lundi 10 septembre 2018

L’islam dans le terrorisme islamique (Ibn Warraq)

IBN WARAQ
Selon Ibn Warraq, la cause du terrorisme islamique réside dans la théologie islamique (en particulier les concepts de «djihad» et «l’obligation au bien et l’interdiction du mal») et dans l’histoire islamique, qu’il examine de près. 
Ceci est corroboré par ce que les islamistes eux-mêmes nous disent, d’où l’examen approfondi par Ibn Warraq des écrits des principaux penseurs islamiques du passé, comme Ibn Taymiyya, et des militants modernes, de Mawdudi à Khomeiny.
Sommaire
1 Fausses causes premières
2 Explications du terrorisme islamique
3 Marx, Freud, et Darwin parmi les djihadistes
4 Les doctrines islamiques comme facteurs motivants
5 Djihad : définitions, descriptions et discussions
6 Djihad : théorie et pratique

7 Les buts du djihad : Apocalypse et Conversion
8 Les campagnes de Mahomet et les premières conquêtes
9 Les premiers terroristes ? Les Kharijites, violence, et exigence de purifier l’Islam de ses déviations impies
10 Sahl ibn Salama, Barbahari et la Bida : Violence religieuse aux neuvième et dixième siècles à Bagdad
11 Violence religieuse à Bagdad entre 991 et 1092
12 Ibn Taymiyya
13 Le mouvement Qazidadeli au dix-septième siècle à Istanbul
14 Ibn Abd Al-Wahhab : Un renouveau et une réforme du dix-huitième siècle
15 Sayyid Abu l-Ala Mawdudi
16 Le Brigadier S.K. Malik et la conception coranique de la guerre
17 Hassan Al-Banna et la Fraternité Musulmane
18 Le Grand Mufti Hadj Amin Al-Husseini et les nazis
19 Sayyid Qutb
20 Muhammad Abd Al-Salam Faraj et le Devoir négligé
21 Abdullah Azzam et la Défense des terres islamiques
22 Ayman al-Zawahiri et les Chevaliers sous l’étendard du Prophète
23 L’Ayatollah Ruhollah Khomeiny et la révolution iranienne
24 Conclusion : « La vie de l’Oumma islamique dépend seulement de l’encre des savants et du sang des martyrs 


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Présentation :
Ibn Warraq aborde plusieurs idées fausses concernant la cause du terrorisme islamique. Beaucoup de chercheurs refusent de prendre en compte les croyances des terroristes et beaucoup semblent penser que le « terrorisme islamique » n’a émergé que depuis une quarantaine d’années. De nombreux analystes pensent que les Etats-Unis ont été ciblés en raison de leur politique étrangère, alors que d’autres affirment que nous devons en extraire les causes profondes, essentiellement socioéconomiques, la pauvreté étant l’explication favorite. Ibn Warraq, d’autre part, soutient que nous devons prendre au sérieux les croyances des djihadistes. Les actes de l’EI, des Talibans ou de tout autre groupe djihadiste ne sont pas des actes de violence au hasard commis par une foule de vandales psychopathes, frustrés et appauvris, mais des opérations soigneusement planifiées et stratégiques qui font partie d’une longue campagne menée par des musulmans instruits et riches qui souhaitent instaurer un Etat islamique basé sur la charia, la loi sainte islamique dérivée du Coran, de la Sunna et des Hadiths. Le terrorisme islamique n’a pas non plus émergé, ex nihilo, au cours des quarante dernières années. Depuis sa fondation au VIIème siècle, des mouvements violents sont apparus, cherchant à faire revivre le véritable islam, que ses membres avaient l’impression d’avoir négligé dans les sociétés musulmanes qui ne respectaient pas les idéaux des premiers musulmans. Ainsi, selon Ibn Warraq, la réponse à la cause du terrorisme islamique réside dans la théologie islamique (en particulier les concepts de « djihad » et « l’obligation au bien et l’interdiction au mal ») et dans l’histoire islamique, qu’il examine de près. Ceci est corroboré par ce que les islamistes eux-mêmes nous disent, d’où l’examen approfondi par Ibn Warraq des écrits des principaux penseurs islamiques du passé, comme Ibn Taymiyya, et des militants modernes, de Mawdudi à Khomeiny.
