l'opposition, qui espérait surfer sur l'exaspération de l'autre moitié du pays, soucieuse de limiter un pouvoir exécutif de plus en plus envahissant. «Le Parlement est une enceinte d'exécutants, le Conseil des médias est contrôlé par le Fidesz et le procureur général enterre toutes les affaires de corruption», dénonçait avant le scrutin le député du Jobbik Marton Gyöngyosi, résumant les griefs des opposants. Mais ces derniers sont battus presque partout, à l'exception de Budapest, un résultat qui traduit le fossé béant qui se creuse entre les capitales et le pays profond en Occident. Divisée et fragmentée, desservie par une loi électorale modifiée par le pouvoir à son profit, l'opposition n'a pas réussi à faire front commun.
Fort de sa légitimité renouvelée, Budapest compte d'ailleurs profiter de ses alliés du pacte de Visegrad et sur l'Autriche pour pousser ses positions à Bruxelles et changer l'Europe
N'engrangeant que 20 % des suffrages, le parti d'extrême droite anti-immigration, Jobbik, qui pensait que l'exaspération suscitée par les scandales de corruption de l'équipe Orban jouerait en sa faveur, ne réussit pas sa percée, peut être en raison de son virage récent au centre. Les électeurs ont estimé plus important de soutenir «la clôture sud» et le «sauvetage de l'Europe chrétienne» que de sanctionner la corruption. «Toutes les équipes volent», confiaient plusieurs électeurs du Fidesz, blasés.
Taxé d'autoritarisme et d'illibéralisme par les capitales d'Europe occidentale, le gouvernement Orban réplique que sa vision d'une Europe des nations en guerre contre les excès du libéralisme ne signifie nullement qu'il veut s'en prendre à l'État de droit, note l'ambassadeur de Hongrie dans une tribune adressée au Figaro. Budapest conteste au fond que le désaccord idéologique qui l'oppose à Bruxelles sur les quotas de réfugiés et la question de l'avenir de l'Europe (Europe supranationale contre Europe des nations) puisse être utilisé pour lui faire de mauvais procès sur les libertés. «Nous ne pensons pas que le droit à migrer soit un droit de l'homme», a résumé Zoltan Kovacs, porte-parole du gouvernement. Fort de sa légitimité renouvelée, Budapest compte d'ailleurs profiter de ses alliés du pacte de Visegrad et sur l'Autriche pour pousser ses positions à Bruxelles et changer l'Europe.
«Les élections sont libres, et la presse est diverse, mais il faut reconnaître chez ce gouvernement certains signes d'un acharnement presque maladif contre ceux qui ne sont pas d'accord avec lui» 
Une source diplomatique européenne
Dans une contribution publiée avant le scrutin sur le blog The Atlanticist, l'analyste américain Jeff Gedmin appelle à ne pas confondre la question «légitime» de la souveraineté avec le débat sur la démocratie hongroise. «Orban est dénoncé par les libéraux américains… comme un eurosceptique menaçant alors que l'idée selon laquelle les nations ont peut-être cédé trop de droits à Bruxelles devrait pouvoir être traitée comme une vue raisonnable sur laquelle les citoyens devraient pouvoir être en désaccord dans une démocratie», écrit-il. Mais Gedmin note aussi que, contrairement à ce qu'évacuent un peu vite certains conservateurs, persiste une inquiétude fondée sur l'avenir de l'État de droit en Hongrie, vu la série de mesures prises par le pouvoir pour affaiblir les contre-pouvoirs et notamment la presse.
«Je suis d'accord pour penser que Bruxelles a été trop condescendante avec les Hongrois», commentait Michael Ignatieff, le président de l'université d'Europe centrale, actuellement mise sur la sellette par le pouvoir hongrois, en raison de son affiliation avec George Soros. Il se demandait si Orban laisserait subsister «une pensée pluraliste», vu le ton hystérique adopté sur la question de la frontière et «l'ennemi Soros». «Les élections sont libres, et la presse est diverse, mais il faut reconnaître chez ce gouvernement certains signes d'un acharnement presque maladif contre ceux qui ne sont pas d'accord avec lui», relevait une source diplomatique européenne. Ce lundi, Janos Halasz, porte-parole du Fidesz, a d'ailleurs annoncé qu'une loi visant à donner au gouvernement le pouvoir d'interdire les ONG «qui soutiennent la migration» et «posent un risque de sécurité nationale» serait bientôt soumise au Parlement. Une formulation suffisamment vague pour être alarmante, surtout quand les alliés d'Orban parlent de «liquider la société civile», note Jeff Gedmin.
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Le prince héritier saoudien a un faible pour l’immobilier des Yvelines (09.04.2018)


    • Mis à jour le 09/04/18 à 10:15
EN IMAGES - En visite en France lundi et mardi, Mohammed ben Salman est connu pour être le propriétaire du château le plus cher du monde. Mais aussi d’une propriété de chasse dans les Yvelines. La maire nous raconte.
Savez-vous qui se cache derrière le sigle «MBS»? Mohammed ben Salman. Ce nom ne vous dit sans doute rien. Ce jeune homme de 32 ans, qui vient en France lundi et mardi, n’est rien moins que le prince héritier d’Arabie saoudite. Le futur roi est également connu pour être le propriétaire du château le plus cher du monde: le fameux «Château Louis XIV» dont la vente fin 2015 avait beaucoup fait jaser. Et ce n’est que deux ans plus tard que le grand public a appris que l’heureux propriétaire n’était autre que le nouvel homme fort de l’Arabie saoudite.
