mercredi 11 avril 2018

Islamisme et politique 09.04.2018


Caroline Galactéros: «Pourquoi la France ne doit pas s'associer aux frappes en Syrie» (10.04.2018)
Le dangereux face-à-face entre Turcs et Occidentaux dans le nord de la Syrie (09.04.2018)
Syrie : «Tiens-toi prête, Russie, les missiles arrivent», prévient Trump (11.04.2018)
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Caroline Galactéros: «Pourquoi la France ne doit pas s'associer aux frappes en Syrie» (10.04.2018)

Par Caroline Galactéros
Mis à jour le 11/04/2018 à 10h06 | Publié le 10/04/2018 à 19h06
FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que la France s'apprête vraisemblablement à frapper la Syrie, en représailles aux attaques chimiques supposées, Caroline Galactéros plaide pour un sursaut d'indépendance nationale. Selon elle, la France ne doit pas s'aventurer dans une nouvelle coalition.

Docteur en science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros est présidente du think tank Geopragma. Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle a notamment publié Guerre, Technologie et société (éd. Nuvis, 2014).

La messe semble dite et une atmosphère de veillée d'armes plane sur Paris, tandis que le jeune prince d'Arabie Saoudite quitte la capitale et que notre président est en étroit dialogue avec son homologue américain. La France pourrait, en coordination avec Washington, frapper de manière imminente les forces du régime syrien en représailles d'une nouvelle attaque chimique imputée de manière «très probable» mais en amont de toute enquête, aux forces de l'abominable tyran Assad soutenu par les non moins affreux régimes russe et iranien.
Il faudrait agir vite, se montrer ferme, intraitable, juste! Il s'agirait là d'un «devoir moral»! On a bien entendu et lu. Le discours moralisateur sur la sauvegarde des civils innocents, pourtant inaudible après sept ans de guerre et de déstabilisation de la Syrie, est toujours le même. C'est là le comble du cynisme en relations internationales, que nous pratiquons pourtant sans états d'âme depuis des décennies. Pendant ce temps, la guerre silencieuse du Yémen continue. Ces civils-là n'existent pas, ne comptent pas.
Mais certaines images de guerre et de civils otages d'une sauvagerie généralisée irritent plus que d'autres nos consciences lasses d'Européens déshabitués de la violence et gonflés d'une prétention à connaître, dire et faire le Bien. Soit.
Mais agir contre qui? Qui faut-il punir? Le régime de «l'animal Assad», comme l'a appelé Trump? L'Iran? La Russie? Vraiment? Et si ce trio noir que l'on désigne exclusivement depuis des mois à la vindicte populaire internationale n'était qu'un leurre, proposé à notre indignation sélective pour ne pas réfléchir à nos propres incohérences?
Quel serait l'intérêt de la Russie de laisser perpétrer une telle attaque ?
Personne ne se demande pourquoi cette nouvelle attaque chimique arrive maintenant, au moment même où la Ghouta orientale repasse sous contrôle gouvernemental syrien et parachève sa reconquête territoriale, face à des groupuscules rebelles rivaux globalement en déroute et plus que jamais prêts à se vendre au plus offrant pour survivre et espérer compter? Personne ne s'autorise à douter un instant, quand le ministre russe des affaires étrangères rapporte que les observateurs du Croissant rouge syrien envoyés sur place n'ont rien vu ressemblant à une attaque? Serguei Lavrov ment-il carrément au Conseil de Sécurité des Nations unies ou bien faut-il penser que Moscou ne contrôle pas tout ce qui se fait au plan militaire sur le théâtre? Ou que des éléments de l'armée syrienne elle-même agiraient en électrons libres ou auraient été «retournés»? À qui profite le crime? C'est cette vieille question, mais toujours pertinente, qui paraît désormais indécente.
Quel serait pourtant l'intérêt de la Russie de laisser perpétrer une telle attaque, alors que, ne nous en déplaise, bien davantage que notre «Coalition internationale», elle cherche la paix, l'organise pragmatiquement, et est la seule depuis sept ans à engranger quelques résultats qui évidemment contreviennent à nos intérêts et à ceux de nos alliés régionaux?
On semble aussi avoir totalement oublié une donnée fondamentale du conflit: les malheureux civils de la Ghouta, comme ceux des ultimes portions du territoire syrien encore aux mains des «rebelles» djihadistes ou de Daech, sont des boucliers humains, peut-être même, en l'espèce, sacrifiés par ces mêmes apprentis démocrates suppôts d'al-Qaïda et consorts pour entraîner l'Occident dans une guerre ouverte avec Moscou et Téhéran.
Car si l'on quitte le microscope pour la longue-vue, il est permis de décrire à partir de cette dernière séquence syrienne un contexte stratégique global infiniment préoccupant pour l'Europe, et singulièrement pour la France, qui risque de prendre les avant-postes d'une guerre qui n'est pas la sienne, dont elle fera les frais et qui neutralisera durablement l'ambition présidentielle affirmée de prendre le leadership politique et moral de l'Union européenne. Nos amis allemands ou italiens sont d'ailleurs moins cynico-idéalistes, mais plus prosaïques que nous. Ils avancent prudemment, vont et viennent entre Beyrouth et Damas pour pousser leurs pions en cette phase douloureuse et recueilleront les fruits de notre marginalisation radicale quand la reconstruction syrienne arrivera.
La guerre en Syrie a été gagnée militairement par l'armée gouvernementale. Militairement, mais pas politiquement.
La ficelle est si grosse et la pelote si bien déroulée depuis des mois qu'on ne la voit plus en effet. On punit la Russie. On la punit d'être la Russie, déjà, et d'avoir réussi son retour sur la scène mondiale. On la punit de vouloir la paix en Syrie et de chercher à la mettre en musique politiquement à Astana ou à Sotchi. On la punit d'avoir sauvé Damas et son régime diabolisé du dépècement qu'on leur promettait et qui s'est fracassé sur la résilience populaire et gouvernementale syrienne et a déjoué partiellement au moins la confessionnalisation des affrontements politiques et sociaux que l'Occident encourage, sans en comprendre le danger insigne pour ses propres sociétés, et notamment en Europe.
La guerre en Syrie a été gagnée militairement par l'armée gouvernementale. Militairement, mais pas politiquement. Cette victoire sur le terrain au prix d'une guerre brutale (comme toutes les guerres, même celles menées depuis les airs et qui n'ont de chirurgicales que le nom), nous est proprement insupportable car cela nous force à faire la paix, ce que nul ne veut mis à part… Moscou. Ah, Moscou! L'impudent Vladimir Poutine trop bien réélu qui nous nargue avec sa coupe du monde, où des millions de gens vont découvrir un visage de la Russie qui ne les terrifiera pas.
Et puis derrière Moscou, on vise évidemment Téhéran, dont Israël, en pleine idylle officielle avec le centre mondial du salafisme - l'Arabie saoudite - qui a toutefois opportunément décidé de faire peau neuve, ne peut tolérer l'émergence régionale, tant le niveau sociétal, culturel, technologique et commercial de ce pays lui fait de l'ombre bien au-delà de la seule crainte d'un (dés)équilibre stratégique modifié par sa nucléarisation ultime.
Bref, nous sommes en train de tomber dans un vaste piège qui se joue sur plusieurs fronts, et de nous ruer, en croyant ainsi exister, sur le premier os qu'on nous jette. De ce point de vue, l'affaire Skripal pourrait bien n'avoir été que le hors-d'œuvre de la séquence actuelle. Elle a posé le premier étage d'une repolarisation politique et sécuritaire de l'Europe autour de Londres, et surtout sous la bannière de l'OTAN. Car c'est là l'ultime manœuvre: remettre au garde-à-vous les Européens qui, depuis l'arrivée de Donald Trump et le Brexit, s'étaient pris à rêver d'une autonomie européenne en matière de politique et de défense… Péril suprême pour le leadership américain sur le Vieux Continent, heureusement contrebalancé par les rodomontades de quelques nouveaux européens qui refusent leur arasement identitaire et mettent à mal tout projet d'affranchissement sécuritaire collectif. Le Secrétaire américain à la défense, le général Mattis, a d'ailleurs été très clair: les Européens doivent en effet consacrer 2 % de leur PIB à la défense, mais pour acheter des armes américaines et demeurer dans l'orbite otanienne évidemment, l'Alliance constituant le cadre naturel et nécessaire de la défense de l'Europe. Fermez le ban!
Nous sommes en train de tomber dans un vaste piège qui se joue sur plusieurs fronts.
Nous sommes donc en train d'être clairement repris en main par l'OTAN, mais on ne s'en rend pas compte car on nous vend la nécessité d'une solidarité sans failles, donc manichéenne, face à une «offensive russe» pour diviser l'Europe (comme si nous n'étions pas assez grands pour nous diviser nous-mêmes) et dominer le Levant. C'était probablement l'objet de l'affaire Skripal comme de la présente montée au front sur la Syrie. La volte-face aujourd'hui même d'Angela Merkel sur le projet Northstream-2 ne fait qu'amplifier cette polarisation. Moscou est poussé à se crisper donc à s'isoler par tous les moyens. Par les sanctions, par les vrais faux empoisonnements d'espions en plein Londres et jusqu'à cette décision allemande qui ne peut que durcir la position russe en Syrie et assurer la montée des tensions, le Kremlin n'ayant plus d'autre alternative que de jouer le tracé Qatari qui passe par la Syrie… Redoutable manœuvre anglo-américaine donc, à laquelle Paris et Berlin semblent ne voir que du feu.
Il faut donc s'y résoudre: l'Amérique d'Obama a vécu. Celle de Trump et de ceux - néoconservateurs de toutes obédiences - qui l'environnent très fermement désormais, a radicalement changé de posture. Certes le président américain annonce son souhait de quitter la Syrie, mais il avoue pouvoir changer d'avis si l'Arabie saoudite payait le coût de cette présence! On ne peut être plus clair et c'était aussi tout le sens de son premier voyage à Riyad au printemps dernier: réassurer l'allié du Quincy (dont le Pacte éponyme était rendu caduc par la nouvelle indépendance énergétique américaine) contre 400 milliards de dollars de contrats pour l'économie américaine. Et puis, tandis qu'il déclare au grand dam de ses généraux et pour tromper son monde qu'il veut partir, il se consolide une vaste zone d'influence américaine à l'est de l'Euphrate avec les FDS arabo-kurdes.
Washington, dans le vaste mouvement de repolarisation du monde, entend en tout état de cause demeurer le môle principal d'arrimage d'un Occident qui doute face à une Chine qui structure à son rythme et via un affrontement de basse intensité mais tous azimuts, un véritable «contre-monde». L'Amérique, fébrile, joue son va-tout pour renverser la vapeur d'un ordre international qu'elle ne contrôle plus mais qu'elle veut encore dominer coûte que coûte. Elle veut l'affrontement pour réinstaller sa préséance face à Moscou, Téhéran et Pékin, cible ultime de l'intimidation. C'est là pourtant un combat profondément à contresens de l'évolution du monde. Affligés du syndrome postmoderne de la vue basse et celui de l'hybris technologique, nous oublions que la vie est longue.
Au-delà, cette affaire, comme d'innombrables autres, met en évidence une évolution dangereuse: la substitution à la réalité non d'une image déformée, mais carrément d'une autre réalité et le retour de la tentation de la guerre préventive préemptive, qui évite d'enquêter. La question est vraiment très grave pour l'essence même de la politique internationale. Préfère-t-on l'image au réel, les fake news à l'analyse, le sensationnalisme à la rigueur?
Alors que voulons-nous? Ce sera bientôt clair: si nous voulons sauver la Syrie, il nous faut surtout ne pas nous joindre à une coalition qui agira hors de tout mandat de l'ONU et qui portera le poids d'une guerre dont le peuple syrien est la dernière roue du carrosse et sera la victime immédiate. La grande question est donc: mais que vient faire Paris dans cette galère? On se trompe comme souvent d'ennemi, d'allié, de posture, de tout en somme. Et si l'on essayait l'audace, le courage et la singularité? Notre siège au Conseil de Sécurité, que guigne l'Allemagne de plus en plus ouvertement, en serait relégitimé. Nous posons-nous seulement la question de notre intérêt national (qui ne se réduit pas à des contrats d'armement) et des raisons pour lesquelles on nous sert ainsi l'injonction d'un alignement sur le thème du Bien contre le Mal et de la guerre préventive?
Dans ce nouveau grand jeu, la France a encore l'opportunité inespérée de compter plus que son poids démographique ou même économique ne le lui permet.
La France est désormais, en Syrie comme ailleurs, au pied du mur. Elle a l'occasion inespérée de faire valoir une approche prudente et rigoureuse, une voix pour la paix, une singularité. Nous avons déjà une influence au plus bas dans la région. Si nous voulons compter de nouveau, nous devons regarder la réalité dans les yeux et admettre que «nous avons eu tout faux» depuis 2011. Il n'est jamais trop tard et notre président peut encore choisir de compter véritablement au regard de l'Histoire et dans le cœur des peuples
Une guerre contre l'Iran et la Russie n'est pas la nôtre. Elle ne correspond nullement aux intérêts stratégiques français, ni à ceux de l'Europe. Nous avons déjà si naïvement collé aux Britanniques qui veulent quitter l'Union, sans preuve et par principe, dans l'affaire Skripal. Pourquoi cette fuite en avant?
Dans ce nouveau grand jeu, la France a encore l'opportunité inespérée de compter plus que son poids démographique ou même économique ne le lui permet, en affirmant une singularité et une cohérence. Plus que jamais le réalisme, aux antipodes du cynisme, doit être le bouclier et la lance de notre nouvelle posture internationale. Il nous rapproche non d'une justice abstraite mais de l'équité et de la clairvoyance. La France n'a pas le droit et aucun intérêt à être malhonnête dans son interprétation des faits. Elle a tout à gagner à la lucidité et elle doit d'urgence montrer au monde comme aux peuples et pouvoirs du Moyen-Orient qu'on ne l'égare ni ne la soumet si facilement.
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Le dangereux face-à-face entre Turcs et Occidentaux dans le nord de la Syrie (09.04.2018)

Par Adrien Jaulmes
Mis à jour le 09/04/2018 à 21h02 | Publié le 09/04/2018 à 20h40
REPORTAGE - Les forces kurdes, combattants de Daech de la première heure, sont aujourd'hui contraintes de défendre leur position contre les attaques turques et redoutent un départ de la coalition américano-française.
Envoyé spécial à Dadat et Manbij
Les Français restent invisibles mais les Américains se montrent ostensiblement. Dans la campagne verdoyante au nord de Manbij, grosse ville syrienne à une trentaine de kilomètres à l'ouest de l'Euphrate, un grand drapeau étoilé flotte sur une colline plantée d'oliviers au-dessus du village de Dadat. Au pied du drapeau, une douzaine de gros véhicules blindés américains sont garés devant un fortin fait de gabions pliants, sorte de grands paniers cubiques remplis de terre et empilés de façon à former des remparts.
L'installation de la petite unité américaine sur cette crête au nord de la Syrie date de quelques jours à peine. Devant la position, d'autres gabions attendent d'être déployés pour compléter la fortification. Même si les soldats refusent de parler à des étrangers, leur présence n'a rien de secret. Tout au contraire: leur détachement est placé là pour être parfaitement visible et dissuader toute attaque.
«Les Forces spéciales françaises ne se montrent pas, mais elles sont là aussi, nous leur avons aménagé des positions aux alentours», assure le commandant Kendal, un officier kurde du comité militaire de Manbij, chargé de la liaison avec les forces occidentales. «Nous nous sommes battus ensemble contre Daech, aujourd'hui nous avons encore besoin de nos alliés de la coalition.»
Trois ans après leur déploiement dans le nord de la Syrie pour appuyer les milices kurdes syriennes contre l'État islamique, les forces de la coalition internationale viennent de se voir confier une nouvelle mission au profit des Kurdes syriens. Mais cette fois, l'adversaire n'est plus Daech. La menace vient d'une force régulière, qui plus est elle aussi membre de l'Otan et nominalement alliée de la coalition: l'armée turque.
«Vous voyez une position turque là-bas, sur la crête», indique Mahmoud Anah par l'embrasure d'un poste d'observation renforcé de sacs de sable. Ce jeune soldat à peine sorti de l'adolescence combat dans les rangs des Forces démocratiques syriennes (FDS), la formation qui englobe les milices kurdes de protection populaire (YPG) et leurs alliés arabes locaux, déployés sur le front de Manbij. Mahmoud montre du doigt un sommet de colline où la terre a été fraîchement retournée. Avec une dizaine d'autres soldats guère plus âgés que lui, Mahmoud occupe un poste avancé au-dessus de Dadat, à environ un kilomètre devant la position américaine. Ils remplissent une mission de «sonnette». En cas d'attaque, ces soldats serviront à prévenir les lignes de défense principales du début de l'offensive, sans grandes chances de la ralentir plus de quelques minutes.
«Je suis heureux que les Américains soient là sinon on pourrait être attaqués (par les Turcs) à tout moment»
Mahmoud, combattant kurde
«À côté des Turcs, vous avez une position de l'Armée syrienne libre», poursuit Mahmoud Anah, le bras tendu. Complication supplémentaire, l'armée turque est accompagnée elle aussi d'alliés syriens: sous le nom d'Armée syrienne libre, celui pris par les insurgés syriens contre le régime de Bachar el-Assad au début de leur soulèvement, ces supplétifs arabes, recrutés largement dans les rangs de groupes djihadistes, appuient et accompagnent l'opération «Rameau d'Olivier», lancée par l'armée turque le 20 janvier dernier, mettant ostensiblement à sac les maisons kurdes conquises.
«Depuis la chute du canton d'Afrine, le mois dernier, beaucoup de renforts turcs sont arrivés, certains hier encore», dit Mahmoud. «Je suis heureux que les Américains soient là», dit-il, «sinon on pourrait être attaqués à tout moment». Après s'être emparée du canton d'Afrine et l'avoir livré au pillage de leurs alliés arabes, l'armée turque menace à présent Manbij. Cette ville, reprise en 2016 à l'État islamique par les FDS, est la position la plus avancée des Kurdes syriens à l'ouest du fleuve Euphrate. Le président turc Erdogan, qui considère comme intolérable l'existence le long de sa frontière d'une entité kurde syrienne apparentée au PKK, le parti séparatiste kurde de Turquie, a désigné Manbij comme le prochain objectif pour ses troupes.
Cette menace représente un casse-tête diplomatique et militaire supplémentaire pour la coalition internationale rassemblée par Washington contre l'État islamique. D'abord parce que l'opération d'Afrine a déjà fait échouer l'offensive finale contre Daech dans le sud de la Syrie, les combattants kurdes ayant suspendu leurs opérations pour se redéployer face à cette nouvelle menace. Mais ensuite et surtout parce qu'elle oblige Washington, et Paris, à choisir entre deux mauvaises options: soit les Occidentaux cèdent aux pressions d'Erdogan et abandonnent en rase campagne leurs alliés kurdes après qu'ils ont payé le prix du sang pour reconquérir le territoire syrien de Daech, perdant ainsi ce qui leur reste de crédibilité dans la région ; soit ils placent un rideau de troupes en travers du chemin d'un allié de l'Otan au comportement de plus en plus erratique, et qui dispose d'un pouvoir de nuisance considérable, au risque de voir la situation déraper à tout moment.
«Jusqu'à présent les chefs américains nous ont confirmé qu'ils resteraient et riposteraient en cas d'attaque, notamment aérienne, de la part de la Turquie»
Abou Adel, le chef du conseil militaire de Manbij
Les déclarations de Donald Trump, qui a récemment annoncé vouloir retirer au plus vite ses troupes de Syrie, ont pour l'instant été contredites par le déploiement des forces américaines devant les positions turques. Mais ce face-à-face entre plusieurs membres de l'Otan sur l'Euphrate reste potentiellement dangereux. «Il y a de grands risques que les Turcs attaquent», dit Abou Adel, le chef du conseil militaire de Manbij.
«Mais aussi longtemps que la coalition sera présente, je pense qu'ils hésiteront. Jusqu'à présent les chefs américains nous ont confirmé qu'ils resteraient et riposteraient en cas d'attaque, notamment aérienne, de la part de la Turquie. Manbij est notre ville, nous l'avons libérée de l'État islamique, nous allons la conserver», dit-il. «Nous n'avons pas attaqué la Turquie ou la Russie, nous sommes ici chez nous.»
Le commandant Abou Adel déplore aussi la suspension des opérations contre Daech. «L'État islamique est loin d'être vaincu», ajoute-t-il. «Ses combattants sont encore là et bien actifs dans la région de Deir Ezzor. Ces derniers jours, ils se sont emparés de puits de pétrole appartenant au régime syrien. Mais nous ne pouvons rien faire, nous avons été obligés de ramener nos combattants vers Manbij: nous n'allons pas continuer à combattre l'État islamique pendant que nos villes et nos familles sont attaquées par la Turquie.»
Outre les Turcs au nord et l'État islamique au sud-est, les FDS de Manbij font aussi face au régime syrien de Bachar el-Assad vers l'ouest. «On n'a pas eu d'accrochages avec eux», dit Abou Adel. «On ne les aime pas plus que ça, mais nous n'avons pas de contentieux majeur pour le moment sur ce front.»
«Erdogan se comporte plus comme un chef de milice que comme un chef d'État»
Dans les rues de Manbij, l'atmosphère est presque normale. Des soldats américains s'arrêtent même pour acheter des kebabs. Mais les habitants se disent inquiets. «À Afrine, la Turquie a montré son véritable visage», dit Cheikh Farouk el-Machi, le coprésident du Comité civil de Manbij, l'organe de gouvernement placé à la tête de la ville. «Ils se prétendent des libérateurs, mais ils se comportent comme une force d'occupation. Ils défient et menacent tout le monde, et Erdogan se comporte plus comme un chef de milice que comme un chef d'État.»
Dans le bureau de l'«Organisation de l'aide aux familles des martyrs», qui prend en charge les conjoints et enfants des combattants des FDS tombés au feu, l'inquiétude est la même. «On compte beaucoup sur la présence des forces de la coalition», dit Kifal, une jeune veuve dont le mari a été tué en 2016 pendant les combats pour reprendre Manbij à l'État islamique, «mais on n'est pas tranquilles quand on entend les responsables occidentaux changer d'avis d'une semaine à l'autre».
D'autant que le front n'est pas calme. Sur la route d'Alep, où une grosse base américaine est installée au pied d'une gigantesque antenne de communication, le commandant Kendal indique sur une tablette les positions des forces turques. «La pression a augmenté beaucoup depuis la chute d'Afrine», dit-il. «Il y a des incidents presque tout le temps. Ce sont des tirs de mitrailleuse lourde, ou parfois de mortier ; la nuit, ils tirent des obus éclairants. On soupçonne les soldats turcs de se déployer en première ligne. Sans la présence des forces de la coalition, ils auraient déjà attaqué.»

