vendredi 22 décembre 2017

Islamisme et politique 23.12.2017

Macron au Niger pour fêter Noël avec les militaires de Barkhane (22.12.2017)
Par Marcelo Wesfreid
Publié le 22/12/2017 à 08h43
LE SCAN POLITIQUE - Le chef de l'État se déplace pendant deux jours à Niamey pour saluer les militaires français et rencontrer le président Mahamadou Issoufou.
Une visite aux troupes en mission à l'étranger, au moment des fêtes: un grand classique de tout chef d'État français. Emmanuel Macron ne fait pas exception, pour sa première année au pouvoir. Il s'envole ce vendredi pour le Niger. Il fêtera Noël, samedi, avec un jour d'avance, sur la base aérienne de Niamey, pour marquer son soutien aux militaires déployés dans le cadre de l'opération Barkhane. Un repas spécial sera concocté par le chef cuisinier de l'Élysée, Guillaume Gomez.

Cette visite est l'occasion de mettre l'accent sur la lutte contre les groupes djihadistes au Sahel. Elle s'inscrit aussi dans le cadre de la mobilisation contre les réseaux de passeurs, faisant du trafic d'êtres humains et organisant des filières de migration. Emmanuel Macron rencontrera samedi midi le président Mahamadou Issoufou. Il sera notamment question de la G5 Sahel, cette force d'intervention anti-djihadistes réunissant le Mali, le Burkina Faso, le Tchad, le Niger et la Mauritanie, qu'Emmanuel Macron veut voir grandiret pour laquelle il cherche davantage de financements internationaux.
Un président qui multiplie les déplacements en Afrique
Sur un tout autre sujet, Emmanuel Macron évoquera également la question de la scolarisation des jeunes filles et soulignera l'action du président nigérien en la matière. Une aide devrait être accordée par la France.
Le voyage du chef de l'État au Niger intervient après plusieurs déplacements récents du président en Afrique: à Gao (Mali), Ouagadougou (Burkina Faso), Abidjan (Côte d'Ivoire) et en Algérie.
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Éric Zemmour : «Mais qui en veut au mâle blanc, occidental et hétérosexuel ?» (22.12.2017)

Par Eric Zemmour
Mis à jour le 22/12/2017 à 11h12 | Publié le 22/12/2017 à 07h00
CHRONIQUE - On pourrait accuser Internet de tous les maux, mais on refuserait de voir la stratégie délibérée des groupuscules féministes, gays, antiracistes qui sont tous alliés contre leur ennemi commun : le mâle blanc hétérosexuel.
Avis aux éternels potaches. Aux rois de la blague de mauvais goût. Aux empereurs du jeu de mots débile. Ils sont sous surveillance. Leur vie est en danger. Leur destin peut basculer pour une parole de trop. C'est ce qui est arrivé au présentateur de l'émission de France 2 «Les Z'amours»: Tex. Depuis dix-sept ans, il avait eu souvent l'occasion de déployer son humour lourdingue, un peu niais, jamais subtil. Et puis, soudain, la vanne de trop. Qui frappe là où il ne faut pas: «Que dit-on à une femme qui a deux yeux au beurre noir? Rien. On lui a déjà dit.» À ces mots, les réseaux sociaux s'agitent. La secrétaire d'État à l'Égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, alerte le CSA. La délation d'État est à l'œuvre dans la foulée de «#balancetonporc». Tex finit par être renvoyé par la chaîne publique! On pourrait multiplier à loisir les anecdotes similaires qui attestent de cette ambiance de «chasse aux sorcières»: le footballeur Antoine Griezmann qui doit s'excuser parce qu'il s'est grimé en Noir pour imiter un joueur de basket américain. Ou une Miss France insultée et traitée de raciste parce qu'elle ose parler de la «crinière de lionne» d'une autre Miss France, venue de Guadeloupe.
«Au nom du droit des minorités et du respect des éternelles victimes - femmes, homosexuels, minorités « racisées » -, ces militants veulent effacer toute expression culturelle de l'Occident»
On pourrait considérer tous ces micro-événements avec dédain et mépris. On pourrait accuser internet de tous les maux. On passerait à côté de l'essentiel. On refuserait de voir en face une stratégie délibérée, longuement mûrie, et qui arrive à maturité aujourd'hui. Des groupuscules féministes, gays, antiracistes, chacun suivant ses objectifs propres, mais qui sont tous alliés contre leur ennemi commun: le mâle blanc hétérosexuel. Qui ont une inspiration philosophique commune venue de la fameuse «French Theory», théorie de la déconstruction passée par les campus américains depuis les années 1960 et transformée là-bas en «politiquement correct» médiatique et judiciaire.
Ils jouent aux faibles mais sont les vrais puissants. L'État est de leur côté. La machine judiciaire est à leur service. Les médias de gauche les soutiennent. Au nom du droit des minorités et du respect des éternelles victimes - femmes, homosexuels, minorités «racisées» -, ces militants veulent effacer toute expression culturelle de l'Occident. Leurs méthodes peuvent changer, leur objectif reste le même. Ils transforment les femmes savantes de Molière en un brûlot féministe. Ils accusent Michel Audiard d'avoir été collabo. Ils auraient censuré les chansons de Brassens ou de Brel (pour homophobie ou misogynie). Ils accusent la grammaire d'entretenir les inégalités entre hommes et femmes. Ils ne laissent rien passer, pas la moindre petite blague, pas la moindre expression. Ils ont fait leur une vulgate marxienne mâtinée de gramscisme: la culture est, pour eux, le reflet des rapports de force dans la société. La culture de l'homme blanc hétérosexuel, même dans son humour le plus anodin, est oppressive par essence ; elle doit donc être délégitimée, ostracisée, diabolisée. Pour être éradiquée. Avant d'être remplacée. «On ne détruit réellement que ce qu'on remplace», disait Danton.
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François d'Orcival : «Joyeuses fêtes contre joyeux Noël…» (22.12.2017)

