Dans Le Figaro :
Libye : Salvini se pose en sauveur et accuse la France
Agression antisémite sur le pont Alexandre III à Paris
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Mort de Clément Méric : le bilan mitigé de la dissolution des groupes d'extrême droite
Scandales en série : le Vatican dans la tourmente
Le projet de station spatiale autour de la Lune se précise
Les malheurs de Sofia (cinéma, Maroc)
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Libye : Salvini se pose en sauveur et accuse la France
Le ministre italien de l'Intérieur s'en est pris vivement
mardi matin à Paris accusé de «mettre en péril la stabilité de l'Afrique du
Nord», après l'intervention militaire en Libye en 2011. Il se dit prêt à se
rendre «bientôt» à Tripoli, en proie à des combats depuis 8 jours.
Matteo
Salvini, le ministre italien de l'Intérieur, aime les choses simples.
Un problème a un coupable et une solution. Alors qu'en Libye, Tripoli est depuis
huit jours en proie à de féroces combats, le vice-président du Conseil se pose
en sauveur et renouvelle ses critiques contre la France. Salvini s'est dit
prêt, mardi matin, à y retourner «bientôt». «Je suis personnellement disponible
pour courir quelques risques», a-t-il ajouté.
Pour le chef de l'extrême droite italienne et homme fort du
gouvernement, cet engagement est une évidence car, écrit-il sur Twitter,
«l'Italie doit rester protagoniste du processus de stabilisation en
Méditerranée». Dans la foulée, et sans le citer, le ministre a désigné le
coupable. Il a partagé une vidéo de ces déclarations, lundi, à des
journalistes: «Évidemment il y a quelqu'un derrière (les combats actuels). Cela
n'arrive pas par hasard. Ma crainte, c'est que quelqu'un, pour des motifs
économiques nationaux, mette en péril la stabilité de toute l'Afrique du Nord
et par conséquent de l'Europe.» L'allusion à la France est transparente. «Je
pense à quelqu'un qui est allé faire la guerre alors qu'il ne devait pas le
faire. À quelqu'un qui fixe des dates pour les élections sans prévenir les
alliés, l'ONU et les Libyens».
Pour le ministre italien, le chaos libyen est grandement
responsable des migrations de masses au travers de la Méditerranée, et donc de
la France. Dans cette même vidéo, interrogé pour savoir si les ports libyens
sont assez sûrs pour accueillir des migrants refoulés d'Italie, il répond
seulement: «Demandez à Paris.»
«Quelqu'un, en 2011, a privilégié ses intérêts»
Les attaques de l'extrême droite italienne contre Paris sont
récurrentes. Peu auparavant, lundi, la ministre de la Défense, Elisabetta
Trenta, avait elle aussi évoqué «une responsabilité» française, en raison de
son rôle majeur dans l'intervention militaire internationale contre le régime
du colonel Kadhafi en 2011. «Il est indéniable qu'aujourd'hui ce pays se
retrouve dans cette situation parce que quelqu'un, en 2011, a privilégié ses
intérêts», a-t-elle écrit.
Le gouvernement italien exclut toutefois toute intervention
des forces spéciales à Tripoli. Rome dispose en Libye d'un contingent de 300
hommes, chargés de protéger un hôpital de Misrata et l'ambassade à Tripoli,
ainsi que d'apporter un soutien logistique aux garde-côtes libyens.
Officiellement, la ligne diplomatique italienne sur le conflit n'a pas changé.
Lundi, le ministre des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, tout en
condamnant les violences, a réaffirmé «le plein soutien italien aux
institutions libyennes légitimes et au Plan d'action des Nations unies».
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référendum sur l'immigration»
CHRONIQUE - Pour le sociologue québécois, l'enjeu majeur
pour la droite française est de traduire politiquement l'instinct de
conservation du peuple.
La formule s'impose de plus en plus: les élections
européennes de juin 2019 prendront la forme d'un «référendum
sur l'immigration» qui pourrait accélérer la recomposition de l'espace
politique européen. C'est ce que semblent souhaiter, chacun à sa manière,
Emmanuel Macron, en croisade contre la «lèpre populiste» et désireux de mater
les nations dissidentes d'Europe de l'Est et Matteo Salvini, qui entend
reconstituer la frontière européenne et en finir avec l'immigration massive.
Les deux se méprisent ouvertement et rêvent manifestement de s'affronter.
Depuis quelques décennies, la politique européenne contenait la délibération
politique à l'intérieur du consensus progressiste. Cette fois, deux imaginaires
distincts s'affronteront. La politique se délivre du corset gestionnaire et
redevient passionnelle.
Si certains médias s'entêtent à faire passer Salvini
pour un infréquentable absolu, il faut surtout convenir que le leader
italien est parvenu à faire passer la droite populiste de la fonction
tribunicienne à la fonction gouvernementale, et cela, au cœur d'un des grands
pays de l'UE. Plus encore, elle parvient à faire alliance avec la droite
conservatrice, comme en témoigne son pacte avec la Hongrie de Viktor Orban. Il
se pourrait bien, après un certain temps, que ces deux familles politiques,
n'en fassent plus qu'une, dans la mesure où le populisme européen est souvent
un conservatisme qui a trop longtemps baigné dans une culture d'opposition. Les
deux forces, malgré des sensibilités distinctes, s'accordent généralement
autour d'un programme commun: défense de la souveraineté nationale et
populaire, critique de l'immigration massive et du gouvernement des juges,
célébration des racines chrétiennes de l'Europe.
La renaissance conservatrice qui partout se laisse
deviner trouvera-t-elle en 2019 une traduction politique ?
Nul besoin d'apprécier les leaders hongrois et italien, dont
les excès sont indéniables et plus que regrettables, pour constater qu'ils
concrétisent une vieille idée que l'on ne parvenait plus à prendre au sérieux:
celle d'une autre politique, rompant avec le dogme immigrationniste et plus
largement, avec la mystique droit-de-l'hommiste qui l'enrobe. La renaissance
conservatrice qui partout se laisse deviner trouvera-t-elle en 2019 une
traduction politique? Certains diront que la recomposition politique est une
vieille lune. Le système électoral européen a souvent favorisé la poussée de
forces protestataires, mais souvent, elles refluaient lorsque le scrutin
redevenait national, comme si les élections européennes avaient pour vocation
de susciter des jacqueries électorales pour mieux les neutraliser à une échelle
où elles ne portent pas vraiment à conséquence.
Mais c'est une nouvelle époque qui se dessine, avec ses
enjeux spécifiques, qui désarçonnent les partis traditionnels. Il est de plus
en plus difficile de faire croire que l'âge diversitaire est paisible. L'image
d'une immigration massive mais bienfaitrice ne tient plus, quand on pense non seulement
à l'insécurité qui s'est installée partout sur le Vieux Continent, mais à des
images comme celles de la pénétration agressive de colonnes de migrants, comme
on l'a vu à Ceuta. On ne pourra pas toujours faire croire que le viol des
frontières est sans conséquence. De même, l'aventure
estivale de l'Aquariusa
illustré de manière pathétique l'impuissance de l'Europe et sa soumission au
chantage humanitaire. À travers cela, d'une vague à l'autre, qu'elle soit
«légale» ou «illégale», l'immigration de masse transforme démographiquement la
civilisation européenne et pose ouvertement la question de sa survie.
De grandes catégories sociales hantées par l'insécurité culturelle
semblent au seuil de l'insurrection civique. La décomposition anthropologique
de sociétés hantées par des tensions identitaires de plus en plus vives
bouleverse la dynamique politique. C'est un instinct de conservation qui se
réanime et le politiquement correct parvient de moins en moins bien à l'inhiber
en l'assimilant au repli sur soi ou au racisme, ou pire encore, en mobilisant
contre lui la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, en laissant croire que les
démons sortis des entrailles de l'Europe au siècle dernier seraient de retour
et pousseraient les peuples vers la pente fatale de la régression ethnique.
Plus encore, cette instrumentalisation malsaine du souvenir des horreurs du
dernier siècle rend inintelligible une situation historique inédite, dans
laquelle la pensée politique ne devrait pas voir l'éternel retour du même.
Une politique de civilisation
Si la formule n'était pas usée, on pourrait dire du
conservatisme qu'il est appelé à mener une politique de civilisation, ce qui
implique de définir l'Europe non pas comme un ensemble désincarné,
technocratique et flou, mais comme une réalité historique vivante.
Théoriquement, ce devrait être la vocation de la droite, dans chaque pays, de
porter ce projet. Cela implique de tenir compte de la culture politique de
chacun. La France n'est pas l'Italie, non plus que l'Autriche. Son histoire est
trop singulière pour qu'elle s'imagine transposer chez elle une expérience
étrangère.
La droite française doit trouver son propre chemin. Elle a
moins avantage à multiplier les combinaisons compliquées pour tenir ensemble
toutes ses composantes artificiellement rassemblées depuis trop longtemps qu'à
définir une ligne claire explicitant son rapport à la nation, à l'Europe et à
l'époque. Trop longtemps, la droite française s'est contentée d'évoluer dans
les paramètres de respectabilité fixée par ses adversaires en donnant des gages
idéologiques, dans l'espoir de se faire décerner un certificat d'humanisme
médiatique récompensant sa docilité. 2019, pourrait ainsi représenter une
élection de rupture pour la droite, si elle y voit l'occasion de s'inscrire
pleinement dans le nouveau contexte européen.
On devine spontanément le principe fondateur d'une doctrine
renouvelée: un pays n'est pas un no man's land désincarné. Il faut que la
France reste la France. Un certain souverainisme retrouverait ainsi sa
pertinence en reconstituant un pouvoir politique sans lequel rien n'est
possible. C'est par exemple au nom de la civilisation européenne et du droit de
ses nations à persévérer dans leur être que la droite serait en droit de
contester la tutelle idéologique de la Cour européenne des droits de l'homme,
devenue le symbole du gouvernement des juges à l'échelle de l'UE. Plus
largement, la droite conservatrice devra se réapproprier le principe de la
souveraineté populaire, qui n'a rien d'une fantaisie illibérale. C'est la
question du régime qui remonte aujourd'hui à la surface.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
05/09/2018.
La rédaction vous conseille :
Renaud
Girard : «L'immigration de masse est un scénario perdant-perdant»
Par Jean-Loup Bonnamy et Renaud
GirardPublié le 31/08/2018 à 18h41
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Alors que la question de la
crise migratoire occupe l'espace médiatique et le débat public, Renaud Girard
analyse les conséquences de l'immigration massive sur les pays d'Europe comme ceux
d'Afrique.
Renaud Girard est correspondant de guerre et chroniqueur
international du Figaro.
FIGAROVOX.- Aujourd'hui, le continent africain connaît
une explosion démographique et l'Europe vieillit. Pourquoi ne pas tout
simplement accepter l'immigration?
Renaud GIRARD.- Il est évident que les pays
européens n'ont plus les moyens économiques, sociaux et politiques d'accueillir
toute la misère du monde.
Prenons le cas de la France. Si nous regardons la question
de l'emploi, nous voyons que, toutes catégories confondues, le nombre
d'inscrits à Pôle Emploi s'élève à 6 255 800 personnes. Une économie en
sous-emploi n'est pas en mesure d'absorber des millions de migrants. N'oublions
pas que les vagues d'immigration des années 50-60 arrivaient dans une France en
plein boom économique et où le chômage n'existait pas. Ce n'est plus le cas
aujourd'hui.
