mardi 4 septembre 2018

L'immigration de masse en Europe (2018)


Libye : Salvini se pose en sauveur et accuse la France
Publié le 04/09/2018 à 16h45
Le ministre italien de l'Intérieur s'en est pris vivement mardi matin à Paris accusé de «mettre en péril la stabilité de l'Afrique du Nord», après l'intervention militaire en Libye en 2011. Il se dit prêt à se rendre «bientôt» à Tripoli, en proie à des combats depuis 8 jours.

















































Matteo Salvini, le ministre italien de l'Intérieur, aime les choses simples. Un problème a un coupable et une solution. Alors qu'en Libye, Tripoli est depuis huit jours en proie à de féroces combats, le vice-président du Conseil se pose en sauveur et renouvelle ses critiques contre la France. Salvini s'est dit prêt, mardi matin, à y retourner «bientôt». «Je suis personnellement disponible pour courir quelques risques», a-t-il ajouté.
Pour le chef de l'extrême droite italienne et homme fort du gouvernement, cet engagement est une évidence car, écrit-il sur Twitter, «l'Italie doit rester protagoniste du processus de stabilisation en Méditerranée». Dans la foulée, et sans le citer, le ministre a désigné le coupable. Il a partagé une vidéo de ces déclarations, lundi, à des journalistes: «Évidemment il y a quelqu'un derrière (les combats actuels). Cela n'arrive pas par hasard. Ma crainte, c'est que quelqu'un, pour des motifs économiques nationaux, mette en péril la stabilité de toute l'Afrique du Nord et par conséquent de l'Europe.» L'allusion à la France est transparente. «Je pense à quelqu'un qui est allé faire la guerre alors qu'il ne devait pas le faire. À quelqu'un qui fixe des dates pour les élections sans prévenir les alliés, l'ONU et les Libyens».
Pour le ministre italien, le chaos libyen est grandement responsable des migrations de masses au travers de la Méditerranée, et donc de la France. Dans cette même vidéo, interrogé pour savoir si les ports libyens sont assez sûrs pour accueillir des migrants refoulés d'Italie, il répond seulement: «Demandez à Paris.»
«Quelqu'un, en 2011, a privilégié ses intérêts»
Les attaques de l'extrême droite italienne contre Paris sont récurrentes. Peu auparavant, lundi, la ministre de la Défense, Elisabetta Trenta, avait elle aussi évoqué «une responsabilité» française, en raison de son rôle majeur dans l'intervention militaire internationale contre le régime du colonel Kadhafi en 2011. «Il est indéniable qu'aujourd'hui ce pays se retrouve dans cette situation parce que quelqu'un, en 2011, a privilégié ses intérêts», a-t-elle écrit.
Le gouvernement italien exclut toutefois toute intervention des forces spéciales à Tripoli. Rome dispose en Libye d'un contingent de 300 hommes, chargés de protéger un hôpital de Misrata et l'ambassade à Tripoli, ainsi que d'apporter un soutien logistique aux garde-côtes libyens. Officiellement, la ligne diplomatique italienne sur le conflit n'a pas changé. Lundi, le ministre des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, tout en condamnant les violences, a réaffirmé «le plein soutien italien aux institutions libyennes légitimes et au Plan d'action des Nations unies».
La rédaction vous conseille :




































































Mathieu Bock-Côté : «Oui, les européennes seront un référendum sur l'immigration»
Mis à jour le 04/09/2018 à 18h54 | Publié le 04/09/2018 à 18h45
CHRONIQUE - Pour le sociologue québécois, l'enjeu majeur pour la droite française est de traduire politiquement l'instinct de conservation du peuple.
La formule s'impose de plus en plus: les élections européennes de juin 2019 prendront la forme d'un «référendum sur l'immigration» qui pourrait accélérer la recomposition de l'espace politique européen. C'est ce que semblent souhaiter, chacun à sa manière, Emmanuel Macron, en croisade contre la «lèpre populiste» et désireux de mater les nations dissidentes d'Europe de l'Est et Matteo Salvini, qui entend reconstituer la frontière européenne et en finir avec l'immigration massive. Les deux se méprisent ouvertement et rêvent manifestement de s'affronter. Depuis quelques décennies, la politique européenne contenait la délibération politique à l'intérieur du consensus progressiste. Cette fois, deux imaginaires distincts s'affronteront. La politique se délivre du corset gestionnaire et redevient passionnelle.
Si certains médias s'entêtent à faire passer Salvini pour un infréquentable absolu, il faut surtout convenir que le leader italien est parvenu à faire passer la droite populiste de la fonction tribunicienne à la fonction gouvernementale, et cela, au cœur d'un des grands pays de l'UE. Plus encore, elle parvient à faire alliance avec la droite conservatrice, comme en témoigne son pacte avec la Hongrie de Viktor Orban. Il se pourrait bien, après un certain temps, que ces deux familles politiques, n'en fassent plus qu'une, dans la mesure où le populisme européen est souvent un conservatisme qui a trop longtemps baigné dans une culture d'opposition. Les deux forces, malgré des sensibilités distinctes, s'accordent généralement autour d'un programme commun: défense de la souveraineté nationale et populaire, critique de l'immigration massive et du gouvernement des juges, célébration des racines chrétiennes de l'Europe.
La renaissance conservatrice qui partout se laisse deviner trouvera-t-elle en 2019 une traduction politique ?
Nul besoin d'apprécier les leaders hongrois et italien, dont les excès sont indéniables et plus que regrettables, pour constater qu'ils concrétisent une vieille idée que l'on ne parvenait plus à prendre au sérieux: celle d'une autre politique, rompant avec le dogme immigrationniste et plus largement, avec la mystique droit-de-l'hommiste qui l'enrobe. La renaissance conservatrice qui partout se laisse deviner trouvera-t-elle en 2019 une traduction politique? Certains diront que la recomposition politique est une vieille lune. Le système électoral européen a souvent favorisé la poussée de forces protestataires, mais souvent, elles refluaient lorsque le scrutin redevenait national, comme si les élections européennes avaient pour vocation de susciter des jacqueries électorales pour mieux les neutraliser à une échelle où elles ne portent pas vraiment à conséquence.
Mais c'est une nouvelle époque qui se dessine, avec ses enjeux spécifiques, qui désarçonnent les partis traditionnels. Il est de plus en plus difficile de faire croire que l'âge diversitaire est paisible. L'image d'une immigration massive mais bienfaitrice ne tient plus, quand on pense non seulement à l'insécurité qui s'est installée partout sur le Vieux Continent, mais à des images comme celles de la pénétration agressive de colonnes de migrants, comme on l'a vu à Ceuta. On ne pourra pas toujours faire croire que le viol des frontières est sans conséquence. De même, l'aventure estivale de l'Aquariusa illustré de manière pathétique l'impuissance de l'Europe et sa soumission au chantage humanitaire. À travers cela, d'une vague à l'autre, qu'elle soit «légale» ou «illégale», l'immigration de masse transforme démographiquement la civilisation européenne et pose ouvertement la question de sa survie.
De grandes catégories sociales hantées par l'insécurité culturelle semblent au seuil de l'insurrection civique. La décomposition anthropologique de sociétés hantées par des tensions identitaires de plus en plus vives bouleverse la dynamique politique. C'est un instinct de conservation qui se réanime et le politiquement correct parvient de moins en moins bien à l'inhiber en l'assimilant au repli sur soi ou au racisme, ou pire encore, en mobilisant contre lui la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, en laissant croire que les démons sortis des entrailles de l'Europe au siècle dernier seraient de retour et pousseraient les peuples vers la pente fatale de la régression ethnique. Plus encore, cette instrumentalisation malsaine du souvenir des horreurs du dernier siècle rend inintelligible une situation historique inédite, dans laquelle la pensée politique ne devrait pas voir l'éternel retour du même.
Une politique de civilisation
Si la formule n'était pas usée, on pourrait dire du conservatisme qu'il est appelé à mener une politique de civilisation, ce qui implique de définir l'Europe non pas comme un ensemble désincarné, technocratique et flou, mais comme une réalité historique vivante. Théoriquement, ce devrait être la vocation de la droite, dans chaque pays, de porter ce projet. Cela implique de tenir compte de la culture politique de chacun. La France n'est pas l'Italie, non plus que l'Autriche. Son histoire est trop singulière pour qu'elle s'imagine transposer chez elle une expérience étrangère.
La droite française doit trouver son propre chemin. Elle a moins avantage à multiplier les combinaisons compliquées pour tenir ensemble toutes ses composantes artificiellement rassemblées depuis trop longtemps qu'à définir une ligne claire explicitant son rapport à la nation, à l'Europe et à l'époque. Trop longtemps, la droite française s'est contentée d'évoluer dans les paramètres de respectabilité fixée par ses adversaires en donnant des gages idéologiques, dans l'espoir de se faire décerner un certificat d'humanisme médiatique récompensant sa docilité. 2019, pourrait ainsi représenter une élection de rupture pour la droite, si elle y voit l'occasion de s'inscrire pleinement dans le nouveau contexte européen.
On devine spontanément le principe fondateur d'une doctrine renouvelée: un pays n'est pas un no man's land désincarné. Il faut que la France reste la France. Un certain souverainisme retrouverait ainsi sa pertinence en reconstituant un pouvoir politique sans lequel rien n'est possible. C'est par exemple au nom de la civilisation européenne et du droit de ses nations à persévérer dans leur être que la droite serait en droit de contester la tutelle idéologique de la Cour européenne des droits de l'homme, devenue le symbole du gouvernement des juges à l'échelle de l'UE. Plus largement, la droite conservatrice devra se réapproprier le principe de la souveraineté populaire, qui n'a rien d'une fantaisie illibérale. C'est la question du régime qui remonte aujourd'hui à la surface.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 05/09/2018.
La rédaction vous conseille :


Renaud Girard : «L'immigration de masse est un scénario perdant-perdant»
Par Jean-Loup Bonnamy et Renaud GirardPublié le 31/08/2018 à 18h41
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Alors que la question de la crise migratoire occupe l'espace médiatique et le débat public, Renaud Girard analyse les conséquences de l'immigration massive sur les pays d'Europe comme ceux d'Afrique.

Renaud Girard est correspondant de guerre et chroniqueur international du Figaro.

