Macron veut «dépassionner» les débats autour de l'islam
(04.01.2018)
Une policière disparaît dans la Seine lors d'un exercice
(05.01.2018)
Erdogan à Paris : l'opposition compte sur Macron pour faire preuve
de fermeté (05.01.2018)
Macron accueille Erdogan à l'Élysée pour une visite controversée
La policière de Champigny raconte son agression (05.01.2018)
Facebook: Zuckerberg reconnaît avoir fait «trop d'erreurs» et veut corriger
le tir (04.01.2018)
«Toute une partie de la gauche n'accepte pas la liberté
d'expression à l'encontre de l'islam» (29.12.2017)
Une responsable d'Amnesty International poursuivie pour aide aux
migrants (06.01.2018)
Attentats terroristes en France: 2015, «annus horribilis»
(16.11.2015)
«L'éloquence, un facteur d'ascension sociale» (05.01.2018)
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En Allemagne, des réfugiés déçus et prêts au retour en Syrie
(05.01.2018)
Sheldon Adelson, des milliards pour Jérusalem (05.01.2018)
Comprendre le malaise socio-économique des Iraniens (06.01.2018)
USA: les géants technologiques au secours de la «neutralité du net»
(05.01.2018)
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Londres : six mois après le drame, la colère des rescapés de la
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Natacha Polony : «Démocratie sous (bienveillant) contrôle»
(05.01.2018)
Douvdevan, ces soldats israéliens infiltrés chez les Palestiniens
(05.01.2018)
Macron veut «dépassionner» les débats autour de l'islam
(04.01.2018)
Jeudi, le chef de l'État a dit
vouloir travailler sur la «structuration» de cette religion en France.
Emmanuel Macron aura finalement
profité de la
cérémonie des vœux aux religions, ce jeudi, pour délivrer son
grand discours sur
la laïcité. Une prise de parole touchant des dossiers précis comme
l'islam, la gestion de l'immigration - «il faut savoir dire parfois qu'on ne
peut pas prendre toute la part qu'on voudrait prendre, parce qu'on ne le peut
pas» - la bioéthique, mais aussi un programme-cadre détaillant la vision
fondamentale du président
de la République sur le fait religieux. Jamais encore depuis le début
du quinquennat, Emmanuel Macron ne s'était aussi systématiquement expliqué sur
ce sujet sensible, souvent polémique et considéré comme un marqueur dans la
culture politique française.
La grande nouveauté
présidentielle apparaît dans la façon de traiter la question de l'islam.
Emmanuel Macron entend ne pas se laisser enfermer dans la loi de 1905 établissant
la séparation entre les religions et l'État.
«On voudrait, en parlant de
laïcité, parler du seul sujet de la religion qu'est l'islam. C'est une erreur
funeste pour l'islam et pour toutes les autres religions»
Il ne dit pas vouloir la réformer
mais il affirme clairement qu'elle n'est pas forcément adaptée pour résoudre
les questions nouvelles, posées à la France, par l'islam. «Cette loi 1905 fait
partie d'un trésor qui est le nôtre», insiste-t-il, mais «elle n'a pas pensé le
fait religieux avec et par l'islam, parce qu'il n'était pas présent dans notre
société, comme il l'est aujourd'hui» au moment de son adoption. Il ajoute: «On
voudrait, en parlant de laïcité, parler du seul sujet de la religion qu'est
l'islam. C'est une erreur funeste pour l'islam et pour toutes les autres
religions.»
D'où, reconnaît-il, «le
tâtonnement» des autorités, comme des religions, sur la question de l'islam
parce que le logiciel français en la matière a été façonné par des siècles de
collaboration, puis de conflits, entre deux pouvoirs également organisés et
centralisés, l'Église catholique et l'État: «La France s'est habituée dans son
dialogue à une religion qui est structurée de manière beaucoup plus verticale,
parce que c'est l'histoire de la France avec l'Église catholique. Il faut dire
les choses aussi telles qu'elles sont: parce que les religions sont structurées
différemment, nous tâtonnons.»
Ce qui explique sa proposition
pour avancer avec l'islam: «Nous devons avoir un travail sur la
structuration de l'islam en France, qui est la condition même pour que
vous ne tombiez pas dans les rets des divisions de votre propre religion et de
la crise qu'elle est en train de vivre sur le plan international.» Le tout en
«tâtonnons ensemble, de manière ouverte et dépassionnée». Quant au terrorisme
islamiste, le président précise: «Le rôle de l'État, dans ce contexte, n'est
pas de combattre les croyances, mais de combattre les propos et les pratiques
qui se placent en dehors de l'ordre public républicain.»
Les règles de la République
La vision qui guide ce premier
grand chantier présidentiel en matière de laïcité est inspirée par sa
conception même de l'apport - passé et actuel - des religions à la société
française. Emmanuel Macron ne voit en effet aucune cassure entre le croyant et
le citoyen. C'est la seconde grande nouveauté de ce discours programme: «La foi
religieuse qui relève de l'intime ne disqualifie pas pour être citoyen, il
serait fou de penser qu'en une même personne, les deux ne dialoguent pas
constamment.» D'où cette conséquence: «La République ne demande à personne
d'oublier sa foi, mais pour faire nation, il faut également savoir
dépasser ses différences en les mettant au service de la
communauté de citoyens.» Et encore : «Je ne demanderai jamais à quelques
citoyens français que ce soit d'être modérément dans sa religion ou de croire
modérément ou comme il le faudrait en son Dieu. Ça n'a que peu de sens. Mais je
demanderai à chacun, constamment, d'absolument respecter toutes les règles de
la République.»
Sans «renoncer à notre pacte
laïc», le président Macron veut donc davantage intégrer «les apports religieux
et philosophiques» dans un «dialogue sincère, dépassionné» pour la conduite des
affaires de la nation. Car il récuse tout autant l'idée d'une «religion d'État»
qui serait «substituée aux religions» que «les stratégies d'entrisme» ou autres
«coups de force militants» d'inspiration religieuse.
Ce qui dicte cette proposition
phare, troisième nouveauté de son intervention, touchant la prochaine révision
des lois de bioéthique, pour se «donner le temps d'un vrai débat philosophique
dans la société avant de légiférer» : «Durant cette année, je réunirai de
manière régulière, non médiatisée parce que je veux que ce soit des séances de
travail» à la fois, «le comité consultatif national d'éthique» mais aussi les
«représentants» des religions qui seront «pleinement associés», pour «décanter
une vision commune» sur les lois de bioéthique.
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de l'islam»
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Une policière disparaît dans la Seine lors d'un exercice
(05.01.2018)
- Mis à jour le 05/01/2018 à 17:19
- Publié le 05/01/2018 à 15:08
EN IMAGES - Une policière de
la brigade fluviale a disparu lors d'un exercice vendredi en fin de matinée
dans la Seine à Paris, au niveau de Notre-Dame.
Une policière de la brigade
fluviale a disparu lors d'un exercice vendredi en fin de matinée dans la Seine
à Paris, au niveau de Notre-Dame, a indiqué la préfecture de police. Des
recherches étaient toujours en cours peu après 15h.
Dans l'après-midi, 112 pompiers
dont 17 plongeurs, 20 «engins opérationnels sur l'eau» (bateaux pneumatiques,
barges, bateaux), deux hélicoptères (un de la gendarmerie et un de la sécurité
civile) et quatre équipes cynophiles étaient à la recherche de la policière. Un
ballon captif équipé d'une caméra a également été utilisé en fin de matinée.
«C'était un exercice prévu et encadré», a-t-on
précisé du côté de la préfecture de police. «Vers 10H50 ce matin, à l'occasion
d'un entraînement des plongeurs de la brigade fluviale, l'un des personnels
engagés a fait surface et puis a soudainement disparu dans la Seine», a
expliqué lors d'un point presse Philippe Caron, directeur des services
techniques de la préfecture de police. «Les recherches ont été immédiatement
engagées par les plongeurs, par l'équipage, par les collègues de la brigade
fluviale et très rapidement par l'ensemble des moyens de la brigade des sapeurs
pompiers de Paris», a-t-il poursuivi.
Vers 11h30, la plongeuse «n'est
pas remontée lors d'un exercice», ont informé les secours. «Il s'agissait d'un
exercice commun de la brigade fluviale et de la brigade de sapeurs-pompiers de
Paris. C'était un exercice prévu et encadré», a indiqué la préfecture de
police. Un important dispositif a été déployé avec un hélicoptère, les
pompiers, la brigade fluviale et un drone pour rechercher la policière, a précisé
la préfecture de police.
La zone du secteur de
Notre-Dame bouclée
Vendredi après-midi, deux bateaux
des pompiers de Paris ainsi qu'un troisième de la préfecture de police allaient
et venaient entre le pont Saint-Michel et celui de Notre-Dame. Un périmètre de
sécurité a été déployé dans le secteur de Notre-Dame, au cœur de la capitale.
Tous les ponts autour de la zone ont été bouclés. Un hélicoptère survolait
également la zone. Une caméra thermique devait être utilisée pour tenter de
repérer la policière.
Après les intempéries des
derniers jours, le niveau de la Seine est monté à Paris, qui a été placé en
«vigilance jaune» et où de premières mesures préventives ont été prises au bord
du fleuve. Les conditions de recherches sont d'autant plus difficiles à cause
de la crue.
Erdogan à Paris : l'opposition compte sur Macron pour faire
preuve de fermeté (05.01.2018)
- Mis à jour le 05/01/2018 à 15:26
- Publié le 05/01/2018 à 13:41
Macron accueille Erdogan à
l'Élysée pour une visite controversée
Le président français Emmanuel
Macron a accueilli vendredi à l'Élysée son homologue turc Recep Tayyip Erdogan,
qui espère renouer le dialogue avec l'Europe malgré les vives critiques sur la
situation des droits de l'Homme dans son pays.
LE SCAN POLITIQUE - Malgré les
critiques, Emmanuel Macron reçoit vendredi le président turc, Recep Tayyip
Erdoğan, à Paris. Vigilante, l'opposition compte notamment sur le chef de
l'État pour réaffirmer le refus de la France sur l'entrée de la Turquie au sein
de l'Union européenne.
Emmanuel Macron ne l'a jamais
caché: il veut «parler à tout le monde». Et même avec ceux qui peuvent
apparaître comme les moins fréquentables. C'est dans cette logique que le chef
de l'État accueille vendredi à Paris son homologue, Recep
Tayyip Erdoğan. Reçu à l'Elysée, il s'agit pour le président turc de sa
première visite importante au sein de l'Union européenne depuis
le putsch manqué de juillet 2016. La violente répression provoquée par le
dirigeant à la suite de cette tentative se poursuit encore aujourd'hui,
notamment par la multiplication des violations des droits de l'homme. Malgré
tout, l'Elysée estime important de «maintenir le dialogue» sans pour autant
«cacher les divergences».
La gauche condamne la visite
Sans surprise, l'annonce de la
venue de Recep Tayyip Erdoğan en France a fait du bruit dans l'ensemble de la
classe politique. Une grande partie de la gauche s'est même étonnée d'une telle
visite. «La France doit parler avec tout le monde mais accueillir avec tapis
rouge Erdogan est une faute politique. La realpolitik ne doit pas se faire
contre les droits de l'homme», a jugé vendredi matin sur Sud
Radio Rachid Temal, le coordinateur national du Parti socialiste. «Ce
qui me trouble dans cette invitation c'est que nous allons être la première
grande puissance européenne à recevoir Erdogan depuis le putsch et les
nombreuses arrestations», a aussi indiqué vendredi matin sur RTL Luc Carvounas.
Cela peut «laisser encore
croire qu'on peut entrouvrir la porte de l'Union européenne à la Turquie. Je
pense que c'est une faute»
Luc Carvounas, candidat en lice
pour le poste de premier secrétaire du Parti socialiste
Cela peut «laisser encore croire
qu'on peut entrouvrir la porte de l'Union européenne à la Turquie. Je pense que
c'est une faute», a estimé le député de Val de Marne, actuellement seul
candidat en lice pour briguer la tête du Parti socialiste.
La droite reste vigilante
La question concernant l'entrée
de la Turquie dans l'Union européenne est également suivie de près par la
droite. Même si beaucoup admettent que la rencontre entre le dirigeant turc et
le président de la République va dans le bon sens, ils attendent du chef de
l'État de la fermeté sur ce sujet. «La ligne rouge que nous fixons c'est qu'il
n'est absolument pas question de l'entrée de la Turquie dans l'Union
européenne. C'est-à-dire ni de la Turquie, ni des Balkans. Nous ne voulons pas
d'une Europe élargie. Nous attendons que le président de la République dise
clairement les choses», a déclaré vendredi le vice-président des Républicains,
Damien Abad sur France Info. Le député LR a également demandé à Emmanuel Macron
de tenir «une exigence absolue sur la question des droits de l'homme, de la
liberté de la presse et des journalistes emprisonnés.»
Un point de vue partagé par Nicolas
Dupont-Aignan, invité sur France 2 vendredi. «Je suis pour qu'Emmanuel Macron
clarifie sa position sur l'entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne.
Il faut qu'on arrête avec l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Les
Français doivent savoir que les négociations d'adhésion continuent», a tenu à
préciser le président de Debout La France. Même si l'Union européenne se montre
très réticente à l'entrée de la Turquie suite aux violentes répressions, aucune
décision définitive n'a encore été très tranchée pour le moment.
Emmanuel Macron semble encore
loin de donner un tel signe dans ce sens. Bien qu'il affirme vouloir «éviter
les ruptures» entre l'Union européenne et la Turquie, la qualifiant de
«partenaire essentiel», le chef de l'État s'est toujours montré hostile à
l'entrée du pays dans l'Union. «Avec un régime qui prend ces décisions-là, il
n'y aura aucune avancée de l'adhésion à l'Union européenne» dans les prochaines
années, déclarait-il notamment lors de la campagne présidentielle. Assez pour
rassurer l'opposition?