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Syrie : «Tiens-toi prête, Russie, les missiles arrivent», prévient Trump (11.04.2018)
Par Le figaro.frAFP agence et agence ReutersMis à jour le 11/04/2018 à 15h44 | Publié le 11/04/2018 à 14h24
VIDÉO - Dans un tweet matinal, le président américain a averti mercredi la Russie de frappes imminentes contre la Syrie, ajoutant que les relations entre les deux pays étaient «pires aujourd'hui qu'elles ne l'ont jamais été, y compris pendant la Guerre froide».
«Tiens-toi prête, Russie, car ils arrivent, beaux, nouveaux et ‘intelligents!' Vous ne devriez pas vous associer à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son peuple et aime cela». Le président américain Donald Trump a ainsi menacé directement la Russie - alliée de Bachar el-Assad - sur son compte Twitter en lui annonçant que les missiles en direction de la Syrie arrivaient.
Il a renchéri dans un second tweet en affirmant que les relations avec la Russie étaient pires que durant la Guerre froide. «Notre relation avec la Russie est pire aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, y compris pendant la Guerre froide. Il n'y a pas de raison à cela. La Russie a besoin qu'on l'aide sur son économie, ce qui devrait être très facile à faire, et nous avons besoin que toutes les nations travaillent ensemble. Arrêtons la course aux armements?», a tweeté le président Trump.
Cette nouvelle menace de Trump laisse présager une attaque imminente des États-Unis sur la Syrie, en réaction à l'attaque chimique présumée du régime syrien à Douma. Donald Trump avait déjà promis lundi qu'il prendrait «une décision majeure dans les prochaines 24 à 48 heures» concernant la réponse à adopter concernant la dernière attaque chimique en Syrie.
Moscou insinue que Washington veut «effacer les traces de provocations»
Mardi soir au Conseil de sécurité de l'ONU réuni en urgence, Moscou a posé son veto à la résolution américaine prévoyant de créer un mécanisme d'enquête sur le recours aux armes chimiques. «En cas de frappe américaine(...), les missiles seront abattus et même les sources d'où proviennent ces missiles seront prises pour cibles», avait déclaré le même jour l'ambassadeur russe au Liban, Alexander Zassipkine, interrogé sur la chaîne de télévision du Hezbollah Al Manar.
«Les missiles intelligents doivent voler en direction des terroristes et non pas en direction du gouvernement légitime, qui lutte depuis plusieurs années contre le terrorisme international sur son territoire», a réagi ce mercredi sur Facebook la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. «L'idée serait-elle d'effacer rapidement les traces de provocations par des frappes de missiles intelligents, et les inspecteurs n'auront plus rien à trouver en termes de preuves», s'est interrogée la porte-parole.
La Syrie n'a pas tardé à réagir, accusant les États-Unis de soutenir le terrorisme. Elle a qualifié ces menaces comme une «escalade dangereuse» , selon l'agence officielle Sana.
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Syrie : Assad et ses alliés face à la riposte occidentale (10.04.2018)
Par Isabelle Lasserre
Mis à jour le 10/04/2018 à 22h24 | Publié le 10/04/2018 à 19h57
Les États-Unis et la France ont promis de répondre fermement à l'attaque chimique du 7 avril à Douma.
Cinq ans plus tard, le même trio est confronté au même défi. Les États-Unis et la France, suivis d'une Grande-Bretagne présente mais plus discrète, ont promis de répondre fermement à une attaque chimique qui a fait quarante-huit morts, dont de nombreux enfants, le 7 avril à Douma, dans la Ghouta orientale, le dernier bastion rebelle près de Damas, pilonné par les forces du régime et leurs alliés. Le 31 août 2013, les projets de riposte militaire étaient tombés à l'eau, noyés dans l'abandon britannique puis la volte-face américaine décidée au dernier moment par Barack Obama alors que les avions français étaient prêts à décoller. Les Français en avaient conçu de l'amertume et un fort ressentiment vis-à-vis de l'Administration américaine d'alors.
Depuis, la ligne rouge sur les armes chimiques a de nouveau été franchie, notamment samedi à Douma. À tel point que la réaction militaire paraît cette fois inéluctable. Français et Américains n'ont aucun doute sur la nature chimique et neurotoxique de l'attaque ni sur son origine. Washington promet des «décisions majeures». L'Élysée évoque une «riposte».
Emmanuel Macron et Donald Trump, qui s'entendent bien, se sont parlé deux fois au téléphone depuis l'attaque. Ils espèrent une «réaction ferme de la communauté internationale». Paris a aussi montré du doigt la Russie. «Quelle est la responsabilité de la Russie? Pas un avion syrien ne décolle sans que les Russes en soient informés…», a interrogé Nathalie Loiseau, la ministre des Affaires européennes. Le premier ministre Édouard Philippe a dit la même chose, affirmant que «les alliés du régime ont une responsabilité particulière dans ce massacre».
Si les présidents français et américain s'abstenaient une nouvelle fois de faire respecter la ligne rouge chimique, ils perdraient leur crédibilité, déjà largement entamée en Syrie
Si les présidents français et américain s'abstenaient une nouvelle fois de faire respecter la ligne rouge chimique, ils perdraient leur crédibilité, déjà largement entamée en Syrie. Ils encourageraient indirectement la prolifération des armes chimiques sur la planète. Ils donneraient un feu vert à l'impunité des auteurs de crimes de guerre. D'ailleurs, même Damas semblait s'attendre à des frappes aériennes imminentes. Le régime a placé ses forces «en état d'alerte» dans les aéroports et les bases militaires.
Une défection de Donald Trump, qui a annoncé la semaine dernière son intention de retirer les troupes américaines de Syrie, et dont l'imprévisibilité est une manière de gouverner, remettrait-elle en question la détermination d'Emmanuel Macron? Contrairement à François Hollande, qui avait misé sur le soutien des États-Unis, sans imaginer qu'il puisse en être autrement et qui n'avait jamais prévu d'agir seul, Emmanuel Macron a déjà évoqué cette option.
Il a promis que la France ferait respecter sa ligne rouge chimique, même si elle devait pour cela frapper par elle-même. À l'époque, certains officiers généraux avaient été dubitatifs devant un tel projet qui pouvait leur sembler périlleux. Mais la proposition a été rappelée récemment par le chef d'état-major français. Invité d'Europe 1, le général François Lecointre a confirmé le mois dernier que la France, en cas de besoin, serait capable de frapper «en autonomie» en Syrie.
La Russie, qui maîtrise l'espace aérien syrien et dénonce les projets de frappes militaires, sera tout sauf un allié pour les avions américains, français ou peut-être britanniques
Reste à savoir quelles seront les cibles de la réaction militaire. En avril 2017, la frappe politique de Donald Trump, qui voulait sans doute surtout effacer «l'erreur» de Barack Obama en Syrie et qui s'était limitée à viser une base militaire, n'avait servi à rien. Elle n'a en tout cas pas empêché le régime de commettre de nouvelles attaques chimiques. Si les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne se souviennent des conséquences malheureuses de leur abstention en août 2013, pour leur réputation dans le monde mais aussi sur Daech, qui s'est senti pousser des ailes, ils sont aussi conscients des dangers d'escalade.
Car la situation a beaucoup changé, sur le terrain syrien, depuis août 2013. En 2015, les interventions militaires de la Russie et de l'Iran ont permis au régime de Bachar el-Assad de reprendre le dessus sur l'opposition. La Russie, qui maîtrise l'espace aérien syrien et dénonce les projets de frappes militaires, sera tout sauf un allié pour les avions américains, français ou peut-être britanniques.
Moscou a donné un avant-goût de son humeur mardi en opposant son veto au projet de résolution présenté par les Américains au Conseil de sécurité de l'ONU mardi soir. L'Iran et la Turquie seront aussi de la partie. Le Moyen-Orient est une poudrière, où s'affrontent des acteurs déterminés et parfois dangereux. Mais comme le dit un diplomate: «En Irak, on a bombardé et envahi le pays et ce fut la catastrophe. En Libye, on a bombardé mais pas envahi et ce fut quand même la catastrophe. En Syrie, on n'a pas bombardé et pas envahi et c'est la catastrophe quand même»…

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Syrie : le régime met ses hommes en état d'alerte (11.04.2018)
Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 11/04/2018 à 09h14 | Publié le 11/04/2018 à 07h01
VIDÉO - Dans l'anticipation de frappes américaines ou françaises, l'armée syrienne a commencé à évacuer les plus importantes de ses bases aériennes, transférant sur les bases russes son armement le plus sophistiqué et renforçant sa coopération avec la Russie et l'Iran.
Alors que la pression militaire monte contre la Syrie, Bachar el-Assad a placé ses forces armées «en état d'alerte» pour les trois jours à venir dans les aéroports et les bases militaires du pays, croit savoir l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), basé à Londres. «Lundi, les Syriens avaient commencé de vider les plus importantes de leurs bases aériennes», confirme un expert au Moyen-Orient. La base de Doumair, dans la région du Qalamoun, près de Damas - de là où ont décollé les avions qui ont bombardé l'ex-fief rebelle de la Ghouta orientale ces dernières semaines - a été l'une des premières à être évacuée. De la même manière, les principaux quartiers généraux de l'armée auraient été vidés. Sur pratiquement toutes les bases aériennes syriennes, des soldats russes étaient présents jusqu'à maintenant aux côtés des Syriens, voire parfois des Iraniens.
Selon une source onusienne, des avions militaires syriens ont également été transférés vers la base russe de Hmemim, près de Lattaquié, sur la côte méditerranéenne, dans le fief des Assad. Les bases russes de Hmeimim et de Tartous seront, selon toute vraisemblance, épargnées par d'éventuelles frappes américaines et françaises, comme l'a assuré Emmanuel Macron mardi soir. «Les Syriens ont cherché à mettre à l'abri leurs armes sophistiquées», précise l'expert.
L'Iran possède environ 2000 conseillers militaires auprès de Bachar el-Assad. Ils constituent des cibles pour Israël, mais aussi pour les États-Unis de Donald Trump
Ces derniers jours, à mesure que la menace d'une frappe américaine voire française se faisait pressante, Russes, Iraniens et Syriens ont renforcé leur coopération. Selon nos informations, Qassem Souleimani, le patron de la force iranienne Al-Qods, le bras armé de Téhéran hors de ses frontières, était en Syrie. Téhéran possède environ 2000 conseillers militaires auprès de Bachar el-Assad. Ils constituent des cibles pour Israël, mais aussi pour les États-Unis de Donald Trump, décidés à «rogner les ailes» de Téhéran hors de ses frontières.
Outre la gestion du contingent iranien, la présence récente de Qassem Souleimani en Syrie pourrait suggérer la préparation d'une riposte à des frappes occidentales. «Ils ont les moyens de viser des soldats américains encore présents en Irak et en Syrie, même si cela s'avère plus difficile», prévient l'expert.
La semaine dernière, un soldat américain et un Britannique sont morts lorsque leur convoi a sauté sur un engin explosif improvisé posé (IED) au sud de Manbij, ville du nord où sont déployés plusieurs centaines de militaires américains. L'attaque à l'IED était fréquente contre le contingent américain en Irak dans les années 2005-2010.
Avant même cette dernière crise, les Russes ont renforcé le déploiement de leur système de défense antiaérienne, notamment les missiles antimissiles S300 et S400. «Ces dispositifs doivent assurer la sûreté des zones considérées comme les plus sensibles, leurs bases d'abord, mais aussi les points critiques du régime syrien», décrypte un expert militaire français. Mais, ajoute-t-il, «si la décision était prise de frapper, Français et Américains parviendraient à contourner ces contre-mesures, comme les Israéliens ont réussi à le faire dans la nuit de dimanche à lundi quand ils ont frappé la base aérienne de T4 près de Homs, mais l'effet sera limité et cela devrait être one shot».
Bachar el-Assad ou son palais pourraient-ils être une cible? Emmanuel Macron semble l'exclure. «Je ne sais pas où il est, affirme un fin connaisseur du régime syrien au Liban, mais il n'est certainement plus au Palais du peuple, sur le mont Qassioun en surplomb de Damas». L'enceinte est gardée par la IVe Division, postée autour du palais. Maher, le frère de Bachar el-Assad, est le chef d'état-major de cette unité d'élite historiquement en charge de la citadelle damascène.
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En attendant une intervention en Syrie, les Rafale en piste à Saint-Dizier (11.04.2018)
Par Alain Barluet
Mis à jour le 11/04/2018 à 08h34 | Publié le 10/04/2018 à 20h27
VIDÉO - Des plans d'opérations ont été présentés à Emmanuel Macron par les chefs militaires dans l'éventualité où la France s'associerait à des frappes contre Bachar al-Assad.
Certaines hypothèses se dégageaient mardi pour esquisser le scénario plausible d'une ou de plusieurs frappes de rétorsion menées par la France contre Bachar al-Assad. Selon l'usage, des plans d'opérations, détaillant les effets à obtenir, ont été présentés au président de la République par les chefs militaires.
«Nous avons la capacité autonome de procéder à ces frappes et à leur identification si besoin était»
Emmanuel Macron
Pour les spécialistes de l'arme aérienne, si le feu vert politique devait être donné à un raid, celui-ci devrait partir de métropole, selon toute vraisemblance de la base de Saint-Dizier (Haute-Marne), et non de bases françaises avancées au Proche-Orient, comme celle de Jordanie ou des Émirats arabes unis. Ces pays ne souhaitent pas être impliqués dans une action à aussi forte visibilité contre leur voisin syrien. C'est de cette même base de Saint-Dizier que devaient décoller, en août 2013, les avions du raid, finalement avorté, décidé par François Hollande après l'utilisation, déjà, d'armes chimiques par l'armée syrienne. Trois ravitaillements seraient nécessaires aux Rafale  *, emportant sous leurs ailes deux missiles de croisière Scalp (de plusieurs centaines de kilomètres de portée), avant d'atteindre le territoire syrien.
Les moyens de la Marine nationale pourraient aussi être mis à contribution. La frégate multimissions Aquitaine a été signalée il y a quelques jours en Méditerranée orientale. Ce navire, un des plus modernes de la flotte tricolore, est doté du missile de croisière naval (MdCN), jamais utilisé encore en opérations. Il peut délivrer une première frappe rapide et massive, à plus de 1000 kilomètres, éventuellement en coordination avec des missiles aéroportés.
La France mènerait-elle cette frappe seule ou avec ses alliés, américains en l'occurrence?«Nous avons la capacité autonome de procéder à ces frappes et à leur identification si besoin était», déclarait Emmanuel Macron, le 12 mars dernier. La séquence politico-diplomatique actuelle plaide pour des frappes engagées hors coalition, soit en «national», soit en «binational» avec les Américains.
Échange de renseignements
Dans ce dernier cas, le plus probable, il pourrait s'agir soit de missions communes, soit de missions coordonnées dans le temps et l'espace, Américains et Français se répartissant des cibles et se mettant d'accord pour les frapper chacun de son côté, au moment convenu. Pour le général de corps aérien Jean-Patrick Gaviard (en «deuxième section», c'est-à-dire ayant quitté le service actif), une telle opération exigerait une étroite synchronisation avec les Américains, notamment au niveau des centres de commandement et de contrôle (C2) qui conduisent la manœuvre. Si les opérations aériennes menées quotidiennement en Irak et en Syrie sont coordonnées depuis la base d'al-Udeid, au Qatar, les frappes de rétorsion seraient, elles, gérées au plus haut niveau, au téléphone entre Emmanuel Macron et Donald Trump.
Dans cette phase cruciale, l'échange de renseignements et la déconfliction aérienne (gestion du trafic) seraient plus que jamais nécessaires entre alliés.L'US Air Force pourrait déployer des chasseurs F-22 en protection des raids de même que des avions brouilleurs, comme ce fut le cas naguère au Kosovo. De telles frappes comportent des risques. «Les avions devront se rapprocher des cibles dans un environnement soumis à un fort déni d'accès», explique un officier de l'armée de l'air. Les Russes disposent en Syrie de moyens de défense sol-air très sophistiqués, avec les missiles S-400 notamment. En janvier dernier, un avion F-16 israélien avait été abattu par la défense antiaérienne syrienne.
Une coordination, même minimale, peut-elle être mise en place avec les militaires russes, ceux-ci étant préalablement prévenus avant les frappes? La présence russe en Syrie est un facteur ultrasensible. Selon une bonne source militaire, les objectifs auraient été choisis en tenant compte du fait que les forces russes ne stationnent pas à proximité.
Le Rafale est fabriqué par le groupe Dassault auquel appartient Le Figaro.

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Irak, Libye, Syrie : près de trente ans d'interventions occidentales au Moyen-Orient (11.04.2018)
Par Alexis Feertchak et Service InfographieMis à jour le 11/04/2018 à 15h55 | Publié le 11/04/2018 à 15h01
FOCUS - L'éventualité de frappes américaines et françaises contre le gouvernement syrien, accusé d'être à l'origine d'attaques chimiques, s'inscrit dans la longue histoire des opérations militaires au Moyen-Orient, dont le bilan, souvent contrasté, fait l'objet de critiques récurrentes.
Des frappes américaines et françaises sont envisagées contre le gouvernement syrien alors que les pays occidentaux accusent le pouvoir de Bachar el-Assad d'avoir commis une attaque chimique contre la ville de Douma, dans la Ghouta orientale, l'une des dernières poches près de Damas aux mains de la rébellion islamiste.
Une telle opération extérieure, menée depuis les airs ou depuis la mer, s'inscrirait dans une longue histoire de l'interventionnisme occidental au Moyen-Orient. Irak en 1990 puis en 2003, Libye en 2011, Syrie aujourd'hui... Ces interventions, réalisées avec ou sans un mandat de l'ONU, à l'intérieur ou hors de l'OTAN, sont soumises, particulièrement depuis la Guerre d'Irak, à de fortes critiques. Au fil des ans, elles ont d'ailleurs vu leur format se réduire: les frappes continuent, mais les combats au sol sont de moins en moins le fait des puissances occidentales elles-mêmes, remplacées sur le terrain par des forces locales, à l'image de la coalition anti-Daech.
● 1991: la guerre du Golfe sanctionne l'invasion du Koweït par l'Irak

Des troupes de la coalition pendant la guerre du Golfe. - Crédits photo : PHC D. W. Holmes/Film
En août 1990, l'Irak envahit le Koweït, sur fond de différend pétrolier entre les deux États producteurs. Saddam Hussein, contrairement à ce qu'il espérait, ne peut compter sur le soutien de l'URSS, proche de l'implosion. Le conseil de sécurité de l'ONU vote un embargo commercial, financier et militaire contre l'Irak, puis un blocus, avant d'autoriser une opération militaire.
Une coalition anti-irakienne, commandée par les États-Unis, composée d'une trentaine de pays, dont la France, et basée en Arabie Saoudite, mène victorieusement l'opération «Tempête du désert» du 17 janvier au 28 février 1991. Le conflit prend fin après que Saddam Hussein a accepté les conditions de paix imposées par l'ONU, notamment la destruction des armements chimiques et biologiques, ainsi que des missiles à moyenne et longue portée de son régime. La guerre du Golfe a été meurtrière: plusieurs dizaines de milliers de morts parmi les combattants irakiens, 240 du côté de la coalition. Les pertes civiles pourraient dépasser les 100.000 morts.
● 2003: la guerre d'Irak mène à la chute de Saddam Hussein
Deux après les attentats terroristes de 2001, l'Irak est de nouveau l'objet d'une offensive occidentale, mais les États-Unis, et quelques-uns de leurs alliés, dont le Royaume-Uni, interviennent cette fois-ci sans mandat de l'ONU, après le veto imposé par la France au conseil de sécurité. George W. Bush et son administration, dominée par le courant néoconservateur, condamnent les agissements d'un «axe du mal», composé de l'Iran, de l'Irak, de la Corée du Nord, qu'ils accusent de soutenir le terrorisme international et de posséder des armes de destruction massive. Or, l'Irak de Saddam Hussein n'avait pas de liens avec al-Qaida et ne possédait pas de telles armes, depuis leur destruction sous l'égide de l'ONU après la guerre du Golfe.
En une vingtaine de jours d'offensive, le régime irakien tombe. Une autorité provisoire administre le pays jusqu'au vote d'une nouvelle constitution irakienne en 2005. Saddam Hussein est exécuté en 2006. «Considérées comme des forces d'occupation, les troupes engagées doivent faire face aux divers mouvements de résistance. Le pays sombre dans la guerre civile», écrit Christophe Péry dans l'Encyclopædia Universalis. L'offensive américaine aura pour conséquence la mise en place d'un gouvernement chiite, proche de l'Iran, et la mise au ban de la communauté sunnite, gagnée par l'islamisme. Ces tensions favoriseront l'émergence de Daech, notamment après le départ des forces américaines en 2011. En plus d'être vécue dans les pays du monde arabe mais également en Europe comme le symbole d'un impérialisme, la guerre d'Irak, qui a coûté la vie à plus de 3000 soldats américains, est rapidement devenue impopulaire aux États-Unis même.
● 2011: intervention en Libye qui mène à la chute de Mouammar Kadhafi