FIGAROVOX.- Aujourd'hui, le continent africain connaît une explosion démographique et l'Europe vieillit. Pourquoi ne pas tout simplement accepter l'immigration?
Renaud GIRARD.- Il est évident que les pays européens n'ont plus les moyens économiques, sociaux et politiques d'accueillir toute la misère du monde.
Prenons le cas de la France. Si nous regardons la question de l'emploi, nous voyons que, toutes catégories confondues, le nombre d'inscrits à Pôle Emploi s'élève à 6 255 800 personnes. Une économie en sous-emploi n'est pas en mesure d'absorber des millions de migrants. N'oublions pas que les vagues d'immigration des années 50-60 arrivaient dans une France en plein boom économique et où le chômage n'existait pas. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
L'immigration de masse sape la cohérence, l'unité et la solidarité des sociétés occidentales. Au lieu d'une société unie, l'immigration fragmente le corps social.
Mais surtout, l'immigration de masse pose un problème identitaire et culturel. L'Homme n'est pas qu'un homo economicus désincarné, sans histoire ni racines ; il est avant tout un être de culture. La culture européenne -fille de l'Antiquité, du judéo-christianisme et des Lumières- risque d'être submergée par des populations dont le mode de vie est incompatible avec le mode de vie européen et dont la présence massive sur notre sol ne peut aboutir qu'à des tensions. L'immigration de masse sape la cohérence, l'unité et la solidarité des sociétés occidentales. Au lieu d'une société unie, l'immigration fragmente le corps social en une multitude de communautés indifférentes, voire hostiles, les unes aux autres. Certains membres des minorités (pas tous heureusement!) refusent de s'intégrer et basculent dans la délinquance, leur haine de notre pays pouvant aller jusqu'au terrorisme.
Cette crise migratoire peut-elle avoir de graves conséquences politiques?
Cette crise identitaire risque bien de se transformer en crise politique.
D'une part, on constate partout en Europe l'inquiètante progression des mouvements extrêmistes - en Allemagne, en France, en Italie, en Grèce…. Ce phénomène politique est une conséquence directe de l'immigration. Dans les années 70, le Front National était un obscur groupuscule de nostalgiques de l'Algérie française. Sa percée électorale à partir du début des années 80 s'explique par l'immigration massive et les craintes qu'elle suscite. Il y a quelque chose de paradoxal chez les bonnes âmes bien pensantes qui à la fois fustigent les partis extrêmistes et soutiennent l'immigration. Cela est incohérent. En effet, c'est l'immigration qui nourrit les partis extrêmistes et risque un jour de les amener au pouvoir.
D'autre part, la crise migratoire risque de détruire l'Union européenne. 73 % des Européens considèrent que l'UE ne les protège pas. Partout, l'immigration favorise la montée des populismes. Au Royaume-Uni, le vote en faveur du Brexit s'explique en grande partie par le rejet de l'immigration. Les pays d'Europe centrale refusent tout diktat de Berlin leur enjoignant d'accepter des migrants sur son sol. L'Italie n'en peut plus, qui a vu plus de 70 000 migrants illégaux débarquer sur ses côtes depuis 2013.
Pour l'immigration illégale, terrorisons les passeurs en démantelant leurs réseaux, en menant des actions de guerre contre eux et en leur infligeant des peines drastiques lorsque nous les capturons.
Sa générosité a des limites. Son nouveau ministre de l'Intérieur a prévenu que l'Europe institutionnelle jouait son existence même sur la question migratoire. Venant de la part d'un pays fondateur du Marché commun, c'est un message qu'il faut prendre au sérieux.
Mais alors comment s'y prendre concrètement pour régler le problème migratoire?
Nous devons réduire massivement l'immigration.
Pour atteindre cet objectif, nous devons reprendre le contrôle de nos frontières, suspendre le regroupement familial, lutter drastiquement contre l'immigration clandestine, rétablir la double peine. Toute personne étrangère qui commet un acte de violence ou connaît un début de criminalisation doit être aussitôt expulsée.
Pour l'immigration illégale, terrorisons les passeurs en démantelant leurs réseaux, en menant des actions de guerre contre eux et en leur infligeant des peines drastiques lorsque nous les capturons. Montrons bien aux migrants que leur démarche est vaine en leur refusant systématiquement tout titre de séjour et toute aide sociale. Cela nous permettra d'arrêter l'appel d'air européen. Et faisons le savoir dans leurs pays pour décourager les tentatives.
À cela doit s'ajouter, dans la plus pure tradition gaulliste, une politique humaniste, solidaire et active de codéveloppement avec les pays pauvres afin de leur permettre un développement économique, respectueux de l'environnement, créateur d'emplois et réducteur d'inégalités, de façon à réduire la tentation du départ.
Sans la catastrophique Guerre en Irak en 2003, il n'y aurait pas eu Daech ni les hordes de migrants syriens et irakiens de l'été 2015.
Nous devons aussi cesser les aventures néocoloniales dans les pays du Moyen-Orient. Sans la catastrophique Guerre en Irak en 2003, il n'y aurait pas eu Daech ni les hordes de migrants syriens et irakiens de l'été 2015. En Libye, Kadhafi n'était peut-être pas très sympathique, mais il nous rendait service en servant de verrou face à l'immigration.
De manière plus précise, quelles sont les priorités pour faire face à l'afflux de migrants africains traversant la Méditerranée depuis les côtes libyennes?
Les nouvelles priorités sont limpides: reconstruire un État en Libye et aider ses forces armées à combattre les trafiquants d'êtres humains et à sécuriser ses frontières méridionales dans le Fezzan ; déployer, aux côtés de la marine nationale de Libye, et dans ses eaux territoriales, des navires de surveillance européens capables de ramener les naufragés ou les dinghies surchargés d'êtres humains vers leur rivage d'origine. Le littoral libyen était naguère équipé de radars de surveillance que l'Union européenne avait financés. Ils furent détruits par des frappes franco-britanniques durant la guerre de 2011 contre le régime de Kadhafi. La coopération militaire, policière, humanitaire, avec les autres États d'Afrique du nord doit évidemment se poursuivre.
En Afrique noire, il faut en même temps accroître l'aide économique de l'Union européenne et la soumettre à condition. Tout d'abord, il faut être sûr que cette aide bénéficie bien aux populations et ne soit pas détournée par des administrations ou des gouvernements corrompus. Ensuite, il faut lier cette aide, c'est-à-dire la conditionner, à la mise en place d'un planning familial efficace. Soixante ans de coopération technique européenne avec l'Afrique n'ont pas réussi à y greffer le concept pourtant élémentaire de planning familial.
L'Afrique y perd, car elle se vide de sa sève. L'émigration prive l'Afrique d'une jeunesse intelligente, entreprenante et débrouillarde.
«Si nous ne réduisons pas la taille de nos familles, notre pays continuera à souffrir de la pauvreté parce que les ressources disponibles ne pourront plus couvrir nos besoins», a reconnu Jonathan Goodluck, ancien président (2010-2015) du Nigeria. C'est de ce pays aux richesses naturelles fabuleuses, mais mal gérées et mal partagées depuis l'indépendance en 1960, que proviennent aujourd'hui le plus grand nombre de ces jeunes immigrants illégaux qui essaient par tous les moyens d'atteindre les rivages du nord de la Méditerranée. Le Nigeria comptait 34 millions d'habitants en 1960. Il en compte aujourd'hui presque 200 millions. Enfin, il faut orienter cette aide vers un développement de projets agricoles et énergétiques concrets, capables de nourrir et retenir chez elles les familles africaines. Le but de cette aide n'est pas d'industrialiser l'Afrique (ce qui ne ferait qu'augmenter les déséquilibres et donc accroître l'immigration) mais de développer des projets locaux, respectueux des sociétés traditionnelles (microcrédit, circuits courts, agriculture vivrière, biologique et équitable…).
Vous dites que l'immigration de masse est un «scénario perdant-perdant». Pouvez-nous nous expliquer ce concept?
C'est un jeu auquel tout le monde perd. Le trafic d'êtres humains sur lequel repose aujourd'hui l'immigration africaine est profondément délétère à la fois pour les États africains et pour les États européens.
Comme je l'ai dit, l'Europe y perd sur les plans économique, culturel, sécuritaire et identitaire.