L'immigration de masse sape la cohérence, l'unité et la
solidarité des sociétés occidentales. Au lieu d'une société unie, l'immigration
fragmente le corps social.
Mais surtout, l'immigration de masse pose un problème
identitaire et culturel. L'Homme n'est pas qu'un homo economicus désincarné,
sans histoire ni racines ; il est avant tout un être de culture. La culture
européenne -fille de l'Antiquité, du judéo-christianisme et des Lumières-
risque d'être submergée par des populations dont le mode de vie est
incompatible avec le mode de vie européen et dont la présence massive sur notre
sol ne peut aboutir qu'à des tensions. L'immigration de masse sape la
cohérence, l'unité et la solidarité des sociétés occidentales. Au lieu d'une
société unie, l'immigration fragmente le corps social en une multitude de
communautés indifférentes, voire hostiles, les unes aux autres. Certains
membres des minorités (pas tous heureusement!) refusent de s'intégrer et
basculent dans la délinquance, leur haine de notre pays pouvant aller jusqu'au
terrorisme.
Cette crise migratoire peut-elle avoir de graves
conséquences politiques?
Cette crise identitaire risque bien de se transformer en
crise politique.
D'une part, on constate partout en Europe l'inquiètante
progression des mouvements extrêmistes - en Allemagne, en France, en Italie, en
Grèce…. Ce phénomène politique est une conséquence directe de l'immigration.
Dans les années 70, le Front National était un obscur groupuscule de
nostalgiques de l'Algérie française. Sa percée électorale à partir du début des
années 80 s'explique par l'immigration massive et les craintes qu'elle suscite.
Il y a quelque chose de paradoxal chez les bonnes âmes bien pensantes qui à la
fois fustigent les partis extrêmistes et soutiennent l'immigration. Cela est
incohérent. En effet, c'est l'immigration qui nourrit les partis extrêmistes et
risque un jour de les amener au pouvoir.
D'autre part, la crise migratoire risque de détruire l'Union
européenne. 73 % des Européens considèrent que l'UE ne les protège pas.
Partout, l'immigration favorise la montée des populismes. Au Royaume-Uni, le
vote en faveur du Brexit s'explique en grande partie par le rejet de
l'immigration. Les pays d'Europe centrale refusent tout diktat de Berlin leur
enjoignant d'accepter des migrants sur son sol. L'Italie n'en peut plus, qui a
vu plus de 70 000 migrants illégaux débarquer sur ses côtes depuis 2013.
Pour l'immigration illégale, terrorisons les passeurs en
démantelant leurs réseaux, en menant des actions de guerre contre eux et en
leur infligeant des peines drastiques lorsque nous les capturons.
Sa générosité a des limites. Son nouveau ministre de
l'Intérieur a prévenu que l'Europe institutionnelle jouait son existence même
sur la question migratoire. Venant de la part d'un pays fondateur du Marché
commun, c'est un message qu'il faut prendre au sérieux.
Mais alors comment s'y prendre concrètement pour régler
le problème migratoire?
Nous devons réduire massivement l'immigration.
Pour atteindre cet objectif, nous devons reprendre le
contrôle de nos frontières, suspendre le regroupement familial, lutter
drastiquement contre l'immigration clandestine, rétablir la double peine. Toute
personne étrangère qui commet un acte de violence ou connaît un début de
criminalisation doit être aussitôt expulsée.
Pour l'immigration illégale, terrorisons les passeurs en
démantelant leurs réseaux, en menant des actions de guerre contre eux et en
leur infligeant des peines drastiques lorsque nous les capturons. Montrons bien
aux migrants que leur démarche est vaine en leur refusant systématiquement tout
titre de séjour et toute aide sociale. Cela nous permettra d'arrêter l'appel
d'air européen. Et faisons le savoir dans leurs pays pour décourager les
tentatives.
À cela doit s'ajouter, dans la plus pure tradition
gaulliste, une politique humaniste, solidaire et active de codéveloppement avec
les pays pauvres afin de leur permettre un développement économique,
respectueux de l'environnement, créateur d'emplois et réducteur d'inégalités,
de façon à réduire la tentation du départ.
Sans la catastrophique Guerre en Irak en 2003, il n'y
aurait pas eu Daech ni les hordes de migrants syriens et irakiens de l'été
2015.
Nous devons aussi cesser les aventures néocoloniales dans
les pays du Moyen-Orient. Sans la catastrophique Guerre en Irak en 2003, il n'y
aurait pas eu Daech ni les hordes de migrants syriens et irakiens de l'été
2015. En Libye, Kadhafi n'était peut-être pas très sympathique, mais il nous
rendait service en servant de verrou face à l'immigration.
De manière plus précise, quelles sont les priorités pour
faire face à l'afflux de migrants africains traversant la Méditerranée depuis
les côtes libyennes?
Les nouvelles priorités sont limpides: reconstruire un État
en Libye et aider ses forces armées à combattre les trafiquants d'êtres humains
et à sécuriser ses frontières méridionales dans le Fezzan ; déployer, aux côtés
de la marine nationale de Libye, et dans ses eaux territoriales, des navires de
surveillance européens capables de ramener les naufragés ou les dinghies
surchargés d'êtres humains vers leur rivage d'origine. Le littoral libyen était
naguère équipé de radars de surveillance que l'Union européenne avait financés.
Ils furent détruits par des frappes franco-britanniques durant la guerre de
2011 contre le régime de Kadhafi. La coopération militaire, policière,
humanitaire, avec les autres États d'Afrique du nord doit évidemment se
poursuivre.
En Afrique noire, il faut en même temps accroître l'aide
économique de l'Union européenne et la soumettre à condition. Tout d'abord, il
faut être sûr que cette aide bénéficie bien aux populations et ne soit pas
détournée par des administrations ou des gouvernements corrompus. Ensuite, il
faut lier cette aide, c'est-à-dire la conditionner, à la mise en place d'un
planning familial efficace. Soixante ans de coopération technique européenne
avec l'Afrique n'ont pas réussi à y greffer le concept pourtant élémentaire de
planning familial.
L'Afrique y perd, car elle se vide de sa sève.
L'émigration prive l'Afrique d'une jeunesse intelligente, entreprenante et
débrouillarde.
«Si nous ne réduisons pas la taille de nos familles,
notre pays continuera à souffrir de la pauvreté parce que les ressources
disponibles ne pourront plus couvrir nos besoins», a reconnu Jonathan
Goodluck, ancien président (2010-2015) du Nigeria. C'est de ce pays aux
richesses naturelles fabuleuses, mais mal gérées et mal partagées depuis
l'indépendance en 1960, que proviennent aujourd'hui le plus grand nombre de ces
jeunes immigrants illégaux qui essaient par tous les moyens d'atteindre les
rivages du nord de la Méditerranée. Le Nigeria comptait 34 millions d'habitants
en 1960. Il en compte aujourd'hui presque 200 millions. Enfin, il faut orienter
cette aide vers un développement de projets agricoles et énergétiques concrets,
capables de nourrir et retenir chez elles les familles africaines. Le but de
cette aide n'est pas d'industrialiser l'Afrique (ce qui ne ferait qu'augmenter
les déséquilibres et donc accroître l'immigration) mais de développer des
projets locaux, respectueux des sociétés traditionnelles (microcrédit, circuits
courts, agriculture vivrière, biologique et équitable…).
Vous dites que l'immigration de masse est un «scénario
perdant-perdant». Pouvez-nous nous expliquer ce concept?
C'est un jeu auquel tout le monde perd. Le trafic d'êtres
humains sur lequel repose aujourd'hui l'immigration africaine est profondément
délétère à la fois pour les États africains et pour les États européens.
Comme je l'ai dit, l'Europe y perd sur les plans économique,
culturel, sécuritaire et identitaire.
L'Afrique y perd, car elle se vide de sa sève. L'émigration
prive l'Afrique d'une jeunesse intelligente, entreprenante et débrouillarde.
Car les 3000 euros qu'il faut payer pour le trajet y représentent une somme
considérable à rassembler. Dans les pays du Continent noir, c'est un beau
capital de départ pour créer une affaire, pour creuser un puits dans un
village, ou pour monter une installation photovoltaïque. Bien souvent, les
migrants ne sont pas les plus pauvres mais des membres de la petite classe
moyenne. Dans les pays de transition comme le Niger, le trafic attire des
jeunes pressés de faire fortune, les éloignant de l'élevage, de l'agriculture,
de l'artisanat. Il n'est pas sain que les villages africains vivent dans
l'attente des mandats qu'envoient ou qu'enverront les migrants une fois arrivés
en Europe, plutôt que de chercher à se développer par eux-mêmes. Il est vital
que les aides financières de l'Union européenne pour le Sahel et l'Afrique
centrale aillent dans des actions qui combattent l'économie de trafic, mais
aussi dans des projets agricoles ou énergétiques capables de fixer les
populations sur leurs terres ancestrales.
Enfin, les migrants eux-mêmes sont perdants. Ils déboursent
de l'argent pour voir leurs rêves déçus. Ils attendaient le Paradis et se
retrouvent perdus dans des pays où leur situation est très difficile.
Les seuls gagnants, ce sont les passeurs.
Justement, parmi les acteurs centraux de cette
immigration illégale, il y a les passeurs...
Les passeurs sont des bandes mafieuses sans scrupule, qui
promettent monts et merveilles aux migrants avant de se livrer aux pires
exactions sur eux.
Les passeurs sont des bandes mafieuses sans scrupule, qui
promettent monts et merveilles aux migrants avant de se livrer aux pires
exactions sur eux (escroquerie, racket, violences, viols, abandon en pleine
mer...).
Aujourd'hui, ce sont les mêmes réseaux mafieux qui procèdent
indifféremment au trafic d'armes (destinées aux djihadistes), à l'acheminement
de la drogue vers l'Europe, au trafic des êtres humains.
Les passeurs - ces nouveaux Barbaresques - ont une méthode
éprouvée. Ils entassent les candidats aux voyages dans des canots pneumatiques
de fortune ; ils les poussent jusqu'aux eaux internationales à 12 nautiques du
rivage libyen ; ensuite ils émettent un SOS ou appellent un centre de secours
italien pour indiquer qu'un naufrage est imminent ; puis ils s'en retournent
dans leurs repaires, abandonnant à leur sort leurs malheureux passagers,
souvent sans eau douce ni nourriture. Le reste du voyage ne coûte plus rien aux
passeurs, puisqu'il est pris en charge par les navires des marines ou des ONG
européennes. Pourquoi ces derniers ne ramènent pas simplement les naufragés
vers les ports les plus proches du littoral libyen? Parce qu'ils considèrent
qu'il s'agirait d'un refoulement contraire au droit humanitaire international.
Les nouveaux Barbaresques le savent bien, qui sont passés maîtres dans l'art
d'exploiter le vieux sentiment de charité chrétienne de cette Europe si riche,
si bien organisée, si sociale.
Quel regard portez-vous sur les ONG?