L’auteur : IBN WARRAQ, a étudié l’arabe et le perse à l’Université d’Edimbourg et il est l’auteur à succès de Pourquoi je ne suis pas un musulman (1995). Ce livre était un avertissement à l’Occident sur les dangers de l’islam politique et du multiculturalisme. Depuis 1998, Ibn Warraq a publié plusieurs livres sur la critique coranique et sur les origines de l’islam (par exemple, The Origins of the Koran, 1998, The Quest for the Historical Muhammad, 2000, What the Koran Really Says, 2002, Which Koran?, 2011 et Christmas in the Koran, 2014). Son livre Defending the West. A Critique of Edward Said’s Orientalism, 2007, a été décrit comme « un travail glorieux d’érudition, et il contribuera puissamment à moderniser la façon dont nous pensons à la civilisation occidentale et au reste du monde ». Dans Why the West is Best (2011), Ibn Warraq défend à nouveau la civilisation occidentale et cherche à regagner la confiance en soi civilisationnelle occidentale et à alléger le fardeau occidental de culpabilité sur l’esclavage et le colonialisme en soulignant que la civilisation islamique était plus esclavagiste, plus colonialiste and a détruit de nombreuses cultures quand il a imposé l’Islam. L’Occident, quant à lui, a été le premier à abolir l’esclavage et à préserver et encourager l’étude des cultures non occidentales.
Ibn Warraq est actuellement chercheur principal au Westminster Institute, en Virginie, aux États-Unis.
Citation : « Ibn Warraq exemplifie les qualités rarement combinés du courage, de l’intégrité et de l’intelligence.  » Bernard Lewis, Professeur émérite des Etudes du Moyen-Orient à l’Université de Princeton.

Extrait

Chapitre 18
Le Grand Mufti Hadj Amin Al-Husseini et les nazis
Dans NAZIS, ISLAMISTES, and the Making of the Modern Middle East (« Nazis, islamistes, et la fabrication du Moyen-Orient moderne », 2014), Barry Rubin et Wolfgang Schwanitz soutiennent de façon convaincante que le Grand Mufti Hadj Amin Al-Husseini (1895-1974) a été une importante figure dans la fondation des politiques arabes et islamiques modernes, qui « a joué un rôle central dans la persistance du mouvement islamiste dans les années 1950 et 1960, lui permettant dans les années 1970 de dominer en Iran, Turquie, une grande partie du monde arabe au début du vingt-et-unième siècle »[1]. Cela suffit à inclure Al-Husseini dans cette étude, mais sa collaboration avec les nazis, mal interprétée par des récents spécialistes comme Matthias Küntzel[2], doit aussi être prise en considération.
Des historiens comme Küntzel affirment que l’antisémitisme islamique moderne dérive entièrement de celui des nazis. Mais comme Rubin et Schwanitz le répètent, Al-Husseini et les islamistes ultérieurs comme Al-Banna, Sayyid Qutb, l’Ayatollah Khomeiny, avaient tous leurs propres contextes, traditions et doctrines pour développer leur antisémitisme. Al-Husseini appelait au génocide avant même que le gouvernement nazi le lance. Son appel de 1937 à tous les musulmans du monde les pressait de débarrasser leurs pays des Juifs, et il a été traduit en allemand en 1938. Préconisant l’usage de la force contre tous les Juifs du Moyen-Orient, Al-Husseini à la fois donnait sa version de la doctrine hitlérienne et lançait les arguments antisémites utilisés par les nationalistes arabes et islamistes jusqu’à ce jour. Un demi-siècle après, chaque discours et sermon du Hamas, du Hezbollah, du régime iranien, des Frères Musulmans, et d’Al Qaida, font échos aux principaux points du Grand Mufti dans sa déclaration[3].
Dans leur analyse, Rubin et Schwanitz expliquent qu’Al-Husseini « combinait la haine islamique traditionnelle contre les Juifs avec des arguments inspirés de concepts politiques modernes »[4]. Il citait constamment le Coran, la Sira et les hadiths pour étayer ses assertions : les Juifs sont maudits et mauvais, ils ont été expulsés d’Egypte car ils exploitaient le peuple égyptien ; (citant Al-Tabari) ils ont tenté de tuer Moïse ; ils ont été punis par Dieu pour leurs péchés ; ils donnent des maladies ; ils haïssaient, ont tenté de discréditer et finalement d’empoisonner Mahomet ; ils sont là pour détruire l’Islam. La diatribe du Grand Mufti se conclut ainsi :
Je présente à mes frères musulmans du monde entier l’histoire et la vraie expérience que les Juifs ne peuvent nier. Les versets du Coran et hadiths prouvent que les Juifs ont été les pires ennemis de l’Islam et continuent de tenter de le détruire. Ne les croyez pas. Ils ne connaissent que l’hypocrisie et la ruse. Levez-vous, combattez pour la foi islamique, combattez pour votre religion et votre existence ! Ne vous reposez pas tant que votre pays ne sera pas débarrassé des Juifs. N’acceptez pas le plan de division, car la Palestine a été une terre arabe pendant des siècles et doit le rester[5].