L'Afrique y perd, car elle se vide de sa sève. L'émigration prive l'Afrique d'une jeunesse intelligente, entreprenante et débrouillarde. Car les 3000 euros qu'il faut payer pour le trajet y représentent une somme considérable à rassembler. Dans les pays du Continent noir, c'est un beau capital de départ pour créer une affaire, pour creuser un puits dans un village, ou pour monter une installation photovoltaïque. Bien souvent, les migrants ne sont pas les plus pauvres mais des membres de la petite classe moyenne. Dans les pays de transition comme le Niger, le trafic attire des jeunes pressés de faire fortune, les éloignant de l'élevage, de l'agriculture, de l'artisanat. Il n'est pas sain que les villages africains vivent dans l'attente des mandats qu'envoient ou qu'enverront les migrants une fois arrivés en Europe, plutôt que de chercher à se développer par eux-mêmes. Il est vital que les aides financières de l'Union européenne pour le Sahel et l'Afrique centrale aillent dans des actions qui combattent l'économie de trafic, mais aussi dans des projets agricoles ou énergétiques capables de fixer les populations sur leurs terres ancestrales.
Enfin, les migrants eux-mêmes sont perdants. Ils déboursent de l'argent pour voir leurs rêves déçus. Ils attendaient le Paradis et se retrouvent perdus dans des pays où leur situation est très difficile.
Les seuls gagnants, ce sont les passeurs.
Justement, parmi les acteurs centraux de cette immigration illégale, il y a les passeurs...
Les passeurs sont des bandes mafieuses sans scrupule, qui promettent monts et merveilles aux migrants avant de se livrer aux pires exactions sur eux.
Les passeurs sont des bandes mafieuses sans scrupule, qui promettent monts et merveilles aux migrants avant de se livrer aux pires exactions sur eux (escroquerie, racket, violences, viols, abandon en pleine mer...).
Aujourd'hui, ce sont les mêmes réseaux mafieux qui procèdent indifféremment au trafic d'armes (destinées aux djihadistes), à l'acheminement de la drogue vers l'Europe, au trafic des êtres humains.
Les passeurs - ces nouveaux Barbaresques - ont une méthode éprouvée. Ils entassent les candidats aux voyages dans des canots pneumatiques de fortune ; ils les poussent jusqu'aux eaux internationales à 12 nautiques du rivage libyen ; ensuite ils émettent un SOS ou appellent un centre de secours italien pour indiquer qu'un naufrage est imminent ; puis ils s'en retournent dans leurs repaires, abandonnant à leur sort leurs malheureux passagers, souvent sans eau douce ni nourriture. Le reste du voyage ne coûte plus rien aux passeurs, puisqu'il est pris en charge par les navires des marines ou des ONG européennes. Pourquoi ces derniers ne ramènent pas simplement les naufragés vers les ports les plus proches du littoral libyen? Parce qu'ils considèrent qu'il s'agirait d'un refoulement contraire au droit humanitaire international. Les nouveaux Barbaresques le savent bien, qui sont passés maîtres dans l'art d'exploiter le vieux sentiment de charité chrétienne de cette Europe si riche, si bien organisée, si sociale.
Quel regard portez-vous sur les ONG?
Sans le vouloir, certaines ONG participent, de manière gratuite, à un immense trafic, qui a dépassé depuis longtemps en chiffre d'affaires le trafic de stupéfiants.
Les ONG détournent le droit d'asile. Le meilleur moyen de s'installer en Europe pour un immigré illégal est de se faire passer pour un réfugié politique et d'invoquer le droit d'asile. Celui-ci a été forgé par les Français de 1789 pour accueillir les étrangers persécutés dans leurs pays pour avoir défendu les idéaux de la Révolution française. Le droit d'asile ne peut concerner que des individus, et non pas des groupes. Il ne peut s'appliquer qu'à des gens engagés politiquement et visés personnellement à cause de leur engagement. Il ne saurait valoir pour des gens qui fuient la misère ou même la guerre. Or, on assiste aujourd'hui à un détournement massif du droit d'asile, car l'écrasante majorité des réfugiés sont des réfugiés économiques. Une fois qu'il a mis le pied sur le sol européen, le migrant sait qu'il pourra y rester à loisir, car les reconduites forcées vers l'Afrique sont statistiquement rares.
Pour comprendre le problème des ONG, il faut revenir à la distinction du sociologue allemand Max Weber entre éthique de conviction et éthique de responsabilité. Ceux qui agissent selon une éthique de conviction sont certains d'eux-mêmes et agissent doctrinalement. Ils suivent des principes sans regarder les conséquences de leurs actes. Au contraire, l'éthique de responsabilité repose sur le réalisme, le pragmatisme et l'acceptation de répondre aux conséquences de ses actes.
Les ONG déposent les migrants sur les côtes italiennes et s'offrent un frisson narcissique en jouant au sauveteur.
Aujourd'hui, les ONG qui viennent au secours des migrants sont dans l'éthique de conviction. Elles déposent les migrants sur les côtes italiennes et s'offrent un frisson narcissique en jouant au sauveteur. Mais après elles n'assurent pas la suite du service: elles ne se demandent pas ce que devient le migrant en question ni quelles sont les conséquences politiques et culturelles de ces migrations sur l'Europe. Pour sortir de la facilité, les membres des ONG devraient héberger eux-mêmes les migrants, les éduquer, leur trouver du travail. Peut-être auraient-ils une autre attitude.
Bien sûr, la compassion et la bienveillance sont des valeurs cardinales. Il n'est pas envisageable de laisser des gens se noyer en mer quand un navire les croise. Il faut les sauver. Mais il faut ensuite les redéposer sur les côtes libyennes, leur point de départ. Puisque de toute façon, leur présence en Europe est illégale.
Pourquoi les politiques migratoires européennes sont-elles selon vous un «déni de démocratie»?
L'arrivée incontrôlée et en masse de migrants peu au fait de la culture européenne déstabilise profondément les États de l'UE, comme on l'a vu avec le vote référendaire britannique et le vote législatif italien. Dans les années cinquante et soixante, les peuples européens se sont exprimés par les urnes pour accepter les indépendances des ex-colonies. En revanche on ne les a jamais consultés démocratiquement sur l'immigration, qui est le phénomène social le plus important qu'ils aient connu depuis la seconde guerre mondiale.
En France, la décision d'État la plus importante du dernier demi-siècle porte aussi sur la question migratoire. C'est le regroupement familial. Il a changé le visage de la société française. Il est fascinant qu'une décision aussi cruciale ait été prise sans le moindre débat démocratique préalable. Il s'agit d'un décret simple d'avril 1976, signé par le Premier ministre Jacques Chirac et contresigné par Paul Dijoud. Ce ne fut donc ni un sujet de débat, ni l'objet d'un référendum, ni une loi discutée par des représentants élus, ni même un décret discuté en Conseil des Ministres, mais un décret simple comme le Premier Ministre en prend chaque jour sur des sujets anodins. Cette mesure provoqua immédiatement un afflux très important de jeunes personnes en provenance de nos anciennes colonies d'Afrique du nord.
Jamais les Français ne furent interrogés sur l'immigration de masse, le multiculturalisme et le regroupement familial.
Consultés par référendum par le général de Gaulle - qui ne voulait pas d'un «Colombey-les-deux-Mosquées» -, les Français ont accepté, en 1962, de se séparer de leurs départements d'Algérie, où une insurrection arabe brandissant le drapeau de l'islam avait surgi huit ans auparavant. Cinquante-six ans plus tard, ils voient les titres inquiets de leurs journaux: «450 islamistes vont être libérés de prison!». Ils s'aperçoivent alors qu'on leur a imposé en France une société multiculturelle, sans qu'ils l'aient réellement choisie. Jamais les Français ne furent interrogés sur l'immigration de masse, le multiculturalisme et le regroupement familial.
De même, Angela Merkel (qui avait pourtant reconnu l'échec du multiculturalisme allemand en 2010) n'a pas jugé bon de consulter son peuple lorsqu'elle déclara unilatéralement que l'Allemagne accueillerait 800 000 migrants. Pourtant il s'agit là de choses fondamentales qui concernent à la fois la vie quotidienne des citoyens et l'identité profonde du pays.
La démocratie ne consiste-t-elle pas à interroger les populations sur les choses les plus importantes? La démocratie ne sert-elle pas à ce que les peuples puissent décider librement de leurs destins? On peut fort bien soutenir que le brassage culturel enrichit les sociétés modernes. Mais, dans une démocratie qui fonctionne, le minimum est que la population soit consultée sur l'ampleur du multiculturalisme qu'elle aura ensuite à gérer sur le long terme.
La rédaction vous conseille :