Sans le vouloir, certaines ONG participent, de manière
gratuite, à un immense trafic, qui a dépassé depuis longtemps en chiffre
d'affaires le trafic de stupéfiants.
Les ONG détournent le droit d'asile. Le meilleur moyen de
s'installer en Europe pour un immigré illégal est de se faire passer pour un
réfugié politique et d'invoquer le droit d'asile. Celui-ci a été forgé par les
Français de 1789 pour accueillir les étrangers persécutés dans leurs pays pour
avoir défendu les idéaux de la Révolution française. Le droit d'asile ne peut
concerner que des individus, et non pas des groupes. Il ne peut s'appliquer
qu'à des gens engagés politiquement et visés personnellement à cause de leur
engagement. Il ne saurait valoir pour des gens qui fuient la misère ou même la
guerre. Or, on assiste aujourd'hui à un détournement massif du droit d'asile, car
l'écrasante majorité des réfugiés sont des réfugiés économiques. Une fois qu'il
a mis le pied sur le sol européen, le migrant sait qu'il pourra y rester à
loisir, car les reconduites forcées vers l'Afrique sont statistiquement rares.
Pour comprendre le problème des ONG, il faut revenir à la
distinction du sociologue allemand Max Weber entre éthique de conviction et
éthique de responsabilité. Ceux qui agissent selon une éthique de conviction
sont certains d'eux-mêmes et agissent doctrinalement. Ils suivent des principes
sans regarder les conséquences de leurs actes. Au contraire, l'éthique de
responsabilité repose sur le réalisme, le pragmatisme et l'acceptation de
répondre aux conséquences de ses actes.
Les ONG déposent les migrants sur les côtes italiennes et
s'offrent un frisson narcissique en jouant au sauveteur.
Aujourd'hui, les ONG qui viennent au secours des migrants
sont dans l'éthique de conviction. Elles déposent les migrants sur les côtes
italiennes et s'offrent un frisson narcissique en jouant au sauveteur. Mais
après elles n'assurent pas la suite du service: elles ne se demandent pas ce
que devient le migrant en question ni quelles sont les conséquences politiques
et culturelles de ces migrations sur l'Europe. Pour sortir de la facilité, les
membres des ONG devraient héberger eux-mêmes les migrants, les éduquer, leur
trouver du travail. Peut-être auraient-ils une autre attitude.
Bien sûr, la compassion et la bienveillance sont des valeurs
cardinales. Il n'est pas envisageable de laisser des gens se noyer en mer quand
un navire les croise. Il faut les sauver. Mais il faut ensuite les redéposer
sur les côtes libyennes, leur point de départ. Puisque de toute façon, leur
présence en Europe est illégale.
Pourquoi les politiques migratoires européennes sont-elles
selon vous un «déni de démocratie»?
L'arrivée incontrôlée et en masse de migrants peu au fait de
la culture européenne déstabilise profondément les États de l'UE, comme on l'a
vu avec le vote référendaire britannique et le vote législatif italien. Dans
les années cinquante et soixante, les peuples européens se sont exprimés par
les urnes pour accepter les indépendances des ex-colonies. En revanche on ne
les a jamais consultés démocratiquement sur l'immigration, qui est le phénomène
social le plus important qu'ils aient connu depuis la seconde guerre mondiale.
En France, la décision d'État la plus importante du dernier
demi-siècle porte aussi sur la question migratoire. C'est le regroupement
familial. Il a changé le visage de la société française. Il est fascinant
qu'une décision aussi cruciale ait été prise sans le moindre débat démocratique
préalable. Il s'agit d'un décret simple d'avril 1976, signé par le Premier
ministre Jacques Chirac et contresigné par Paul Dijoud. Ce ne fut donc ni un
sujet de débat, ni l'objet d'un référendum, ni une loi discutée par des
représentants élus, ni même un décret discuté en Conseil des Ministres, mais un
décret simple comme le Premier Ministre en prend chaque jour sur des sujets
anodins. Cette mesure provoqua immédiatement un afflux très important de jeunes
personnes en provenance de nos anciennes colonies d'Afrique du nord.
Jamais les Français ne furent interrogés sur
l'immigration de masse, le multiculturalisme et le regroupement familial.
Consultés par référendum par le général de Gaulle - qui ne
voulait pas d'un «Colombey-les-deux-Mosquées» -, les Français ont accepté, en
1962, de se séparer de leurs départements d'Algérie, où une insurrection arabe
brandissant le drapeau de l'islam avait surgi huit ans auparavant.
Cinquante-six ans plus tard, ils voient les titres inquiets de leurs journaux:
«450 islamistes vont être libérés de prison!». Ils s'aperçoivent alors qu'on
leur a imposé en France une société multiculturelle, sans qu'ils l'aient
réellement choisie. Jamais les Français ne furent interrogés sur l'immigration
de masse, le multiculturalisme et le regroupement familial.
De même, Angela Merkel (qui avait pourtant reconnu l'échec
du multiculturalisme allemand en 2010) n'a pas jugé bon de consulter son peuple
lorsqu'elle déclara unilatéralement que l'Allemagne accueillerait 800 000
migrants. Pourtant il s'agit là de choses fondamentales qui concernent à la
fois la vie quotidienne des citoyens et l'identité profonde du pays.
La démocratie ne consiste-t-elle pas à interroger les
populations sur les choses les plus importantes? La démocratie ne sert-elle pas
à ce que les peuples puissent décider librement de leurs destins? On peut fort
bien soutenir que le brassage culturel enrichit les sociétés modernes. Mais, dans
une démocratie qui fonctionne, le minimum est que la population soit consultée
sur l'ampleur du multiculturalisme qu'elle aura ensuite à gérer sur le long
terme.
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l'immigration, dépassons les affrontements binaires pseudo-moraux»
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Morano: «Les peuples européens veulent une immigration choisie»
«Sur
l'immigration, dépassons les affrontements binaires pseudo-moraux»
GRAND ENTRETIEN - L'ancien ministre des Affaires
étrangères, Hubert Védrine, appelle les dirigeants européens à dépasser les
débats théoriques et idéologiques pour rechercher des solutions concrètes. Le
diplomate avance plusieurs propositions pour sortir de l'impasse.
LE FIGARO. - Aujourd'hui, un certain nombre
d'observateurs affirment qu'il y a une crise politique en Europe, mais sont
plus réticents à parler de «crise migratoire». Partagez-vous ce point de vue?
Hubert VÉDRINE. - Les migrations seront permanentes
et donc la maîtrise des flux migratoires s'imposera comme une politique
durable. En Europe mais aussi chez les émergents, en Afrique, en Australie, en
Nouvelle-Zélande, au Canada… et bien sûr aux États-Unis. Quant aux demandes
d'asile, il y en aura malheureusement d'autres, mais il est impossible de
savoir quand des drames atroces jetteront des peuples entiers sur les routes.
Le phénomène des migrations est facilité par les moyens de transport moderne
et, Stephen
Smith a eu raison de le souligner dans La Ruée vers
l'Europe, par l'élévation du niveau de vie en Afrique. Et c'est ainsi que
s'est reconstituée une nouvelle «économie de la traite» dans toute l'Afrique,
rapportant aux passeurs plus d'argent que le trafic de drogue.
Les pays où les gens veulent aller pour vivre mieux ne
peuvent pas se fermer: l'extrême droite dit des absurdités là-dessus.
Économiquement, on aura besoin d'immigrants légaux dans divers métiers.
Humainement, ce serait cruel et c'est impraticable. À l'opposé, l'idée
«d'ouverture totale», d'un monde sans frontières, est irresponsable. Cela
ferait exploser les sociétés. Il faut, entre ces deux extrêmes, gérer les flux.
C'est une question de bon sens, et de quantités avant d'être une question de
valeurs. Certes, c'est compliqué à mettre en œuvre, mais il vaut mieux dépasser
les affrontements binaires pseudo-moraux et chercher des solutions concrètes.
Sur le diagnostic, l'indistinction entre migrants
économiques et réfugiés ne complique-t-elle pas le débat?
Bien sûr! Cette absence de distinction est une des sources
de l'angoisse des peuples. Mais beaucoup de forces politiques ne veulent pas
distinguer: l'extrême droite ne veut pas distinguer (elle crie à l'invasion),
l'extrême gauche non plus parce qu'elle joue la carte des lobbys issus de
l'immigration. Et il y a un courant de pensée généreux chrétien, mais pas
seulement, qui ne veut pas distinguer parmi les «gens qui souffrent». Or, il
est à craindre que, si on ne sanctuarise pas l'asile, le vrai, pour des gens en
danger, il n'y aura plus d'asile dans dix ans. Ce serait inacceptable.
Les craintes de l'opinion ne sont-elles pas légitimes
dans la mesure où les sociétés occidentales sont déjà en crise?
Les opinions ressentent, en gros, qu'«il y en a trop» et que
ce n'est pas géré. Ce ressenti est contestable: bien des choses ont été faites
par tous les ministres de l'Intérieur depuis dix ans. Mais ce n'est pas assez
perçu. Il y a deuxièmement le problème de la guerre mondiale dans l'islam
sunnite entre l'infime minorité d'islamistes terroristes, les islamistes non
terroristes, et l'ensemble des autres musulmans, qui sont les premières victimes.
Nous, nous sommes des victimes collatérales sur un champ de bataille
périphérique. Dans le débat public, cette question est mal traitée parce qu'on
n'ose pas s'affranchir des tabous. Résultat: on n'aide pas assez les musulmans
courageux qui sont en première ligne. Pour remonter la pente et bâtir un
consensus autour d'un plan d'ensemble, il faut commencer par nommer les choses.
«Il me semble que ce que fait Emmanuel Macron est plus
clair et plus ferme que ce qui était fait auparavant»
Hubert Védrine
Concernant Emmanuel Macron, il oscille entre
diabolisation de la «lèpre populiste» et discours de vérité,
notamment sur le
rôle trouble d'une partie des ONG. Peut-il sur cette question-là faire
du «en même temps»?
Il me semble que ce que fait Emmanuel Macron est plus clair
et plus ferme que ce qui était fait auparavant. En même temps, il avance
prudemment parce qu'il voit bien que les opinions sont à cran…, dans les deux
sens. Toute idée présentée isolément est considérée comme trop laxiste ou trop
répressive. Le président cherche à tenir bon sur
le droit d'asile tout en maîtrisant de mieux en mieux les flux
(sinon il n'aurait pas mis Gérard Collomb Place Beauvau).
Mais sans doute une partie de l'opinion attend-elle des
propos plus nets encore. D'autre part, pour impliquer les pays de départ et de
transit dans la cogestion, il faudra être persuasif parce qu'ils n'ont pas trop
envie d'être placés devant leurs responsabilités. Le départ vers l'Europe est
pour eux une «soupape». Mais c'est tragique parce que ces gens qui partent sont
jeunes, dynamiques et entreprenants. Donc c'est désolant de voir tous ces pays
de départ se vider de ces éléments. Les gens généreux qui disent qu'il faut
accepter tous les miséreux alimentent inconsciemment cette dérive.
Les partis dits «populistes» sont en passe de devenir
majoritaires en Europe. Peut-on continuer à parler d'eux comme des
«infréquentables»?
