mercredi 13 juin 2018

Islamisme et politique 11.06.2018



Alexandre Devecchio : Médine ou l'«idéologie antifrançaise» (11.06.2018)
Médine au Bataclan, Viv(r)e la République dit non.
L'Espagne va accueillir l'Aquarius avec 629 migrants à son bord (11.06.2018)
Irak, Libye, Iran... : quels enseignements tirer des précédents désarmements ? (11.06.2018)
«Pour que la France reste la France» : le RN parodie le tract polémique de LR (11.06.2018)

Gard : un principal de collège risque le licenciement après avoir dénoncé un viol entre élèves (11.06.2018)
Le concert du rappeur Médine au Bataclan fait polémique (11.06.2018)
Pierre Manent : «Les Européens s'imposent une apnée morale et sont incapables d'agir» (08.06.2018)
La taxe foncière risque de devenir accablante pour les propriétaires (10.06.2018)
Deux avocats de victimes du Bataclan vont demander l'interdiction du concert de Médine (11.06.2018)
Médine au Bataclan : «Affrontons nos adversaires sur le terrain des idées, pas au tribunal !» (11.06.2018)
Qu'est-ce que la neutralité du Net ? (11.06.2018)

Alexandre Devecchio : Médine ou l'«idéologie antifrançaise» (11.06.2018)
Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 11/06/2018 à 21h55 | Publié le 11/06/2018 à 21h25
FIGAROVOX/ANALYSE - Figure emblématique de la «génération Dieudonné», le rappeur qui se définit lui-même comme «islamo-caillera» est à la fois le produit et le promoteur d'une «idéologie antifrançaise» désormais dominante dans les territoires perdus de la République.
Son titre, Don't Laïk, sonnait comme un appel au meurtre. Paru une semaine avant le massacre de Charlie Hebdo, il y vociférait: «Crucifions les laïcards comme à Golgotha», ou encore: «J'mets des fatwas sur la tête des cons». Aujourd'hui, le rappeur Médine est programmé au Bataclan: dans la salle parisienne où 90 personnes ont péri le 13 novembre 2015 sous les balles des djihadistes. Un concert qui apparaît légitimement comme insupportable aux yeux de beaucoup de Français, à commencer par les familles des victimes. Et qui place les pouvoir publics face à un dilemme cruel. L'interdire, au risque, comme le souligne le Printemps républicain, d'offrir à Médine «une formidable occasion de s'ériger en victime de la censure et à tous les bataillons d'entrepreneurs identitaires de tirer à boulets rouges sur une France supposément “raciste” et “islamophobe”». Ou laisser faire et apparaître indifférent à la mémoire des morts du Bataclan et faible face aux discours islamistes.
Quoi qu'il en soit, cette polémique doit être l'occasion de regarder le «phénomène» Médine et son public en face. Car le rappeur n'est pas seulement coupable de bêtise crasse ou de simple «provocation», comme on peut le lire ici ou là. Figure emblématique de la «génération Dieudonné», celui qui se définit lui-même comme «islamo-caillera» est à la fois le produit et le promoteur d'une «idéologie antifrançaise» (Élisabeth Lévy) désormais dominante dans les territoires perdus de la République.
«J'ai eu la sensation d'être allé trop loin», reconnaissait-il à propos de la chanson Don't Laïk, tout en comparant ses détracteurs aux frères Kouachi. «En tentant de tuer le caractère caricatural et provoquant de mon morceau, vous ne faites ni plus ni moins la même chose, de façon symbolique, que ces deux bourreaux ont fait aux auteurs de Charlie Hebdo», osait-il dans L'Obs.
Deux concerts affichés complet
En vérité, ce titre s'inscrit dans un répertoire parfaitement cohérent idéologiquement. Plus subtile que son acolyte Booba, qui «enc… la France sans huile», Médine n'en crache pas moins sur cette dernière à longueur de chanson. Crâne rasé et barbe longue non taillée façon salafiste, ce Franco-Algérien, «sang-mêlé: un peu colon, un peu colonisé», s'est fait connaître avec le titre Alger pleure, dans lequel il donne sa version de la guerre d'Algérie. Les paroles sont éloquentes: «Pensiez-vous qu'on oublierait la torture?» ;«On n'oublie pas les djellabas de sang immaculées» ; «Et les sexes non circoncis dans les ventres de nos filles» ; «Et les centres de regroupement pour personnes musulmanes: des camps d'concentration au sortir de la seconde mondiale»…
Son premier album, en 2004, s'intitule, 11 septembre, récit du 11e jour. Il y dresse un parallèle entre les attentats du 11 Septembre, le conflit israélo-palestinien et les guerres d'Iraket du Vietnam. Une manière de renvoyer dos à dos les crimes des Occidentaux et ceux des terroristes islamistes.
Suivra en 2005, l'année des émeutes de banlieue, l'album, Jihad, le plus grand combat est contre soi-même, sur la jaquette duquel il pose un sabre à la main. Puis, entre autres, Arabian Panther (2008), en référence au mouvement révolutionnaire afro-américain des Black Panters, ou encore Prose Elite en 2017. Soutien de Dieudonné, et du suprémaciste noir «antiimpérialiste et antisioniste» Kémi Séba, ainsi que des Indigènes de la République, Médine baigne dans un imaginaire victimaire et postcolonial. À l'«Occident oppresseur», il oppose les «martyrs» de l'islam, dont il exalte la fierté et la combativité. Nourries de son ressentiment, ses chansons alimentent aussi celui de toute une jeunesse désintégrée. Plus dérangeant encore que son invitation à se produire au Bataclan est son succès auprès d'un certain public. Il est révélateur de l'aliénation profonde de toute une partie de la société et le symptôme de la sécession culturelle en marche dans les banlieues. C'est sur cette fracture que la polémique doit ouvrir les yeux des pouvoirs publics. Car, si la présence de Médine au Bataclan heurte spontanément la décence commune de la majorité des Français, les deux concerts du rappeur, prévus en octobre, affichent déjà complet.

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Médine au Bataclan,
Viv(r)e la République dit non.
A Viv(r)e la République, nous travaillons depuis des mois à unir celles et ceux qui pensent que tout ne se vaut pas. Que certains principes doivent envers et contre tout être défendus car ils sont les garants de notre unité au-delà de nos différences. C’est toujours cette volonté de protéger la cohésion nationale en la fondant sur des valeurs universelles qui guide nos actions.

Nous nous inscrivons dans l’histoire longue d’une civilisation qui a montré ce qu’elle pouvait donner de meilleur, sans pour autant faire l’impasse sur les insuffisances et parfois les fautes commises. Mais nous savons que notre modèle bien qu’imparfait est néanmoins celui qui offre les plus grandes libertés et la meilleure sécurité à ses concitoyens. Ceux qui passent leur temps à critiquer ses manquements sont des imposteurs qui ne souhaitent pas une amélioration de la condition humaine, mais sont avant tout guidés par un besoin de revanche et ne veulent le pouvoir que pour assouvir leur haine.
Revanche du noir sur le blanc, du religieux sur le laïque, du pauvre sur le riche, de l’Orient sur l’Occident... Ils ne comprennent la société que comme un terrain de jeu pour des conflits qu’ils nourrissent sans cesse.
C’est à cette aune que nous devons évaluer les diverses provocations de ces entrepreneurs identitaires, qu’il s’agisse de Rokhaya Diallo, Yassine Belattar, Houria Bouteldja ou le chanteur Médine.

Médine, dont la chanson Bataclan, pourtant écrite en 2018, n’est qu’un hymne à sa propre gloire, à sa réussite, oublie volontairement de quoi le Bataclan est devenu le symbole. Les victimes du 13 novembre 2015 sont niées, la salle est banalisée, cannibalisée par l’ego du chanteur. Médine qui appelle à crucifier les laïques dans l'une de ses chansons et qui aujourd’hui affiche son jihâd au fronton de la salle martyre qui a vu massacrer 90 femmes et hommes libres par une horde de sauvages fanatiques islamisés se moque encore de nous en faisant semblant de ne pas comprendre l’indécence de sa démarche. Quand on le voit poser barbu, le sabre servant à réaliser des égorgements formant le J de Jihad, l’air farouche et déterminé du combattant illuminé sur l’album du même nom, on se demande pourquoi vouloir imposer cela aux familles des victimes et à un pays traumatisé. Imaginerait-on un chanteur fan de l’iconographie nazie et aimant mettre en avant les symboles SS organiser un tour de chant à Auschwitz ? Là où plus de 90 personnes ont été tuées au nom d’une idéologie politico-religieuse clairement identifiée, va-t-on inscrire la référence à l’Islam le plus conquérant ? Car choisir le nom de Médine, quand on se revendique d’une foi intégriste, c’est mettre en avant le sabre plus que la paix, la foi qui purifie par les armes plus que celle qui recherche la conversion des cœurs.


Dans ces conditions, non, « The show must go on » n’est pas un viatique indépassable et banaliser l’horreur n’est pas un acte de résilience, c’est une façon de l’accepter et de permettre sa résurgence. Devant la mort, le massacre, la haine paroxystique, la musique n’est pas que réparatrice, ici elle ajoute l’indécence et le mépris à l’horreur.

Médine au Bataclan c’est une profanation et une humiliation pour les victimes et leurs familles comme pour nous, Français qui sommes encore debout. Dans quel autre pays du monde aurait-on accepté qu’un homme proche des islamistes, qui en banalise tous les codes symboliques, soit mis à l’affiche d’une salle où tant de nos compatriotes sont morts à cause de cette idéologie ? Dans quel autre pays du monde aurait-on accepté qu’un des meilleurs soutiens de l’organisation des Frères musulmans en France, vende sa salade de jihad comme « combat contre soi-même » sur les lieux mêmes où la réalité du jihad a montré ce qu’elle était : un souffle de mort, de haine et de feu. Médine nous prend pour des imbéciles, un peu comme un historien révisionniste qui tenterait de faire croire que l’inquisition n’était qu’un travail d’introspection intime mal compris par les contemporains de l’époque. Hélas le jihad, les spectateurs du Bataclan l’ont vécu le 13 novembre. Il avait le goût du sang de leurs proches et le bruit des éclats de rire des assassins quand ils achevaient les blessés.

Alors à Viv(r)e la République nous pensons impossible que ce chanteur se produise sur cette scène et dans cette salle outragée. Cela n’a rien à voir avec la liberté de l’artiste. Des salles où ce chanteur peut s’exprimer il y en a suffisamment sans que nous soyons obligés de supporter ce qui n’est rien d’autre qu’un affront, qu’une violence supplémentaire commise dans un espace symbolique, la volonté de nous dépouiller de toute dignité et d’empêcher tout recueillement. Symboliquement cela ressemble à une profanation : le massacre n’a pas suffi, il faut démontrer qu’il n’y a plus aucune limite et que non seulement l’impensable va se produire mais que ce sera à guichet fermé que certains piétineront le souvenir des morts.