«Sur l'immigration, dépassons les affrontements binaires pseudo-moraux»

Mis à jour le 27/07/2018 à 14h12 | Publié le 26/07/2018 à 19h56
GRAND ENTRETIEN - L'ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, appelle les dirigeants européens à dépasser les débats théoriques et idéologiques pour rechercher des solutions concrètes. Le diplomate avance plusieurs propositions pour sortir de l'impasse.
LE FIGARO. - Aujourd'hui, un certain nombre d'observateurs affirment qu'il y a une crise politique en Europe, mais sont plus réticents à parler de «crise migratoire». Partagez-vous ce point de vue?
Hubert VÉDRINE. - Les migrations seront permanentes et donc la maîtrise des flux migratoires s'imposera comme une politique durable. En Europe mais aussi chez les émergents, en Afrique, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada… et bien sûr aux États-Unis. Quant aux demandes d'asile, il y en aura malheureusement d'autres, mais il est impossible de savoir quand des drames atroces jetteront des peuples entiers sur les routes. Le phénomène des migrations est facilité par les moyens de transport moderne et, Stephen Smith a eu raison de le souligner dans La Ruée vers l'Europe, par l'élévation du niveau de vie en Afrique. Et c'est ainsi que s'est reconstituée une nouvelle «économie de la traite» dans toute l'Afrique, rapportant aux passeurs plus d'argent que le trafic de drogue.
Les pays où les gens veulent aller pour vivre mieux ne peuvent pas se fermer: l'extrême droite dit des absurdités là-dessus. Économiquement, on aura besoin d'immigrants légaux dans divers métiers. Humainement, ce serait cruel et c'est impraticable. À l'opposé, l'idée «d'ouverture totale», d'un monde sans frontières, est irresponsable. Cela ferait exploser les sociétés. Il faut, entre ces deux extrêmes, gérer les flux. C'est une question de bon sens, et de quantités avant d'être une question de valeurs. Certes, c'est compliqué à mettre en œuvre, mais il vaut mieux dépasser les affrontements binaires pseudo-moraux et chercher des solutions concrètes.
Sur le diagnostic, l'indistinction entre migrants économiques et réfugiés ne complique-t-elle pas le débat?
Bien sûr! Cette absence de distinction est une des sources de l'angoisse des peuples. Mais beaucoup de forces politiques ne veulent pas distinguer: l'extrême droite ne veut pas distinguer (elle crie à l'invasion), l'extrême gauche non plus parce qu'elle joue la carte des lobbys issus de l'immigration. Et il y a un courant de pensée généreux chrétien, mais pas seulement, qui ne veut pas distinguer parmi les «gens qui souffrent». Or, il est à craindre que, si on ne sanctuarise pas l'asile, le vrai, pour des gens en danger, il n'y aura plus d'asile dans dix ans. Ce serait inacceptable.
Les craintes de l'opinion ne sont-elles pas légitimes dans la mesure où les sociétés occidentales sont déjà en crise?
Les opinions ressentent, en gros, qu'«il y en a trop» et que ce n'est pas géré. Ce ressenti est contestable: bien des choses ont été faites par tous les ministres de l'Intérieur depuis dix ans. Mais ce n'est pas assez perçu. Il y a deuxièmement le problème de la guerre mondiale dans l'islam sunnite entre l'infime minorité d'islamistes terroristes, les islamistes non terroristes, et l'ensemble des autres musulmans, qui sont les premières victimes. Nous, nous sommes des victimes collatérales sur un champ de bataille périphérique. Dans le débat public, cette question est mal traitée parce qu'on n'ose pas s'affranchir des tabous. Résultat: on n'aide pas assez les musulmans courageux qui sont en première ligne. Pour remonter la pente et bâtir un consensus autour d'un plan d'ensemble, il faut commencer par nommer les choses.
«Il me semble que ce que fait Emmanuel Macron est plus clair et plus ferme que ce qui était fait auparavant»
Hubert Védrine
Concernant Emmanuel Macron, il oscille entre diabolisation de la «lèpre populiste» et discours de vérité, notamment sur le rôle trouble d'une partie des ONG. Peut-il sur cette question-là faire du «en même temps»?
Il me semble que ce que fait Emmanuel Macron est plus clair et plus ferme que ce qui était fait auparavant. En même temps, il avance prudemment parce qu'il voit bien que les opinions sont à cran…, dans les deux sens. Toute idée présentée isolément est considérée comme trop laxiste ou trop répressive. Le président cherche à tenir bon sur le droit d'asile tout en maîtrisant de mieux en mieux les flux (sinon il n'aurait pas mis Gérard Collomb Place Beauvau).
Mais sans doute une partie de l'opinion attend-elle des propos plus nets encore. D'autre part, pour impliquer les pays de départ et de transit dans la cogestion, il faudra être persuasif parce qu'ils n'ont pas trop envie d'être placés devant leurs responsabilités. Le départ vers l'Europe est pour eux une «soupape». Mais c'est tragique parce que ces gens qui partent sont jeunes, dynamiques et entreprenants. Donc c'est désolant de voir tous ces pays de départ se vider de ces éléments. Les gens généreux qui disent qu'il faut accepter tous les miséreux alimentent inconsciemment cette dérive.
Les partis dits «populistes» sont en passe de devenir majoritaires en Europe. Peut-on continuer à parler d'eux comme des «infréquentables»?
«Populisme» est un mot-valise. Déjà, le traité de Maastricht était passé par référendum avec seulement un point et demi d'avance, ce qui démontrait qu'il y avait un divorce du peuple d'avec le projet, un début de clivage entre les élites dirigeantes, mondialisatrices et intégrationnistes, et les peuples. Aujourd'hui, au nom de la lutte contre le «populisme», on ne peut pas dire qu'on ne tiendra jamais compte de ce que le «peuple» vote, sinon inutile de faire l'apologie de la «démocratie»! Ces demandes des peuples, on peut les apaiser mais il y a aussi une façon de les hystériser qui consiste à exagérer le sentiment d'invasion. Aucun peuple n'est pour l'immigration de masse. Si les mouvements migratoires ne sont pas trop importants, sont étalés dans le temps et ne confrontent pas des populations aux modes de vie trop antagonistes, cela se gère. Si c'est l'inverse, c'est plus compliqué, on le voit bien.
Dans votre livre et dans différentes tribunes, vous avez énuméré un certain nombre de solutions concernant les flux migratoires. Vous évoquez notamment la solution des quotas…
«Pour gérer les flux, il faudra développer une économie circulaire : dès lors que cela sera plus facile d'entrer, et surtout de revenir, les gens accepteront de repartir»
Je parle des quotas par métiers pour les immigrants légaux, oui. Pas des quotas de répartition des réfugiés déjà arrivés, même s'il faut essayer de mieux les répartir. Pour gérer les flux, il faut une discussion qui ne soit pas théorique. Il ne faut pas raisonner comme il y a cent ans où l'on partait sans esprit de retour. Il faudra développer une économie circulaire: dès lors que cela sera plus facile d'entrer, et surtout de revenir, les gens accepteront de repartir. Il faut aller dans ce sens-là, et aussi des visas plus faciles pour les étudiants, les hommes d'affaires, etc. Mais d'abord que ceux qui vivent de la nouvelle traite comprennent que c'est fini, qu'on ne peut plus détourner l'asile.
Vous évoquez également la solution des «centres de tri». N'est-ce pas illusoire dans la mesure où ni les pays de départ ni les pays de transit n'acceptent cette solution?
C'est, pour le moment, insoluble… On n'est même pas d'accord sur les mots et sur la manière d'appeler les centres en question. Cela dit, il y a déjà des représentations de l'Union européenne, qui pourraient appliquer partout les règles de Schengen et gérer les demandeurs. C'est vers cela qu'il faut aller. Le refus des pays de départ ou de transit sur ces centres, c'est une prise de position ferme, avant un début de négociation.
Dans votre plan est aussi posée la question de Frontex, vous parlez d'en faire une véritable police des frontières. Mais le problème est celui des frontières extérieures de Schengen?
C'est évident qu'il faut (qu'il fallait) des frontières extérieures à Schengen. Il faut donc donner plus de moyens à Frontex et une coopération plus poussée entre polices extérieures et intérieures, nationales et européennes. Et là-dessus, contrairement aux apparences et aux disputes actuelles entre les différents pays d'Europe, tout le monde a intérêt à la maîtrise des flux.
Avec l'arrivée au pouvoir des partis dits «populistes», l'avenir de l'Europe n'est-il pas désormais dans une approche plus nationale que globale?
Il faut une combinaison! D'ailleurs, ce qui marche depuis très longtemps tient de mesures combinées, entre des États membres et des initiatives coordonnées. Mme Merkel avait fait un excellent discours il y a dix ans en affirmant qu'il fallait en finir avec cette querelle stupide entre méthode communautaire et méthode intergouvernementale. Il n'y a que les gens de Bruxelles pour entretenir cette querelle théorique. Il est évident qu'il faut combiner, dans tous les domaines où les pouvoirs sont partagés.
Je me demande s'il ne faudrait pas admettre que le système de la construction européenne est arrivé à maturité et qu'on a trouvé un équilibre dans une « fédération d'État-nation »
La crise que traverse l'Union européenne n'est-elle pas à intégrer dans une crise plus large, celle  d'un véritable changement de monde?
Bien sûr, tout change, mais ne mélangeons pas une mutation historique et une crise. Le seul élément vraiment déterminant tient selon moi au fait que nous, les Occidentaux, avons perdu le monopole mondial au moment même où l'on croyait que l'Histoire était finie, parce que l'on avait gagné! Depuis lors, il n'y a pas eu de nouveau changement qui contredise celui-là, mais une succession de mouvements permanents et de convulsions. La crise en Europe n'est pas directement liée à cela: elle est liée au fossé qui s'est creusé entre les élites et les peuples, qui ont cessé de suivre.
Ils sont contents de vivre en paix, de circuler facilement, mais ils n'adhèrent plus à l'idée qu'il faudrait sans cesse continuer. Intégrer plus loin? Pour quoi faire? Même les Allemands n'en sont pas demandeurs. Je me demande s'il ne faudrait pas admettre que le système de la construction européenne est arrivé en gros à maturité et qu'on a trouvé un équilibre dans ce que Jacques Delors appelait une «fédération d'État-nation». On ne peut qu'approuver la volonté du président Macron de rendre l'euro plus fort et plus résistant, mais cela ne va pas révolutionner la structure des opinions européennes. Il y a les vrais anti-européens, des gens devenus sceptiques, ou allergiques à la réglementation, et encore quelques pro-européens, devenus minoritaires, qui veulent continuer d'avancer.
Au-delà de la crise de l'Union européenne, n'assiste-t-on pas à la mise en échec de la «mondialisation heureuse»?
Les droits de l'homme et le libre-échange c'est une chose, mais on ne peut pas non plus les imposer. Le multiculturalisme, c'est autre chose. Est-ce un progrès? Cela se discute. Les Européens étaient très idéalistes, «fukuyamesque» avant Fukuyama. Les Américains n'ont en réalité jamais vraiment cru à cela, ils ont cru davantage au triomphe du leadership américain et continuent aujourd'hui à s'acharner sur la Russie car ils ont besoin d'un adversaire. Ceux qui sont les plus déboussolés par ces bouleversements sont les Européens, mais aussi beaucoup les Canadiens et quelques micro-milieux multilatéralistes un peu partout. Ils prennent de plein fouet l'effondrement des croyances sur la mondialisation heureuse, ont beaucoup de mal à atterrir…
Ces bouleversements marquent-ils  un retour des nations?
Oui (elles n'avaient d'ailleurs pas disparu) mais pas sous la forme ancienne. Nous vivons désormais dans un monde très interdépendant. Même des pays qui veulent retrouver un peu d'autonomie ne peuvent pas espérer qu'en décidant tous seuls dans leur coin, cela marchera! À l'inverse, idéologiquement, l'idée que l'avenir du monde tient au dépassement des nations a totalement échoué, et même réveille son contraire. Les peuples résistent à l'acharnement des élites à dissoudre leur souveraineté et leur identité. Il y a une forte demande pour une mondialisation moins nivelante et pour une Europe plus respectueuse des intérêts de chaque pays et des cultures nationales.

La rédaction vous conseille :


Nadine Morano : «Les peuples européens veulent une immigration choisie»
Publié le 27/06/2018 à 17h16
VIDÉO - Invitée du Talk, l'eurodéputée LR expose sa volonté de développer des projets sur le continent africain pour résoudre la crise migratoire.
«Il faut stopper cette immigration illégale», a martelé mercredi Nadine Morano, eurodéputée LR, lors du «Talk Le Figaro». L'élue s'est exprimée sur la polémique engendrée par l'arrivée de plusieurs bateaux de migrants sur les eaux italiennes et maltaises. Elle a soutenu la politique de non-acceptation de ces embarcations du ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, «qui a eu le courage de dire stop à la vague migratoire de masse, à l'arrivée de ces bateaux, qui a eu le courage de dénoncer les ONG dans leur comportement incitant l'immigration illégale».
Pour l'élue, il n'y a pas de doute: le refus de l'ONG Lifeline de remettre le bateau du même nom, ainsi que ses passagers, aux autorités libyennes, «est organisé». Elle en a profité pour fustiger la politique du président de la République. Selon elle, «M. Macron fait aussi le jeu des passeurs, lorsqu'il dit, toujours avec laxisme, qu'il faut accueillir ceux qui vont arriver». Elle a dénoncé son «hypocrisie totale» sur le sujet, puisqu'il refuse selon elle de recevoir des bateaux de migrants sur le sol français.
Mettre «l'Union africaine face à ses responsabilités»
Nadine Morano a expliqué que le réel défi à relever était de mettre «l'Union africaine face à ses responsabilités», et non de «culpabiliser l'Union européenne ou l'Europe sur la question migratoire». L'eurodéputée, qui s'est rendue à plusieurs sommets entre l'Union européenne et l'Union africaine, a dénoncé «des simulacres de sommet». Pour elle, il est essentiel d'établir un dialogue qui mènera à des résultats et à des actes de la part des deux parties. L'élue a par ailleurs affirmé que «les peuples européens ne veulent plus d'une immigration imposée, ils veulent une immigration choisie».
En tant que membre au Parlement européen de la délégation en charge des relations avec le Parlement pan-africain, Nadine Morano a pu assister en Afrique du Sud à une séance plénière des députés africains. Le sujet? La corruption dans les États, qui suscite souvent leur instabilité. Aussi a-t-elle insisté sur la nécessité de ces États «de se développer». «C'est insuffisant pour le moment, a-t-elle assuré, bien qu'ils touchent 17 milliards d'euros d'aides de l'Union européenne.» L'eurodéputée a proposé de prendre des mesures adaptées en «conditionnant les aides attribuées aux États africains au regard de leurs résultats sur la maîtrise de leur politique migratoire». Elle a notamment plaidé en faveur de plus d'accords bilatéraux et multilatéraux, et du durcissement de la politique envers les pays qui ne coopèrent pas avec l'Europe.
«Nous devons apporter des solutions, de meilleures qualités de vie à ceux qui vivent en Afrique, et qui ne demandent qu'à pouvoir rester chez eux»
Nadine Morano
L'essentiel pour résoudre la crise migratoire réside, selon Nadine Morano, dans le développement des pays africains. «Je crois aux qualités humaines des Africains. Je sais leur potentiel. Nous devons apporter des solutions, de meilleures qualités de vie à ceux qui vivent sur ce continent, et qui ne demandent qu'à pouvoir rester chez eux», a-t-elle déclaré. L'élue a d'ailleurs affirmé que les députés africains lui avaient demandé de ne plus régulariser les migrants clandestins dans les pays d'Europe. Pour eux, «ce sont les Européens qui amorcent la pompe à l'immigration illégale».
Nadine Morano s'est prononcée contre la création de hotspots en Europe, favorisant l'accostage des bateaux sur les côtes africaines. Il s'agit pour elle d'un mal nécessaire: «C'est la seule façon d'envoyer un message de l'autre côté de la Méditerranée et d'empêcher que des milliers de personnes ne meurent en mer», s'est-elle exclamée.
La rédaction vous conseille :