Par François d'Orcival
Mis à jour le 22/12/2017 à 11h52 | Publié le 22/12/2017 à 10h04
Le christianisme perd du terrain ne serait-ce que sur le plan culturel, la supplantation du «joyeux Noël» au profit du «joyeuses fêtes» n'est que le sommet de l'iceberg.
Il y a depuis quelques années une «bataille de Noël» en Occident. Ceux qui défendent Noël, fête religieuse et familiale, sont en train de perdre du terrain face à ceux pour qui ce n'est plus qu'un moment de réjouissance aux racines coupées comme celles des sapins. Le «joyeux Noël» bat en retraite contre le «joyeuses fêtes». Donald Trump s'est mis de la partie en invitant les Américains à continuer à dire «joyeux Noël» ce qui accentue la tendance de ses adversaires à répéter «joyeuses fêtes».
L'institut d'études américain Pew Research Center vient de publier une enquête à ce sujet : en 2013, 59 % des Américains affirmaient qu'ils célébraient Noël comme une fête religieuse. Ce pourcentage a reculé de quatre points: ils ne sont plus que 55 %. De même, 54 % répondaient en 2013 qu'ils iraient à l'église pour Noël ; ils sont 51 %… Un glissement significatif pour un peuple réputé aussi religieux.
«94 % des Français étaient baptisés en 1960. Ils ne sont plus qu'un tiers aujourd'hui.»
Alain Besançon, historien
Une telle enquête serait pire en France où la sécularisation est telle que la présence de croix ou de crèches dans l'espace public est passible des tribunaux. Faut-il s'en étonner? Dans la livraison d'hiver de la revue Commentaire, le grand essayiste des problèmes religieux contemporains, Alain Besançon, rappelle ceci: «94 % des Français étaient baptisés en 1960. Ils ne sont plus qu'un tiers aujourd'hui. La messe dominicale est suivie par 3 % des catholiques.» Cette hémorragie, l'Eglise a cherché à l'arrêter ; mais, en se coulant dans les dérives du temps, ne l'a-t-elle pas encouragée? En négligeant leurs rites, en délaissant le sacré, les catholiques n'ont-ils pas perdu leur identité?
Le chercheur Hakim el-Karoui, qui publie en janvier une étude sur l'islam en France chez Gallimard, révèle que nous avons désormais plus de musulmans pratiquants (2 à 3 millions) que de catholiques pratiquants (1,6 million) - dans un pays de racines chrétiennes! Or dans la bataille idéologique qui se livre au sein de l'islam, le salafisme l'emporte en s'étant emparé du terrain de l'identité (fréquentation des mosquées, port du voile, alimentation halal).
Et puis, il y a la démographie! Le même institut de recherches américain cité plus haut nous promet que nous allons passer, d'une moyenne de 4,9 % de musulmans au sein de la population européenne, chiffre actuel, à 7,4 % en une génération - et sans immigration massive. Joyeux Noël!
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Ivan Rioufol : «La France liée par le politiquement correct» (21.12.2017)