Le groupe Lagardère, propriétaire de cette salle comme son directeur doivent prendre la mesure du symbole. Le Bataclan n’est plus et ne sera jamais plus une salle comme les autres. Elle a une histoire. Si Médine s’y produit, cela ne banalisera pas les lieux. De symbole de la violence jihadiste, la salle deviendra le symbole d’une société tellement en déliquescence que l’on peut en toute impunité cracher sur ses morts.
L'Espagne va accueillir l'Aquarius avec 629 migrants à son bord

  • Mis à jour le 11/06/2018 à 18:31
Bras de fer entre Malte et l'Italie à propos des navires de sauvetage de migrants
Après Rome, La Valette a refusé dimanche d'accueillir l'Aquarius, un navire de l'ONG SOS Méditerranée qui transporte à son bord plus de 600 migrants.
VIDÉO - Après Rome, La Valette a refusé dimanche d'accueillir l'Aquarius, un navire de l'ONG SOS Méditerranée qui transporte à son bord plus de 600 migrants. Ce lundi, l'Espagne s'est déclarée prête à accueillir le navire, qui doit débarquer «au plus vite», selon SOS Méditerranée.
Avec plus de 600 migrants à son bord, l'Aquarius dispose enfin d'un port. L'Espagne a annoncé ce lundi qu'elle était prête à prendre en charge le navire de l'ONG SOS Méditerranée, suite aux refus des gouvernements italien et maltais de l'accueillir sur leur territoire. Les quelque 629 migrants recueillis dans la nuit de samedi à dimanche à bord de ce navire (dont 123 mineurs isolés, 11 enfants en bas âge et 7 femmes enceintes) ont été secourus au large de la Libye. «Le président du gouvernement Pedro Sanchez a donné des instructions pour que l'Espagne honore les engagements internationaux en matière de crise humanitaire et a annoncé qu'elle accueillerait dans un port espagnol le navire Aquarius», a indiqué la présidence du gouvernement socialiste dans un communiqué, précisant que le port de Valence (sur la côte est) avait été choisi comme destination. Et d'ajouter: «Il est de notre obligation d'aider à éviter une catastrophe humanitaire et d'offrir un «port sûr» à ces personnes».
Le gouvernement Catalan a quant à lui annoncé qu'il était disposé à accueillir 10% des migrants de l'Aquarius. «Nous sommes disposés à accueillir 10% des personnes qui sont sur le bateau Aquarius. Nous l'avons transmis au gouvernement espagnol et au HCR. C'est une question de dignité humaine et de respect des droits de l'homme», a-t-il affirmé dans un tweet.
Le navire doit débarquer «au plus vite»
La proposition de l'Espagne, que SOS Méditerranée n'avait pas sollicitée, «est encourageante, cela montre qu'il y a des États sensibles à l'urgence humanitaire», a déclaré la directrice générale de l'association, Sophie Beau. À 15H10, l'Aquarius n'avait pas encore reçu l'ordre du centre de coordination des secours de Rome, compétent en la matière, de se diriger vers l'Espagne, et Mme Beau appelait à la prudence quant à l'annonce du gouvernement espagnol, qui s'est dit prêt à l'accueillir. «Il y a 1.300 kilomètres à parcourir» pour rallier la péninsule ibérique, a souligné la directrice générale de cette association de sauvetage des migrants en péril en mer: «Demain, on n'aura plus de nourriture sauf des biscuits énergétiques». Et d'ajouter: «Concrètement, il faut qu'on puisse débarquer au plus vite».
Bras de fer entre Malte et l'Italie
«VICTOIRE», a lancé, en majuscules, sur Twitter Matteo Salvini, patron de la Ligue (extrême droite) après ces deux jours de crise en Méditerranée. «De mémoire de citoyen, c'est la première fois qu'un bateau ayant secouru des migrants en Libye les débarquera dans un autre port qu'un port italien, c'est le signe que quelque chose est en train de changer», s'est-il félicité lors d'une conférence de presse à Milan. «Je veux mettre fin à ce trafic d'êtres humains», a encore affirmé le ministre de l'Intérieur italien, ajoutant que le «problème serait soulevé pour tous les navires qui suivront» l'Aquarius. «Nous avons ouvert un front en Europe», s'est-il enthousiasmé. «L'Italie n'est plus seule», a renchéri le chef de gouvernement italien, Giuseppe Conte, évoquant un «tournant important».
Le premier ministre maltais Joseph Muscat a, de son côté, indiqué que son pays allait envoyer des ravitaillements à l'Aquarius, suite à l'annonce de l'Espagne. «Malte va envoyer des ravitaillements frais au navire. Il faudra s'assoir et discuter sur la manière de prévenir à l'avenir ce genre d'événement. C'est une question européenne», a déclaré le premier ministre sur Twitter, en allusion au bras de fer opposant Malte à Rome. Et d'ajouter: «Je remercie le premier ministre espagnol Pedro Sanchez pour avoir accepté d'accueillir l'Aquarius après que l'Italie eut violé les lois internationales et provoqué une impasse».
Un bras de fer s'était en effet engagé ces derniers jours entre Malte et l'Italie, qui a vu débarquer plus de 700.000 migrants clandestins sur ses côtes depuis 2013 et dont le nouveau gouvernement «antisystème» souhaite réduire les flux migratoires. L'Italie, considérant qu'elle est laissée seule dans la gestion de la crise migratoire, avait demandé à Malte de recevoir l'Aquarius, ce qu'avait immédiatement refusé le premier ministre maltais, Joseph Muscat. Ce dernier avait affirmé que les sauvetages opérés par le navire avaient eu lieu dans une zone qui dépendait du centre de coordination des secours de Rome. Plus tôt dimanche, Matteo Salvini avait ainsi menacé de fermer les ports italiens aux navires qui recueillent des migrants si Malte n'acceptait pas de recevoir l'Aquarius.
Un «impératif humanitaire» pour l'ONU
Le sort de l'Aquarius a fait vivement réagir la communauté internationale, qui avait appelé Malte et l'Italie à cesser leur bras de fer. L'ONU a exhorté ce lundi matin les deux pays à autoriser immédiatement le débarquement des migrants, qualifiant la situation «d'impératif humanitaire urgent». «Les questions plus larges de savoir qui a la responsabilité et comment ces responsabilités doivent être partagées entre États devraient être traitées plus tard», a estimé Vincent Cochetel, envoyé spécial du HCR (l'agence des Nations unies pour les réfugiés, NDLR) pour la Méditerranée centrale. «Fondamentalement, le principe de sauvetage en mer ne devrait pas être remis en cause par des incidents comme celui-ci. Les autres gouvernements doivent agir pour soutenir les pays confrontés aux arrivées sur leurs côtes.» La Commission européenne a elle aussi appelé aujourd'hui à un «règlement rapide» du désaccord à propos de l'Aquarius. Le gouvernement allemand s'est également dit «préoccupé par la situation des gens sur ce bateau» et a demandé à Rome et La Valette de remplir «leur devoir humanitaire».
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Irak, Libye, Iran... : quels enseignements tirer des précédents désarmements ? (11.06.2018)

