samedi 23 décembre 2017

Islamisme et politique 18.12.2017

Trump : l'attentat déjoué en Russie aurait pu faire «des milliers» de victimes (18.12.2017)
Russie : 86 Tatars de Crimée jugés pour avoir manifesté (18.12.2017)
Pour Assad, la France sponsorise le terrorisme (19.12.2017)
Attentats de Paris de 1995: la CEDH déboute Rachid Ramda (19.12.2017)
Birmanie: le retour des Rohingyas débutera en janvier (19.12.2017)
Mounir Mahjoubi : «Le Conseil national du numérique doit être proche du gouvernement» (19.12.2017)
Finkielkraut, Tex, Griezmann : Twitter ou le pilori numérique ? (18.12.2017)
Allemagne : un an après l'attentat du marché de Noël, Berlin commémore ses victimes (19.12.2017)
La famille de Miss Irak menacée de mort (18.12.2017)
Jérusalem : Washington oppose son veto et se retrouve isolé (18.12.2017)
Le phénomène inquiétant des «marave challenges» dans les lycées (19.12.2017)
Comment la France traque les islamistes radicaux (17.12.2017)
Migrants : la gauche vent debout contre la «circulaire de la honte» (19.12.2017)
Circulaire Collomb sur les migrants : le gouvernement cherche à déminer (19.12.2017)
Avec Macron, la société française s'ouvre au libéralisme (19.12.2017)
Éditorial : «Au cœur des ténèbres d'Alger» (18.12.2017)
L'Algérie paralysée par le règne sans fin d'Abdelaziz Bouteflika (18.12.2017)
«La mise à l'index des professeurs qui ont une orthographe correcte est inadmissible» (19.12.2017)
«Il est impossible de lutter contre l'islamisme radical sans associer le religieux» (19.12.2017)
Jeremy Rifkin : «Macron doit accompagner la troisième révolution industrielle» (19.12.2017)


Trump : l'attentat déjoué en Russie aurait pu faire «des milliers» de victimes (18.12.2017)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 18/12/2017 à 22:51 

  • Publié le 18/12/2017 à 20:37
Le président américain Donald Trump a estimé aujourd'hui que la coopération entre les services de renseignement russe et américain avait permis d'éviter des "milliers" de victimes en déjouant un projet d'attentat à Saint-Pétersbourg.
"Ils ont été capables d'arrêter ces terroristes sans la moindre perte de vie humaine", a souligné Donald Trump lors d'un discours à Washington. "Peut-être que des milliers de personnes auraient pu être tuées", a-t-il ajouté. "C'est comme cela que cela doit fonctionner", a-t-il encore dit, louant la coopération sur ce thème avec son homologue russe Vladimir Poutine. Ce dernier a appelé dimanche le milliardaire américain et l'a remercié pour "les renseignements transmis par la CIA" à la Russie qui ont permis, selon lui, de déjouer un projet d'attentat à Saint-Pétersbourg, dans le nord-ouest du pays.
"Les informations reçues par la CIA se sont avérées suffisantes pour la détection, la recherche et l'arrestation des criminels", avait précisé le Kremlin dans un communiqué qui ajoutait que les organisateurs supposés de l'attentat prévoyaient "des explosions dans la Cathédrale Notre-Dame-de-Kazan et d'autres lieux très fréquentés de la ville". Les services de renseignement russes (FSB) avaient annoncé en fin de semaine dernière avoir démantelé une cellule du groupe djihadiste Etat islamique (EI) qui s'apprêtait à commettre des attentats le 16 décembre à Saint-Pétersbourg.
Au total, sept personnes ont été arrêtées mercredi et jeudi.

Russie : 86 Tatars de Crimée jugés pour avoir manifesté (18.12.2017)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 18/12/2017 à 20:36 

  • Publié le 18/12/2017 à 20:15
Les autorité russes de Crimée, un territoire du sud de l'Ukraine annexé par Moscou en 2014, jugeaient lundi 86 Tatars ayant protesté le 14 octobre contre la mainmise de la Russie sur la péninsule, ont annoncé des représentants de cette communauté musulmane.
Dans un communiqué, l'ONG Amnesty International a dénoncé "une mesure répressive éhontée", affirmant que leurs actions de protestation, organisées à titre individuel, étaient "entièrement légales".
"L'objectif est de punir des gens qui n'ont pas eu peur de parler haut et fort", a déclaré à l'AFP Nariman Djelial, un des dirigeants de la communauté des Tatars de Crimée, expliquant que le procès de dix des 86 accusés était d'ores et déjà terminé, ceux-ci ayant été condamnés à des amendes allant jusqu'à 15.000 roubles (256 dollars).
Les procès se déroulent dans cinq villes, dont la capitale régionale Simferopol, et dans plusieurs villages, selon l'organisation Solidarité criméenne. Les tribunaux semblent prononcer des sentences préparées à l'avance, a dit Djelial, premier-vice-président du Medjlis, l'assemblée -dissoute- représentative des Tatars de Crimée, en voulant pour preuve la lecture, à laquelle il a assisté à l'un des procès, d'une décision de justice avec le nom de quelqu'un d'autre que la personne condamnée.

Pour Assad, la France sponsorise le terrorisme (19.12.2017)
  • Par  Le Figaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 19/12/2017 à 10:37 

  • Publié le 19/12/2017 à 09:18
Le président syrien, Bachar el-Assad a attaqué la France aujourd'hui, l'accusant de soutenir le bain de sang dans son pays la rendant inapte à parler d'un règlement de paix.
"La France a été le fer de lance du terrorisme et ses mains sont trempées dans le sang syrien depuis les premiers jours et nous ne voyons pas qu'elle a fondamentalement changé d'attitude", a déclaré Assad aux médias après avoir rencontré une délégation russe hier. "Ceux qui soutiennent le terrorisme n'ont pas le droit de parler de paix", a-t-il ajouté.
La France a accusé vendredi la Syrie de ne rien faire pour parvenir à un accord de paix après près de sept ans de guerre et a déclaré qu'elle commettait des crimes de masse dans la Ghouta orientale, où 400.000 personnes sont assiégées par les forces gouvernementales. Le président français Emmanuel Macron a déclaré hier que la France ferait pression pour des pourparlers de paix impliquant tous les partis du conflit syrien de six ans, y compris le président Bachar el-Assad, promettant des "initiatives" au début de l'année prochaine.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a été plus direct, cité par Le Figaro. "Bachar el-Assad ne semble pas être en mesure de prendre une position politique tant qu'il dépend de la Russie et de l'Iran ", a-t-il déclaré. "Quand vous avez passé vos journées à massacrer votre peuple, vous devriez être généralement un peu plus discret", a déclaré Jean-Yves Le Drian lors d'un voyage à Washington.
LIRE AUSSI :


Attentats de Paris de 1995: la CEDH déboute Rachid Ramda (19.12.2017)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 19/12/2017 à 15:59 

  • Publié le 19/12/2017 à 15:48
La Cour européenne des droits de l'Homme a validé mardi la double condamnation en France de Rachid Ramda, l'un des responsables des attentats meurtriers commis à Paris en 1995, jugée conforme aux dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme. En 1995-1996, une série d'attentats islamistes dans le métro et le RER à Paris avait fait 12 morts et près de 300 blessés. Rachid Ramda, 48 ans, considéré comme un "intellectuel" de la mouvance islamiste algérienne radicale et comme le "responsable de la propagande" du Groupe islamique armé (GIA) qui avait revendiqué les attentats, est actuellement détenu au centre pénitentiaire de Lannemezan (sud).
Il a été condamné en 2006 à dix ans de prison par un tribunal correctionnel puis à la réclusion à perpétuité en 2009 par une Cour d'assises spécialement composée de magistrats professionnels. La Cour a jugé que la double condamnation de Rachid Ramda en correctionnelle en 2006 puis, dans le cadre d'une procédure criminelle distincte, aux assises en 2007 et en appel en 2009, étaient conformes à la Convention européenne des droits de l'Homme. Ramda se plaignait d'un "défaut de motivation" de l'arrêt rendu par la cour d'assises d'appel spéciale qui l'a condamné le 13 octobre 2009.
Jugé pour "complicité de crimes d'assassinat, de tentatives d'assassinats" commis "en relation avec une entreprise terroriste", Ramda avait été condamné aux assises à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. Ce verdict avait été confirmé en appel. Ramda s'estimait aussi victime d'une violation du principe "ne bis in idem", selon lequel "nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement (une seconde fois) à raison des mêmes faits". En correctionnelle, il avait été condamné à Paris à dix ans de prison pour "association de malfaiteurs dans le cadre d'une entreprise terroriste".
Ramda a été débouté sur ces deux points. Les juges de la CEDH ont notamment jugé dans un arrêt de chambre que "le requérant a disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict" de la condamnation prononcé par la cour d'assises d'appel."Il est légitime que les États contractants fassent preuve d'une grande fermeté à l'égard de ceux qui contribuent à des actes de terrorisme qu'elle ne saurait en aucun cas cautionner", a rappelé la Cour. Cet arrêt de la CEDH n'est pas définitif. Les parties ont trois mois pour décider si elles demandent un renvoi de leur affaire devant la Grande Chambre, instance suprême de la Cour.

Birmanie: le retour des Rohingyas débutera en janvier (19.12.2017)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 19/12/2017 à 15:46 

  • Publié le 19/12/2017 à 15:43
Dhaka et Rangoun ont réaffirmé mardi leur volonté de commencer à rapatrier en Birmanie à partir du mois de janvier des Rohingyas ayant fui vers le Bangladesh, mais les préoccupations quant à leur sécurité persistent. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays se sont rencontrés mardi à Dhaka pour finaliser un accord signé le 23 novembre sur le retour volontaire de près de près des trois quarts du million de réfugiés rohingyas qui vivent actuellement dans des camps au Bangladesh. Un nouveau groupe de travail ayant pour objectif "d'assurer le début du rapatriement d'ici deux mois" devra établir un calendrier pour procéder à la vérification de l'identité des réfugiés et organiser leur retour, a indiqué le ministre des Affaires étrangères du Bangladesh à la presse.
"Nous commençons la prochaine étape de notre travail", a déclaré A.H. Mahmood Ali à l'issue de la rencontre. En dépit de cette volonté affichée par les deux pays voisins, des interrogations sur la sécurité des réfugiés qui rentreraient en Birmanie demeurent, alors que selon l'ONG Médecins sans frontières près de 7.000 Rohingyas ont été tués entre fin août et fin septembre et que l'ONU a accusé le régime birman "d'épuration ethnique". Environ 655.000 Rohingyas auraient fui la Birmanie et trouvé refuge au Bangladesh depuis le mois d'août.
Mais un rapport publié lundi par Human Rights Watch, sur la base d'images satellite, affirme que des violences ont continué en octobre et novembre dans une quarantaine de villages rohingyas qui ont été incendiés. Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU Zeid Ra'ad Al Hussein a affirmé lundi n'avoir aucune assurance sur la présence d'observateurs internationaux pour surveiller les conditions dans lesquelles les retours s'effectueront.
"Nous sommes sceptiques" quant à la possibilité d'avoir des observateurs sur le terrain, a -t-il confié lundi à l'AFP. Human Rights Watch a estimé que l'accord sur le rapatriement n'était qu'un "exercice de relations publiques" et a estimé que les réfugiés ne seraient pas en sécurité dans l'Etat de Rakhine, d'où ils sont majoritairement originaires, sans protection ni droits garantis. Les autorités birmanes ont toujours démenti avoir commis des atrocités contre les Rohingyas, affirmant que l'armée n'avait fait que répondre à des attaques de rebelles musulmans contre des postes de police le 25 août, qui ont fait une douzaine de morts parmi les policiers.
Des réfugiés rohingyas au Bangladesh interrogés par l'AFP ont fait part de leur doutes quant à un prochain retour. "Nous ne retournerons pas dans notre pays tant que nos droits ne seront pas garantis", a confié Roushan Ali. "Nous voulons la pleine citoyenneté et la restitution de nos terres et de nos biens. Nous réclamons justice pour les personnes qui ont été assassinées, torturées et violées", a-t-il ajouté.

