L’attentat contre Charlie Hebdo a été pour François Hollande une occasion inespérée de revenir sur le devant de la scène politique. Il ne l’a pas laissée passer.
Une gigantesque opération de manipulation a été montée pour récupérer l’émotion suscitée par les assassinats islamistes et la détourner du Front National qui ne devait à aucun prix profiter de la situation, qu’il avait pourtant anticipée. Des stratèges en communication ont à l’évidence été aux commandes pour lancer les « éléments de langage » (« je suis Charlie »), un visuel (le rectangle noir aux lettres blanches), des symboles (le crayon levé au ciel…) et même un discours prêt à l’emploi (l’unité nationale face au « terrorisme »)…
Des centaines de milliers de Français sidérés par le déferlement médiatique et les images qu’ils voyaient en boucle sont ainsi descendus dans la rue derrière le Président du régime républicain. Nous avons tous vu celui-ci en tête d’une foule immense marcher dignement avec ses ministres, les grands chefs de partis et même des chefs d’Etats étrangers. La côte de popularité de François Hollande est alors montée en flèche pendant que Marine Le Pen se retrouvait complètement marginalisée médiatiquement et politiquement. Opération réussie donc.
Le problème est que François Hollande et ses stratèges en communication ont choisi de mettre ces manifestations sous le signe de la liberté d’expression plutôt que sous celui de la lutte contre l’islamisme radical. Or, dans la foule derrière Hollande, les pancartes portant les caricatures de Mahomet fleurissaient : liberté d’expression n’est-ce pas ? Les images, certaines ignobles, ont fait le tour du monde, créant l’immense colère que l’on sait dans le monde musulman. Par manque de chance, le Président du Niger, Mahmadou Issoufou a eu la mauvaise idée de s’afficher au côté du Président du régime républicain de France. Par manque de chance, François Hollande et ses conseillers, trop incultes, n’ont pas eu la bonne idée de lui dire de n’en rien faire (l’africaniste Bernard Lugan aurait sans doute pu leur expliquer que pour des raisons ethniques et religieuses, le Niger était travaillé en profondeur par l’islamisme de Boka Haram). Aujourd’hui le Niger est à feu et à sang. Si le Président Issoufou est renversé, ce qui est fort possible, alors la France devra intervenir au Niger, mais aussi en Lybie, pour faire cesser la contagion dans toute la zone saharo-sahélienne. Avec quels soldats ? (il est vrai, nous avons tous ceux qui « sont Charlie » : qu’ils s’engagent !).
La stratégie de communication élyséenne basée sur la défense de la liberté d’expression a mis la France dans une position intenable. Soit elle laisse les irresponsables de Charlie Hebdo bafouer inutilement la foi de millions d’individus et alors elle souffle sur un brasier africain qu’elle ne saura peut-être pas éteindre ; soit elle fait stopper ces caricatures imbéciles et blessantes auquel cas elle renie ses « valeurs » (interdiction de facto du blasphème).
Une stratégie de communication élyséenne mettant en avant la lutte contre l’islamisme radical n’aurait pas eu cet impact dévastateur dans le monde musulman, d’autant que celui-ci en est souvent la victime. Mais cela revenait à marcher sur les traces du Front National et à valider ses analyses !
Hollande s’est piégé lui-même pour des raisons de politique politicienne. Il est comptable des églises qui brûlent à Niamey et, si le président du Niger est renversé, d’une intervention militaire qui deviendra nécessaire. La côte de popularité de François Hollande risque alors de redescendre aussi vite qu’elle était montée…
Antonin Campana
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