  • Mis à jour le 11/06/2018 à 14:22
Mouammar Kadhafi (gauche) et Saddam Hussein (droite) avaient lancé un programme nucléaire. AFP / AFP / AFP
VIDÉO - Plusieurs États ont abandonné leur programme nucléaire militaire, mais le sort de Mouammar Kadhafi, de Saddam Hussein et les récents déboires de l'accord iranien de 2015 pourraient inciter Kim Jong-un à se méfier, même si le dirigeant nord-coréen, qui doit rencontrer Donald Trump dans moins de 24 heures, dispose d'atouts particuliers.
L'histoire du désarmement est semée de victoires en trompe-l'œil. Mouammar Kadhafirenonça en 2003 à son programme nucléaire militaire. Ce geste du dictateur libyen, jusque-là honni par les dirigeants occidentaux, allait lui permettre d'amorcer un rapprochement avec les États européens. Mais à la faveur des printemps arabes, une révolution secoua le régime du Guide suprêmerenversé et tué en 2011 par les rebelles libyens, soutenus par une intervention militaire occidentale. Quand le secrétaire américain à la Défense, John Bolton, par ailleurs farouche partisan de la guerre en Irak, déclara, fin avril, à propos des négociations avec Pyongyang que «la Libye était un modèle», le New York Times lui rétorqua que «la Corée du Nord pourrait le voir très différemment». L'argument du quotidien américain était assez intuitif: Kim Jong-un pourrait n'avoir aucune envie de finir comme Mouammar Kadhafi.
«La mention du cas libyen par Bolton était pour le moins maladroite», confirme Guillaume Lagane, maître de conférences à Sciences Po Paris. Mais, nuance-t-il, «le passé ne laisse pas forcément présager l'avenir car le cas nord-coréen apparaît spécifique à bien des égards». Alors que Donald Trump et Kim Jong-un doivent se rencontrer dans moins de 24 heures lors d'un sommet inéditLe Figaro revient sur les similitudes réelles ou apparentes entre la crise nord-coréenne et les précédents cas de démantèlement de programmes nucléaires ou, plus largement, d'armes de destruction massive.
● La Libye, mais aussi l'Irak et l'Iran
Pour Kim Jong-un, le cas de Mouammar Kadhafi n'est pas le seul sujet possible d'inquiétude. Par le passé, l'Irak possédait des stocks d'armes chimiques et biologiques considérables, qu'elle utilisa lors de la guerre qui l'opposa à l'Iran entre 1980 et 1988. Elle avait aussi lancé un programme de recherche nucléaire, issu comme dans le cas libyen d'une coopération avec les Soviétiques. Mais, vaincu en 1991 lors de la guerre du Golfe, Saddam Hussein dut accepter le démantèlement, sous supervision internationale, de l'ensemble des armes de destruction massive. En 2003, les États-Unis accusèrent pourtant Bagdad d'en posséder clandestinement - ce qui s'est révélé être faux - et intervinrent contre le régime baasiste, entraînant sa chute, ainsi que la condamnation à mort de Saddam Hussein.
Quant à l'Iran, elle mena son programme nucléaire jusqu'à l'accord de Vienne de juillet 2015 conclu par Téhéran avec les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France) et l'Allemagne. Mais Donald Trump a annoncé, début mai, le retrait des États-Unis du texte, aujourd'hui menacé de caducité. Deux autres exemples qui pourraient dissuader Kim Jong-un de s'engager trop loin dans la voie du désarmement.
Que contient l'accord iranien sur le nucléaire ?
L'accord sur le nucléaire iranien avait mis fin en 2015 à 10 ans d'escalade entre Téhéran et la communauté internationale.
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● La question démocratique
Le cas de la Corée se distingue néanmoins nettement de ceux de l'Iran, de l'Irak ou de la Libye. Aucun de ces trois pays n'a jamais réalisé d'essai nucléaire. Les programmes nucléaires de Bagdad et Tripoli n'étaient qu'embryonnaires. Plus avancé, celui de Téhéran était encore assez loin du «seuil nucléaire». «Pour qu'il y ait une dénucléarisation à proprement parler, encore faut-il qu'il s'agisse de véritables puissances nucléaires. Les cas sont rares. Il y a eu l'Afrique du Sud et deux États de l'ex-Union soviétique, l'Ukraine et le Kazakhstan», explique Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
L'Afrique du Sud a abandonné son programme nucléaire au début des années 1990. «C'est plutôt un modèle dans lequel la dénucléarisation accompagne un processus de démocratisation d'un pays appartenant déjà au bloc occidental», note Guillaume Lagane, qui nuance: «La gageure dans le cas nord-coréen est d'imaginer une dénucléarisation sans que le régime se transforme en profondeur».
● La spécificité de la Corée du Nord
Surtout depuis son dernier essai nucléaire en août dernier -probablement une bombe H- puis le tir d'un nouveau missile balistique intercontinental capable en théorie d'atteindre tout le territoire américain, Pyongyang est considéré par une majorité d'experts comme une puissance nucléaire de fait. «La question de savoir si elle est reconnue ou non comme telle par la communauté internationale est une autre question», précise Antoine Bondaz. «Le nucléaire a été inscrit dans la constitution nord-coréenne en 2012. Aucun pays dans le monde n'est allé aussi loin dans l'affirmation politique du nucléaire», ajoute le chercheur, qui estime qu'«une dénucléarisation est impossible à court terme». «C'était le sens du message de Bolton. Il entendait signifier que Washington souhaitait pour la Corée du Nord, comme pour la Libye, un démantèlement rapide et irréversible des capacités nucléaires, transférées aux États-Unis. C'est évidemment inacceptable pour Pyongyang», explique-t-il.
Une divergence qui explique le retour, courant mai, d'une rhétorique offensive entre Washington et Pyongyang, et la menace d'une annulation du sommet. «Un programme nucléaire, surtout bâti en opposition à la communauté internationale, sert de ciment à la nation, comme on peut le voir en Corée du Nord, mais aussi en Iran, au Pakistan ou en Inde», explique Cyrille Bret. Le maître de conférences à Sciences Po d'ajouter que le «pouvoir égalisateur de l'atome» permet, comme dans la fable de La Fontaine, à «une grenouille de se faire passer pour un bœuf». «Quand un État s'en prive, il prend un grand risque. Il faut que le négociateur en face, aujourd'hui les États-Unis, en ait absolument conscience», analyse-t-il.
● Le risque d'un nouvel anti-modèle de désarmement
Le pessimisme est-il de rigueur? Antoine Bondaz veut conserver un «optimisme prudent». «Le problème nucléaire nord-coréen va durer des années. Pyongyang suspend ses essais. C'est un simple message politique d'apaisement, car ils continuent en même temps de produire des armes et des vecteurs», analyse le chercheur de la FRS. Par le passé, l'Irak de Saddam Hussein ou la Libye de Kadhafi ne disposaient pas d'un tel pouvoir de négociation avec les Occidentaux. Autre différence, Tripoli ou Bagdad ne pouvaient pas compter sur des parrains régionaux. «Il y a des puissances régionales qui refusent l'effondrement du régime, comme la Chine, et d'autres qui ne veulent pas d'instabilité régionale, comme la Corée du Sud», défend Antoine Bondaz.
«Un accord est envisageable, Kim Jong-un et Donald Trump pourraient y trouver leur intérêt», estime Guillaume Lagane. Pour l'enseignant de Sciences Po, la Corée du Nord n'est pas l'Iran: «Les Américains ont un rapport passionnel avec Téhéran, inscrit dans leur chair depuis 1979, mais rationnel avec Pyongyang. Donald Trump a pu jouer la carte de l'humour avec Kim Jong-un. Avec les Mollahs, les Américains ne rigolent pas». Un accord, mais lequel? «Le risque est d'aboutir à un accord partiel de simple contrôle des armements. Cela reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore car tous les États qui ont des velléités nucléaires verront que le programme nord-coréen a renforcé le régime et lui a permis de tordre le bras des États-Unis», conclut Antoine Bondaz. Un risque qui apparaît rétrospectivement comme le revers de la médaille des désarmements libyen ou irakien. Ceux qui regrettent Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi ne manqueront pas de noter que Kim Jong-un est beaucoup plus fort avec que sans la bombe.
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«Pour que la France reste la France» : le RN parodie le tract polémique de LR (11.06.2018)

  • Publié le 11/06/2018 à 18:10
LE SCAN POLITIQUE - Moquant la polémique qui a saisi le parti Les Républicains sur la diffusion d'un tract titré «Pour que la France reste la France», le parti de Marine Le Pen en a publié ce lundi une parodie.
«À courir derrière le FN, le parti ira dans le mur.» La pluie de critiques qu'a essuyée la direction Les Républicains suite à la diffusion à 1,5 million d'exemplaires d'un tract «Pour que la France reste la France», n'a pas échappé aux cadres du Rassemblement national (ex-FN). Témoins amusés tout le week-end de la passe d'arme entre le président du parti, Laurent Wauquiez, et plusieurs de ses cadres - dont sa numéro 2, Virginie Calmels - qui ont dénoncé une communication «inutilement anxiogène» - les lieutenants de Marine Le Pen ont décidé, ce lundi, de remettre une pièce dans la machine.
Puisque le principal procès fait au tract litigieux, rue de Vaugirard, est de «courir après le RN et d'en usurper les slogans», le Rassemblement national s'est amusé à reprendre en tous points les éléments graphiques de la propagande LR. En dessous du slogan «Pour que la France reste la France», a cependant été ajouté avec ironie: «Ne croyez pas les LR! Copé, Calmels et les cadres du parti contestent ce tract.»
Au dos du tract, plutôt que de reprendre le constat de LR sur la hausse «d'impôts», «d'immigrés» «du risque terroriste» ou encore «des fractures territoriales» sous le quinquennat d'Emmanuel Macron, le parti de Marine Le Pen a préféré quant à lui mettre en exergue ce qu'il présente comme «le bilan» des différentes périodes RPR, UMP ou LR du parti de droite. Y sont décriés l'instauration du «regroupement familial par le gouvernement de Jacques Chirac en 1976», l'entrée «d'un million d'immigrés pendant le mandat de Nicolas Sarkozy» en passant par l'appel de François Fillon en faveur d'Emmanuel Macron au soir du premier tour de la dernière présidentielle.
Au siège du parti à la flamme, on assure que cette parodie est - pour l'instant - réservée aux réseaux sociaux: «Mais si ça marche, nous ne sommes pas à l'abri de l'imprimer. Même si nous n'avons pas l'habitude de réimprimer ce qu'on a déjà distribué il y a cinq ans. Ils ont un peu de retard chez Les Républicains», se gausse le nouveau responsable de la communication du parti, Laurent Jacobelli. Une nouvelle mouture de l'expression favorite mais jamais vérifiée de Jean-Marie Le Pen: «Les Français préféreront toujours l'original à la copie.»

Gard : un principal de collège risque le licenciement après avoir dénoncé un viol entre élèves (11.06.2018)

  • Mis à jour le 11/06/2018 à 17:24
Dans un collège du Gard le principal risque le licenciement après avoir dénoncé un viol entre élèves
L'homme, qui exerce au collège Saint-Joseph à Saint Ambroix (Gard), a été suspendu en mars de ses fonctions pour avoir dénoncé une affaire de viol entre élèves lors d'un voyage scolaire. Il lui est reproché de ne pas avoir suivi la bonne procédure.
VIDÉO - L'homme, qui exerce au collège Saint-Joseph à Saint Ambroix (Gard), a été suspendu en mars de ses fonctions pour avoir dénoncé une affaire de viol entre élèves lors d'un voyage scolaire. Il lui est reproché de ne pas avoir suivi la bonne procédure.
Le principal du collège Saint-Joseph à Saint Ambroix (Gard) pourrait être licencié par la direction diocésaine de l'enseignement pour avoir rapporté auprès des gendarmes un viol aggravé entre élèves, rapporte lundi Le Parisien.
Paul Gobillot, 62 ans, a été convoqué ce lundi pour un entretien préalable à son licenciement. Cet enseignant est accusé par sa direction de ne pas avoir «suivi le protocole hiérarchique», c'est-à-dire de «ne pas avoir prévenu directement le procureur selon la procédure administrative». «Il s'agit d'une véritable chasse à l'homme car ce directeur a prévenu les gendarmes dès sa connaissance des faits. Rien n'a été caché. Bien au contraire. Qu'est ce qui dérange tant dans sa démarche? Eh bien comme la loi le stipule les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer le procureur. La meilleure preuve en est la mise en examen de ces adolescents», réagit l'avocat du directeur, Me Philip de Lumley-Woodyear, au Parisien.
Deux élèves mis en examens
Lors d'un voyage scolaire à Malte en mars 2018, deux élèves de 4e du collège catholique Saint-Joseph auraient violé un troisième élève. Un autre adolescent aurait filmé la scène avec son téléphone portable. La vidéo de l'agression sexuelle aurait ensuite été diffusée sur un réseau social. Le principal, qui n'était pas présent lors du voyage scolaire, a été mis au courant des faits 20 jours plus tard à la suite d'un nouvel incident , dont on ne connaît pas la nature. «Dès que j'ai été informé des faits, j'ai accompagné la famille pour qu'elle dépose plainte au plus vite auprès de la gendarmerie, affirme le principal au Parisien. Je pense avoir fait ce qu'il était de mon devoir de faire dans l'urgence».
Les deux élèves du collège ont été mis en examen pour «viol en réunion», suivi ou précédé de «violences» et «harcèlement moral». Placés sous contrôle judiciaire, ils ont tous les deux l'interdiction d'approcher la victime. Si le principal a été suspendu en mars de ses fonctions par la direction diocésaine, il peut toutefois compter sur un vaste mouvement de soutien regroupant des enseignants de l'établissement ainsi que des parents d'élèves qui contestent cette «décision arbitraire».