Située à Louveciennes, une petite commune des Yvelines (78), cette bâtisse achevée en 2011 a été vendue pour le montant record de 275 millions d’euros, comme l’avait rapporté à l’époque le New York Times . Se voulant une mini-réplique du fabuleux château de Vaux-le-Vicomte (77), elle allie architecture du XVIIe siècle et technologie moderne, avec des fontaines contrôlables par iPhone, une salle de cinéma, un aquarium géant... D’une surface habitable de 5000 m², elle promet «les fastes de Versailles sous la révolution high-tech», selon le site internet de son promoteur Cogemad. Le constructeur souligne «la pose de 13.000 éléments de pierres taillées, allant des frises à triglyphes aux tables sculptées surmontant chacune des baies vitrées composant le château» et les «pièces du château qui ont changé de destination en cours de chantier».
Une villa sur la Côte d’Azur à vendre
Et ce n’est pas tout: le prince Mohammed, qui prêche l’austérité dans son pays et s’est lancé dans une lutte anticorruption, ne se prive pas pour s’offrir d’autres luxueux «plaisirs». Il est aussi le propriétaire d’une résidence de 250 hectares située à Condé-sur-Vesgre (78), baptisée le Rouvray, a déclaré la maire au Figaro Immobilier, confirmant une information du New York Times. La maire n’a toutefois pas eu connaissance du montant de l’acquisition. «J’ai appris le nom de l’acquéreur par la presse, raconte Josette Jean. J’ai entendu beaucoup de réflexions désagréables sur la nationalité de l’acquéreur. Je n’ai pas à juger qui il est. La seule chose qui m’importe c’est que ma commune vive bien et que les habitants la mettent en valeur tout en respectant l’architecture.»

La maire raconte qu’«un intendant est venu me voir avec un architecte pour me demander ce qu’il était possible de faire comme travaux. Il m’a expliqué qu’ils avaient déposé un permis et qu’ils ont eu un avis favorable du préfet. Je n’ai aucun problème avec lui. Tout s’est fait dans le plus grand respect». L’édile explique que «MBS» a l’intention de rénover le manoir de Rouvray (voir notre photo ci-dessus, une carte postale ancienne), remis à neuf il y a 60 ans par les anciens propriétaires, la famille Vernes (qui a créé la Banque Vernes à la fin du XVIIIe siècle, aujourd’hui Banque Palatine). Il est également question de rénover et agrandir les dépendances qui servent au personnel et pour accueillir les visiteurs les jours de chasse. «Elles ont plus de 100 ans et tombent en ruine», précise Josette Jean. Et d’ajouter: «C’était une propriété de chasse et le nouveau propriétaire m’a assuré qu’elle resterait une propriété de chasse».
C’est au travers d’une société saoudienne, Eight Investment Company, dirigée par le gérant de la fondation personnelle du prince héritier qu’il a pu acquérir cette propriété. Mais aussi un luxueux yacht de 134 mètres pour 500 millions d’euros ou encore le tableau de Léonard de Vinci «Salvator mundi (Sauveur du monde) acheté pour la modique somme de 450 millions de dollars (368 millions d’euros).

Puisque le prince héritier semble être adepte des coups de force mais aussi des coups de cœur, voici une résidence qui pourrait rentrer également dans son portefeuille: la villa les Cèdres, l’une des plus somptueuses villas de la côte d’Azur. Installée à Saint-Jean Cap Ferrat, ce territoire entre Nice et Monaco si prisé des milliardaires, cette propriété a tout pour plaire. Son prix? Près de 350 millions d’euros. Pile poile dans les standards de «MBS».

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Commerce mondial : la Chine est-elle déloyale ? (09.04.2018)
Par Sébastien Falletti et Service InfographieMis à jour le 09/04/2018 à 20h01 | Publié le 09/04/2018 à 19h11
INFOGRAPHIE - Pékin protège ses entreprises grâce à des subventions, des prêts bancaires préférentiels et un labyrinthe de barrières réglementaires. La riposte de Donald Trump qui impose des droits de douane n'est pas la stratégie la plus efficace.
Shanghai
Donald Trump persiste et signe. En menaçant Pékin d'une nouvelle volée de droits de douane visant 100 milliards de dollars d'importations chinoises, le président américain attise la guerre commerciale avec la deuxième économie mondiale. Les yeux rivés sur son électorat, le locataire de la Maison-Blanche fait preuve d'une constance rare sur ce dossier explosif, semant l'inquiétude sur les places financières. Alors que l'empire du Milieu agite des représailles dans le secteur agricole ou aéronautique, ciblant ses bastions électoraux, Trump affiche sa détermination à mener un bras de fer au long cours avec la Chine rouge du président Xi Jinping. Durant sa campagne électorale, il l'avait accusé de «violer» l'Amérique par ses pratiques «déloyales». Aujourd'hui, la guerre est déclarée, marquant un tournant dans les relations entre les deux premières puissances mondiales, aux implications majeures pour les autres économies, l'Europe, le Japon et les pays émergents.
• Un arsenal pour protéger les sociétés
La Chine triche-t-elle comme l'affirme Washington? L'accusation ne manque pas de piquant alors que les grands groupes américains tels Apple, Walmart ou Nike ont profité à plein de son décollage spectaculaire ces trois dernières décennies, en y délocalisant à tour de bras. Mais «Trump a des arguments», juge un banquier occidental. À Davos, devant les grands patrons, le secrétaire du Parti communiste Xi endosse habilement l'habit du champion du «libre-échange» et de la mondialisation ouverte, face à l'Amérique «protectionniste».