«Populisme» est un mot-valise. Déjà, le traité de Maastricht
était passé par référendum avec seulement un point et demi d'avance, ce qui
démontrait qu'il y avait un divorce du peuple d'avec le projet, un début de
clivage entre les élites dirigeantes, mondialisatrices et intégrationnistes, et
les peuples. Aujourd'hui, au nom de la lutte contre le «populisme», on ne peut
pas dire qu'on ne tiendra jamais compte de ce que le «peuple» vote, sinon
inutile de faire l'apologie de la «démocratie»! Ces demandes des peuples, on
peut les apaiser mais il y a aussi une façon de les hystériser qui consiste à
exagérer le sentiment d'invasion. Aucun peuple n'est pour l'immigration de
masse. Si les mouvements migratoires ne sont pas trop importants, sont étalés
dans le temps et ne confrontent pas des populations aux modes de vie trop
antagonistes, cela se gère. Si c'est l'inverse, c'est plus compliqué, on le
voit bien.
Dans votre livre et dans différentes tribunes, vous avez
énuméré un certain nombre de solutions concernant les flux migratoires. Vous
évoquez notamment la solution des quotas…
«Pour gérer les flux, il faudra développer une économie
circulaire : dès lors que cela sera plus facile d'entrer, et surtout de
revenir, les gens accepteront de repartir»
Je parle des quotas par métiers pour les immigrants légaux,
oui. Pas des quotas de répartition des réfugiés déjà arrivés, même s'il faut
essayer de mieux les répartir. Pour gérer les flux, il faut une discussion qui
ne soit pas théorique. Il ne faut pas raisonner comme il y a cent ans où l'on
partait sans esprit de retour. Il faudra développer une économie circulaire:
dès lors que cela sera plus facile d'entrer, et surtout de revenir, les gens
accepteront de repartir. Il faut aller dans ce sens-là, et aussi des visas plus
faciles pour les étudiants, les hommes d'affaires, etc. Mais d'abord que
ceux qui vivent de la nouvelle traite comprennent que c'est fini, qu'on ne peut
plus détourner l'asile.
» LIRE AUSSI - Andrej
Babis: «Qu'on arrête de parler de quota de migrants!»
Vous évoquez également la solution des «centres de tri».
N'est-ce pas illusoire dans la mesure où ni les pays de départ ni les pays
de transit n'acceptent cette solution?
C'est, pour le moment, insoluble… On n'est même pas d'accord
sur les mots et sur la manière d'appeler les centres en question. Cela dit, il
y a déjà des représentations de l'Union européenne, qui pourraient appliquer
partout les règles de Schengen et gérer les demandeurs. C'est vers cela qu'il
faut aller. Le refus des pays de départ ou de transit sur ces centres, c'est
une prise de position ferme, avant un début de négociation.
Dans votre plan est aussi posée la question de
Frontex, vous parlez d'en faire une véritable police des frontières. Mais le
problème est celui des frontières extérieures de Schengen?
C'est évident qu'il faut (qu'il fallait) des frontières
extérieures à Schengen. Il faut donc donner plus de moyens à Frontex et une
coopération plus poussée entre polices extérieures et intérieures, nationales
et européennes. Et là-dessus, contrairement aux apparences et aux disputes
actuelles entre les différents pays d'Europe, tout le monde a intérêt à la
maîtrise des flux.
Avec l'arrivée au pouvoir des partis dits «populistes», l'avenir
de l'Europe n'est-il pas désormais dans une approche plus nationale que
globale?
Il faut une combinaison! D'ailleurs, ce qui marche depuis
très longtemps tient de mesures combinées, entre des États membres et des
initiatives coordonnées. Mme Merkel avait fait un excellent discours il y a dix
ans en affirmant qu'il fallait en finir avec cette querelle stupide entre
méthode communautaire et méthode intergouvernementale. Il n'y a que les gens de
Bruxelles pour entretenir cette querelle théorique. Il est évident qu'il faut
combiner, dans tous les domaines où les pouvoirs sont partagés.
» LIRE AUSSI - Jacques
Julliard: «Populisme, Europe et démocratie»
Je me demande s'il ne faudrait pas admettre que le
système de la construction européenne est arrivé à maturité et qu'on a trouvé
un équilibre dans une « fédération d'État-nation »
La crise que traverse l'Union européenne n'est-elle pas à
intégrer dans une crise plus large, celle d'un véritable changement de
monde?
Bien sûr, tout change, mais ne mélangeons pas une mutation
historique et une crise. Le seul élément vraiment déterminant tient selon moi
au fait que nous, les Occidentaux, avons perdu le monopole mondial au moment
même où l'on croyait que l'Histoire était finie, parce que l'on avait gagné!
Depuis lors, il n'y a pas eu de nouveau changement qui contredise celui-là,
mais une succession de mouvements permanents et de convulsions. La crise en
Europe n'est pas directement liée à cela: elle est liée au fossé qui s'est
creusé entre les élites et les peuples, qui ont cessé de suivre.
Ils sont contents de vivre en paix, de circuler facilement,
mais ils n'adhèrent plus à l'idée qu'il faudrait sans cesse continuer. Intégrer
plus loin? Pour quoi faire? Même les Allemands n'en sont pas demandeurs. Je me
demande s'il ne faudrait pas admettre que le système de la construction
européenne est arrivé en gros à maturité et qu'on a trouvé un équilibre dans ce
que Jacques Delors appelait une «fédération d'État-nation». On ne peut
qu'approuver la volonté du président Macron de rendre l'euro plus fort et plus
résistant, mais cela ne va pas révolutionner la structure des opinions
européennes. Il y a les vrais anti-européens, des gens devenus sceptiques, ou
allergiques à la réglementation, et encore quelques pro-européens, devenus
minoritaires, qui veulent continuer d'avancer.
Au-delà de la crise de l'Union européenne, n'assiste-t-on
pas à la mise en échec de la «mondialisation heureuse»?
Les droits de l'homme et le libre-échange c'est une chose,
mais on ne peut pas non plus les imposer. Le multiculturalisme, c'est autre
chose. Est-ce un progrès? Cela se discute. Les Européens étaient très
idéalistes, «fukuyamesque» avant Fukuyama. Les Américains n'ont en réalité
jamais vraiment cru à cela, ils ont cru davantage au triomphe du leadership
américain et continuent aujourd'hui à s'acharner sur la Russie car ils ont
besoin d'un adversaire. Ceux qui sont les plus déboussolés par ces
bouleversements sont les Européens, mais aussi beaucoup les Canadiens et
quelques micro-milieux multilatéralistes un peu partout. Ils prennent de plein
fouet l'effondrement des croyances sur la mondialisation heureuse, ont beaucoup
de mal à atterrir…
Ces bouleversements marquent-ils un retour des
nations?
Oui (elles n'avaient d'ailleurs pas disparu) mais pas sous
la forme ancienne. Nous vivons désormais dans un monde très interdépendant.
Même des pays qui veulent retrouver un peu d'autonomie ne peuvent pas espérer
qu'en décidant tous seuls dans leur coin, cela marchera! À l'inverse,
idéologiquement, l'idée que l'avenir du monde tient au dépassement des nations
a totalement échoué, et même réveille son contraire. Les peuples résistent à
l'acharnement des élites à dissoudre leur souveraineté et leur identité. Il y a
une forte demande pour une mondialisation moins nivelante et pour une Europe
plus respectueuse des intérêts de chaque pays et des cultures nationales.
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Nadine
Morano : «Les peuples européens veulent une immigration choisie»
VIDÉO - Invitée du Talk, l'eurodéputée LR expose sa volonté
de développer des projets sur le continent africain pour résoudre la crise
migratoire.
«Il faut stopper cette immigration illégale», a martelé
mercredi Nadine Morano, eurodéputée LR, lors du «Talk Le Figaro». L'élue s'est
exprimée sur la polémique engendrée par l'arrivée de plusieurs bateaux de
migrants sur les eaux italiennes et maltaises. Elle a soutenu la politique de
non-acceptation de ces embarcations du ministre de l'Intérieur italien, Matteo
Salvini, «qui a eu le courage de dire stop à la vague migratoire de masse, à
l'arrivée de ces bateaux, qui a eu le courage de dénoncer les ONG dans leur
comportement incitant l'immigration illégale».
Pour l'élue, il n'y a pas de doute: le refus de l'ONG
Lifeline de remettre le bateau du même nom, ainsi que ses passagers, aux
autorités libyennes, «est organisé». Elle en a profité pour fustiger la
politique du président de la République. Selon elle, «M. Macron fait aussi
le jeu des passeurs, lorsqu'il dit, toujours avec laxisme, qu'il faut accueillir ceux qui vont arriver». Elle a
dénoncé son «hypocrisie totale» sur le sujet, puisqu'il refuse selon elle de
recevoir des bateaux de migrants sur le sol français.
Mettre «l'Union africaine face à ses responsabilités»
Nadine Morano a expliqué que le réel défi à relever était de
mettre «l'Union africaine face à ses responsabilités», et non de «culpabiliser
l'Union européenne ou l'Europe sur la question migratoire». L'eurodéputée, qui
s'est rendue à plusieurs sommets entre l'Union européenne et l'Union africaine,
a dénoncé «des simulacres de sommet». Pour elle, il est essentiel d'établir un
dialogue qui mènera à des résultats et à des actes de la part des deux parties.
L'élue a par ailleurs affirmé que «les peuples européens ne veulent plus d'une
immigration imposée, ils veulent une immigration choisie».
» LIRE AUSSI - Lifeline: Macron accuse l'ONG de «faire le jeu des passeurs»
En tant que membre au Parlement européen de la délégation en
charge des relations avec le Parlement pan-africain, Nadine Morano a pu
assister en Afrique du Sud à une séance plénière des députés africains. Le
sujet? La corruption dans les États, qui suscite souvent leur instabilité.
Aussi a-t-elle insisté sur la nécessité de ces États «de se développer». «C'est
insuffisant pour le moment, a-t-elle assuré, bien qu'ils touchent
17 milliards d'euros d'aides de l'Union européenne.» L'eurodéputée a
proposé de prendre des mesures adaptées en «conditionnant les aides attribuées
aux États africains au regard de leurs résultats sur la maîtrise de leur
politique migratoire». Elle a notamment plaidé en faveur de plus d'accords
bilatéraux et multilatéraux, et du durcissement de la politique envers les pays
qui ne coopèrent pas avec l'Europe.
«Nous devons apporter des solutions, de meilleures
qualités de vie à ceux qui vivent en Afrique, et qui ne demandent qu'à pouvoir
rester chez eux»
Nadine Morano
L'essentiel pour résoudre la crise migratoire réside, selon
Nadine Morano, dans le développement des pays africains. «Je crois aux qualités
humaines des Africains. Je sais leur potentiel. Nous devons apporter des
solutions, de meilleures qualités de vie à ceux qui vivent sur ce continent, et
qui ne demandent qu'à pouvoir rester chez eux», a-t-elle déclaré. L'élue a
d'ailleurs affirmé que les députés africains lui avaient demandé de ne plus
régulariser les migrants clandestins dans les pays d'Europe. Pour eux, «ce sont
les Européens qui amorcent la pompe à l'immigration illégale».