Le concert du rappeur Médine au Bataclan fait polémique (11.06.2018)

  • Mis à jour le 11/06/2018 à 17:21
Les concerts du rappeur Médine au Bataclan déclenchent la polémique
Le rappeur Médine, qui doit donner deux concerts au Bataclan, est au coeur d'une grosse polémique. En effet dans une chanson sortie il y a 3 ans intitulée Don't Laïk, le rappeur tient des propos chocs sur la laïcité et fait pour certains l'apol
VIDÉO - Des élus de droite et d'extrême droite jugent provocantes les paroles du rappeur dont un album s'intitule Jihad. Les politiques ont promis de tout faire pour empêcher le concert de se dérouler au Bataclan en octobre.
Depuis l'annonce d'un concert de Médine au Bataclan, à Paris, la polémique enfle. Des élus LaREM, LR et Rassemblement national (ex-FN) ont protesté dimanche contre le spectacle, prévu en octobre, du rappeur havrais. Ce dernier avait suscité une polémique en 2015 avec le titre Don't Laïk, paru une semaine avant l'attentat contre Charlie Hebdo. Sur le réseau social Twitter, dimanche, les hashtags #Bataclan et #Médine ont été largement utilisés. Une pétition lancée sur change.org par Grégory Roose, ex-délégué départemental du FN dans les Alpes-de-Haute-Provence, avait été signée dimanche par 8 600 personnes.
La cause de cette révolte: les paroles du rappeur. En 2015, dans son titre Don't Laïk, il déclarait: «Crucifions les laïcards comme à Golgotha / Le polygame vaut bien mieux que l'ami Strauss-Kahn» ou encore «J'mets des fatwas sur la tête des cons». Médine est également l'auteur d'un album intitulé Jihad, le plus grand combat est contre soi-même… (2005).
«Un sacrilège pour les victimes»
De nombreux élus trouvent aberrant de laisser le rappeur jouer dans la salle où 90 personnes ont perdu la vie lors des attentats terroristes du 13 novembre 2015. Dans un tweet, Marine Le Pen s'exclame: «Aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du Bataclan. La complaisance ou, pire, l'incitation au fondamentalisme islamiste, ça suffit!»
Pour Laurent Wauquiez, le président des Républicains, cette annonce est un «sacrilège pour les victimes, déshonneur pour la France». Le député LR des Alpes-Maritimes Éric Ciotti a de son côté déclaré que «la programmation du rappeur au Bataclan est une insulte insupportable à la mémoire des victimes du 13 novembre 2015». Il a demandé à Emmanuel Macron d'interdire le concert car «il y a des symboles qui ne peuvent être profanés».
Comme lui, d'autres élus LR se sont indignés sur Twitter. Le sénateur de Vendée Bruno Retailleau en appelle à Gérard Collomb. Il demande au ministre de l'Intérieur d'utiliser «contre ce rappeur les mêmes armes que celles utilisées contre Dieudonné», l'humoriste condamné à plusieurs reprises pour diffamation, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale.
Aurore Bergé, porte-parole du groupe LaREM à l'Assemblée, a elle aussi fait part de son indignation: «Ses paroles sont, ni plus ni moins, un appel au meurtre. “Crucifions les laïcards comme à Golgotha.” Cela s'appelle un constat. Maintenant préparons-nous aux procès d'intention et à la victimisation.»
Virginie Calmels sur le rappeur Médine : «Le concert devrait être annulé»
La vice-présidente des Républicains s'oppose au concert du rappeur Médine. Auteur d'un album intitulé «Jihad», il doit normalement se produire au Bataclan en octobre prochain.
Son rêve: jouer au Bataclan
Pour l'instant, Médine n'a pas communiqué sur la polémique. Sur LCI, en février 2015, il avait défendu son titre , «il faut le juger comme un morceau de rap et non pas comme un pamphlet islamiste. Il s'agit non pas d'une critique de la laïcité, mais plutôt de ce qu'on en fait, et de ce qui devient de plus en plus de la propagande antireligieuse.» Dans son titre Faisgafatwa, en 2015, le rappeur proteste contre les islamistes radicaux. «J'crois que tu t'es pris les deux Nike Air dans le tapis d'prière / Viens pas recruter dans mon quartier c'est pas ta pépinière», chante-t-il. Deux ans plus tard, il s'expliquait au sujet de son titre Don't Laïk: «J'ai eu la sensation d'être allé trop loin.» Les élus de droite attendent maintenant une réaction du gouvernement.
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Pierre Manent : «Les Européens s'imposent une apnée morale et sont incapables d'agir» (08.06.2018)