Mounir Mahjoubi : «Le Conseil national du numérique doit être proche du gouvernement» (19.12.2017)

  • Mis à jour le 19/12/2017 à 16:45 

  • Publié le 19/12/2017 à 13:29
Marie Ekeland a démissionné de la présidence du Conseil national du numérique, suite au renvoi de la militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo. Le gouvernement assume sa décision.
La crise a éclaté. Marie Ekeland a annoncé mardi qu'elle démissionnait de son poste de présidente du Conseil National du Numérique (CNNum), qu'elle occupait depuis à peine une semaine. En cause, une polémique virulente autour de la nomination de la militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo. Le gouvernement avait demandé à Marie Ekeland de revoir sa copie et de remplacer l'écrivaine. Elle a finalement choisi de claquer la porte. «Les réactions qui ont suivi cette nomination me font mesurer à quel point mon pari était osé et innovant», explique l'entrepreneuse dans un communiqué. «À quel point, dans notre pays, nous ne voulons pas entendre des voix dissonantes. À quel point nous ne savons plus débattre sereinement de nos divergences de vue. À quel point nous avons du mal à nous mettre à la place des autres. À quel point réseaux sociaux et immédiateté du jeu politique alimentent la violence de la parole et la stigmatisation. Cela me peine de voir notre pays aussi loin des valeurs démocratiques qui sont les miennes.» 20 membres du CNNum, sur les trente au total, ont par ailleurs annoncé leur démission.
La nouvelle composition du CNNum a été présentée la semaine dernière. En accord avec le secrétaire d'État chargé du Numérique, qui avait décidé de laisser plus de liberté que de coutume à la présidente, Marie Ekeland avait fait le choix d'une équipe non pas composée seulement d'experts du numérique, mais aussi de membres de la société civile. Rokhaya Diallo avait ainsi été choisie pour son engagement contre la haine en ligne. Sa présence avait néanmoins été dénoncée par plusieurs personnalités, comme la députée LR Valérie Boyer qui s'indignait de ses propos sur les femmes voilées. Sa nomination a aussi fait grincer des dents au gouvernement. Rokhaya Diallo, qui dénonce régulièrement ce qu'elle qualifie de «racisme d'État», avait appelé fin novembre le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer à porter plainte contre elle pour l'usage de cette expression.
Une nouvelle composition avant 2018
Mounir Mahjoubi, de son côté, assume sa décision. «Après cette nomination, tout le monde a oublié le CNNum et ce qu'il était censé faire. Le débat s'est porté sur d'autres sujets. Cela l'a rendu inaudible et incapable de travailler sur ses missions», a assuré le secrétaire d'État chargé du Numérique, dans une interview accordée mardi au Figaro.
L'enjeu crucial est celui de l'indépendance du CNNum. Cette entité est chargée de «formuler de manière indépendante et de rendre publics des avis et des recommandations» sur le numérique, afin d'orienter les politiques du gouvernement sur le sujet. Néanmoins, ses membres sont nommés par arrêté du premier ministre, sur proposition du secrétaire d'État chargé du Numérique. «J'ai signé le décret, j'étais là à la nomination. Il n'y a eu aucune surprise. Le problème, ce sont les réactions et l'incapacité du CNNum à travailler dans la sérénité», insiste Mounir Mahjoubi. «Il ne s'agit pas d'une association, d'un parti politique ou d'un lobby. Le CNNum doit être proche du gouvernement pour nous orienter, et le gouvernement lui fait confiance sur ces sujets. Ce n'est pas une force d'opposition, même si conseiller peut signifier dire quand ça ne va pas. C'est cet équilibre subtil qui a été cassé.»
Mounir Mahjoubi a lui même été président du CNNum entre 2016 et 2017. À cette occasion, il a plusieurs fois exprimé son désaccord sur des projets de loi, notamment sur l'exploitation du fichier TES. La nouvelle composition du CNNum doit être annoncée avant le début de l'année 2018. «Le CNNum acquiert sa confiance grâce aux gens qui le composent», conclut Mounir Mahjoubi. «La prochaine composition sera faite d'experts du numérique. Elle aura aussi une plus grande représentativité des quartiers, de la ruralité. Je ne vois aucune crise de confiance sur le sujet.»
La rédaction vous conseille

Finkielkraut, Tex, Griezmann : Twitter ou le pilori numérique ? (18.12.2017)

Par Vincent Tremolet de Villers
Mis à jour le 19/12/2017 à 15h02 | Publié le 18/12/2017 à 20h42
FIGAROVOX/ANALYSE - Toutes ces histoires très disparates ont pour point commun une nouvelle pratique sociale, le «name and shame». Couramment utilisée dans les pays anglo-saxons, où la dénonciation et la transparence sont perçues comme des devoirs moraux, elle se généralise, au pays de Voltaire, sur les réseaux sociaux.
À qui le tour? En une décade nous avons vu un comique, Tex, mis à pied pour une blague pour le moins douteuse, un philosophe, Alain Finkielkraut victime de la «bastonnade médiatique» (Michel Onfray) pour avoir souligné que l'hommage à Johnny était monocolore, un président de cour d'assises qui, au quatrième jour d'audience, inquiet de voir ses questions à l'une des plaignantes violemment mises en cause sur Twitter se trouve contraint de remettre sine die un procès (celui de Georges Tron), une Miss France accusée de racisme pour avoir fait l'éloge de la «crinière de lionne» de celle qui l'a précédée, un joueur de football, Antoine Griezmann, obligé de présenter des excuses publiques pour s'être grimé en joueur de basket de la légendaire équipe de Harlem… Ouf!
À chaque fois la procédure est la même: indignation numérique, attaque mimétique sur les réseaux sociaux, appel aux autorités officielles (pour Tex, la ministre de l'Égalité entre les femmes et les hommes, pour Finkielkraut, France Culture et l'Académie française), rappel jusqu'à la nausée de la faute supposée, acharnement sur le bouc émissaire. Toutes ces histoires très disparates ont pour point commun une nouvelle pratique sociale, le «name and shame». Couramment utilisée dans les pays anglo-saxons, où la dénonciation et la transparence sont perçues comme des devoirs moraux, elle se généralise, au pays de Voltaire, sur les réseaux sociaux et Twitter en particulier, comme si la mondialisation des usages mettait fin à une forme d'exception française (ou latine). «Name and shame», nommer publiquement le coupable et le couvrir de honte, en bon Français cela porte un nom: le pilori.
Si l'exposition est virtuelle et le poteau un simple hashtag, le principe est le même. Faire connaître à tous la faute commise.
Ouvrons le Littré: «Pilori: poteau où l'on attachait le criminel avec un carcan au cou, pour l'exposer à la vue du peuple.» Si l'exposition est virtuelle et le poteau un simple hashtag, le principe est le même. Faire connaître à tous la faute commise. À une différence près: ceux qui avaient été cloués au pilori avaient le plus souvent bénéficié d'un procès respectant, au moins, les apparences de la justice.
Ici, plus de droit de la défense, de témoin, de plaidoiries. En moins de temps qu'il n'en faut pour un retweet, le suspect est au poteau. Qu'il ne se console pas en imaginant que cette humiliation sera contenue dans un petit cercle numérique: les vertueux prennent le soin d'envoyer messages renseignés et autres captures d'écran à tout ce qui pourrait briser sa vie sociale: employeur, amis, ligues de vertu, CSA… C'est l'anoblissement de la bonne vieille lettre anonyme par le principe de transparence. À cette nuance près que la dénonciation est le plus souvent publiquement signée: l'oiseau bleu de Twitter se change en corbeau et il vole en plein jour.
Délire collectif
S'ils le font, plaideront les procureurs (et parfois de bonne foi), c'est que la morale est en danger. Que le sexisme, le racisme ne sont pas des opinions mais des délits. Comme les voisins vigilants s'organisent afin d'éviter d'être cambriolés au mois d'août, les twittos intransigeants patrouillent jour et nuit surveillent tout ce qui peut l'être, pour alerter les autorités sur la présence d'individus suspects. S'ils ne s'attaquaient qu'à des délinquants, on pourrait déjà s'interroger sur les périls de ce zèle sécuritaire ; mais dans les cas qui nous occupent, ces accusateurs poursuivent des personnes dont la seule faute est d'avoir fait preuve de mauvais goût, d'avoir poussé lors d'un procès contradictoire une plaignante dans ses retranchements, d'avoir manié l'ironie.
S'expliquer honnêtement? Peine perdue. Cela impliquerait une conversation, l'échange d'arguments, un débat. Or, dans ces moments de délire collectif, la ligne de partage entre le bien et le mal ne traverse plus le cœur et la conscience de chacun. Elle sépare ce que Raphaël Enthoven a justement appelé le «Parti unanime» et ceux qui pensent de travers ; les «forces du Bien» et ceux que le doute, la nuance accompagnent. Toute hésitation, distance, second degré, exposition d'arguments contraires seront utilisés contre vous. Un conseil: pas un mot! Encore votre silence lui-même sera-t-il interprété…
Sur le continent numérique, les meutes ne dorment jamais et nul ne sait comment les arrêter. Elles frappent aveuglément même ceux qui en ont largement profité.
Sur le continent numérique, les meutes ne dorment jamais et nul ne sait comment les arrêter. Elles frappent aveuglément même ceux qui en ont largement profité. La militante «intersectionnelle» Rokhaya Diallo, nommée avant d'être démise du Conseil national du numérique, l'a récemment vérifié à ses dépens.
On nous dira que ce pilori n'est que virtuel. Certes. Jusqu'ici (et c'est heureux) la horde se déploie sur écran. Elle n'use d'aucune violence physique, même si les menaces anonymes sont de plus en plus courantes. Mais si le corps est épargné, l'esprit, lui, est atteint. Cet inquiétant «nettoyage éthique», pourrait prendre des proportions effrayantes. Tocqueville l'a imaginé dans De la démocratie en Amérique. Écoutons-le: «Vous êtes libres de ne point penser ainsi que moi ; votre vie, vos biens, tout vous reste ; mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous (…) Vous resterez parmi les hommes mais vous perdrez vos droits à l'humanité. Quand vous vous rapprocherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur ; et ceux-là même qui croient à votre innocence, ceux-là même vous abandonneront, car on les fuirait à leur tour. Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous laisse pire que la mort.»
La rédaction vous conseille :

Allemagne : un an après l'attentat du marché de Noël, Berlin commémore ses victimes (19.12.2017)

  • Mis à jour le 19/12/2017 à 15:18 

  • Publié le 19/12/2017 à 14:44
EN IMAGES - À l'occasion du premier anniversaire de l'attaque au camion bélier qui avait fait douze morts, l'exécutif allemand a reconnu mardi les défaillances de l'État pour prévenir l'attaque et soutenir les victimes.
Le 19 décembre 2016, Anis Amri, un terroriste de l'État islamique, fonçait sur la foule du marché de Noël de la Breitscheidplatz, à Berlin, au volant d'un camion bélier. Douze personnes avaient été tuées et une centaine d'autres blessées dans cet attentat, le plus sanglant jamais commis sur le sol allemand. Un an après le drame, c'est tout un pays qui commémore mardi ses victimes, originaires d'Allemagne, de Pologne, d'Italie, de République tchèque, d'Israël et d'Ukraine.
Les premières cérémonies se sont tenues dans la matinée près de la célèbre église du Souvenir, dont le clocher partiellement détruit pendant la Seconde guerre mondiale surplombe la place du marché de Noël berlinois. Le monument forme une longue déchirure dorée de quatorze mètres de long sur les escaliers menant à l'église, rappelant une cicatrice. Y est aussi gravé le texte: «En souvenir des victimes de l'attaque du 19 décembre 2016. Pour une vie harmonieuse entre tous les êtres humains».