Un Mirage -2000 lors de l'intervention en Libye. - Crédits photo : Anonymous/ASSOCIATED PRESS
À partir de mars 2011, dans le contexte des «printemps arabes», une guerre civile oppose en Libye les forces fidèles à Mouammar Kadhafi, qui dirige le pays depuis 1969, et la rébellion, que les pays occidentaux soutiennent. La résolution 1973 du conseil de sécurité de l'ONU instaure une zone d'exclusion aérienne et permet de «prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour protéger les populations civiles».
Conduite dans le cadre de l'OTAN, l'intervention des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni aboutit à la chute du régime de Kadhafi et à la mort du dictateur. De nombreux observateurs défavorables aux interventions dites humanitaires l'ont critiquée, car celle-ci aurait dépassé le cadre fixé par la résolution onusienne qui était, non pas d'obtenir la chute du régime de Kadhafi, mais de protéger les populations civiles. Cet argument a été notamment défendu par deux membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU, la Chine et la Russie. Le pays continue d'être le lieu d'une guerre civile, qui a permis à l'État islamique de s'implanter.
● Depuis 2014, une coalition internationale contre Daech
Après l'expansion territoriale rapide de l'État islamique à l'été 2014, une coalition internationale dominée par les États-Unis a été formée par plusieurs puissances occidentales et arabes. Tandis que les premières assurent l'essentiel des frappes aériennes, ce sont des forces locales qui interviennent au sol. En Irak, ce sont l'Armée irakienne, des milices chiites parrainées par l'Iran et les peshmergas du Kurdistan irakien qui mènent l'essentiel des combats. En Syrie, ce sont les Forces démocratiques syriennes, dominées par les combattants kurdes, qui luttent contre Daech, en concurrence avec l'Armée syrienne soutenue quant à elle par la Russie et l'Iran. Le 10 juillet, Daech perd sa capitale irakienne, Mossoul, puis, le 17 octobre, sa capitale syrienne, Raqqa.
● 2017: frappes américaines contre le régime syrien

Des missiles Tomahawk sont tirés sur une base syrienne en 2017. - Crédits photo : Reuters
Dès le début de la guerre civile en Syrie, les puissances occidentales soutiennent la rébellion opposée au gouvernement syrien de Bachar el-Assad. Néanmoins, elles n'interviennent pas, celui-ci étant soutenu par la Russie et l'Iran. En 2012, le président américain Barack Obama établit une «ligne rouge»: si Damas utilise l'arme chimique, les États-Unis interviendront. Mais après l'attaque chimique de la Ghouta à l'été 2013les Américains préfèrent opter pour un accord diplomatique avec la Russie, qui intervient quant à elle en septembre 2015 pour soutenir Damas.
Le 4 avril 2017, une attaque chimique au gaz sarin est perpétrée à Khan Cheikhoun. Quarante-huit heures plus tard, le nouveau président américain Donald Trump, qui accuse Damas, ordonne les premières frappes contre le gouvernement syrien, mais cette intervention ne change pas le cours de la guerre, alors que le gouvernement syrien prend l'avantage face aux rebelles. La nouvelle attaque de la Ghouta, perpétrée cette semaine, pourrait entraîner de nouvelles frappes américaines, auxquelles la France pourrait cette fois-ci s'associer.

Guerre en Syrie : chlore, sarin, des agents suffocants ou neurotoxiques (10.04.2018)
Par Damien Mascret
Mis à jour le 10/04/2018 à 20h46 | Publié le 10/04/2018 à 20h15
VIDÉO - Les symptômes des victimes des armes chimiques diffèrent selon le choix et la dose d'agent neurotoxique utilisé. Les récentes attaques présumées commises à Douma, dans la Ghouta orientale, font l'objet d'un nouveau vote mardi soir à l'ONU.
En voyant sur les réseaux sociaux les vidéos des victimes respirant difficilement à Douma en Syrie, s'impose aussitôt le spectre d'une attaque chimique par un agent suffocant comme le chlore. Hypothèse désormais remise en question par la découverte «dans des caves, des appartements, de gens comme foudroyés par la mort», selon des contacts sur place du Pr Raphaël Pitti, professeur agrégé de médecin d'urgence, responsable d'une ONG (Union des organisations de secours et soins médicaux).
«Le chlore commence par irriter les muqueuses (les yeux, la gorge)», explique au Figaro le Dr Patrick Hertgen, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, «puis il détruit les alvéoles pulmonaires qui se remplissent de liquide, ce qui explique que la victime suffoque et cherche de l'air.»
«Les morts couchés les uns sur les autres»
«Les neurotoxiques bloquent la transmission nerveuse au niveau des synapses, ils vont à la fois provoquer des paralysies des muscles, un myosis, une hypersécrétion bronchique et une hypersalivation»
Dr Patrick Hertgen, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
«Le chlore ne foudroie pas, même à haute concentration», a expliqué le Pr Pitti. «Là, les morts sont couchés les uns sur les autres, donc quelque chose d'autre a été utilisé»: du sarin ou un «autre produit caustique par inhalation». Selon lui, du sarin ou un autre agent neurotoxique pourrait avoir été ajouté pour «camoufler son utilisation» derrière le chlore, ou «accroître la létalité du chlore».
En Syrie, le sarin a déjà été utilisé contre des civils, notamment dans la ville de Khan Cheikhoun, le 4 avril 2017, comme l'a confirmé l'analyse scientifique menée par les services français.
«Les neurotoxiques bloquent la transmission nerveuse au niveau des synapses, explique le Dr Hertgen, ils vont à la fois provoquer des paralysies des muscles, un myosis (pupille rétractée), une hypersécrétion bronchique et une hypersalivation». La victime peut sombrer dans le coma, présenter des convulsions, une détresse respiratoire et décéder rapidement. Il existe un antidote (anticholinergique) mais il doit être administré rapidement pour espérer enrayer la tempête neurochimique qui déstabilise l'organisme. L'apparition d'un myosis est un signe précoce et sensible de l'intoxication.
Il est généralement impossible de quantifier la dose d'agent neurotoxique à laquelle une victime a été exposée et les symptômes (ou décès) sont souvent les seules données disponibles pour la supposer
«Le sarin entraîne un rétrécissement des pupilles mais ce n'est pas un produit qui brûle la peau», remarque le Pr Pitti qui s'est fait envoyer des photos et des vidéos des yeux des victimes. «Sur les images, le caustique utilisé, chlore ou autre produit à haute concentration, a entraîné une brûlure des cornées, ajoute-t-il. De ce fait, on ne peut pas faire le diagnostic de myosis qui signe éventuellement l'utilisation du sarin», souligne-t-il.
De plus, il est généralement impossible de quantifier la dose d'agent neurotoxique à laquelle une victime a été exposée et les symptômes (ou décès) sont souvent les seules données disponibles pour la supposer. Lors d'une forte exposition, la victime s'agite, et présente, outre les symptômes déjà décrits, des maux de tête, des vertiges, des nausées, des mouvements désordonnés, des convulsions, diarrhées et vomissements. Une mort terrifiante.

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Syrie: le dispositif militaire des États-Unis et de leurs alliés (10.04.2018)
Par Le figaro.fr
Mis à jour le 10/04/2018 à 21h03 | Publié le 10/04/2018 à 21h01
Après l'attaque chimique présumée qui aurait fait des dizaines de morts samedi dans la ville de Douma, dernier bastion rebelle aux portes de Damas, dans la Ghouta, voici le dispositif militaire qui pourrait être utilisé par les États-Unis et leurs alliés en cas de représailles contre le régime du président syrien Bachar el Assad .
États-Unis
Quand le président Donald Trump a donné l'ordre l'an dernier de frapper le régime syrien après une attaque meurtrière au gaz sarin contre la ville rebelle de Khan Cheikhoun, l'US Navy a lancé 59 missiles de croisière Tomahawk depuis les destroyers USS Porter et USS Ross qui croisaient en Méditerranée. Les Tomahawks utilisés l'an dernier ont frappé des avions, des abris, des stocks de carburant et de munition, des systèmes antimissile et des radars de la base aérienne de Chayrat, contrôlée par le régime syrien.
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Cette année, le Porter et le Ross sont en mission dans l'Atlantique Nord, beaucoup trop loin de la côte syrienne. Mais l'USS Donald Cook, un destroyer de la classe Arleigh Burke, a quitté lundi le port chypriote de Larnaca, où il faisait escale, et se trouve dans une zone d'où il peut facilement frapper la Syrie. En outre, l'USS New York croise en Méditerranée, mais il est peu probable que ce navire de transport amphibie soit directement impliqué dans une frappe de ce genre.
Huit sous-marins de l'US Navy sont en outre déployés actuellement dans le monde. Leur emplacement est tenu secret mais si l'un d'eux se trouve actuellement en Méditerranée, il pourrait être utilisé pour lancer des missiles. L'US Navy n'a actuellement aucun porte-avions en Méditerranée, mais le groupe aéronaval de l'USS Harry S. Truman doit quitter mercredi le port de Norfolk, en Virginie, dans le cadre d'un déploiement prévu de longue date. Si le Pentagone voulait utiliser des drones, il dispose d'un réseau étendu dans la région, où les États-Unis dirigent la coalition internationale contre le groupe État islamique (EI), en Irak et Syrie, depuis 2014.
France
La France annoncera «dans les prochains jours» sa réponse à l'attaque chimique présumée en Syrie et, si elle décide de frappes, celles-ci viseront les «capacités chimiques» du régime et en aucun cas ses «alliés» russe et iranien, a déclaré mardi le président français Emmanuel Macron.
Parmi les scénarios possibles côté français figure l'envoi d'avions Rafale armés de missiles de croisière Scalp. La portée de ces missiles, supérieure à 250 kilomètres, permet des frappes sans que les avions n'aient à survoler la Syrie, dont le ciel est protégé par les défenses antiaériennes russes. Les appareils pourraient décoller de Jordanie ou des Émirats arabes unis, pays qui accueillent chacun une base française.
Mais Paris pourrait aussi décider de faire décoller ses avions Rafale de son territoire national, et organiser deux ou trois ravitaillements en vol pour leur faire rejoindre la zone. Une option qui a le mérite de la discrétion, souligne une source militaire. «En métropole, personne ne voit ce qu'on prépare».
C'est l'option qu'avait choisie le président François Hollande en août 2013, après des attaques chimiques dans la Ghouta qui avaient fait plus de 1.400 morts. Mais Barack Obama avait finalement renoncé à lancer une opération en Syrie, forçant Paris à se raviser alors que plusieurs Rafale armés se tenaient prêts à décoller de la base de Saint-Dizier (est).
Autre possibilité: lancer des frappes depuis une frégate multimissions (FREMM) équipée de missiles de croisière navals (MdCN), dont la portée de plusieurs centaines de kilomètres permet de viser en profondeur des objectifs stratégiques, en restant dans les eaux internationales. Actuellement, la FREMM Aquitaine croise en Méditerranée orientale, dans le cadre de l'opération Chammal au Levant.
Royaume-Uni
Comme la France et les États-Unis, le Royaume-Uni s'est largement implanté militairement au Proche-Orient dans le cadre de la coalition antijihadiste: au 13 février 2018, les militaires britanniques avaient mené 1.700 frappes aériennes contre l'État islamique en Irak et Syrie. La Royal Air Force dispose d'une base aérienne importante à Chypre, celle d'Akrotiki d'où ont été menés de nombreux raids contre l'EI en Syrie.
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La Bible a disparu des principaux sites de vente en ligne chinois (11.04.2018)

Par Cyrille Pluyette
Publié le 11/04/2018 à 10h26
Le texte sacré n'est plus disponible depuis le début du mois sur Internet, alors que les autorités chinoises resserrent leur contrôle sur les religions.
Correspondant à Pékin
Deux mois après la mise en œuvre par Pékin de nouvelles réglementations visant à encadrer plus strictement les religions, la Bible a été retirée des principaux sites chinois de vente sur Internet. Depuis quelques jours, on n'obtient aucun résultat en recherchant le texte sacré sur JD.com, Taobao ou Amazon Chine. «C'est fin mars ou début avril que les liens vers la Bible ont disparu», explique un libraire en ligne, qui vend des livres sur la plateforme Taobao, très populaire en Chine. Le texte sacré restait toutefois disponible en langue anglaise (en version électronique) sur plusieurs sites. Il est également possible d'acquérir des livres d'analyse ou des bandes dessinées liés à cet ouvrage.
Les autorités n'ont pas fait de commentaires spécifiques sur le sujet. Mais elles ont exigé que JD.com, le deuxième site d'e-commerce du pays, retire de ses rayons toutes les «publications illégales», a rapporté début avril la presse chinoise. Plusieurs observateurs voient dans ce mouvement une confirmation de la volonté du gouvernement de limiter l'influence du christianisme en Chine. Selon eux, le régime fait preuve d'une grande paranoïa face à cette communauté qui, sous l'essor du protestantisme, pourrait dépasser les 90 millions de croyants d'ici quelques années - soit le nombre actuel des membres du Parti communiste Chinois (PCC) - , d'après certaines estimations.
Un rapprochement historique entre Pékin et le Vatican en cours de discussion
Parmi les grandes religions présentes en Chine - comme le bouddhisme, le taoïsme et l'islam -, le christianisme est la seule dont le texte sacré ne peut être légalement vendu en librairie. La Bible ne possède en effet pas de numéro de publication, condition sine qua non pour être commercialisée. Elle est cependant diffusée directement par les églises. Et jusqu'à récemment, elle était accessible via des plateformes en ligne mettant en relation vendeurs et acteurs. Un canal informel qui a probablement fini par inquiéter le gouvernement. L'achat sur Internet d'autres textes sacrés, comme le Coran ou le Tao Te Ching, référence du taoïsme, reste en revanche possible actuellement.
L'interdiction de vendre la Bible en ligne pourrait être annonciatrice d'un nouveau tour de vis.
Ce durcissement intervient alors qu'un rapprochement historique entre Pékin et le Vatican est en cours de discussion. Les négociations portent principalement sur la délicate question de la nomination des évêques. Les 10 à 12 millions de catholiques chinois sont divisés entre une église étatique, supervisée par le Parti communiste ; et une autre, non reconnue officiellement par Pékin, qui est restée fidèle au pape. La perspective d'un rapprochement préoccupe de nombreux catholiques «clandestins», qui craignent de passer sous la coupe du PCC.
L'interdiction de vendre la Bible en ligne pourrait être annonciatrice d'un nouveau tour de vis, alors qu'une réorganisation gouvernementale récente devrait, en outre, permettre au Parti d'accroître encore son emprise sur les religions. Autre preuve de la méfiance que suscitent les chrétiens, un haut responsable de l'Église «patriotique» s'est opposé dernièrement à la possibilité que le Pape puisse nommer librement des évêques. «La Constitution chinoise stipule clairement que les communautés et les affaires religieuses ne peuvent être contrôlées depuis l'étranger», a-t-il martelé.
Parallèlement, les autorités ont approuvé récemment la destruction de «deux ou trois» croix qui surmontaient des églises chrétiennes dans la province centrale du Henan, selon la presse d'État, qui affirme qu'elles avaient été construites de manière «illégale». Dans le Zhejiang, plus d'un millier de croix surmontant des églises, essentiellement protestantes, ont été décrochées ces dernières années par le gouvernement local, qui les jugeait trop voyantes.
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L’évacuation des occupants de Tolbiac n’est pas à l’ordre du jour (11.04.2018)
Par Paul de Coustin • Louis Heidsieck • Publié le 11/04/2018 à 10:28 • Mis à jour le 11/04/2018 à 13:21
Le président de l’université Paris I s’est finalement résolu à envoyer les forces de l’ordre à Tolbiac.Crédits photo: CHRISTOPHE SIMON/AFP

Alors que le président de l’université Paris I a sollicité lundi une évacuation des occupants par les forces de l’ordre, le préfet de police de Paris estime que la demande d’intervention n’est plus d’actualité.
Les forces de l’ordre n’interviendront pas dans l’immédiat pour évacuer les occupants du centre universitaire de Tolbiac. Le président de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne avait sollicité, lundi, une intervention policière auprès du préfet de police de Paris. Dans un communiqué envoyé à l’ensemble de la communauté universitaire, Georges Haddad explique qu’il a pris la décision de faire intervenir les forces de l’ordre pour faire évacuer le centre de Tolbiac, occupé par des dizaines de militants depuis deux semaines.
La préfecture de police explique avoir bien reçu une demande d’intervention de la part de Georges Haddad, le lundi 9 avril, après la multiplication d’incidents sur le centre occupé de Tolbiac. Dans une lettre, le président de Paris I écrit que «suite à la découverte de cocktails Molotov au sein du centre Pierre Mendès-France et aux violences qui se sont produites dans la nuit du 6 au 7 avril, la sécurité du centre n’est plus assurée». «Il n’y avait pas été donné suite», indique le communiqué qui précise qu’ «aucune nouvelle demande n’a été adressé, depuis, à la préfecture de Police».
Multiplication des incidents à Tolbiac
Les débordements s’enchaînent en effet depuis plusieurs jours sur le site de Tolbiac. Vendredi dernier, des affrontements ont eu lieu sur le centre entre les occupants et une bande de jeunes casqués, qui ont lancé des projectiles et des fumigènes contre les personnes qui occupaient le site. Dimanche, des cocktails molotov, engins explosifs artisanaux, ont été retrouvés sur place par un agent de sécurité. Lundi, c’est le député La République en marche (LREM) du XIIIe arrondissement, Buon Tan, qui s’est fait agresser à Tolbiac alors qu’il tentait de dialoguer avec les occupants. Hier soir, un agent de sécurité sur place a été blessé à l’oeil.
Les occupants appellent à la résistance
Sur place, un journaliste du Figaro constate ce mercredi matin que les occupants se préparaient à un assaut, en se barricadant dans l’enceinte. Un des occupants a fait une annonce au mégaphone: «Nous, occupants et occupantes, appelons au soutien massif de Tolbiac pour défendre nos camarades face à la décision de Georges Haddad de faire intervenir les CRS.»
Sur Twitter, les leaders de «La Commune Libre de Tolbiac», comme ils se surnomment, appellent à venir sur place pour défendre leur occupation, et accusent le directeur du centre, Florian Michel, de violences sur une étudiante.



APPEL À VENIR À TOLBIAC ÉVACUATION IMMINENTE
De son côté, le syndicat étudiant UNI, marqué à droite, se félicite que «la présidence de l’université a enfin décidé de saisir le préfet et le gouvernement pour recourir aux forces de l’ordre». Depuis le 5 avril dernier, le syndicat mène une bataille juridique pour faire «libérer Tolbiac et rétablir la sécurité», en déposant plusieurs recours devant le Tribunal Administratif de Paris afin d’obliger l’université à faire appel aux forces de l’ordre.