Renaud Girard : «L'Europe fracturée par l'immigration illégale»
Mis à jour le 26/06/2018 à 14h26 | Publié le 25/06/2018 à 21h03
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Il n'y a pas, en ce début de troisième millénaire, de sujet géopolitique plus important que l'explosion démographique en Afrique.
Au moment des indépendances, dans les années 1960, le continent africain comptait 250 millions d'êtres humains. Aujourd'hui, en 2018, la population africaine a atteint 1,25 milliard d'êtres humains. Et on prévoit qu'elle doublera d'ici à 2050.  À une ou deux exceptions près, les administrations des pays africains sont submergées par cette croissance exponentielle de leur population. Ni la production agricole, ni les infrastructures, ni l'urbanisation,  ni la scolarisation, ni la création d'emplois durables pour la jeunesse n'arrivent à suivre.
Quand bien même jugerait-on possible pratiquement de relever un tel défi démographique que manquerait  sur place la gouvernance étatique. Soixante ans de coopération technique européenne en territoires africains indépendants n'ont pas réussi à y greffer le concept pourtant élémentaire de planning familial. «Si nous ne réduisons pas la taille de nos familles, notre pays continuera à souffrir de la pauvreté parce que les ressources disponibles ne pourront plus couvrir nos besoins», a reconnu Goodluck Jonathan, ancien président (2010-2015) du Nigeria.
C'est de ce pays aux richesses naturelles fabuleuses, mais mal gérées et mal partagées depuis l'indépendance en 1960, que provient aujourd'hui le plus grand nombre de ces jeunes immigrants illégaux qui essaient par tous les moyens d'atteindre les rivages du nord de la Méditerranée. Le Nigeria comptait 34 millions d'habitants en 1960. Il en compte aujourd'hui presque 200 millions.
L'Europe se retrouve seule à devoir gérer le problème planétaire qu'est l'explosion démographique du continent noir. Politiquement, l'Amérique et  la Chine s'intéressent peu à l'Afrique,  et seulement du point de vue de l'exploitation de ses richesses naturelles. L'Europe se retrouve donc en première ligne. Elle fonctionne comme un aimant à l'égard de la jeunesse africaine.  On assiste à un début de déversement  de la jeunesse africaine vers un prétendu eldorado européen, et ce pour quatre raisons: la proximité géographique ; l'existence en Afrique du Nord de réseaux de trafiquants d'êtres humains bien organisés ; la porosité des frontières physiques européennes ; la générosité des systèmes sociaux des pays membres de l'Union européenne.
On assiste aujourd'hui à un détournement massif du droit d'asile, car l'écrasante majorité des réfugiés sont des réfugiés économiques
Par exemple,  la France représente 1 % de la population mondiale, 4 % de la production  de richesse mondiale, 15 % des dépenses sociales mondiales. Peu de pays comme la France offrent à ses habitants les plus pauvres un revenu minimum garanti, l'instruction secondaire et supérieure gratuite, les colonies de vacances gratuites, les soins médicaux gratuits, ainsi que la prise en charge d'une partie des frais de logement. En Chine, pays  qui se dit pourtant toujours communiste, tous ces services sont payants.
Le meilleur moyen de s'installer en Europe pour un immigré illégal est de se faire passer pour un réfugié politique et d'invoquer le droit d'asile. Celui-ci a été forgé par les Français de 1789 pour accueillir les étrangers persécutés dans leurs pays pour avoir défendu les idéaux de la Révolution française. On assiste aujourd'hui à un détournement massif du droit d'asile, car l'écrasante majorité des réfugiés sont des réfugiés économiques. Une fois qu'il a mis le pied sur le sol européen,  le migrant sait qu'il pourra y rester à loisir, car les reconduites forcées vers l'Afrique sont statistiquement rares.
Il est évident que les pays européens n'ont plus les moyens économiques, sociaux et politiques d'accueillir toute  la misère du monde. Il est tout aussi évident qu'il n'y a aujourd'hui aucune solution miracle, tant sont complexes  les problèmes humanitaires et juridiques soulevés par les migrations sauvages. Après l'échec du minisommet préparatoire du 24 juin 2018, le sommet européen du 28 juin promet d'être tendu.
Peu familiers de l'Afrique, et n'y ayant jamais eu de colonies, les pays d'Europe de l'Est refusent que l'Allemagne  et la France leur imposent des quotas  de migrants. Ils estiment que les sociétés multiculturelles sont un échec. Ils s'étaient déjà rebellés en 2015, lorsqu'ils n'avaient accepté du Levant que des réfugiés chrétiens, faisant observer que le christianisme disparaissait en Orient, alors que l'islam progressait en Occident.
L'urgence est désormais d'arrêter l'appel d'air européen vers les populations africaines.
Cela n'aurait aucun sens, ni juridique, ni politique, d'infliger une punition aux pays du groupe de Visegrad (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie). Quand ils ont rejoint l'Union européenne, ils ne  se sont jamais engagés, ni à obéir à Paris et à Berlin, ni à recevoir chez eux sans visas des populations africaines ou moyen-orientales.
En revanche,  en raison de l'urgence de la question migratoire, il est tout à fait légitime que la France et l'Allemagne, pays contributeurs nets, veuillent  y concentrer les moyens financiers du budget européen. Il est clair que financer la construction d'autoroutes en Pologne ne constitue plus une priorité pour l'Europe. L'urgence est désormais d'arrêter l'appel d'air européen  vers les populations africaines.
Les nouvelles priorités sont limpides: reconstruire un État en Libye et aider ses forces armées à combattre les trafiquants d'êtres humains et à sécuriser ses frontières méridionales dans le Fezzan ; déployer, aux côtés de la marine nationale de Libye, et dans ses eaux territoriales, des navires de surveillance européens capables de ramener  les naufragés ou les dinghies surchargés d'êtres humains vers leur rivage d'origine. Le littoral libyen était naguère équipé de radars de surveillance  que l'Union européenne avait financés. Ils furent détruits par des frappes  franco-britanniques durant la guerre  de 2011 contre le régime de Kadhafi.  La coopération militaire, policière, humanitaire avec les autres États d'Afrique du Nord doit évidemment  se poursuivre.
En Afrique noire, il faut en même temps accroître l'aide économique  de l'Union européenne et la lier  à l'instauration d'un planning familial, ainsi qu'à un développement de projets agricoles et énergétiques concrets, capables de nourrir et retenir chez  elles les familles africaines.
L'Italie n'en peut plus, qui a vu plus  de 700 000 migrants illégaux débarquer sur ses côtes depuis 2013. Sa générosité  a des limites. Son nouveau ministre  de l'Intérieur a prévenu que l'Europe institutionnelle jouait son existence même sur la question migratoire.  Venant de la part d'un pays fondateur  du Marché commun, c'est un message qu'il faut prendre au sérieux.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 26/06/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
La rédaction vous conseille :


Renaud Girard : «Immigration : arrêtons l'appel d'air européen !»
Mis à jour le 19/06/2018 à 20h07 | Publié le 18/06/2018 à 20h00
CHRONIQUE - Les passeurs sont passés maîtres dans l'art d'exploiter le vieux sentiment de charité chrétienne de cette Europe si riche, si bien organisée, si sociale.
Le 17 juin 2018, l'Aquarius, un navire européen affrété par les organisations non gouvernementales (ONG) SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, a débarqué dans le port espagnol de Valence 630 immigrants clandestins venus d'Afrique, repêchés une semaine auparavant au large des côtes de Libye. Deux navires appartenant à l'État italien (l'un de la marine de guerre, l'autre du corps des gardes-côtes) y ont le même jour débarqué un nombre moins important de clandestins.
Auparavant, ces migrants, pour la plupart originaires de pays lointains d'Afrique noire, comme le Nigeria, la Côte d'Ivoire ou la Guinée, avaient chacun payé un minimum de 3000 euros par personne à des réseaux de passeurs, lesquels sont structurés comme des mafias, avec des ramifications dans tous les pays parcourus par les routes menant vers le prétendu eldorado européen. Ce sont les mêmes réseaux mafieux qui procèdent indifféremment au trafic d'armes (destinées aux djihadistes), à l'acheminement de la drogue vers l'Europe, au trafic des êtres humains.
Ce sont les mêmes réseaux mafieux qui procèdent indifféremment au trafic d'armes (destinées aux djihadistes), à l'acheminement de la drogue vers l'Europe, au trafic des êtres humains
Les passeurs ont une méthode éprouvée. Ils entassent les candidats aux voyages dans des canots pneumatiques de fortune ; ils les poussent jusqu'aux eaux internationales à 12 nautiques du rivage libyen ; ensuite ils émettent un SOS ou appellent un centre de secours italien pour indiquer qu'un naufrage est imminent ; puis ils s'en retournent dans leurs repaires, abandonnant à leur sort les malheureux passagers, souvent sans eau douce ni nourriture. Le reste du voyage ne coûte plus rien aux passeurs, puisqu'il est pris en charge par les navires des marines ou des ONG européennes. Pourquoi ces derniers ne ramènent pas simplement les naufragés vers les ports les plus proches du littoral libyen? Parce qu'ils considèrent qu'il s'agirait d'un refoulement contraire au droit humanitaire international. Les nouveaux Barbaresques le savent bien, qui sont passés maîtres dans l'art d'exploiter le vieux sentiment de charité chrétienne de cette Europe si riche, si bien organisée, si sociale.
Sans le vouloir, les ONG participent, de manière gratuite, à un immense trafic, qui a dépassé depuis longtemps en chiffre d'affaires le trafic de stupéfiants. Évoquant les naufragés, une représentante de SOS Méditerranée a affirmé à Valence que l'Europe avait «quatorze mille morts sur la conscience». Quelle incroyable calomnie, visant à réveiller la vieille culpabilité de l'homme blanc! Car en quoi les Européens sont-ils responsables que de jeunes hommes africains se jettent dans de dangereuses expéditions pour fuir leurs pays? Cela fait soixante ans, soit deux générations, que les puissances européennes n'administrent plus l'Afrique, qu'elles en sont parties, dans la liesse des élites et des foules africaines mues par l'idéal de leur indépendance, et avec l'approbation des bonnes consciences de gauche de l'époque. Sont-ce les Européens ou les nouveaux Barbaresques qui ont créé ce trafic honteux?
Dans les pays de transition comme le Niger, le trafic attire des jeunes pressés de faire fortune, les éloignant de l'élevage, de l'agriculture, de l'artisanat
Ce trafic est profondément délétère à la fois pour les États africains et pour les États européens. Il prive l'Afrique d'une jeunesse intelligente, entreprenante et débrouillarde. Car 3000 euros y représentent une somme considérable à rassembler. Dans les pays du continent noir, c'est un beau capital de départ pour créer une affaire, pour creuser un puits dans un village, ou pour monter une installation photovoltaïque. Dans les pays de transition comme le Niger, le trafic attire des jeunes pressés de faire fortune, les éloignant de l'élevage, de l'agriculture, de l'artisanat. Il n'est pas sain que les villages africains vivent dans l'attente des mandats qu'envoient ou qu'enverront les migrants une fois arrivés en Europe, plutôt que de chercher à se développer par eux-mêmes. La haute représentante de l'Union européenne, qui recevait le 18 juin à Bruxelles les ministres du G5 Sahel, l'avait bien compris, en plein accord avec le Nigérien présidant la jeune organisation: il est vital que les aides européennes aillent dans des actions qui combattent l'économie de trafic, mais aussi dans des projets agricoles ou énergétiques capables de fixer les populations sur leurs terres ancestrales.
L'arrivée incontrôlée et en masse de migrants peu au fait de la culture européenne déstabilise profondément les États de l'Union, comme on l'a vu avec le vote référendaire britannique et le vote législatif italien. Dans les années 1950 et 1960, les peuples européens se sont exprimés par les urnes pour accepter les indépendances des ex-colonies. En revanche, on ne les a jamais consultés démocratiquement sur l'immigration, qui est le phénomène social le plus important qu'ils aient connu depuis la Seconde Guerre mondiale.
Il faut d'urgence arrêter cet appel d'air délétère, sauf à vouloir appauvrir humainement l'Afrique et détruire cette Europe libérale patiemment construite depuis les années 1950.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 19/06/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
La rédaction vous conseille :