Pourtant l'examen des chiffres et les témoignages des groupes étrangers installés dans l'empire du Milieu démentent ce conte de fées. La réalité est redoutable: celle d'un «capitalisme rouge» expansionniste étroitement piloté par un Parti renaissant. «Aucun pays ne respecte pleinement les règles, et chacun cherche à soutenir son économie. Mais dans le cas de la Chine, l'intervention est massive», juge Alicia Garcia Herrero, chef économiste Asie chez Natixis, basée à Hongkong. Les droits de douane ne sont que le premier rempart d'une grande muraille protégeant les entreprises locales grâce à des subventions, des prêts bancaires préférentiels et un labyrinthe de barrières réglementaires.
Chaque année, le pouvoir central dépense l'équivalent de 4 % du PIB en subvention à ses entreprises, soit près de 450 milliards de dollars d'aides visant à faire naître des champions mondiaux. À ces chiffres doivent s'ajouter des milliards de subsides délivrés par les pouvoirs locaux au niveau provincial et municipal. Et sans compter des crédits préférentiels délivrés par les grandes banques publiques. Une politique systématique de soutien au service d'une montée en gamme de l'économie, illustrée par le plan Made in China 2025 qui vise à dépasser les champions industriels tels l'Allemagne ou le Japon.
Cette stratégie volontariste au service d'un «rêve chinois» aux accents nationalistes, accompagnant la renaissance historique de la nation la plus peuplée du globe, a des répercussions planétaires. «La Chine fausse les règles de concurrence. Le véritable problème est le manque de compétition sur son marché intérieur qui a des implications au-delà de ses frontières», assure Garcia Herrero. Ainsi, la Chine produit la moitié de l'acier planétaire, grâce à ses entreprises d'État gavées de subventions, entraînant des surproductions qui faussent les prix mondiaux.
Dans l'aluminium, les fabricants chinois ont doublé leur production entre 2008 et 2015, entraînant une hausse de 85 % des surcapacités, selon la Commission européenne. Les plaintes de Bruxelles, Washington, Tokyo sont sans effet sur un régime obsédé par la stabilité sociale dans des provinces industrielles vivant au crochet de l'État.

• La mauvaise stratégie de Trump
Donald Trump a choisi le commerce comme angle d'attaque, mais cette approche manque sa cible, jugent les experts. «L'administration a choisi le mauvais problème et les mauvais outils pour y remédier», juge le sénateur républicain Pat Toomey, dans une interview au Wall Street Journal.
Obsédée par les chiffres abyssaux du déficit commercial américain chiffré à 375 milliards de dollars, la Maison-Blanche fait des droits de douanes son principal levier, au risque d'un effet boomerang sur les chaînes de production de ses propres entreprises. Si les tarifs douaniers chinois sont élevés dans certains secteurs, ils ne représentent que la partie immergée de l'iceberg. «Le plus gros défi pour les entreprises étrangères en Chine est les barrières réglementaires non tarifaires», explique Carlo D'Andrea, vice-président de la Chambre de commerce de l'UE, en Chine (EUCCC).
Ainsi, certains secteurs stratégiques sont interdits aux groupes étrangers, ou bien ils doivent impérativement passer par des partenariats avec des groupes locaux limitant leur contrôle à 50 % comme dans le secteur automobile. Ces partenariats imposent des transferts de technologie au profit du partenaire locaux. Appâtés par le premier marché mondial automobile, les constructeurs étrangers ont multiplié les joint-ventures, mais font désormais face à une concurrence locale de plus en plus affûtée qui bénéficie de subventions, en particulier dans le domaine de la voiture électrique.
• Un contrôle de l'État écrasant
Le véritable défi chinois lancé au monde ne réside pas dans ses tarifs douaniers, mais dans le rôle central que joue l'État dans l'administration de l'économie. Depuis son entrée à l'OMC en 2001, Pékin aime se présenter en «économie de marché» dans les forums internationaux, du G20 à Davos, offrant une image en trompe l'œil, souvent relayée par des dirigeants et investisseurs occidentaux alléchés par les perspectives commerciales. En réalité, le poids du secteur public est sans commune mesure avec celui des États-Unis ou même de l'UE. «La Chine ressemble plutôt au Qatar! C'est une économie dont l'essentiel est contrôlé par l'État mais avec un impact mondial sans commune mesure», juge Garcia Herrero.
Ainsi, les entreprises publiques, les fameuses SOEs (State owned entreprises), représentent 40 % des actifs industriels selon le FMI, toujours prompt à ménager Pékin. Un chiffre largement sous-estimé, affirme la Commission, qui a refusé d'accorder le statut d'économie de marché à Pékin. En réalité, 69 % des actifs chinois cotés en Bourse appartiennent aux entreprises d'État (SOE) selon les calculs de Natixis! L'économie privée se réduit donc à moins d'un tiers des actifs, qui plus est dominé par des grands groupes comme Alibaba, Tencent ou Fosun, dont le succès dépend de ses bonnes relations avec le Parti.
La mise au pas l'an dernier de Wang Jianlin, le magnat de l'immobilier fondateur de Wanda, ou le renflouement de l'assureur Anbang illustrent la faible marge de manœuvre de ces tycoons. Au total, l'État exerce donc directement ou indirectement un contrôle écrasant sur la deuxième économie mondiale, assorti d'un contrôle étroit des flux de capitaux.