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La policière de Champigny raconte son agression (05.01.2018)
- Par Le Figaro.fr
- Mis à jour le 05/01/2018 à 12:55
- Publié le 05/01/2018 à 10:38
La policière agressée le soir du
réveillon du Nouvel an à Champigny-sur-Marne s'est confiée au Parisien . Ce soir-là, Laurie, la jeune
gardienne de la paix de 25 ans, ainsi que l'officier qui
l'accompagnait ont été agressés rue Benoît-Frachon, aux abords d'un hangar
qu'ils étaient venus sécuriser.
«Je me suis protégée avec les mains et me suis
roulée en boule. J’ai pris des coups au visage, au ventre et sur les jambes.»
Encore sous le choc, la jeune
femme est incapable de se souvenir ni de la durée de l'agression ni du nombre
de personnes qui s'en sont pris à elle. Elle se souvient seulement des deux
garçons et des deux filles qui l'ont portée jusqu'à une voiture de police pour
lui prêter assistance, rapporte le quotidien. Les médecins de l'hôpital
Saint-Camille de Bry-sur-Marne, lui prescrivent une ITT de sept jours et un
arrêt de travail de huit.
De son côté, le capitaine
B. qui l'accompagnait raconte dans son dépot de plainte : «Nous
marchions de front, lorsque j'ai reçu un violent coup dans le dos, porté par un
manche en bois, de type manche de pioche. Mon gilet pare-balles a absorbé une
partie du choc et j'ai réussi à maintenir mon équilibre».
Un individu le frappe au tibia.
Le capitaine tombe à terre. «Cinq ou six personnes extrêmement belliqueuses
se sont alors avancées vers moi. Le premier était toujours menaçant, j'ai sorti
mon arme de service.» Le capitaine B. a déclaré être incapable de reconnaître
les assaillants.
Facebook: Zuckerberg reconnaît avoir fait «trop d'erreurs» et
veut corriger le tir (04.01.2018)
- Mis à jour le 05/01/2018 à 17:31
- Publié le 04/01/2018 à 21:11
Le PDG de Facebook Mark
Zuckerberg a publié jeudi des vœux en forme de mea culpa, reconnaissant
notamment des «erreurs» dans la chasse aux contenus problématiques (propos
haineux, «fake news»...) qui pullulent sur le réseau, des errements auxquels il
promet de remédier en 2018.
«Chaque année, je relève le défi
d'apprendre quelque chose de nouveau. J'ai visité tous les États américains,
j'ai couru 365 milles (587 kilomètres), construit
une intelligence artificielle chez moi, lu
25 livres et appris
le mandarin.» C'est par ces mots que Mark Zuckerberg, cofondateur et PDG de
Facebook, commence son, désormais traditionnel, post de début d'année, initié
en 2009 et dans lequel il révèle sa résolution pour l'année à venir.
Pour 2018 cette dernière est plus
sérieuse que les précédentes. Mark Zuckerberg a déclaré ce jeudi que son défi
cette année sera de lutter contre les abus, la haine, les ingérences de
certains pays et d'autres problèmes majeurs sur le réseau social qu'il a créé.
«Facebook a beaucoup de travail à faire - que ce soit pour protéger notre
communauté contre les abus et la haine, pour se protéger contre l'ingérence des
États, ou pour s'assurer que le
temps passé sur Facebook soit du temps bien dépensé», a-t-il écrit. «Mon
défi personnel pour 2018 est de me concentrer sur la résolution de ces
questions importantes. Nous n'empêcherons pas toutes les erreurs et tous les
détournements (de Facebook) mais nous faisons à l'heure actuelle trop d'erreurs
pour ce qui est de faire respecter nos règles (d'utilisation) et d'empêcher les
mauvais usages de nos outils. Si nous réussissons cette année, nous finirons
2018 sur une bien meilleure trajectoire», espère-t-il avant de conclure: «Ce
sera une année d'auto-amélioration».
» LIRE AUSSI - Un
ancien cadre de Facebook: «Nous avons créé des outils qui déchirent le tissu
social»
Selon Mark Zuckerberg,
«aujourd'hui, beaucoup de gens ne croient plus en l'idée» que la technologie
puisse placer un peu de pouvoir entre leurs mains. Au contraire, dit-il, «avec
l'essor d'une poignée de grosses entreprises technologiques - et avec des
gouvernements qui usent de la technologie pour surveiller leurs citoyens -
beaucoup de gens pensent désormais que la technologie ne fait que concentrer le
pouvoir» entre les mains de quelques-uns, au lieu de le «décentraliser» vers
les citoyens.
Les
entreprises de médias sociaux, y compris Twitter et Google, ont en effet été
poussées, notamment par l'Union européenne, à prendre davantage de mesures pour
éliminer les discours de haine sur leurs plateformes. Facebook a également été
durement critiqué pour son incapacité à empêcher les
opérateurs russes d'utiliser sa plateforme pour s'immiscer dans les élections
américaines de 2016.
» LIRE AUSSI - Facebook
s'engage contre les déstabilisations politiques
Mark Zuckerberg a condamné à
plusieurs reprises les tentatives de la Russie pour influencer les élections à
travers des messages et des publicités sur Facebook et a récemment promis l'an
dernier les dépenses pour faire face au problème.
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Zuckerberg finit par reconnaître que Facebook est aussi u
«Toute une partie de la gauche n'accepte pas la liberté
d'expression à l'encontre de l'islam» (29.12.2017)
- Mis à jour le 06/01/2018 à 08:58
- Publié le 29/12/2017 à 12:42
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Ce
samedi 6 janvier, le Printemps Républicain organise aux Folies Bergères une
grande manifestation «Toujours
Charlie», pour commémorer les attentats de janvier 2015. A cette occasion,
Laurent Bouvet accorde au Figaro Vox un grand entretien.
Laurent Bouvet est professeur
de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il
a publié L'Insécurité
culturelle chez Fayard en 2015.
FIGAROVOX. - Le 6 janvier, aux
Folies Bergères, pour commémorer les attentats de Charlie Hebdo, Le Printemps
Républicain organise une grande manifestation intitulée, «Toujours Charlie». De
quoi s'agit-il exactement?
LAURENT BOUVET. - Il
s'agit à la fois de commémorer, en dehors des cérémonies officielles, le 3ème
anniversaire des attentats de janvier 2015 qui ont commencé le 7 janvier par
Charlie Hebdo, et de dire que trois ans après, malgré les menaces et les
renoncements, nous sommes «toujours Charlie!», c'est-à-dire en faveur de la
liberté d'expression et contre toutes les formes d'intimidation, en particulier
celles venant de tous ceux qui refusent cette liberté d'expression dès lors
qu'elle concerne leur foi religieuse.
Pour ce faire, le Printemps
républicain s'est associé avec le Comité Laïcité République et la LICRA, et des
membres de l'équipe de Charlie Hebdo nous ont apporté leur soutien. Le sens de
cette démarche est de rassembler très largement, et de montrer ainsi, au-delà
des différences et clivages politiques notamment, qu'une très large majorité de
nos concitoyens reste, trois ans après, «toujours Charlie» et très attachée à
la liberté d'expression.
Concrètement, il s'agira d'une
grande journée de témoignages et de débats, d'acteurs de terrain,
d'intellectuels, de journalistes, d'artistes... qui viendront nous dire
pourquoi ils sont «toujours Charlie». La journée se conclura par un spectacle
inédit, fait de moments musicaux et de lectures de textes, dont la «Lettre aux
escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes», le texte posthume de
Charb. Cette journée se déroulera dans la salle des Folies Bergère à Paris
(9ème arrondissement) en deux parties: les témoignages et les débats de 15h à
19h puis le spectacle de 20h30 à 23h. A cette occasion, nous révélerons aussi
les résultats d'un sondage exclusif fait avec l'IFOP sur «les Français et
Charlie, 3 ans après». Le programme, les informations et l'inscription
(indispensable) à cette journée sont disponibles sur le site.
Trois ans après les attentats
de janvier 2015, qu'est-ce qui a changé?
Toute une partie de la
jeunesse de culture ou de confession musulmane se reconnaissait aisément dans
une forme de radicalisation islamiste
A la fois beaucoup et peu!
Beaucoup, parce que nous avons, collectivement, en tant que Français et plus
largement en Europe d'ailleurs, pris conscience que la poussée de l'islamisme
et du terrorisme qui lui est lié, telle qu'elle se déroulait dans le monde
depuis des années, au moins depuis le 11 septembre 2001, et tout spécialement
dans les pays musulmans, nous touchait directement à son tour. Les attentats de
Toulouse et Montauban en 2012 étaient restés un événement isolé, perpétré par
un seul homme, Mohammed Merah, et n'avaient pas soulevé la même prise de
conscience que les actes des 7, 8 et 9 janvier 2015. On a découvert aussi que
ces terroristes étaient des jeunes Français, élevés et éduqués en France. Et
au-delà des attentats eux-mêmes que toute une partie de la jeunesse de culture ou
de confession musulmane se reconnaissait aisément dans une forme de
radicalisation islamiste même si bien évidemment, et heureusement, les passages
à l'acte terroriste ou au djihadisme au Moyent-Orient restent des phénomènes
limités.
Peu aussi, parce que malgré le
choc terroriste et sa répétition en novembre 2015 à Paris puis en juillet 2016
à Nice notamment, malgré la prise de conscience collective, malgré les
changements induits en termes de sécurité et de lutte contre le terrorisme ou
la radicalisation, nous avons pu constater que les menaces contre Charlie Hebdo
ou les propos antisémites, par exemple, n'avaient pas cessé, bien au contraire.
Ces dernières semaines, la tension autour de quelques «unes» de Charlie a bien
montré que toute une partie de cette jeunesse dont nous parlions à l'instant,
et avec elle toute une partie de la gauche, n'accepte pas que la liberté
d'expression, la liberté de caricature et finalement la liberté de la presse se
fasse à l'encontre de la religion musulmane - tout en acceptant d'ailleurs très
bien l'exercice de ces libertés à l'encontre des autres religions. Comme s'il
existait une spécificité propre à l'islam, comme si cette religion et elle
seule devait bénéficier d'un statut particulier en la matière. Que des croyants
puissent penser ainsi, on peut le concevoir, mais qu'une partie de la gauche
suive cette pente est proprement inconcevable.
Il y a tout juste un mois Edwy
Plenel accusait Charlie Hebdo de faire la guerre aux musulmans…
Cette accusation, grave et
irresponsable de la part du directeur de Mediapart (rappelons
que les membres de la rédaction de Charlie Hebdo vivent en permanence sous
protection policière depuis des années et qu'Edwy Plenel le sait parfaitement)
a permis de mesurer combien toute une partie de la gauche s'est égarée depuis
2015.
C'est faire la courte échelle
aux islamistes, dans les médias, sur des tribunes publiques, à l'université,
dans les associations, dans les communes... qui revient à faire la guerre aux
musulmans
Cette accusation de «faire la guerre
aux musulmans» comme celle «d'islamophobie» à l'égard de ceux qui défendent la
liberté d'expression sans préférence ni exception et qui se battent contre
l'islamisme sous ses différentes formes est tout simplement indigne. Car c'est
précisément aux côtés des musulmans qui refusent l'islamisme et ses diktats en
matière religieuse comme en politique que se battent ceux qu'accuse Plenel.
D'ailleurs, ses accusations ont été abondamment et complaisamment relayées par
toute une «islamosphère», dont la proximité avec les thèses des Frères
musulmans se manifeste désormais tous les jours. N'oublions pas que la hargne
de Plenel s'est déployée quand on a pointé du doigt sa complaisance à l'égard
de Tariq Ramadan et finalement de toute cette islamosphère, auxquels il
identifie trop aisément les musulmans dans leur ensemble.
Bref, faire la guerre aux
islamistes n'est pas faire la guerre aux musulmans. C'est faire la courte
échelle aux islamistes, dans les médias, sur des tribunes publiques, à
l'université, dans les associations, dans les communes... qui revient à faire
la guerre aux musulmans.
Quelle est la vocation du
Printemps Républicain créé en 2016. S'agit-il d'une association, d'un mouvement
politique?
Il s'agit d'un mouvement de
citoyens constitué sous la forme d'une association de loi 1901. Le Printemps
républicain est né en mars 2016 d'un double constat. Celui, d'abord, d'une
volonté de «faire quelque chose» de'un ensemble de gens, après les attentats de
novembre 2015 et différentes «affaires» qui ont suivi où l'on a constaté que
toute une partie de la gauche politique, syndicale, associative, dans les
médias ou à l'université refusait de voir la réalité de l'idéologie islamiste à
l'oeuvre sous des formes différentes, du terrorisme et du djihadisme bien évidemment
mais jusque et y compris dans les discours et les manipulations organisées pour
faire avancer un certain nombre d'idées dans le débat public, en particulier
contre l'égalité hommes-femmes ou contre la liberté d'expression.
Toute une partie de la gauche
politique, syndicale, associative, dans les médias ou à l'université refusait
de voir la réalité de l'idéologie islamiste à l'oeuvre sous des formes
différentes
Celui, ensuite, d'un vide
politique, au sein de la gauche traditionnelle, et bien au-delà il faut le dire
et le reconnaître, autour des enjeux dits culturels, à partir d'une position
pleinement républicaine, c'est à dire à la fois démocratique (attachement à
l'état de droit, aux libertés publiques, à l'action, l'éducation et la
mobilisation des citoyens...) ; laïque (autour de la volonté de voir la laïcité
restaurée dans son interprétation républicaine comme liberté de conscience, des
cultes et de séparation entre l'Etat et les religions, et non plus dévoyée dans
une interprétation libérale contraire à son esprit comme à sa lettre à coup de
«liberté religieuse», de «coexistence des cultes et des croyances» ou de simple
«neutralité de l'Etat») ; et sociale (il s'agit ici pour le Printemps
républicain de réaffirmer l'indispensable dimension d'égalité entre les
citoyens que ce soit dans l'exercice de leurs droits, dans l'accès aux services
publics, sur tous les territoires de la République, à une école de qualité
notamment et en termes de solidarité).