Nadine Morano s'est prononcée contre la création de hotspots
en Europe, favorisant l'accostage des bateaux sur les côtes africaines. Il
s'agit pour elle d'un mal nécessaire: «C'est la seule façon d'envoyer un
message de l'autre côté de la Méditerranée et d'empêcher que des milliers de
personnes ne meurent en mer», s'est-elle exclamée.
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Girard: «L'Europe fracturée par l'immigration illégale»
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Girard : «L'Europe fracturée par l'immigration illégale»
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Il n'y a pas, en ce début de troisième
millénaire, de sujet géopolitique plus important que l'explosion
démographique en Afrique.
Au moment des indépendances, dans les années 1960, le
continent africain comptait 250 millions d'êtres humains.
Aujourd'hui, en 2018, la population africaine a atteint 1,25 milliard
d'êtres humains. Et
on prévoit qu'elle doublera d'ici à 2050. À une ou deux
exceptions près, les administrations des pays africains sont submergées
par cette croissance exponentielle de leur population. Ni la production
agricole, ni les infrastructures, ni l'urbanisation, ni la
scolarisation, ni la création d'emplois durables pour la jeunesse n'arrivent à
suivre.
Quand bien même jugerait-on possible pratiquement de relever
un tel défi démographique que manquerait sur place la gouvernance
étatique. Soixante ans de coopération technique européenne en territoires
africains indépendants n'ont pas réussi à y greffer le concept pourtant élémentaire
de planning familial. «Si nous ne réduisons pas la taille de nos familles,
notre pays continuera à souffrir de la pauvreté parce que les ressources
disponibles ne pourront plus couvrir nos besoins», a reconnu Goodluck Jonathan,
ancien président (2010-2015) du Nigeria.
C'est de ce pays aux richesses naturelles fabuleuses, mais
mal gérées et mal partagées depuis l'indépendance en 1960, que provient
aujourd'hui le plus grand nombre de ces jeunes immigrants illégaux qui
essaient par tous les moyens d'atteindre les rivages du nord de la
Méditerranée. Le Nigeria comptait 34 millions d'habitants en 1960. Il en
compte aujourd'hui presque 200 millions.
L'Europe se retrouve seule à devoir gérer le problème
planétaire qu'est l'explosion démographique du continent noir. Politiquement,
l'Amérique et la Chine s'intéressent peu à l'Afrique, et seulement
du point de vue de l'exploitation de ses richesses naturelles. L'Europe
se retrouve donc en première ligne. Elle fonctionne comme un aimant à
l'égard de la jeunesse africaine. On assiste à un début de déversement
de la jeunesse africaine vers un prétendu eldorado européen, et ce pour
quatre raisons: la proximité géographique ; l'existence en Afrique du Nord
de réseaux de trafiquants d'êtres humains bien organisés ; la porosité des
frontières physiques européennes ; la générosité des systèmes sociaux des
pays membres de l'Union européenne.
On assiste aujourd'hui à un détournement massif du droit
d'asile, car l'écrasante majorité des réfugiés sont des réfugiés
économiques
Par exemple, la France représente 1 % de la
population mondiale, 4 % de la production de richesse mondiale, 15 %
des dépenses sociales mondiales. Peu de pays comme la France offrent à ses
habitants les plus pauvres un revenu minimum garanti, l'instruction secondaire
et supérieure gratuite, les colonies de vacances gratuites, les soins médicaux
gratuits, ainsi que la prise en charge d'une partie des frais de logement. En
Chine, pays qui se dit pourtant toujours communiste, tous ces services
sont payants.
Le meilleur moyen de s'installer en Europe pour un immigré
illégal est de se faire passer pour un réfugié politique et d'invoquer
le droit d'asile. Celui-ci a été forgé par les Français de 1789 pour
accueillir les étrangers persécutés dans leurs pays pour avoir défendu les
idéaux de la Révolution française. On assiste aujourd'hui à un détournement
massif du droit d'asile, car l'écrasante majorité des réfugiés sont des
réfugiés économiques. Une fois qu'il a mis le pied sur le sol européen,
le migrant sait qu'il pourra y rester à loisir, car les reconduites
forcées vers l'Afrique sont statistiquement rares.
Il est évident que les pays européens n'ont plus les moyens
économiques, sociaux et politiques d'accueillir toute la misère du monde.
Il est tout aussi évident qu'il n'y a aujourd'hui aucune solution miracle, tant
sont complexes les problèmes humanitaires et juridiques soulevés par les
migrations sauvages. Après l'échec du minisommet préparatoire du 24 juin 2018,
le sommet européen du 28 juin promet d'être tendu.
Peu familiers de l'Afrique, et n'y ayant jamais eu de
colonies, les pays d'Europe de l'Est refusent que l'Allemagne et la
France leur imposent des quotas de migrants. Ils estiment que les
sociétés multiculturelles sont un échec. Ils s'étaient déjà rebellés en 2015,
lorsqu'ils n'avaient accepté du Levant que des réfugiés chrétiens, faisant
observer que le christianisme disparaissait en Orient, alors que l'islam
progressait en Occident.
» LIRE AUSSI - Immigration:
la France rame dans la galère de Bruxelles
L'urgence est désormais d'arrêter l'appel d'air européen
vers les populations africaines.
Cela n'aurait aucun sens, ni juridique, ni politique,
d'infliger une punition aux pays du groupe de Visegrad (Pologne, Tchéquie,
Slovaquie, Hongrie). Quand ils ont rejoint l'Union européenne, ils ne se
sont jamais engagés, ni à obéir à Paris et à Berlin, ni à recevoir chez
eux sans visas des populations africaines ou moyen-orientales.
En revanche, en raison de l'urgence de la question
migratoire, il est tout à fait légitime que la France et l'Allemagne, pays
contributeurs nets, veuillent y concentrer les moyens financiers du
budget européen. Il est clair que financer la construction d'autoroutes en
Pologne ne constitue plus une priorité pour l'Europe. L'urgence est désormais
d'arrêter l'appel d'air européen vers les populations africaines.
Les nouvelles priorités sont limpides: reconstruire un État
en Libye et aider ses forces armées à combattre les trafiquants d'êtres humains
et à sécuriser ses frontières méridionales dans le Fezzan ; déployer, aux
côtés de la marine nationale de Libye, et dans ses eaux territoriales, des
navires de surveillance européens capables de ramener les naufragés ou
les dinghies surchargés d'êtres humains vers leur rivage d'origine. Le littoral
libyen était naguère équipé de radars de surveillance que l'Union européenne
avait financés. Ils furent détruits par des frappes franco-britanniques
durant la guerre de 2011 contre le régime de Kadhafi. La
coopération militaire, policière, humanitaire avec les autres États d'Afrique
du Nord doit évidemment se poursuivre.
En Afrique noire, il faut en même temps accroître l'aide
économique de l'Union européenne et la lier à l'instauration d'un
planning familial, ainsi qu'à un développement de projets agricoles et
énergétiques concrets, capables de nourrir et retenir chez elles les
familles africaines.
L'Italie n'en peut plus, qui a vu plus de
700 000 migrants illégaux débarquer sur ses côtes depuis 2013. Sa
générosité a des limites. Son nouveau ministre de l'Intérieur a
prévenu que l'Europe institutionnelle jouait son existence même sur la question
migratoire. Venant de la part d'un pays fondateur du Marché commun,
c'est un message qu'il faut prendre au sérieux.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
26/06/2018. Accédez
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CHRONIQUE - Les passeurs sont passés maîtres dans l'art
d'exploiter le vieux sentiment de charité chrétienne de cette Europe si riche,
si bien organisée, si sociale.
Le 17 juin 2018, l'Aquarius, un navire européen
affrété par les organisations non gouvernementales (ONG) SOS Méditerranée
et Médecins sans frontières, a
débarqué dans le port espagnol de Valence 630 immigrants
clandestins venus d'Afrique, repêchés
une semaine auparavant au large des côtes de Libye. Deux navires
appartenant à l'État italien (l'un de la marine de guerre, l'autre du corps des
gardes-côtes) y ont le même jour débarqué un nombre moins important de
clandestins.
Auparavant, ces migrants, pour la plupart originaires de
pays lointains d'Afrique noire, comme le Nigeria, la Côte d'Ivoire ou la
Guinée, avaient chacun payé un minimum de 3000 euros par personne à des
réseaux de passeurs, lesquels sont structurés comme des mafias, avec des ramifications
dans tous les pays parcourus par les routes menant vers le prétendu eldorado
européen. Ce sont les mêmes réseaux mafieux qui procèdent indifféremment
au trafic d'armes (destinées aux djihadistes), à l'acheminement de la
drogue vers l'Europe, au trafic des êtres humains.
Ce sont les mêmes réseaux mafieux qui procèdent
indifféremment au trafic d'armes (destinées aux djihadistes),
à l'acheminement de la drogue vers l'Europe, au trafic des êtres humains
Les passeurs ont une méthode éprouvée. Ils entassent les
candidats aux voyages dans des canots pneumatiques de fortune ; ils les
poussent jusqu'aux eaux internationales à 12 nautiques du rivage
libyen ; ensuite ils émettent un SOS ou appellent un centre de secours
italien pour indiquer qu'un naufrage est imminent ; puis ils s'en
retournent dans leurs repaires, abandonnant à leur sort les malheureux
passagers, souvent sans eau douce ni nourriture. Le reste du voyage ne coûte
plus rien aux passeurs, puisqu'il est pris en charge par les navires des
marines ou des ONG européennes. Pourquoi ces derniers ne ramènent pas
simplement les naufragés vers les ports les plus proches du littoral libyen?
Parce qu'ils considèrent qu'il s'agirait d'un refoulement contraire au droit
humanitaire international. Les nouveaux Barbaresques le savent bien, qui sont
passés maîtres dans l'art d'exploiter le vieux sentiment de charité chrétienne
de cette Europe si riche, si bien organisée, si sociale.
Sans le vouloir, les ONG participent, de manière gratuite, à
un immense trafic, qui a dépassé depuis longtemps en chiffre d'affaires le
trafic de stupéfiants. Évoquant les naufragés, une représentante de SOS
Méditerranée a affirmé à Valence que l'Europe avait «quatorze mille morts
sur la conscience». Quelle incroyable calomnie, visant à réveiller la vieille
culpabilité de l'homme blanc! Car en quoi les Européens sont-ils responsables
que de jeunes hommes africains se jettent dans de dangereuses expéditions pour
fuir leurs pays? Cela fait soixante ans, soit deux générations, que les
puissances européennes n'administrent plus l'Afrique, qu'elles en sont parties,
dans la liesse des élites et des foules africaines mues par l'idéal de leur
indépendance, et avec l'approbation des bonnes consciences de gauche de
l'époque. Sont-ce les Européens ou les nouveaux Barbaresques qui ont créé ce
trafic honteux?