Rubin et Schwanitz concluent : « Il est faux de voir Al Husseini et ses amis radicaux comme important l’antisémitisme d’Europe ou étant influencés par les nazis. Les idées des deux groupes se sont développées indépendamment au cours de leurs propres histoires et cultures politiques. Les deux côtés se sont retrouvés sur la base d’intérêts et d’une vision similaire du monde[6].
3 Rubin and Schwanitz, Nazis, Islamists, 94–95.
4 Ibid., 95.
5 Andrew G. Bostom, The Mufti’s Islamic Jew-Hatred: What Nazis Learned from the ‘Muslin Pope’ (Washington, DC: Barvura Books, 2013), 25–33.
Dans un discours d’octobre 1944 aux imams de la division SS bosniaque combattant pour les nazis, Al Husseini a déclaré : « Près d’un tiers du Coran concerne les Juifs. Le Coran appelle tous les musulmans à se protéger des Juifs et à les combattre où qu’ils les rencontrent »[7].
Al Husseini, l’Islam, et la violence
Dans l’ensemble, le rôle d’Al-Husseini comme le père des mouvements arabes radicaux violents a été négligé parce qu’il s’est allié avec les nazis et les vaincus de la Deuxième Guerre Mondiale, et a été impliqué dans l’humiliante défaite des Arabes contre les Israéliens en 1948. Il a été trop étroitement identifié avec la cause palestinienne, alors qu’il était en fait le chef des forces arabes radicales, aussi bien islamistes que nationalistes. Quand les nationalistes prirent le pouvoir, l’action d’Al-Husseini pour maintenir l’entente des deux factions était encore oubliée. Et, comme noté ci-après, Al-Husseini a assuré le maintien du fondamentalisme musulman dans les années 1950 et 1960, et son essor dans les années 1970[8].
Des musulmans de beaucoup de pays islamiques reconnurent l’autorité d’Al-Husseini et vinrent lui donner allégeance à Jérusalem, sa base personnelle. Il était en contact étroit avec les Frères Musulmans par Muhammad Mustafa Al-Maraghi. En 1931, Al-Husseini organisa le Congrès Général Islamique à Jérusalem, ce qui aboutit à la formation du Congrès Islamique Mondial et à son élection comme président. Beaucoup de branches internationales envoyèrent des fonds au bureau central de Jérusalem.
Au début, al-Husseini avait pour priorité l’établissement d’un état unifié fort qui serait à la fois nationaliste et islamiste et, jouant sur les deux tableaux, gagnerait le soutien d’un public orienté vers la religion et qui n’était pas prêt à accepter un nationalisme séculier. Il persuada aussi les nazis qu’il était le chef du monde musulman et des Arabes. La plus significative tactique d’Al-Husseini et des groupes radicaux à ce stade « était de faire du militantisme un test pour la légitimité. La tendance la plus extrême devenait le courant légitime ; n’importe quoi de plus modéré était présenté comme trahison de l’Islam et du peuple arabe. Usant de ce principe, Al-Husseini et ses alliés pouvaient faire chanter et intimider les gouvernements arabes, les menaçant de discréditer ou même assassiner quiconque recherchait un compromis avec l’Occident ou s’opposait à leurs buts »[9].
Al-Husseini était aussi capable d’imposer sa volonté sur la façon dont la cause palestinienne devait être conduite. Lui et ses alliés étaient à présent en mesure d’influencer et galvaniser les masses par des sermons dans les mosquées, des discours vibrants, « des menées intimidantes et des démonstrations »[10] Al-Husseini diabolisait les Britanniques et les Américains, les présentant comme des ennemis de l’Islam et en même temps convaincant ses partisans que l’Allemagne allait bientôt dominer le monde. Le résultat fut une alliance des Arabes palestiniens, des nationalistes syriens et irakiens, et des islamistes égyptiens avec le régime hitlérien.