Le Printemps républicain prend sa
place dans un ensemble, parmi de nombreuses organisations qui existaient déjà
et se battent autour de principes proches, dont la LICRA et le CLR font partie
comme tout le milieu laïque traditionnel, tout en essayant d'insuffler de
nouvelles pratiques, militantes notamment, avec des adhérents jeunes très
mobilisés - ainsi, l'organisation d'un événement comme «Toujours Charlie»
repose pleinement sur cette force militante, sur des bénévoles, qui ont souvent
fait l'expérience d'engagements partisans ou associatifs préalables mais
décevants - autour d'un corpus théorique retravaillé et réaffirmé.
En 2017, le Printemps républicain
est resté dans son rôle de vigie et de mobilisation, sur les réseaux sociaux
notamment, lorsque les principes que j'évoquais plus haut ont été mis en cause.
Nous avons ainsi, par exemple, joué un rôle majeur dans le dévoilement public
des propos antisémites, homophobes et sexistes de Mehdi Meklat, et des
complicités dont il a si longtemps bénéficié dans les médias. Mais c'était une
année électorale, et le pluralisme politique qui est aussi un des principes
fondateurs du Printemps républicain - comme le refus de subventions publiques
ou la collégialité des décisions par exemple - nous a conduit à ne pas prendre
parti dans toute la séquence électorale, des primaires aux législatives, en
passant bien sûr par la présidentielle. Cela a limité notre activité. Ce ne
sera pas le cas évidemment en 2018 où nous allons pouvoir reprendre un rythme
plus soutenu, dont Toujours Charlie marque le démarrage.
Vous réclamez-vous de la
gauche ou accueillez-vous des républicains de toutes les rives?
Nous venons, pour ce qui est de
l'essentiel des fondateurs et des animateurs, sans aucun doute aussi des
adhérents, de la gauche mais nous accueillons bien évidemment, dès lors qu'il y
a accord avec les principes énoncés plus hauts (ceux inscrits dans notre
«manifeste» fondateur en mars 2016), tous ceux qui veulent nous rejoindre. Nous
ne demandons de papiers ou de pedigree à personne! La République ne se divise
ni ne se confisque d'aucun côté politique. On peut avoir des divergences sur
tel ou tel sujet, et des conceptions différentes de l'action publique, mais dès
lors qu'elles sont débattues dans un cadre commun, dès lors que la querelle
politique est comprise dans le cadre républicain, il n'y a aucune raison ni de
la refuser ni d'y renoncer. C'est une question de respect des règles communes
et d'éthique de la discussion politique. Bien sûr, ceux qui refusent de
respecter ces règles républicaines et ne se conforment pas à cette éthique de
la discussion, qui ne veulent pas s'appuyer sur une forme de raison commune en
quelque sorte, ceux-là ne sont pas les bienvenus au Printemps républicain, et
d'ailleurs nous les combattons dans l'espace public - sur les réseaux sociaux
en particulier où les dérives en la matière sont hélas très fréquentes.
Je ne suis pas en revanche très
favorable au terme «républicains de toutes les rives» qui me rappelle le
«républicains des deux rives» des années 1990-2000. Car si l'accord doit se
faire sur le cadre républicain lui-même, son exigence et sa rigueur, cela ne
fait pas un programme politique pour autant, tel qu'il était envisagé à
l'époque autour du «souverainisme», en tentant de faire pivoter vers la
question européenne l'axe de la politique française. Cela a été un échec, un
lourd échec. Nous avons clairement dépassé aujourd'hui cette phase et cette
époque. Les conditions nouvelles de la politique, en France comme au-delà de
nos frontières, avec la montée de populismes de différentes natures et de «mouvements»
très centrés autour de leur chef, réponses imparfaites, insatisfaisantes et
précaires aux nouveaux enjeux qui bousculent nos conceptions et les frontières
politiques (idéologie islamiste, défi environnemental, transhumanisme,
privatisation généralisée des données, transformations profondes de l'économie
productive et du travail...) nous conduisent à revoir en profondeur la manière
même dont nous pensons la politique.
L'idée républicaine est
d'essence politique et non économique, sociale, culturelle ou religieuse
Et c'est là que l'idée
républicaine, bien davantage que le régime ou les institutions qui l'incarnent,
prend tout son sens. Et que contrairement à ce que l'on peut lire un peu
partout aujourd'hui, elle est une idée neuve, une idée pour aujourd'hui et pour
demain. Précisément parce qu'elle est d'essence politique et non économique,
sociale, culturelle ou religieuse ; précisément parce qu'en faisant de nous des
citoyens, elle nous ouvre des possibles, ici et maintenant, grâce à notre
volonté commune, que nos identités et appartenances multiples, nos intérêts
particuliers ou nos conceptions du monde, légitimement différentes, ne peuvent
nous ouvrir.
La gauche républicaine n'est
plus représentée par aucun parti politique... A terme le but n'est-il pas,
malgré tout, de créer un parti?
Vous avez raison! La gauche
républicaine n'est plus représentée non seulement par aucun parti politique
mais pratiquement plus dans aucun parti politique. Et cela manque,
profondément, au débat public. Le Printemps républicain entend bien participer
à combler ce vide mais certainement pas en devenant un parti politique lui-même
- pas dans un avenir proche en tout cas. Nous voulons au contraire essayer de
sensibiliser et de mobiliser dans l'ensemble des partis et mouvements
politiques autour des principes énoncés plus haut, de manière transversale.
Notre terrain de lutte est le débat public, autour des idées et des grands
enjeux politiques.
Certains vous soupçonnent
d'être le comité de soutien non officiel de Manuel Valls.
On soupçonne le Printemps
républicain de bien des choses! Dernièrement, on nous a attribué, entre autres,
l'éviction de Rokhaya Diallo du Conseil national du numérique ou encore les
difficultés à remplir les salles de sa tournée à venir de l'humoriste Yassine
Belattar! C'est prêter bien du pouvoir à une association encore très jeune
(nous n'avons pas deux ans) et constituée de simples citoyens qui s'engagent
sur leur temps libre pour des idées et des principes - pas de lutte pour des
places ou des gratifications matérielles au Printemps républicain.
Concernant les rumeurs
régulièrement colportées et complaisamment entretenues, dans la presse
notamment, sur notre proximité avec Manuel Valls, là encore, on nous prête
décidément beaucoup. D'abord parce que, comme je vous l'ai dit plus haut, il y
a au Printemps républicain des gens de différentes sensibilités politiques, de
la France Insoumise à la République en Marche et même un peu au-delà vers la
droite, qui n'accepteraient pas qu'on se range derrière tel ou tel, Manuel
Valls ou un autre. Ensuite parce que si nous pouvons partager avec Manuel Valls
des combats communs, autour de l'idée d'une gauche clemenciste (en référence à
Clemenceau) notamment, nous ne l'avons pas soutenu aux primaires de la gauche,
pas plus qu'un autre candidat, et pas plus qu'un autre encore à la
présidentielle. Enfin parce que ce n'est pas notre vocation de soutenir tel ou
tel responsable politique autrement que dans l'expression d'idées et de
principes qui sont les nôtres. Ainsi, par exemple, nous soutenons publiquement
les membres de la France Insoumise qui se battent, au sein de leur mouvement,
pour la laïcité, contre les idées indigénistes (en référence aux Indigènes de
la République) ou les accommodements pas toujours raisonnables avec des
associations et des personnalités proches des islamistes, comme nous soutenons
au gouvernement des ministres tels que Jean-Michel Blanquer ou Marlène
Schiappa, et de la même manière que nous soutenons, à la LREM, les députés et
militants qui se prononcent eux aussi en républicains pour la laïcité, et non
pour sa version libérale.
Combat d'idées et non de
personnes, combat de principe et non de posture. Voilà ce qu'est la politique
pour le Printemps républicain.
Le film «L'Étoile de Noël» a
été arrêté en pleine séance scolaire, à Langon, pour cause de laïcité.
L'expression «joyeux Noël» est, elle -même, sujette à polémique. Que cela vous
inspire-t-il? Ce type de controverse ne vient-il pas décrédibiliser le principe
de laïcité?
La laïcité est mise en cause
par des idéologies concurrentes, du côté d'un individualisme mal compris, et du
côté de toutes les dérives et manipulations identitaires
D'abord, que le combat laïque est
une chose sérieuse, car aujourd'hui la définition même de ce qui nous est
commun - dont la laïcité comme principe philosophique et politique est un
élément-clef en France - est mise en cause par des idéologies concurrentes, à
la fois du côté d'un individualisme mal compris, réduit à son matérialisme plat
voire cynique, noyé dans le consumérisme notamment, et du côté de toutes les
dérives et manipulations identitaires, autour de craintes culturelles parfois
justifiées mais aussi de constructions ou de reconstructions totalement
imaginaires.
Ensuite, qu'il faut faire
attention, quand on a une responsabilité éducative envers les enfants, de ne
pas induire chez eux de confusion. Il me semble que lorsque l'on emmène sa
classe voir un film intitulé «L'étoile de Noël» au cinéma, on sait à quoi
s'attendre. Ou alors, il faut faire un autre métier. Et arrêter un film comme
ça, en pleine séance, c'est vraiment ridicule. La laïcité, ce n'est
certainement pas ça.
Enfin, qu'il faut raison garder
et arrêter de monter en épingle la moindre contestation ou le moindre
désagrément. Je ne vois pas le problème avec l'expression «joyeux Noël»! Que
les croyants l'utilisent et que ceux qui ne croient pas en utilisent une autre
comme «joyeuses fêtes» par exemple me paraît du simple bon sens. Nul ne devant
être obligé ou contraint à faire l'un ou l'autre. C'est totalement ridicule.
Toutes ces controverses
décrédibilisent surtout ceux qui s'y prêtent. La laïcité vaut infiniment mieux
et les combats à mener en son nom, et il y en a, sont infiniment plus
importants.
Aujourd'hui, c'est l'islam, et
aucune autre religion, qui est susceptible de menacer la République. Pourquoi
ne pas le dire clairement plutôt que de continuer à «gifler sa grand-mère»?
Je ne suis pas certain que
l'islam en tant que religion menace la République. Que l'islam articule,
différemment du christianisme, le théologique et le politique, en raison des
conditions de naissance très différentes et des premiers siècles d'évolution de
ces deux grandes religions prosélytes, c'est une évidence. Mais l'Histoire nous
a aussi montré que l'islam s'adaptait à différentes civilisations et cultures
au moins autant qu'il s'imposait à elles. Donc je ne peux en conclure que
l'islam menace la République.
Après, qu'il y ait une partie de
la population de culture ou de confession musulmane, en Europe, et en France,
qui refuse clairement certains principes sur lesquels sont bâties nos sociétés,
c'est une évidence. Ce sont des musulmans qui se réclament de lectures souvent
littérales, fondamentalistes ou intégristes, de leurs principes religieux,
parfois d'une inculture totale en la matière aussi d'après ce qu'en disent
certains spécialistes, et qu'ils comprennent comme incompatibles avec toute
autre conception du monde, que ce soit d'ailleurs au sein de l'islam ou en
dehors. C'est précisément ça l'islamisme: une forme idéologique donnée à la
religion et qui en déborde le cadre pour prétendre à une hégémonie dans tous
les domaines de la vie humaine, et sur toute autre forme culturelle,
religieuse, politique ou sociale.
Et il faut le dire clairement en
effet, mais cela ne doit pas exclure tous les musulmans qui ont une autre
lecture de leur religion, et qui par leur pratique la rendent tout à fait
compatible avec la République, comme le font les autres citoyens à partir de
leurs différentes identités et croyances. La République ne vise certainement
pas à se substituer aux religions et aux croyances, elle vise à faire de chacun
des citoyens qui la composent, un égal en droits et devoirs aux autres, quelle
que soit son origine, son identité, sa foi, etc. Il n'y a a priori aucune
incompatibilité d'aucune sorte dans la mesure où la République est le lieu du
commun, face à tous les particuliers et les particularismes. Ce commun étant le
résultat à la fois d'une histoire, complexe et parfois violente, riche de ses
contradictions et de ses évolutions, et d'une projection dans un destin commun,
riche lui de ses possibilités. Les communs restent différents entre peuples,
pays, nations... En France, ce commun, c'est «la République, notre royaume de
France» comme disait Péguy. Et si quelqu'un ne veut pas de ce commun et des
principes qui le régissent, alors il ne peut être citoyen, qu'il soit athée,
musulman, catholique ou témoin de Jéhovah...
Mais je comprends, à la citation
de la célèbre expression de Marx que vous faites, que notre «grand-mère» serait
le catholicisme ou du moins le christianisme, auxquel il serait plus aisé de
s'en prendre qu'à l'islam.
Faire respecter par toutes les
religions, sans aucune exception, les principes du commun, en la matière la
laïcité, ce n'est certainement pas nier le passé de la France
Pour moi, faire respecter par
toutes les religions, sans aucune exception, les principes du commun, en la
matière la laïcité, n'est certainement pas nier le passé de la France. La
laïcité elle-même est un principe qui vient de notre histoire, française, elle
est née et s'est déployée dans un cadre irréductible à tout autre
historiquement. Mais elle a permis précisément de mettre à distance la religion
dominante, catholique, pour construire un commun ouvert à tous, sans prééminence
religieuse. C'est au nom même de cette mise à distance qu'on peut aujourd'hui
proposer ce cadre commun à d'autres croyants, issus d'autres religions et
d'autres cultures. Il n'y a donc ni ambiguïté sur les différences à faire entre
islam et catholicisme en matière historique et culturelle, ni ambiguïté sur
l'égalité de traitement à réserver aux deux religions, comme aux autres, au
regard de la laïcité.