À VOIR AUSSI - Universités: les incidents et blocages continuent
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Blocage des universités : Macron dénonce des «manipulations politiques» (11.04.2018)
Par Le Figaro Etudiant • AFP agence • Publié le 11/04/2018 à 14:34 • Mis à jour le 11/04/2018 à 15:21
Des étudiants manifestent devant la Sorbonne, dans le Ve arrondissement de Paris. Crédits photo: ALAIN JOCARD/AFP

Emmanuel Macron a dénoncé mercredi des «manipulations politiques extérieures à l’université» qui provoquent des violences dans plusieurs facs, des mouvements qui sont le fait «de groupes radicaux d’ultra-gauche», selon le porte-parole LREM, Gabriel Attal.
Emmanuel Macron a dénoncé mercredi des «manipulations politiques extérieures à l’université» qui provoquent des violences dans plusieurs facs, , a déclaré son porte-parole Benjamin Griveaux. Le chef de l’Etat a fustigé «des mobilisations violentes qui cherchent la convergence des luttes» et sont «loin des sujets liés à l’enseignement supérieur et à la réforme» engagée par le gouvernement.
Le gouvernement entend poursuivre la réforme engagée pour permettre à chaque étudiant de réussir. Ceux qui cherchent une hypothétique convergence des luttes ne veulent en réalité qu’une seule chose, que la transformation à l’oeuvre dans notre pays s’arrête: c’est à l’opposé des intentions du gouvernement», a-t-il insisté.
«Pas de contestation massive»
«Il n’y a pas de contestation massive chez les jeunes de cette réforme» seelon Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement et rapporteur de la loi sur l’orientation et la réussite des étudiants (ORE). «Si une «contestation de fond et majoritaire avait dû se lever (...), ça ferait un moment qu’on l’aurait vue. Il y a une contestation politique de groupes radicaux d’ultra-gauche qui ont investi plusieurs universités», avec 4 d’entre elles «entièrement bloquées sur 73», a-t-il précisé devant l’Association des journalistes parlementaires (AJP).
Selon lui, les étudiants «empêchés d’assister à leurs cours s’évaluent à entre 3 et 5% des étudiants français», a-t-il poursuivi, récusant «tout parallèle» avec mai 68. S’il a jugé qu’il faut «être attentif» aux mouvements en cours, ce «marcheur» issu du PS a martelé qu’«on n’est pas sur un mouvement de masse, un mouvement d’ampleur» et assuré qu’il était «inadmissible qu’une majorité soit prise en otage par une minorité», qui veut notamment «planter les partiels» et n’a pas «de mot d’ordre clair».
«Aucune intervention policière n’est prévue»
«Toute violence doit être condamnée et ce qui se passe dans un certain nombre d’universités aujourd’hui est absolument inadmissible», a poursuivi le porte-parole de LREM, citant Montpellier, mais aussi Toulouse, «où des dégradations scandaleuses ont été constatées», et le centre universitaire de Tolbiac, à Paris, où des cocktails Molotov ont été retrouvés. Mais «aucune intervention policière n’est prévue sur le site de Tolbiac à l’heure où je vous parle, ni d’ailleurs sur aucun site», a affirmé l’élu des Hauts-de-Seine.
Le président de l’université Panthéon-Sorbonne (Paris-1) a annoncé mercredi, dans un message aux étudiants et au personnel, avoir demandé l’intervention des forces de l’ordre à Tolbiac, estimant que «la ligne rouge a été franchie» après des violences. La préfecture de police de Paris a indiqué ne pas avoir «donné suite» à cette demande. Lundi, les forces de l’ordre étaient intervenues à l’université de Nanterre (Hauts-de-Seine) pour déloger des occupants.
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Mobilisation étudiante : de plus en plus de campus bloqués (05.04.2018)
Par Paul de Coustin • AFP agence • Publié le 05/04/2018 à 12:15 • Mis à jour le 10/04/2018 à 12:16
Une quinzaine de campus sont toujours bloqués ce jeudi. Crédits photo: CHRISTOPHE SIMON/AFP 
INFOGRAPHIE - Plusieurs universités sont toujours partiellement ou complètement bloquées par des étudiants qui manifestent contre la politique du gouvernement. Retrouvez les différents campus inaccessibles sur notre carte interactive.
Plusieurs campus universitaires sont toujours occupés ce mardi, et d’autres sites sont totalement bloqués par les étudiants qui protestent contre la loi sur les nouvelles modalités d’accès à l’université. Ces derniers mois, les opposants à la loi de Frédérique Vidal, Orientation et réussite des étudiants (ORE), peinaient à mobiliser en dénonçant une «sélection» à l’entrée à la fac. Mais le mouvement a pris une tout autre vigueur depuis l’expulsion violente d’étudiants et de militants de la fac de droit de Montpellier, fin mars. Depuis, plusieurs universités ou campus universitaires sont bloqués dans toute la France. Ce mardi, après l’appelle de la coordination du mouvement étudiant, d’autres campus sont désormais bloqués, notamment les campus Saint Charles et René Cassin de l’université Paris 1.
Actuellement, deux universités sont intégralement bloquées, Montpellier et Toulouse, selon la Conférence des présidents d’université (CPU), qui soutient la réforme. Paul-Valéry à Montpellier n’assure plus ses cours et ses étudiants passent leurs examens sur internet. Une AG de quelque 3.000 étudiants a voté fin mars «un blocus illimité» jusqu’à «l’abrogation de la loi Vidal». La faculté de droit, située dans l’autre université montpelliéraine, a rouvert mardi, dans un climat de «tension palpable», selon des étudiants du comité de mobilisation. «On croise dans les couloirs des personnes qui ont participé à l’agression», a expliqué l’une d’entre elles.
Des jeunes avaient été violemment délogés par des personnes cagoulées et armées dans la nuit du 22 au 23 mars. Le doyen et un professeur de droit ont été suspendus et mis en examen pour complicité d’intrusion. L’enseignant est aussi mis en examen pour violences aggravées.
«Une campagne de désinformation» selon la ministre
À Toulouse, l’université Jean-Jaurès (sciences humaines) est bloquée depuis plusieurs semaines. Des sites ont également suspendu leurs cours: à Paris, Tolbiac (Panthéon-Sorbonne, Paris-I) depuis dix jours, la faculté de lettres de Sorbonne-Université (Paris-IV) depuis mardi dernier et Saint-Denis (Paris-VIII) depuis mardi dernier également. «On s’est battu pendant des années pour que la fac reste accessible à tous», explique Salomé, qui n’entend pas perdre ce droit et fait partie des étudiants mobilisés à Paris-IV.
Mercredi sur France 2, la ministre Frédérique Vidal a fustigé «une campagne de désinformation»sur sa loi, disant vouloir privilégier «le dialogue et l’écoute». «Il y a des amphithéâtres qui peuvent être bloqués, des assemblées générales qui se tiennent. Tant qu’on est sur le débat, la discussion argumentée, contre le projet de loi, c’est normal», a-t-elle plaidé. Mais «quand il y a des violences», cela devient «inacceptable».
Des jets de pierres à Nantes, des dégradations à Grenoble
Mardi 3 avril, la présidence de l’université de Nantes «a été prise pour cible» par «un groupe d’environ 200 personnes» qui «ont lancé des pierres sur les façades et vitres des bureaux» alors que des personnels se trouvaient à l’intérieur, selon la direction. Cette «volonté de s’en prendre physiquement aux personnes marque un tournant inadmissible», a-t-elle réagi. «Ouvrir nos bâtiments pour que les gens puissent s’exprimer, c’est la tradition des universités et il n’est pas question de la remettre en cause. Mais les présidents d’université sont démunis face à la violence», souligne Gilles Roussel, président de la CPU.
Un «blocus illimité» d’une partie du campus de Tertre-Censive (lettres, sciences humaines) de l’université de Nantes a été voté mardi en AG et les cours ne peuvent pas se tenir dans plusieurs bâtiments, selon la direction. Ailleurs, le bâtiment de la présidence de l’Université Grenoble Alpes (UGA) a été occupé mardi jusque dans la nuit, et des dégradations et des vols ont été constatés, a indiqué son président Patrick Lévy.
Des campus débloqués à Poitiers et Dijon
À Limoges, Tours, Nancy, Nice, Lyon-II et Dijon, des bâtiments ou des sites entiers ont été bloqués (avant un déblocage dans la journée pour Dijon). À Poitiers, le campus de sciences humaines a été débloqué après un vote en AG, alors que le bâtiment Lettres et langues restait fermé. À Bordeaux, le campus de la Victoire est fermé et les cours transférés dans d’autres bâtiments. Les occupants d’un amphithéâtre réfléchissent à une coordination avec d’autres mouvements de lutte: postiers, ouvriers de Ford-Blanquefort, cheminots.
A Toulouse, une étudiante a été condamnée à 35 heures de Travail d’intérêt général (TIG) pour «outrage à agent», après avoir chanté la veille «un slogan sur la police» en fin de manifestation avec les cheminots, a rapporté l’intéressée. Le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot a qualifié son arrestation de «provocation du gouvernement qui vise à casser le mouvement de la jeunesse naissant».
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Le FMI met à nouveau en garde contre le protectionnisme (11.04.2018)
Par AFP agence et Le figaro.frPublié le 11/04/2018 à 09h58
À Hong Kong, Christine Lagarde, dirigeante du FMI, a fait part de son inquiétude quant à un retour du protectionnisme alors que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine se poursuit. Elle a appelé les gouvernements à agir tant que «la fenêtre d'opportunité est ouverte».
«Des nuages plus sombres» qui se profilent au loin. Christine Lagarde a attiré ce mercredi l'attention des gouvernements sur les menaces qui pèsent sur la croissance économique mondiale, dans un discours prononcé à l'Université de Hong Kong, à quelques jours des rencontres de printemps du FMI qui débuteront lundi prochain. «Le tableau général est actuellement lumineux. Mais nous pouvons voir des nuages plus sombres pointer à l'horizon», a déclaré la directrice générale du Fonds monétaire internationale. Dans son viseur, les tensions entre les États-Unis et ses partenaires commerciaux, en premier lieu la Chine.
Craignant une escalade dans la guerre commerciale entre les deux pays, Christine Lagardé a appelé les gouvernements à «se tenir à l'écart du protectionnisme sous toutes ses formes» et à agir de manière à soutenir l'économie. «La fenêtre d'opportunité est ouverte. Il y a désormais une nouvelle urgence parce que les incertitudes se sont accrues de manière significative», a-t-elle affirmé. «L'histoire nous montre que restreindre les importations affecte tout le monde, en particulier les consommateurs pauvres».
Si elle a reconnu que certains pays avaient des «pratiques déloyales qui doivent être éliminées et qui peuvent laisser des traces sur les balances commerciales», l'ancienne ministre de l'Économie française a refusé de considérer le retour de mesures protectionnistes comme une solution appropriée. «La meilleure façon de s'attaquer aux déséquilibres macro-économiques n'est pas d'imposer des droits de douane mais d'avoir recours à des politiques ayant un effet sur l'économie dans son ensemble comme les outils budgétaires ou les réformes structurelles», a-t-elle déclaré.
Face à ces menaces protectionnistes, la directrice du FMI a dépeint la relative bonne santé de l'économie mondiale, faisant preuve d'optimisme pour l'avenir. En janvier, les prévisions de croissance de l'institution avaient été relevées à 3,9% pour 2018 et 2019. Christine Lagarde a par ailleurs souligné que «les économies avancées devraient s'accroître au-dessus de leur potentiel de croissance moyenne cette année et l'année prochaine» et que les États-Unis étaient au plein emploi. Parallèlement, en Asie, les perspectives restent solides, «ce qui est bon pour tout le monde puisque cette région contribue à près des deux tiers à la croissance mondiale». Mais selon elle, les politiques menées par certains pays, en particulier les États-Unis et la Chine, qui soutenaient l'économie, vont s'estomper et entraîner, à terme, un ralentissement du rythme de la croissance.
La Chine a déposé plainte auprès de l'OMC contre les États-Unis
Le discours de Christine Lagarde s'inscrit dans un contexte de regain des tensions entre la Chine et les États-Unis. Le président américain accuse notamment la Chine de mettre en place des «pratiques commerciales déloyales», responsables du déficit commercial des États-Unis. Après avoir imposé début mars des droits de douane de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium, l'administration Trump a dressé une liste provisoire de produits chinois représentant 50 milliards d'importations susceptibles d'être soumis à leur tour à de nouvelles taxes américaines. Pékin a rétorqué en annonçant des représailles dans des proportions identiquesvisant les produits américains ce qui a poussé le président américain à surenchérir en menaçant de viser pour 150 milliards de dollars d'importations chinoises.
Mardi, au Forum Boao pour l'Asie, le président chinois a plaidé pour une nouvelle «phase d'ouverture» de l'économie chinoise et s'est engagé à réduire certains droits de douane, en particulier ceux concernant les importations d'automobiles. Xi Jinping a également fait preuve de fermeté, déplorant l'impossibilité pour son pays de négocier pour l'instant avec les États-Unis «dans les conditions actuelles».
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Mark Zuckerberg promet un changement de philosophie chez Facebook
«Une loi pourrait être utile pour expliquer de manière simple et pratique ce que nous avons le droit de faire des données de nos usagers», a déclaré le PDG de Facebook.
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  1. Tech & Web
http://plus.lefigaro.fr/sites/default/files/imagecache/Petite/avatar_selection/avatar-06.jpg
Par Pierre-Yves Dugua
Mis à jour le 11/04/2018 à 08h11 | Publié le 10/04/2018 à 23h26
En plein scandale Cambridge Analytica, le fondateur de Facebook a été auditionné par le Sénat américain, ce mardi, pendant plusieurs heures. Conscient de l'enjeu, le jeune milliardaire s'est montré moins offensif que d'ordinaire.
De notre correspondant à Washington
À Washington depuis plusieurs jours, Mark Zuckerberg, à défaut d'être détendu, s'efforce de paraître humble et crédible. Devant la Commission jointe de la justice et de l'énergie et du commerce, le patron de Facebook s'est affiché mardi en complet gris-bleu et cravate bleu clair. Grave face à une armée de photographes et de caméras, il a tenté de faire oublier son T-shirt pâle et sa capuche légendaire.
Pendant de longues heures, 44 sénateurs l'ont bombardé de questions. Assis sur un fauteuil spécialement rembourré et rehaussé, Mark Zuckerberg a tenu tête. Il a joué les pédagogues, sans basculer dans l'arrogance, expliquant comment Facebook s'est trompé et comment le réseau a déjà commencé à corriger ses erreurs, notamment en matière de protection des données de ses usagers, mais aussi en matière de lutte contre les «fake news» et les messages de haine et de violence. Sa prestation honorable mardi a aidé l'action du réseau social à rebondir de 4, 5%. Mercredi, un exercice similaire est prévu devant une commission de la Chambre des représentants.
«Si Facebook ne peut pas résoudre ses problèmes de protection de données privées, nous allons le faire», a résumé d'emblée le sénateur démocrate de Floride, Ben Nelson.
«Nous n'avons pas eu une vue suffisamment large de notre responsabilité et c'était une grosse erreur».
Mark Zuckerberg, conscient de l'enjeu et moins offensif que d'ordinaire, a saisi la balle au bond, expliquant que Facebook «traverse une période de vaste changement philosophique».
«Zuck» ne se présente plus comme le jeune développeur passionné et agressif d'une plateforme devenue indispensable à plus de deux milliards de terriens. Il veut incarner à Washington le patron d'une entreprise qui accepte tout d'un coupd'être «responsable».
Plus question de prétendre que le réseau n'est responsable que de la technologie de ses plateformes et pas des contenus qu'elles diffusent. «Il est clair que nous n'en avons pas fait assez pour éviter que nos outils puissent être utilisés pour faire du mal. Que cela soit en diffusant des “fake news”, en permettant l'interférence d'étrangers dans nos élections, en relayant des discours de haine, ou dans notre contrôle des développeurs et de leur usage de données privées. Nous n'avons pas eu une vue suffisamment large de notre responsabilité et c'était une grosse erreur», admet le milliardaire de 33 ans. Et ce dernier de marteler que d'ici à la fin de l'année Facebook emploiera «plus de 20.000 personnes à des tâches de sécurité des données et de surveillance des contenus».
Nouvelles règles
Mark Zuckerberg a aussi tenté de limiter la portée de réglementations ou sanctions qui pourraient tomber en réaction aux affaires qui ont révélé à quel point Facebook découvrait sur le tard comment son réseau peut être manipulé. Loin de rejeter les velléités de législation, il a promis par exemple au sénateur Lindsey Graham, républicain de Caroline du sud, de suggérer quelles nouvelles règles pourraient être imposées à tous les acteurs de son secteur. «Une loi pourrait être utile pour expliquer de manière simple et pratique ce que nous avons le droit de faire des données de nos usagers», ose dire le patron de Facebook. Mais il appelle également le législateur à encadrer la manière dont les usagers garderont le contrôle de leurs données. Et comme la nouvelle réglementation européenne en la matière semble convenir à Facebook, cette General Data Protection Regulation (GDPR) pourrait-elle donc inspirer le Congrès?
VIDEO: Facebook «travaille» avec le procureur spécial Mueller
La nouvelle philosophie de Facebook n'est pas cependant prise avec angélisme par les sénateurs. John Thune, sénateur républicain du Dakota du sud, ne manque pas de souligner: «les actions que vous prenez pour vous assurer que les tiers n'obtiendront pas de données d'utilisateurs à leur insu, bien que nécessaires, serviront en fait à renforcer la capacité de Facebook à vendre ces données elles-mêmes exclusivement». Une affirmation qui n'est pas démentie par Mark Zuckerberg.
Les élus américains le savent très bien, pour l'avoir observé encore ces dernières années dans le domaine de la réglementation bancaire: les nouvelles normes servent souvent à renforcer la position dominante des grandes entreprises d'un secteur, car il est plus facile et relativement moins coûteux pour les grandes firmes que pour les petites de s'y soumettre.

Tout ce que Facebook sait de moi (et de vous) (09.04.2018)

Par Elisa Braun
Mis à jour le 10/04/2018 à 16h00 | Publié le 09/04/2018 à 20h00
ENQUÊTE - Dans la foulée de l'affaire Cambridge Analytica, notre journaliste a téléchargé son archive de données collectées depuis son inscription, afin de comprendre ce que Facebook sait vraiment de nous. Une expérience vertigineuse.
Qui je suis. Qu'est-ce que je fais. Quand et avec qui. Facebook sait à peu près tout de moi, depuis que j'ai consenti à m'inscrire sur son réseau social il y a dix ans. Qu'importe le fait qu'à l'époque, je n'étais même pas en âge de signer quoi que ce soit. Qu'importe aussi qu'entre-temps, l'entreprise ait grandi au point de considérablement repenser sa conception de la vie privée. Sur Facebook, une fois qu'on a signé, c'est pour la vie: les données y sont dans certains cas conservées pour une durée illimitée, que l'on soit inscrit sur son réseau social ou pas. L'entreprise se réserve aussi le droit de changer de politique de confidentialité sans forcément nous informer, puisqu'après tout, ces longs textes barbants, personne ne les lit.
La taille totale des politiques d'utilisation de Facebook atteint la taille record de 187880 caractères, soit l'équivalent de 48 pages
Personne, sauf des avocats, des passionnés de vie privée et ... moi. Dans la foulée de l'affaire Cambridge Analytica, qui a plongé Facebook dans la tourmente, j'ai voulu comprendre à quel point une entreprise pouvait prétendre me cerner, me pousser à voter pour quelqu'un ou acheter quelque chose à partir de mes simples données. Comment en était-on arrivé à ce que 87 millions de personnes se fassent manipuler en toute impunité par un obscur cabinet de conseil anglais - et sans doute quelques États au passage. Pourquoi certains amis n'avaient pas l'air de trouver cela particulièrement grave et pourquoi d'autres se demandaient ce que faisait la police, le régulateur, Mark Zuckerberg ou l'État.
Il est difficile de saisir ce que Facebook sait de quelqu'un en lisant seulement des listes très abstraites de données établies par des juristes ou des lanceurs d'alerte. Dans des proportions raisonnables, je livrerai donc une partie de mes traces numériques pour permettre à chacun de mesurer l'indiscrétion de ces services Web que nous utilisons tous les jours. J'ai aussi élaboré des critères pour distinguer les bonnes pratiques des mauvaises, et je tâcherai de mettre à jour ce travail régulièrement pour répondre à son objectif: aider à comprendre et à reprendre le contrôle de ses données en ligne.
Alors que Mark Zuckerberg se prépare pour sa convocation devant le Congrès américain, c'est donc avec Facebook que ce feuilleton au cœur de l'intime commence, qui se poursuivra avec d'autres services Web très gourmands en données... parce qu'il est urgent de comprendre de quoi leur modèle est fait et comment rester maître de ses propres données. Si vous voulez directement passer à cette partie de reprise en main de vos paramètres de confidentialité, une fiche mémo avec les liens et explications pratiques est disponible à la fin de cet article. Bonne lecture!

Sur Facebook, un giga de moi

Le journalisme requiert parfois de se confronter à la plus stricte réalité des faits: j'ai passé beaucoup trop de temps sur Facebook. J'ai cliqué sur une publicité pour regarder le catalogue du Printemps sur mon temps de travail. Posté des blagues que je trouve aujourd'hui particulièrement douteuses. Prétendu assister à des événements auxquels je n'ai en fait jamais mis un pied. Tout cela, je le sais non pas à cause d'une mémoire eidétique mais simplement parce que j'ai téléchargé mes archives Facebook, pesant pas moins d'un gigaoctet. Facebook permet cette option à chacun dans la partie paramètres (voir tutoriel ci-dessous). Même si j'avais préalablement lu les conditions d'utilisations, qui tentent de préciser en 48 pages quelles données sont collectées, j'y ai retrouvé des traces que je pensais à tout jamais effacées.
La liste des amis supprimés m'a par exemple rappelé la date précise des ruptures numériques les plus marquantes de mon existence. Le moment où j'ai organisé une tombola d'anniversaire. La mort d'un ami. Le changement de mot de passe urgent depuis la Corse. Dans plusieurs fichiers mal rangés, presque tout est consigné jusqu'à l'absurde. Les photos, les likes, les dates, les lieux ou les appareils depuis lesquels je me suis connectée. Alors que la mémoire veille à faire oublier ou refouler certains souvenirs douloureux, Facebook recueille même quels stickers j'ai utilisé sur son application Messenger. Et n'hésite pas à partager cette base de données quasi clinique avec toutes ses autres sociétés, selon des conditions que l'entreprise n'a pas jugé utile de détailler. Les plus connues s'appellent Instagram ou WhatsApp et ont chacune plusieurs centaines de millions d'utilisateurs. Facebook Payments Inc, Atlas, Onavo, Moves, Oculus, WhatsApp Inc., Masquerade, CrowdTangle sont moins connues, tout comme les laboratoires de recherche de Facebook et surtout, ses services marketing.
Intéressée par les chaussettes

Centres d'intérêt incompréhensibles repérés parmi mes 223 thèmes publicitaires - Crédits photo : Elisa Braun
Dans mes archives, je peux observer le travail considérable que ces services marketing ont fait pour tenter de définir mon profil de consommatrice autour de «centres d'intérêt» ou «thèmes publicitaires». Il en existe des centaines de milliers possibles (de Beyoncé à Donald Trump, en passant par le football ou les macaronis), et chaque compte s'en voit attribuer au moins six. Il est possible de consulter et régler iciune partie de ces informations sur nos goûts mais la liste la plus complète se trouve dans le fichier «ads» de vos archives. Pour Facebook, ces listes sont très utiles: des marques peuvent lui acheter un emplacement publicitaire qui apparaîtra auprès de ceux qui sont le plus susceptibles d'être intéressés. Par exemple, une marque de pizza peut cibler quelqu'un comme moi, apparemment intéressée par la gastronomie italienne.