Didier Leschi : «La France a protégé plus de réfugiés que l'Italie»

Mis à jour le 14/06/2018 à 20h07 | Publié le 14/06/2018 à 18h33
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) rappelle que la France est le deuxième pays d'accueil après l'Allemagne.
LE FIGARO. - D'aucuns critiquent l'attitude égoïste de la France par rapport au navireAquarius. Quelle est la réalité? La France reste-t-elle un grand pays d'accueil?
Didier LESCHI. -La France reste un grand pays d'immigration, l'un des principaux d'Europe, avec 267.000 titres de séjour délivrés. Par ailleurs, en 2017, l'Ofpra a reconnu le statut de réfugié à 40 000 demandeurs, soit plus que l'Italie, qui l'a octroyé à 35 000. L'Espagne, pour sa part, cette même année 2017, n'a reconnu le statut de réfugié qu'à 4 700 personnes. Comme l'a rappelé le ministre des Affaires étrangères espagnol, Madrid était bien loin d'avoir rempli les quotas annuels auquel il s'était engagé. L'accueil de l'Aquarius est donc un début de rattrapage.
Nous avons aujourd'hui en France 11 % de la population française qui est aujourd'hui immigrée au sens de l'Insee: né étranger à l'étranger. Nous sommes le deuxième pays après l'Allemagne en termes d'accueil, on ne peut pas dire que nous soyons un pays égoïste!
«Il n'est pas cohérent qu'une décision négative en Allemagne aboutisse à un réexamen du dossier en France»
Didier Leschi
D'où proviennent les migrants qui traversent actuellement la Méditerranée?
À bord de l'Aquarius, il y aurait 30 % de Soudanais. La pression migratoire qui nous vient de l'Italie et du Maroc provient en grande partie de la Corne de l'Afrique. Sur les 124.000 personnes disposant de l'allocation droit d'asile en France, il y a une forte poussée venant de la Guinée, de la Côte d'Ivoire (+ 68 %), d'Algérie (+ 26 %) et du Mali (+ 35 %). Les Syriens n'arrivent qu'en quinzième position. Quant aux Afghans, un sur deux est une personne qui a été déboutée de sa demande d'asile dans un autre pays européen, en général l'Allemagne, et qui vient alors en France. Le règlement de Dublin délègue au premier pays qui accueille le migrant la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile et du suivi de sa situation même quand il est débouté.
Ce système de Dublin ne pose-t-il pas problème?
Il faut un mécanisme de responsabilisation aux frontières de l'Europe, sinon les pays limitrophes pourraient se résoudre à n'être que des zones de transit. Mais il n'est pas cohérent qu'une décision négative en Allemagne aboutisse à un réexamen du dossier en France. Cela revient à mettre en doute la capacité de discernement et de décision des autorités allemandes.
«Les migrants choisissent le pays qui leur semble offrir les meilleures conditions possibles, en fonction des informations dont ils disposent, qui leur sont malheureusement souvent fournies par les passeurs»
Didier Leschi
Les migrants font-ils du «benchmarking», comme l'a dit le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb?
Il ne faut pas avoir une vision paternaliste, postcoloniale des migrants. Évidemment qu'ils réfléchissent. Ils n'ont qu'un seul capital à investir, c'est eux-mêmes, alors ils choisissent le pays qui leur semble offrir les meilleures conditions possibles, en fonction des informations dont ils disposent, qui leur sont malheureusement souvent fournies par les passeurs. C'est pourquoi, d'ailleurs, ils veulent absolument passer en Angleterre à Calais, parce qu'il n'y a pas d'inspection du travail, parce qu'on y parle anglais, et qu'il est donc plus facile de trouver un emploi. Il faut regarder la situation particulière de la France, qui est un débouché pour les migrants en particulier francophones présents en Italie, qui ne veulent pas y rester. C'est tout l'enjeu de la relocalisation. La France s'y est prêtée. C'est le deuxième pays à avoir accueilli des migrants provenant de Grèce.
Quel est le profil social des migrants? Sont-ils plutôt diplômés et issus des classes moyennes, comme on l'entend parfois?
Le terme de «migrant» est un terme fourre-tout. L'immigration légale, d'origine familiale, n'est pas l'immigration illégale, en majorité économique. Ces migrants sont majoritairement des jeunes hommes cherchant un avenir meilleur en Europe. Ils proviennent de sociétés déstructurées, sont peu qualifiés, et ont donc un taux d'employabilité très faible dans nos sociétés tertiarisées. La plupart des personnes qualifiées sont allées où les débouchés étaient les meilleurs en fonction de leurs qualifications: Europe du Nord, Allemagne, Autriche. C'est le cas de la classe moyenne syrienne diplômée. Dans les pays du Maghreb, les jeunes diplômées de la classe moyenne partent aux États-Unis ou au Canada.
Certains comparent la situation de l'Aquarius à celle de l'Exodus (navire transportant des rescapés de la Shoah refoulés de Palestine par les Britanniques en 1947). Ces comparaisons sont-elles justifiées?
On peut comprendre l'émotion, mais comparaison n'est pas raison. En 48 heures, un port a été trouvé pour l'Aquarius, alors que l'Exodus, c'était la planète sans visa. Rappelons que la marine anglaise a éperonné l'Exodus, qu'il y a eu des morts, alors que là, la marine italienne escorte l'Aquarius.
Les discours d'accueil créent-ils des «appels d'air», ou bien la pression migratoire serait constante de toute façon?
Rappelons d'abord que les flux ont diminué dans la Méditerranée centrale. Je n'aime pas beaucoup l'expression «appel d'air». La clé se situe dans les pays de départ. Il faut faire en sorte que se développe un discours de responsabilité. Ces pays ne peuvent plus continuer de laisser partir leur jeunesse, surtout quand ils ont des capacités de développement, comme le Maroc, par exemple, d'où viennent pourtant de nombreux mineurs non accompagnés.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 15/06/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
La rédaction vous conseille :


«L'Aquarius est le symbole d'une débâcle européenne»
Mis à jour le 13/06/2018 à 19h33 | Publié le 13/06/2018 à 12h02
FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour Arnaud Lachaize, la crise liée à l'Aquarius révèle la mauvaise gestion par les principaux dirigeants européens de la crise migratoire. Au point que cette question menace désormais l'unité européenne.

Arnaud Lachaize est le pseudonyme d'un haut fonctionnaire.

L'affaire de l'Aquarius est emblématique de l'un des plus grands désastres européens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis le début des années 2000, la tension monte sur le sujet de l'immigration irrégulière. On se souvient du Conseil européen de Séville en juin 2002. Face à la poussée des flux migratoires illégaux, et au drame médiatisé de la mort d'une cinquantaine de Chinois étouffés dans un camion, les chefs d'État et de gouvernement, sous l'impulsion de Tony Blair, ont voulu frapper un grand coup en sanctionnant les pays sources qui encouragent le départ de leurs ressortissants. À l'époque, Jacques Chirac et la Suède s'y étaient opposés, en vertu du devoir d'hospitalité de l'Europe...
Depuis, la situation n'a jamais cessé de s'aggraver. En 2011, le printemps arabe a entraîné une nouvelle vague migratoire sur l'Europe. La déstabilisation de la Libye, due à une épouvantable guerre civile - et pas seulement à l'intervention militaire occidentale qui en était la conséquence - a entraîné l'apparition d'une zone de non-droit sur la côte sud de la Méditerranée, facilitant les embarquements clandestins.
La déstabilisation du Moyen-Orient par la décomposition de l'Irak et de la Syrie, et l'émergence du sanguinaire État islamique, ont provoqué une gigantesque vague d'arrivées d'un million de personnes par les îles grecques en Allemagne au cours de l'année 2015 qui s'est poursuivie en 2016. Les négociations entre Angela Merkel et le président turc Erdogan ont permis de juguler le flux en provenance du Moyen-Orient, retenu en Turquie. En parallèle, les mouvements en provenance d'Afrique saharienne, au départ de la Libye et transitant par l'île italienne de Lampeduza ont de nouveau explosé, atteignant des dizaines de milliers de personnes.
L'image des débarquements de migrants en grand nombre, manipulés par des passeurs criminels, est ressentie comme insoutenable.
Ces phénomènes ont ravivé une violente guerre froide idéologique à l'intérieur des nations européennes.
Pour une minorité militante, active dans les médias, les partis politiques, les associations, les administrations et les tribunaux, cette migration a deux excellentes raisons d'être acceptée, sinon facilitée: d'une part, elle permet un renouvellement et un rajeunissement de la population du vieux continent ; d'autre part, l'accueil de personnes victimes de la pauvreté et de persécutions est un devoir moral.
Mais pour l'immense majorité des opinions européennes, bien au contraire, l'image des débarquements de migrants en grand nombre, manipulés par des passeurs criminels qui violent le droit des frontières, est ressentie comme insoutenable. Or, sauf à abolir ouvertement le principe de la démocratie, il est impossible de gouverner durablement sans tenir compte de l'avis des peuples.
C'est ainsi que sous l'impact des phénomènes migatoires planétaires, dont le vieux continent est devenu la cible centrale, l'Europe est en train d'exploser à une vitesse vertigineuse. Le Brexit, la fronde des grandes nations de l'Est (Hongrie, Pologne...), le démantèlement de l'espace de libre circulation Schengen, l'arrivée d'un gouvernement dit «populiste» en Italie, sont la conséquence directe de ce désastre. Et encore n'est-ce là qu'un début. L'affaire de l'Aquarius a engendré une grave crise diplomatique entre l'Italie, débordée par le nombre des arrivées, et la France déchirée entre ses bons sentiments humanitaires et la conscience que sa population, globalement, ne supporte plus l'immigration illégale, l'émergence de bidonvilles et de zones de non-droit.
Ce désastre n'a qu'une seule cause: l'absence de volonté politique des gouvernements européens et la défaillance de leurs gouvernements. L'Allemagne de Merkel, avec la complicité de certains dirigeants de la Commission européenne, a commis une faute capitale en ouvrant ses portes de manière erratique en 2015, avant d'exiger autoritairement de ses partenaires européens qu'ils acceptent des quotas d'accueil de migrants. Cette ingérence touchant au peuplement des nations a été partout ressentie comme inadmissible. Elle explique la décomposition de l'Europe, à commencer par le Brexit. En outre, le choix consistant à débarquer sur le continent européen les naufragés de la Méditerranée recueillis par Frontex, plutôt que d'assumer la décision politique de les raccompagner sur leur lieu d'embarquement avant d'examiner, sur place, leurs demandes d'asile - avec toutes les précautions humanitaires et médicales - a amplifié l'appel d'air dans des conditions dramatiques.
Plutôt que de se déchirer, les grands États européens n'avaient qu'un devoir à remplir vis-à-vis de leurs citoyens: d'une part mettre en place une force d'intervention commune pour frapper militairement les passeurs esclavagistes qui ensanglantent la Méditerranée, déstabilisent l'Europe et leur imposer un blocus ; d'autre part s'engager dans la voie d'un gigantesque plan de développement économique et social de l'Afrique tout en facilitant la mobilité entre les continents dans des conditions régulières et en respectant le droit d'asile en faveur des véritables victimes de persécutions. Aujourd'hui, l'explosion politique de l'Europe et le grand chaos qui en résulte sont le prix à payer de l'aveuglement, de l'indécision, de la faiblesse et de la lâcheté sur ce dossier. L'histoire est un éternel recommencement.
La rédaction vous conseille :