Par Guillaume Perrault
Mis à jour le 08/06/2018 à 22h38 | Publié le 08/06/2018 à 07h00
GRAND ENTRETIEN - La doctrine des droits de l'homme, seul principe de légitimité encore accepté en Europe, rend impossible la délibération publique et l'art du gouvernement. Telle est la thèse que défend le philosophe Pierre Manent dans son nouveau livre La Loi naturelle et les droits de l'homme (PUF). Pour le disciple de Raymond Aron, les droits individuels règnent sans contrepoids jusqu'à faire périr l'idée du bien commun.
LE FIGARO MAGAZINE - Vous soulignez le contraste entre la suspension du jugement des Européens, lorsqu'ils considèrent des mœurs étrangères, et le ton accusateur qu'ils se plaisent à adopter à l'égard de leur propre héritage. Pourquoi une telle opposition?
Pierre MANENT - En passant d'hier à aujourd'hui, de la IIIe ou de la IVe à la Ve République actuelle, notre rapport à la diversité du monde a été bouleversé. Nous sommes passés de l'assurance, voire de l'arrogance, à la timidité, voire la pusillanimité ; de l'évidence de la perspective coloniale à l'évidence de son caractère inadmissible. Que s'est-il passé? Suspendons un instant le jugement moral, regardons la dynamique politique. La République colonisatrice déploie ses principes et sa force vers l'intérieur et vers l'extérieur. La formation de la nation démocratique, du «commun» républicain, entraîne un immense déploiement d'énergie qui donne son caractère à cette période, pour le meilleur et pour le pire.
«Nous procédons à un évidement méthodique de notre être intérieur. Tout ce qui est nôtre, nous le marquons du goudron du soupçon.»
Nous avons alors le vif sentiment d'organiser la prise en compte des besoins humains et sociaux d'une manière incomparablement supérieure à ce que l'on observe alors en Afrique ou en Asie. Bref, nous nous sentons inséparablement «meilleurs» et «plus forts». Nous tenons la diversité du monde sous notre regard, pour le conquérir, le mettre en valeur et aussi le comprendre, l'inventorier. Quelques décennies plus tard, que voyons-nous? Le ressort des nations européennes est brisé par l'épuisement consécutif à la Grande Guerre et le déshonneur consécutif aux années 1933-1945. La décolonisation change radicalement les termes du problème, car, comme la colonisation, elle est une dynamique. Elle n'établit pas un ordre démocratique juste ou normal après l'injustice ou la pathologie coloniale. Elle enclenche un mouvement opposé.
Notre être collectif que nous ne voulons plus imposer aux autres - l'idée nous est devenue inconcevable -, voici que nous ne savons plus quoi en faire pour nous. Que vaut un ordre collectif que l'on a prétendu imposer aux autres par la force? Alors, commence la grande rétraction des nations européennes. Nous procédons à un évidement méthodique de notre être intérieur. Tout ce qui est nôtre, nous le marquons du goudron du soupçon. Place à l'Autre! Cela fait deux ou trois décennies que les populations européennes s'imposent une sorte d'apnée sociale et morale, elles n'osent pas respirer. D'où la décision de l'Europe de n'être rien que le lieu des droits de l'homme - vide de toute forme de vie propre - pour que l'Autre puisse y être tout ce qu'il est ou veut être. Cette posture qui se veut «progressiste» gouverne les affects de tous les citoyens ou presque, même s'ils regimbent aussi bruyamment que vainement.
Le sens du verbe «discriminer» a évolué. Longtemps, il signifiait distinguer et désignait une opération de l'esprit légitime. Puis s'est imposé en français le sens américain du mot. Quels sont les enjeux de ce glissement sémantique?
Il y a une «discrimination», au sens que nous donnons aujourd'hui à ce terme, lorsque nous introduisons entre deux personnes une différence de traitement là où elle n'a pas lieu d'être. Par exemple, en refusant, à cause de son origine ethnique, de louer un logement à un candidat solvable. L'interdiction de la discrimination en ce sens précis est parfaitement justifiée même si elle peut être difficile à prouver. Le problème se complique quand le dispositif idéologique conduit à regarder la discrimination non comme une somme d'actes de discrimination, mais comme la tendance même de la société, et sa «vérité». La société se regarde alors comme une société coloniale à l'intérieur d'elle-même, avec cette complication supplémentaire que colonisés ou discriminés ne sont pas seulement des populations allogènes, mais les femmes, les homosexuels, etc. La société apparaît alors à ses propres yeux comme un système de discrimination généralisée. Or, la vie sociale réclame nécessairement des discriminations, mais alors de bonnes discriminations, pour choisir ceux avec lesquels il sera bon et utile de travailler, ou de s'associer pour tel objectif, choix qui se fait en fonction de critères «objectifs et pertinents».
«La hantise de la discrimination nourrit la méfiance sociale, qui tend à pénétrer tous les champs et ressorts de la vie collective.»
Le soupçon de discrimination au mauvais sens du terme pèse sur le devoir de discrimination au bon sens de celui-ci! Chaque petite décision peut devenir l'occasion d'un délit grave, avéré ou soupçonné. De même que la femme de César ne doit pas seulement être innocente, mais insoupçonnable, il ne faut pas seulement éviter toute discrimination, il faut rendre la non-discrimination explicite et évidente. D'où la tendance à la discrimination de sens contraire, que l'on appelle positive. Je ne serais pas personnellement hostile à toute discrimination positive, si celle-ci signalait une attention aux nécessités sociales plutôt qu'à la rigueur de la règle abstraite.
En tout cas, la hantise de la discrimination nourrit la méfiance sociale, qui tend à pénétrer tous les champs et ressorts de la vie collective. Il est difficile de comparer les gains de justice et les dommages à la confiance sociale que produit nécessairement la lutte contre les discriminations. C'est un enjeu majeur. Les règles de fonctionnement de nos institutions reposent de plus en plus sur la méfiance: elles présupposent la méfiance, l'entretiennent, l'organisent. La vie universitaire reposait sur la confiance réciproque entre pairs, elle dépend de plus en plus de règles si soupçonneuses qu'elles empoisonnent la vie collégiale.
Vous constatez que l'idée de nature ne fait plus partie du discours public autorisé. Comment l'expliquer?
La «nature humaine» est une notion à la fois indispensable et d'un maniement difficile. Elle a été élaborée par la philosophie grecque dans une intention universaliste: les hommes vivent selon des coutumes différentes, mais ils partagent une même nature. La meilleure façon de vivre est celle qui est la plus conforme à leur nature, une nature qui se révèle dans le meilleur régime de la cité. Les Grecs ont eu le sentiment d'avoir découvert avec la vie civique, avec la cité, la forme de vie la mieux adaptée au déploiement des capacités humaines. Et donc, la vie selon la nature, c'est la forme de vie que peuvent connaître les hommes dans le meilleur régime de la cité. Cette idée ne nous est pas devenue entièrement étrangère. Pour la plupart d'entre nous aujourd'hui, la vie dans nos démocraties, c'est la vie dans laquelle notre nature peut se déployer librement. Il est vrai que nous n'usons pas du terme, que même nous le repoussons avec dédain: l'homme n'est pas un être de nature mais un être de culture, telle est la première leçon, et trop souvent la dernière, de la classe de philosophie. Pourquoi avoir rejeté cette idée? En vérité, nous ne l'avons pas rejetée, nous l'avons retournée ou renversée.
«Institutions, associations, groupes ont été dépouillés de toute légitimité, sauf à se faire les instruments ­dociles des droits, c'est-à-dire, finalement, des ­désirs de l'individu.»
Pour les Grecs, la nature, c'est ce qui nous lie, nous relie, nous rassemble: c'est la force associante de l'être humain. Pour nous, modernes, c'est le contraire: la nature, c'est ce qui nous sépare, car nous sommes «naturellement» des individus séparés, et nous ne sommes réunis que par l'artifice des institutions, ou de la «culture». Donc, l'énergie et l'autorité de la nature n'ont pas disparu parmi nous, mais elles se sont concentrées, et cachées, dans la seule réalité humaine que nous jugions naturelle, à savoir l'individu séparé titulaire des droits de l'homme. Cette réduction de la nature à l'individualité est la condition des accomplissements de la politique moderne, en particulier de la liberté moderne. Elle présente aussi un coût humain et social considérable.
Aujourd'hui, l'individu titulaire de droits est la seule source, le seul porteur de légitimité. Institutions, associations, groupes ont été dépouillés de toute légitimité, sauf à se faire les instruments dociles des droits, c'est-à-dire, finalement, des désirs de l'individu. Nous ne savons plus ni dire, ni penser, ni éprouver la légitimité et la bonté intrinsèques des «sociétés instituées» dans lesquelles nous continuons pourtant de mener notre vie. Nous souhaitons «refaire du lien social» et rejetons la seule idée qui pourrait donner sens et contenu à ce lien: cette nature humaine associante dans laquelle nous trouvons nos biens et nos fins.
A l'action et ses exigences, vous opposez le charme qu'exerce la formule «laissez-faire» associée au libéralisme. La pensée libérale qui s'affirme au XVIIIe siècle est-elle responsable de la paralysie de l'esprit public aujourd'hui?
Le jeu des idées, des passions, des institutions, des circonstances est très difficile à démêler. La même idée qui, dans certaines conditions, est constructive deviendra destructive dans d'autres. Les théoriciens qui ont élaboré les principes du régime libéral, et à cette fin, la notion de l'individu radicalement indépendant, n'imaginaient pas que l'on pût vivre dans une société qui n'aurait d'autre principe directeur que les droits de l'homme. Ils voulaient réformer des monarchies incapables d'assurer ordre et liberté, non pas vivre dans une «société liquide»!
«Il est douloureux et comique d'observer comment nous faisons un effort, hélas couronné de succès, contre tout ce qui nous réunirait, nous rassemblerait.»
Ne sous-estimons pas la performance politique du libéralisme. C'est en grande partie sous son inspiration que furent construites ces républiques représentatives protectrices des libertés publiques qui sont la grande réussite de la politique moderne, et que nous voyons aujourd'hui en danger. C'est que nos pères surent lier le principe émancipateur, mais «dissociant», des droits de l'homme à des principes «associants». L'émancipation de l'individu était inséparable de la formation d'une nouvelle «chose commune», la république dans le cadre national. La singularité de la situation présente, sa bizarrerie, c'est que nous prétendons nous réunir, «vivre ensemble», sur la base exclusive d'un principe qui est strictement séparateur et dissociant.
Il est douloureux et comique d'observer comment nous faisons un effort, hélas couronné de succès, contre tout ce qui nous réunirait, nous rassemblerait. La langue française, par exemple. Voyez comme elle est chassée méthodiquement à la fois des institutions universitaires et des chantiers où l'exigence de parler et comprendre le français est jugée discriminatoire, et donc attentatoire aux droits de l'homme. N'incriminons pas le libéralisme. Paix aux mânes de Locke et de Montesquieu. C'est nous qui dévorons notre propre substance au nom d'une idée devenue folle.
Envisageons que cette tendance perdure dans les décennies à venir. Quelles en seraient les conséquences?
Vous êtes optimiste, en parlant des décennies à venir! La paralysie s'est installée en Europe, au niveau de l'Union européenne et à l'intérieur des différentes nations. De quelque côté que l'on se tourne, c'est échec et mat: entre le Royaume-Uni et l'Union, entre Barcelone et Madrid, entre les populistes et les partis respectables, entre Paris et Berlin…
«Le temps nous est compté.»
Cette paralysie de tous les agents politiques en Europe nous jette dans une situation d'autant plus intenable que, hors d'Europe, des géants s'ébrouent et s'étirent. L'Union devait nous donner la force qui manque aux nations séparées ; le président Trump parle, le lendemain les plus grandes entreprises européennes annoncent qu'elles se retireront d'Iran à moins d'une grâce américaine. Pourquoi les autres agissent-ils - judicieusement ou sottement, mais enfin ils agissent - et pourquoi nous, les Européens, sommes-nous de plus en plus incapables d'agir? Pourquoi sommes-nous les seuls agents dont les jarrets sont coupés? Les grandes décadences ont toujours quelque chose d'énigmatique, mais je crois que, si nous sommes paralysés, c'est d'abord par l'idée du juste qui nous domine, l'idée de ce qui est juste et légitime, et qui se ramène à la légitimité exclusive des droits individuels.
Nous ne croyons pas réellement que nous ayons le droit de faire quelque chose pour l'utilité ou l'honneur d'une chose commune, de décider et d'accomplir quelque chose pour l'utilité ou l'honneur de notre pays ou de l'Union. Nous nous sommes à ce point rétractés, empêchés de respirer, mis dans la dépendance de l'Autre, que nous sommes devenus incapables d'agir politiquement à l'intérieur et à l'extérieur. Or précisément, l'Autre agit, l'Autre est en mouvement, l'Autre nous bouscule… Le temps nous est compté.
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La taxe foncière risque de devenir accablante pour les propriétaires (10.06.2018)
Par PATRICE CAHART
Mis à jour le 11/06/2018 à 12h25 | Publié le 10/06/2018 à 17h48
TRIBUNE - La suppression de la taxe d'habitation décidée par Emmanuel Macron va vraisemblablement entraîner une pression fiscale très forte sur les propriétaires et rendre inéluctable une hausse de la TVA, argumente Patrice Cahart, ancien directeur de la législation fiscale*.
La suppression de la taxe d'habitation n'est pas judicieuse. Il s'agit de notre seul impôt citoyen, acquitté par environ 88 % des ménages, contre 42 % seulement pour l'impôt sur le revenu. C'est surtout par lui que les habitants perçoivent l'évolution de la dépense locale. En détruisant cet indicateur, on inciterait aux comportements irresponsables.
Afin de justifier l'abandon sur trois ans de la taxe d'habitation pour 80 % des contribuables, puis son élimination quasi-totale pour les autres contribuables les années suivantes, on a mis en avant l'injustice de ses bases, non révisées depuis 1970. Mais pourquoi diable ne pas l'effectuer, cette révision? L'administration y est prête. Elle vient de l'achever pour les locaux professionnels, dont les nouvelles bases sont entrées en vigueur, sans drame, en 2017. Les transferts de charge entre contribuables, que l'on redoutait, ont été lissés sur dix ans, et donc rendus peu sensibles. En bonne logique, ce devrait être le tour des logements. De toute façon, il faudra bien s'y mettre un jour, car la taxe foncière est assise sur les mêmes bases vieillies que la taxe d'habitation.
La solution correcte consisterait donc, sans remettre en cause la réduction de taxe d'habitation de 30 % décidée pour 2018, à renoncer aux réductions supplémentaires prévues pour la suite, et à réviser sans plus tarder les bases des locaux d'habitation.
Je n'évoque que pour mémoire l'hypothèse qui consisterait à laisser la taxe d'habitation subsister pour 20 % des résidences principales, car le Conseil constitutionnel a laissé entendre qu'il la censurerait. Un impôt à vocation générale ne saurait en effet être limité de façon si étroite.
La somme à transférer aux collectivités territoriales en compensation de la baisse puis de la suppression de la taxe d'habitation est évaluée pour 2020 à 24,6 milliards
Dans l'hypothèse d'une suppression totale de la taxe d'habitation, comment indemniser les collectivités territoriales? En créant à leur profit un nouvel impôt? Le gouvernement a eu la sagesse de se l'interdire. En transférant aux collectivités territoriales, pour tout ou partie, des impôts d'État? Chaque collectivité recevrait alors un petit pourcentage du produit d'un impôt national, dont elle ne pourrait fixer le taux. Le Conseil constitutionnel admet ce type de compensations, mais beaucoup d'élus locaux y voient à juste titre une perte d'autonomie.
D'ailleurs, quels impôts d'État transférerait-on? Les taxes sur l'énergie? Elles ne suffiraient pas, et les collectivités territoriales se trouveraient prises au piège si la consommation énergétique venait, comme on le souhaite, à baisser. Une fraction de la CSG? C'est un prélèvement sensible, on vient de s'en apercevoir. La mission d'étude sur la refonte de la fiscalité locale animée par le sénateur Alain Richard et le préfet honoraire Dominique Bur (qui a remis son rapport au premier ministre le 9 mai, NDLR) a proposé la moins mauvaise solution. L'État abandonnerait aux communes et aux départements une fraction de ses recettes de TVA - comme il l'a déjà fait en faveur des régions. Communes et départements percevraient ainsi quelque 12 % d'une ressource nationale évoluant comme le PIB en valeur, voire un peu plus vite.
Mais une autre question surgit aussitôt: comment l'État ferait-il face à sa propre perte de recettes? La somme à transférer aux collectivités territoriales en compensation de la baisse puis de la suppression de la taxe d'habitation est évaluée pour 2020 à 24,6 milliards. De ce chiffre, il faut soustraire 2,3 milliards au titre des résidences secondaires, qui resteraient imposables (leur taxe d'habitation devenant une annexe de leur taxe foncière), et 3 milliards déjà financés par le budget de 2018. D'où un besoin net, pour l'État, de 19,3 milliards par an à compter de 2020. C'est considérable.
«Reste, hélas, la solution consistant à augmenter les impôts existants»
La reprise économique y pourvoira-t-elle? Elle ralentit, et risque de ralentir encore plus, eu égard à la remontée des cours des hydrocarbures et à l'impact des grèves à la SNCF. Peut-on compter sur les économies budgétaires? Elles sont contrariées par divers projets (par exemple, l'institution d'un service militaire d'un mois). De toute façon, les économies réalisées par l'État et les fruits éventuels de la reprise devront être affectés en priorité à la réduction de son déficit, de façon que la dette publique cesse de s'accroître.
Reste, hélas, la solution consistant à augmenter les impôts existants. Or une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés a au contraire été annoncée, pour mieux résister à la compétition mondiale qui sévit en ce domaine. Et un relèvement des taux de notre impôt sur les revenus risquerait de les rendre dissuasifs par rapport aux pays concurrents. Dès lors, je vois mal, dans notre affaire, comment éviter de rehausser les taux de la TVA. En fin de compte, on aurait remplacé la taxe d'habitation par une pression renforcée sur le consommateur. Beau progrès!
Il faut sauver la taxe d'habitation
Nous devons éviter de mettre tous nos œufs dans le même panier. La valeur ajoutée est déjà très taxée. Les revenus aussi, pour une petite moitié des contribuables (si on considère ensemble l'impôt proprement dit et la CSG). La taxe d'habitation offre l'avantage de reposer sur une base différente: le loyer que le logement peut produire. L'inventaire des difficultés ne s'arrête pas là. Il a été suggéré de transférer aux communes la part de taxe foncière qui va aujourd'hui aux départements. Ceux-ci bénéficieraient d'une compensation mais n'auraient pratiquement plus de possibilités d'action sur leurs ressources. Quant aux communes, une partie d'entre elles continueraient, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, de dépenser plus que la croissance spontanée de leurs recettes ne le permet ; les communes relèveraient donc le taux du seul impôt pilotable qui leur resterait, la taxe foncière. Les propriétaires risqueraient d'être écrasés, surtout là où ils sont minoritaires dans le corps électoral. Pour y parer, la mission Richard-Bur propose de plafonner ledit taux à 60 %. Cela laisserait une marge excessive, la moyenne se situant aujourd'hui à 37 %.
Est-il vraiment trop tard pour s'arrêter dans la voie du démantèlement de la fiscalité locale? Il faut sauver la taxe d'habitation - même amputée d'un tiers pour les petits et moyens contribuables - en modernisant ses bases. C'est tout à fait à notre portée.
* Ancien élève de l'ENA, inspecteur général des finances.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 11/06/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Deux avocats de victimes du Bataclan vont demander l'interdiction du concert de Médine (11.06.2018)