Et je trouve aussi pitoyables
qu'injustes les accusations que l'on entend parfois à propos des défenseurs de
la laïcité qui s'en prendraient aux catholiques pour mieux pouvoir justifier de
s'en prendre aux musulmans. Accusations qu'on trouve d'ailleurs aussi bien du
côté catholique que musulman pour des raisons qui ne sont pourtant pas les
mêmes. Faire respecter des principes communs, c'est précisément ne s'en prendre
à personne. Comme si d'ailleurs, symétriquement, il n'y avait jamais aucune
collusion anti-laïque ou anti-laïcité entre croyants de différentes religions,
tout à fait d'accord pour dire que finalement un croyant sera toujours un
meilleur homme qu'un non croyant - je n'ai pas oublié à ce propos la phrase,
terrible, de Nicolas Sarkozy dans son discours de Latran en décembre 2007:
«Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence
entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le
pasteur, même s'il s'en approche, parce qu'il lui manquera toujours la
radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par
l'espérance.»
Bref, essayons de rester à la
fois rationnels et raisonnables en la matière, et de (re)faire de la laïcité le
pilier du commun républicain dont nous avons tant besoin aujourd'hui. Cela nous
permettra d'éviter bien des dérives et des dérapages identitaires.
Emmanuel Macron a promis de
s'exprimer sur la laïcité en janvier. Qu'attendez-vous de ce discours?
Je dirais, sans doute comme tout
le monde, une clarification de la position même du président de la République
sur le sujet compte tenu des signes contraires qu'il a envoyés jusqu'ici, en
montrant parfois sa préférence pour la vision libérale de la laïcité comme
liberté religieuse et coexistence des religions (notamment quand il a renommé
la même équipe à la tête de l'Observatoire de la laïcité), alors qu'il a aussi choisi
des ministres comme J.-M. Blanquer et M. Schiappa qui ont eux clairement
réaffirmé une conception républicaine de la laïcité.
Depuis une trentaine d'années,
la vision libérale a largement progressé au sein de l'Etat lui-même
Mais, sur le fond, je ne suis pas
certain que la position du président de la République soit elle-même
déterminante en la matière. Il choisira peut-être telle ou telle position sur
le sujet, ou peut-être restera-t-il dans une forme d'ambiguïté, mais sa
fonction n'est assurément pas de définir la laïcité. Celle-ci échappe en effet
à des choix politiques sur l'instant même si les institutions peuvent, en
suivant telle ou telle conception, privilégier l'une par rapport à l'autre.
Ainsi, depuis une trentaine d'années, la vision libérale a-t-elle largement
progressé au sein de l'Etat lui-même, et chez nombre de ses hauts cadres comme
chez bien des responsables politiques. C'est l'effet de multiples décisions,
choix et orientations pris par plusieurs générations de responsables de l'Etat.
Pourtant cela n'a pas empêché qu'une vision républicaine, moins sensible sans
doute aux effets de la mondialisation dominée par le paradigme libéral de la
tolérance et du multiculturalisme normatif qu'elle véhicule, subsiste et
continue d'être transmise et défendue.
Aujourd'hui, alors que nous
sommes entrés de plain-pied dans dans l'âge identitaire, pour les individus
comme pour les religions, il n'est pas certain que cette laïcité d'ascendance
républicaine soit pour autant la plus mal placée pour répondre aux défis qui se
présentent à nous. Si le Printemps républicain peut servir à quelque chose,
c'est bien démontrer l'utilité de celle-ci dans le débat public
Une responsable d'Amnesty International poursuivie pour aide
aux migrants (06.01.2018)
- Par Etienne Jacob
- Publié le 06/01/2018 à 16:58
Martine Landry, 73 ans, aurait
facilité la venue en France de deux mineurs isolés Guinéens venus d'Italie.
Jugée ce lundi devant le tribunal correctionnel de Nice, elle risque jusqu'à
cinq ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.
Tout s'est passé deux
jours après la mise en examen de Cédric Herrou pour aide à
l'immigration clandestine. Le 28 juillet dernier, deux migrants guinéens, venus
d'Italie, sont arrivés à la frontière franco-italienne pour rejoindre la
France. Ces mineurs isolés, âgés de 15 et 16 ans, ont expliqué leur situation
aux policiers italiens. Ces derniers les ont renvoyés, à pied, vers le poste
frontière français. S'y trouvait alors Martine Landry, membre d'Amnesty
International et de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour
les étrangers (Anafé). Jugée ce lundi devant le tribunal correctionnel de Nice,
cette militante de 73 ans est accusée d'avoir «facilité l'entrée» de ces
mineurs en situation irrégulière sur le sol français, selon l'acte
d'accusation, consulté par Le Figaro. Elle les aurait «pris en
charge et convoyé pédestrement du poste frontière côté Italie au poste
frontière côté France», précise le document.
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gourmands.
Contactée par Le Figaro,
Mireille Damiano, l'avocate de la septuagénaire, demande la relaxe pure et
simple de sa cliente. «Il n'y a pas d'infraction, pas de délit de solidarité»,
assure-t-elle. «Martine Landry a accueilli ces jeunes une fois qu'ils avaient
franchi la frontière, mais ne les a pas accompagnés d'Italie jusqu'en France.
Elle se trouvait derrière le panneau “France”», conteste-t-elle. Et d'ajouter:
«On est totalement surpris. Ma cliente a été entendue le 31 juillet par la
police aux frontières de Menton. On a détaillé les raisons pour lesquelles elle
se trouvait là: elle a accueilli ces mineurs pour leur permettre d'intégrer le
circuit de l'Aide sociale à l'enfance (ASE)». Selon l'avocate, les deux jeunes
Guinéens avaient été repérés par les autorités françaises quelques jours plus
tôt lors de perquisitions effectuées au domicile de Cédric Herrou, où ils ont été
logés pendant un temps. Leur minorité n'a «jamais été contestée»,
affirme-t-elle. Après être revenus en France, ces jeunes gens ont bénéficié de
l'ASE.
Précédents
Ces poursuites interviennent dans
un contexte de pression migratoire inédite. Selon la préfecture des
Alpes-Maritimes, 50.000 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés
en 2017 dans les Alpes-Maritimes. Martine Landry, elle, a pour habitude
d'intervenir à la frontière franco-italienne. Chargée d'une mission
d'observation en zone d'attente pour Amnesty International, elle participe
également aux actions militantes de conseil aux demandeurs d'asile et
d'accompagnement dans l'accès à leurs droits. Selon Amnesty, l'aide qu'elle a
apporté aux migrants ce 28 juillet ne relevait «pas strictement» des missions
évoquées ci-dessus. En revanche, son action «ne contrevient absolument pas à
nos principes et nos recommandations sur cette question», ajoute l'association.
Ces derniers mois, d'autres
militants ont été poursuivis pour le même type de délit. En août dernier, Cédric
Herrou avait écopé de quatre mois de prison avec sursis pour «aide à
l'entrée et à la circulation d'étrangers en situation irrégulière». Le 13
décembre, quatre retraités avaient également été condamnés à une amende de 800
euros avec sursis pour avoir transporté des migrants près de la frontière.
Martine Landry, elle, risque jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 30.000 euros
d'amende pour délit de solidarité.
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Attentats terroristes en France: 2015, «annus horribilis»
(16.11.2015)
- Par Eugénie Bastié
- Mis à jour le 05/01/2018 à 12:56
- Publié le 16/11/2015 à 06:00
Du 7 janvier au 13 novembre,
l'année 2015 a été ponctuée d'attaques terroristes sur le territoire français.
Certaines ont été déjouées, mais six d'entre elles ont fait des victimes. 148
personnes ont trouvé la mort.
«Toujours pas d'attentats en
France» «Attendez, on a jusqu'à la fin janvier pour présenter ses vœux»: le
dernier dessin de Charb était
terriblement prémonitoire. Il paraissait le 7 janvier 2015. Quelques heures
après, son auteur périssait sous les balles des frères Kouachi. Le premier d'une longue
série de victimes.
Chérif et Saïd Kouachi, Amedy
Coulibaly, Sid Ahmed Ghlam, Yassin Salhi, Ayoub El Khazzani… Ces hommes, tous
terroristes islamistes, ont tenté, et parfois réussi à semer la mort en France
en 2015.
• 7 janvier 2015: la tuerie
de Charlie Hebdo
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Le 7 janvier 2015, à 11h30, les
deux frères Kouachi pénètrent dans les locaux de Charlie Hebdo à
Paris, armés de fusils d'assaut. Ils y assassinent 12 personnes dont
huit membres de la rédaction: les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et
Wolinski, la psychanalyste Elsa Cayat, l'économiste Bernard Maris. Le policier
Franck Brinsolaro, le correcteur Mustafa Ourrad, un agent de sécurité Frédéric
Boisseau, un policier Amhed Merabet, et Michel Renaud sont également tués. Les
deux frères sont tués quelques jours plus tard par le GIGN dans une imprimerie
où ils s'étaient retranchés, à Dammartin-en-Goële, au nord de Paris.
• 9 janvier: prise d'otages à
l'Hyper Cacher
Le vendredi 9 janvier, un
complice des frères Kouachi, Amedy Coulibaly entreprend
une prise d'otages dans un Hyper Cacher situé porte de Vincennes, à Paris. Il
tue quatre personnes avant d'être abattu par les forces de police. La veille,
il avait tué une policière municipale à Montrouge.
L'État islamique revendique
l'attaque.
• 19 avril: l'attentat manqué
de Sid Ahmed Ghlam
Sid Ahmed Ghlam, étudiant en
informatique de 24 ans, est arrêté dimanche 19 avril dans le 13e arrondissement
de Paris, après avoir appelé le SAMU pour une blessure par balle.
La police soupçonne le jeune
homme d'avoir projeté une attaque terroriste contre deux églises de Villejuif (Val-de-Marne).
Il aura tout de même réussi à faire une victime: Aurélie
Châtelain, 33 ans, retrouvée morte dans sa voiture. La jeune femme, qui a
eu le malheur de se trouver sur le chemin du terroriste, a été abattue alors
qu'elle tentait de résister au vol de sa voiture par ce dernier.
• 26 juin 2015: un patron
décapité à Saint Quentin-Fallavier
Yassin Salhi, chauffeur-livreur
dans une société de transports assomme, étrangle et décapite son patron. Il
était en lien avec la mouvance salafiste.
Il envoie un selfie macabre avec
la tête de sa victime à Sébastien
Yunes un djihadiste français en Syrie, avant d'exposer la tête de sa
victime avec un drapeau de l'état islamique sur un grillage dans une usine de
produits industriels à Saint-Quentin Fallavier, en Isère. Puis il projette sa
camionnette contre des bonbonnes de gaz, provoquant une explosion. Il est
arrêté par la police.
L'État islamique revendique
l'attaque.
• 21 août 2015: attaque d'un
Thalys empêchée par des héros
Ayoub El Khazzani, un
ressortissant marocain, muni d'une kalachnikov, ouvre le feu dans un train
Thalys sur une ligne reliant Amsterdam à Paris. Plusieurs passagers parviennent
à s'interposer et à le désarmer. Deux militaires américains sont blessés. François
Hollande remet la légion d'honneur aux quatre hommes ayant mis fin à
l'attaque. Le terroriste est arrêté par la police.
• 13 novembre 2015: massacre
en plein Paris
La dernière de ces attaques est
aussi la plus sanglante. Le vendredi 13 novembre, aux alentours de 21h20, une
série d'attaques perpétrée par plusieurs terroristes débute, provoquant la mort
de 129 personnes et faisant 300 blessés, dont 99 graves. La tuerie est
revendiquée par l'État islamique. Sept terroristes sont tués pendant l'attaque.
C'est l'attentat la plus grave en France depuis la Seconde guerre mondiale, et
la première fois qu'ont lieu des attentats suicide.
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France est sortie de 70 ans de paix»
«L'éloquence, un facteur d'ascension sociale» (05.01.2018)
Romain Decharne, 32 ans,
enseignant à Sciences Po, est le créateur de l'association Graines d'éloquence,
qui organise des concours dans les lycées et collèges depuis 2014.
LE FIGARO. - Comment avez-vous
eu l'idée de lancer cette association?
Romain DECHARNE. - Plus
jeune, j'étais timide et stressé. Étudiant en droit, lorsque j'avais un exposé
à rendre, je n'en dormais pas la veille. Je me suis débrouillé pour avoir accès
à des cours d'éloquence en anglais, ce qui m'a beaucoup aidé à vaincre mes
appréhensions. Les Anglais font beaucoup de matchs d'art oratoire en équipe.
Avec une cinquantaine d'étudiants, nous avons décidé de lancer cette formule en
français dans les lycées. Dès la première année, nous avions 150 candidats, au
départ surtout parisiens. Nous organisons aussi régulièrement des procès, celui
de Jésus, de Louis XVI, de Dark Vador… Nous sommes présents dans 150 lycées par
le biais de clubs oratoires. Et nous avons lancé cette année ces mêmes clubs
dans des collèges. Car plus on commence tôt, mieux c'est! Entre les concours et
les clubs, nous touchons environ 20.000 élèves.
Quel type de population
visez-vous?
Tout le monde! C'est ça qui est
intéressant. Les préjugés sont en train de sauter. L'éloquence est
traditionnellement perçue comme un sport de bourgeois, d'aristocrates et de
lettrés. Qui concernerait exclusivement les avocats, les politiciens et les
PDG. Et c'est vrai que ceux qui maîtrisent bien l'art oratoire, ce sont surtout
des gens bien nés. D'autant plus que l'Éducation nationale ne fait pas le
boulot. L'oral reste le parent pauvre. Nous nous sommes volontairement tournés
vers des élèves d'origine populaire car savoir bien parler, c'est un facteur
d'ascension sociale. Nous nous sommes implantés à Paris et à Londres, mais
aussi dans les quartiers nord de Marseille, Tourcoing, Lille, en
outre-mer, etc. Pour ma part, je fais payer des formations d'éloquence que
je donne dans des entreprises, ce qui me permet de donner du temps
bénévolement.
En quoi cet enseignement est-il
essentiel à vos yeux?