Centres d'intérêt plutôt dérangeants sur lesquels on a pu me cibler. - Crédits photo : Elisa Braun
Dans la liste de mes 223 thèmes publicitaires, je découvre aussi un portrait de fille modèle: j'aimerais donc l'histoire de l'art, la langue française, les chats, le Collège de France, la philosophie et les chaussettes. D'autres me rappellent à la réalité: j'aime surtout les memes (ces blagues récurrentes sur Internet), la nourriture, les magazines et la bière. Enfin, une bonne partie me met franchement mal à l'aise: que signifie cet intérêt pour “colères”? pour Jésus? Comment Facebook croit-il savoir cela de moi ou l'a-t-il déduit? Est-ce que des entreprises ou des États se sont servis de ces informations pour me “profiler”? Pire: est-ce que d'autres personnes, qui ont des intentions bien moins louables que celle de me vendre une voiture, ont eu accès à ces détails que je n'ai jamais consenti à divulguer ou qui sont faux?
Cela, bizarrement, Facebook ne me le dit ni dans mes archives, ni dans ses conditions d'utilisation. Le peu d'explications qu'il fournit sur son modèle publicitaire a même été qualifié de «vague et trompeur» par une équipe de chercheurs de la Northeaster University, du CNRS et du Max Planck Institute. Dans leur article, ils expliquent que Facebook s'est par exemple offert les services de data brokers (ou agrégateurs de données, des acteurs qui chassent les bases de données auprès de magasins, start-up, chaînes hôtelières et les revendent au plus offrant). Cela permet par exemple d'associer un numéro de carte bancaire à certains achats, ou de définir un profil socio-économique. Ensuite, un algorithme se charge de croiser ces informations et de se livrer à des suppositions pour définir de nouveaux centres d'intérêt publicitaires. Dans ma liste de thèmes publicitaires, je repère donc des informations qui n'ont rien à voir avec ce que je fais sur Facebook. Je me mets même à élaborer des suppositions qui frôlent la paranoïa: pour mettre «poignet» dans cette liste, Facebook sait-il que je me le suis foulé il y a trois ans? Et comment connait-il mon salaire?
La passoire du Web

Sur Internet, des communautés entières se sont constituées pour profiter des quantités fourmillantes d'informations qui circulent sur Facebook. On les appelle les OSINTers (pour “Open Source Intelligence”). Simples Sherlock Holmes amateurs ou professionnels de l'intelligence économique (un euphémisme pour parler d'espionnage industriel ou politique), ils se sont spécialisés dans la recherche d'astuces pour retrouver des informations sur n'importe qui grâce aux réseaux sociaux. Facebook est l'un de leurs terrains de jeux favoris, tant l'entreprise s'est progressivement transformée en plus grosse passoire du Web. Jusqu'à peu, il était très facile de retrouver quelqu'un sur Facebook à partir d'un simple numéro de téléphone ou son adresse mail. Même les plus prudents seraient surpris de voir ce qui passe outre leur vigilance. À l'aide du simple identifiant de profil de Mark Zuckerberg (le chiffre «4»), il est très simple d'obtenir des informations que lui-même ou ses services de communication n'ont probablement pas souhaité rendre accessibles à n'importe qui.
● Voici ainsi des photos où Mark Zuckerberg est tagué en 2005, mais je pourrais aussi demander les photos prises à une date précise et ainsi connaître une partie de l'agenda de cet homme très médiatique.
● Toutes les photos de Mark Zuckerberg prises dans les locaux de Facebook, mais je pourrais aussi demander à Facebook de repérer celles prises à proximité de son domicile.
● Toutes les publications que Mark Zuckerberg a likées cette année
● Des photographies plutôt savoureuses des premières années de sieste post-soirée dans les locaux de Facebook.
De nombreux acteurs ont récupéré des informations, parfois même de manière industrielle et illégale, à l'aide de faux profils et robots pour “scraper” les contenus du réseau social et les enregistrer dans d'immenses registres. D'une manière beaucoup plus légale en revanche, Facebook a permis à des applications tierces (c'est-à-dire développées hors de sa maison) d'accéder à une partie des informations de ses utilisateurs. Sa permissivité extensive a ainsi permis à Cambridge Analytica de voler les informations de 87 millions d'utilisateurs, auxquels elle proposait un simple test contre rémunération. Facebook a récemment avoué que plusieurs entreprises de ce type avaient «volé» des données sur son réseau.
Mesures de rattrapages

Quand un de vos amis utilise une application de jeu pour couper des fruits par exemple, il permet à celle-ci de connaître vos opinions politiques et religieuses- Crédits photo : Facebook
Ces dernières semaines, Mark Zuckerberg a engagé des mesures parfois cosmétiquesparfois plus signifiantes pour colmater les fuites. «Nous nous sommes longtemps concentrés sur les effets positifs de nos outils. Mais nous n'avons pas réfléchi assez aux abus, et comment les éviter», s'est excusé le PDG lors d'une conférence de presse. L'exposition de la vie privée sur Facebook relève pourtant d'un choix politique que Mark Zuckerberg feint désormais d'ignorer. Son entreprise a consciencieusement permis de recueillir toutes ces données et de les partager à des acteurs tiers, moyennant qu'il tire aussi sa part du gâteau. Elle leur a, sans que personne ne l'y force, permis d'accéder aux opinions politiques et religieuses d'un utilisateur, mais aussi à celle de ses amis (voir capture ci-contre).Toujours plus gourmand, Facebook a aussi conclu de son plein droit en 2013 des partenariats avec les leaders du marché des data brokers .
Face au tollé provoqué par l'affaire Cambridge Analytica, Facebook a fermé l'accès à ces plateformes. Mais son business model, centré autour du ciblage, est loin d'être directement menacé par ces partenariats. Les données qu'il collecte en temps réel peuvent concurrencer celles de ces “brokers”. L'entreprise n'a d'ailleurs pas souhaité donner de chiffre sur l'impact de cette mesure de rattrapage. Facebook n'a pas non plus révisé sa politique de confidentialité, malgré d'apparentes clarifications. Il s'agit en fait d'exigences portées par le nouveau règlement général sur la protection des données (RGPD).

Lorsque l'on observe les litiges passés de Facebook en matière de données personnelles, le profil de l'entreprise atteste en effet d'une politique peu volontariste en matière de respect de vie privée. Depuis 2011, l'entreprise a payé rien qu'en Europe au moins 114,8 millions d'euros d'amende aux régulateurs, ce qui en fait le géant du Web à avoir le plus déboursé -devant Google, qui a payé 45 millions d'euros pour des infractions liées aux données personnelles. Avant d'en arriver à ces sanctions, les régulateurs ont procédé à de nombreuses enquêtes, avis publics, décisions de justice intermédiaires. Auxquelles Facebook n'a pas forcément montré patte blanche. Le gendarme des données personnelles, la Cnil, a ainsi dû le mettre en demeure de fournir les preuves qu'il se conformait bien à la loi française en décembre dernier, faute de nouvelles de sa part. Les amendes des autorités des données personnelles font l'effet d'une caresse au géant, qui a engrangé 40 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2017 et près de 16 milliards de dollars de bénéfice.
Avec le prochain règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD), l'Europe sera en mesure d'appliquer des sanctions aussi dures que celles de l'antitrust. En cas de manquements constatés, les entreprises pourront payer jusqu'à 4% de leur chiffre d'affaires mondial et 20 millions d'euros d'amende. Mark Zuckerberg devra alors formuler bien plus qu'un simple “désolé”.

EN ATTENDANT, QUELQUES GESTES SIMPLES POUR PROTÉGER VOS DONNÉES:
● Télécharger ses données pour prendre la mesure de la collecte
Il suffit d'aller ici, dans la page d'accueil de ses paramètres, et de cliquer sur «télécharger une copie». Elle vous sera directement envoyée par mail à l'adresse que vous utilisez pour vous connecter.
● Se livrer à l'exercice de l'auto-stalk (se fouiller soi-même)
Quelques outils comme stalkscan permettent de retrouver assez facilement toutes les photos sur lesquelles vous êtes identifié, mais qui n'apparaissent pas forcément sur votre profil. Il est possible de désactiver l'identification en cliquant sur «option» en bas à droite d'une photo. Pensez aussi à «déliker» ou supprimer les commentaires associés à certaines publications. Éventuellement, contactez leurs auteurs pour régler l'audience des publications (mieux vaut éviter le mode «public»).
● Gérer ses préférences publicitaires
Il suffit d'aller sur la page directement consacrée, ici. Si vous le souhaitez, vous pouvez supprimer un à un les centres d'intérêt qui vous ont été attribués ou que vous affichez. La partie la plus importante se situe au niveau de la rubrique «vos informations»: désactivez tous les boutons permettant à des annonceurs de vous cibler en fonction de votre situation amoureuse, de votre employeur, de votre poste ou de votre scolarité. Dans la partie «masquer les thèmes publicitaires», activez le bouton «définitivement» sur la partie «alcool».
●  Régler ses paramètres
Passez du temps à fouiller les différentes rubriques et notamment celle portant sur la confidentialité. Mieux vaut permettre l'accès à votre adresse mail ou à votre numéro de téléphone à vos seuls amis. Activez aussi l'examen des publications avant d'être tagué.
● Supprimer son compte
C'est par ici. En revanche, attention: la démarche est irrévocable, contrairement à la désactivation. Votre compte Facebook restera actif pendant 14 jours après votre demande. En cas de connexion avec vos identifiants durant cet intervalle, le processus de suppression sera annulé.
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Journaliste
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Un nouveau règlement pour la protection des données personnelles (11.04.2018)
Par Céline Tridon
Publié le 11/04/2018 à 09h00
Dès le mois prochain, les entreprises européennes, quelle que soit leur taille, devront se conformer au nouveau RGPD.
À partir du 25 mai, toutes les entreprises européennes - quelle que soit leur taille - gérant des données personnelles seront tenues de respecter le RGPD. Derrière ces quatre lettres, se cachent de nouvelles modalités de protection des données. Explications.
Face au développement des données de masse - le big data -, l'Union européenne a décidé de préciser les modalités de protection des données. Pour limiter le risque de failles d'un pays à l'autre, c'est à l'échelle européenne que sera déployé le RGPD, sigle français de Règlement général de protection des données, ou GPDR, équivalent anglais pour General Data Protection Regulation.
Annoncé en 2012 et adopté en 2016 par le Parlement européen, le RGPD fixera, à partir du 25 mai, un nouveau cadre juridique pour la collecte, la conservation, le traitement et la sécurisation des données personnellescollectées auprès de résidents européens. Il concerne aussi bien les entreprises européennes que non européennes, même celles qui n'ont pas d'activité sur Internet, à partir du moment où elles gèrent des données personnelles.
En France, cette réglementation vient en remplacement de la loi informatique et libertés de 1978. «Il était plus que temps d'envisager une réglementation qui tente de trouver un équilibre entre la nécessité pour les entreprises de collecter des données personnelles auprès de leurs clients afin de mieux les satisfaire et la préservation des droits des personnes physiques», commente Samy Benarroch, président d'Arca Conseil, spécialiste de la gestion du risque client. Concrètement, si les entreprises peuvent continuer à collecter des données auprès d'usagers, ceux-ci doivent demeurer maîtres de celles-ci.
● Quel est l'objectif du RGPD?
«La base est de protéger ces données, de manière à ce qu'elles ne soient plus monnayées ou utilisées par les entreprises sans accord ou consentement des personnes»
Denis Skalski, directeur consulting au sein du cabinet Umanis
L'objectif est de protéger les données personnelles associées à une personne physique et qui permettraient de l'identifier ou de la qualifier. Il s'agit des noms, prénoms, adresses ou numéros de téléphone, mais, dans certains cas, il peut s'agir également d'adresse IP ou de numéro de plaque d'immatriculation… La liste des salariés d'une société est également considérée comme un fichier de données personnelles.
«La base est de protéger ces données, de manière à ce qu'elles ne soient plus monnayées ou utilisées par les entreprises sans accord ou consentement des personnes, résume Denis Skalski, directeur consulting au sein du cabinet Umanis. Il s'agit aussi de responsabiliser les entreprises: à elles de prendre conscience que ces données à caractère personnel sont importantes et qu'elles font partie de chaque citoyen.» À ce titre, les entreprises doivent prendre soin des données en leur possession. Elles ne doivent pas en utiliser plus que ce qui est prévu dans le cadre de leur activité.
● Ce qui change pour les entreprises
Jusqu'à présent, les entreprises françaises devaient déclarer au préalable tout traitement de données personnelles mis en œuvre. Cette formalité disparaît avec le RGPD. Sans déclaration, il y a donc un allégement de charges administratives. En contrepartie, les entreprises doivent apporter la preuve qu'elles répondent aux exigences de la nouvelle réglementation.
Selon l'article 30 du RGPD, les entreprises de plus de 250 salariés tiendront en interne un registre des traitements de données personnelles, dans lequel elles indiqueront la finalité de chaque collecte de données. Les plus petites structures peuvent également être concernées par cette obligation, si elles traitent des données dites «sensibles», comme des indications sur la santé d'une personne, par exemple.
De même, les efforts en matière de cybersécurité des données personnelles devront être précisés. Enfin, le règlement va aussi responsabiliser les sous-traitants, le chef d'entreprise devant documenter l'ensemble des renseignements diffusés à ses partenaires.
«Les entreprises devront veiller en permanence à l'intégrité des données et permettre aux consommateurs d'y accéder plus facilement que ce n'est le cas aujourd'hui», ajoute Samy Benarroch. Chacun peut désormais avoir accès à ses propres données et a le droit de les modifier, mais aussi de s'opposer à leur usage pour tel ou tel traitement, même purement commercial. Aux entreprises, donc, de répondre à toutes ces exigences, au risque sinon d'être sanctionnées.
«Chacun peut désormais avoir accès à ses propres données et a le droit de les modifier, mais aussi de s'opposer à leur usage pour tel ou tel traitement, même purement commercial»
Samy Benarroch, président d'Arca Conseil, spécialiste de la gestion du risque client
● Des sanctions sont prévues
Qu'elle soit une TPE, une PME ou cotée au CAC 40, l'entreprise qui ne respecte pas les fondements du RGPD risque une amende allant jusqu'à 20 millions d'euros ou 4 % de son chiffre d'affaires mondial. «Il s'agit d'un mode de sanction significatif, pouvant entraîner pour de petites entreprises de vrais problèmes de pérennité», alerte Denis Skalski.
Toutefois, au 25 mai, la Commission de l'informatique et des libertés (Cnil) peut encore se montrer conciliante. «En cas de contrôle, la Cnil sera attentive au processus mis en place: si l'entreprise a commencé sa démarche d'amélioration, la Cnil pourra se montrer compréhensive. Mais si la société n'a entrepris aucune action au 25 mai, elle peut s'attendre à de mauvaises surprises», affirme Benoît Louvet avocat au sein du cabinet Houdart et Associés.
● Comment se préparer
Première étape, les entreprises doivent répertorier tous leurs fichiers contenant des données personnelles. Il s'agit de réaliser une sorte d'audit pour recenser l'ensemble des traitements qui en sont faits: les entreprises ont-elles toujours besoin de ces données? Le consentement des personnes concernées a-t-il été obtenu dans les règles? «Attention aussi à réaliser une revue des contrats de l'entreprise avec ses partenaires, pour bien vérifier qu'une mise en conformité n'est pas nécessaire par l'un d'entre eux», rappelle Samy Benarroch.
Ensuite, la nomination d'un délégué à la protection des données - Data Protection Officer ou DP - peut se révéler pertinente. Ce nouveau poste va de pair avec les nouvelles modalités de protection des données. Le délégué à la protection des données devra veiller à la mise en œuvre de mesures techniques et organisationnelles appropriées, pour s'assurer que le traitement est effectué conformément au RGPD. Sorte d'intermédiaire entre la Cnil et l'entreprise, il doit être en mesure de notifier sans délai à l'autorité administrative toute violation des données personnelles.
Enfin, les entreprises peuvent aussi se rapprocher de la Cnil, qui saura les conseiller dans leur mise en conformité.
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Céline Tridon


L'appel de Macron aux catholiques fait des vagues (10.04.2018)
Par Marcelo WesfreidMathilde Siraud et Marion MourgueMis à jour le 10/04/2018 à 22h48 | Publié le 10/04/2018 à 21h07
Le discours du président, lundi devant les évêques, est très critiqué à gauche et du côté des partisans d'une stricte laïcité. Les catholiques saluent l'intention mais restent circonspects.
Comme un revival. En s'exprimant lundi soir devant la Conférence des évêques de France, Emmanuel Macron a renoué avec le goût de la transgression. Non seulement aucun chef de l'État ne s'était retrouvé en situation de parler devant la Conférence des évêques, mais surtout la ligne qu'il a défendue lundi soir est en rupture avec celle de ses prédécesseurs. «Monseigneur (Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, NDLR), nous avons, vous et moi, bravé les sceptiques de chaque bord, a-t-il commencé sous les voûtes gothiques de l'ancien collège cistercien. Si nous l'avons fait, c'est sans doute parce que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l'Église et l'État s'est abîmé, et qu'il vous importe à vous comme à moi de le réparer.»
Évoquant les destins tragiques de Jeanne d'Arc, du père Hamel ou du colonel Beltrame, le président, par ailleurs chanoine de Latran, a affirmé que «la France a été fortifiée par l'engagement des catholiques». Des morts portés «par leur foi en Dieu». Des propos en «infraction» avec son statut présidentiel? Non, a longuement soutenu Emmanuel Macron.
Attendu depuis plusieurs mois sur le sujet, Emmanuel Macron semble avoir décidé de dévoiler sa vision de la laïcité par touches successives, plutôt qu'à travers un discours fondateur. Lors des vœux aux autorités religieuses, le 4 janvier 2018, il avait fustigé le risque de «radicalisation de la laïcité». Cette fois, devant les évêques, il a exhorté les catholiques à s'engager dans la vie de la cité, à ne pas renoncer à la République, à alimenter la nation de sa «sagesse», à participer aux débats bioéthiques.
Des mots qui sonnent doux auprès de la communauté catholique. Mais qui n'ont pas manqué de déchaîner l'ire des partisans d'une laïcité plus stricte, comme Manuel Valls. L'ancien premier ministre s'est inquiété d'une atteinte au principe de 1905 sur son compte Twitter. «La laïcité, c'est la France, et elle n'a qu'un seul fondement: la loi de 1905, celle de la séparation des Églises et de l'État. La loi de 1905, toute la loi, rien que la loi», a-t-il écrit.
«C'était un texte profond, parfois bien inspiré, dans lequel on voit bien que, s'il n'a pas de dogme, pas de chapelle, il porte cependant une inquiétude spirituelle»
François Bayrou
Sans tarder, l'entourage d'Emmanuel Macron s'est employé à atténuer et à banaliser l'effet disruptif de ces déclarations. Comme à l'époque des sorties les plus provocatrices d'Emmanuel Macron, avant son élection (35 heures, fonction publique, déchéance de nationalité, colonisation, ISF, etc.), ses proches ont cherché à calmer les esprits. «Le président de la République n'a fait que répéter ce qu'il dit chaque fois qu'il est face à des croyants, insiste le porte-parole de l'Élysée, Bruno Roger-Petit. Il développe une vision de la France articulée avec sa conception de la fonction présidentielle sous la Ve République.» «On ne touche pas à la loi de 1905, renchérit le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. Seulement, il y avait une chape de plomb, des sujets dont on n'osait plus parler.» François Bayrou, président du MoDem et catholique pratiquant, défend lui aussi le chef de l'État: «C'était un texte profond, parfois bien inspiré, dans lequel on voit bien que, s'il n'a pas de dogme, pas de chapelle, il porte cependant une inquiétude spirituelle», salue-t-il. «Il faut prendre toute la mesure du discours, insiste Sacha Houlié, député LaREM. Avec les propos du président de la République, nous revenons aux fondamentaux du macronisme, en disant que chacun peut trouver sa place.»
Au-delà de ces soutiens affichés, il y a aussi des positions plus critiques dans la majorité. «Cela a été plus ou moins apprécié en fonction des sensibilités de chacun», admet ainsi la députée de Paris, Anne-Christine Lang, alors que la question de la laïcité divise au sein de la majorité. «Le procès fait à Macron est injuste, mais j'attends également un discours fort de sa part sur le socle de valeurs que le pays a en commun», souligne la parlementaire LaREM.
«Remettre en cause la séparation des Églises et de l'État, c'est ouvrir la porte de la politique aux fondamentalistes de toutes les religions. C'est irresponsable»
Jean-Luc Mélenchon
À gauche, les positions du président ont déclenché une avalanche de critiques. Lors des questions au gouvernement, le député Insoumis Bastien Lachaud l'a accusé de vouloir détruire la loi de 1905. Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a répondu en citant Aristide Briand et en rappelant l'engagement du chef de l'État en faveur de «l'unité de la nation française». Sur Twitter, le leader de La France insoumise a interpellé le chef de l'État: «Monsieur le président, le lien avec les Églises n'a pas été abîmé! a lâché Jean-Luc Mélenchon. Il a été rompu en 1905! Remettre en cause la séparation des Églises et de l'État, c'est ouvrir la porte de la politique aux fondamentalistes de toutes les religions. C'est irresponsable.»
Le discours d'Emmanuel Macron révèle en tout cas une nouvelle fois les divisions à droite. Certes, le centre droit se réjouit de ces prises de position. «Je n'ai rien vu de choquant dans le discours d'Emmanuel Macron, juge Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI. La laïcité, ce n'est pas la guerre contre les religions, mais garantir à chacun son culte et sa croyance.» Même tonalité chez le député de Seine-et-Marne et cofondateur d'Agir, Franck Riester: «C'est un discours fort qui permet aux catholiques de se sentir considérés. La laïcité, ce n'est pas nier les religions.»
Mais, au sein des Républicains, les réactions sont toutefois plus critiques, balançant entre ceux qui pointent une «opération de com'» et ceux pour qui Emmanuel Macron n'est pas allé assez loin. «C'est très bien de rappeler le dialogue nécessaire entre religions et État. Si la foi relève de l'intime et du privé, le message public des religions peut, à juste titre, nourrir la réflexion républicaine et citoyenne», explique Philippe Gosselin, député LR de la Manche. Ce catholique revendiqué dit ne pas être «dupe des appels du pied aux cathos sur l'Europe et l'immigration. Et plutôt pas rassuré sur les propos bioéthiques. On sent poindre la supériorité, qui revient au galop, de Jupiter sur Dieu!» De son côté, le président du groupe LR à l'Assemblée, Christian Jacob, a fustigé une «récupération grossière».