  • Mis à jour le 11/06/2018 à 14:36
Les concerts du rappeur Médine au Bataclan déclenchent la polémique
Le rappeur Médine, qui doit donner deux concerts au Bataclan, est au coeur d'une grosse polémique. En effet dans une chanson sortie il y a 3 ans intitulée Don't Laïk, le rappeur tient des propos chocs sur la laïcité et fait pour certains l'apol
VIDÉO - Maîtres Wassermann et Benaïem annoncent qu'ils vont saisir la préfecture de Paris pour demander l'interdiction du concert du rappeur controversé en octobre prochain au Bataclan, invoquant le risque de trouble à l'ordre public.
Medine pourra-t-il chanter en octobre prochain au Bataclan? Deux avocats de victimes des attentats du 13 novembre veulent saisir le préfet de police de Paris pour interdire le concert du rappeur, interprète notamment de l'album Jihad, invoquant le risque de trouble à l'ordre public. «Le mouvement de protestation qui s'élève depuis quelques jours le prouve: Médine ne chantera pas au Bataclan sans que la population ne s'indigne et ne manifeste», écrivent les deux avocats dans une tribune publiée sur Le Figaro Vox .
Si le recours devant le préfet n'aboutit pas, les deux avocats annoncent qu'ils saisiront la justice administrative en référé. «Nous sommes prêts à aller jusque devant le Conseil d'État», écrivent-ils. Ils invoquent la jurisprudence Dieudonné, dont les spectacles ont été interdits à plusieurs reprises par la plus haute juridiction administrative. «On est particulièrement choqués qu'un rappeur comme Médine puisse chanter Jihad dans une salle où les balles d'islamistes ont fait 90 morts et des centaines de blessées», explique Me Caroline Wassermann.
«Sacrilège pour les victimes»
«Une seule chose nous importe, c'est de stopper un concert qui fait du mal à des personnes qui ont pris une balle, ou qui ont perdu un fils ou un ami le 13 novembre.»
Caroline Wassermann, avocate de victimes du Bataclan.
Les deux avocats récusent le risque que leur action soit contreproductive, en donnant au rappeur polémique d'autant plus de visibilité. «Qu'il en profite pour jouer à la victime ne doit pas nous empêcher d'agir. Une seule chose nous importe, c'est de stopper un concert qui fait du mal à des personnes qui ont pris une balle, ou qui ont perdu un fils ou un ami le 13 novembre. Il y a des dizaines de salles dans Paris, il peut aller chanter ses textes ailleurs», poursuit Me Caroline Wassermann.
Contactée par nos soins, la salle du Bataclan était injoignable à la publication de l'article. Du côté de la préfecture de police de Paris, on estime qu'il est trop tôt pour s'exprimer sur un événement public qui se tiendra dans quatre mois. Du côté de Din records, le label havrais qui produit Médine et qui organise la tournée polémique, on ne souhaite pas faire de commentaire. Un porte-parole a simplement précisé que le rappeur devrait prochainement prendre la parole. L'association des victimes du Bataclan, Life for Paris, a quant à elle déclaré que la salle était «complètement libre de sa programmation», ajoutant qu'elle ne laisserait personne «instrumentaliser la mémoire des victimes des attentats à des fins politiciennes, comme c'est le cas dans cette affaire».
De nombreuses voix s'élèvent contre la tenue du concert de Médine au Bataclan. Son titre Don't Laïk, sorti en 2015 quelques mois avant les attentats de Charlie hebdo, contient des propos controversés. Outre le titre, qui est un jeu de mot pour dénoncer la laïcité, il écrit: «Crucifions les laïcards comme à Golgotha», ou encore «J'mets des fatwas sur la tête des cons». Il cite nommément la polémiste Caroline Fourest, mais aussi Nadine Morano ou Jean-François Copé qu'il accuse d'être les «démons» qui doivent être chassés du corps de «Dame Laïcité». D'autres morceaux plus anciens ont aussi été exhumés ; notamment Al Jazeerap, dans lequel il écrit: «Taliban et banlieue donne talibanlieusard».
Dans le week-end, de nombreuses personnalités politiques ont dénoncé la tenue du concert de Médine au Bataclan. Le président des Républicains, Laurent Wauquiez, a dénoncé un «sacrilège pour les victimes», et un «déshonneur pour la France». Pour Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national (ex-FN), «aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du Bataclan». Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, a appelé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb à «utiliser contre ce rappeur les mêmes armes que celles utilisées contre Dieudonné».
Dans les rangs LaREM, la députée Aurore Bergé a fustigé l'affiche de promotion de l'album Jihad, sorti en 2005, estimant qu'elle était «une insulte à ceux qui sont morts au Bataclan». Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, ne s'est pas prononcé pour une interdiction du concert. Il a toutefois estimé lundi matin sur France info qu'au vu de la levée de boucliers, le rappeur devrait «lui-même se poser la question de savoir si sa présence» dans ce lieu «ne justifierait pas une prise de distance» par rapport à d'ancien titres polémiques.
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Médine au Bataclan : «Affrontons nos adversaires sur le terrain des idées, pas au tribunal !» (11.06.2018)
  • Par  Barbara Lefebvre 

  • Publié le 11/06/2018 à 18:03
FIGAROVOX/TRIBUNE - En désaccord avec une liberté d'expression à géométrie ou lieu variable, Barbara Lefebvre refuse de demander l'interdiction du concert du rappeur. Cependant, elle appelle à un réarmement intellectuel et moral face à l'islamisme ordinaire.

Barbara Lefebvre est enseignante. Elle est co-auteur des Territoires perdus de la République (2002, rééd. Pluriel 2017) et vient de publier Génération «J'ai le droit» (éd. Albin Michel, 2018).