Et cette tendance se renforce encore sous la houlette de l'Oncle Xi, qui peut désormais régner à vie, grâce à une réforme opportune de la Constitution, levant la limite à dix ans de règne. Lors d'un congrès triomphal du Parti en octobre 2017, le timonier a réaffirmé le rôle directif du Parti sur l'économie «socialiste de marché», avec pour ambition de «créer des groupes de classe mondiale» grâce au soutien de l'État.
La promesse d'offrir un rôle «décisif» au marché, proférée lors d'un plénum en 2013 pour rassurer les investisseurs, est restée lettre morte. «Plutôt que de renforcer la concurrence dans les secteurs dominés par les SOEs, les récents développements ont montré l'inverse, visant une consolidation et une expansion», pointe un rapport éclairant de la Commission en décembre 2017. Sous pression, Pékin tente de désamorcer les critiques en ouvrant timidement certains secteurs à la concurrence, comme l'assurance, en novembre dernier. Un marché périlleux alors que les mauvaises dettes s'accumulent dans un système financier opaque.

• La crainte d'une riposte coordonnée
Pour contrer Pékin, les mesures de représailles commerciales semblent obsolètes, si elles ne sont pas coordonnées à l'échelle mondiale. Une gageure pour une Administration Trump partisane de l'unilatéralisme. Ainsi, seulement 2,8 % des exportations d'acier chinois partent aux États-Unis, limitant l'impact des mesures annoncées en fanfare par Washington. «Les mesures antidumping sont dépassées. La seule réponse efficace à la Chine serait la politique de concurrence», juge Garcia Herrero. «Les Chinois paniquent à l'idée que la Commission puisse s'attaquer aux positions dominantes de leurs groupes, comme elle le fait contre Facebook ou Google», ajoute l'économiste.
La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, fait trembler la Silicon Valley grâce au droit européen qui l'autorise à dénoncer des positions dominantes au-delà des frontières de l'UE, si celles-ci faussent le marché mondial. Bruxelles pourrait selon ce principe croiser le fer avec Sinopec ou Huawei, en exigeant des démantèlements à Pékin. Cet art de la guerre pourrait se révéler bien plus efficace que les menaces tarifaires de Donald Trump. Mais il exige de l'UE une denrée rare à Bruxelles: une volonté politique commune de relever le défi chinois.

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 10/04/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Moscou accuse Israël d'avoir frappé une base de l'armée de l'air syrienne (09.04.2018)
Par Cyrille Louis
Mis à jour le 09/04/2018 à 21h15 | Publié le 09/04/2018 à 20h36
Tsahal est resté silencieux, alors que l'État hébreu a mené de nombreux raids contre des cibles en Syrie ces dernières années.
De notre correspondant à Jérusalem
La mèche a cette fois été vendue par Moscou. Selon un communiqué du ministère russe de la Défense, deux F-15 israéliens opérant depuis l'espace aérien libanais ont frappé tôt lundi matin une importante base de l'armée de l'air syrienne située entre Homs et Palmyre. Cinq des huit missiles auraient été interceptés par la défense antiaérienne du régime syrien, mais au moins quatorze personnes ont péri dans ce raid, selon un décompte établi par l'Observatoire syrien des droits de l'homme. L'agence iranienne Fars a publié l'identité de quatre officiers de la force Qods, l'unité d'élite des gardiens de la révolution, qui comptent parmi les victimes.
L'État hébreu, malgré son silence, a d'emblée fait figure de principal suspect. Les États-Unis et la France, qui avaient menacé la veille d'engager des représailles après la nouvelle attaque chimique imputée à Bachar el-Assad, ont démenti toute implication. Malgré l'indéniable concomitance des deux événements, rien ne permet d'affirmer que ces frappes sont directement liées aux fortes présomptions d'utilisation d'armes non conventionnelles dans la Ghouta orientale. L'armée israélienne, qui a frappé la base T-4 à deux reprises au cours des derniers mois, soupçonne certes le régime syrien d'y abriter un centre de production d'armes chimiques. Mais elle a d'autres raisons de viser ce site et pourrait bien avoir mis à profit la fenêtre d'opportunité créée par la tuerie de Douma.
Selon les experts militaires israéliens, la base héberge une usine où sont fabriqués des missiles de précision. Le 10 février, l'État hébreu y a par ailleurs détruit un poste de commandement d'où des militaires iraniens sont accusés d'avoir piloté un drone qui venait d'entrer dans son espace aérien. L'interception de cet appareil et les frappes qui ont suivi ont provoqué un rare coup de chaud à la frontière nord d'Israël. Un F-16 de Tsahal a été abattu par la défense antiaérienne de Bachar el-Assad et son équipage a été contraint de s'éjecter, ce qui n'était pas arrivé depuis 1982.
Une centaine de frappes conduites depuis janvier 2013
Dimanche, à mesure que le monde découvrait les images glaçantes des victimes de Douma, plusieurs responsables israéliens ont appelé à frapper le régime de Damas. «Assad est un ange de la mort pour des centaines de milliers de Syriens innocents, a déclaré Yoav Galant, le ministre du Logement et de la Construction, et il ne fait aucun doute que le monde, sans lui, serait un meilleur endroit.» Le général de réserve Amos Yadlin, qui dirige l'Institut israélien d'études pour la sécurité nationale, a pour sa part appelé à «mettre hors d'état de nuire une bonne fois pour toutes les escadrons d'hélicoptères qui lâchent des barils d'explosifs contre la population». Cette voix influente, qui commanda jadis les renseignements militaires, plaide depuis plusieurs années pour une intervention plus vigoureuse d'Israël au secours des civils syriens.