Soutien aux victimes «insuffisant»
Le président Frank-Walter Steinmeier s'est d'abord exprimé lors d'une cérémonie fermée à la presse, à l'intérieur de l'église du Souvenir. L'occasion pour lui d'admettre que le soutien aux victimes de l'attentat était «arrivé trop tard» et était «insuffisant». «Sachez que vos expériences, vos plaintes et vos mises en garde ont été entendues. Le 19 décembre 2016 a imposé un devoir aux responsables politiques: nous devons tirer au clair les négligences et apprendre de nos erreurs», a-t-il ajouté.
Après l'allocution du président, Angela Merkel a inauguré un mémorial devant l'église, où des roses blanches et des portraits de victimes avaient été déposés. «Aujourd'hui doit être non seulement un jour de deuil, mais aussi le jour de notre volonté de faire mieux», a-t-elle déclaré. Critiquée depuis plusieurs semaines pour son manque d'empathie par une partie des proches des défunts, la chancelière les a finalement reçus lundi. Le ministre de la Justice, Heiko Maas, a également présenté des excuses mardi dans une tribune parue dans la presse.

Pour autant, les critiques à l'encontre de l'exécutif allemand se poursuivent. Dans un rapport officiel sur le traitement des victimes de l'attentat, Kurt Beck a critiqué la faiblesse des indemnisations et des maladresses administratives choquantes comme l'envoi aux familles d'injonctions de paiement pour les autopsies des défunts. Selon le quotidien Bild mardi, la mairie de Berlin aurait signifié, dans l'invitation aux commémorations envoyée aux proches et blessés que «le coût d'un taxi ne sera pas remboursé», et que les transports en commun «doivent être utilisés». De quoi nourrir la rancœur des intéressés, qui ont appris aussi ces derniers mois de diverses commissions d'enquêtes que le Tunisien Anis Amri aurait pu être arrêté avant son passage à l'acte.
Malgré les polémiques, les commémorations se poursuivront jusqu'à mardi soir. Une prière œcuménique est prévue dans la soirée, puis à 20h02, heure précise de l'attentat, une mer de bougies sera allumée. Et les cloches de l'église du Souvenir résonneront pendant de longues minutes.

(Avec AFP)
La rédaction vous conseille

La famille de Miss Irak menacée de mort (18.12.2017)
La rédaction | Le 18 décembre 2017
La famille de Sarah Abdali Idan, Miss Irak 2017, a été contrainte de fuir le pays à cause d’un selfie de la jeune femme avec Miss Israël.
Décidément, il ne fait pas bon être Miss Irak. Déjà en 2015, Shaymaa Qassim Abdelrahman, la première Miss Irak depuis 1972, avait reçu des menaces téléphoniques de la part de Daech juste après son élection. Cette fois-ci, c'est au tour de Sarah Abdali Idan, seconde Miss Irak 2017, de recevoir des menaces de mort.
Rappel des faits : ce 13 novembre, dix jours après son élection, Sarah Abdali Idan publiait une photo sur son compte Instagram où elle posait au coté de Adar Gandelsman, Miss Israël 2017. Sous le post, quelques mots (écrits en anglais) : «Paix et amour». Cette publication avait déclenché une polémique sur les réseaux sociaux, opposant les anti et les pro-Israël.
Face aux réactions provoquées par sa publication, Miss Irak 2017 – dont le pays d'origine ne reconnaît pas l'État hébreu et est toujours techniquement en état de guerre avec lui – a publié un texte d'explication, en arabe. «Je voulais juste insister sur le fait que le propos de la photo était simplement d’exprimer l’espoir et le désir de paix entre les deux pays.» Et d'ajouter : «Cette photo ne signifie pas que je soutiens le gouvernement israélien ou sa politique envers les pays arabes. Je m'excuse auprès de tous ceux qui y ont vu une insulte à la cause palestinienne».
Des menaces de mort envers sa famille
En Israël, le porte-parole du premier ministre, Ofir Gendelman, avait fait l'éloge du cliché, allant même jusqu'à le qualifier de «grand message d'espoir pour la région». Mais de nombreux commentaires haineux à l'encontre de cette photo ont également été postés, un flot de menaces qui aurait été accentué par des photos de la jeune femme de 27 ans en maillot de bain postées depuis sur Instagram.
Depuis, Miss Israël a annoncé que Sarah Abdali Idan et sa famille étaient en danger : « [Défiler en bikini et prendre ce selfie] a provoqué un tollé dès son retour en Irak, où des personnes les ont menacées, elle et sa famille, disant que si elle ne supprimait pas les photos, ils la déchoiraient de son titre et la tueraient», a expliqué Adar Gandelsman à la télévision israélienne, le 13 décembre. De son côté, Sarah Abdali Idan, résidente aux États-Unis, a confirmé au quotidien britannique The Independant que sa famille avait été obligée de fuir l’Irak après avoir reçu des menaces de mort.
Pas de soutien de son comité national
Sur CNN, le comité Miss Iraq affirme que pendant que le groupe soutenait la jeune femme, il n'avait pas le financement pour subvenir à tous ses besoins. Sarah Abdali Idan a déclaré avoir une preuve de menace de la part de son comité national : «Ils ont menacé de prendre mon titre si je ne retirais pas la photo... Ils ont menacé de prendre mon titre plusieurs fois». Le gouvernement irakien n'a pas encore répondu à une demande de commentaire de CNN.
Sarah Idan n'est pas la première Miss à créer la polémique. Lors de l'élection Miss Univers 2014, un selfie avec une concurrente israélienne avait déjà provoqué un scandale, cette fois-ci avec la représentante du Liban.

Jérusalem : Washington oppose son veto et se retrouve isolé (18.12.2017)

  • Mis à jour le 19/12/2017 à 12:02 

  • Publié le 18/12/2017 à 20:00
Jérusalem : Washington oppose son veto et se retrouvé isolé
Quatorze pays, dont la France, ont voté ce lundi une résolution condamnant la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d'Israël. Washington a mis son veto et a dénoncé une «insulte».
Quatorze pays, dont la France, ont voté ce lundi une résolution condamnant la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d'Israël. Washington a mis son veto et a dénoncé une «insulte». Les Palestiniens ont, quant à eux, jugé «inacceptable» ce veto.
Les États-Unis ont mis ce lundi leur veto à une résolution de l'ONU condamnant leur reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d'Israël. Le texte a toutefois été approuvé par les quatorze autres membres du Conseil de sécurité, dont les plus proches alliés européens de Washington, Londres et Paris. Ce vote représente un camouflet pour les Américains qui se retrouvent isolés.
«C'est une insulte et un camouflet que nous n'oublierons pas»
Nikki Haley, ambassadrice américaine à l'ONU
Le vote unanime de quatorze des quinze membres du Conseil de sécurité, dont la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni a été vivement dénoncé par l'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley. «C'est une insulte et un camouflet que nous n'oublierons pas», a lancé la diplomate, le regard noir. Nikki Haley n'a pas précisé si les États-Unis pourraient prendre des mesures de rétorsion contre les pays ayant voté le texte ou accentuer leur volonté de moins participer au financement de l'ONU dont ils sont les premiers contributeurs.
À l'issue du vote, les Palestiniens ont annoncé leur volonté de demander un autre scrutin à l'Assemblée générale de l'ONU (193 pays), et ont jugé «inacceptable» le veto américain qui «menace la stabilité de la communauté internationale par l'absence de respect qu'il révèle». Un peu plus tôt, le président palestinien, Mahmoud Abbas, avait déclaré qu'il faudrait être «fou» pour laisser Washington jouer à nouveau les médiateurs de paix dans la région. En revanche, le veto américain a été salué par Israël. «Merci madame l'ambassadrice Haley» et «président Trump», «vous avez allumé une bougie de vérité», «dissipé les ténèbres», a réagi sur Twitter le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou.
D'intenses négociations
Présenté par l'Égypte, qui a dénoncé les «graves répercussions» de la décision américaine, le texte réclamait que la décision annoncée il y a une dizaine de jours par Donald Trump soit révoquée. La reconnaissance a déclenché la colère des Palestiniens, des manifestations dans le monde musulman et une réprobation quasi unanime de la communauté internationale. Le statut de Jérusalem «doit être résolu par la négociation», soulignait le texte, évoquant de «profonds regrets concernant les récentes décisions sur Jérusalem», sans toutefois mentionner explicitement les États-Unis. Il affirmait que «toute décision ou action visant à altérer le caractère, le statut ou la composition démographique» de Jérusalem «n'a pas de force légale, est nulle et non avenue et devait être révoquée».
L'objectif était «d'avoir quatorze votes pour» face à Washington
Sources diplomatiques
Pendant une semaine, la rédaction du texte a donné lieu à d'intenses négociations - parfois lors de réceptions ou même au bar de l'ONU - entre la représentation diplomatique palestinienne, ayant rang d'observateur, et plusieurs délégations de pays arabes ou européens. L'objectif était «d'avoir quatorze votes pour» face à Washington, ont expliqué des diplomates. Pour cela, certaines ardeurs des Palestiniens à un premier texte plus fort et datant du 11 décembre, qui citait nommément les États-Unis, ont dû être réfrénées.
Avec ce processus, même sanctionné au final par un veto, il s'agissait aussi de faire pression sur l'administration américaine et ses futures discussions avec les deux parties afin que les droits des Palestiniens soient davantage pris en compte, ont ajouté des diplomates. Il fallait enfin souligner qu'avec leur récente décision, les États-Unis bafouaient une série de résolutions sur le conflit au Proche-Orient. Le 8 décembre, deux jours après l'annonce américaine sur Jérusalem, le Conseil de sécurité avait déjà montré l'isolement des États-Unis lors d'une réunion convoquée en urgence. Tous leurs partenaires avaient critiqué la reconnaissance américaine avec plus ou moins de vigueur.
Jérusalem, «une clé» pour la solution à deux États
Le texte soumis ce lundi commençait par un paragraphe rappelant dix résolutions de l'ONU adoptées entre 1967 et 2016 et affirmant que la question de Jérusalem devait faire partie d'un accord de paix final. Celle approuvée en 1980, visant la colonisation de territoires, déclarait que «toutes les mesures et actions législatives et administratives prises par Israël, puissance occupante, qui visent à modifier le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem n'ont aucune validité juridique». Les États-Unis s'étaient alors abstenus, permettant l'adoption.
«Sans accord sur Jérusalem, il n'y aura pas d'accord de paix»
François Delattre, ambassadeur français à l'ONU
La France et le Royaume-Uni ont rappelé ce lundi que Jérusalem était «une clé» pour la solution à deux États, israélien et palestinien, vivant en paix côte à côte. «Sans accord sur Jérusalem, il n'y aura pas d'accord de paix», a fait valoir l'ambassadeur français, François Delattre, rappelant le «consensus international» sur «une solution à deux États». «Les États-Unis continueront à jouer un rôle extrêmement important dans la recherche de la paix au Proche-Orient», a estimé son homologue britannique, Matthew Rycroft.
La rédaction vous conseille