Un nouvel «axe alpin» se constitue en Europe contre les migrants

Mis à jour le 14/06/2018 à 20h15 | Publié le 14/06/2018 à 19h41
L'Italien Matteo Salvini, l'Autriche de Sebastian Kurz et Horst Seehofer, ministre allemand de l'Intérieur, forment un nouveau pôle anti-immigration après celui réunissant la Hongrie, la Pologne, le République tchèque et la Slovaquie.
De notre correspondant à Bruxelles,
Finalement, Viktor Orban pourrait avoir gagné. Le maître de Budapest fut le premier à dresser des barbelés contre l'exode, celui des Syriens en août 2015. Sa prophétie n'est pas loin de se réaliser quand l'Italie, jusqu'ici ouverte à la misère du monde, renvoie en pleine mer un bâtiment chargé de 629 migrants africains. Basculement. Électrochoc. Malgré le trouble d'Angela Merkel et les blâmes d'Emmanuel Macron, la question pour l'Europe n'est plus de savoir si elle doit renforcer sa frontière commune. Mais si elle peut encore éviter le retour aux barrières nationales. En trois ans, l'exception hongroise s'est propagée à toute l'Europe centrale. Varsovie, Prague et Bratislava jurent avec Budapest que la religion musulmane n'est pas soluble dans l'UE. Tous applaudissent le coup de force italien.
La fronde dessine un périmètre curieusement semblable à celui de l'empire des Habsbourg. Elle est aussi pétrie de contradictions
À ce quatuor de Visegrad, il faudrait désormais ajouter un trio d'acteurs qui va de l'extrême droite à la droite dure: l'Italien Matteo Salvini, l'Autriche de Sebastian Kurz et Horst Seehofer, monument bavarois et ministre allemand de l'Intérieur. Ces trois-là forment le nouvel «axe» anti-immigration que décrit le jeune chancelier autrichien, avant de prendre la présidence tournante de l'UE le 1er juillet.
La fronde dessine un périmètre curieusement semblable à celui de l'empire des Habsbourg. Elle est aussi pétrie de contradictions. Même s'ils partagent la hantise de l'islam, Viktor Orban et ses amis d'Europe centrale se garderont bien de rejoindre l'axe autrichien. Et inversement. À l'intérieur de l'axe alpin, la pire chose qui puisse arriver au chancelier Kurz serait que Matteo Salvini, nouvel homme fort du pouvoir romain, obtienne ce qu'il demande: le partage avec le reste de l'Europe - Autriche comprise - de tout ou partie des quelque 500.000 «irréguliers» qui croupissent en Italie.
Quant au projet prêté à Horst Seehofer d'expulser d'Allemagne tous les migrants déjà enregistrés ailleurs dans l'UE, il n'inquiète pas que la Chancellerie à Berlin. Si cette foule doit vraiment retraverser la montagne, c'est bien évidemment en Autriche puis en Italie qu'elle aboutira. Là est le problème des slogans «populistes» et autres remèdes réputés nationaux. Sur le papier, ils sont identiques et se prêtent à de magnifiques alliances. Dans la réalité, ils sont incompatibles, sauf à fâcher les voisins et à cadenasser toutes les frontières.
Cynisme contre hypocrisie
Les Italiens, même déçus de l'UE et gouvernés par des extrémistes, restent assez réalistes pour chercher la solution dans un cadre européen, plutôt qu'à Vienne ou à Budapest. C'est donc à Paris et à Berlin que Giuseppe Conte a pris des rendez-vous, avant son premier sommet à Bruxelles le 28 juin. De leur côté, l'Allemagne et la France surmontent leurs réticences à accueillir à bras ouverts le rejeton de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles. Si l'on suit la fameuse formule de Lyndon B. Johnson, mieux vaut que l'Italie soit à l'intérieur de la tente pissant à l'extérieur, plutôt que l'inverse.
Cynisme contre hypocrisie, Emmanuel Macron et Matteo Salvini ont vidé mardi leur aigreur à propos de l'Aquarius et des 629 clandestins repêchés au nord de la Libye. Du côté français comme du côté allemand, il apparaît que les deux semaines qui mènent au sommet vont décider si Rome penche vers l'ouest ou vers l'est. Paris admet que l'Union européenne a un problème quand l'Italie doit accueillir 80 % des migrants venus de Libye. Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, reconnaît qu'il faut se forcer «à voir la réalité à travers d'autres regards européens».
L'ouverture de « centres de tri » hors de l'UE (peut-être en Albanie), permettrait d'évacuer le problème italien
L'Élysée a confirmé jeudi des pistes déjà explorées pour rendre la réalité plus supportable à des Italiens confrontés, chez eux, à des centaines de points de fixation comparables à l'ex-ghetto de migrants à Calais. Il sera donc question d'aides financières démultipliées par l'UE et de mobilisation du contingent de gardes-frontières européens.
Au-delà de ces palliatifs communautaires, la France et ses voisins doivent se préparer à deux exutoires plus vigoureux s'il faut vraiment soulager l'Italie, prévient Pierre Vimont, ex-pilier du Quai d'Orsay et conseiller de l'UE durant la crise de 2015-2016. D'abord l'accueil direct des rescapés de la Méditerranée sur leur territoire, sujet jusqu'ici tabou que l'Espagne a commencé de rompre en acceptant les passagers de l'Aquarius. À charge pour ces capitales de traiter les demandes d'asile et de renvoyer les déboutés au sud du Sahara. Ensuite, l'ouverture de «centres de tri» hors de l'UE (peut-être en Albanie), ce qui permettrait d'évacuer le problème italien. C'est un projet imaginé par David Cameron que ressuscitent aujourd'hui Vienne et Copenhague. Mais attention, prévient l'ambassadeur Vimont, «il ne s'agit pas de s'en laver les mains. Si la question africaine n'est pas réglée dans la durée, les migrants reviendront inévitablement frapper à notre porte».

La rédaction vous conseille :


Crise migratoire : un axe Munich-Vienne-Rome contre Angela Merkel

Publié le 13/06/2018 à 20h03
Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, souhaite développer «un axe des volontés dans la lutte contre l'immigration illégale», que le ministre de l'Intérieur allemand est prêt à rejoindre.
Correspondant à Berlin
Horst Seehofer n'est pas venu. Le ministre de l'Intérieur allemand a boudé le dixième «sommet sur l'intégration» organisé mercredi par Angela Merkel à la Chancellerie. Officiellement, le leader de la CSU bavaroise a assuré protester contre la présence d'une participante, la journaliste Ferda Ataman, qui aurait critiqué sa vision de la «patrie». Plus sûrement, il a affiché son désaccord de fond avec Angela Merkel sur la politique migratoire. Il a préféré montrer sa proximité avec le chancelier autrichien Sebastian Kurz, partisan d'un front Munich-Vienne-Rome contre la politique d'accueil des réfugiés.
«Je suis heureux de la bonne coopération que nous voulons bâtir entre Rome, Vienne et Berlin», a déclaré, mercredi, le jeune chancelier à l'issue d'un rendez-vous avec Horst Seehofer. «À notre avis, il faut un axe des volontés dans la lutte contre l'immigration illégale», a-t-il poursuivi en conseillant de «ne pas attendre la catastrophe, comme en 2015, pour réagir».
Fracture européenne
Sebastian Kurz a été élu fin décembre à la tête d'une coalition avec l'extrême droite sur un programme de rupture avec la politique d'ouverture incarnée par la chancelière il y a trois ans. Horst Seehofer est prêt à rejoindre cet axe anti-Merkel. Le ministre de l'Intérieur allemand s'est d'ailleurs entretenu cette semaine au téléphone avec son homologue italien, le leader de Ligue du Nord, Matteo Salvini, qu'il a invité à Berlin. Les deux hommes partagent les mêmes points de vue, a assuré le ministère de l'Intérieur allemand. Matteo Salvini veut fermer la porte de l'Europe aux migrants.
La fracture européenne sur la question migratoire traverse le gouvernement allemand. Angela Merkel et Horst Seehofer ont engagé un bras de fer qui menace même la coalition CDU/CSU-SPD. Face à l'opposition de la chancelière, le ministre a dû annuler la conférence de presse qu'il avait prévu mardi pour présenter son «plan» contre l'immigration. La chef du gouvernement allemand en conteste l'une des mesures principales.
Le ministre de l'Intérieur voudrait notamment rendre possibles des reconduites à la frontière des réfugiés qui n'ont aucune chance d'obtenir l'asile en Allemagne parce qu'ils auraient déjà été enregistrés dans un autre État membre. Soutenu par le camp conservateur au Bundestag, Horst Seehofer refuse d'amender ses positions. Il craint la concurrence de l'AfD lors des élections régionales d'octobre en Bavière. Mais il a promis qu'une solution serait trouvée cette semaine avec Angela Merkel, qu'il devait rencontrer mercredi soir.
«L'Europe est dans une situation fragile et il est important que l'Allemagne n'agisse pas unilatéralement» 
Angela Merkel
La nouvelle crise migratoire s'est imposée au menu des discussions européennes. L'Autriche s'apprête à prendre au 1er juillet la présidence de l'Union et Sebastian Kurz est décidé à durcir la politique migratoire. Il voudrait par exemple créer des centres pour réfugiés à l'extérieur de l'Europe. Mercredi, il ne s'est toutefois pas aventuré à commenter la proposition de Horst Seehofer sur les reconduites à la frontière qui toucherait, de fait, son pays. «L'essentiel, a-t-il dit, est de rendre moins attractif» pour les migrants de traverser l'Europe pour se rendre en Allemagne ou en Autriche.
Face aux populistes et à son ministre CSU, Angela Merkel plaide pour une solution européenne «durable». «L'Europe est dans une situation fragile et il est important que l'Allemagne n'agisse pas unilatéralement», a-t-elle expliqué mercredi soir sans citer explicitement les plans de Seehofer. Dans l'entourage de la chancelière, on craint que des mesures nationales n'entraînent des effets dominos néfastes. La chancelière souhaiterait une répartition par quota des demandeurs d'asile au sein de l'Union. Comme les autres leaders européens, elle insiste aussi pour un renforcement des frontières extérieures de l'UE.
Même si elle a progressivement durci la politique d'asile de l'Allemagne depuis 2015, Angela Merkel continue d'incarner aussi une volonté d'intégration dans le pays. Mercredi, elle a notamment visité un projet d'intégration par le sport pour jeunes filles d'origine étrangère. «Je pense qu'il est bon que tout le monde puisse y participer, et pas seulement celles qui sont bonnes, et que tout le monde ait une chance ici», s'est-elle réjouie.