«Pour Moscou, la position d'arbitre au-dessus de la mêlée devient de plus en plus inconfortable à mesure que se renforcent les tensions entre Israël et l'axe Iran-Syrie-Hezbollah»
Ofer Zalzberg, auteur d'un rapport sur l'attitude de l'État hébreu vis-à-vis du conflit syrien
Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a jusqu'à présent calibré avec minutie son engagement militaire en Syrie. Refusant de se laisser aspirer dans un conflit dont elle entrevoyait le caractère inextricable, l'armée s'est bornée à faire respecter ce qu'elle appelle des lignes rouges. Selon un ancien chef de l'aviation militaire, une centaine de frappes ont été conduites depuis janvier 2013, principalement sur le territoire syrien, afin d'empêcher le transfert d'armes sophistiquées à la milice libanaise chiite Hezbollah. Au cours des derniers mois, l'État hébreu a par ailleurs attaqué plusieurs sites où il soupçonne l'Iran de chercher à créer une implantation militaire durable. Les frappes ordonnées lundi matin contre la base T-4 s'inscrivent sans doute dans cette logique.
La mise en cause directe d'Israël par Moscou constitue, à cet égard, un développement nouveau. Les dirigeants russes, qui interviennent depuis septembre 2015 au secours du régime syrien mais sont en contact étroit avec l'État hébreu, ont longtemps détourné le regard lorsque celui-ci jugeait nécessaire d'agir militairement.
«Le fait que la Russie ait cette fois choisi d'appuyer les accusations du régime syrien, alors qu'Israël voulait maintenir une certaine ambiguïté sur ses frappes, confirme qu'elle ne pourra pas éternellement éviter de prendre parti», observe l'analyste Ofer Zalzberg. Auteur d'un récent rapport sur l'attitude de l'État hébreu vis-à-vis du conflit syrien, il ajoute: «Pour Moscou, la position d'arbitre au-dessus de la mêlée devient de plus en plus inconfortable à mesure que se renforcent les tensions entre Israël et l'axe Iran-Syrie-Hezbollah.»

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«Les projets de Macron pour l'Europe à l'épreuve des faits» (08.04.2018)
Par Olivier Bot
Publié le 08/04/2018 à 17h55
ANALYSE - Brexit, migrants, ultradroite... le président français désire fortement une Europe protectrice mais se retrouve confronté à de nombreux imprévus, estime Olivier Bot, rédacteur en chef à La Tribune de Genève, partenaire duFigaro au sein de l'alliance Lena.

- Crédits photo : Figaro
Avec le Brexit, le projet européen devait reprendre des couleurs. En se mettant hors jeu, les Britanniques offraient une chance à l'Union: lever les obstacles que ce partenaire frileux mettait à chaque tentative d'avancée fédéraliste. Or les Européens les plus convaincus se rendent compte que cela ne suffira pas. Parmi les 27, les réticences sont de plus en plus nombreuses , les avis divergent et les contentieux se multiplient. Dernier épisode en date: le renvoi de diplomates russes acté par certains, refusé par d'autres.
Dans un peu plus d'un an, les élections européennes vont changer la physionomie du Parlement de Strasbourg. Le président français veut se saisir de cette opportunité pour mettre sur la table ses propositions, présentées dans son discours de la Sorbonne. Il lui faut faire entrer 150 eurodéputés de La République en marche et convaincre d'autres élus européens de constituer une majorité europhile avec lui. Le mantra d'Emmanuel Macron: faire que l'Europe soit protectrice de ses citoyens, face à la menace extérieure, dans le contrôle aux frontières et au plan social. Forte de sa capacité à projeter des forces militaires sur un théâtre extérieur, la France souhaite qu'une doctrine de défense et un budget communs soient effectifs en 2020. Mais quand Paris cible le Sahel, foyer de menace islamiste, l'Europe de l'Est s'inquiète de son voisin russe. Et en matière de défense, le Royaume-Uni reste le seul partenaire fiable, malgré le Brexit. Car l'armée britannique est la seule capable de former une force européenne crédible aux côtés des militaires français.
L'écroulement quasi général de la social-démocratie
L'absence de politique commune en matière de migrants a aussi laissé des traces. Alors qu'Italie et Grèce ont jusqu'ici dû gérer seules l'accueil et la gestion des dossiers des arrivants, elles ne peuvent plus aujourd'hui faire face. Le président français souhaite la création d'un office européen de l'asile et d'une police européenne des frontières, afin d'harmoniser les procédures. Mais le mal est fait. Les dernières campagnes électorales en Europe se sont focalisées sur ce thème, habilement instrumentalisé par les populistes, en Autriche comme en Italie.
Sur cette question, des pays comme la Hongrie ou la République tchèque, très hostiles à l'arrivée de migrants sur leur territoire, ne sont pas prêts à céder quoi que ce soit de leur souveraineté et du contrôle de leurs frontières. Macron n'a avec eux aucune marge de discussion. De plus, la victoire des populistes aux législatives en Italie brise l'alliance de Paris avec Rome et Berlin sur une gestion raisonnée des réfugiés et un accueil partagé en quotas par les pays membres.