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Guillaume Tabard : «Réactions pavloviennes et risques politiques» (10.04.2018)
Par Guillaume Tabard
Mis à jour le 10/04/2018 à 19h47 | Publié le 10/04/2018 à 19h07
CONTRE-POINT - Le discours d'Emmanuel Macron aux représentants de l'Église de France a réveillé les inquiétudes des défenseurs autoproclamés de la laïcité. Pourtant, le chef de l'État s'est montré conforme à ses précédentes allocutions à l'attention des communautés religieuses.
Il y eut le discours du Latran de Nicolas Sarkozy. Il y a maintenant le discours aux Bernardins d'Emmanuel Macron. Deux chartes présidentielles et personnelles de la laïcité qui ont en commun d'avoir déclenché les mêmes réactions indignées des défenseurs autoproclamés de la laïcité. Ou plutôt d'une conception de la laïcité qui ne voit dans le fait religieux qu'un danger pour la société.
«Ces cris d'orfraie ne sont que le prétexte pour refuser une approche consistant à penser que l'État a tout à gagner d'une reconnaissance de la vitalité et de la fécondité de tous les courants de pensée qui traversent la société»
À dix ans d'écart, ils sont l'un et l'autre accusés de s'en prendre à ce qu'ils ne veulent pourtant en rien toucher: la loi de séparation de 1905. Mais ces cris d'orfraie ne sont que le prétexte pour refuser une approche consistant à penser que l'État a tout à gagner d'une reconnaissance de la vitalité et de la fécondité de tous les courants de pensée qui traversent la société.
À commencer par cette «sève catholique» dont a parlé Emmanuel Macron. Les réactions pavloviennes restent décidément le meilleur antidote à toute pensée, «complexe» ou non. Et révèlent l'incohérence de ceux qui s'inquiètent de toute marque d'estime envers l'Église, mais qui, courant les dîners de rupture de jeûne, se montrent moins sourcilleux envers un islam qui, lui, n'a pas encore réglé pleinement son rapport à la laïcité.
Le président de la République n'a pourtant pris personne par surprise. Ce qu'il a dit aux Bernardins est en tout point conforme à ce qu'il a dit et répété durant sa campagne et depuis son élection: aux protestants lors du 500e anniversaire de la Réforme, aux Juifs lors du dîner du Crif ou encore dans ses vœux à l'ensemble des communautés religieuses, en janvier à l'Élysée. À savoir que la laïcité n'avait pas pour objet de substituer une «religion d'État» aux autres religions. On aurait tort de voir dans ce rendez-vous, fixé il y a de nombreuses semaines, le simple prétexte d'un bruit médiatique destiné à couvrir la contestation sur la réforme de la SNCF.
«La voie de crête est étroite pour Emmanuel Macron, pris entre ceux qui ne lui pardonnent pas ses paroles et ceux qui exigeront des actes, notamment par les sujets éthiques»
Ce qui est sûr, c'est qu'une fois de plus Emmanuel Macron réussit, peut-être au-delà de ses prévisions, à se fâcher avec sa gauche. Celle-ci trouve là une occasion d'unité inespérée, avec la bénédiction - si l'on ose dire... - du Grand Orient de France sortant exceptionnellement de sa discrétion médiatique habituelle.
Symétriquement, le chef de l'État peut-il espérer un «ralliement» des catholiques? «Tu ne les auras jamais avec toi», l'a prévenu un ancien ministre. De fait, si les catholiques peuvent être sensibles aux mots du président de la République, prendre au mot son invitation à s'exprimer et à s'engager, c'est précisément ne pas se contenter de mots. La voie de crête est étroite pour Emmanuel Macron, pris entre ceux qui ne lui pardonnent pas ses paroles et ceux qui exigeront des actes, notamment par les sujets éthiques (PMA, GPA, euthanasie). Des deux côtés, il le sait, il subira une pression forte. Y compris à l'intérieur de La République en marche.

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Le discours de Macron, un «coup d'État» qui vise à détrôner une laïcité crispée (10.04.2018)
Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 10/04/2018 à 20h50 | Publié le 10/04/2018 à 20h42
DÉCRYPTAGE - Le chef de l'État est volontairement allé plus loin que tous ses précédesseurs - et aux antipodes de François Hollande -, assumant une ligne provocatrice sur ce sujet explosif pour réconcilier la France qui croit et celle qui ne croit pas.
Même Nicolas Sarkozy aux grandes heures de son discours romain du Latran, avec l'évocation du prêtre et de l'instituteur, en 2007, n'était pas allé aussi loin. Emmanuel Macron, lui, franchit allègrement le Rubicon.
Invité, lundi, à la soirée de la Conférence des évêques de France au collège parisien des Bernardins, il s'est mué en invitant. En tendant non pas une main mais les deux bras à ses hôtes catholiques pour leur redonner, si certains l'avaient perdu, le goût de la République.
Jésus disait aux chrétiens qu'ils étaient «le sel de la terre». Emmanuel Macron suggère que les «cathos» peuvent être «le sel» de la République: je suis là, a-t-il dit, «pour vous demander solennellement de ne pas vous sentir aux marches de la République, mais de retrouver le goût et le sel du rôle que vous y avez toujours joué». Voilà la recette: être «intempestifs» partout et dans tous les débats et «s'engager en politique», a martelé le chef de l'État. Au lendemain de la fête, l'addition est un peu… salée. Notamment dans les rangs laïques, mais le propos a fait mouche.

Nicolas Sarkozy, à la basilique Saint-Jean-de-Latran, à Rome, le 20 décembre 2007. Lors de son discours, l'ancien président avait tenté de faire bouger les lignes avec son concept de «laïcité positive». - Crédits photo : ERIC FEFERBERG/AFP
Reste à savoir si ce «coup d'État» visant à détrôner une laïcité crispée et dogmatique réussira sur le long terme… Et si cette OPA sur les catholiques prendra sur un corps social passablement échaudé par les provocations du quinquennat Hollande. On revient de loin, en effet. Pour la seule décennie passée, les catholiques sont passés du très chaud au froid glacial. Nicolas Sarkozy avait tenté de faire bouger les lignes avec son concept de «laïcité positive». Dans un premier temps, il avait séduit dans les rangs catholiques. Son programme de désarmement de la ligne Maginot de la laïcité, rendue poreuse, plus souple, moins raide, plus intelligente, avait plu. Mais il tentait une équation périlleuse. Celle de réconcilier la République avec les catholiques, et vice versa, tout en donnant l'impression de lâcher du lest face à l'islam en accordant à cette religion un statut institutionnel. C'était du moins le reproche adressé par le cardinal Lustiger au jeune et bouillant ministre de l'Intérieur, futur président, qui mettait sur pied, en 2013, le Conseil français du culte musulman (CFCM).
Réconcilier les deux France
Ce fut ensuite le tour de François Hollande. Avant même son élection, il avait programmé le réarmement de la ligne Maginot avec des sacs de sable et des barbelés pour rendre vraiment infranchissable tout éventuel commencement d'influence d'une religion - en l'occurrence l'Église catholique - dans le champ politique. Son idée visait l'architecture même de cette ligne rouge: introduire dans la Constitution française elle-même le principe de séparation des Églises et de l'État, contenu dans la loi de 1905. En somme, consolider au béton armé cette spécificité française.
Dans le choix très gradué des projets de discours, Emmanuel Macron a choisi l'option haute, la plus ouverte aux catholiques
Ce rapide coup d'œil dans le rétroviseur politique explique l'ampleur de l'émoi suscité par le «discours des Bernardins». Car c'est ainsi qu'il va s'appeler désormais, s'imposant comme un discours refondateur, historique et exprimé par le 8e président de la Ve République. Une république où Emmanuel Macron entend, au seuil du XXIe siècle, réconcilier les deux France, celle qui croit et celle qui ne croit pas. Une position provocatrice totalement assumée, du reste, par le chef de l'État. Dans le choix très gradué des projets de discours, il a choisi l'option haute, la plus ouverte aux catholiques.
Mais, comme pour ses prédécesseurs, ce terrain de la laïcité est totalement miné. Un pas à droite, un pas à gauche, c'est l'explosion à tous les coups. Sans surprise, elle a été instantanée et s'est bruyamment manifestée dans le camp retranché laïque pur et dur. Là n'était pourtant pas l'objectif.
C'est le public catholique qui est visé. Il se réveille heureusement surpris, prêt à jouer le jeu pour certains, mais extrêmement méfiant. Il n'acceptera pas des évolutions bioéthiques qui manipuleraient l'homme. Et pas davantage de se laisser enfermer dans une case «religieuse» prédéfinie par une vision communautariste de la société.

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Rédacteur en chef,
chargé des religions
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Ce qui a «abîmé» le lien entre l'Église catholique et l'État (10.04.2018)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 10/04/2018 à 20h37 | Publié le 10/04/2018 à 20h26
DÉCRYPTAGE - Mariage gay, volonté de « durcir » la loi de 1905… Plus d'une fois, les chrétiens se sont sentis blessés.
«Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l'Église et l'État s'est abîmé, et qu'il nous importe à vous comme à moi de le réparer.» La phrase, puissante, est la première - passé la formule de politesse introductive - du discours d'Emmanuel Macron aux représentants de l'Église de France, lundi, au Collège des Bernardins. Le président de la République s'adresse à toute l'assemblée, présidée par Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France. Qu'est-ce qui serait donc brisé, détérioré, dégradé dans ce vieux couple français?
Sur un plan technique, juridique et administratif, rien de notable n'est à signaler. Quelques frottements budgétaires proviennent de l'enseignement catholique mais la machine tourne rond. Elle est même soigneusement entretenue puisqu'elle passe tous les ans un contrôle technique. Cet état des lieux administratif se déroule dans le bureau du premier ministre (Lionel Jospin en fut le créateur en 2002) lors d'une «instance de dialogue», c'est son nom officiel.
Le premier ministre et les ministres concernés inventorient alors avec une régularité d'horloge de cathédrale, en compagnie du président des évêques, de l'archevêque de Paris, du nonce apostolique, tous les problèmes techniques pour leur trouver des solutions: gestion des lieux de culte, questions fiscales, aumôneries, enseignement catholique, visas de missionnaires, accueil des chrétiens étrangers, etc.
Divorce consommé sous François Hollande
Sur le plan symbolique et politique, en revanche, le dossier est chargé. En 2004, il y eut la grande déception du refus de reconnaître les racines chrétiennes de l'Europe par Jacques Chirac. Mais sous le quinquennat de François Hollande, le divorce a été consommé: volonté de constitutionnaliser, donc de «durcir» la loi de 1905, en 2012. Choc de l'adoption du mariage homosexuel, malgré la résistance de la Manif pour tous en 2013. Et très fortes inquiétudes sur la GPA, la PMA pour toutes, sans parler d'une «euthanasie soft» qui ne dirait pas son nom.
À ce malaise s'ajoute le fait que les catholiques estiment devoir payer une facture dont ils ne sont pas responsables: celle du durcissement de la laïcité, lié à l'islam et à ses dérives extrémistes. Elle conduit à mettre toutes les religions dans le même sac. Impression donc, côté catholique, de ne compter pour rien, de ne plus être reconnus, d'être méprisés. Ce qui est donc «abîmé», voire «brisé», c'est la confiance.

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De de Gaulle à Macron, à chaque président sa vision de l'Église (10.04.2018)

Par Jules Pecnard
Mis à jour le 10/04/2018 à 20h41 | Publié le 10/04/2018 à 18h49
LE SCAN POLITIQUE - Les prédécesseurs d'Emmanuel Macron ont entretenu toute une gamme de rapports avec la religion chrétienne, allant de la piété discrète du général de Gaulle au détachement de François Hollande.
C'est un sujet compliqué à aborder. Surtout pour un président de la République française, tiraillée entre ses racines judéo-chrétiennes et les règles imposées par la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État. En appelant lundi à «réparer» le lien entre ces deux entités, Emmanuel Macron a déclenché un tollé politique, notamment au sein de la gauche, structurellement attachée à une laïcité stricte. «C'est bien parce que je ne suis pas indifférent que je perçois combien le chemin, que l'État et l'Église partagent depuis si longtemps, est aujourd'hui semé de malentendus et de défiance réciproques», a déclaré le chef de l'État au Collège des Bernardins.
L'écrasante majorité de ses prédécesseurs ont évité, au cours de leur mandat, de politiser la question du rapport des Français à leur foi catholique. Ou, à tout le moins, de le théoriser à l'occasion d'un discours officiel. De ce point de vue, Nicolas Sarkozy est le seul cas réellement comparable à celui d'Emmanuel Macron. Les autres ont entretenu un rapport plus ou moins distancié avec Dieu.
● La piété discrète du général de Gaulle
«Je suis un Français libre. Je crois en Dieu et en ma patrie. Je ne suis l'homme de personne», déclarait-il en 1941. Exception faite de l'Algérie, territoire qui demeurait français en 1959, l'Italie et la Cité du Vatican ont été la première destination officielle de Charles de Gaulle après son retour au pouvoir. Discret dans sa pratique religieuse, l'homme de l'Appel du 18 juin 1940 n'en demeurait pas moins un homme pieu, soucieux d'équilibrer son attachement à l'Église catholique avec ses fonctions de dirigeant d'une République séculaire et laïque. S'abstenant généralement de communier en public, le général de Gaulle s'exprimait peu sur sa foi. Il a néanmoins été élevé dans un milieu catholique fervent, très influencé par le poète Charles Péguy. Selon la spécialiste Caroline Pigozzi, le chef de l'État avait fait installer, à ses frais, une petite chapelle donnant sur la cour d'honneur de l'Élysée.
● Le «respect mutuel» de Pompidou
Comme l'a rapporté le journaliste Marc Tronchot, auteur de l'ouvrage Les présidents face à Dieu , Georges Pompidou entretenait un rapport beaucoup plus distancié à la religion que son illustre prédécesseur. «Passionné par les églises, notamment romanes, les lieux de cultes, les mégalithes, il liait l'art et le sacré, sa démarche chrétienne est celle d'un esthète», déclarait l'ex-directeur de la rédaction d'Europe 1 au Monde des religions en 2015. Dans les Dernières Nouvelles d'Alsace du 30 janvier 1971, le président décédé en cours de mandat précisait son rôle à l'égard du christianisme français: «Sans doute le spirituel et le temporel ne doivent pas être mêlés, et l'Église et l'État ont-ils chacun leur vocation propre, mais dans un pays de vieille tradition chrétienne et libérale comme le nôtre, il ne doit y avoir entre ces deux institutions que respect mutuel et considération réciproque, dès lors que chacune demeure fidèle à elle-même.»
● Giscard, les réformes avant l'Église
Surnommé le «Kennedy français» durant sa campagne de 1974, Valéry Giscard d'Estaing est un catholique de tradition plutôt que de conviction. L'ancien ministre des Finances veut amplifier le train de réformes sociétales en cours depuis la fin des années 1960. À commencer par la dépénalisation de l'avortement portée par Simone Veil, violemment combattue par l'Église catholique. Idem pour l'introduction du divorce par consentement mutuel, votée, comme la loi sur l'IVG, en 1975. Ces profonds changements ont compliqué les rapports entre Paris et le Saint-Siège, où Valéry Giscard d'Estaing s'est rendu deux fois en visite officielle au cours du septennat. Après sa défaite contre François Mitterrand en mai 1981, l'ancien maire de Chamalières s'est tout de même permis une référence religieuse dans son ultime allocution télévisée: «Dans ces temps difficiles, (...) je souhaite que la Providence veille sur la France, pour son bonheur, pour son bien et pour sa grandeur.»
● Le mysticisme de Mitterrand
Son affiche de campagne - celle de 1981 - est restée dans l'histoire. Mais derrière la «force tranquille» de François Mitterrand se niche une image loin d'être anodine, celle d'un clocher de village. Le premier président socialiste de la Ve République se méfie de l'Église en tant qu'institution, mais admire les églises. Il s'est toujours montré ambigu vis-à-vis de la religion, se définissant comme «agnostique» dans une interview accordée au Figaro au crépuscule de son règne. Plutôt habité par une tendance «spiritualiste», voire mystique, François Mitterrand a nourri sa vaste culture littéraire de références religieuses, répertoriées par l'hebdomadaire La Vie en 2011. Reste enfin sa fascination pour la mort, tributaire de son cancer diagnostiqué dès 1981. De quoi inspirer, dit-on, cette phrase énigmatique, prononcée lors de ses derniers vœux présidentiels: «Je crois aux forces de l'esprit, et je ne vous quitterai pas.»
● L'humanisme de Chirac
S'il a reçu en grande pompe le pape Jean-Paul II en France en 1996, Jacques Chirac s'est toujours voulu plus humaniste que chrétien. Cultivant une réelle curiosité à l'égard des religions et de leur pouvoir sur l'homme, l'ancien maire de Paris s'est efforcé d'appliquer sa vision laïque à sa gestion des rapports de l'État avec les cultes. «Jacques Chirac était effectivement fasciné par les questions religieuses et conscient des principaux problèmes qui se posaient à l'Église catholique», se rappelle Bernard Billaud, un ancien collaborateur du président, dans la revue Réforme. «Mais il était aussi d'une grande ignorance. N'étant jamais allé à Rome, il ne savait pas ce qu'était la papauté», ajoute-t-il.
● Sarkozy, ou l'usage politique de l'Église
Plus qu'aucun autre président de la République, Nicolas Sarkozy a probablement fait un usage très politique des racines chrétiennes de la France durant son mandat. Mêlant intérêt réel et gestes électoralistes, le chef d'État a été épaulé dans sa tâche par son conseiller Patrick Buisson, catholique identitaire affirmé et convaincu du besoin de réaffirmer la prééminence de l'Église. Lors du discours du Palais du Latran, prononcé en décembre 2007, Nicolas Sarkozy affirmait que «dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur». Ces propos ostentatoires lui ont valu de nombreuses critiques.
● Hollande, l'athéisme comme seule boussole
«Je n'ai aucune pratique religieuse. Mais je respecte toutes les confessions. La mienne est de ne pas en avoir.» Telle fut la réponse de François Hollande à une question sur sa foi, posée par La Vie durant la campagne présidentielle de 2012. Durant son quinquennat, l'ancien patron du Parti socialiste n'aura pas brossé l'Église dans le sens du poil: la loi Taubira de 2013, censée ouvrir le droit du mariage aux couples homosexuels, a fait descendre de nombreux groupes catholiques dans les rues. Plus symboliquement, François Hollande fut le premier président de la Ve République non marié au moment de son élection. Moins anecdotique, sa décision de n'inclure aucun religieux au sein du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) lors de son renouvellement en 2013. Un choix que déplore d'ailleurs le successeur de François Hollande.
● Macron, le «spiritualiste»
À choisir parmi ses prédécesseurs, l'actuel chef de l'État semble se rapprocher davantage du modèle mitterrandien. Baptisé à l'âge de 12 ans avant d'intégrer une école de jésuites d'Amiens, Emmanuel Macron croit à «une transcendance». C'est, du moins, ce qu'il déclarait au Journal du Dimancheen septembre 2016, peu après sa démission du gouvernement Valls. «C'est un agnostique spiritualiste, confiait un proche à l'hebdomadaire le 12 février dernier. Chez lui, la question de Dieu est ouverte, au sens où elle n'est pas résolue. Et c'est cette ouverture qui nourrit sa vision de l'inscription des religions dans la République.» S‘ajoute à cela sa dénonciation régulière du «laïcisme de combat». Sa volonté de préserver une distance avec la pratique catholique s'est illustrée lors des obsèques de Johnny Hallyday. Après s'être saisi furtivement du goupillon pour bénir le cerceuil du chanteur, Emmanuel Macron s'est vite ravisé, reposant l'objet liturgique dans son seau.
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Comment Macron a longuement préparé son discours sur la religion (10.04.2018)
Par Marcelo Wesfreid
Publié le 10/04/2018 à 20h31
L'allocution prononcée au collège des Bernardins, lundi soir, a été maintes fois retravaillée par le chef de l'État. Si chaque mot du discours était soupesé, la publication hors contexte des punchlines sur son compte Twitter a fait enfler la polémique.
C'est un discours qui fera date. L'allocution où le chef de l'État a le plus levé le voile sur sa conception de la religion. La trame en a été rédigée par Sylvain Fort.
Ce normalien de 46 ans, spécialiste de littérature allemande, traducteur et critique, fin connaisseur des opéras de Verdi et de Puccini, travaille depuis 2017 comme «plume» du président, dans un bureau au-dessus de celui de son patron. Il a fourni la première ébauche, après la décision du chef de l'État de participer à la conférence des évêques de France, il y a un mois.
Dans sa commande, le président a demandé à son conseiller «discours et mémoire» - c'est son titre officiel - de développer deux axes. D'un côté, la nécessité de retisser les liens distendus avec l'Église, ces dernières années, pour cause d'instrumentalisation électoraliste ou de prise de distance au moment de l'examen à l'Assemblée du mariage pour tous. De l'autre, le rappel que la neutralité de l'État ne doit pas empêcher un dialogue plus nourri avec les représentants des cultes, par exemple pour travailler sur les sujets bioéthiques.
Le texte a été retravaillé maintes fois par le chef de l'État, qui a achevé l'ultime relecture quelques minutes avant son départ
La première version du discours des Bernardins n'est donc pas partie d'une feuille complètement blanche. Le président avait fixé le cadre.
Cette version s'inscrit dans le prolongement de deux discours antérieurs, dont elle s'inspire: celui pour les 500 ans de la réforme protestante, prononcé le 22 septembre 2017, et les vœux aux autorités religieuses, du 4 janvier 2018. Dans le premier de ces textes, Emmanuel Macron salue «l'œuvre séculaire des protestants pour les libertés en France». Avant d'asséner: «La laïcité n'est pas une relation d'État […] n'est pas la négation des religions.» Dans le second discours, Emmanuel Macron invite les représentants des cultes à se saisir des débats bioéthiques et à «participe[r] à la vie de la nation».
Une fois la première trame achevée, un long travail de maturation a commencé. Le texte a été retravaillé maintes fois par le chef de l'État, qui a achevé l'ultime relecture quelques minutes avant son départ pour l'ancien collège cistercien. Une façon de mettre sa patte jusqu'au bout, d'introduire des références à l'actualité (Arnaud Beltrame) ou à des idées qui lui sont chères, comme celles de son mentor Paul Ricœur dont il fut naguère l'assistant.
L'art de la nuance
«Le président aime ciseler le discours dans sa version finale. Il s'est nourri de ce qu'il est profondément», indique le porte-parole de l'Élysée, Bruno Roger-Petit. «Le président a une forme de foi, pas très claire, qui lui vient semble-t-il de sa grand-mère, de son enfance, note le producteur de spectacles Jean-Marc Dumontet, qui participa à l'écriture de plusieurs discours pendant la présidentielle. Il en a gardé un regard bienveillant sur les religions. Il n'est jamais dans la stigmatisation, tant que les religions restent dans le cadre de la République.»
Si chaque mot a été soupesé, chaque passage lissé, le discours des Bernardins a toutefois connu une répercussion liée en grande partie à son saucissonnage sous forme de tweets sur le compte du président.
Les quinze pages de discours se sont muées en phrases de 140 signes, isolées de l'argumentation générale. Un mode de communication moderne, destiné à toucher un public plus large, qui n'est pas étranger au déclenchement immédiat de la polémique. L'art de la nuance ne se satisfait pas de celui des punchlines.