Alors que l’alliance entre les empires allemand et ottoman « avaient été nouée pour défendre le statu quo dans l’Empire Ottoman en détruisant les colonies de leurs rivaux, la nouvelle alliance entre nazis et nationalistes arabes… cherchait une politique révolutionnaire et des changements sociaux partout dans le Moyen-Orient »[11]. Les radicaux, avec leur intransigeance et leur violence, étaient bien sûr en désaccord avec les politiciens modérés et les leaders qui doutaient qu’une ligne dure puisse réussir, mais Al-Husseini pensait qu’il pouvait gagner parce qu’Allah était du côté des musulmans. Cela montre comment l’influence tactique d’Al-Husseini et ses camarades pouvait déterminer le futur du Moyen-Orient : « L’approche basique d’Al-Husseini et ses camarades continua avec des leaders tels que Nasser, Arafat, la famille Al-Assad, Kadhafi, Saddam Hussein, et Ben Laden, aussi bien qu’avec des islamistes iraniens comme Khomeiny et Mahmoud Ahmadinejad »[12].
Al-Husseini a posé l’arrêt de l’exode des Juifs d’Allemagne comme une condition pour son soutien à Hitler, et négocié dans le même sens avec les alliés – toute émigration d’Allemagne se serait dirigée vers la Palestine. Les Britanniques devaient arrêter toute immigration de Juifs vers la Palestine aussi bien, en vue de garder le soutien ambigu du Grand Mufti et des Arabes. Al-Husseini, dès lors, peut être justement tenu responsable de son rôle dans l’Holocauste.
L’Allemagne nazie a mené une campagne bien organisée au Moyen-Orient, pressant les élites des divers pays à nourrir des sentiments pro-nazis et antisémites. « A Beyrouth, à Bagdad, au Caire, à Jérusalem, à Kaboul, à Téhéran, Tripoli et Tunis, les branches locales du Parti Nazi ont coordonné les services de renseignement de l’Armée et des SS, les hommes d’affaires, et les universitaires, pour étendre l’influence du régime hitlérien. Il y avait aussi des cellules du Parti Nazi à Alexandrie et Port Saïd, Haïfa et Jaffa ; et Adana, Ankara, Istanbul, et Izmir »[13]. C’était la politique nazie que de subventionner et utiliser idéologiquement les groupes islamistes et nationalistes comme les Frères Musulmans, le groupe fasciste Jeune Egypte, les forces d’Al-Husseini en Palestine, et divers autres groupes en Syrie et Irak.
En Iran, un des étudiants bénéficiaires de l’enseignement allemand était Nawab Safavi, devenu par la suite le principal leader islamiste radical et le plus proche allié d’Al-Husseini. Mais c’est en Irak que l’Allemagne obtint la plus grande influence, parce que les nationalistes de ce pays espéraient une aide pour développer leur économie. Travaillant pour l’Abwehr, le service de renseignement de l’armée allemande, Al-Banna a reçu environ mille livres égyptiennes par mois à partir de 1939, et peut-être plus tôt, du service de renseignement au Caire[14].
En juin 1940, alors que la guerre semblait tourner en faveur de l’Allemagne, Al-Husseini écrivit à Franz von Papen, l’ambassadeur d’Allemagne en Turquie, lui proposant son soutien. Contrairement aux nationalistes, Al-Husseini rêvait d’un califat islamique avec lui-même comme calife dirigeant l’Oumma islamique. Son but à court terme était la création d’un était complètement indépendant comprenant la Syrie, le Liban, la Palestine, la Jordanie, et l’Irak, qu’il dirigerait. Ayant déjà créé un réseau populaire dans le monde arabe et dans les pays musulmans plus à l’est, Al-Husseini avait réussi à unir, pour un temps, les nationalistes et les islamistes[15].
En mars 1941, Hitler accepta Al-Husseini comme le leader de facto des musulmans de tout le Moyen-Orient, et en conséquence donna son total soutien au Grand Mufti, vantant les Arabes comme une ancienne civilisation. Les Allemands donnèrent à Al-Husseini cent mille recihsmarks[16], et vingt mille de plus chaque mois payé également par l’Allemagne et l’Italie[17].