L'annonce du concert du rappeur Médine au Bataclan indigne, secoue les réseaux sociaux, obligeant politiques, polémistes et intellectuels de salon à s'en mêler parce qu'il faut avoir quelque chose à dire même quand on n'a pas un peu enquêté, voire qu'on ignore qui est Médine, qu'on n'a jamais écouté une seule de ses «chansons». Tous à vos tweets! Aussitôt écrits, aussitôt perdus dans le néant des réseaux sociaux. Et le panel de nos procureurs Pinard est de sortie en appelant, qui à la justice, qui au ministre de l'Intérieur pour faire interdire ledit rappeur, sans doute ravi de cette publicité gratuite, de cette occasion servie sur un plateau pour se victimiser, de la perche tendue à l'argument du «deux poids deux mesures» et j'en passe. Ses fans jubilent, ils n'en attendaient pas moins de la «République coloniale, raciste et islamophobe». Tout le monde est dans son rôle, dans sa caricature.
Les pourfendeurs de Médine, que l'on a bien peu entendus quand il vendait paisiblement des milliers de disques, s'agitent pour la préservation de la valeur commémorative du Bataclan. C'est une façon quelque peu légère de mener le combat contre l'islamisme puisqu'apparemment ils tiennent Médine pour un islamiste qui profanerait le lieu du carnage que l'on connaît ; que n'ont-ils dénoncé les textes de ses raps avant? À moins qu'il ne s'agisse d'une émotion collective, type «peluches et bougies», qui retombera comme elle est venue puisqu'elle n'est pas portée par un sous-jacent politique suffisamment puissant pour une action cohérente. Certains réclament son exclusion du Bataclan en invoquant fièrement l'interdiction des spectacles de Dieudonné comme si cela avait été une victoire. Outre que ce dernier continue à remplir les salles de spectacle, sa chaîne Youtube engrange toujours des abonnés pour atteindre 256 000 fans. Médine lui en affiche 259 000, presque à égalité avec celui qu'il soutenait il y a quatre ans en faisant une quenelle dans les studios d'une radio, photo postée fièrement sur les réseaux sociaux. À titre de comparaison, les chaînes Youtube du Rassemblement National et de la France insoumise affichent respectivement 17 550 et 37 447 abonnés…
Acter en justice contre la location du Bataclan à Médine? Sur quels motifs: trouble à l'ordre public? Que je sache, les concerts de Médine ne dégénèrent pas en bagarre générale sur la voie publique puisqu'aucun groupe d'opposants ne s'est encore risqué à un affrontement physique avec ce type de public. «Apologie du terrorisme» ai-je entendu. Je souhaite bien du courage aux avocats pour prouver cela devant une cour: Médine Zaouiche est bien trop malin dans ses textes (encore faut-il se donner la peine de les lire avant de parler) comme dans ses prises de parole publiques pour se faire attraper sur ce terrain. Médine, c'est l'apôtre vivant du «pasdamalgame», du «not in my name» quand ça arrange sa stratégie politico-artistique. Presque à coup sûr, le tribunal lui donnerait raison, à l'instar d'Orelsan relaxé en appel en 2016 des accusations de provocations à la violence à l'égard des femmes.
Il serait temps d'en finir avec la judiciarisation du débat d'idées qui fait le jeu des ennemis de la démocratie, d'autant que ceux-ci se retrouvent tantôt sur le banc des prévenus, tantôt sur celui des parties civiles. Le ridicule tue la justice. Ce grand détournement du droit mine notre esprit public, cela devrait sérieusement nous interroger au lieu de pratiquer la surenchère légaliste, aujourd'hui avec Médine. Certes c'est le gagne-pain d'un grand nombre d'associations qui n'ont ni réelle existence publique, ni intérêt démocratique, mais ce fut l'erreur de la loi Pleven (1972) dans son article 48 d'avoir habilité les associations à mettre en œuvre l'action pénale. Elles se sont ainsi substituées à l'État et lancé dans la poursuite pénale de toute pensée déviante à leurs yeux ; depuis, tout froissement de susceptibilités communautaires peut vous valoir un procès de nos jours. Ainsi, les juges se sont mis à devoir sanctionner la pensée davantage que les faits. Dès lors, la notion de liberté d'expression a perdu sa boussole.
Les juges se sont mis à devoir sanctionner la pensée davantage que les faits.
«Faut-il ou non interdire Médine au Bataclan?». Et c'est reparti pour un tour de médias et leurs débats prétendument pluralistes qui finissent toujours par un jeu de somme nulle, emblématique de notre époque du «et en même temps»… Débat en plateau qui finira par s'éteindre comme tous les débats de ce genre sans qu'il ne débouche sur aucun réarmement intellectuel et moral de l'opinion, sans que soit enfin débattue sans langue de bois la question de la censure au bénéfice d'un politiquement correct qui érode toutes les aspérités de la pensée pour la réduire à une doxa libérale-libertaire mollassonne largement rejetée par les opinions occidentales. Le refus de la censure est une condition de la lutte contre l'autocensure qui en découle invariablement et qui a progressivement désarmé l'intelligence collective. Cette autocensure faite de culpabilisation, de reductio ad hitlerum dès qu'une critique du «monde qui est et qui vient» est prononcée. Il est plus facile d'interdire que de discuter pied à pied une idéologie suprématiste antidémocratique qui utilise les instruments légaux pour avancer, qui nage dans le droit-de-l'hommisme et l'antiracisme (dévoyé) comme un poisson dans l'eau, l'eau saumâtre de tous nos renoncements à défendre notre modèle de civilisation.
Médine et ses managers ont-ils tendu un piège au propriétaire du Bataclan, le groupe Lagardère? C'est d'abord à ce dernier qu'il faut demander d'expliquer ce choix de programmation, avant de s'en prendre à Médine qui aurait tort de se priver d'un si beau symbole: chanter au Bataclan ses titres Don't laïk ou Qui veut la paix dont le refrain commence en fait par «Prépare la guerre avant la perte de mémoire», où il compare notamment les policiers à des croisés. Médine sait rassurer son public de victimes trans-générationnelles: «présente mon Tiers-monde l'avantage du surnombre» et annonce «Je suis en mode Jihad, parole de père et de fils d'Abdoulaye / Prépare la guerre, tu veux la paix, prépare-toi». Il chantera sans doute fièrement «Jihad», peut-être après une minute de silence pour les victimes du 13 novembre (plus c'est gros et plus ça passe). Dans cette ode à l'amitié entre les peuples version médinoise, il dénonce la férocité des guerres en se drapant dans ses subtiles distinctions spiritualistes entre le jihad intérieur et le jihad guerrier que nous autres mâles et femelles blancs ne pouvons pas comprendre. C'est de tout cela qu'il faudrait parler avec le propriétaire de la salle, Médine n'est qu'un locataire occasionnel.
Censurer est une erreur, une faute intellectuelle. La censure préventive n'existe heureusement plus depuis la loi de 1881 sur «la liberté de la presse». Mais cette loi porte mal son nom puisqu'elle consiste à l'entraver en statuant sur des dizaines d'infractions qui ont conduit avec le temps à un degré d'autocensure incompatible avec la liberté d'expression. L'autocensure n'est pas le déni, l'autocensure conduit à la frustration de ne pas pouvoir dire une réalité qui nous révulse, elle nourrit ce recul du consentement démocratique qui finalement fait le lit des ennemis de la démocratie. Fini le temps des coups d'État. Pour renverser la démocratie, le meilleur moyen reste de la gangrener par l'instrumentalisation de ses lois. Puisque nous avons décidé d'opter pour le modèle de l'État de droit nécessaire à l'abandon des souverainetés nationales, prélude au projet postnational européen, nous devons être conscients que les coups d'État ne se réalisent plus en quelques jours - voire quelques heures quand ils étaient bien préparés - mais en plusieurs années voire décennies par le grignotement patient du «bien commun» et de l'intérêt général, principalement dans les prétoires, avant de gagner les parlements. Ainsi l'État de droit pourra être renversé par le retournement de ses principes contre lui-même puisque, selon ce modèle, la loi prime sur le pouvoir politique, c'est-à-dire finalement sur le peuple souverain.
Censurer est une erreur, une faute intellectuelle.
La soumission du politique et de l'État au droit nous a conduits à la République des juges, qu'ils siègent à Paris ou à Luxembourg. Cette judiciarisation du débat public est délétère pour la démocratie, pour la libre expression politique et culturelle. On traduit devant les tribunaux les écrivains, les journalistes, les historiens, les artistes… Les ligues associatives de vertu occupent le terrain judiciaire et sont désormais les chiens de garde du politiquement correct. L'État n'a plus qu'à suivre en envoyant le Parquet aux trousses des mal-pensants. Parfois il se ressaisit, comme dans le procès contre Michel Houellebecq, et soutient le prévenu, mais ce sursaut de lucidité devant l'instrumentalisation du droit est fort rare comme en ont témoigné l'attitude du Parquet dans les récents procès politiques contre Georges Bensoussan ou Éric Zemmour, pour ne citer qu'eux.
Je suis personnellement favorable à une totale liberté d'expression, y compris pour les ennemis de la démocratie, de Faurisson à Bouteldja en passant par Soral et le CCIF. Je m'oppose donc à toute censure, exceptée celle visant à la protection physique et psychique des mineurs. En toute logique, je suis aussi opposée à toutes les législations s'occupant de faits historiques, qu'il s'agisse de les protéger de leurs négateurs, de les commémorer, de les condamner ou de les glorifier. L'histoire ne se fait pas dans les prétoires, elle se fait d'ailleurs sans que les hommes en aient souvent conscience bien qu'ils pensent la faire - arrogants qu'ils sont. Certains audacieux pensent même pouvoir en inverser son cours ou plus naïvement «éviter qu'elle ne se répète». L'histoire n'est pas une mécanique, elle est là comme un amoncellement de faits disparates qui prennent sens à distance. Et plus la distance temporelle est grande, plus elle témoigne ardemment pour notre présent. Il nous reste à l'interpréter avec toute l'honnêteté intellectuelle possible, pas à la juger. Et certainement pas à l'utiliser pour justifier nos actes de censure en vertu d'un combat idéologique que nous refusons de mener ici et maintenant et que nous renvoyons donc devant un juge, un préfet ou un ministre qui auront pour mission de clore le débat par leur sentence.
Si on ne laisse pas s'exprimer les ennemis de notre démocratie, de notre modèle de civilisation, comment peut-on espérer un réarmement idéologique de l'opinion pour engager contre eux la résistance et la lutte qui viendra? C'est à croire que les élites médiatico-politico-judiciaires veulent éviter que «les gens» aient l'idée de se réengager intellectuellement, politiquement, culturellement contre ce qui les révolte au quotidien depuis au moins deux décennies, à savoir la sécession sociale, politique et culturelle d'une partie de la population qui hurle sa haine de la France, dans ses raps, ses colloques décoloniaux, ses livres racistes. Et comme l'histoire nous l'a appris, ce ne sont jamais les minorités qui nous font basculer d'une période à une autre, ce sont les minorités idéologiques agissantes. Comme le disait De Gaulle, «le plus important pour une minorité c'est d'être majoritaire quelque part».
De la France giscardienne à la France chiraquienne en passant par la mitterrandienne, les Français inquiets, troublés, ont été traités de Dupont Lajoie, de beaufs. «Circulez, y'a rien à voir». Mais un basculement s'est opéré après le 11 septembre 2001 et l'irruption dans nos vies, sur nos territoires, de l'hégémonisme islamique qui progressait silencieusement chez nous depuis le début des années 1990 et avait déjà fait le malheur de tant de nations arabes dont le peuple algérien qui ne s'est toujours pas remis de la «décennie noire» ; à noter que cette guerre d'Algérie-là n'intéresse pas les indigénistes ou Médine qui, en bons bouteflikiens, n'ont en ligne de mire que celle conduite par leurs ancêtres contre les «chiens de colons», les fameux «sous-chiens» de Bouteldja. Depuis le milieu des années 2000, ces excommunications prononcées contre les Dupont Lajoie mal-pensants par les grands bourgeois cosmopolites ont vécu ; d'ailleurs quelques-uns de ceux qui s'adonnaient plaisamment à ce mépris de classe (en fait un mépris du peuple français qu'ils ne connaissaient que de vue) s'en repentent depuis quelques années et sont, à leur tour, devenus des beaufs réacs aux yeux des bien-pensants multiculculs.
Au lieu de les censurer, sortons-les de l'ombre où ils prospèrent !
Les Dupont Lajoie se déculpabilisent lentement mais sûrement. Les réseaux sociaux les y aident car ils ont le sentiment de ne pas être aussi seuls qu'ils l'imaginaient. Ils y constatent surtout l'extraordinaire diversité de cette «beaufitude» tant méprisée par la bonne société. Tant de Français de tous âges, de tant de souches, de tant d'horizons politiques et culturels différents qui ont un intérêt commun: la défense de leur patrie. Mot désuet pour certains, mais qui fait sens pour eux, et qui fera peut-être corps un jour. Ils aspirent à se réarmer idéologiquement, ils voudraient bien qu'on les guide mais les politiciens sont trop occupés à construire leurs plans de carrière dans leurs partis ou leur plateforme métapolitique… Ils disposent de quelques esprits libres pour les engager à lire et relire certains de nos grands auteurs qui ont pensé cette «France des robots» dans laquelle nous baignons, ces auteurs qui nous offrent les armes intellectuelles pour résister, car la guerre est idéologique, culturelle. Elle sera peut-être autre chose un jour mais cela est imprévisible, tandis que produire une pensée structurée pour contrer l'ennemi, c'est de tout temps, c'est maintenant. Ces esprits libres qui pourraient guider cette résistance intellectuelle sont rarement invités dans les médias généralistes. Trop intellos, pas assez «bons clients». Mais si nous avions un espace médiatique véritablement démocratique à leur offrir, ils auraient toute leur place pour redonner du souffle et du corps à une certaine pensée française.
Médine, Dieudonné, Bouteldja, Belattar, Muhammad, Soral… Affrontons-les sur le terrain des idées puisqu'ils prétendent ne jouer que sur celui-là, apôtres du pacifisme qu'ils sont. Le face-à-face idéologique doit enfin être possible, autorisé, public, ouvert. Et qu'on ne nous demande plus de faire attention aux susceptibilités de telle ou telle communauté, pas de sensivity readers / speakers, plus de relecture par l'avocat de la maison d'édition qui change tel article indéfini ou tel adjectif. Il nous faut ce vrai débat d'idées, dégagé de la pesanteur judiciaire, où on pourra enfin mettre les mains dans le cambouis, où on pourra poser et peser tous les mots (les maux?) qui fâchent. Pas d'animateur-arbitre qui clôt le débat d'un «et en même temps», car dans un beau et vrai débat, pour l'opinion, il y a toujours un gagnant et un perdant. Où est le Michel Polac dont notre télévision aseptisée a tant besoin? Et trouverait-on assez de courageux pour venir y croiser le fer avec les indigénistes, les racialistes, les islamogauchistes, les relativistes de tous poils? Eux-mêmes y viendraient-ils? En écartant du débat certaines figures de ces milieux, on les a renforcés: ils ne vivent que de la victimisation. Ségrégationnistes par principe, ils ne veulent pas débattre dans le cadre du pluralisme démocratique. Ils ont l'ambiance feutrée et réglementée des prétoires pour crâner et faire croire à leurs clientèles qu'ils combattent l'infâme République raciste. Dans la pénombre de la cour, à l'abri des regards du grand public, ils ne risquent pas qu'on les voit publiquement humiliés par leurs contradicteurs, ce qui arrive souvent devant les tribunaux où la vacuité de leurs argumentations est révélée pour qui lit les rendus de justice. Au lieu de les censurer, sortons-les de l'ombre où ils prospèrent, laissons les prendre la lumière la plus crue possible pour éclairer l'opinion sur les mécanismes idéologiques à l'œuvre derrière ces groupes sécessionnistes. Arrêtons de mettre la poussière sous le tapis pour acheter la paix sociale, le temps n'est-il pas venu au contraire de tout mettre sur la table?
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Qu'est-ce que la neutralité du Net ? (11.06.2018)