«L'entrée en force de l'ultradroite antieuropéenne de l'AfD au Bundestag aura pour conséquence de freiner une intégration plus poussée, pourtant souhaitée par Berlin et Paris»
Cette élection italienne, après celle de l'Autriche, a également fait reculer l'ambition de gouvernance économique de la zone euro. Pays-Bas mais aussi Allemagne, partenaire historique de la France, sont de plus en plus réticents à l'établissement d'un budget propre aux pays qui ont adopté l'euro et qui grossirait la note des dépenses communes. La montée des souverainistes rend par ailleurs la nomination d'un ministre des Finances de la zone euro bien hypothétique. Car à Berlin, la mutualisation de la dette demeure une ligne rouge à ne pas franchir. Pas question de payer pour ces pays du Sud, que les Allemands appellent avec ironie «le Club Med». Au chapitre social, c'est la droite conservatrice qui bloque. Elle est majoritaire depuis l'écroulement quasi général de la social-démocratie en Europe et constitue jusqu'ici le principal groupe du Parlement européen. Or, elle voit d'un mauvais œil la généralisation d'une taxe sur les transactions financières, en vigueur en France, ou l'établissement d'une fourchette de taux d'impôt sur les entreprises, sans parler de la fixation de standards sociaux et d'un salaire minimum adapté à la réalitéde chaque pays. Les pays dont la santé économique dépend d'une politique de dumping social, comme l'Irlande,ne feront ainsi aucun geste pour une harmonisation à l'échelle de l'Union.
L'entrée en force de l'ultradroite antieuropéenne de l'AfD au Bundestag aura également pour conséquence de freiner une intégration plus poussée, pourtant souhaitée par Berlin et Paris. Il n'y a guère que sur le développement des start-up du numérique, la protection des données ou la généralisation du programme Erasmus pour les étudiants qu'un consensus semble possible.
Pour le reste, dans un environnement de plus en plus eurosceptique, il faudra beaucoup plus que sa force de conviction à Macron.

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Quelle est la nouvelle géopolitique des porte-avions ? (09.04.2018)
Par Isabelle Lasserre
Mis à jour le 09/04/2018 à 14h52 | Publié le 08/04/2018 à 17h07
INFOGRAPHIES - Les porte-avions effectuent un retour en force sur les mers et les océans, des espaces stratégiques où les États projettent plus que jamais leurs ambitions.
1 - Pourquoi les porte-avions sont-ils redevenus à la mode?
Trop lourds, trop lents, trop chers… et de plus en plus vulnérables aux armes modernes développées contre eux par certains pays. L'époque, qui fait de la rapidité une condition du succès et de la sobriété économique une vertu, n'était a priori pas favorable aux porte-avions. On assiste pourtant aujourd'hui à leur plus grande envolée depuis la Seconde Guerre mondiale. «Un temps considéré comme une capacité d'appoint, le porte-avions redevient un atout majeur des grandes marines», explique Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l'Institut Thomas More, à l'occasion d'un séminaire organisé sur la question avec le partenariat du Centre d'études stratégiques de la marine. Les États-Unis, qui dominent ce marché en l'écrasant et qui possèdent la seule marine capable de déployer un groupe aéronaval sur n'importe quel océan du globe, ont inauguré leur onzième bâtiment, le USS Gerald Ford. Après avoir un temps décroché, la Grande-Bretagne effectue, avec le Queen Elizabeth et le Prince de Galles, son grand retour dans le club très fermé des puissances dotées de porte-avions. L'Espagne, l'Italie, l'Australie, le Japon possèdent aussi des porte-aéronefs. Les pays occidentaux, qui ont en partie puisé leur force stratégique dans leur capacité à dominer les mers, ne sont plus les seuls à investir. À l'heure du basculement des rapports de puissance mondiaux, toutes les marines ambitieuses en sont dotées ou prévoient de l'être. La Chine, la Russie, l'Inde: les puissances émergentes ou ré-émergentes misent de plus en plus dans cet outil de projection de puissance. «Parmi les nouveaux venus, on compte des acteurs violents et d'autres qui ne respectent pas les relations internationales», s'inquiète l'amiral Coldefy, directeur de la revue Défense nationale, dans ce même colloque. Depuis plusieurs années, la mer est redevenue un lieu privilégié des postures de force, où les États cherchent à s'étendre au-delà de leurs côtes. Pour la première fois depuis la guerre, un porte-avions américain a fait escale, en avril 2017, dans le port de Danang au Vietnam. Les groupes navals chinois et les sous-marins russes s'aventurent désormais jusqu'en Méditerranée, où ils frôlent les côtes européennes.

2 - À quoi sert un porte-avions au XXIE siècle?