Les forces pro-allemandes avaient alors le vent en poupe au Moyen-Orient. Le Baas, un parti nationaliste pan-arabe étroitement inspiré du modèle fasciste, avait été fondé en novembre 1940. L’ouvrage antisémite de 1930 d’Alfred Rosenberg, Le mythe du vingtième siècle (Der Mythus des 20. Jahrhuderts), ayant influencé les fondateurs du parti.
Comme Rubin et Schwanitz le soulignent, pour Hitler et Al-Husseini les Juifs étaient les archi-méchants, responsables du triste état de leurs pays et civilisations respectifs.
Pour les islamistes, leur hostilité à l’encontre des juifs et autres infidèles s’enracinait dans leur lecture des textes idslamiques, mais ils identifiaient le moment clé (pour leur récent déclin) comme la décision de 1924 d’abolir le califat. Ignorant que ce système n’avait pas fonctionné pendant des siècles, Al-Husseini arguait que dissoudre le seul lien de l’Islam était suicidaire, spécialement dans le contexte de ses conflits avec les démocraties anglo-américaines et leurs « défenseurs juifs ».
….
… Donc, tandis qu’Hitler et les nazis blâmaient les Juifs pour le sort des Allemands et généralement des « Aryens », Al-Husseini et les nationalistes et islamistes radicaux faisaient la même chose concernant le sort des Arabes et des musulmans. Ils n’avaient pas besoin des nazis pour leur enseigner cette idée. Ils avaient déjà inventé des histoires à partir de leurs propres traditions religieuses, culturelles et historiques[18].
Al-Husseini sollicita l’aide d’Hitler pour détruire les Juifs en Palestine, et il le supplia d’empêcher les Juifs de quitter l’Allemagne. Hitler avait permis à 537.000 Juifs de quitter le pays entre 1933 et 1941, mais avec la rhétorique antisémite d’Al-Husseini et son insistance pour éliminer les Juifs « fraiche dans ses oreilles », Hitler décida de préparer « la solution finale de la question juive »[19].

Un vrai héros de l’Islam radical
Après la guerre, Al-Husseini échappa aux poursuites comme criminel de guerre parce que les régimes occidentaux estimaient que de telles poursuites gêneraient leur géopolitique au Moyen-Orient. Les Frères Musulmans, et le reste du monde musulman, le considéraient comme un vrai héros musulman à cause de passé radical. Hassan Al-Banna écrivit :
Un grand accueil doit lui être réservé où qu’il aille, en reconnaissance de ses grands services pour la gloire de l’Islam et des Arabes… Quel héros, quel homme prodigieux ! Nous souhaitons apprendre que la jeunesse arabe, les ministres, les hommes riches, et princes de Palestine, Syrie, Irak, Tunisie Maroc et Libye seront dignes de ce héros. Oui, ce héros qui a défié un empire et combattu le sionisme, avec l’aide d’Hitler et de la l’Allemagne. L’Allemagne et Hitler ne sont plus là, mais Amin Al-Husseini continuera la lutte[20].
Après être revenu en Egypte, Al-Husseini continua ses luttes au nom de l’Islam avec des Arabes qui avaient été des collaborateurs des nazis et lui servaient à présent de chefs militaires tels Al-Qwuqji, Abdelkader Al-Husseini, et Salama. En 1939 les nazis avaient envoyé aux Arabes quelques armes qui furent dissimulées dans le désert égyptien. Elles furent récupérées par Al-Husseini avec l’aide des Frères Musulmans, et utilisées pour entrainer les troupes de la Guerre Sainte (al-djihad al-muaqaddas), organisées par Abdelkader, qui avait combattu en Irak comme pro-nazi, dans un camp d’entrainement secret près de la frontière libyenne.
Abdelkader fut tué à la tête de la principale armée d’Al-Husseini en Palestine dans la guerre de 1948, mais Al-Husseini continua à intimider les dirigeants arabes pour leur faire accepter sa position sans compromis : « Comme Al-Husseini et son propre mouvement, beaucoup des forces poussant à l’intransigeance et à la guerre pour la Palestine vinrent aussi du même mouvement radical et islamiste qui avait coopéré avec les nazis : les Frères Musulmans en Egypte et Syrie aussi bien que de militants nationalistes et islamistes en Syrie et Irak[21].