Réussir un entretien d'embauche,
un oral d'examen, négocier, interagir, réclamer une augmentation, tout passe
par l'oral. Mais par-delà cette dimension utilitaire, ça crée du lien. Ce ne
sont pas les concours qui nous intéressent en tant que tels. Nous nous sommes
d'ailleurs vite rendu compte que la notion de compétition façon Sciences Po ou
HEC pouvait faire fuir certains. Ce qui nous motive, c'est de faire progresser
ces jeunes. Nos débats imposent des alliances entre élèves, qui doivent s'unir
pour défendre à plusieurs une même cause à l'oral. Cela donne des mélanges
détonants. Je pense à cette équipe du lycée Henri-IV qui s'est alliée avec une
équipe d'un lycée du nord de Marseille. Des amitiés fortes se sont créées entre
des jeunes qui n'avaient aucune chance de se rencontrer. Comme ce garçon du
VIIe arrondissement de Paris avec ce garçon de banlieue déshéritée. En
Seine-Saint-Denis, notamment, nous avons découvert des jeunes avec un potentiel
incroyable que nous avons poussé à faire Sciences Po, par exemple, alors qu'ils
pensaient s'orienter vers quelque chose de bien plus modeste.
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La Conférence des avocats du
barreau de Paris, la plus prestigieuse de France, est devenue malgré elle une
sorte de méritocratie dénoncée par ses détracteurs comme une caste aux
privilèges iniques et défendue avec passion par ses partisans, qui soulignent
l'importance de l'art de la rhétorique devant les cours d'assises.
Plus de cent ans d'éloquence et
une flamme intacte portée d'année en année par la Conférence du stage et ses
douze «secrétaires», vainqueurs d'une épreuve qui court sur dix mois de joutes
oratoires. Jugés par leurs pairs, ils sont la jeune garde qui doit perpétuer
l'art de la défense pénale. Depuis 1991, la «Conférence du stage» est
obligatoire dans tous les barreaux de France, mais celle de Paris est la plus
prestigieuse compte tenu de la concurrence.
Chaque année, à partir du mois de
janvier, une trentaine de séances réunit 200 candidats qui se pressent à la
bibliothèque de l'ordre des avocats de Paris pour tenter leur chance. Ils
n'étaient que 120 il y a quinze ans. Lors du premier tour, deux sujets publiés
quinze jours à l'avance sont proposés aux candidats. En juin, ils ne sont plus
que 36 autorisés à passer le second tour. Un second tour où les sujets et les
positions rhétoriques (affirmative ou négative) sont imposés et où le temps de
préparation n'excède pas cinq heures. «Impossible de préparer des discours
types avant d'avoir les sujets, car cela s'entend», souligne Jérémie Boccara,
troisième secrétaire de la promotion 2017. En revanche, tous commencent à
s'entourer de coachs et de conseils pour les aider à passer cette épreuve, sans
doute la plus exigeante. «C'est de l'éloquence d'urgence», comme le sera la
défense qu'ils devront pratiquer, pendant un an. En novembre, ils ne seront
plus que 24 à passer le troisième tour. Un tour de «confirmation», comme le
souligne Jérémie Boccara.
L'engouement pour la Conférence
augmente en même temps que le nombre d'élèves avocats, toujours plus nombreux.
Mais elle témoigne aussi du regain du droit pénal, occulté un temps par le
prestige du droit des affaires. Si ce concours d'éloquence est né sous Louis
XIV, la Conférence des avocats du barreau de Paris a été fondée en 1878 sous
forme d'une association d'avocats. Avec le temps, elle est devenue malgré elle
une sorte de méritocratie dénoncée par ses détracteurs comme une caste aux
privilèges iniques.
«En mathématiques, 2 et 2
font 4. Avec les mots, 2 et 2 peuvent faire 3, ou 5, ou 7. Ils disparaissent à
l'instant où ils ont été prononcés. Mais on ne les oublie jamais »
Pierre-Olivier Sur, avocat
En
2013, la pression de la base des pénalistes était montée d'un cran contre
l'institution multiséculaire de la Conférence du stage. Les 1500
pénalistes de base du barreau de Paris dénonçaient ce privilège des secrétaires
de se partager, pendant leur année de magistère, les 100 dossiers criminels
susceptibles d'être traités aux assises. À côté de la commission d'office et
des comparutions immédiates auxquelles ces derniers sont par ailleurs
astreints. En moyenne, les secrétaires traiteront quatre gros dossiers au
minimum par mois. Pierre-Olivier Sur, alors bâtonnier de Paris, avait fait
redescendre la pression en plaidant que «ce concours permet d'évaluer la
capacité de conviction devant une cour d'assises, d'autant plus essentielle que
ces procès sont fondés sur l'oralité. Cela peut être aussi pour certains un
formidable ascenseur social».
Longtemps centré sur les
questions de droit et la doctrine, le concours est redevenu, à partir des
années 1980, ce qu'il était il y a trois siècles, l'art de la rhétorique. Les
sujets frisent l'absurde: «Y a-t-il un pilote dans l'avion?», «Faut-il tout
annuler?», «L'aube est-elle une promesse?»,«Doit-on rester en famille?», «La
messe est-elle dite?». «La règle du pénal, c'est de plaider le dossier par les
faits et la vie des gens. À nous de convaincre que nous appartenons tous à la
même famille humaine», rappelle Jérémy Boccara. «Les mots pèsent sur l'émotion.
En mathématiques, 2 et 2 font 4. Avec les mots, 2 et 2 peuvent faire 3, ou 5,
ou 7. Et d'après Einstein, telle est la Vérité! Les mots disparaissent à
l'instant même où ils ont été prononcés. Mais paradoxalement, on ne les oublie
jamais», sourit Pierre-Olivier Sur, qui fut lui-même douzième secrétaire de la
Conférence.
Pour autant, l'éloquence
à l'ancienne n'est plus de mise : «Aujourd'hui, il faut être
efficace et humble, parler aux gens avec des images qu'ils peuvent comprendre.
C'est ainsi qu'Éric Dupont-Moretti a bouleversé la plaidoirie aux assises»,
affirme Jérémie Boccara, qui souligne que dans certaines chambres, notamment en
matière de terrorisme, «la marge de manœuvre pour convaincre les magistrats est
devenue très étroite. Mais il est hors de question d'abandonner la défense de
ces clients-là».
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Éloquence : bientôt un grand oral au baccalauréat ?
(05.01.2018)
En Italie, l'épreuve de
l'éloquence est la plus redoutée par les candidats à l'Esame di stato ou di
maturità, l'équivalent du bac français.
De l'éloquence au
baccalauréat? Le ministre de l'Éducation y est visiblement favorable. Dans le
cadre de la réforme
du bac, actuellement discutée, il s'est souvent référé au colloquio*
italien.
Ce grand oral pluridisciplinaire
fait partie des quatre grandes épreuves - dont trois écrites - de l'Esame di
stato ou di maturità, l'équivalent de notre baccalauréat en Italie. Il porte
sur toutes les matières et les programmes de l'année écoulée. Pesant pour
30 % dans la note finale, c'est l'épreuve la plus redoutée par les élèves.
En quoi consiste-t-elle? Le candidat présente un mémoire réalisé sur un thème
de son choix pendant l'année. Ce travail doit faire appel à plusieurs
disciplines et illustrer le parcours de l'élève au cours de ses années lycée.
Face à lui, un jury composé de sept professeurs lui pose ensuite des questions
libres. Les examinateurs l'invitent enfin à corriger à l'oral les erreurs
commises dans les épreuves écrites. Au total, une quarantaine de minutes.
Le modèle est-il transposable en
France? «Ce serait comme un retour aux sources», relève Albert-Jean Mougin,
vice-président du Snalc (Syndicat national des lycées et des collèges). Il
rappelle qu'en 1809,
date de sa première édition, le baccalauréat consistait en un entretien
autour d'une discipline, avec des professeurs de l'université. En 1830, une
première épreuve écrite facultative est introduite. Elle deviendra obligatoire
en 1840. L'objectif est alors de rendre plus difficile l'examen, afin de faire
concurrence à l'École polytechnique. «Parallèlement, on prend conscience qu'un
exposé solide vient avant tout de la maîtrise de l'écrit. Et que l'oral vient
confirmer l'écrit», ajoute Albert-Jean Mougin. C'est d'ailleurs le principe des
admissions (écrites), suivies de l'admissibilité (orale), à l'œuvre dans les
concours d'entrée dans les grandes écoles.
«On a voulu donner la parole
aux élèves, en renonçant en parallèle à leur donner les mots !»
Albert-Jean Mougin,
vice-président du Snalc (Syndicat national des lycées et des collèges)
Un tel grand oral au bac
pourrait-il faire la différence, permettre à certains, qui n'en auraient pas eu
l'occasion dans une évaluation uniquement écrite, de tirer leur épingle du jeu?
Il pourrait alors permettre de compenser l'écrit. Mais peut-on être éloquent
sans une parfaite maîtrise de l'écrit? «Je ne le crois pas», affirme le
vice-président du Snalc. La société actuelle, qui voit émerger des noms de
youtubeurs ou d'artistes de rap, contribue pourtant à forger cette illusion.
Quelle est la place de l'oral
dans l'enseignement primaire et secondaire? Depuis une trentaine d'années, il
est régulièrement recommandé de développer cette expression. «Mais l'éloquence,
ce n'est pas le bavardage! Or le culte de la libre expression, à l'œuvre depuis
de nombreuses années dans l'Éducation nationale, a favorisé ce bavardage,
s'indigne Albert-Jean Mougin. On a voulu donner la parole aux élèves, en
renonçant en parallèle à leur donner les mots!» ajoute-t-il, évoquant «une
confusion» et «une baisse des exigences». «L'écrit doit rester la base de notre
enseignement», conclut-il.
D'ailleurs, le baccalauréat
italien, qui doit faire sa réforme en 2018, pourrait bien, selon les pistes
évoquées, mettre fin à la primauté du colloquio sur les épreuves écrites…
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L'éloquence ou le grand retour de l'arme oratoire
(05.01.2018)
ENQUÊTE - Lycéens, étudiants,
cadres… les Français sont en quête de formations pour apprendre la rhétorique.
Un atout qu'ils jugent indispensable pour réussir dans l'univers professionnel.
La France redécouvrirait-elle sa
tradition d'éloquence? La voix chevrotante d'un Malraux devant le Panthéon,
celle d'un Bossuet enfiévré par ses oraisons funèbres à l'incomparable lyrisme
inspirent toujours, même là où on ne les attend pas. Sortie en novembre, la
comédie française Le
Brio a attiré plus de 1 million de
spectateurs: professeur à la fac de droit Panthéon-Assas, Pierre Mazard, joué
par Daniel Auteuil, humilie publiquement Neïla, une étudiante banlieusarde
incarnée par Camélia Jordana. Pour se défendre des accusations de racisme
portées contre lui, il est poussé à l'aider à gagner le concours d'éloquence de
fin d'année et lui apprend la rhétorique.
Au printemps 2017, le
documentaire À
voix haute. La force de la parole a quant à lui remporté un important
succès auprès de la critique au point que certains lui prédisent des prix pour
les César 2018. Le réalisateur a suivi pendant plusieurs semaines la transformation
de jeunes étudiants participant au concours d'art oratoire Eloquentia et
préparés par l'avocat Bertrand Périer (voir ci-contre). Initialement implanté à
l'université Paris-VIII (Seine-Saint-Denis) en 2012, ce concours se développe
désormais au sein d'autres universités.
Longtemps, les cours d'éloquences
ont été réservés aux formations de droit ou de sciences politiques; À
Sciences Po, les étudiants de première année bénéficient ainsi
traditionnellement de huit heures de formation, aux notions de rhétorique et
moyens de persuasion. Partout en France, les concours de la Conférence du
stage, créés au XIXe siècle, prisés par les jeunes avocats, sont valorisés
dans leurs CV. Mais depuis cinq ans, on assiste à un intérêt renouvelé pour
l'art du bien-parler dans des lieux plus inattendus, les amphis des universités
de lettres et de sciences. Et même dans les collèges et les lycées. Les
ouvrages consacrés à la rhétorique occupent quant à eux des rayons entiers chez
les libraires: «l'art de convaincre», «comment persuader en dix
leçons», etc.
«C'est la première étape qui
permet d'organiser sa pensée»
Pauline Duchêne, responsable d'un
diplôme universitaire (DU) d'« argumentation, expression, éloquence
De fait, les salariés sont très
demandeurs. Selon l'édition 2017 de l'étude menée par la Fédération de la
formation professionnelle auprès de ses entreprises adhérentes, 55 %
d'entre elles délivrent des formations en «développement des compétences
comportementales» et en «communication interpersonnelle», autant de domaines où
la formation à l'expression orale occupe une place centrale. Au point, précise
une responsable de formation d'une entreprise parisienne, que ces stages de
quelques jours «font souvent office de deuxième carrière, voire de principal
débouché pour les comédiens», très sollicités pour les animer.
Si les organismes privés
pullulent sur ce marché en expansion, les universités de sciences humaines
entendent faire connaître leur voix originale. Responsable d'un diplôme
universitaire (DU) d'«argumentation, expression, éloquence», créé il y a six
ans à l'université Paris-X (Nanterre), Pauline Duchêne, professeur de
littérature latine, compte dans ses cours suivis par une quarantaine de
personnes des cadres d'entreprise, des personnes issues du management, du
marketing, du milieu artistique. Et surtout, bien sûr, des étudiants en droit
ou en sciences politiques. S'inspirant des techniques des rhéteurs
de l'Antiquité, elle leur apprend comment organiser son
discours, argumenter, réfléchir à l'«éthos», l'image que l'on souhaite
donner à son interlocuteur, repérer les failles dans l'argumentation adverse…
«Le fait que les étudiants
s'inscrivent à notre formation alors qu'ils n'ont aucun bénéfice immédiat à en
attendre est significatif»
Juliette Dross, Responsable du
concours Fleurs d'éloquence de l'université Paris-Sorbonne
Elle réactualise le cursus
préparatoire à l'éloquence, qui a joué un rôle central dans la formation de la
culture en France et en Europe, de l'Empire romain jusqu'à la fin du
XIXe siècle. Et cela passe d'abord par l'écrit: «C'est la première étape
qui permet d'organiser sa pensée», explique-t-elle, même si les étudiants
bénéficient aussi de mises en pratique à l'oral. Il ne s'agit pas d'étudier des
discours de Cicéron, précise-t-elle, mais «de donner des cléset d'acquérir des
réflexes». Parmi ces personnes qu'elle forme dans le cadre de la formation
continue, beaucoup lui expliquent ne pas réussir à faire connaître leur
compétence dans leur milieu professionnel. D'autres, récemment promus chefs
d'équipe, «lui disent aussi ne pas être à l'aise à l'oral quand ils doivent
faire un discours». Tous affirment avoir été très insuffisamment préparés à
l'oral pendant leur scolarité, y compris dans des cursus parfois prestigieux.