Pour une marine nationale, le porte-avions et son Groupe aéronaval (GAN) changent la donne. Sa puissance de feu donne une capacité d'entrer en premier dans un conflit. Sa mobilité permet d'assurer à la fois la maîtrise de la mer et l'action contre la terre. Le porte-avions offre aussi au pouvoir politique la capacité d'agir sans dépendre des contraintes diplomatiques et logistiques. «100 000 tonnes de diplomatie», disait de lui le diplomate américain Henry Kissinger. «Le porte-avions est un outil de puissance politique, de suprématie navale et de supériorité aérienne qui assure à la nation détentrice d'être partie prenante du règlement d'une crise ou d'un conflit et de disposer des moyens d'imposer sa volonté», résume Jean-Sylvestre Mongrenier. Des avantages particulièrement prisés au moment où la compétition stratégique pour la maîtrise des espaces maritimes se durcit et oppose les «puissances conservatrices», historiques et installées, aux «puissances perturbatrices», émergentes. La remilitarisation à grande vitesse des océans et les rivalités qu'elle entraîne menacent parfois de créer des conflits ouverts. «Nous assistons peut-être au début d'un moment critique dans les relations internationales, d'une montée aux extrêmes comme disait Clausewitz», analyse Jean-Thomas Lesueur au séminaire de l'Institut Thomas More. Dans ce nouveau contexte, le porte-avions et son GAN offrent un avantage certain aux marines nationales. «Il ne remplace pas le combat à terre mais fournit un socle géostratégique indépendant», complète l'amiral Coldefy. Il est aussi un gage d'indépendance. «Dans l'histoire, même vos plus proches alliés ne vous soutiennent pas toujours en cas de crise», rappelle l'amiral britannique Keith Blount, faisant référence à la défection de son pays en Syrie, après le franchissement de la ligne rouge chimique par le régime en août 2013. Le retrait britannique, entraînant celui des États-Unis, avait contraint la France à renoncer à son expédition punitive contre Damas.
3 - Les porte-avions chinois représentent-ils une menace?
Depuis plusieurs années, les tensions sont récurrentes en mer de Chine méridionale, où Pékin et Hanoï se disputent les îles Spratleys et Paracels. L'immense Chine, dont l'ombre menaçante s'étend sur tous les voisins, tisse un collier de perles jusqu'à l'océan Indien en installant partout des avant-postes et des bases opérationnelles. La Chine participe au retour du combat en mer en coulant un bateau de pêche vietnamien, en commandant des vedettes blindées, en consacrant des sommes toujours plus importantes au développement et à la modernisation de sa marine nationale.
Pékin a entamé la construction du troisième des quatre ou six porte-avions qu'elle ambitionne de fabriquer. Elle dépense aussi des centaines de millions de dollars pour développer des missiles anti-porte-avions, destinés à éloigner la marine américaine, qui, depuis le revirement stratégique vers l'Asie de Barack Obama, se fait de plus en plus visible. Mais la menace n'est pas uniquement dirigée contre les États-Unis. Elle concerne tous les pays de la région, et notamment le Japon, la Corée du Sud et Taïwan. Elle inquiète aussi les pays européens, qui constatent une augmentation de la présence de la marine chinoise dans ses mers.
4 - Que signifie la montée en puissance de la marine russe?
De la crise syrienne à l'annexion de la Crimée, la marine russe est au cœur d'une série d'événements qui l'ont remise à l'honneur, après la dégringolade qui avait accompagné la chute de l'URSS. Vecteur de puissance et d'influence, la marine est cajolée par Vladimir Poutine, qui veut redonner à la Russie, grâce à son armée, son statut d'acteur mondial de premier plan et prendre sa revanche sur l'Occident, le vainqueur de la guerre froide. La nouvelle version de la doctrine navale revendique le statut de «grande puissance maritime». Dans ce projet, l'Amiral Kouznetsov est, avec les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, l'un des principaux éléments de prestige de l'armée.
En Syrie, la Russie s'est appuyée sur son unique porte-avions pour revenir en force en Méditerranée orientale et au Levant. Son déploiement en grande pompe, en 2016, a permis au Kremlin de mettre en scène sa volonté de puissance. Ajouté aux dénis d'accès organisés par les systèmes anti-aériens russes, il a aussi lancé un signal aux Occidentaux: Moscou veut avoir son mot à dire sur le dossier syrien. Peu importe finalement que les performances méditerranéennes du Kouznetsov aient été décevantes. La marine russe entend bien en tirer les leçons. Moscou a aussi annoncé son intention de monter en gamme après la retraite du Kouznetsov. Elle rêve d'un bâtiment qui, avec ses 100.000 tonnes, rivaliserait avec les porte-avions américains. «La Russie veut se montrer et veut continuer à avoir son mot à dire en Méditerranée. Mais tout cela aura un coût, car elle n'a pas les moyens de remplacer le Kouznetsov» commente Alexandre Sheldon-Duplaix, chercheur au Service historique de la Défense.
5- La France a-t-elle besoin d'un second porte-avions?
Tous les conflits géopolitiques dans lesquels la France a été impliquée depuis plusieurs années ont démontré la valeur stratégique du Charles-de-Gaulle. De l'Afghanistan au golfe Arabo-Persique en passant par la Libye et le Levant, sa puissance de feu a permis à la France d'accroître son influence dans les alliances auxquelles elle a participé. Mais depuis le retrait du Foch en 2000, l'unique porte-avions français ne permet plus à la France d'assurer la permanence à la mer, en raison des périodes fréquentes et prolongées de maintenance. Les marins s'en disent persuadés: si le Charles-de-Gaulle devait ne pas avoir de successeur au moment de sa retraite, à l'horizon 2040, la France verrait son autonomie politique et stratégique réduite. «Elle serait déclassée sur les places diplomatiques et militaires. Sa voix ne porterait plus. Les conséquences se feraient aussi ressentir sur le rôle de l'Europe et des nations occidentales dans le monde», prévient Jean-Sylvestre Mongrenier.
Pour répondre à la montée en puissance de marines de guerre qui n'appartiennent pas à la sphère occidentale, les marins militent aujourd'hui pour que la France se dote d'un second porte-avions. «Nos pays doivent se réarmer avec des outils adaptés», explique Jean-Thomas Lesueur. Deuxième puissance maritime mondiale grâce à ses restes d'empire, la France a la capacité de rayonner sur toutes les mers du globe. Reste à savoir si elle en a les moyens financiers.