Le phénomène inquiétant des «marave challenges» dans les lycées (19.12.2017)
Par Le Figaro Etudiant • Publié le 19/12/2017 à 09:37 • Mis à jour le 19/12/2017 à 09:57
Il s’agit de s’attaquer, en bande et au hasard, à des jeunes devant des établissements scolaires, pour la somme de dix euro Crédits photo: Facebook
Trois plaintes ont été déposées à l’hôtel de police de Metz après plusieurs agressions devant les établissements de la ville, qui proviennent de défis lancés sur les réseaux sociaux de s’attaquer en bande à des lycéens pour la somme de 10 euros.
C’est le nouveau «jeu» à la mode dans la ville de Metz, et il ne fait pas rire tout le monde. Trois plaintes ont été déposées et une enquête vient d’être ouverte après trois agressions, en fin de semaine dernière, devant des lycées de Metz (Moselle), visant trois jeunes de 17 et 18 ans, comme l’explique France Bleu Lorraine Nord.
Ces agressions découlent d’un nouveau «défi» inquiétant lancé sur Facebook, le «marave challenge». Le concept est simple, et particulièrement stupide: il s’agit de s’attaquer, en bande et au hasard, à des jeunes devant des établissements scolaires, pour la somme de dix euros. Les défis se lançaient jusqu’à présent sur une page Facebook, qui rassemblait plus de 60 membres. Elle a été désactivée.
Sécurité renforcée devant les lycées
La sûreté départementale de la police mène désormais l’enquête. En attendant de retrouver les coupables des agressions, la sécurité est renforcée devant cinq établissements de la ville: les lycées Fabert, Anne-de-Méjanès, Georges-de-la-Tour, René-Cassin et Louis-Vincent. Des patrouilles passent régulièrement devant les lycées et les images de vidéosurveillances, qui pourraient avoir capté les agressions, sont en train d’être exploitées.
La rédaction vous conseille


Comment la France traque les islamistes radicaux (17.12.2017)
Par Jean Chichizola
Mis à jour le 18/12/2017 à 12h14 | Publié le 17/12/2017 à 17h32
INFOGRAPHIE - Face à une menace terroriste toujours aussi élevée, les services de l'État ont dû faire tomber plusieurs tabous pour déployer un dispositif plus efficace.
Loin de nos frontières, le «califat» vit ses derniers instants dans la zone irako-syrienne. Mais l'islam radical est plus que jamais implanté dans l'Hexagone. Dans ses fiefs traditionnels où il prospère depuis les années 1990, mais aussi dans des endroits plus inattendus, comme le Tarn, dans le «top 10» des départements, en nombre de radicalisés par habitant. Le Figaro a pu observer de près comment l'État y détecte et prévient la radicalisation violente. Des procédures mises en place partout en France depuis le plan «antidjihad» d'avril 2014.

- Crédits photo : Le Figaro
Un nouveau plan de lutte contre la radicalisation, évoqué par le chef de l'État en octobre, sera présenté début 2018. Emmanuel Macron avait indiqué que serait dressée une «liste des territoires» faisant l'objet d'une surveillance spécifique. Et de préciser: «des plans d'action seront établis par les préfets dans leur département» impliquant «de nombreux autres services de l'État» pour «prévenir les menaces et mettre en place des organisations pour identifier les comportements les plus à risques», en coopération «étroite avec les magistrats».
Car, de l'avis de tous les spécialistes, le phénomène est appelé à durer. Et les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2006, les renseignements généraux estimaient à 5000 le nombre de salafistes en France et à 500 celui des militants les plus radicaux. 175 détenus étaient jugés «prosélytes» en prison (pour 99 condamnés pour terrorisme). Onze ans plus tard, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) compte 12.000 «signalés actifs» sans parler de ceux qui sont «en veille».
500 personnes sont incarcérées pour terrorisme ou apologie du terrorisme et 1150 détenus de droit commun radicalisés… Cette progression et la vague d'attentats de 2015-2017 ont imposé une multiplication des échanges d'informations impliquant des acteurs de plus en plus nombreux (Éducation nationale, services sociaux, associations s'occupant de jeunes, milieux médicaux…).

- Crédits photo : Le Figaro
La menace a eu raison des réticences initiales d'une partie de ces milieux méfiants envers toute «collaboration». «Tous les tabous ne sont pas tombés et certains s'interrogent encore, note un militant associatif. Mais les attentats ont agi comme un détonateur». La prévention demeure une tâche difficile car il faut détecter un danger potentiel mais sans excès ou exagérations qui pourraient être exploités par les islamistes. Une tâche d'autant plus délicate que l'arrivée de «revenants» de la zone syro-irakienne et de «sortants» de prison après avoir purgé leur peine dans des affaires terroristes (plusieurs dizaines sont attendus dès 2020) compliquera encore les choses. Quant au thème sensible de la «déradicalisation», ou du «désengagement», terme préféré par les autorités, le défi est encore plus grand pour le futur plan. «Une chose est claire, remarque un spécialiste, il faut abandonner le fantasme selon lequel il serait possible de “déprogrammer” les jeunes radicalisés.»

Le FSPRT, un fichier plus précis que celui des fichés S
Créé en mars 2015, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) est devenu l'instrument de «mesure» de la radicalisation. Un «baromètre» plus précis que les fiches S, outil de renseignement aux contours plus flous. Le mois dernier, dans son bilan définitif de l'état d'urgence, le ministère de l'Intérieur indiquait ainsi que 12.000 personnes étaient inscrites au FSPRT. Des «signalés actifs», dont la radicalisation est confirmée et qui font l'objet d'un suivi actif par la police, la gendarmerie ou l'administration pénitentiaire (auxquels il convient d'ajouter plusieurs milliers d'individus placés «en veille»). 25.000 personnes étaient quant à elles fichées S (sûreté de l'État). Sur ces 25.000, seules 9700 l'étaient pour radicalisation (essentiellement liée à la mouvance terroriste islamiste).

La rédaction vous conseille :


Migrants : la gauche vent debout contre la «circulaire de la honte» (19.12.2017)

  • Publié le 19/12/2017 à 15:40

LE SCAN POLITIQUE - Socialistes et Insoumis étrillent le texte porté par le ministère de l'Intérieur qui prévoit le «recensement» de migrants dans les centres d'hébergement d'urgence.
C'est une levée de bouclier qui en dit long sur les débats à venir sur la loi «immigration - asile.» Le texte ne sera présenté en conseil des ministres qu'au mois de février. Mais une circulaire du ministère de l'Intérieur envoyée aux préfets le 12 décembre, a d'ores et déjà mis le feu aux poudres. Gérard Collomb y invite les agents de l'État à envoyer des «brigades mobiles» pour procéder à un recensement dans les centres d'hébergement d'urgence de migrants.
Une initiative visant à orienter vers des structures différentes réfugiés, demandeurs d'asiles et déboutés qui «remet en cause un droit fondamental», s'est insurgé le chef de file des députés PS, Olivier Faure, mardi matin sur Cnews. «C'est une concession à l'air du temps, une concession à ce que porte depuis fort longtemps la droite la plus extrême avec une volonté de durcir le ton vis-à-vis de gens dont on considère qu'ils sont finalement moins que rien», a-t-il lancé.
Dans un communiqué, les porte-paroles d'Europe-Ecologie-Les Verts, Sandra Regol et Julien Bayou attaquent quant à eux «une honte» du gouvernement et soutiennent «les associations qui ont fait appel au Défenseur des droits.» Un soutien également partagé dans les rangs de la France insoumise. La députée de Paris Danièle Obono a appelé «à la mise en place sur l'ensemble du territoire national de centres transitoires pour les primo-arrivants» lundi, à l'occasion de la journée internationale des migrants.
Pour le Parti communiste français, «Le président de la République se livre à une véritable chasse à l'homme en triant les migrants au sein même des centres d'hébergement qui sont censés les accueillir et les protéger, tonne-t-il dans un communiqué. Cette circulaire du 12 décembre - la circulaire de la honte - provoque colère et condamnation de la part des associations, de toutes celles et ceux attachés à la défense des droits humains. Le Parti communiste français exige son abrogation immédiate.»
Saisi de la circulaire, le défenseur des droits Jacques Toubon a écrit au ministre de l'Intérieur pour lui faire «une série d'observations», et n'a pas hésité à souligner sur France inter, les «risques de conflits» que pouvait engendrer «l'intervention dans certaines préfectures des services de police à l'intérieur des centres sociaux d'hébergement d'urgence.» Des réactions qui augurent des débats musclés pour l'exécutif, jusque dans les rangs de sa propre majorité, dès la rentrée.


Circulaire Collomb sur les migrants : le gouvernement cherche à déminer (19.12.2017)

  • Mis à jour le 19/12/2017 à 14:38 

  • Publié le 19/12/2017 à 12:20

LE SCAN POLITIQUE - Face aux critiques qui se multiplient contre le recensement des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence, l'exécutif assure que ce contrôle ne sera pas coercitif.
Après la polémique, le déminage. Interrogée sur France Info à propos de la circulaire du 12 décembre, qui stipule que des «équipes mobiles» seront dépêchées dans les centres d'hébergement d'urgence afin de recenser les étrangers, la ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau a donné une lecture moins répressive de ce texte, qui déchaîne les associations d'aides aux sans-papiers.
«Ce ne sont pas des patrouilles, a insisté la ministre, mardi. Ce sont des agents de la préfecture et de l'Office français d'immigration et d'intégration qui vont aller dans les centres d'hébergement pour examiner, pour ceux qui l'acceptent, qui ne forceront personne, leur situation administrative». Et d'insister: il n'y aura «aucune obligation de répondre», «ce n'est pas un recensement, mais un examen, une proposition».
Gérard Collomb confirme sa volonté d'expulser plus de déboutés du droit d'asile
«95.000 demandes d'asile par an : si nous accueillons tout le monde, nous ne pourrions pas le faire dans de bonnes conditions» a déclaré Gérard Collomb ce lundi 18 décembre sur RTL.
Share
Play Video
Des «convocations en préfecture» pour les récalcitrants
«Ce ne sera pas coercitif», assure de son côté le ministère de l'Intérieur. «Les agents publics ne pourront pas interpeller les migrants, ni procéder à des contrôles d'identité, ni mettre des gens dans la rue», renchérit un conseiller ministériel.
Ces derniers jours, plusieurs associations ont claqué la porte des discussions avec le ministère de l'Intérieur pour dénoncer un «tri», un texte liberticide. De son côté, le Défenseur des droits Jacques Toubon a dénoncé une atteinte «aux droits fondamentaux».
Le gouvernement a donc décidé de faire baisser la température. «Cette circulaire prend des proportions exagérées, il faut déminer le truc», glisse une source gouvernementale. Il n'empêche: le virage en matière de communication n'estompe pas les dimensions répressives du texte. Ainsi, si les personnes interrogées dans les centres d'hébergement refusent de coopérer, des «procédures» peuvent être enclenchées à leur encontre, explique-t-on dans un cabinet ministériel, comme une «convocation à la préfecture en vue d'un examen plus complet de leur dossier».
La rédaction vous conseille