C'est ce que constate Juliette
Dross, maître de conférences en langue et littérature latines et responsable du
concours Fleurs
d'éloquence de l'université Paris-Sorbonne créé il y
a dix ans. Quelque 150 étudiants ingénieurs de l'UTC de Compiègne, partenaire
de la Sorbonne et étudiants en lettres et en histoire de l'art, dissertent sur
«Y a-t-il des classes moyennes» ou «La réalité peut-elle être virtuelle?». «Le
fait que les étudiants s'inscrivent à notre formation alors qu'ils n'ont aucun
bénéfice immédiat à en attendre est significatif. Ils ont conscience qu'ils
n'ont pas été formés à la prise de parole», explique-t-elle. La création
annoncée d'un grand oral pluridisciplinaire au bac en 2021 pourrait bien
changer la donne.
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Journaliste éducation pour le
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En Allemagne, des réfugiés déçus et prêts au retour en Syrie (05.01.2018)
REPORTAGE - Beaucoup se sentent
isolés et seule une minorité a réussi à trouver un travail ou une formation.
Correspondant à Berlin
Il attend dans le couloir de
l'association Moabit-Hilft. Il ne veut surtout pas donner son nom. Christiane
Beckmann, l'un des piliers du lieu, le rassure et le convainc de parler. Il
vient de Syrie, il est arrivé il y a deux ans en Allemagne et, bien qu'il ait
obtenu son titre de séjour, il pense à repartir à Damas. Alors que le débat sur
la politique migratoire continue de diviser les partis politiques et s'est
installé au cœur des débats entre la CDU/CSU et le SPD, il est un exemple même
des limites de l'intégration.
«J'ai tellement de frustration
ici. Je préférerais mourir en Syrie que rester», raconte-t-il en arabe, le
visage fatigué par une dépression latente. «Depuis deux ans, il n'y a eu que
des mauvais moments», assure-t-il. Impossible de savoir s'il quittera vraiment
le pays. Il dit ne pas craindre pour sa vie s'il retourne en Syrie et ne croit
pas aux menaces du régime: «Assad dit beaucoup de choses folles.» Mais il opine
aussi de la tête quand on évoque le futur de ses enfants comme une raison de
rester.
«En Syrie, tout le monde vit
avec tout le monde. La famille et les amis passaient à la maison. En Allemagne,
il faut s'appeler à l'avance. Pas un voisin ne nous a invités… On ne les
connaît pas»
Un réfugié syrien de 38 ans
Dans cette association créée au
plus fort de la crise de 2015 dans le quartier de Moabit à Berlin, pour
répondre en urgence aux carences de l'administration débordée et aider les
réfugiés, les bénévoles croisent de plus en plus de migrants déçus et de Syriens
prêts, comme lui, à repartir. «Beaucoup se sentent isolés en Allemagne. J'ai vu
des hommes pleurer», raconte Christiane Beckmann. «Lui, il a de la chance
d'avoir un logement et sa famille», dit-elle.
Cet homme de 38 ans a commencé à
fréquenter Moabit-Hilft pour obtenir des vêtements pour sa famille: son épouse
et ses deux enfants, dont un bébé, l'ont accompagné dans la fuite. Avec
1.300 euros d'aides sociales, il a seulement de quoi survivre à Berlin.
Mais c'est surtout la froideur des relations sociales qui lui pèsent. «En
Syrie, tout le monde vit avec tout le monde. La famille et les amis passaient à
la maison. Ici, en Allemagne, il faut s'appeler à l'avance», poursuit-il. «Pas
un voisin ne nous a invités… D'ailleurs, on ne les connaît pas.»
En Syrie, «j'étais masseur,
spécialisé dans le sport», continue-t-il. Mais il ne peut travailler en
Allemagne: «On me dit qu'il faut parler la langue.» Il n'y parvient pas.
L'allemand est trop difficile à apprendre à son âge et les cours proposés sont
insuffisants pour lui permettre d'atteindre le niveau minimum requis. Il se
sent inutile.
Plus d'un million de migrants,
dont 700.000 Syriens, sont arrivés entre 2015 et aujourd'hui. Mais seulement
200.000 ont trouvé un emploi ou une formation
Plus de deux ans après la vague
migratoire, l'intégration des réfugiés est lente. Plus d'un million de
migrants, dont 700.000 Syriens, sont arrivés entre 2015 et aujourd'hui. Mais
seulement 200.000 ont trouvé un emploi ou une formation. Le programme fédéral
proposant des «jobs à un euro», censé faciliter l'accès à de menus travaux,
s'est aussi révélé un échec.
Sur le plan politique et social,
la pression de l'extrême droite a modifié le climat: la CSU voudrait réduire
les prestations accordées aux réfugiés. La suspension du regroupement familial
pour les réfugiés bénéficiant d'une «protection subsidiaire», ce qui est le cas
de nombreux Syriens, freine la capacité de beaucoup d'entre eux à construire
une vie. L'idée du retour des migrants dans leur pays fait son chemin, voire même
celle de pouvoir expulser les Syriens n'obtenant pas l'asile. La CDU ne veut
prolonger l'interdiction d'expulsion que jusqu'à l'été 2018. Le SPD s'oppose
aux conservateurs sur tous ces points.
Le gouvernement allemand a mis en
place des programmes d'aides pour les réfugiés qui souhaiteraient se
réinstaller dans leur pays d'origine. En 2016, 54.000 d'entre eux ont bénéficié
de ces programmes qui accordent de 300 euros à plus de 1.000 euros.
La plupart est originaire des Balkans. Le programme spécifique de l'OIM
(Organisation internationale pour les migrations) pour le Kurdistan et le nord
de l'Irak a bénéficié à 215 personnes entre le 1er juin 2015 et le 30 juin
2017. La Syrie, zone de guerre, ne fait pas partie de ces programmes. Mais une
poignée de Syriens a déjà cherché un soutien financier pour retourner par
exemple en Irak: 43 en 2017 contre 26 en 2016, selon des chiffres communiqués
par l'Office des migrations. Presque le double.
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Sheldon Adelson, des milliards pour Jérusalem (05.01.2018)
PORTRAIT - Magnat de l'immobilier
et des casinos à travers le monde, principal financier du parti républicain, ce
milliardaire américain de 84 ans a convaincu Donald Trump de transférer
l'ambassade des États-Unis dans la Ville sainte. Il est aussi le principal
soutien à Israël.
Le roi des casinos a remporté son
pari le plus audacieux. Derrière la décision de Donald Trump d'amorcer le
transfert de
l'ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem se
cache un petit octogénaire combatif et immensément riche, Sheldon Adelson.
Fondateur et principal actionnaire de la Sands Corporation, propriétaire
d'hôtels-casinos géants de Las Vegas à Macao et Singapour, ce «self-made-man»
avait misé une fortune sur l'ancien promoteur new-yorkais durant la campagne de
2016. Il vient d'empocher la mise sur ce qui lui tient le plus à cœur, le
soutien à Israël.
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pourquoi Donald Trump a pris une telle décision
Né dans une famille d'immigrés
juifs sans le sou
Si l'argent a rapproché le magnat
du jeu et le 45e président, ils ne sont pas tout à fait à égalité en la
matière. Alors que Trump a hérité de 300 millions de dollars, Adelson
est né à Boston dans une famille d'immigrés juifs sans le sou. Son père, arrivé
de Lituanie, était chauffeur de taxi ; sa mère, venue d'Angleterre, tenait
un atelier de tricot. Les parents et leurs quatre enfants dormaient dans la
même chambre, Sheldon souvent sur le sol. Mais le gamin avait le virus des
affaires. À 12 ans, il emprunte 200 dollars à un oncle pour acheter
une concession de distribution de journaux. À 16 ans, le même oncle lui
prête 10.000 dollars pour se lancer dans les machines à bonbons.
Trentenaire, il «pèse» déjà 5 millions de dollars et professe: «Le
prochain pas doit être plus osé que le précédent.»
Il frise la faillite en
2008-2009
À 84 ans, Sheldon se trouve
à la tête de la 18e fortune du monde, 38,4 milliards de dollars,
selon la dernière estimation de Forbes. Avec l'orgueil des
outsiders, il se flatte d'avoir créé ou participé à la naissance de plus de 50
entreprises «en cassant les codes et en bouleversant le statu quo». Lors de la
crise immobilière de 2008-2009, il avait frisé une nouvelle fois la faillite,
sa fortune fondant de 93 %, à 3,5 milliards. Mais deux ans plus tard,
il s'était refait grâce à ses investissements en Asie. Depuis, plusieurs procès
l'opposent à des intermédiaires chinois, qu'il avait promis d'associer à ses
casinos, et qui lui réclament plus de 550 millions de dollars. Son
groupe a, en outre, payé une amende de 9 millions en 2016, admettant avoir
versé des pots-de-vin à des dirigeants étrangers.
Issu d'une famille démocrate,
Sheldon Adelson est aujourd'hui farouchement républicain, quoiqu'un peu
atypique. L'avortement, le mariage gay, les armes ou l'immigration ne le
préoccupent guère. Seuls trois sujets l'intéressent: Israël, la lutte contre la
drogue et les impôts. Son combat contre la légalisation du cannabis, dans
lequel il a injecté 6,4 millions de dollars en 2016, remonte à la
mort de son fils Mitchell d'une overdose. Sa seconde épouse, Miriam, médecin,
est aussi à la tête de cliniques luttant contre l'addiction en Israël et aux
États-Unis. Quant aux impôts, lorsque Barack Obama avait jugé anormal qu'il ne
paie qu'un taux de 9,8 % grâce à ses placements à l'étranger, il avait
investi 60 millions de dollars sur les républicains qui tentaient de
battre le président sortant en 2012.
Il prône l'annexion pure et
simple des Territoires occupés
À propos d'Israël, on fait
difficilement plus radical que Sheldon Adelson: contre la solution de deux
États, dans laquelle il voit «un tremplin vers la destruction du peuple juif»,
il prône l'annexion pure et simple des Territoires occupés. Son journal
gratuit, Israël Hayom, lancé en 2007, soutient aveuglément Benyamin
Nétanyahou. Il a rompu avec l'Aipac, lobby pro-israélien aux États-Unis, à
cause de sa défense d'un plan d'aide aux Palestiniens - «un peuple qui n'existe
pas». Ayant donné 25 millions de dollars à la campagne de Trump, puis
5 millions à sa cérémonie d'investiture, le premier contributeur
républicain - de loin - et le premier à l'avoir adoubé avec le Las
Vegas Review Journal, a fait le siège de la Maison-Blanche jusqu'à
l'annonce du transfert de l'ambassade.
» LIRE AUSSI - Les
Palestiniens redoutent la fin de l'aide américaine
Après la mort de son père, trop
pauvre, puis trop malade pour se rendre dans l'État juif, Sheldon Adelson avait
fait le voyage en portant les chaussures paternelles. Désormais, sa ferveur et
ses milliards comptent dans la géopolitique du Proche-Orient.
Correspondant à Washington
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Comprendre le malaise socio-économique des Iraniens
(06.01.2018)
- Publié le 06/01/2018 à 08:00
Bien que la croissance du pays
soit repartie à la hausse depuis l'accord sur le nucléaire de 2015, les
Iraniens qui ont manifesté ces derniers jours ne voient pas leur quotidien
s'améliorer.
Malgré le relatif retour au calme
en Iran, les raisons qui ont poussé des
milliers de personnes à descendre dans la rue ces derniers jours sont
toujours présentes. À la différence de la «vague verte» de 2009 née d'une
contestation politique, la colère qui s'est emparée le 28 décembre de la rue
iranienne est avant tout l'expression d'un malaise socio-économique qui ne date
pas d'hier et exacerbé par des espoirs déçus nés de l'accord
sur le nucléaire de 2015.
» LIRE AUSSI - Iran:
une colère venue d'en bas et pleine d'incertitudes
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pièces intemporelles au format XXL pour sublimer toutes les silhouettes.
Pour les Iraniens, cet accord
marque la fin de dix ans de gel économique et signe le retour de l'Iran dans le
système économique mondial. À l'époque, il soulève beaucoup d'espoirs. «Avec la
levée des sanctions économiques, les Iraniens ont cru que leur sort allait
s'améliorer. Mais aujourd'hui, huit mois après avoir reconduit Hassan Rohani au
pouvoir, ils ont le sentiment que rien ne change» explique au Figaro Thierry
Coville, chercheur à l'Iris et spécialiste de l'Iran.
D'après un sondage publié au mois de juin par
l'Université du Maryland et l'institut de sondage IranPoll basé à Toronto,
et cité par Slate, 64% de la population iranienne juge la
situation économique du pays comme mauvaise et 34% très mauvaise. Preuve du
pessimisme ambiant, en mai dernier, 77% des personnes interrogées estimaient
que leur situation économique s'était détériorée ou n'avait pas évoluée depuis
quatre ans. «Malgré l'accord sur le nucléaire qui a permis d'améliorer la
situation macroéconomique du pays, une partie de la population, parmi les plus
modeste, se sent délaissée» souligne Thierry Coville.