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«Le discours de Macron aux catholiques est une manoeuvre de séduction» (10.04.2018)

Par Charles Sapin
Publié le 10/04/2018 à 20h34
INTERVIEW - Pour Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l'Ifop et auteur de À la droite de Dieu, le président a semblé préparer le terrain pour mieux faire passer sa réforme sociétale sur les débats bioéthiques.
LE FIGARO. - Les catholiques attendent-ils du président de la République qu'il répare «le lien entre l'Église et l'État»?
Jérôme FOURQUET. - De très nombreux catholiques étaient, il y a encore quelques années, à l'aise dans leur relation avec la République. Elle était apaisée. Mais un malaise s'est progressivement installé chez certains. Lors du débat houleux sur le mariage pour tous, les catholiques qui étaient opposés à ce projet se sont sentis humiliés et ont été présentés comme des rétrogrades par le gouvernement de l'époque. Parallèlement, en réponse à la montée de l'islamisme, l'État a parfois pu défendre une laïcité de combat, où la religion a été présentée comme un ennemi.
Des catholiques ont pu alors se sentir victimes d'un retour de flamme «laïcard», avec des polémiques que l'on croyait éteintes depuis longtemps comme lors de l'affaire de la croix de Ploërmel. C'est ce qu'Emmanuel Macron a essayé de réparer lundi soir, en rappelant que «la laïcité n'a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel». Peut-être que l'allocution présidentielle tant attendue sur la laïcité était finalement là.
Dans son discours, Emmanuel Macron a semblé renvoyer dos à dos ses prédécesseurs quant à leurs relations avec l'Église…
«Si les termes et les références employés ont pu sonner agréablement à l'oreille des catholiques, ce discours n'en était pas moins ambivalent»
Jérôme Fourquet
Ses mots étaient, en effet, très fortement inspirés du regard qu'il porte sur les deux quinquennats précédents. Ses propos de lundi soir, bien que plus solennels, sont la suite de son interview donnée à L'Obs, peu avant la présidentielle, où Emmanuel Macron avait regretté que cette «France-là», celle de la Manif pour tous, ait été «humiliée». De même, quand il fustige ceux qui font «le lit d'une vision communautariste» des catholiques pour des raisons électoralistes, on peut voir une référence au discours très remarqué du Latran de Nicolas Sarkozy.
Voulant rompre avec ces expériences malheureuses, le président s'est inscrit dans une posture de reconnaissance vis-à-vis de l'Église et des catholiques, quant à leur action sociale, qu'il s'agisse des déshérités ou des migrants, ou quant à leur apport dans notre questionnement spirituel et éthique. Attention cependant, si les termes et les références employés ont pu sonner agréablement à l'oreille des catholiques, ce discours n'en était pas moins ambivalent.
Qu'entendez-vous par «discours ambivalent»?
Le fameux «en même temps» présidentiel était bien présent. Si Emmanuel Macron a vanté tout ce que l'Église apporte à la société française, il lui a également rappelé que sa voix ne pouvait être que «questionnante» et non «injonctive». Alors que les échéances sur les débats bioéthiques, notamment sur l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, approchent, on peut comprendre entre les lignes qu'Emmanuel Macron a, en son for intérieur, pris sa décision. Si ce beau discours est suivi prochainement d'une annonce en ce sens, il pourrait alors laisser un amer souvenir aux catholiques. Et être, a posteriori, analysé comme une manœuvre de séduction très adroite afin de mieux faire accepter une réforme sociétale dont une majorité de catholiques ne peut se satisfaire.

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Les catholiques satisfaits mais «prudents» après le discours de Macron (10.04.2018)
Par Jean-Marie Guénois
Publié le 10/04/2018 à 21h26
Si les mots du chef de l'État ont séduit les représentants religieux, ceux-ci entendent rester vigilants sur ses actes, à commencer par le contenu de la loi bioéthique.
La prestation d'Emmanuel Macron, président de la République, au Collège des Bernardins, le 9 avril 2018, a été plutôt bien accueillie par les «religions», notamment par les catholiques, même s'ils restent prudents.
Pour sa part, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, y voit un «signal fort lancé au catholicisme comme aux autres religions», car le président «a rappelé que citoyenneté et croyance ou spiritualité étaient indissociables de l'être». Ce religieux salue également l'invitation à participer aux débats, car «les catholiques comme les autres religions» ont été «trop longtemps écartés ou marginalisés dans leur réflexion».C'est «l'idée même de la laïcité, qui ne signifie nullement l'oblitération du spirituel ou du religieux».
François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, également présent aux Bernardins, lundi soir, note, sur ce plan, que le président n'a pas éludé «le décalage qui s'est instauré entre le catholicisme et la République, notamment sur des questions éthiques». Il l'a même «souligné», assumant «son rôle de rappeler que la République prend en considération chacune de ses composantes, y compris dans leurs dimensions spirituelles».
Les évêques ont apprécié « le discours décomplexé sur l'Église », du président de la République et son appel « à prendre part au débat public »
Mgr Pontier, président de la CEF
Ce débat ne sera toutefois jamais tranquille, assure François Clavairoly: «J'ai beaucoup apprécié la citation de Paul Ricœur sur le thème du “questionnement” et de la mise “en tension” des sujets éthiques, pour ce qui concerne la bioéthique, la question de l'accueil des migrants ou le souci du plus vulnérable.»
Même appréciation côté musulman. Anouar Kbibech, vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), salue une «vision courageuse, ouverte et assumée» de la laïcité. Elle démontre qu'Emmanuel Macron - «à la différence fondamentale de son prédécesseur, qui plaçait les religions dans “l'angle mort” de la République - s'intéresse aux religions pour les entendre, mais également pour les écouter sur des décisions importantes qui engagent le pays.» À témoin, «son invitation particulière aux catholiques de dépasser leur rôle de “racines” de la France pour en devenir la “sève”». Notamment sur «la question de l'accueil des réfugiés et des lois sur la bioéthique».
Et les catholiques? Vincent Neymon, secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques (CEF), en charge de la communication, observe: «Les évêques se félicitent de la tenue et de la teneur de cette soirée. La laïcité y a été vécue comme nous la souhaitons.»
Mgr Pontier, président de la CEF a pu rappeler «la volonté de dialogue», mais aussi «la vigilance sur les sujets liés à la personne humaine, qu'elle soit à naître, migrante, handicapée, âgée…». En retour, les évêques ont apprécié «le discours décomplexé sur l'Église», du président de la République et son appel «à prendre part au débat public» comme «Église questionnante, intempestive, et non pas une Église affirmative et clivante». Reste maintenant «à saisir les opportunités de parole sur les différents sujets qui préoccupent notre société».
«Beaucoup, dans les rangs catholiques, soupçonnent une habileté de plus, une stratégie de séduction pour “faire passer la pilule” des nouvelles transgressions éthiques dans quelques mois»
L'abbé Grosjean
C'est tout le problème pour Tugdual Derville, délégué général de l'association Alliance Vita: «Toute l'ambiguïté du brillant discours présidentiel est là: il encourage de façon inédite l'expression par les catholiques de la pleine défense de l'humanité éclairée par leur foi, mais, finalement, il leur demande en même temps de cautionner le relativisme éthique… Ce n'est pas rassurant pour l'avenir de la PMA, aujourd'hui en débat.»
Observateur aiguisé de la laïcité, l'abbé Grosjean tempère: «Beaucoup, dans les rangs catholiques, soupçonnent une habileté de plus, une stratégie de séduction pour “faire passer la pilule” des nouvelles transgressions éthiques dans quelques mois… Je crois qu'il serait injuste de rester prisonnier du soupçon. Les catholiques ne sont pas dupes et restent prudents. Mais comment ne pourraient-ils pas apprécier que soient reconnu de façon si forte l'apport de leur engagement dans la vie de notre pays et dans notre histoire?» Il conclut: «Ce discours engage toutefois le président et ceux qui gouvernent avec lui: il a créé une attente forte, qui pourrait laisser la place à une déception d'autant plus forte si les actes ne suivent pas, en révélant au contraire un relativisme éthique que son texte pourtant condamnait.» 

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Rédacteur en chef,
chargé des religions
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Révélations sur la bataille d'Orange, où les barbares firent trembler Rome (10.04.2018)
Par Jean-Luc Nothias
Mis à jour le 10/04/2018 à 19h27 | Publié le 10/04/2018 à 18h54
Des fouilles archéologiques menées dans la vallée du Rhône ont permis de retrouver la localisation exacte d'une des plus grandes défaites de la République romaine, en 105 avant J.-C.

La bataille d'Orange fut l'une des plus grandes défaites de Rome, mais paradoxalement donna un petit répit à la République romaine tout en conduisant à la future ascension de César et à la naissance de l'Empire. Près de 80.000 légionnaires romains et 40.000 «valets», «lavandiers» et «auxilia externa» (archers, frondeurs) composés de Gaulois, Grecs, Ibères, Baléares, Crétois et Numides, furent tués les 8 et 9 octobre 105 avant J.-C. lors de la bataille qui les opposa à des assaillants «barbares» germano-celtes (Cimbres, Teutons, Ambrons et Tigurins) venus du nord. Deux armées romaines furent anéanties en quelques heures, ce qui créa une intense frayeur à Rome. Mais où cette bataille a-t-elle vraiment eu lieu? Les textes antiques, de Plutarque à Tite-Live, parlent d'un endroit près d'Arausio (Orange) et à proximité du Rhône.
«Si nous révélons nos travaux maintenant, c'est que cette région a fait l'objet, depuis des dizaines d'années, de pilleurs archéologiques très organisés»
Alain Deyber, historien-archéologue spécialiste de l'histoire militaire antique
Des historiens-archéologues affirment avoir trouvé le terrain de cette bataille ainsi que l'emplacement d'au moins un camp militaire romain. Plusieurs milliers de pièces archéologiques, monnaies, clous de sandales de légionnaires, pierres à fronde, pointes de flèches, etc. ont déjà été récoltées, aussi bien d'origine romaine que germano-celtique (épée, fibules arrachées…). Une nouvelle campagne de fouilles avec des moyens ultramodernes de détection aura lieu cette année.
Des investigations et des fouilles ont eu lieu depuis 2014 sous l'impulsion d'Alain Deyber, historien-archéologue spécialiste de l'histoire militaire antique. Ce dernier est cofondateur avec l'archéologue suisse Thierry Luginbühl du Groupe de recherche sur la bataille d'Orange. «Si nous révélons nos travaux maintenant, c'est que cette région a fait l'objet, depuis des dizaines d'années, de pilleurs archéologiques très organisés», explique-t-il. «Mais maintenant, ces réseaux sont démantelés, leurs instigateurs mis en examen, le site surveillé ainsi que les éventuelles filières de vente. Mais il reste encore beaucoup de choses à découvrir, j'en suis sûr .»

Le Rhône vu depuis Le Lampourdier. - Crédits photo : Copyright gedeon programmes
C'est sur le site des collines du Lampourdier, surplombant le Rhône à 7 km au sud d'Orange, qu'a été localisé un grand camp romain (55 hectares), sans doute celui du commandant en chef, le consul Mallius Maximus. Le camp de la seconde armée (35 hectares), commandé par le proconsul Servilius Caepio, pourrait être situé sur la colline Saint-Eutrope. Son quadrillage a sans doute servi à l'édification ultérieure de la ville antique d'Orange. Les milliers d'objets déjà découverts sur deux hectares attestent de la présence d'un camp romain, et également de la violence des combats (pointes de flèches tordues, morceaux de casque et d'armure cabossés…), mais aussi d'énigmatiques fosses contenant des ossements d'humains et d'équidés témoignant de sacrifices pratiqués sans doute dans le cadre d'un rite de la victoire. Des recherches sous-marines ont aussi été menées dans le Rhône, où les assaillants auraient jeté les vaincus, leurs armes, leurs casques, leurs chevaux et même le butin, monnaie et bijoux comme offrande.
Ces «barbares», appelés germano-celtiques, même s'ils sont plus celtes que germains, ont pris leur envol en 117 avant J.-C. depuis le Jutland au Danemark, sans doute à cause d'un événement climatique majeur. Un raz-de-marée en mer Baltique est évoqué. Ils se lancent vers le sud à la recherche de terres où s'établir, «ramassent» d'autres groupes en cours de route et iront jusqu'en Espagne. Dès - 113, ils affrontent les Romains, qu'ils vainquent à Noreia (actuelle Autriche). De même en - 109 entre Valence et Mâcon, puis en - 107 et en - 105, à cette bataille d'Arausio. Rome pense sa dernière heure venue et s'attend à une invasion. Mais les barbares choisissent de délaisser Rome et poursuivent vers le sud, jusqu'en Espagne.
«Il y a des associations de matériels militaires, des traces, des pièces, cela ne trompe pas, le doute n'est pas permis»
Alain Deyber
Maximus et Caepio, qui n'ont pas été tués à la bataille d'Arausio, ont été sévèrement punis car c'est leur mésentente qui a provoqué le massacre (le second, proconsul, est issu de la «noblesse» et pas le consul). Et c'est au consul Marius que l'on confie la tâche de réorganiser l'armée. Il y imposera de nombreux changements, retournera en Gaule où trois et quatre ans plus tard, à la bataille d'Aix en - 102 et à celle de Vercellae en - 101, il vaincra définitivement les germano-celtiques.
Grâce à ces fouilles récentes, «il y a désormais un consensus international pour reconnaître cet endroit comme lieu de la bataille», assure Alain Deyber. «Il y a des associations de matériels militaires, des traces, des pièces, cela ne trompe pas, le doute n'est pas permis.»
Des archéologues du Danemark, d'Allemagne, d'Autriche, d'Italie, de Suisse et d'Espagne souhaitent aussi suivre les travaux du programme de recherche d'Arausio, puisque les combattants sont originaires ou sont passés par ces pays. «Il faut savoir que cette aventure germano-celtique n'a pas laissé d'autres traces conséquentes que celle d'Arausio. Et nous mettons beaucoup d'espoir dans la découverte d'un tertre de 30 mètres de diamètre qui sera examiné cet été. Ce pourrait être la tombe d'un chef, ce qui serait unique en Europe…»

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Azerbaïdjan : Aliev, un président riche et inoxydable (11.04.2018)
Par Amel Charrouf
Mis à jour le 11/04/2018 à 11h35 | Publié le 11/04/2018 à 10h46
Ilham Aliev brigue ce mercredi un quatrième mandat lors d'une élection présidentielle anticipée boycottée par l'opposition, dont beaucoup de membres ont fui à l'étranger pour échapper à la répression dans cet État pétrolier du Caucase.
Au pouvoir depuis quinze ans, le président Ilham Aliev, 56 ans, est en route pour un quatrième mandat. Sa réélection ne devrait être qu'une formalité dans ce pays au régime autoritaire présentant un des pires bilans mondiaux en matière de droits de l'homme. Ilham Aliev est le successeur d'Heydar Aliev, qui régna d'une main de fer sur l'Azerbaïdjan de 1969 à sa mort en 2003, d'abord comme gouverneur soviétique et ensuite comme président. Aidé par les richesses pétrolières, le chef de l'État a perpétué le culte de la personnalité déjà en vigueur sous son père en passant les obstacles de trois élections contestables.
L'économie repose sur ses ressources naturelles. Avec des milliards de dollars de manne pétrolière et du gaz (70% du PIB) qu'il a mis sous sa coupe, Ilham Aliev a su profiter d'une vive croissance économique. En dix ans, le PIB par habitant est passé de 850 à 7.850 dollars (630 à 5.800 euros) même si les disparités se sont accrues (un salaire à 363 euros de moyenne en 2011).
Crise due à la chute du prix du pétrole
De cette puissance financière, la famille Aliev a tiré une fortune colossale. Un sujet qui est difficile à aborder ouvertement en Azerbaïdjan, alors que les ONG dénoncent une corruption (139 sur 176 selon Transparency international) et un népotisme devenu monnaie courante. Des enquêtes ont trouvé la trace de sociétés offshore, et selon la journaliste d'investigation, Khadija Ismayilova, les Aliev contrôlent un pan important des secteurs de la banque, de la construction et des télécoms.
Reste que pour la première fois au cours du règne de Ilham Aliev, l'élection présidentielle est organisée dans un climat de crise due à la chute du prix du pétrole. Mais le scrutin est miné par des «restrictions de la liberté d'expression et de rassemblement», selon l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) et les conditions dans lesquelles les rivaux du président ont mené campagne en Azerbaïdjan sont loin d'être optimum. Les méthodes du raïs d'Azerbaïdjan, à la tête du pays depuis quinze ans, sont bien connues. À peu près les mêmes qu'utilisait déjà son père: la répression des opposants muselés ou contraints à l'exil et des fraudes massives lors des rendez-vous électoraux.
Sur le plan international, Ilham Aliev devrait continuer sa politique prudente, préservant les ventes de pétrole à l'Europe et l'alliance avec les États-Unis, tout en évitant d'irriter le grand voisin russe. Parlant anglais, français et russe, il est diplômé du prestigieux Institut des relations internationales de Moscou. Sa femme est une ophtalmologue issue d'une grande famille qui contrôle un vaste empire financier. En février 2017, Aliev a nommé son épouse, Mehriban Alieva, premier vice-président, un poste créé sur mesure par référendum, la plaçant ainsi en première ligne pour prendre le relais s'il venait à disparaître ou s'il souffrait d'une maladie le rendant incapable de gouverner.
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Modeste moisson de contrats avec Riyad (10.04.2018)