Avec Macron, la société française s'ouvre au libéralisme (19.12.2017)
Par Pascal Perrineau et Service InfographieMis à jour le 19/12/2017 à 16h26 | Publié le 19/12/2017 à 16h14
INFOGRAPHIES - Souvent présentés comme «illibéraux», les Français semblent davantage prêts à accepter les réformes sociales-libérales du président.
Le libéralisme en tant que force d'émancipation de l'individu vis-à-vis des tutelles traditionnelles (Églises, pouvoirs, idéologies…) a été une réalité qui a fait son œuvre du XVIe siècle jusqu'à nos jours. C'est l'histoire du libéralisme politique que Lucien Jaume résume parfaitement par la formule suivante: «émancipation, par la règle commune, de la société et de la personne vis-à-vis des souverainetés du moment». Sinon, comment expliquer qu'aujourd'hui le mot préféré des Français, dans la trilogie de la devise nationale, est «liberté».
Interrogés par l'Ifop en avril 2016 (sondage «Les Français et le libéralisme», pour L'Opinion et Génération libre), 43 % choisissent le mot «liberté», 37 % le mot «égalité» et 20 % le mot «fraternité». La majorité «libérale» n'est que relative et clivée politiquement. Les électeurs proches de la gauche mettent au premier rang l'égalité (41 %) devant la liberté (36 %) et la fraternité (23 %). Ceux de droite déclarent à 54 % que la liberté est leur mot préféré devant l'égalité (30 %) et la fraternité (16 %). Les électeurs du centre occupent une position très proche de la moyenne nationale (liberté 48 %, égalité 32 % et fraternité 20 %).
44 % des Français jugent que «dans les années qui viennent il faut donner plus de flexibilité au marché du travail»
http://i.f1g.fr/media/figaro/300x357/2017/12/19/INF44683e10-e4aa-11e7-bf17-4de11cee9913-300x357.jpg
Au-delà des grands principes, la sensibilité libérale est restée et reste bridée. En juin 2017, 55 % des personnes interrogées par Ipsos (sondage «Fractures française 2017», vague 5, pour Sciences Po, Le Monde et la Fondation Jean-Jaurès) considèrent que «pour relancer la croissance, il faut renforcer le rôle de l'État dans certains secteurs de l'économie française jugés porteurs et stratégiques», 45 % pensant qu'«il faut limiter au maximum le rôle de l'État dans l'économie française et donner aux entreprises le plus de liberté possible».
La réponse libérale est en baisse, alors qu'elle n'avait cessé de monter depuis 2014. D'autres indicateurs vont dans le même sens et mettent au jour un rapport de forces serré entre une demande libérale et une résistance étatique.
http://i.f1g.fr/media/figaro/300x319/2017/12/19/INF42eab0d6-e4aa-11e7-bf17-4de11cee9913-300x319.jpg
Si 44 % des Français interrogés par Ipsos jugent que «dans les années qui viennent il faut donner plus de flexibilité au marché du travail», 48 % pensent au contraire qu'«il faut renforcer la protection des salariés». Enfin, sur la question du libre-échange, pierre de touche du libéralisme économique, la division de l'opinion publique est parfaite: 50 % considèrent qu'«il faut aller vers plus de libre-échange», 50 % qu'«il faut aller vers plus de protectionnisme».
La demande libre-échangiste est largement majoritaire dans un bloc central qui va des électeurs républicains (63 %) aux électeurs socialistes (61 %) en passant par les sympathisants de LREM (70 %). En revanche, le protectionnisme est majoritaire du côté des sympathisants de La France insoumise et du Front national. La société française est donc en travail sur cette question du libéralisme.
La mondialisation, une «opportunité» pour une majorité de Français
http://i.f1g.fr/media/figaro/300x304/2017/12/19/INF415403b2-e4aa-11e7-bf17-4de11cee9913-300x304.jpg
La prise de conscience d'une France de plus en plus insérée dans la globalisation fait évoluer les attitudes. De 2013 à nos jours, la perception de la mondialisation comme «opportunité pour la France» a progressé de 13 points pour devenir aujourd'hui légèrement majoritaire (52 %). En même temps, la demande d'ouverture croissante du pays augmente (+ 5 points), mais reste légèrement en deçà (47 %) de l'attitude protectionniste (53 %).
Sous les stimuli extérieurs de l'insertion croissante de la France dans une économie globale, l'illibéralisme français est interrogé et le pays comme ses élites se divisent. Pendant la campagne, on a vu des candidats porteurs d'un libéralisme assumé sur le plan économique.
François Fillon et Emmanuel Macron, s'ils ne se retrouvaient que peu sur le terrain du libéralisme culturel, se sont en revanche beaucoup rencontrés sur celui du libéralisme économique. Tous deux voulaient réduire le nombre de fonctionnaires, baisser l'impôt sur les sociétés, supprimer ou modifier les 35 heures, baisser les charges qui pèsent sur les entreprises, agir sur l'âge de départ à la retraite ou encore durcir les conditions d'attribution des allocations chômage… Leurs électorats les ont largement suivis sur ce terrain. Cela explique que les réformes les plus libérales du gouvernement Édouard Philippe sous la présidence d'Emmanuel Macron soient soutenues par un «alliage» des électeurs de droite et de ceux de LREM. Sur la réforme de l'ISF ou celle qui a touché le Code du travail, seuls les électorats de droite et de LREM accordent une majorité absolue de soutiens.
Sous les coups de boutoir d'Emmanuel Macron, candidat puis président «social-libéral», la France poursuit une mue libérale, jusqu'alors largement souterraine, en tentant de trouver un point d'équilibre qui réunisse les électeurs du centre acquis à la cause libérale, les électeurs sociaux-libéraux exaspérés par la fronde des sociaux-étatistes du PS et les électeurs libéraux-sociaux des Républicains, peu convaincus par la droite identitaire de Laurent Wauquiez. C'est cette coalition encore fragile qui porte aujourd'hui au grand jour l'aggiornamento libéral du pays.

La rédaction vous conseille :


Éditorial : «Au cœur des ténèbres d'Alger» (18.12.2017)

Par Arnaud de La Grange
Mis à jour le 19/12/2017 à 14h01 | Publié le 18/12/2017 à 20h18
Par Arnaud de La Grange
Il y a quelque chose de conradien dans l'Algérie d'aujourd'hui. Celui qui tente de remonter la piste du pouvoir se sent un peu dans la peau de Marlow, le héros d'Au cœur des ténèbres. Plus il s'enfonce dans la jungle de la nomenklatura, plus le mystère s'épaissit. Plus il se rapproche du mystérieux personnage qui est son but ultime, plus on s'interroge sur la réalité de son existence. Sous les obscures frondaisons d'Alger, l'illusion des apparences…
Opacité, manœuvres de palais, rumeurs, non-dits, ainsi va le plus grand pays du Maghreb. Diminué physiquement, le président Bouteflika n'en finit pas de régner dans un épais brouillard. Et l'observation de la vie politique algérienne vire à la kremlinologie des grandes années soviétiques. On suppute, on scrute, on dissèque. Les photos, les déclarations ou le ballet des hommes de cour.
L'Algérie semble en attente, suspendue à la vie d'un homme malade. Que se passera-t-il, quand l'heure de la succession sonnera? Les plus «optimistes» avancent que rien ne changera. Un clan continuera à diriger le pays, verrouillant le champ politique et achetant la paix sociale. Mais d'autres tirent la sonnette d'alarme. Et font valoir que faire le vide autour de soi est confortable pour durer sur un trône. C'est aussi, souvent, la meilleure voie vers le chaos.
À sa manière, littéraire et enflammée, l'écrivain Boualem Sansal a écrit tout haut ce que d'autres disent tout bas. Les convulsions lui semblent inéluctables. Quand les verrous auront sauté, entre prétendants politiques, militaires et oligarques, les couteaux seront tirés. Sans oublier une jeunesse balançant entre fronde et résignation, et les dangers d'une économie de rente. Si l'Algérie vacille, la Tunisie et le Maroc chancelleront. Et l'onde de choc inévitablement courra sous la Méditerranée, avec la menace d'une vague migratoire massive.
Certes, pour l'heure, le pays a évité les soubresauts des printemps arabes. Certes, heureusement, le pire n'est jamais pas sûr. Mais à défaut d'y voir clair, nous devons nous y préparer.

Journaliste
Ses derniers articles


L'Algérie paralysée par le règne sans fin d'Abdelaziz Bouteflika (18.12.2017)
Par Thierry Oberlé
Mis à jour le 18/12/2017 à 19h08 | Publié le 18/12/2017 à 18h46
NOTRE GRANDE ENQUÊTE - En marge du vieux système, la jeunesse crie son désespoir sur YouTube, se résigne ou tente de s'inventer un avenir.
De notre envoyé spécial à Alger
Jamais un chef d'État n'avait régné aussi longtemps sur l'Algérie. Avant lui, Houari Boumediene détenait le record de longévité avec treize années d'exercice du pouvoir. Le raïs était mort dans une aura de mystère. Son décès à l'issue d'une longue période de coma fut annoncé le 27 décembre 1978. Le surlendemain, un petit homme en manteau noir, un certain Abdelaziz Bouteflika, alors inamovible ministre des Affaires étrangères et héraut du tiers-mondisme, prononça son oraison funèbre au cimetière d'Elia, près d'Alger. Il fut évincé de la succession par les hauts dignitaires du régime et condamné à une interminable traversée du désert avant d'être rappelé par le «cercle des décideurs» pour remporter l'élection présidentielle de 1999. L'Algérie émergeait d'une sanglante guerre civile entre le régime et les islamistes, sorte de répétition générale du chaos dans lequel a glissé une partie du monde arabe.

Place des Trois-Horloges, dans le quartier de Bab el Oued, à Alger. Les immeubles déglingués suintent la pauvreté. - Crédits photo : Zinedine ZEBAR pour le Figaro
Abdelaziz Bouteflika règne sur un peuple à la fois turbulent et soumis depuis maintenant dix-huit ans et sept mois. Le temps pour une génération de grandir tandis que son président se recroqueville. Dans un pays où le pouvoir est opaque, le président est devenu une ombre. Âgé de 80 ans, il est impotent depuis son hospitalisation en urgence au Val de Grâce, à Paris, en 2013, pour un AVC.
Le chef de l'État a déserté le palais d'el-Mouradia, situé sur les hauteurs d'Alger. Ses passages au siège de la présidence se comptent sur les doigts d'une main depuis le début de l'année. Abdelaziz Bouteflika y vient par obligation constitutionnelle pour des Conseils des ministres. Quelques images filtrées par le service de communication de la présidence sont à chaque fois diffusées dans les journaux des chaînes de télévision. Les plans durent à peine quelques secondes. Ils donnent lieu à d'interminables exégètes. «Il a tourné la tête, il est capable de parapher et a même réussi à applaudir des deux mains malgré son bras paralysé», constate l'un en spéculant sur les progrès de son état de santé. «Il parcourait un texte alors qu'il ne peut pas lire sans lunettes», déplore un sceptique. Son visage est passé au crible. Son regard peut être, selon les séquences, absent ou perçant. Son teint est cireux. Et ses traits toujours figés. «Ces mises en scène sont destinées à rassurer la population et à montrer que le pouvoir n'est pas vacant», décrypte un ancien ministre peu convaincu qu'elles atteignent leurs buts. «La maladie a évidemment des conséquences sur le fonctionnement de l'État, qui est comme lui, à moitié paralysé. Un Conseil des ministres se tient pour préserver les formes et valider, par exemple, la loi de finances, mais les institutions sont bloquées. Les décisions se prennent ailleurs», poursuit-il.