La rédaction vous conseille :


Ça vient de sortir: l’accueil obligatoire des « errants » - Le droit moral supranational contre l'Etat de droit Par Jacques Billard  - 27 août 2018
"Marche solidaire pour les migrants", Paris, juin 2018. SIPA. 00864117_000051

Pour saper les fondements de l’ennemi, comprenez l’Etat et les démocraties libérales, un nouveau genre de marxistes tente d’imposer un droit supranational. Dernière saillie en date: celle d’Etienne Balibar, dans Le Monde, qui veut instaurer un « droit international de l’hospitalité ».

Après avoir longtemps enseigné que le droit n’était qu’une superstructure au service de la classe dominante pour soumettre les classes exploitées, voilà maintenant que la gauche marxiste ou post-marxiste retourne sa veste et utilise le droit comme arme principale pour contraindre l’adversaire, adversaire qui n’est plus la bourgeoisie, mais l’État.
La nouvelle stratégie consiste donc à réclamer une loi afin qu’en la respectant, l’État devienne l’instrument de sa propre destruction. La France est déjà l’un des pays qui produit le plus de lois, notamment morales, quoiqu’elle soit également le pays où les lois sont le moins respectées. Exemple de loi morale récente (2016) : il faut protéger les prostituées, on n’interdit pas la prostitution. Mais il faut y mettre fin : on interdit l’achat « des services sexuels ». Le résultat, qui était prévisible, est désastreux, comme toujours lorsqu’il s’agit de lois morales. Le Parlement qui vote ces lois sait très bien que beaucoup d’entre elles sont nuisibles, mais il faut les voter pour satisfaire une opinion publique travaillée par les médias.
Protéger les « passeurs d’humanité »
On peut voir un bon exemple de ce mécanisme de préparation de l’opinion publique dans une intervention récente du philosophe Étienne Balibar publiée par Le Monde. Il y réclame, au bénéfice des migrants, renommés « errants », une réglementation internationale calquée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, « obligeant les États » – entendez ceux de l’Union européenne et surtout la France. Obligeant à quoi ? À accueillir les « errants » ? Oui, mais… non. Pas à accueillir, mais à respecter les droits des « errants » à n’être pas refoulés. Saluons ici l’artiste dans sa maîtrise rhétorique et l’on comprend qu’à ce niveau de compétence les universités américaines l’aient déjà coopté !
Ce n’est pas tout. Accueillir les « errants », mais aussi protéger ceux qui les aident et qu’on appelle maintenant les « passeurs d’humanité ». Grandiloquence ! On se demande bien de qui il peut s’agir, surtout dans un discours prononcé dans la vallée de la Roya. Cédric Herrou ?
A lire aussi: Éloge de la frontière
Ce n’est toujours pas tout, car le droit d’émigrer ne doit pas s’opposer à un autre droit tout aussi essentiel, celui du « droit au retour ». Car la défense des « errants » ne doit pas faire passer au second plan la défense des Palestiniens de Gaza, qui doivent pouvoir rentrer chez eux, en Israël.
Tour de passe-passe 
Et puis il faut veiller à rester subtil, faute de quoi on risque de se faire démasquer. D’où la dose d’amphigouri : il s’agit d’un droit « de » l’hospitalité et non d’un droit « à » l’hospitalité, de sorte que l’obligation d’accueillir soit une conséquence de principes humanitaires universellement reconnus, du moins chez nous. On ne demande donc pas directement d’accueillir, ce qui serait rejeté par les populations, mais d’adopter un droit dont les conséquences seraient l’accueil. Puisque vous êtes d’accord pour A et que A entraîne B, alors vous êtes d’accord pour B. Voilà une bonne stratégie, toute syllogistique, pour détruire les démocraties libérales en retournant contre elles les principes sur lesquels elles sont construites.
Nos marxistes continuent donc leur combat non plus par la lutte des classes devenue impossible, mais en utilisant les points faibles de l’État de droit : l’autorité de la loi et le respect des droits de l’homme. Le monde islamiste l’avait déjà bien compris qui exige des démocraties libérales ce qu’elles doivent donner en vertu de ses lois, mais que lui-même doit refuser en vertu des siennes. D’où l’islamo-gauchisme où islamistes et marxistes se retrouvent dans un adversaire commun alors qu’ils sont, idéologiquement, à l’opposé l’un de l’autre.
Droit moral, mode d’emploi
Mais revenons au texte du Monde, exemplaire dans sa manœuvre, par le moyen utilisé. Ce moyen, c’est le droit fondé sur le sentiment moral. Suivons l’argumentation.
  1. Éveil du sentiment moral par la mise en avant de la souffrance individuelle. Voilà qui appelle une loi. C’est ainsi que la morale se substitue à la politique. Car qui peut accepter la souffrance ? Qui peut refuser de venir la soulager ?
  2. Un tour de passe-passe concernant l’État. On en fait une entité indépendante, sans lien avec le suffrage universel. Or, justement, ce ne sont pas les États qui renâclent à propos de l’immigration, mais les peuples ! Les États, eux, seraient plutôt favorables à une immigration massive, à la fois pour la maîtrise des salaires et pour apporter une solution aux questions démographiques. Les peuples sont en revanche plutôt réticents à une telle immigration, surtout lorsqu’elle est massivement islamique, apportant d’autres us et coutumes. Mais de cela, pas un mot.
  3. Pas un mot non plus sur le phénomène lui-même de la migration, ici renommé, subtilement, « errance ». Il y a dans l’humanité, nous explique-t-on, une partie errante. Pourtant, il est facile de se rendre compte que ces personnes n’errent pas du tout. Elles savent d’où elles viennent et où elles veulent aller, jusqu’à refuser d’être débarquées dans un pays qui n’est pas celui qu’elles souhaitent. Et elles ne sont pas des apatrides (problème qu’il fallait résoudre par la Déclaration de 1948).
  4. Pas un mot non plus sur les États d’origine, lesquels, généralement, refusent de reprendre leurs propres nationaux. Ni non plus sur les guerres qui sévissent dans ces pays. Il nous est simplement commandé de faire les frais des Seigneurs de guerre, massacreurs de populations des pays africains ou du Proche Orient. Ni non plus sur les dommages que cette migration cause à certains pays d’émigration. Ni non plus sur les stratégies migratoires ou fantasmes de conquête par le déferlement migratoire qu’il est pourtant facile de percevoir derrière tous ces mouvements.
  1. Dernière étape : la culpabilisation des populations des pays d’accueil, auxquelles on va reprocher de ne pas respecter la dignité et la sécurité des « errants »: l’article parle d’ « un droit de l’hospitalité, dont le principe est que les errants (et ceux qui leur portent secours) peuvent obliger l’État ‘souverain’ lui-même, de façon que leur dignité et leur sécurité ne soient pas, comme aujourd’hui, systématiquement foulées aux pieds. »
Je dis ça, je dis rien
On croyait qu’en Europe, tout au moins, cette question ne se posait pas. Dans nos pays, qui sont des États de droit, les migrants sont traités conformément aux lois républicaines et démocratiques. Ils sont défendus par des associations qui ne sont nullement interdites et sont correctement entendus par des juges qui peuvent contraindre l’administration, ce dont, par ailleurs, ils ne se privent pas. En fait, la manœuvre consiste à laisser entendre que la souffrance des migrants est moins le fait des pays traversés, comme la Libye, mais bien de la France ou de l’Italie qui ne font rien pour les en sortir. Nous sommes ainsi coupables des exactions libyennes, aussi est-ce à nous de réparer ces souffrances.
On notera au passage que le mot souverain est entre guillemets, pour laisser entendre que les États sont abusivement souverains. Mais sans vraiment le dire, car c’est une telle contre-vérité qu’il serait alors facile de le voir. Les États sont évidemment souverains, d’une souveraineté qui, chez nous, leur a été déléguée par un vote constitutionnel des peuples. Mais si on le disait, on verrait aussitôt qu’aucune loi supranationale n’a de valeur supérieure à la décision nationale et la manœuvre tournerait court. Or la loi supranationale vise à empêcher l’expression démocratique pour imposer aux peuples des mesures dont ils ne veulent pas. Elle ne sert qu’à cela.
Les experts présidents
Laissons là cette intervention bien relayée par le journal Le Monde pour remarquer que le droit évolue spontanément vers une forme de pouvoir confiée à des experts. Toujours. Le professeur Balibar, premier de la classe, reçu premier à l’agrégation, ne manque pas de saluer au passage un autre expert, Jacques Rancière, reçu second à cette même agrégation. À eux deux, à eux tous, on n’a plus besoin du suffrage universel. Les experts sont là, et veillent à tout pour nous. Voici le Conseil constitutionnel qui tente de donner un sens normatif à la « fraternité ». Voici le Comité des droits de l’homme de l’ONU qui reproche à la France ses décisions dans l’affaire Baby Loup.
Le droit supranational ? C’est la fin de la démocratie puisque les lois les plus importantes n’émanent plus du peuple, mais des experts. C’est aussi la fin de la République, car rien n’est plus dangereux pour les libertés que ces lois morales.
Mais lorsqu’on n’est plus en république (État de droit) à fondement démocratique (suffrage universel), on est en… théocratie – car c’est l’une ou l’autre – et ces experts ne sont guère plus que les grands prêtres inspirés.

Price: EUR 18,00
4.1 étoiles sur 5(4 customer reviews)
19 used & new available from EUR 5,86



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

sauvergarder sitamnesty

https://web.archive.org/web/20190507024549/https://sitamnesty.wordpress.com/europe-2083/ https://web.archive.org/web/20190828001705/https...