Dans les pays de transition comme le Niger, le trafic
attire des jeunes pressés de faire fortune, les éloignant de l'élevage, de
l'agriculture, de l'artisanat
Ce trafic est profondément délétère à la fois pour les États
africains et pour les États européens. Il prive l'Afrique d'une jeunesse
intelligente, entreprenante et débrouillarde. Car 3000 euros y
représentent une somme considérable à rassembler. Dans les pays du continent
noir, c'est un beau capital de départ pour créer une affaire, pour creuser un
puits dans un village, ou pour monter une installation photovoltaïque. Dans les
pays de transition comme le Niger, le trafic attire des jeunes pressés de faire
fortune, les éloignant de l'élevage, de l'agriculture, de l'artisanat. Il n'est
pas sain que les villages africains vivent dans l'attente des mandats
qu'envoient ou qu'enverront les migrants une fois arrivés en Europe, plutôt que
de chercher à se développer par eux-mêmes. La haute représentante de l'Union
européenne, qui recevait le 18 juin à Bruxelles les ministres du
G5 Sahel, l'avait bien compris, en plein accord avec le Nigérien présidant
la jeune organisation: il est vital que les aides européennes aillent dans des
actions qui combattent l'économie de trafic, mais aussi dans des projets
agricoles ou énergétiques capables de fixer les populations sur leurs terres
ancestrales.
L'arrivée incontrôlée et en masse de migrants peu au fait de
la culture européenne déstabilise profondément les États de l'Union, comme on
l'a vu avec le vote référendaire britannique et le vote législatif italien.
Dans les années 1950 et 1960, les peuples européens se sont exprimés par les
urnes pour accepter les indépendances des ex-colonies. En revanche, on ne les a
jamais consultés démocratiquement sur l'immigration, qui est le phénomène
social le plus important qu'ils aient connu depuis la Seconde Guerre mondiale.
Il faut d'urgence arrêter cet appel d'air délétère, sauf à
vouloir appauvrir humainement l'Afrique et détruire cette Europe libérale
patiemment construite depuis les années 1950.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
19/06/2018. Accédez
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Leschi : «La France a protégé plus de réfugiés que l'Italie»
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le directeur général de l'Office
français de l'immigration et de l'intégration (OFII) rappelle que la France est
le deuxième pays d'accueil après l'Allemagne.
LE FIGARO. - D'aucuns critiquent l'attitude égoïste de la
France par rapport au navireAquarius. Quelle est la réalité? La France
reste-t-elle un grand pays d'accueil?
Didier LESCHI. -La France reste un grand pays
d'immigration, l'un des principaux d'Europe, avec 267.000 titres de séjour
délivrés. Par ailleurs, en 2017, l'Ofpra a reconnu le statut de réfugié à
40 000 demandeurs, soit plus que l'Italie, qui l'a octroyé à 35 000.
L'Espagne, pour sa part, cette même année 2017, n'a reconnu le statut de
réfugié qu'à 4 700 personnes. Comme l'a rappelé le ministre des Affaires
étrangères espagnol, Madrid était bien loin d'avoir rempli les quotas annuels
auquel il s'était engagé. L'accueil de l'Aquarius est donc un début
de rattrapage.
Nous avons aujourd'hui en France 11 % de la population
française qui est aujourd'hui immigrée au sens de l'Insee: né étranger à
l'étranger. Nous sommes le deuxième pays après l'Allemagne en termes d'accueil,
on ne peut pas dire que nous soyons un pays égoïste!
«Il n'est pas cohérent qu'une décision négative en
Allemagne aboutisse à un réexamen du dossier en France»
Didier Leschi
D'où proviennent les migrants qui traversent
actuellement la Méditerranée?
À bord de l'Aquarius, il y aurait 30 % de Soudanais. La
pression migratoire qui nous vient de l'Italie et du Maroc provient en grande
partie de la Corne de l'Afrique. Sur les 124.000 personnes disposant de
l'allocation droit d'asile en France, il y a une forte poussée venant de la
Guinée, de la Côte d'Ivoire (+ 68 %), d'Algérie (+ 26 %) et
du Mali (+ 35 %). Les Syriens n'arrivent qu'en quinzième position.
Quant aux Afghans, un sur deux est une personne qui a été déboutée de sa
demande d'asile dans un autre pays européen, en général l'Allemagne, et qui
vient alors en France. Le règlement de Dublin délègue au premier pays qui accueille
le migrant la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile et du suivi de
sa situation même quand il est débouté.
Ce système de Dublin ne pose-t-il pas problème?
Il faut un mécanisme de responsabilisation aux frontières de
l'Europe, sinon les pays limitrophes pourraient se résoudre à n'être que des
zones de transit. Mais il n'est pas cohérent qu'une décision négative en
Allemagne aboutisse à un réexamen du dossier en France. Cela revient à mettre
en doute la capacité de discernement et de décision des autorités allemandes.
«Les migrants choisissent le pays qui leur semble offrir
les meilleures conditions possibles, en fonction des informations dont ils
disposent, qui leur sont malheureusement souvent fournies par les passeurs»
Didier Leschi
Les migrants font-ils du «benchmarking», comme l'a dit le
ministre de l'Intérieur Gérard Collomb?
Il ne faut pas avoir une vision paternaliste, postcoloniale
des migrants. Évidemment qu'ils réfléchissent. Ils n'ont qu'un seul capital à
investir, c'est eux-mêmes, alors ils choisissent le pays qui leur semble offrir
les meilleures conditions possibles, en fonction des informations dont ils
disposent, qui leur sont malheureusement souvent fournies par les passeurs.
C'est pourquoi, d'ailleurs, ils veulent absolument passer en Angleterre à
Calais, parce qu'il n'y a pas d'inspection du travail, parce qu'on y parle
anglais, et qu'il est donc plus facile de trouver un emploi. Il faut regarder
la situation particulière de la France, qui est un débouché pour les migrants
en particulier francophones présents en Italie, qui ne veulent pas y rester.
C'est tout l'enjeu de la relocalisation. La France s'y est prêtée. C'est le
deuxième pays à avoir accueilli des migrants provenant de Grèce.
Quel est le profil social des migrants? Sont-ils plutôt
diplômés et issus des classes moyennes, comme on l'entend parfois?
Le terme de «migrant» est un terme fourre-tout.
L'immigration légale, d'origine familiale, n'est pas l'immigration illégale, en
majorité économique. Ces migrants sont majoritairement des jeunes hommes
cherchant un avenir meilleur en Europe. Ils proviennent de sociétés
déstructurées, sont peu qualifiés, et ont donc un taux d'employabilité très
faible dans nos sociétés tertiarisées. La plupart des personnes qualifiées sont
allées où les débouchés étaient les meilleurs en fonction de leurs
qualifications: Europe du Nord, Allemagne, Autriche. C'est le cas de la classe
moyenne syrienne diplômée. Dans les pays du Maghreb, les jeunes diplômées de la
classe moyenne partent aux États-Unis ou au Canada.
Certains comparent la situation de l'Aquarius à
celle de l'Exodus (navire transportant des rescapés de la Shoah
refoulés de Palestine par les Britanniques en 1947). Ces comparaisons
sont-elles justifiées?
On peut comprendre l'émotion, mais comparaison n'est pas
raison. En 48 heures, un port a été trouvé pour l'Aquarius, alors
que l'Exodus, c'était la planète sans visa. Rappelons que la marine
anglaise a éperonné l'Exodus, qu'il y a eu des morts, alors que là, la
marine italienne escorte l'Aquarius.
Les discours d'accueil créent-ils des «appels d'air», ou
bien la pression migratoire serait constante de toute façon?
Rappelons d'abord que les flux ont diminué dans la
Méditerranée centrale. Je n'aime pas beaucoup l'expression «appel d'air». La
clé se situe dans les pays de départ. Il faut faire en sorte que se développe
un discours de responsabilité. Ces pays ne peuvent plus continuer de laisser
partir leur jeunesse, surtout quand ils ont des capacités de développement,
comme le Maroc, par exemple, d'où viennent pourtant de nombreux mineurs non
accompagnés.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
15/06/2018. Accédez
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«L'Aquarius
est le symbole d'une débâcle européenne»
FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour Arnaud Lachaize, la crise liée à
l'Aquarius révèle la mauvaise gestion par les principaux dirigeants européens
de la crise migratoire. Au point que cette question menace désormais l'unité
européenne.
Arnaud Lachaize est le pseudonyme d'un haut
fonctionnaire.
L'affaire de l'Aquarius est emblématique de l'un des plus
grands désastres européens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis
le début des années 2000, la tension monte sur le sujet de l'immigration
irrégulière. On se souvient du Conseil européen de Séville en juin 2002. Face à
la poussée des flux migratoires illégaux, et au drame médiatisé de la mort
d'une cinquantaine de Chinois étouffés dans un camion, les chefs d'État et de
gouvernement, sous l'impulsion de Tony Blair, ont voulu frapper un grand coup
en sanctionnant les pays sources qui encouragent le départ de leurs
ressortissants. À l'époque, Jacques Chirac et la Suède s'y étaient opposés, en
vertu du devoir d'hospitalité de l'Europe...
Depuis, la situation n'a jamais cessé de s'aggraver. En
2011, le printemps arabe a entraîné une nouvelle vague migratoire sur l'Europe.
La déstabilisation de la Libye, due à une épouvantable guerre civile - et pas
seulement à l'intervention militaire occidentale qui en était la conséquence -
a entraîné l'apparition d'une zone de non-droit sur la côte sud de la
Méditerranée, facilitant les embarquements clandestins.
La déstabilisation du Moyen-Orient par la décomposition de
l'Irak et de la Syrie, et l'émergence du sanguinaire État islamique, ont
provoqué une gigantesque vague d'arrivées d'un million de personnes par les
îles grecques en Allemagne au cours de l'année 2015 qui s'est poursuivie en
2016. Les négociations entre Angela Merkel et le président turc Erdogan ont
permis de juguler le flux en provenance du Moyen-Orient, retenu en Turquie. En parallèle,
les mouvements en provenance d'Afrique saharienne, au départ de la Libye et
transitant par l'île italienne de Lampeduza ont de nouveau explosé, atteignant
des dizaines de milliers de personnes.
L'image des débarquements de migrants en grand nombre,
manipulés par des passeurs criminels, est ressentie comme insoutenable.
Ces phénomènes ont ravivé une violente guerre froide
idéologique à l'intérieur des nations européennes.
Pour une minorité militante, active dans les médias, les
partis politiques, les associations, les administrations et les tribunaux,
cette migration a deux excellentes raisons d'être acceptée, sinon facilitée:
d'une part, elle permet un renouvellement et un rajeunissement de la population
du vieux continent ; d'autre part, l'accueil de personnes victimes de la
pauvreté et de persécutions est un devoir moral.
Mais pour l'immense majorité des opinions européennes, bien
au contraire, l'image des débarquements de migrants en grand nombre, manipulés
par des passeurs criminels qui violent le droit des frontières, est ressentie
comme insoutenable. Or, sauf à abolir ouvertement le principe de la démocratie,
il est impossible de gouverner durablement sans tenir compte de l'avis des
peuples.
C'est ainsi que sous l'impact des phénomènes migatoires
planétaires, dont le vieux continent est devenu la cible centrale, l'Europe est
en train d'exploser à une vitesse vertigineuse. Le Brexit, la fronde des
grandes nations de l'Est (Hongrie, Pologne...), le démantèlement de l'espace de
libre circulation Schengen, l'arrivée d'un gouvernement dit «populiste» en
Italie, sont la conséquence directe de ce désastre. Et encore n'est-ce là qu'un
début. L'affaire de l'Aquarius a engendré une grave crise diplomatique entre
l'Italie, débordée par le nombre des arrivées, et la France déchirée entre ses
bons sentiments humanitaires et la conscience que sa population, globalement,
ne supporte plus l'immigration illégale, l'émergence de bidonvilles et de zones
de non-droit.