Le president algérien Abdelaziz Bouteflika à sa sortie du bureau de vote en novembre 2017, accompagné de son frère Saïd (avec la moustache et la cravate bleu ciel). - Crédits photo : Zinedine Zebar pour Le Figaro
Cet ailleurs se situe dans une résidence médicalisée de Zéralda, une ville balnéaire du fond de la baie de Sidi Fredj, où débarqua l'expédition française de 1830. Prononcer le nom de Zéralda, c'est ouvrir la boîte à fantasmes. Le président passerait ses journées sans agenda dans sa chaise roulante derrière de hauts murs sous la surveillance d'un staff de médecins chinois et français tandis que son jeune frère, Saïd, fidèle parmi les fidèles, gérerait les affaires de l'État dans un bureau plongé dans la pénombre.
Terrasse sur la mer
Une autoroute embouteillée relie la capitale au centre déplacé du pouvoir. À l'entrée de Zéralda, une route s'enfonce à gauche dans une forêt de pins, de chênes verts et de palmiers. À droite, un chemin interdit à la circulation aboutit à un ancien centre de repos avec piscine et courts de tennis pour cadres supérieurs de la Sonatrach, la société nationale d'hydrocarbures sur laquelle repose l'économie du pays. Abdelaziz Bouteflika demeure dans le bâtiment central, un immeuble cossu à défaut d'être luxueux. Au premier étage sont installées des cuisines, des salles à manger et de réunions. De la terrasse, on voit au loin la mer tandis que dans le ciel des aigrettes volent en escadrille. Au rez-de-chaussée, les murs sont tapissés de piètres reproductions de tableaux orientalistes.
Quand il le peut, Abdelaziz Bouteflika reçoit ses visiteurs internationaux derrière la porte d'une antichambre fermée aux curieux. Il s'exprime, d'une voix basse et rauque, à l'aide d'un micro-amplificateur portatif. Les invitations tombent au compte-gouttes. À la sortie de l'entretien, les hôtes déploient des trésors de créativité verbale pour trouver les mots appropriés. Le 6 décembre, Jean-Yves Le Drian, qui accompagnait Emmanuel Macron, a opté pour la sobriété. «Intellectuellement, il est parfaitement en forme», affirma-t-il sur France Inter, avant d'ajouter: «Il est plus fatigué mais bon, ça peut arriver à un certain âge.»
À Zéralda, le reclus vit entouré de son clan. Il y a autour du vieux malade sa sœur, Zhora, une ex-sage-femme qui le materne, et deux de ses frères, Abderrahim, dit Nacer, un discret haut fonctionnaire, et Saïd, le cadet. Le rôle de ce dernier est sujet à controverse. Ancien universitaire engagé dans la lutte syndicale puis conseiller spécial de son frère, Saïd Bouteflika est le véritable secrétaire général de la «République de Zéralda». D'une loyauté absolue, il sert d'intendant et de courroie de transmission. Le déclin physique de son frère lui aurait permis de passer d'un rôle d'entremetteur à celui d'arbitre, mais sa marge de manœuvre est inconnue. Sa réserve naturelle et son refus de s'ouvrir aux médias attisent les rumeurs. Pour ses plus virulents détracteurs, il est le nœud gordien d'un puissant réseau de corruption. Ses adversaires lui prêtent des ambitions présidentielles.
Alors, en attendant, qui gouverne ? La «République de Zéralda» sans nul doute.
«Saïd est un vice-roi qui favorise ses amis. Il a la capacité de leur ouvrir la voie aux crédits et de les favoriser pour gagner les marchés publics mais la famille Bouteflika n'a plus besoin d'enrichissement personnel. C'est déjà fait! Quant au choix du successeur, il a toujours reposé dans le système algérien, où militaires et oligarques s'imbriquent sur un consensus dénué jusqu'à ce jour de pulsions dynastiques», tranche un familier du sérail. Alors, en attendant, qui gouverne? La «République de Zéralda» sans nul doute. Le premier ministre, Ahmed Ouyahia, et le général Gaït Salah, chef d'état-major des Armées, qui doit sa promotion au président, figurent en bonne place parmi les visiteurs de l'établissement. La mise à la retraite en 2015 par le président du général Mohamed Mediene, dit Toufik, le tout-puissant chef du DRS (Département du renseignement et de la sécurité, les services secrets) pendant des décennies, a mis fin à d'incessants tiraillements. La santé chancelante du président a figé le statu quo. Bien que décapité, le DRS reste le disque dur de l'État et le centre d'analyse politique des militaires. Sa machinerie bien huilée fait tourner le régime.
Vidéos parodiques
L'invisibilité d'Abdelaziz Bouteflika a en fait ajouté un rideau de fumée supplémentaire au pouvoir. Observateur scrupuleux et lucide du régime, l'écrivain Kamel Daoud résume dans un récent billet la situation en une formule: en Algérie, «le pouvoir est clandestin par définition ou par fantasme collectif». On pourrait également appliquer au pays la formule de Winston Churchill qui comparait, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l'Union soviétique à «un rébus enveloppé de mystère au sein d'une énigme».
Si elle présente l'avantage de cuirasser le pouvoir, l'opacité a l'inconvénient d'ankyloser une administration kafkaïenne par nature. «Beaucoup de décisions ne sont pas prises par peur de déplaire et de payer ensuite les pots cassés. Ces blocages font de l'Algérie un royaume immobile où rien ne bouge, en apparence», confie un haut fonctionnaire.
La succession«sera fermée à l'opposition».
Omar Belhouchet, patron du quotidien francophone El Watan
Fermé comme une huître, le régime se crispe. Il interdit les manifestations de rue et a mis les médias sous cloche. Enfermé dans une bulle souverainiste, le pays s'enfonce dans la crise sociale. L'État n'a pas anticipé la baisse des prix du pétrole et rafistole les brèches plutôt que de poser les véritables bases d'une nouvelle économie sortie du tout pétrole. Les biens consommés proviennent toujours, malgré des ajustements, à plus de 80 % des importations. La monnaie s'effondre, l'inflation galope, le pouvoir d'achat est en berne, mais ses habitants ne risquent pas de se révolter. «Le pouvoir joue de la peur de l'inconnu et du basculement de la Libye, de la Syrie et du Yémen dans la violence. La télévision nationale a diffusé pour le 20e anniversaire du massacre de Benthala (environ 400 civils tués par le Groupe islamique armé pendant la guerre civile) des images inédites de celle qui fut la tuerie emblématique de la décennie noire. Elles ont été interprétées comme un message adressé aux Algériens: taisez-vous, sinon vous aurez ça.» Les gens préfèrent manger du pain et des oignons plutôt que de tenter le diable. Quant à la succession, «elle sera fermée à l'opposition», dit Omar Belhouchet, le patron du quotidien francophone El Watan, dont les ressources publicitaires se sont taries à la suite du boycott des grands annonceurs. Le journal avait eu le tort de ne pas soutenir Abdelaziz Bouteflika lors de la dernière présidentielle, une élection au résultat pourtant couru d'avance. Il a vu également son nouveau siège mis sous scellés par la justice.
Le silence est réclamé dans les rangs mais il vient d'en haut. Grand orateur, Abdelaziz Bouteflika avait tissé un lien unique avec son peuple par la magie du verbe. Cette relation est aujourd'hui définitivement rompue. Le reclus de Zéralda n'a pas parlé directement à ses concitoyens depuis cinq ans. Quant à sa dernière apparition en public, elle remonte aux élections municipales de novembre, marquées par un taux d'abstention record.
Durant les campagnes électorales législatives et locales de 2017, des vidéos de youtubeurs ont défrayé la chronique.
Durant les campagnes électorales législatives et locales de 2017, des vidéos de youtubeurs ont défrayé la chronique. Leur succès viral marque le gouffre qui sépare la jeunesse de ses dirigeants. Les clips sont signés Anis Tina, DZ Joker ou Kamel Labiad. Affichant des millions de vus sur les réseaux sociaux, elles témoignent de la persistance d'un esprit transgressif typiquement algérien.
Dans une parodie de film de zombies, qu'il a intitulé «La Takon Chiyyat» («Ne sois pas un cireur de pompes ) -, Kamel Labiad montre une berline qui roule dans la nuit et le brouillard. Saïd Bouteflika conduit, le président est assis à l'arrière. Il est reconnaissable à ses yeux qui s'allument à la manière d'un robot. Sur la plaque du véhicule, il est écrit «Il ne meurt pas». Des chiyyatine (brosseurs de chaussures) portant le masque de personnalités connues pour être des serviteurs zélés du président courent derrière lui sur une route. Elle mène vers un fort appelé «la ferme de Bouteflika et de sa famille».
Dans la vidéo d'Anis Tina, il est question d'une tribu «du peuple». Elle résiste à la tribu des «députés». Le film dénonce la corruption et le clientélisme. Tourné avec des comédiens en costume, il détourne le Messager, un célèbre biopic arabe sur la vie du Prophète, en le mixant avec la série Kaamelott.
Mais le «must» est le slam de Chemseddine Lamrani, alias DZ Joker, vu par plus de 11 millions de personnes sur YouTube. Il a inspiré le hashtag #Mansotich (un jeu de mots sur le thème «je ne vais pas voter») .
DZ Joker évoque la misère des petites gens. L'artiste montre des images poétiques et léchées d'un harraga, un migrant clandestin, flottant dans l'eau qui s'excuse auprès de sa mère parce que son bateau s'est retourné. Un malade couché sur un lit d'hôpital dénonce la construction d'«une mosquée de deux milliards d'euros» au détriment d'hôpitaux. Un père de famille n'a pas de quoi nourrir sa famille. Un sportif est contraint de s'entraîner dans sa baignoire. DZ Joker appelle l'Algérie «Elle» et ses dirigeants «Eux». «Ce n'est pas contre toi que je dis ça, tu m'as bien compris, toi je t'aime, mais je parle d'eux», scande-t-il.
La «Hogra», la haine
Les autorités ont tenté de réagir en dénonçant une «violente campagne» de manipulation politique et de dénigrement des valeurs religieuses. Relayée par la chaîne de télévision Ennahar, la polémique n'en finit pas. Âgés d'une trentaine d'années, les youtubeurs sont détestés ou adulés. L'immense masse des conservateurs religieux les exècre. Leur nihilisme est dénoncé par les secteurs dynamiques de la population. L'argent qu'ils récoltent grâce à leurs cartons sur YouTube agace. Une partie de la jeunesse qui réclame sa part de la rente pétrolière a, elle, élevé DZ Joker et ses acolytes au rang de héros. À Bab el-Oued, les «porteurs de mur», les jeunes désœuvrés, attendent avec gourmandise les nouvelles mises en ligne.