Par Armelle Bohineust
Mis à jour le 10/04/2018 à 22h34 | Publié le 10/04/2018 à 19h47
La visite en France du prince héritier d'Arabie saoudite se solde essentiellement par des lettres d'intention.
Les liens entre la France et l'Arabie saoudite sont peut-être forts. Mais, pour l'instant, ils ne se traduisent pas vraiment en monnaie sonnante et trébuchante. À l'issue du séjour de trois jours en France du prince héritier du royaume whahabite, Mohammed Ben Salman, dit MBS, les contrats annoncés se comptent sur les doigts de la main.
La rencontre organisée entre équipes ministérielles arabes d'un côté et patrons français de l'autre, dans l'annexe du ministère des Affaires étrangères du XVe arrondissement, transformée pour quelques heures en site saoudien où les consonances anglaises et arabes dominaient, a donné lieu à quelques signatures. Une petite vingtaine de lettres d'intention ou d'accords commerciaux était en jeu pour un montant allant jusqu'à 18 milliards de dollars (14,6 milliards d'euros), a indiqué la chaîne de télévision al-Arabiya TV.
Entre le désert, les afflux massifs de pèlerins lors des pèlerinages à La Mecque et son immense industrie pétrochimique, le pays manque d'eau et il doit gérer des quantités de déchets. Suez est dans la boucle avec deux dossiers. Mais il ne s'agit, à ce stade, que de lettres d'intention, précise le spécialiste français de ces secteurs. Le premier projet concerne une coentreprise de traitement des eaux industrielles avec le groupe pétrolier Aramco. Si Suez n'est pas certain de l'emporter, le contrat devrait en tout cas tomber dans l'escarcelle d'un groupe français car Aramco a présélectionné deux candidats: Suez et Veolia, l'autre géant de l'eau et des déchets.
Coopération culturelle
Suez a, par ailleurs, signé une lettre d'intention afin d'investir avec le fonds français Five, dans la société saoudienne Edco, en charge des déchets dangereux dans le port de Jubail, dans le Golfe. Five, un fonds d'investissement de droit saoudien, créé l'an dernier par la Caisse des dépôts et la société arabe Kingdom Holding, a pour vocation d'aider les entreprises françaises à se développer dans les pays du Golfe. Le projet avec Suez et un autre avec Webedia, qui s'apprête à prendre la majorité d'un réseau social saoudien, seront les deux premiers investissements du fonds. Celui-ci devrait atteindre 400 millions de dollars, expliquent ses responsables.
Du côté des transports, même si Nabil Ben Mohammed al-Amoudi, ministre des Transports du royaume, a fait le déplacement, il n'annonce rien à ce stade
Du côté des transports, même si Nabil Ben Mohammed al-Amoudi, ministre des Transports du royaume, a fait le déplacement, il n'annonce rien à ce stade. Mais ce voyage dans le seul pays où le ministre accompagne MBS dans sa tournée internationale est «un succès car il a rencontré beaucoup d'entreprises». Or, l'Arabie, qui entend devenir une plateforme de commerce mondiale, a de nombreux projets dans ce domaine. Au-delà de la réorganisation de la gouvernance du secteur, le royaume est «très avancé dans sa digitalisation». Il a déjà divisé par près de cinq le nombre de documents douaniers nécessaires, détaille le ministre. Riyad finalise par ailleurs «un projet de train à grande vitesse vers les lieux saints, envisage une voie ferrée reliant la mer Rouge au golfe Persique et étudie la possibilité de privatiser partiellement les grandes infrastructures comme les ports ou les aéroports». C'est sans doute sur le plan culturel que les promesses sont les plus généreuses. Le futur souverain et actuel homme fort du royaume saoudien souhaite révolutionner ce secteur dans le cadre du plan «Vision 2030» qui entend diversifier son économie pour atténuer sa dépendance à l'or noir.
Au-delà du grand protocole signé avec Total, le principal partenariat vise le développement touristique de la cité antique nabatéenne d'al-Ula. Le Petra saoudien, classé au patrimoine de l'Unesco, doit être valorisé et aménagé pour attirer des milliers de visiteurs.
Des accords concernant à la fois les ressources et le savoir-faire français (énergie renouvelable, infrastructures d'hôtellerie…) sont en cours sous la houlette de Gérard Mestrallet, président du conseil d'administration d'Engie, désigné envoyé spécial d'Emmanuel Macron pour al-Ula.
Macron en Arabie fin 2018
Tout cela peut paraître modeste comparé aux trois semaines passées aux États-Unis par MBS. Le prince héritier a rencontré chez l'allié historique de Riyad bon nombre de décideurs économiques et politiques. La manne française est assez maigre également par rapport aux annonces faites le 7 mars à Londres. MBS a en effet signé avec Theresa May des accords pour «développer les investissements réciproques» pour un montant affiché de plus de 70 milliards d'euros sur les prochaines années. Emmanuel Macron, qui a davantage discuté de sujets politiques avec son homologue saoudien, s'est surtout dit soucieux de bâtir une «alliance» stratégique avec cet acteur clé de la politique régionale. L'Élysée a annoncé qu'Emmanuel Macron se rendrait en Arabie saoudite «en fin d'année» pour parapher des contrats.

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Magnanville : une islamiste détenait 2626 noms de policiers (10.04.2018)
Par Jean Chichizola
Mis à jour le 10/04/2018 à 21h08 | Publié le 10/04/2018 à 20h57
En garde à vue depuis lundi, dans l'affaire du meurtre de deux policiers en 2016, elle possédait cette liste sur une clé USB.
Après avoir assassiné deux policiers à Magnanville le 13 juin 2016, Larossi Abballa avait, avant d'être tué, encore appelé à attaquer des policiers, relayant ainsi les consignes répétées de l'État islamique. On avait appris peu après que deux autres islamistes de ses amis, installés également dans les Yvelines, avaient collecté des éléments sur deux autres fonctionnaires de police des Mureaux. Il apparaissait donc que, parallèlement à des attaques «au hasard» contre des policiers ou des gendarmes, la collecte d'informations sur les forces de l'ordre était devenue une priorité pour les terroristes.
Un constat appuyé de manière spectaculaire par l'information révélée mardi par Le Pointet confirmée de source proche de l'enquête. Selon l'hebdomadaire, Mina B., l'islamiste radicale sortie de sa cellule lundi, et placée en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur l'attentat de Magnanville, était en possession, en 2017, d'une clé USB avec une liste, sans rapport avec l'affaire de Magnanville, de 2626 policiers des renseignements généraux (RG) et de la Direction de la surveillance du territoire (DST). Datant de 2008, le document était contemporain de la fusion entre une partie des RG et la DST dans une nouvelle Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), devenue Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en 2014.
Découverte fortuite
Comment la jeune femme, âgée aujourd'hui de 25 ans, a-t-elle pu avoir accès à ce document ancien mais qui reste sensible car nombre de fonctionnaires sont toujours en poste aujourd'hui? Un document dont la découverte fut d'ailleurs des plus fortuites. Mina B. avait attiré l'attention des services antiterroristes et avait été entendue en 2017 pour ses contacts avec des candidats au départ en zone irako-syrienne et pour l'aide qu'elle leur avait apportée. La jeune femme, fichée S, fut mise en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et placée en détention provisoire. La clé USB avait été retrouvée au cours des perquisitions.
Une procédure incidente avait alors été ouverte. Les gardes à vue en cours, prolongées mardi soir, permettront peut-être de comprendre comment Mina B. a pu avoir accès à de telles informations. Et parallèlement de connaître le rôle qu'elle a pu jouer dans le «ciblage» du couple de policiers de Magnanville.

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14 interpellations pour l'agression de deux policiers au Nouvel An (10.04.2018)
Par Esther Paolini et AFP agenceMis à jour le 10/04/2018 à 12h05 | Publié le 10/04/2018 à 10h30
Quatorze individus ont été placés en garde à vue pour violences en réunion sur personnes dépositaires de l'autorité publique, non-assistance à personne en danger et enregistrement ou diffusion d'images de violences. Gérard Collomb assure que «tous les auteurs» de l'agression de 2 policiers au Nouvel An ont été arrêtés.
Les images d'une policière rouée de coups avaient fait le tour des réseaux sociaux. Au moins 14 personnes ont été interpellées ce mardi dans l'enquête sur l'agression de deux gardiens de la paix le soir du Nouvel An à Champigny-sur-Marne (94). Ils ont été arrêtés dans le Val-de-Marne, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, le Val-d'Oise, en Seine-et-Marne et dans l'Eure puis placés en garde à vue.
Il s'agissait de sa première affectation. Âgée de 25 ans, la jeune policière était de permanence avec son capitaine, chef du service de sécurité publique de Chennevières-sur-Marne, la circonscription voisine de Champigny. Le soir de la Saint Sylvestre, ils sont appelés dans un quartier à proximité de la zone industrielle pour une soirée organisée dans un hangar sans l'autorisation de la préfecture ni de la mairie. Arrivés sur place, les deux policiers tombent sur 300 individus en colère de ne pas avoir pu entrer dans la soirée. Dès qu'ils sortent de leur véhicule, ils sont pris à partie, isolés puis violemment agressés.
La vidéo de la policière à terre, encerclée et rouée de coups de pied est largement diffusée. Frappée au visage, au ventre et aux jambes, elle se voit attribuer sept jours d'interruption totale de travail (ITT). Le capitaine, 48 ans, a, lui, le nez fracturé et 10 jours d'ITT.
Vêtements et grenade de désencerclement retrouvés
Trois mois plus tard, c'est donc 12 hommes et 2 femmes, soupçonnés d'avoir porté des coups ou d'avoir filmé la scène, qui ont été interpellés. Ils ont été placés en garde à vue pour violences en réunion sur personnes dépositaires de l'autorité publique, non-assistance à personne en danger et enregistrement ou diffusion d'images de violences.
Les perquisitions au domicile des suspects ont notamment permis de «retrouver les tenues vestimentaires portées par certains au moment des faits» et une grenade de désencerclement probablement dérobée lors de l'agression, a détaillé une source proche de l'enquête à l'AFP. Parmi les interpellés, certains étaient connus des services de police.
Contacté par Le Figaro, le secrétaire général adjoint d'Alliance Police Nationale, Frédéric Lagache, salue le travail effectué par ses collègues: «Il s'agissait d'une affaire complexe, avec une multiplicité d'auteurs. Mes collègues ont volontairement pris tout le temps nécessaire afin que l'enquête n'ait pas la moindre faille.» Il espère que les individus ne seront pas relâchés à l'issue de leur garde à vue, en cas de mise en examen: «Ce serait inconcevable de les voir libres. Il faut un mandat de dépôt.»
«On finit toujours par la loi»
L'agression avait immédiatement suscité l'indignation générale. Le président Emmanuel Macron avait condamné un «lynchage lâche et criminel», en promettant que les coupables seraient «retrouvés et punis». L'agression avait également relancé la grogne des policiers, de nouveau rassemblés dans plusieurs villes de France pour dénoncer la «haine anti-flics».
Interrogé sur l'affaire ce mardi sur LCI, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a confirmé que «tous les auteurs ont été arrêtés ce matin». Il a également déclaré: «La France avait été émue, les policiers scandalisés. On s'aperçoit que dans notre pays, on finit toujours par la loi. Cela prend un peu de temps, les enquêtes sont minutieuses mais les auteurs sont arrêtés et demain ils seront châtiés.»
Dans la nuit de la Saint Sylvestre, huit policiers et trois militaires avaient été blessés sur tout le territoire, tandis que 1031 véhicules avaient été incendiés et 510 personnes arrêtées.
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Total et Aramco investissent 5 milliards dans la pétrochimie (10.04.2018)
Par Emmanuel Egloff
Publié le 10/04/2018 à 23h28
Les deux groupes projettent la construction d'un complexe de taille mondiale à Jubail, dans l'est de l'Arabie saoudite.
L'investissement est considérable. Total et le saoudien Saudi Aramco ont signé mardi 10 avril un protocole d'accord en vue de construire un complexe pétrochimique pour un investissement global d'environ 5 milliards de dollars. Il sera situé à Jubail, dans l'est de l'Arabie saoudite et à proximité du golfe Persique. Ce complexe comprendra un vapocraqueur - qui permet de produire, à partir du pétrole, l'éthylène et le propylène qui peuvent donner naissance aux polymères, c'est-à-dire aux plastiques - et d'autres unités pétrochimiques «à haute valeur ajoutée», selon un communiqué de Total. Les études d'ingénierie débuteront au troisième trimestre 2018. La date de mise en service n'a pas été dévoilée. L'objectif est d'investir sur un complexe pétrochimique de taille mondiale, qui devrait produire 1,5 million de tonnes d'éthylène par an. Ce sera le deuxième plus important dans le monde pour Total, derrière celui de Ras Laffan, au Qatar.
Total connaît bien Jubail. Le groupe y exploite une raffinerie géante dans le cadre d'une coentreprise avec Saudi Aramco, qui en détient 62,5 %, et le groupe français le solde de 37,5 %. Dans le nouveau projet, le poids de chaque partenaire devrait être similaire. La raffinerie, avec une production de 440.000 barils par jour, est tout simplement la plus grande de Total dans le monde.
«Ce projet illustre notre stratégie qui consiste à maximiser l'intégration de nos grandes plateformes raffinage-pétrochimie»
Patrick Pouyanné, PDG de Total
Plateforme intégrée
Ces activités dans l'aval de la production de pétrole - raffinerie d'abord, pétrochimie ensuite - constituent la seule manière pour une compagnie étrangère d'opérer en Arabie saoudite. Cette présence est intéressante car la proximité de la matière première et le faible coût de l'énergie rendent ces activités très rentables. C'est pourquoi la raffinerie de Jubail, entrée en service en 2014, était stratégique pour Total. C'est bien son succès qui a permis d'aller plus loin. «Notre coentreprise est un modèle remarquable de partenariat industriel réussi et nous souhaitons capitaliser sur ce succès pour soutenir la stratégie de Saudi Aramco d'augmenter sa capacité dans le secteur chimique d'ici à 2030», a ainsi souligné Amin Nasser, PDG de Saudi Aramco dans un communiqué.
«Ce projet illustre notre stratégie qui consiste à maximiser l'intégration de nos grandes plateformes raffinage-pétrochimie», a expliqué Patrick Pouyanné, PDG de Total. Le groupe français dispose de 18 raffineries dans le monde, mais aujourd'hui 6 seulement appartiennent à de telles plateformes intégrées, en Normandie, en Belgique, aux États-Unis, en Corée du Sud, au Qatar et, donc, en Arabie saoudite.

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Le numérique bouleverse l'énergie (10.04.2018)
Par Guillaume Mollaret
Publié le 10/04/2018 à 06h00
Blockchain, modélisation 3D, Internet des objets se développent partout.
Toutes les révolutions industrielles s'accompagnent d'une révolution énergétique. Bien que nourrie à l'électricité, la révolution actuelle n'échappe pas à la règle. La transition énergétique combinée au numérique favorise la micro-production énergétique et l'émergence de nouveaux services. Maîtrise des coûts, autoconsommation, modélisation, optimisation, juste prévision d'une facture à l'échelle individuelle sont des enjeux qui peuvent être appréhendés un par un.
• La blockchain favorise les échanges
Connue au travers des bitcoins, Ethereum et autres cryptomonnaies, la blockchain a fait son apparition en 2014 dans le secteur de l'énergie avec SolarCoin. Cette cryptomonnaie vient récompenser les producteurs d'électricité issue du solaire. Ainsi, 1 MW produit est gratifié d'un SolarCoin. La monnaie ne vaut que quelques dizaines de centimes. Aussi, elle sert à ce jour essentiellement d'argument marketing pour qui en détient. D'autres initiatives, celles-ci tournées vers les affaires, ont vu le jour. Depuis un an à Perth (Australie), une blockchain permet à des producteurs un échange d'énergie et une rémunération en une cryptomonnaie baptisée Powerledger. En France, l'entreprise perpignanaise Sunchain a choisi, elle, de développer une blockchain sans l'adosser à une cryptomonnaie. «Notre offre met d'abord en avant l'autoconsommation par un système d'abonnement que nous commercialisons. La technologie est opérationnelle et validée par Enedis», explique Julien Gil, ingénieur projet de l'entreprise.
Grâce à un appareil connecté à son compteur électrique, le producteur ne paye que le complément à un distributeur tiers, comme EDF par exemple. «Dans le cadre d'un programme d'investissement d'avenir opéré par l'Ademe, nous avons le projet de déployer cette offre à 1000 logements et 40 bâtiments tertiaires interconnectés d'ici à fin 2019. Certains sont producteurs, d'autres non», détaille Julien Gil. Ainsi le producteur pourra distribuer de l'énergie vers une habitation ou un bureau voisin quand il ne la consomme pas lui-même. Le modèle économique: l'entreprise catalane se charge de trouver un prix du KW pour que producteur et consommateur y trouvent leur compte… comme le fait chaque foyer avec les EDF, Engie et autres Direct Énergie.
• Le potentiel du compteur connecté Linky
Dix millions de foyers français sont désormais équipés du compteur Linky, le compteur intelligent d'Enedis. «Ce n'est pas le compteur qui est intelligent mais la personne qui s'en sert», rectifie dans une formule Bernard Lassus, le directeur du programme Linky. Or, c'est bien le sujet:peu de foyers utilisent encore ce compteur nouvelle génération à pleine capacité. Sur 7 millions de foyers en capacité de le faire - les 3 autres millions doivent attendre que leur compteur ait passé des tests -, seuls 200.000 ont ouvert un espace ou téléchargé l'application permettant de constater au jour le jour leur consommation. «L'outil est nouveau, il faut qu'il rentre dans les mœurs. Nous avons mis au point une sorte de jeu qui permet au foyer de se donner des challenges en matière d'économie d'énergie. Je l'ai fait sur un week-end en débranchant les appareils en veille. On observe une baisse de consommation de l'ordre de 5 à 7 %», assure Bernard Lassus. Alors que les objets connectés sont nombreux, rares sont ceux qui permettent un pilotage en interaction avec Linky… Alors que l'analyse des données remontées par les compteurs affiche la promesse d'une personnalisation plus fine des contrats d'approvisionnement électrique.
• BIM et l'Internet des objets
L'Internet des objets permettant d'optimiser sa facture électrique ne saurait se limiter aux seuls foyers. Il est même un enjeu de taille pour les entreprises. Spécialiste de la gestion d'énergie, Schneider Electric veut faire de son nouveau site grenoblois une vitrine de son savoir-faire. Ainsi a-t-il investi 120 millions d'euros dans la construction de deux bâtiments destinés à accueillir près de la moitié de ses 5000 collaborateurs dauphinois. Afin d'atteindre un objectif surperformant la réglementation thermique 2012 de 20 % dans un bâtiment et 40 % dans l'autre, Schneider Electric a utilisé le BIM (building information modeling), outil de conception d'une maquette 3D réalisée par les architectes et les maîtres d'œuvre.
En accord avec l'entreprise générale GA et le bureau d'études Artelia, il a expérimenté un «contrat de garantie de résultat en préconstruction». Autrement dit, les entreprises des chantiers se sont engagées auprès de Schneider Electric à ce que les bâtiments atteignent les niveaux de performance énergétique modélisés dans la maquette numérique. «Un des avantages de l'utilisation du BIM, c'est qu'il permet d'intégrer la propriété des matériaux et leur coefficient de résistance thermique. Il est dès lors, par exemple, possible pour des bureaux d'étude spécialisés de simuler les flux d'air pour identifier quelles parties du bâtiment sont susceptibles d'être sujettes à moisissure», explique Emmanuel di Giacomo, responsable du développement des écosystèmes BIM pour l'éditeur de logiciel Autodesk, entreprise leader du secteur.
À ces données, Schneider Electric a notamment ajouté les données météo auxquelles le bâtiment futur promet d'être soumis. «Les coordonnées GPS sont couplées aux données météo. Cela permet de simuler la radiation solaire. C'est important car l'un des deux bâtiments est équipé d'une toiture photovoltaïque. Ainsi nous pouvons prévoir qu'en moyenne annuelle, ce bâtiment produira plus d'énergie qu'il en consomme», détaille Olivier Cottet, directeur au programme de recherche sur l'énergie de Schneider Electric.
Spécialiste des objets connectés, l'entreprise travaille aujourd'hui avec l'éditeur de logiciel américain au couplage des données de la maquette 3D avec les réalités d'usage. «Plusieurs milliers de capteurs se trouvent dans le premier bâtiment que nous avons investi l'an dernier. Évidemment, sur un chantier rien ne se passe comme prévu. Aussi pour pouvoir réellement piloter la performance énergétique du bâtiment, nous devons reporter chaque changement dans la maquette. L'atteinte de nos objectifs énergétique en dépend», poursuit Olivier Cottet qui imagine la création d'une blockchain pour céder à des tiers l'énergie produite par son bâtiment quand elle ne sera pas autoconsommée.

Big Bang Eco, Salle Wagram à Paris, le 10 avril 2018, de 8h30 à 18 heures

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 26/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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1 commentaire:

  1. Je m'appelle Mme Celia Dave. Je vis au Royaume-Uni
    et je suis une femme heureuse aujourd'hui? et moi
    me dit que tout prêteur qui sauve mon
    famille de notre mauvaise situation, je referai
    toute personne qui lui demande un prêt,
    il a donné du bonheur à moi et à ma famille, je
    avait besoin d'un prêt de 250 000 $ à
    recommencer ma vie comme je suis célibataire
    mère avec 3 enfants, j'ai rencontré cet honnête et DIEU
    craignant l'homme prêteur de prêt qui m'aide avec un
    prêt de 250000,00 $ US Dollar, il est un DIEU
    craignant l'homme, si vous avez besoin d'un prêt et
    vous rembourserez le prêt veuillez contacter
    lui dire que c'est Mme Celia Dave que
    vous référer à lui. Son nom est M. Benjamin Lee
    Son Email (247officedept@gmail.com) Ou conversation WhatsApp: + 1-989-394-3740.

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