Ce désastre n'a qu'une seule cause: l'absence de volonté
politique des gouvernements européens et la défaillance de leurs gouvernements.
L'Allemagne de Merkel, avec la complicité de certains dirigeants de la
Commission européenne, a commis une faute capitale en ouvrant ses portes de
manière erratique en 2015, avant d'exiger autoritairement de ses partenaires
européens qu'ils acceptent des quotas d'accueil de migrants. Cette ingérence
touchant au peuplement des nations a été partout ressentie comme inadmissible.
Elle explique la décomposition de l'Europe, à commencer par le Brexit. En
outre, le choix consistant à débarquer sur le continent européen les naufragés
de la Méditerranée recueillis par Frontex, plutôt que d'assumer la décision
politique de les raccompagner sur leur lieu d'embarquement avant d'examiner,
sur place, leurs demandes d'asile - avec toutes les précautions humanitaires et
médicales - a amplifié l'appel d'air dans des conditions dramatiques.
Plutôt que de se déchirer, les grands États européens
n'avaient qu'un devoir à remplir vis-à-vis de leurs citoyens: d'une part mettre
en place une force d'intervention commune pour frapper militairement les
passeurs esclavagistes qui ensanglantent la Méditerranée, déstabilisent
l'Europe et leur imposer un blocus ; d'autre part s'engager dans la voie d'un
gigantesque plan de développement économique et social de l'Afrique tout en
facilitant la mobilité entre les continents dans des conditions régulières et
en respectant le droit d'asile en faveur des véritables victimes de
persécutions. Aujourd'hui, l'explosion politique de l'Europe et le grand chaos
qui en résulte sont le prix à payer de l'aveuglement, de l'indécision, de la
faiblesse et de la lâcheté sur ce dossier. L'histoire est un éternel
recommencement.
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Un nouvel
«axe alpin» se constitue en Europe contre les migrants
L'Italien Matteo Salvini, l'Autriche de Sebastian Kurz et
Horst Seehofer, ministre allemand de l'Intérieur, forment un nouveau pôle
anti-immigration après celui réunissant la Hongrie, la Pologne, le République
tchèque et la Slovaquie.
De notre correspondant à Bruxelles,
Finalement, Viktor
Orban pourrait avoir gagné. Le maître de Budapest fut le premier à
dresser des barbelés contre l'exode, celui des Syriens en août 2015. Sa
prophétie n'est pas loin de se réaliser quand l'Italie, jusqu'ici ouverte à la
misère du monde, renvoie en pleine mer un
bâtiment chargé de 629 migrants africains. Basculement.
Électrochoc. Malgré le trouble d'Angela Merkel et les blâmes d'Emmanuel Macron,
la question pour l'Europe n'est plus de savoir si elle doit renforcer sa
frontière commune. Mais si elle peut encore éviter le retour
aux barrières nationales. En trois ans, l'exception hongroise s'est
propagée à toute l'Europe centrale. Varsovie, Prague et Bratislava jurent avec
Budapest que la religion musulmane n'est pas soluble dans l'UE. Tous
applaudissent le coup de force italien.
La fronde dessine un périmètre curieusement semblable
à celui de l'empire des Habsbourg. Elle est aussi pétrie de contradictions
À ce quatuor de Visegrad, il faudrait désormais ajouter
un trio d'acteurs qui va de l'extrême droite à la droite dure: l'Italien Matteo
Salvini,
l'Autriche de Sebastian Kurz et Horst Seehofer, monument bavarois et ministre
allemand de l'Intérieur. Ces trois-là forment le nouvel «axe»
anti-immigration que décrit le jeune chancelier autrichien, avant de prendre la
présidence tournante de l'UE le 1er juillet.
La fronde dessine un périmètre curieusement semblable à
celui de l'empire des Habsbourg. Elle est aussi pétrie de contradictions. Même
s'ils partagent la hantise de l'islam, Viktor Orban et ses amis d'Europe
centrale se garderont bien de rejoindre l'axe autrichien. Et inversement. À
l'intérieur de l'axe alpin, la pire chose qui puisse arriver au chancelier Kurz
serait que Matteo Salvini, nouvel homme fort du pouvoir romain, obtienne ce
qu'il demande: le partage avec le reste de l'Europe - Autriche
comprise - de tout ou partie des quelque 500.000 «irréguliers» qui
croupissent en Italie.
Quant au projet prêté à Horst Seehofer d'expulser
d'Allemagne tous les migrants déjà enregistrés ailleurs dans l'UE, il
n'inquiète pas que la Chancellerie à Berlin. Si cette foule doit vraiment
retraverser la montagne, c'est bien évidemment en Autriche puis en Italie
qu'elle aboutira. Là est le problème des slogans «populistes» et autres remèdes
réputés nationaux. Sur le papier, ils sont identiques et se prêtent à de
magnifiques alliances. Dans la réalité, ils sont incompatibles, sauf à fâcher
les voisins et à cadenasser toutes les frontières.
Cynisme contre hypocrisie
Les Italiens, même déçus de l'UE et gouvernés par des
extrémistes, restent assez réalistes pour chercher la solution dans un cadre
européen, plutôt qu'à Vienne ou à Budapest. C'est donc à Paris et à Berlin
que Giuseppe
Conte a pris des rendez-vous, avant son premier sommet à Bruxelles le
28 juin. De leur côté, l'Allemagne et la France surmontent leurs
réticences à accueillir à bras ouverts le rejeton de la Ligue et du Mouvement
5 étoiles. Si l'on suit la fameuse formule de Lyndon B. Johnson,
mieux vaut que l'Italie soit à l'intérieur de la tente pissant à l'extérieur, plutôt
que l'inverse.
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Cynisme contre hypocrisie, Emmanuel Macron et Matteo
Salvini ont vidé mardi leur aigreur à propos de l'Aquarius et
des 629 clandestins repêchés au nord de la Libye. Du côté français comme du
côté allemand, il apparaît que les deux semaines qui mènent au sommet vont
décider si Rome penche vers l'ouest ou vers l'est. Paris admet que l'Union
européenne a un problème quand l'Italie doit accueillir 80 % des migrants
venus de Libye. Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas,
reconnaît qu'il faut se forcer «à voir la réalité à travers d'autres regards
européens».
L'ouverture de « centres de tri » hors de l'UE
(peut-être en Albanie), permettrait d'évacuer le problème italien
L'Élysée a confirmé jeudi des pistes déjà explorées pour
rendre la réalité plus supportable à des Italiens confrontés, chez eux, à des
centaines de points de fixation comparables à l'ex-ghetto de migrants à Calais.
Il sera donc question d'aides financières démultipliées par l'UE et de
mobilisation du contingent de gardes-frontières européens.
Au-delà de ces palliatifs communautaires, la France et
ses voisins doivent se préparer à deux exutoires plus vigoureux s'il faut
vraiment soulager l'Italie, prévient Pierre Vimont, ex-pilier du Quai d'Orsay
et conseiller de l'UE durant la crise de 2015-2016. D'abord l'accueil direct
des rescapés de la Méditerranée sur leur territoire, sujet jusqu'ici tabou que
l'Espagne a commencé de rompre en acceptant les passagers de l'Aquarius. À
charge pour ces capitales de traiter les demandes d'asile et de renvoyer les
déboutés au sud du Sahara. Ensuite, l'ouverture de «centres de tri» hors de
l'UE (peut-être en Albanie), ce qui permettrait d'évacuer le problème italien.
C'est un projet imaginé par David Cameron que ressuscitent aujourd'hui Vienne
et Copenhague. Mais attention, prévient l'ambassadeur Vimont, «il ne s'agit pas
de s'en laver les mains. Si la question africaine n'est pas réglée dans la
durée, les migrants reviendront inévitablement frapper à notre porte».
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Crise
migratoire : un axe Munich-Vienne-Rome contre Angela Merkel
Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, souhaite
développer «un axe des volontés dans la lutte contre l'immigration illégale»,
que le ministre de l'Intérieur allemand est prêt à rejoindre.
Correspondant à Berlin
Horst Seehofer n'est pas venu. Le ministre de l'Intérieur
allemand a boudé le dixième «sommet sur l'intégration» organisé mercredi par
Angela Merkel à la Chancellerie. Officiellement, le leader de la CSU bavaroise
a assuré protester contre la présence d'une participante, la journaliste Ferda
Ataman, qui aurait critiqué sa vision de la «patrie». Plus sûrement, il a
affiché son désaccord de fond avec Angela Merkel sur la politique migratoire.
Il a préféré montrer sa proximité avec le chancelier autrichien Sebastian Kurz,
partisan d'un front Munich-Vienne-Rome contre la politique d'accueil des
réfugiés.
«Je suis heureux de la bonne coopération que nous voulons
bâtir entre Rome, Vienne et Berlin», a déclaré, mercredi, le jeune chancelier à
l'issue d'un rendez-vous avec Horst Seehofer. «À notre avis, il faut un axe des
volontés dans la lutte contre l'immigration illégale», a-t-il poursuivi en
conseillant de «ne pas attendre la catastrophe, comme en 2015, pour réagir».
Fracture européenne
Sebastian Kurz a été élu fin décembre à la tête d'une
coalition avec l'extrême droite sur un programme de rupture avec
la politique d'ouverture incarnée par la chancelière il y a trois ans. Horst
Seehofer est prêt à rejoindre cet axe anti-Merkel. Le ministre de l'Intérieur
allemand s'est d'ailleurs entretenu cette semaine au téléphone avec son homologue
italien, le leader de Ligue du Nord, Matteo Salvini, qu'il a invité à Berlin.
Les deux hommes partagent les mêmes points de vue, a assuré le ministère de
l'Intérieur allemand. Matteo Salvini veut fermer la porte de l'Europe aux
migrants.
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La fracture européenne sur la question migratoire traverse
le gouvernement allemand. Angela Merkel et Horst Seehofer ont engagé un bras de
fer qui menace même la coalition CDU/CSU-SPD. Face à l'opposition de la
chancelière, le ministre a dû annuler la conférence de presse qu'il avait prévu
mardi pour présenter son «plan» contre l'immigration. La chef du gouvernement
allemand en conteste l'une des mesures principales.
Le ministre de l'Intérieur voudrait notamment rendre
possibles des reconduites à la frontière des réfugiés qui n'ont aucune chance
d'obtenir l'asile en Allemagne parce qu'ils auraient déjà été enregistrés dans
un autre État membre. Soutenu par le camp conservateur au Bundestag, Horst
Seehofer refuse d'amender ses positions. Il craint la concurrence de l'AfD lors
des élections régionales d'octobre en Bavière. Mais il a promis qu'une solution
serait trouvée cette semaine avec Angela Merkel, qu'il devait rencontrer
mercredi soir.