Karim et Islam, jeunes Algerois à Bab El Oued. - Crédits photo : Zinedine Zebar pour Le Figaro
Ce vendredi, les fidèles ont fini de prier dans les mosquées du quartier et le match de football opposant l'équipe locale de l'USMA d'Alger aux Kabyles du JSK de Tizi Ouzou n'a pas commencé. À Bab el-Oued, les rues sont sales et les immeubles déglingués. Elles suintent la pauvreté et l'absence d'espoir des éternels perdants. «DZ Joker dit ce que l'on pense. C'est un homme! Un vrai! Nous n'avons rien! Il n'y a pas de boulot et nous savons que la politique ne sert que ceux qui en font», dit Karim. Son pote, Islam, acquiesce. Ils portent la gandoura sous une veste de survêtement et sont nu-pieds dans des claquettes. La dégaine à la mode sur les trottoirs de la place des Trois-Horloges. Karim va au lycée. Islam est mécanicien de bateau au chômage. Le portable et ses réseaux sociaux rythment leur existence. «On vit à dix dans notre appartement. Quand je me réveille le matin, je ne sais pas ce que je vais faire. Je n'ai pas d'avenir», assure Islam. La hogra, cette haine contre une société jugée injuste, se transmet de génération en génération, tout comme l'envie d'aller voir ailleurs. Avant, les enfants de Bab el-Oued montaient dans les maquis islamistes. Aujourd'hui, ils ont en ligne de mire l'immigration. «On nous délaisse. Si j'obtiens une formation, je demanderai un visa pour partir en Espagne», assure Karim.
Enfant de Bab el-Oued, Abdellah Malek, 30 ans, a, lui, rompu avec le pessimisme ambiant. Il a fondé, près du port, dans les sous-sols d'une ancienne usine de batteries électriques, Sylabs, un accélérateur de start-up, un mot entré voici peu dans le vocabulaire algérien. Abdellah raconte un autre monde. Ses amis montent des entreprises dans l'e-tourisme local ou l'accompagnement des loisirs grâce à l'émergence durant les prix hauts du pétrole d'une classe moyenne. «Le modèle de réussite, ce n'est plus de partir en Europe mais de sortir de la passivité et d'avoir un challenge à accomplir», dit-il.
Des livres par milliers
Lancée par des pionniers, la tendance se pérennise avec l'ouverture de parcs numériques. C'est en tout cas l'avis de Chams-Eddine Bezzitouni, 27 ans, l'un des chefs de file de ce mouvement. Il a inventé sur Twitter le hashtag #je suis content (Raniferhane) pour répondre sur un ton provoquant au #je suis furieux (Ranizaafane) des youtubeurs de la colère. «J'en avais assez de leur nihilisme et de leur populisme. Évidemment, les richesses sont mal réparties mais l'avenir est beau, parce que l'avenir, c'est nous. Il nous appartiendra dans quelques années pour des raisons de limite biologique. Il s'agit de savoir en attendant si nous voulons rester comme nous sommes, c'est-à-dire des gens qui souffrent et réclament pour être pris en charge, ou si nous voulons changer. Les youtubeurs devraient soigner leur réputation et montrer la voie.»
«Chams» fonctionne par communautés. Il se méfie de la société civile, qu'il juge trop politisée. Il monte des événements 2.0. «On y dialogue sur le mode pause-café pour construire un futur qui reste à inventer. Créer du lien, c'est créer de la valeur, dit-il. Le chômage n'est pas une fatalité, nous pouvons créer des emplois malgré les freins et un écosystème qui n'est pas le meilleur.» Sur les réseaux sociaux, la bataille entre «contents» et «furieux» tourne plutôt en faveur des jeunes gens en colère, plus nombreux, mais le débat est ouvert. Ces frémissements d'une société qui s'interroge sur elle-même passent aussi par le retour du récit. Une nouvelle génération d'écrivains perce en marge de la culture officielle tandis que des auteurs confirmés s'imposent. Le dissident kabyle Boualem Sansal pourfend l'ordre islamique. Kamel Daoud n'est pas seulement un romancier reconnu en France. Meursault, contre-enquête est un best-seller en Algérie, avec plus de 15.000 exemplaires vendus. Son dernier livre, Zabor ou les Psaumes, vient de franchir la barre des 8000 exemplaires.
C'est que Kamel Daoud est d'abord un écrivain algérien. Il est publié en Algérie avant d'être diffusé à l'étranger et défendu par les Éditions Barzakh, fondées il y a une quinzaine d'années par Sofiane Hadjadj et Selma Hellal. «Nous allons avec nos écrivains, comme des forains, à la rencontre des lecteurs en province. Le public est assoiffé de livres de culture algérienne qui parlent de l'Algérie d'aujourd'hui. Il veut un accès direct aux auteurs bannis des médias officiels», dit Sofiane Hadjadj. L'éditeur indépendant reconnaît toutefois devoir pratiquer l'autocensure. «On évite par exemple l'offense à la religion et l'outrage à l'armée», précise-t-il.
La maison d'édition a pignon sur rue à Alger, via son élégante librairie L'Arbre à Livres. On peut y trouver sur les étagères Mon testament pour les libertés, un ouvrage sorti le 8 décembre d'Abdenour Ali-Yahia, 96 ans, figure algéroise, fin connaisseur des arcanes du pouvoir et défenseur des droits de l'homme depuis les années 1980. Il y réclame - comme il l'a fait pendant près d'un siècle - la «fin de la tutelle sur le peuple», ainsi que le départ du président. Reclus, lui aussi, dans son appartement, le vieillard, ancien ministre comme Abdelaziz Bouteflika de Houari Boumediene, envoie un dernier message à ce président qui «refuse de céder un pouvoir qu'il ne peut plus exercer». Un message que, bien entendu, le chef de l'État n'entendra pas. Un raïs n'abdique jamais!

La rédaction vous conseille :

«La mise à l'index des professeurs qui ont une orthographe correcte est inadmissible» (19.12.2017)

Par Aziliz Le Corre
Publié le 19/12/2017 à 19h15
INTERVIEW - Le sujet est encore tabou, mais de plus en plus d'enseignants ont de grosses faiblesses en orthographe. Blanche Lochmann, présidente de la Société des agrégés, prône des solutions en amont.
LE FIGARO. - Comme l'a relevé une enquête du Parisien, de plus en plus de professeurs sont fâchés avec l'orthographe. Comment l'expliquez-vous?
Blanche LOCHMANN. -Nous ne disposons pas de chiffres précis, mais cela peut s'expliquer par la massification du recrutement. L'augmentation du nombre d'élèves et d'étudiants a exigé une augmentation du nombre de professeurs. Plusieurs milliers d'enseignants sont désormais retenus chaque année pour près de 1 million de personnes en exercice. C'est un défi auquel l'institution doit répondre par un mode de recrutement efficace.
Le quinquennat précédent a choisi d'augmenter le nombre de places aux concours pour tenter de mettre un professeur devant chaque classe, dans un contexte démographique tendu. La publication du nombre de postes offerts en 2018 montre que ce n'est pas le choix politique actuel. Dès lors, il faut que la mission de ce quinquennat réside dans la formation continue des professeurs et qu'un investissement conséquent - financier et humain - y soit consacré.
«Le ministère n'a pas encore su trouver les moyens de rendre la profession attractive alors qu'elle est en concurrence avec d'autres débouchés»
Blanche Lochmann
Constatez-vous un laxisme dans le recrutement des professeurs?
À l'agrégation externe, chaque année, environ 1700 excellents lauréats sont recrutés. Il n'y a aucun laxisme dans la manière dont les jurys organisent la sélection, sur le fond comme sur la forme. Ils ne pourvoient pas tous les postes s'ils estiment le niveau insuffisant et, si les candidats d'une section sont particulièrement brillants, ils proposent une liste complémentaire. Plusieurs centaines de professeurs passent l'agrégation interne, se remettant en question en cours de carrière et le décidant seuls, sans encouragement particulier de l'institution: non seulement le concours est exigeant, mais ils le sont avec eux-mêmes.
Peut-on encore penser que les concours de l'Éducation nationale promeuvent l'excellence?
Ils le font, malgré les critiques hors sujet contre leur sélectivité! L'enjeu est de recruter les meilleurs éléments. Le ministère n'a pas encore su trouver les moyens de rendre la profession attractive alors qu'elle est en concurrence avec d'autres débouchés.
«L'institution doit dire clairement que la maîtrise de la langue française est une condition indispensable à l'exercice du métier»
Blanche Lochmann
Cette baisse de niveau entraîne-t-elle un manque d'exigence à l'école?
Ce qui est inquiétant, c'est l'atmosphère d'anti-intellectualisme qui règne dans l'institution. Comment justifier qu'on lance méchamment à une collègue suggérant une correction dans un document: «Ah, tu ne vas pas encore faire ta “prof” de français!»? Quand, loin de se dire qu'il faut remédier à un problème que les parents sont de plus en plus nombreux à constater et de moins en moins enclins à supporter, on semble se mettre d'accord pour évacuer ce problème, c'est préoccupant. La mise à l'index de ceux qui ont une orthographe correcte est inadmissible.
Bien sûr, il n'est pas évident de reconnaître ses difficultés, mais on sait bien que la langue française est ardue, qu'on doit vérifier plusieurs fois ce qu'on écrit et procéder à la mise à jour régulière de ses connaissances. L'institution doit dire clairement que la maîtrise de la langue française est une condition indispensable à l'exercice du métier et ne pas laisser affirmer que c'est un rigorisme dépassé. Il y a pléthore d'esprits inventifs désireux de partager leurs connaissances, c'est très bien. Être professeur, ce n'est pas seulement cela, c'est s'efforcer d'être irréprochable: il y a un devoir d'exemplarité.
«Il serait temps de se pencher sur les Espé. Ces écoles ne répondent absolument pas aux problèmes concrets de nos collègues»
Blanche Lochmann
Quelles solutions préconisez-vous pour lutter contre ce problème?
Il faut trouver des solutions en amont. Lors de cours de remise à niveau dans une université, j'ai pu constater que les exercices de grammaire n'étaient pas suffisants. Lorsqu'il s'agit de compléter des phrases, les étudiants sont excellents: les difficultés ne se voient pas parce qu'un seul problème est posé à la fois. Il est plus compliqué en revanche d'orthographier correctement un texte contenant des difficultés de natures différentes.
Les fautes sont dues au manque de pratique et à plusieurs facteurs: les lacunes des programmes, la réduction du nombre d'heures de français, la disparition ou l'évolution de l'enseignement de disciplines qui permettaient de revoir la grammaire française autrement (langues anciennes et langues vivantes avec, notamment, la pratique de la version), enfin, la réticence des professeurs d'autres disciplines à corriger les fautes dans les devoirs, suivant en cela - il faut bien le dire - les instructions de certains inspecteurs.
Pour les professeurs, il faut une formation continue. Il serait temps de se pencher sur les Espé (écoles supérieures du professorat et de l'éducation), leur rôle et leur fonctionnement. Ces écoles ne répondent absolument pas aux problèmes concrets de nos collègues, elles ne sont pas adaptées aux enjeux actuels et elles sont encore trop souvent le foyer d'idéologies dépassées. Pour aider nos collègues, pour participer à l'effort indispensable de formation, la Société des agrégés est prête à s'engager et à mettre en place des solutions concrètes et constructives, comme elle le fait pour les agrégatifs dans le cadre des ateliers de l'agrégation. Mais une prise de conscience institutionnelle est nécessaire pour que la situation évolue.