Après la terrible défaite arabe contre le nouvellement créé Israël en 1948, Al-Husseini consacra les vingt-cinq années suivantes à promouvoir l’islamisme radical pour prendre une revanche non seulement sur l’Occident et Israël, mais aussi sur les Arabes nationalistes. Il maintint le mouvement en vie, bien que férocement réprimé par ses anciens partenaires nationalistes radicaux, cherchant à susciter un mouvement islamiste radical mondial – un but qui ne semble plus inaccessible aujourd’hui. Al Husseini commença par fonder la Ligue de l’Appel au Djihad au Caire en 1951, qui relançait ses liens avec les Frères Musulmans et le fasciste Parti de la Jeune Egypte.
Efforts de consolidation
Al-Husseini était certainement derrière les assassinats de dirigeants modérés de Jordanie et du Liban qui voulaient établir une forme de paix avec Israël. Il aida aussi d’anciens nazis allemands, dont il réussit à convertir certains à l’Islam, à obtenir de nouvelles identités et emplois au Moyen-Orient (on a oublié qu’environ quatre mille Allemands impliqués dans des crimes de guerre se sont échappés vers le Moyen-Orient, trouvant un excellent accueil et du travail. Le nombre de criminels de guerre allemands échappés vers l’Amérique Latine est bien plus faible : entre 180 et 800).
Al-Husseini maintint ses contacts au Pakistan, où il a organisé des réunions annuelles de son Congrès Islamique Mondial de 1949 à 1952. En Iran, il consolida sa position avec des islamistes tels que Nawab Safavi, l’ex-agent nazi. Au Congrès Islamique Mondial de 1953 à Jérusalem est, Al-Husseini rencontra et encouragea les Iraniens Abd Al-Qasim Al-Khasani, le principal clerc islamique, et Safavi, chef du groupe islamiste radical, Fidaiyyun al-Islam. Il rétablit son amitié avec l’Egyptien Saïd Ramadan, qui travaillait avec Al- Husseini et les Frères Musulmans. Aussi présent, Sayyid Qutb, l’idéologue en chef des Frères Musulmans qui allait devenir le parrain de l’idéologie islamiste moderne.
Malgré un déclin à court terme des groupes islamistes, dû à l’exécution de Safavi, au retrait de Kashani de la politique, et à l’emprisonnement puis l’exécution de Qutb, il était clair qu’Al-Husseini avait posé les bases de la révolution et de la violence, car « un des disciples de Kashani était Khomeiny ; l’exemple de Safavi a inspiré les groupes terroristes révolutionnaires en Iran… Les Frères Musulmans, leurs nombreuses branches encore plus radicales, et en fait tous les groupes révolutionnaires islamistes de la fin du vingtième siècle et du début du vingt-et-unième doivent énormément à la pensée innovante d’Al-Husseini et Qutb[22].
Juste au moment où les Frères Musulmans allaient dominer l’Egypte en 2011, Tariq Ramadan, l’intellectuel islamiste bien connu vivant et enseignant en Occident, publia une tribune dans le New York Times, affirmant que les Frères Musulmans et leur chef, son grand-père, n’avaient jamais été des collaborateurs des nazis. Il insistait même pour soutenir que les Frères Musulmans étaient antifascistes qui voulaient implanter « le modèle parlementaire britannique » dans les années 1930 et 1940. Mais Rubin et Schwanitz ont soigneusement établi autre chose :
Les Frères ont été clairement bien financés et armés par les nazis avant et pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Collaborant avec les Allemands et Al-Husseini, ils ont préparé un soulèvement pour soutenir la conquête de l’Egypte par l’armée allemande aussi bien que pour tuer les juifs et chrétiens du Caire. La seule cause de l’échec de ce complot a été que les Britanniques ont stoppé l’offensive des Allemands et obligé le Roi Farouk à remplacer les ministres pro-allemands dans son gouvernement. Une des faces de la campagne des Frères Musulmans pour se présenter en modérés au début du vingt-et-unième siècle a été la réécriture de leur histoire[23].
La coopération de Saïd Ramadan, qui comme déjà mentionné était le gendre de Hassan Al-Banna et le père de Tariq Ramadan, avec al-Husseini a été remarquée par la CIA en 1953. Ramadan fut agent d’Al-Husseini, transmettant des messages à l’Iranien Kashani Plus tard, Al-Husseini choisit Saïd Ramadan comme son successeur pour diriger les mouvements islamistes basés en Europe »[24]. Il était le protégé d’Al-Husseini, et pouvait hériter des « réseaux islamistes, base financière, et des supports institutionnels en Suisse et ailleurs »[25]. Al-Husseini fit de lui un membre du secrétariat de son Congrès Mondial Musulman. Ramadan se rendit en Syrie, où il continua de travailler pour Al-Husseini et les Frères Musulmans. Al-Husseini l’aida à financer son magazine Al-Muslimin un support pour les idées des Frères Musulmans syriens.