«L'Europe est dans une situation fragile et il est
important que l'Allemagne n'agisse pas unilatéralement»
Angela Merkel
La nouvelle crise migratoire s'est imposée au menu des
discussions européennes. L'Autriche s'apprête à prendre au 1er juillet la
présidence de l'Union et Sebastian Kurz est décidé à durcir la politique
migratoire. Il voudrait par exemple créer des centres pour réfugiés à
l'extérieur de l'Europe. Mercredi, il ne s'est toutefois pas aventuré à
commenter la proposition de Horst Seehofer sur les reconduites à la frontière
qui toucherait, de fait, son pays. «L'essentiel, a-t-il dit, est de rendre
moins attractif» pour les migrants de traverser l'Europe pour se rendre en
Allemagne ou en Autriche.
Face aux populistes et à son ministre CSU, Angela Merkel
plaide pour une solution européenne «durable». «L'Europe est dans une situation
fragile et il est important que l'Allemagne n'agisse pas unilatéralement»,
a-t-elle expliqué mercredi soir sans citer explicitement les plans de Seehofer.
Dans l'entourage de la chancelière, on craint que des mesures nationales
n'entraînent des effets dominos néfastes. La chancelière souhaiterait une
répartition par quota des demandeurs d'asile au sein de l'Union. Comme les
autres leaders européens, elle insiste aussi pour un renforcement des
frontières extérieures de l'UE.
Même si elle a progressivement durci la politique d'asile de
l'Allemagne depuis 2015, Angela Merkel continue d'incarner aussi une volonté
d'intégration dans le pays. Mercredi, elle a notamment visité un projet
d'intégration par le sport pour jeunes filles d'origine étrangère. «Je pense
qu'il est bon que tout le monde puisse y participer, et pas seulement celles
qui sont bonnes, et que tout le monde ait une chance ici», s'est-elle réjouie.
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Ça vient de sortir: l’accueil obligatoire des
« errants » - Le droit moral supranational contre l'Etat de
droit Par Jacques
Billard - 27 août 2018
"Marche solidaire pour les migrants", Paris, juin
2018. SIPA. 00864117_000051
Pour saper les fondements de l’ennemi, comprenez l’Etat
et les démocraties libérales, un nouveau genre de marxistes tente d’imposer un
droit supranational. Dernière saillie en date: celle d’Etienne Balibar,
dans Le Monde, qui veut instaurer un « droit
international de l’hospitalité ».
Après avoir longtemps enseigné que le droit n’était qu’une
superstructure au service de la classe dominante pour soumettre les classes
exploitées, voilà maintenant que la gauche marxiste ou post-marxiste retourne
sa veste et utilise le droit comme arme principale pour contraindre l’adversaire,
adversaire qui n’est plus la bourgeoisie, mais l’État.
La nouvelle stratégie consiste donc à réclamer une loi afin
qu’en la respectant, l’État devienne l’instrument de sa propre destruction. La
France est déjà l’un des pays qui produit le plus de lois, notamment morales,
quoiqu’elle soit également le pays où les lois sont le moins respectées.
Exemple de loi morale récente (2016) : il faut protéger les prostituées,
on n’interdit pas la prostitution. Mais il faut y mettre fin : on interdit
l’achat « des services sexuels ». Le résultat, qui était prévisible,
est désastreux, comme toujours lorsqu’il s’agit de lois morales. Le Parlement
qui vote ces lois sait très bien que beaucoup d’entre elles sont nuisibles,
mais il faut les voter pour satisfaire une opinion publique travaillée par les
médias.
Protéger les « passeurs d’humanité »
On peut voir un bon exemple de ce mécanisme de préparation
de l’opinion publique dans une intervention récente du philosophe Étienne
Balibar publiée par Le Monde. Il y réclame, au bénéfice
des migrants, renommés « errants », une
réglementation internationale calquée sur la Déclaration universelle des droits
de l’homme de 1948, « obligeant les États » – entendez
ceux de l’Union européenne et surtout la France. Obligeant à quoi ? À
accueillir les « errants » ? Oui, mais… non. Pas à
accueillir, mais à respecter les droits des « errants » à
n’être pas refoulés. Saluons ici l’artiste dans sa maîtrise rhétorique et l’on
comprend qu’à ce niveau de compétence les universités américaines l’aient déjà
coopté !
Ce n’est pas tout. Accueillir les « errants »,
mais aussi protéger ceux qui les aident et qu’on appelle maintenant les « passeurs
d’humanité ». Grandiloquence ! On se demande bien de qui il
peut s’agir, surtout dans un discours prononcé dans la vallée de la Roya. Cédric Herrou ?
A lire aussi: Éloge de la frontière
Ce n’est toujours pas tout, car le droit d’émigrer ne doit
pas s’opposer à un autre droit tout aussi essentiel, celui du « droit
au retour ». Car la défense des « errants » ne
doit pas faire passer au second plan la défense des Palestiniens de Gaza, qui
doivent pouvoir rentrer chez eux, en Israël.
Tour de passe-passe
Et puis il faut veiller à rester subtil, faute de quoi on
risque de se faire démasquer. D’où la dose d’amphigouri : il s’agit d’un
droit « de » l’hospitalité et non d’un droit « à »
l’hospitalité, de sorte que l’obligation d’accueillir soit une conséquence de
principes humanitaires universellement reconnus, du moins chez nous. On ne
demande donc pas directement d’accueillir, ce qui serait rejeté par les
populations, mais d’adopter un droit dont les conséquences seraient l’accueil.
Puisque vous êtes d’accord pour A et que A entraîne B, alors vous êtes d’accord
pour B. Voilà une bonne stratégie, toute syllogistique, pour détruire les
démocraties libérales en retournant contre elles les principes sur lesquels
elles sont construites.
Nos marxistes continuent donc leur combat non plus par la
lutte des classes devenue impossible, mais en utilisant les points faibles de
l’État de droit : l’autorité de la loi et le respect des droits de
l’homme. Le monde islamiste l’avait déjà bien compris qui exige des démocraties
libérales ce qu’elles doivent donner en vertu de ses lois, mais que lui-même
doit refuser en vertu des siennes. D’où l’islamo-gauchisme où islamistes et
marxistes se retrouvent dans un adversaire commun alors qu’ils sont,
idéologiquement, à l’opposé l’un de l’autre.
Droit moral, mode d’emploi
Mais revenons au texte du Monde, exemplaire dans
sa manœuvre, par le moyen utilisé. Ce moyen, c’est le droit fondé sur le
sentiment moral. Suivons l’argumentation.
- Éveil
du sentiment moral par la mise en avant de la souffrance individuelle.
Voilà qui appelle une loi. C’est ainsi que la morale se substitue à la
politique. Car qui peut accepter la souffrance ? Qui peut refuser de
venir la soulager ?
- Un
tour de passe-passe concernant l’État. On en fait une entité indépendante,
sans lien avec le suffrage universel. Or, justement, ce ne sont pas les
États qui renâclent à propos de l’immigration, mais les peuples ! Les
États, eux, seraient plutôt favorables à une immigration massive, à la
fois pour la maîtrise des salaires et pour apporter une solution aux
questions démographiques. Les peuples sont en revanche plutôt réticents à
une telle immigration, surtout lorsqu’elle est massivement islamique,
apportant d’autres us et coutumes. Mais de cela, pas un mot.
- Pas
un mot non plus sur le phénomène lui-même de la migration, ici renommé,
subtilement, « errance ». Il y a dans l’humanité,
nous explique-t-on, une partie errante. Pourtant, il est facile de se
rendre compte que ces personnes n’errent pas du tout. Elles savent d’où
elles viennent et où elles veulent aller, jusqu’à refuser d’être
débarquées dans un pays qui n’est pas celui qu’elles souhaitent. Et elles
ne sont pas des apatrides (problème qu’il fallait résoudre par la
Déclaration de 1948).
- Pas
un mot non plus sur les États d’origine, lesquels, généralement, refusent
de reprendre leurs propres nationaux. Ni non plus sur les guerres qui
sévissent dans ces pays. Il nous est simplement commandé de faire les
frais des Seigneurs de guerre, massacreurs de populations des pays africains
ou du Proche Orient. Ni non plus sur les dommages que cette migration
cause à certains pays d’émigration. Ni non plus sur les stratégies
migratoires ou fantasmes de conquête par le déferlement migratoire qu’il
est pourtant facile de percevoir derrière tous ces mouvements.
- Dernière
étape : la culpabilisation des populations des pays d’accueil,
auxquelles on va reprocher de ne pas respecter la dignité et la sécurité
des « errants »: l’article parle d’ « un
droit de l’hospitalité, dont le principe est que les errants (et ceux qui
leur portent secours) peuvent obliger l’État ‘souverain’ lui-même, de
façon que leur dignité et leur sécurité ne soient pas, comme aujourd’hui,
systématiquement foulées aux pieds. »
Je dis ça, je dis rien
On croyait qu’en Europe, tout au moins, cette question ne se
posait pas. Dans nos pays, qui sont des États de droit, les migrants sont
traités conformément aux lois républicaines et démocratiques. Ils sont défendus
par des associations qui ne sont nullement interdites et sont correctement
entendus par des juges qui peuvent contraindre l’administration, ce dont, par
ailleurs, ils ne se privent pas. En fait, la manœuvre consiste à laisser
entendre que la souffrance des migrants est moins le fait des pays traversés,
comme la Libye, mais bien de la France ou de l’Italie qui ne font rien pour les
en sortir. Nous sommes ainsi coupables des exactions libyennes, aussi est-ce à
nous de réparer ces souffrances.
On notera au passage que le mot souverain est
entre guillemets, pour laisser entendre que les États sont abusivement
souverains. Mais sans vraiment le dire, car c’est une telle contre-vérité qu’il
serait alors facile de le voir. Les États sont évidemment souverains, d’une
souveraineté qui, chez nous, leur a été déléguée par un vote constitutionnel
des peuples. Mais si on le disait, on verrait aussitôt qu’aucune loi
supranationale n’a de valeur supérieure à la décision nationale et la manœuvre
tournerait court. Or la loi supranationale vise à empêcher l’expression
démocratique pour imposer aux peuples des mesures dont ils ne veulent pas. Elle
ne sert qu’à cela.
Les experts présidents
Laissons là cette intervention bien relayée par le
journal Le Monde pour remarquer que le droit évolue
spontanément vers une forme de pouvoir confiée à des experts. Toujours. Le
professeur Balibar, premier de la classe, reçu premier à l’agrégation, ne
manque pas de saluer au passage un autre expert, Jacques Rancière, reçu second
à cette même agrégation. À eux deux, à eux tous, on n’a plus besoin du suffrage
universel. Les experts sont là, et veillent à tout pour nous. Voici le Conseil
constitutionnel qui tente de donner un sens normatif à la
« fraternité ». Voici le Comité des droits de l’homme de l’ONU qui reproche à la France ses décisions dans l’affaire
Baby Loup.
Le droit supranational ? C’est la fin de la démocratie
puisque les lois les plus importantes n’émanent plus du peuple, mais des
experts. C’est aussi la fin de la République, car rien n’est plus dangereux
pour les libertés que ces lois morales.
Mais lorsqu’on n’est plus en république (État de droit) à
fondement démocratique (suffrage universel), on est en… théocratie – car
c’est l’une ou l’autre – et ces experts ne sont guère plus que les grands
prêtres inspirés.
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