  • Mis à jour le 11/06/2018 à 14:32
A quoi ressemblerait un monde sans neutralité du net ?
VIDÉO - L'autorité américaine de régulation des télécoms a voté pour la fin de la neutralité du Net. Cette décision prend effet lundi. Cinq questions pour comprendre cet enjeu et les changements qu'il implique.
Aux États-Unis, la décision de la FCC (l'autorité de régulation des télécoms) de mettre fin à la neutralité du Net est appliquée à partir du lundi 11 juin. Ce principe était pourtant défendu par des poids lourds de l'économie comme Google, Facebook, Twitter, Amazon, Mozilla, Spotify ou encore Netflix. Et par des personnalités et organisations comme l'inventeur du Web, Tim Berners Lee, l'Electronic Frontier Foundation (une ONG de protection des libertés sur Internet), Greenpeace ou encore l'ancien président Barack Obama. De quoi parle-t-on? Quelles conséquences pour les internautes américains, et européens? Le Figaro répond à vos questions.
Qu'appelle-t-on neutralité du Net ?
La neutralité du Net ou «network neutrality» a été inventée en 2003 par le juriste américain Tim Wu, dans la revue Journal of Telecommunications and High Technology Law. À l'époque, ce concept recouvre l'idée que les flux d'informations ne peuvent être ni bloqués, ni dégradés, ni favorisés par les opérateurs de télécommunications.
Pour mieux comprendre ce que cela signifie, il faut s'intéresser au fonctionnement d'Internet: pour voir cette page web du Figaro par exemple, votre ordinateur ou votre mobile a reçu un petit paquet de données pour l'image, un autre pour le texte, etc. Ces paquets de données voyagent des centres de données du Figaro jusqu'à votre écran grâce à une infrastructure de câbles et de fibres, un peu comme des camions voyagent de Paris à Toulouse en passant par des autoroutes. Sauf que pour faire cette route, il faut s'acquitter d'un droit de passage à l'entreprise qui possède les infrastructures. Sur Internet, chacun paie donc à des opérateurs de télécommunications (Orange, Bouygues, Free...) une certaine somme pour accéder à leur infrastructure, un peu comme un camion paie Vinci pour son trajet d'autoroute. Passée cette formalité, l'opérateur n'est plus censé examiner le contenu des données qui circulent, la source ou la destination des données ou encore leur nature - vidéo, photo, texte, etc.
Ce principe de non-discrimination, de «neutralité du Net» donc, est l'un des principes fondateurs d'Internet, issu des opinions très libérales et libertaires des premiers fondateurs. Tim Berners-Lee, l'inventeur du Web (en vidéo ci-dessous), prend ainsi régulièrement position pour la défense de ce principe souvent menacé.
Qu'est-ce que cela changerait pour chacun s'il n'y avait plus de neutralité du Net ?
Pour filer la métaphore autoroutière, cela reviendrait d'abord à avoir un Internet avec beaucoup plus de péages: pour aller sur Netflix ou YouTube par exemple, des opérateurs de télécommunications voudraient faire payer un supplément à l'abonnement. Ils considèrent que ces services vidéo, de plus en plus utilisés, demandent de faire voyager beaucoup plus de paquets sur leurs autoroutes (la vidéo étant très gourmande en données, elle demande plus de bande passante). Si l'on pousse plus loin encore cette idée d'un monde sans neutralité du Net, cela donnerait un Internet qui s'achète à la carte, et qui serait donc beaucoup plus onéreux que le système actuel d'abonnement: il faudrait par exemple rajouter au tarif unique de l'abonnement à Internet une somme arbitrairement définie pour l'accès à certains sites Web. Certains opérateurs au Portugal imaginent déjà des offres où il faut par exemple ajouter 5 euros mensuels pour accéder à certains réseaux sociaux en illimité.
La disparition de la neutralité du Net créerait aussi un Internet à deux vitesses: ceux qui n'ont pas les moyens de payer un haut débit pour les services vidéos comme Netflix ou YouTube auraient par exemple un accès plus lent au réseau. Cela pose plusieurs problèmes: d'abord, cela oblige les consommateurs à faire des choix entre les services du Web qu'ils peuvent utiliser, en fonction de la vitesse ou du prix d'accès au site et non de leur pertinence ou de leur utilité réelle. Le libre accès au réseau joue pourtant un rôle très important pour trouver un emploi, obtenir des informations pratiques, communiquer avec ses proches ou répondre à certaines formalités administratives.
Ensuite, le fait de regrouper les services du Web par groupes payants pourrait créer des problèmes de concurrence : entre un supplément Facebook-Instagram-Snapchat à 5 euros, un supplément Le Figaro-Le Monde-Libération ou encore un supplément Netflix-YouTube au même prix, que préféreraient par exemple payer les internautes? Et comment de nouveaux acteurs pourraient-ils émerger et fidéliser des lecteurs ou utilisateurs, si les opérateurs de télécoms ne les ont pas choisis pour faire partie d'une de leurs offres? Pour certains, la fin de la neutralité du Net place en fait le contrôle d'Internet entre les mains de géants des télécoms et de leurs partenaires.
Qui s'oppose à la neutralité du Net aujourd'hui et pourquoi ?
Cela fait plus de dix ans que le débat sur la neutralité du Net fait rage aux États-Unis. En 2015, sous la présidence Obama, la FCC avait pris une décision historique en considérant Internet comme un service public. La Commission s'était donné le droit de réguler les fournisseurs, et de s'assurer qu'ils garantissent à tous un accès libre et sans discrimination à Internet. Cette décision avait coupé court aux projets des opérateurs télécoms de créer des abonnements plus chers pour accéder en priorité à certains services, ou au contraire, de créer des forfaits moins chers mais avec un débit dégradé.
Les opérateurs de télécommunications avaient protesté, avec l'argument de la coûteuse nécessité de moderniser leurs infrastructures. En effet, les services sont de plus en plus gourmands en quantité et en débit de données. Le trafic global de données (fixe et mobile) croît de 20% par an, selon le «Cisco Visual Networking Index», cité par l'Aracep (le régulateur français des réseaux). La disparition de la neutralité du Net leur permettrait de générer des revenus supplémentaires pour financer ce projet de rénovation. Depuis l'élection de Donald Trump, ils ont mené une féroce bataille de lobbying pour revenir sur la décision de 2015. Ils trouvent face à eux de non moins coriaces adversaires: les géants du Web voient d'un très mauvais œil la perspective d'un futur où les opérateurs télécoms auraient droit de vie ou de mort sur la visibilité et l'accessibilité de leurs services auprès des consommateurs. Ils se sont ainsi rassemblés, notamment au sein de l'Internet Association, qui regroupe une quarantaine de grands acteurs du Web ainsi que 800 start-up.
Manifestation à Washington en faveur de la neutralité du Net
La neutralité du Net, qui garantit l'accès libre et sans discrimination à Internet, devrait être abrogée jeudi. Dans plusieurs villes des Etats-Unis, des manifestants se sont rassemblés pour protester.
Le président de l'autorité américaine de régulation des télécoms (FCC), le républicain Ajit Pai, est beaucoup plus favorable aux intérêts des opérateurs télécoms que son prédécesseur démocrate, Tom Wheeler. Ajit Pai considère que la régulation du marché représente une forme d'ingérence de la part de l'État. En décembre 2017, la FCC est finalement revenue sur les règles votées à l'époque de Barack Obama, votant la fin du cadre réglementaire entérinant la neutralité du Net.
Cela ne signifie pas la fin de la bataille. Les associations et militants espèrent encore renverser cette décision. En mai, les sénateurs américains ont voté en faveur de la restauration de ce principe dans la législation de leur pays. Les élus démocrates souhaitent désormais convaincre la deuxième chambre du Congrès, celle des représentants, d'en faire de même. Néanmoins, cette initiative a peu de chances d'atteindre son but: l'approbation du président américain, Donald Trump, est nécessaire pour qu'elle aboutisse.
Et en Europe, où en est la neutralité du Net ?
En Europe, les régulateurs des télécoms (l'ORECE) ont sanctuarisé la neutralité du Net dans le règlement sur l'Internet ouvert en mai 2016. Cela n'empêche pourtant pas certains opérateurs de porter atteinte au principe grâce à la pratique du zero rating, plus ou moins tolérées par les régulateurs des États membresAu Royaume-Uni, Vodafone propose ainsi de ne pas décompter des forfaits les données consommées par Netflix ou YouTube, moyennant 8 euros par mois supplémentaires. Au Portugal, l'opérateur MEO propose quant à lui des «packs» qui ajoutent de la donnée sur certains services, pour 5 euros supplémentaires par mois. L'association de défense des libertés en ligne, la Quadrature du Net, juge cette pratique «contraire à l'esprit qui présidait à la préparation du règlement».
En France, la loi du 6 octobre 2016 pour une République numérique garantit l'accès à un «Internet ouvert», conformément aux principes posés dans le règlement européen. C'est l'Arcep qui, en France, s'assure du respect des principes essentiels pour garantir la neutralité du Net. Concernant le zero rating, l'Arcep rappelle à plusieurs reprises dans son rapport annuel que le règlement européen est censé l'interdire. En France, aucun opérateur ne se livre actuellement à cette pratique. Les associations de consommateurs restent toutefois vigilantes, constatant que certains opérateurs tentent malgré tout de contourner les principes du règlement pour un Internet ouvert en favorisant le trafic vers leur service ou celui d'un partenaire, au détriment de celui de leurs concurrents. C‘est le cas notamment d'opérateurs qui proposent, en plus d'offres uniques, des suppléments qui favorisent leurs propres services de VOD ou ceux de leurs partenaires. «L'Arcep préfère fonctionner par le «dialogue proactif» plutôt que par la régulation.» notait ainsi la Fédération FDN et la Quadrature du Net en mai 2017.
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