Quand les régimes nationalistes arabes commencèrent à réprimer les islamistes, ces derde propagande islamique, construisant des mosquées, fondant des instituts islamiques, et prenant le contrôle d’associations musulmanes et de journaux. Des décades d’activité inlassable de Saïd Ramadan ont abouti à ce qu’en 2000 beaucoup de communautés islamiques étaient conduites par des membres des Frères. Le premier soin de Ramadan fut de prendre contrôle de la mosquée de Munich construite par le Syrien d’origine Ali Ghalib Himmat et un Ouzbek, Nur ad-Din Namanjani. Quand Himmat la prit en charge en 1973, Ramadan était en mesure de fonder le Centre Islamique de Genève avec des fonds d’Arabie Saoudite. Un centre analogue apparut à Londres, mais celui de Munich restait le plus important pour l’islamisme et les Frères Musulmans en Allemagne de l’Ouest[26].
Le parallèle idéologique entre les nazis et les Frères Musulmans, et en fait tous les mouvements islamistes, est frappant, et corroboré par la collaboration des Frères Musulmans avec les nazis. Une comparaison des déclarations par les idéologues islamistes importants révèlent leurs ressemblances, et ceux d’Al Husseini. Par exemple, Sayyid Qutb a écrit :
Les Juifs étaient vraiment retournés au mal, donc Allah a donné aux musulmans le pouvoir sur eux. Les musulmans les ont donc expulsés de toute la Péninsule Arabique[27]… Alors les Juifs sont encore retournés au mal et conséquemment Allah encore contre eux d’autres de ses serviteurs, jusqu’à l’époque actuelle. Alors Allah a chargé Hitler de les dominer. Et une fois de plus les Juifs sont retournés au mal, sous la forme d’« Israël » pour le chagrin et le malheur des Arabes, possesseurs de la terre[28].
Pour beaucoup d’islamistes, l’Holocauste était une punition divine.

[1] Barry Rubin et Wolfgang G. Schwanitz, Nazis, Islamists, and the Making of the Modern Middle East (New Haven, Connecticut, Yale University Press, 2014), 87.
[2] Matthias Küntzel, Jihad and Jew-Hatred: Islamism, Nazism and the Roots of 9/11 (Djihad et haine des Juifs : islamisme et les racines du 9/11, New York, Telos Press Publishing, 2009).
[3] Rubin and Schwanitz, Nazis, Islamists, 94–95.
[4] 4 Ibid., 95.
[5] Andrew G. Bostom, The Mufti’s Islamic Jew-Hatred : What Nazis Learned from the ‘Muslim Pope’ (La haine des Juifs du Mufti : ce que les nazis ont appris du « pape musulman, Washington DC: Barvura Books, 2013), 25–33.
[6] Rubin et Schwanitz, Nazis, Islamists, 95.
[7] Cité par Bostom, Mufti’s Islamic Jew-Hatred, 19.
[8] Rubin and Schwanitz, Nazis, Islamists, 87.
[9] Ibid., 89.
[10] Ibid., 90.
[11] Ibid., 91.
[12] Ibid., 92.
[13] Ibid., 110.
[14] Ibid., 118.
[15] Ibid., 119.
[16] Dans les années 1930 un reichsmark valait 4,20 dollars.
[17] Ibid., 127.
[18] Ibid., 158, 159.
[19] Ibid., 162.
[20] Cité dans ibid., 199.
[21] Ibid., 201.
[22] Ibid., 206.
[23] Ibid., 234.
[24] Ibid., 233.
[25] Ibid., 248.
[26] Ibid., 249.
[27] Au temps de Mahomet et des tout premiers califes (NDT).
[28] Ronald L. Nettler, Past Trials and Present Tribulations : A Muslim Fundamentalist’s View of the Jews (Conflits passés et tribulations présentes, regard fondamentaliste musulman sur les Juifs, Oxford: Pergamon Press, 1987), 86–87; quoted in Rubin and Schwan­itz, Nazis, Islamists, 251.

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