Une croissance en hausse et
une inflation en baisse
Pourtant, plusieurs indicateurs
sont au vert. Avant la levée des sanctions, la République islamique connaissait
une croissance proche de zéro. Aujourd'hui, le Fonds monétaire international
(FMI) estime que l'économie iranienne, fortement dépendante du pétrole, devrait
croître de 3,5 % en 2017 et que la croissance devrait s'accélérer légèrement en
2018 et 2019 pour atteindre respectivement 3,8 % et 4 % du PIB.
Autre indicateur positif, selon
les estimations de la Banque mondiale, le taux d'inflation pour 2016 est passé
sous la barre des 10 % sous l'effet du durcissement de la politique monétaire.
Un chiffre inédit depuis 25 ans, alors qu'il a frôlé les 40% en 2013.
«L'environnement macro-économique s'améliore depuis 2016 du fait de l'accord
sur le nucléaire. L'Iran peut exporter maintenant tout son pétrole alors
qu'avant elle n'en exportait que 50%, souligne Thierry Coville. Mais
parallèlement les tensions sociales sont fortes» ajoute-t-il.
Chômage endémique
En Iran, le chômage est en effet
très élevé. Il touche officiellement 12% de la population active selon le FMI.
«Mais selon d'autres indicateurs, ce serait plus autour de 16 à 18%» selon
Thierry Coville qui précise que «chaque année 800.000 personnes arrivent sur le
marché du travail, contre 150.000 en France». Le chômage concerne surtout les
jeunes diplômés. Et il y en a beaucoup en Iran. «Chaque année, ce sont 700.000
nouveaux diplômés qui ne trouvent pas de travail» ajoute le spécialiste.
Autre raison du mécontentement
qui s'est manifesté dans les rues iraniennes début janvier: le sentiment de
corruption. «Les gens ne font confiance aux institutions publiques. Ils ont
l'impression qu'elles ne travaillent que pour certains groupes privilégiés, et
donc ne sont pas justes, et ne font pas véritablement leur travail» explique
Thierry Coville.
Un budget d'austérité
Dans ce contexte, la présentation
d'un budget d'austérité mi-décembre par le président iranien Hassan Rohani aux
députés, a jeté le feu aux poudres. Parmi les mesures qui ont déclenché la
colère d'une partie des Iraniens, l'augmentation des prix des carburants ou
encore les réductions des budgets sociaux. «Ceux qui ont été manifester sont
les classes les plus pauvres, sans doute les 30% qui ne vont pas voter et qui
vivent une situation sociale déjà très difficile, à qui l'on demande en plus de
faire un effort. Ils vivent ces décisions comme une injustice» poursuit Thierry
Coville.
«L'objectif de Rohani est
de limiter l'inflation, de stabiliser l'économie de ce pays qui se libéralise,
d'attirer les investisseurs étrangers. Je pense que son programme économique
est bon. Mais il a négligé la dimension sociale et le timing est mauvais. Après
des années d'efforts, les gens en ont ras le bol et les réformes mettent du
temps à se mettre en place» conclut l'expert.
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USA: les géants technologiques au secours de la «neutralité
du net» (05.01.2018)
- Par Le Figaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 05/01/2018 à 22:23
- Publié le 05/01/2018 à 22:22
L'organisation Internet
Association, qui compte parmi ses membres des géants comme Google, Facebook ou
Microsoft, va
participer aux poursuites contre la fin de la "neutralité du net".
La Commission fédérale des
communications (FCC), régulateur américain du secteur, s'est prononcée
mi-décembre pour la fin de ce principe qui oblige les fournisseurs d'accès
internet (FAI) à traiter tous les contenus en ligne de la même manière.
Sans donner de détail, l'Internet
Association a laissé entendre qu'elle interviendrait dans les recours que
plusieurs procureurs devraient lancer prochainement, notamment dans les Etats
de Washington et de New York.
Michael Beckerman, président de
l'organisation dont Amazon est également membre, a estimé que la décision de la
FCC "va à l'encontre de la volonté d'une majorité bipartisane d'Américains
et ne parvient pas à préserver un internet libre et ouvert".
"Avec les groupes qui sont
nos adhérents, (l'association) continuera à faire pression pour rétablir par
voie législative des protections fortes et applicables pour la neutralité du
net", a-t-il ajouté.
Les partisans de la
"neutralité" craignent que les FAI soient tentés de faire payer plus
cher pour un débit plus rapide ou bloquent certains services leur faisant
concurrence, comme la vidéo à la demande, la téléphonie par internet ou les
moteurs de recherche.
Le débat sur le sujet, très vif,
dure depuis une dizaine d'années aux Etats-Unis.
La FCC a estimé que le principe
de neutralité faisait obstacle aux investissements. Avec cette décision,
"nous restaurons la liberté d'internet" et "nous aidons les
consommateurs et la concurrence", avait déclaré Ajit Pai, son président.
Aucun recours ne pouvait être
déposé jusqu'à ce que la directive de la commission soit publiée, ce qui est le
cas depuis cette semaine. Des parlementaires ont par ailleurs engagé des
initiatives pour invalider la décision de la FCC.
Le prince héritier saoudien à Paris fin février (05.01.2018)
- Par Le Figaro.fr avec Reuters
- Mis à jour le 05/01/2018 à 18:37
- Publié le 05/01/2018 à 18:24
Le prince héritier d'Arabie saoudite,
Mohamed Ben Salman, se rendra à Paris fin février, début mars pour y rencontrer
le président français Emmanuel Macron, a annoncé vendredi le ministre saoudien
des Affaires étrangères, Adel al Jubeir."Nous pensons à une date fin
février, début mars, une date qui n'a pas encore été arrêtée mais qui le sera
dans les prochaines semaines", a-t-il déclaré sur CNews.
Le chef de l'Etat français, qui
revendique depuis son arrivée au pouvoir de "parler à tout le monde",
avait effectué début novembre une visite surprise à Ryad pour rencontrer le
prince héritier, Mohamed Ben Salman ("MBS"), en plein regain de
tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite.
Londres : six mois après le drame, la colère des rescapés de
la tour Grenfell (05.01.2018)
Les survivants de l'incendie de
cet immeuble de Londres sont toujours logés à l'hôtel. La catastrophe, l'une
des plus meurtrières de l'après-guerre au Royaume-Uni, avait profondément
choqué le pays.
Londres
Malgré les promesses du
gouvernement, la plupart des familles victimes de l'incendie de la tour
Grenfell de Londres n'ont toujours pas retrouvé de logement permanent, plus de
six mois après la catastrophe. Le feu était parti d'un réfrigérateur défectueux
situé au quatrième étage et s'était rapidement étendu au reste de l'immeuble
via un revêtement isolant hautement inflammable, tuant
53 adultes et 18 enfants. La catastrophe de Grenfell est
l'une des plus meurtrières qu'ait connues le Royaume-Uni depuis la fin de la
Seconde Guerre mondiale et a profondément choqué le pays.
Mais, plus de six mois plus tard,
moins d'une cinquantaine de foyers ont été relogés de manière permanente et
près de 150 familles vivent toujours dans des logements temporaires ou des
hôtels sans savoir quand ils pourront retrouver un rythme de vie normal. Le
traumatisme perdure pour ces familles rescapées. «Il leur est impossible de
faire leur deuil», raconte Moyra Samuels, l'une des codirigeantes du groupe de
soutien aux victimes Justice4Grenfell. «Six mois plus tard, ils sont
encore dans des conditions extrêmement précaires. Ils ne peuvent pas cuisiner,
ils ne peuvent pas recevoir. Imaginez comment ils ont passé les fêtes de Noël
dans ces conditions. Certains partagent encore des lits parce que pour une
famille de cinq personnes, le gouvernement ne procure que deux chambres. Beaucoup
ont perdu leur travail à cause de cela et il y a eu quelques tentatives de
suicide.»
«Les habitants n'ont plus
confiance. Ils pensent que s'ils acceptent un logement temporaire qui ne répond
pas à leurs besoins, ils seront obligés d'y rester et on les abandonnera
là-bas»
Robert Atkinson, élu travailliste
au conseil municipal de l'arrondissement de Kensington et Chelsea
Seulement quelques jours après la
catastrophe, la première ministre britannique, Theresa May, avait pourtant
promis aux rescapés qu'ils seraient relogés convenablement, sous trois
semaines, et dans des conditions similaires, c'est-à-dire dans le même quartier
ou un quartier voisin, avec la même surface habitable et le même loyer que leur
précédent logement. Des promesses qu'il lui était impossible d'honorer,
notamment à cause du cruel manque de logements sociaux, mais aussi parce que
dans un quartier aussi riche que celui de Kensington et Chelsea, le loyer moyen
représente 96 % d'un revenu moyen national.
Mais, pour Robert Atkinson, qui
siège au conseil municipal de l'arrondissement de Kensington et Chelsea en tant
que membre de l'opposition travailliste, si le relogement est si laborieux,
c'est aussi parce que les habitants du quartier ont perdu toute confiance
envers les autorités locales. «Ils ont peur. Ils ne font plus confiance au
conseil municipal et au gouvernement. Ils pensent que s'ils acceptent un
logement temporaire qui ne répond pas à leurs besoins, ils seront obligés d'y
rester et on les abandonnera là-bas. Ils sont convaincus que rester dans les
hôtels va obliger le gouvernement à leur trouver des logements permanents
adéquats plus rapidement.»
«Si j'avais assez d'argent, je
déménagerais. Mais on n'a nulle part où aller. Je ne peux pas trouver
d'appartement près de l'école de mes enfants qui ne soit pas dix fois trop cher
pour moi»
Husnara Begum, habitante d'un
logement similaire à ceux de la Tour Grenfell
Le problème autour du relogement
des victimes n'est que la partie découverte de l'iceberg et cache en réalité
une crise du logement sans précédent qui trouve ses origines dans les années
80. Margaret Thatcher avait à l'époque lancé une politique du logement qui se
voulait révolutionnaire. Avec le «Right to Buy», le droit d'acheter, les
habitants des logements sociaux pouvaient, après avoir vécu un certain nombre
d'années dans un appartement fourni par l'État, acheter ce logement à un prix
très réduit.
Mais les années suivantes ont vu
la vente de logements publics excéder le nombre de constructions d'immeubles,
créant ainsi une pénurie. La demande dépassant l'offre, le prix de l'immobilier
et les loyers ont augmenté et les autorités locales ne peuvent plus se
permettre d'acheter ou de construire des logements sociaux. Il y a donc de
moins en moins de logements disponibles et le gouvernement peine énormément à
reloger les rescapés.
Husnara Begum habite à quelques
pas de la tour Grenfell, dans un logement similaire où des travaux d'urgence
ont eu lieu pour retirer au plus vite le revêtement inflammable qui le
recouvrait. Elle accuse les autorités locales de faire une politique à deux
vitesses, privilégiant les plus riches et poussant les plus pauvres hors de la
capitale. «Si j'avais assez d'argent, je déménagerais directement, sans me
poser de question, affirme Husnara. Je suis bien trop inquiète pour la sécurité
de mes enfants. Mais on n'a nulle part où aller. Je ne peux pas trouver
d'appartement près de l'école de mes enfants qui ne soit pas dix fois trop cher
pour moi. Je suis donc obligée de rester dans un immeuble où je ne me sens pas
en sécurité. C'est une honte.»
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Natacha Polony : «Démocratie sous (bienveillant) contrôle»
(05.01.2018)
CHRONIQUE - Dans son offensive
contre les «fake news», Emmanuel Macron entretient une dangereuse confusion
entre «faits» et «vérité». Au risque d'étouffer le débat et d'éteindre l'esprit
critique, piétinant les fondements de la démocratie.
La nouvelle année s'ouvre sur une
diligence toute particulière du chef de l'État vis-à-vis de ces quelques lignes
imprimées sur le papier, et de toutes celles qui les entourent. Vis-à-vis des
idées qu'elles portent, des informations qu'elles diffusent et même de la
vérité dont elles tenteraient de rendre compte. 2018 s'ouvre par les vœux
d'Emmanuel Macron à la presse et le moins qu'on puisse dire est qu'il y a lieu
de méditer ce discours présidentiel, tant il révèle une conception bien particulière
de la liberté de pensée qui constitue le cœur de la société démocratique.
On ne peut que se féliciter de
voir le chef de l'État se
pencher sur la question cruciale de la responsabilité des diffuseurs dans la
propagation de contenus mensongers. On sait Facebook plus prompt à
censurer un nu féminin qu'à s'émouvoir d'injures et de menaces de mort ou de
contrevérités évidentes. L'idée d'imposer une responsabilité à ces
multinationales, fût-ce uniquement en période électorale, a tout pour
convaincre de la noblesse du combat mené.
Pour autant, le long discours
d'Emmanuel Macron ne se réduit pas à cette annonce. Et celle-ci même n'a pas
tant pour cible les Gafam que les «services secrets étrangers» qui en auraient
usé. Bref, il s'agit de convaincre les Français que le seul danger qui guette
la démocratie serait la volonté russe de manipuler les élections. Et cette
volonté perverse passerait autant par les réseaux sociaux que par une
chaîne de télévision, Russia
Today , contre laquelle tant de médias bienveillants nous ont
déjà mis en garde. Le citoyen avisé s'étonnera pourtant: nombre de médias
étrangers diffusent en France sans que l'on s'en émeuve. Et tous n'émanent pas
de belles démocraties libérales. Mais la Russie, nous dit notre président, a
cherché à influencer les élections, américaines et européennes (certains ont même
vu la main de la Russie sur la Catalogne ; bientôt sur la Corse, et même
sur les comices agricoles…). Emmanuel Macron reprend sans le moindre recul
l'obsession russe qui permet à l'establishment américain de ne surtout pas se
demander pourquoi des citoyens de l'Amérique désindustrialisée ont pu voter
pour Donald Trump, malgré ses turpitudes. Et curieusement, notre président
si soucieux de démocratie ne paraît pas troublé par les tricheries démontrées
du Parti démocrate pour éliminer Bernie Sanders au profit de Hillary Clinton.