La rédaction vous conseille :

«Il est impossible de lutter contre l'islamisme radical sans associer le religieux» (19.12.2017)

Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 19/12/2017 à 18h18 | Publié le 19/12/2017 à 18h13
INTERVIEW - Directeur d'études à l'EHESS, Farhad Khosrokhavar explique la nécessité de pour­suivre les programmes de déradicali­sation en France, et met en garde contre une stratégie qui nierait le fait religieux.
Farhad Khosrokhavar est directeur d'études à l'EHESS. Il a été le patron du Centre d'analyse et d'intervention sociologiques (CADIS, EHESS-CNRS) de mai 2015 à août 2016. Il est aujourd'hui directeur de l'Observatoire de la radicalisation à la Maison des sciences de l'homme. Ses recherches se sont concentrées sur la sociologie de l'Iran contemporain, sur les problèmes sociaux et anthropologiques de l'islam en France et sur la philosophie des sciences sociales.
LE FIGARO. - Les professionnels se plaignent de l'absence de toute évaluation des programmes mis en place après les attentats de 2015…
Farhad KHOSROKHAVAR. - Il n'y a pas de programme qui puisse s'évaluer de manière pertinente en un ou deux ans. Les programmes de déradicalisation ont démarré en France à la mi-2014 et ont été stoppés en 2016. Or aucune étude d'impact ne peut être réalisée dans des temps si courts. En Allemagne, en Norvège ou en Grande-Bretagne, cela fait une dizaine d'années que des stratégies sont tentées avec des donnes communautaires bien plus compliquées que ce que nous connaissons en France. De plus, les moyens sont très importants. La Grande-Bretagne a consacré une centaine de millions d'euros à la lutte contre le terrorisme - et les personnes impliquées sont bien plus nombreuses -, soit le double de la France.
«Je crois qu'il faut accepter que l'État se désengage de ces programmes»
Farhad Khosrokhavar
Comment expliquez-vous que la France soit incapable de mettre en place des programmes qui tiennent la route?
Comme on a pu le constater, cette lutte contre la déradicalisation a d'abord été le fait de l'administration. Cela a été le cas à Fresnes puis à Fleury, avec des fortunes diverses. En cas d'échec, ces administrations doivent essuyer des critiques très sévères de l'opinion publique et du politique. C'est un face-à-face malsain qui n'incite pas à recommencer. Ne rien faire, c'est être sûr de ne pas être cloué au pilori.
L'administration pénitentiaire n'a pas envie de prêter le flanc aux critiques. Ailleurs en Europe, les choix sont différents. La société civile est bien plus impliquée dans la lutte contre le djihadisme. En Grande-Bretagne, les mères ont été et sont très actives. Sont associés aux programmes les psychothérapeutes, les imams, les représentants des quartiers, de l'ordre public et les mairies. Je crois qu'il faut accepter que l'État se désengage de ces programmes.
Beaucoup estiment que lutter contre l'islam radical est impossible…
Tâtonner est normal mais il ne faut pas abandonner. La France est le pays qui a été le plus touché par les attentats. Aucun autre n'a connu de drames comme ceux de janvier et de novembre 2015 puis de juillet 2016. Il est impossible de ne rien faire, de ne rien tenter. Avec la disparition de Daech, le terrorisme va évoluer, mais le danger est toujours là, et d'autant plus important que l'on se détourne de cette lutte. Ce qui marche, c'est la prévention. C'est ce que disent les policiers anglais, par exemple. Ailleurs, en Norvège ou au Danemark, c'est l'intégration qui est vertueuse. Moi, je suis persuadé qu'il est impossible de lutter contre l'islamisme radical sans associer le religieux. En France, c'est un concept très difficile à cause d'une laïcité parfois mal comprise. Il faut dépasser ce conflit.

La rédaction vous conseille :
journaliste
Ses derniers articles

Jeremy Rifkin : «Macron doit accompagner la troisième révolution industrielle» (19.12.2017)
Par Jeremy Rifkin
Mis à jour le 19/12/2017 à 17h44 | Publié le 19/12/2017 à 17h44
TRIBUNE - Le célèbre essayiste américain invite le président de la République à construire une « France 2.0 ». La transformation digitale et la transition énergétique doivent compléter les réformes du travail et le programme de lutte contre le changement climatique.
Le président français a élaboré un programme ambitieux grâce auquel il entend réformer en profondeur le travail, les marchés et la fiscalité. Son objectif? Favoriser l'émergence d'innovations susceptibles d'accélérer la productivité et la croissance économique et stimuler la création massive d'emplois dans l'économie française. Bien que ces réformes soient essentielles, elles ne suffiront cependant pas tant que les infrastructures de la deuxième révolution industrielle - les grosses sociétés de télécommunication, l'industrie des énergies fossiles et le nucléaire - ainsi que les transports routiers, ferroviaires, maritimes et aériens utilisant le moteur à combustion interne resteront la plateforme utilisée en priorité pour gérer, alimenter et faire progresser l'activité économique dans la chaîne de valeur française.
Même si les infrastructures de la deuxième révolution industrielle ont effectivement rendu possibles les gains de productivité qui ont provoqué une augmentation spectaculaire de la croissance durant le XXe siècle, ce cycle a atteint son pic dans l'ensemble des nations industrielles au cours des quinze à vingt dernières années, ce qui a conduit au déclin du PIB et à la hausse correspondante du taux de chômage. Même une modernisation de ces infrastructures n'aurait qu'un effet limité sur l'efficacité globale, la productivité, les débouchés commerciaux, l'emploi et la croissance. Les énergies fossiles et l'énergie nucléaire arrivent en fin de vie. Les technologies conçues et mises au point pour fonctionner avec ces énergies, comme les réseaux de télécommunication, le système électrique centralisé et les modes de transport à combustion interne, arrivent au bout de leur potentiel de productivité.
La création et le déploiement des infrastructures intelligentes nécessaires pour lancer une troisième révolution industrielle numériquement intégrée sont en train de devenir une priorité vitale si la France et l'Union européenne veulent progresser dans la construction d'un espace commercial, social et politique parfaitement intégré
La création et le déploiement des infrastructures intelligentes nécessaires pour lancer une troisième révolution industrielle numériquement intégrée - comprenant notamment l'Internet des télécommunications 5G, un Internet des énergies renouvelables, ainsi qu'un Internet de la mobilité alimenté par des véhicules électriques et équipés de piles à combustible - sont en train de devenir une priorité vitale si la France et l'Union européenne veulent progresser dans la construction d'un espace commercial, social et politique parfaitement intégré. Jusqu'à présent, la France se situe loin derrière les huit pays de l'UE les plus avancés en matière de connectivité numérique à très haut débit.
L'amélioration de l'efficacité réglementaire et la mise en œuvre de réformes appropriées dans le secteur du travail, des marchés et de la fiscalité pourraient entraîner une nouvelle vague de productivité susceptible de perdurer au cours des cinquante prochaines années, à condition qu'elles soutiennent la transition énergétique et qu'elles s'accompagnent d'un programme visant à accélérer la création et le déploiement de ces nouvelles infrastructures numériques intelligentes.
Les nouvelles infrastructures numériques françaises permettront l'apparition de nouveaux modèles commerciaux et le développement de nouveaux types d'emploi
Prévue pour s'étaler sur une période de quarante ans, la construction de ces infrastructures nécessitera l'implication de pratiquement toutes les industries - les sociétés de distribution d'énergie et d'électricité, l'industrie des télécommunications et du câble, le secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC), l'industrie de l'électronique, les secteurs de la construction et de l'immobilier, le secteur de la logistique et du transport, l'industrie manufacturière, l'agriculture, etc. - et devrait entraîner la création de millions d'emplois pour des travailleurs qualifiés, semi-qualifiés et professionnels.
À leur tour, les nouvelles infrastructures numériques françaises permettront l'apparition de nouveaux modèles commerciaux et le développement de nouveaux types d'emploi, caractéristiques d'une évolution vers un nouveau paradigme économique intelligent et vers une économie sobre en carbone respectueuse de l'environnement.
Le gouvernement d'Emmanuel Macron s'est engagé à investir 50 milliards d'euros dans le déploiement des infrastructures publiques et dans la transition énergétique afin de stimuler l'innovation commerciale et créer de nouvelles opportunités d'emploi. Cet argent devrait partiellement servir à ériger l'infrastructure numérique du XXIe siècle et à accompagner la transition énergétique d'une France 2.0.
Si les infrastructures des première et deuxième révolutions industrielles avaient été conçues pour être centralisées, descendantes, propriétaires et verticales, la troisième révolution industrielle progressera bien mieux avec des méthodes décentralisées, collaboratives, ouvertes et horizontales
Jusqu'ici, trois juridictions politiques - la région des Hauts-de-France, la région métropolitaine de Rotterdam-La Haye, ainsi que le grand-duché de Luxembourg - ont déjà mis sur pied des programmes pleinement intégrés pour préparer la troisième révolution industrielle, ainsi que des initiatives en vue d'entamer la transition de leur économie. Ce processus marque un nouveau jalon dans la gouvernance du développement économique et social qui reflète la nature des nouvelles infrastructures prêtes à être déployées. En effet, si les infrastructures des première et deuxième révolutions industrielles avaient été conçues pour être centralisées, descendantes, propriétaires et verticales, la troisième révolution industrielle progressera bien mieux avec des méthodes décentralisées, collaboratives, ouvertes et horizontales, modifiant ainsi la nature même de la gouvernance.
Conscients des possibilités et des défis découlant de cette nouvelle révolution technologique, les gouvernements des Hauts-de-France, de la région métropolitaine de Rotterdam-La Haye et du grand-duché du Luxembourg ont acquis un nouveau rôle de facilitateur, remplaçant ainsi la gouvernance traditionnelle, centralisée et descendante, par une approche horizontale reposant sur un réseau régional. Ce réseau rassemble plusieurs centaines de parties prenantes issues du gouvernement, du monde de l'entreprise, du milieu universitaire et de la société civile, qui ont activement participé à la préparation des feuilles de route régionales ainsi qu'à l'élaboration des projets de déploiement correspondants.
«Glocalisation»
Si les première et deuxième révolutions industrielles ont donné naissance à une mondialisation verticale de forme descendante, la troisième révolution industrielle est à l'origine du concept de «glocalisation», une approche plus horizontale dans laquelle des villes, des régions, des États-nations et des unions continentales travaillent côte à côte au sein de vastes réseaux numériques mondiaux, où ils partagent des infrastructures de communication à haut débit, des énergies renouvelables et des moyens de transport autonomes (électriques ou dotés de piles à combustible), offrant une qualité de vie plus équitable et plus durable sur le plan écologique.
La première étape pour synchroniser et intégrer le déploiement de la nouvelle infrastructure numérique consiste en l'élaboration d'un document-cadre par le gouvernement. Ce document pourra ensuite inspirer, encourager, guider et pousser les dix-huit régions de France à établir leurs propres feuilles de route afin de créer l'infrastructure nécessaire à l'échelon régional.
Le gouvernement français a désormais la possibilité de montrer à l'Union européenne la voie à suivre pour, non seulement, créer une Europe 2.0., mais aussi, pour reprendre les mots du président Macron, rendre toute sa grandeur à notre planète
Le 7 février dernier, la Commission européenne a annoncé son intention de lancer une initiative «Smart Europe» visant à favoriser la création d'infrastructures numériques intégrées et la transition énergétique correspondante dans toute l'Union européenne. L'objectif est de stimuler la productivité, de créer de nouveaux débouchés commerciaux et de nouvelles opportunités d'emploi, ainsi que d'accélérer la transition vers une économie sobre en carbone.
La Commission européenne a réussi à mobiliser une enveloppe de 630 milliards d'euros - le fonds Juncker - pour investir dans le développement économique. Une partie de cet argent sera consacrée à la création et au déploiement des infrastructures nécessaires pour entamer la troisième révolution industrielle en Europe. Le gouvernement français a désormais la possibilité de montrer à l'Union européenne la voie à suivre pour, non seulement, créer une Europe 2.0. et un espace commercial intégré entre les vingt-huit États membres, mais aussi, pour reprendre les mots du président Macron, rendre toute sa grandeur à notre planète.
Dernier essai paru: «La Nouvelle Société du coût marginal zéro. L'Internet des objets, l'émergence des communaux collaboratifs et l'éclipse du capitalisme» (Les Liens qui libèrent)

La rédaction vous conseille :


Articles riposte laïque à faire

- reprendre une à une les règles de soumission de l'islam (faire un chapitre pour chacune) - invasion islamique de l'inde à reman...