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Syrie: suspicion de bombardement à l'arme chimique à Douma (08.04.2018)
Par Le figaro.fr et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 08/04/2018 à 22h07 | Publié le 08/04/2018 à 11h19
VIDÉO - Selon une ONG médicale, près d'une cinquantaine personnes ont été tuées et des dizaines d'autres intoxiquées. La presse officielle syrienne dément alors que l'Union européenne assure que «les indices pointent vers une nouvelle attaque chimique par le régime». Neuf pays ont demandé une réunion urgente du Conseil de sécurité de l'ONU ce lundi.
Alors que le régime syrien a repris dimanche matin ces raids aériens sur la ville de Douma, des secouristes et des rebelles ont accusé les forces gouvernementales d'avoir eu recours, samedi, à des armes chimiques contre un hôpital de cette dernière poche rebelle de la Ghouta orientale, près de Damas. «Le régime d'Assad et ses alliés continuent à commettre leurs crimes», a déclaré Hamza Birqdar, porte-parole militaire du groupe Djaïch al Islam, l'un des deux principaux groupes rebelles de l'enclave, interrogé par la chaîne de la télévision Al Hadath.
Dans un communiqué commun, l'ONG Médicale SAMS (Syrian American Medical Society) et les Casques Blancs - ces secouristes qui opèrent en zones rebelles en Syrie - ont fait état de 48 morts. Ils ont en outre rapporté que «plus de 500 cas, en majorité des femmes et des enfants», présentent «les symptômes d'une exposition à un agent chimique». Les patients souffrent de «difficultés respiratoires, de «brûlures de la cornée», «une mousse excessive» s'échappe de leur bouche et ils dégageaient «une odeur semblable à celle du chlore», selon le texte cité par l'AFP.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a fait état d'environ 70 cas de suffocation parmi les civils pris au piège de sous-sols ou de pièces faiblement ventilées, et ne pouvant s'échapper pour trouver de l'air après les raids. Selon l'OSDH, onze personnes, dont quatre enfants, ont péri dans ces conditions sans toutefois se prononcer sur l'emploi ou non d'armes chimiques.



- Crédits photo : Gildas des Roseaux / Le Figaro
La presse officielle syrienne a démenti l'attaque chimique et accusé les insurgés de diffuser des fausses informations pour tenter de ralentir la progression des forces gouvernementales. Les forces du régime, dont plusieurs frappes ont tué 70 civils vendredi, tentent de faire plier ce dernier groupe rebelle de la Ghouta orientale. Selon des sources locales, les rebelles auraient accepté, après négociations, de quitter Douma et de libérer leurs prisonniers. Selon la télévision publique syrienne, les combattants de Djaïch al Islam devraient partir dans les 48 heures pour Djarablous, au nord du pays.
La Russie et l'Iran démentent, les Etats-Unis menacent
Ce dimanche, la Russie a emboîté le pas aux dénégations du régime syrien qui a qualifié les condamnations de cette attaque chimique présumée de «rengaine ennuyeuse». «Nous sommes prêts, une fois que Douma sera libérée, à envoyer immédiatement des spécialistes russes en défense nucléaire, chimique et biologique pour recueillir les données qui confirmeront que ces assertions sont montées de toutes pièces», a déclaré le général Youri Evtouchenko, chef du centre russe pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie, selon des propos rapportés par les agences russes. Même position de l'Iran, qui va jusqu'à évoquer un «complot» contre le régime syrien.
L'Union européenne a, pour sa part, estimé que «les indices pointent vers une nouvelle attaque chimique par le régime» syrien. «Nous appelons les alliés du régime, la Russie et l'Iran, à user de leur influence pour empêcher une nouvelle attaque», a indiqué dans un communiqué le Service européen pour l'action extérieure.
Un peu plus tôt, les États-Unis ont également fustigé cette possible attaque chimique et estimé que la Russie porterait une part de responsabilité si cette information était confirmée. Dans un tweet, Donal Trump a dénoncé «une attaque chimique insensée» pour laquelle la Syrie «devra payer le prix fort». La porte-parole du Département d'État, Heather Nauert a, quant à elle, pointé du doigt la responsabilité de la Russie: «La Russie, avec son soutien sans faille au régime, porte la responsabilité finale de ces attaques brutales», a ajouté la porte-parole américaine.
La Turquie a également condamné avec vigueur cette «attaque aux armes chimiques» ajoutant qu'elle soupçonnait «fortement» le régime syrien d'en être responsable. «Des nouvelles terribles nous parviennent de la Syrie avec des dizaines de victimes, dont beaucoup de femmes et d'enfants (...) tant de personnes frappées par les effets des substances chimiques contenues dans les bombes», a pour sa part déclaré le pape François devant des milliers de fidèles rassemblés place Saint-Pierre.
Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a fait part de son «indignation devant les images et informations transmises par plusieurs organisations disposant de témoins présents sur place». Sous l'impulsion de la France, neuf pays ont demandé une réunion urgente du Conseil de sécurité de l'ONU, qui doit avoir lieu à 17h30 lundi (heure française). La Russie a demandé en parallèle une autre réunion qui se tiendra à 21 heures. Contrairement à la première, elle n'a pas pour objet spécifique la Syrie et parle de «menaces sur la paix dans le monde», selon des sources diplomatiques.
VIDEO - Syrie: suspicion de bombardement à l'arme chimique à Douma
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