Toutes les manipulations ne se valent pas.
Quand le président et d'autres
affirment que le protectionnisme, c'est la guerre, est-ce un fait ? Une
vérité ? Ou un dogme ?
Mais ce qui frappe surtout, quand
on analyse le discours d'Emmanuel Macron, qui se targue pourtant de maîtriser
les concepts et de les agencer en une pensée complexe, est cette confusion
qu'il entretient entre faits et vérité, qui justifierait un contrôle des médias
dits «alternatifs». Il existe sur le Net le pire et le meilleur. Comme
dans les médias traditionnels. À qui appartient-il de distinguer? Tel est bien
le cœur de l'équilibre démocratique, que de considérer que des citoyens
éduqués, émancipés par des savoirs universels, sont capables d'exercer leur esprit
critique.
Un président qui fustige la
«tentation des démocraties illibérales» devrait sans doute garder à l'esprit le
fondement même du libéralisme politique. Mais plus encore, il semble
profondément dangereux de réduire la «vérité» aux «faits» et les «faits» à ce
qu'en jugerait un «CSA repensé» ou quelque autre instance (ce «conseil de
l'ordre des journalistes» voulu par un Jean-Luc Mélenchon oubliant que les
conseils de l'ordre furent créés sous Vichy pour «purifier» les corporations et
qu'en matière de journalisme, ils peuvent facilement virer au tribunal
idéologique). S'il est des faits objectivement mensongers, comme la présence
d'armes de destruction massive en Irak (mais qui s'en est ému, quand la
majorité des médias, même en France, approuvait l'intervention?), d'autres sont
sujets à débat. Quand le président et d'autres affirment que le
protectionnisme, c'est la guerre, est-ce un fait? Une vérité? Ou un dogme? La
campagne référendaire du traité de Maastricht avait vu fleurir ce genre
d'affirmation: la monnaie unique, c'est la prospérité, la fin du chômage.
Vraiment? Et pendant tant d'années, on accusait ceux qui s'alarmaient de voir
baisser le niveau scolaire de répandre des mensonges (les «fake news»
n'existaient pas encore) puisque le ministère contrôlait les chiffres.
Le fondement de la démocratie est
de pouvoir débattre des faits et de leur interprétation, de défendre, non pas
une supposée vérité, mais le bien commun défini par l'ensemble des citoyens. Et
le rôle des médias est d'apporter par le pluralisme des arguments
contradictoires. La tentation complotiste, ou la simple recherche de paroles
alternatives, naissent de l'étouffement du débat et de l'interdit qui pèse sur
certains sujets (qui aurait osé, dans les années 1990, prétendre que l'immigration
n'était pas forcément «une chance» mais un fait sur lequel le peuple avait son
mot à dire? Qui aurait osé s'interroger sur le rôle du libre-échange dans la
désindustrialisation des pays occidentaux?). Le contrôle qu'entend instaurer le
président, pour le bien du peuple égaré, fera renaître de façon plus violente
le rejet d'un système économique exsangue, imposé à toute force depuis tant
d'années à coup de doctes théories médiatiquement autorisées.
Journaliste
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Douvdevan, ces soldats israéliens infiltrés chez les
Palestiniens (05.01.2018)
La série télévisée israélienne à
succès Fauda met en scène les Douvdevan, les soldats d'une
unité d'élite agissant « undercover » en Cisjordanie. L'unité fut
créée en 1986, à la veille de la première intifada, pour infiltrer les villages
palestiniens et y mener des opérations spéciales en laissant une empreinte
aussi réduite que possible.
Envoyé spécial à Kafr Kassem
Une chaleur de plomb étouffe Kafr
Kassem. Devant la vieille mosquée du village, techniciens et maquilleuses
s'activent tandis que les comédiens guettent désespérément un souffle d'air. La
localité arabe, située à une quinzaine de kilomètres de Tel-Aviv, est ce
jour-là le décor d'une scène censée se dérouler à Ramallah. Mais la fraîcheur
dont jouissent, en ce début d'automne, les collines de Cisjordanie se fait
encore attendre. On se demande comment les acteurs font pour supporter leur
keffieh ou leur niqab. Eux rigolent en passant de l'hébreu à l'arabe, sans y
penser. Un assistant du réalisateur, terrifié à l'idée que les péripéties de la
prochaine saison soient éventées avant l'heure, grommelle contre les
journalistes qui rôdent autour du tournage. «Action!» Les héros de la
série Fauda, combattants d'une unité d'élite de l'armée
israélienne, se sont grimés en Palestiniens pour se fondre dans la petite foule
au sortir de la prière. Sans doute prévoient-ils d'interpeller un suspect, mais
la situation, soudain, leur échappe. Un jeune homme, le visage masqué par un
keffieh, se jette sur eux armé d'un couteau. Démasqués, les militaires sortent
leurs armes, abattent l'assaillant. Une voiture déboule sur la place pour leur
prêter secours, mais elle est à son tour assaillie par une nuée de
Palestiniens…
L'une des originalités de
«Fauda» réside peut-être dans le fait que, sans jamais banaliser le terrorisme,
nous montrons les Palestiniens comme des êtres humains avec une famille, des
sentiments
Avi Issacharoff, coscénariste de
la série «Fauda»
La deuxième saison de Fauda,
dont la diffusion a commencé la semaine dernière sur la chaîne satellitaire
israélienne Yes, est l'événement télévisuel de ce début d'année. La fiction met
en scène, sans jamais en citer le nom, des
combattants de l'unité d'élite Douvdevan. Celle-ci fut créée en 1986, à
la veille de la première intifada, pour infiltrer les villes et les villages de
Cisjordanie et y mener des opérations spéciales en laissant une empreinte aussi
réduite que possible. Fauda, qui signifie «chaos» en arabe, est
aussi le terme employé au sein de l'unité pour sonner l'alarme en cas de coup
dur - quand, par exemple, l'un des soldats «undercover» («infiltrés») est
confondu par des Palestiniens. La première saison, diffusée il y a deux ans, a
rencontré un si large succès que l'opérateur Netflix en a aussitôt racheté les
droits. Elle collectionne depuis lors les récompenses et vient d'être primée
meilleure série de l'année par le New York Times. À dire vrai, ce
n'est pas la première fois que la petite industrie télévisuelle israélienne
accouche d'une belle réussite. La série Hatufim, diffusée en 2010
par la deuxième chaîne, inspira le succès planétaire de Homeland.
Mais l'engouement du public israélien, habituellement rétif aux programmes
centrés sur un conflit dont beaucoup ne veulent plus entendre parler, a surpris
jusqu'aux auteurs de Fauda. Et ce d'autant plus que la plupart des
dialogues sont en arabe, sous-titrés en hébreu.
La série est née d'une rencontre,
ou plutôt de retrouvailles, entre deux hommes qui écumèrent, adolescents, les
bars de Jérusalem, se perdirent de vue puis renouèrent après avoir passé trois
ans de service militaire au sein des mêmes unités «undercover». Silhouette
massive, Lior Raz a la boule à zéro, le visage mangé par une barbe grisonnante
et un regard transperçant perpétuellement sur le qui-vive. Avi Issacharoff,
visage hâlé et anneau à l'oreille, offre un physique plus anguleux. Mais il a
aussi le contact plus rond. Tous deux ont grandi dans des familles juives
orientales - les parents de l'un vécurent en Irak et en Algérie, ceux de
l'autre au Kurdistan irakien et en Ouzbékistan. Ils ont entendu parler arabe à
la maison et se sont perfectionnés par la suite. Visiblement cabossé après
trois années de service, Raz a voyagé puis enchaîné les petits boulots avant
d'envisager une carrière d'acteur et de prendre des cours d'art dramatique.
Plus «sage», Issacharoff est devenu journaliste et a tiré profit de sa maîtrise
de l'arabe pour devenir l'un des plus fins observateurs du conflit israélo-palestinien,
d'abord au quotidien Haaretzpuis pour les sites Times of
Israel et Walla. Jusqu'au jour où les deux compères eurent
l'idée d'exorciser les souvenirs et les traumatismes de leurs années passées
sous l'uniforme en écrivant Fauda.
«Nous ne faisons pas un
documentaire»
«La série parle avant tout du
coût psychologique que paient forcément, tôt ou tard, les gens qui vivent dans
une zone de guerre - quel que soit le camp auquel ils se rattachent», résume
Lior Raz, qui sait de quoi il parle. Sa petite amie de l'époque, Iris Azulai,
fut poignardée à mort par un Palestinien de Bethléem un jour d'octobre 1990
alors qu'elle marchait dans une rue de Jérusalem. Ce drame a inspiré un épisode
de Fauda, au cours duquel la fiancée d'un soldat «undercover» meurt
lors d'un attentat suicide dans une boîte de nuit de Tel-Aviv. L'auteur de
l'attaque, découvre-t-on bientôt, n'est autre que la jeune veuve d'un
Palestinien proche du Hamas tué le soir de son mariage lorsqu'une opération de
l'unité d'élite a mal tourné. «L'une des originalités de Fauda réside
peut-être dans le fait que, sans jamais banaliser le terrorisme, nous montrons
les Palestiniens comme des êtres humains avec une famille, des sentiments - et
non pas comme des monstres», explique Avi Issacharoff. La première saison met
en scène un vétéran de l'unité, Doron Kabilyo, qui reprend du service pour
traquer Abou Ahmad alias «la panthère», un chef de la branche armée du Hamas
qu'il pensait avoir tué des années plus tôt. Son chemin croise alors celui
d'une jeune médecin palestinienne, Shirin al-Abed, qui est interprétée par
l'actrice franco-libanaise Laëtitia Eïdo, dont il tombe amoureux. «Nous ne
cherchons pas à résoudre le conflit mais à montrer au public israélien ce qui
se passe de l'autre côté du mur, alors qu'il a depuis bien longtemps choisi de
détourner le regard», précise Avi Issacharoff.
«Nous ne cherchons pas à
résoudre le conflit mais à montrer au public israélien ce qui se passe de
l'autre côté du mur, alors qu'il a depuis bien longtemps choisi de détourner le
regard»
Avi Issacharoff, coscénariste de
la série «Fauda»
Fauda, quel que soit son
succès en Israël mais aussi dans le monde arabe, a bien sûr ses détracteurs.
Côté palestinien, ils regrettent que la série ne s'attarde guère à décrire le
quotidien de l'occupation militaire imposée depuis un demi-siècle à la
Cisjordanie. La première saison ne montre à peu près rien des files d'attente
aux checkpoints, des incursions de routine menées en pleine nuit au beau milieu
des villages palestiniens, des démolitions punitives ordonnées en riposte à des
attaques terroristes ni des brimades et des humiliations au jour le jour. Elle
ne dit pas un mot des frustrations ni du désespoir sur lesquels prospérèrent
les groupes armés, et qui nourrissent les passages à l'acte individuels à coup
de couteau ou de voitures-béliers. «Ce n'était pas le propos, nous ne faisons
pas un documentaire», balaie Lior Raz, qui s'abstient d'ailleurs d'employer le
mot «occupation». Comme tout le lexique adopté pour décrire le conflit israélo-palestinien,
celui-ci s'est au fil des ans chargé d'un poids politique écrasant. La gauche
et les Palestiniens l'emploient à tout bout de champ pour décrire le quotidien
des Palestiniens, y compris dans la bande de Gaza, dont l'État hébreu s'est retiré
en 2005 mais qu'il continue de soumettre à un blocus hermétique. La droite le
boycotte au contraire, jugeant qu'Israël ne saurait «occuper» un territoire qui
lui appartient, à ses yeux, en vertu de la Bible. «Notre job, élude prudemment
le scénariste-acteur, c'est de décrire une réalité, celle dans laquelle on vit,
avec deux populations différentes qui cohabitent sur la même terre et qui sont
régulièrement aspirées par des cycles de violence.»
À petites touches, cependant, et
en donnant l'impression de ne pas y toucher, la série explore et révèle les
dégradés d'un conflit qui dévore de l'intérieur chacune des deux sociétés.
L'interrogatoire, par un agent du Shin Bet, d'un sympathisant du Hamas qui
finira par livrer Abou Ahmad dans l'espoir que sa fille gravement malade soit
soignée dans un hôpital israélien, témoigne de l'emprise exercée par l'État
hébreu sur les Palestiniens. D'autres scènes racontent la méfiance généralisée
dans une société où nul ne peut être sûr que son cousin, son voisin ou son meilleur
ami ne collaborent pas avec l'ennemi. La société palestinienne n'est pas
épargnée et Fauda croque avec justesse la pression sociale
imposée à tous au nom du devoir de «résistance». Quelques heures seulement
après la mort du jeune frère d'Abou Ahmad, sa veuve éplorée est ainsi
réprimandée par un cheikh du Hamas qui la somme de conserver sa dignité face au
«martyr». L'extrême violence employée, de part et d'autre, est également
dépeinte sans fioriture. Mais par-delà tout ce qui oppose Israéliens et Palestiniens,
c'est peut-être une certaine fascination mutuelle ainsi que les liens
indissolubles dans lesquels sont pris les deux peuples qui sont restitués avec
le plus de justesse.
«Pour être un bon “Mousta'arib”,
il faut avant tout aimer la langue et la culture arabe», sourit Lior Raz,
utilisant le terme par lequel les Palestiniens désignent les soldats de
Douvdevan. Au début de la première saison, une scène exprime de façon
troublante ce lien invisible. Doron Kabilyo, sur le point de réintégrer son
unité le temps d'une opération, ressort d'un placard le vieux keffieh noir et
blanc qui lui servait jadis à se couler dans son rôle. Lentement, il l'enroule
autour de son visage jusqu'à ne plus apercevoir que son regard, puis il respire
un grand coup - comme s'il venait de humer les odeurs de son enfance. «Après la
diffusion de la première saison, glisse l'acteur, on m'a dit que le nombre de
jeunes Israéliens qui veulent apprendre l'arabe avait brusquement explosé.»
* La première saison de la
série sort en France le 10 janvier en DVD.
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