Par Ivan Rioufol
Publié le 21/12/2017 à 17h16
CHRONIQUE - L'élection d'Emmanuel Macron a favorisé la tyrannie des minorités qui exigent la culpabilité occidentale.
Un vœu pour 2018? Que le ridicule terrasse enfin les «antiracistes»: ils rendent imbuvables les minorités décrétées intouchables. Ce week-end, le footballeur de l'équipe de France, Antoine Griezmann, a dû présenter ses excuses pour s'être grimé en basketteur noir des années 1980, portant une perruque afro ; il voulait honorer les Harlem Globetrotters. Une même polémique imbécile s'est abattue sur la nouvelle Miss France, Maëva Coucke, qui avait déclaré, défendant sa candidature: «Après une blonde, une brune, une Miss à la crinière de lionne, pourquoi pas une rousse». Avoir rappelé les cheveux crépus d'Alicia Aylies, à qui elle a succédé, a valu à l'élue rousse d'être accusée de racisme.
Le Monde de mardi a consacré aux «nouveaux militants de l'antiracisme» un article complaisant sur les stages racialisés interdits aux Blancs, sans y trouver à redire. La décision du gouvernement de revenir sur la nomination de la militante racialiste Rokhaya Diallo au Conseil national du numérique a suscité plus d'indignations que ses propos haineux dénonçant un «racisme d'État». Etc.
Ceux qui appliquent les droits de l'homme comme une religion se comportent en pyromanes : ni les individus ni les cultures ne sont interchangeables
L'emprise du politiquement correct ne cesse de s'étendre. Cette année, des militants noirs ont exigé de débaptiser des lieux portant le nom de Colbert, accusé d'avoir favorisé l'esclavage. Ces justiciers miment les activistes américains qui déboulonnent les statues du général sudiste Robert E. Lee et instruisent le procès de Christophe Colomb. Dans la foulée, le mâle blanc hétérosexuel est devenu, aux yeux des néoféministes, un prédateur sexuel en puissance.
Une semblable présomption de culpabilité pèse sur la société d'accueil, accusée de n'en faire jamais assez pour les «migrants». La dialectique antiraciste considère l'islam comme la religion des faibles et le musulman comme le damné de la terre. Dans une tribune collective publiée samedi par Le Monde, des maires (dont Martine Aubry et Alain Juppé) renoncent à différencier les réfugiés officiels des déboutés du droit d'asile qui veulent rester sur le territoire. Ils écrivent: «Accueillir dignement les nouveaux habitants relève de nos responsabilités à tous.» Et allons donc!
L'endoctrinement humanitariste, qui oblige à accueillir qui veut et à céder à qui exige au nom de la diversité sacralisée, est une menace pour la cohésion nationale et la paix civile. Ceux qui appliquent les droits de l'homme comme une religion se comportent en pyromanes: ni les individus ni les cultures ne sont interchangeables.
L'entreprise de décervelage des «élites» est telle que l'opposition des autochtones à l'immigration de peuplement est vue comme un indéfendable repliement
Jacques Toubon, le Défenseur des droits, promeut un angélisme sadique quand il déclare, mardi dans Le Parisien: «Il faut sortir de cette politique arc-boutée sur la maîtrise des flux migratoires», tout en admettant la «peur» des opinions européennes devant les arrivées d'étrangers. L'entreprise de décervelage des «élites» est telle que l'opposition des autochtones à l'immigration de peuplement est vue comme un indéfendable repliement.
Dimanche, le premier ministre, Édouard Philippe, a défini ce «réflexe populiste» comme étant «la flatterie des bas instincts». Les belles âmes sont odieuses: elles s'interdisent toute compassion pour les Français oubliés et s'offrent à leurs remplaçants.
Macron s'inscrit dans ce confort des bons sentiments, qui exigent la culpabilité occidentale. Son élection a signé la consolidation du politiquement correct, qui soutient la tyrannie des minorités. Candidat à la présidentielle, il n'avait eu de cesse de fustiger les «passions tristes» et les «esprits chagrins» qu'il disait voir chez les «forces du monde ancien» inquiètes de leur avenir dans leur pays ouvert à tous.
Le soutien de Macron à la désastreuse politique migratoire d'Angela Merkel, ajouté à ses éloges d'une société postnationale et ses attaques contre les «xénophobes» le placent dans le camp des immigrationnistes. Le thème de l'immigration, comme celui de l'islam, a d'ailleurs été absent de sa campagne, mais aussi du débat qui l'avait opposé à Marine Le Pen. Il n'en avait pas dit non plus un mot lors de son premier entretien télévisé en octobre. Dimanche, lors de sa conversation de salon avec Laurent Delahousse sur France 2, le sujet n'a pas davantage été évoqué. Le président s'est lié les mains.
● Macron face à l'immigration
L'émoi suscité cette semaine, dans la gauche socialiste et communiste, par les intentions prêtées au gouvernement de «durcir», à la rentrée, les conditions d'accueil des «migrants» et d'expulsion des déboutés de l'asile fait paraître Macron dans un rôle qu'il n'a pas préparé. «Je fais ce que j'ai dit», aime à répéter le président. S'il devait être pris au mot, l'impératif de la non-discrimination, pierre angulaire du politiquement correct, devrait le dissuader d'avoir à distinguer entre le réfugié politique et le réfugié économique.
Il est vrai que son ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, semble assumer ce tri auquel se refusent totalement les associations humanitaires. Lundi, néanmoins, Collomb a souhaité voir ces organismes rester partenaires des pouvoirs publics. Mardi, il a symboliquement accueilli lui-même 25 réfugiés. Mercredi, il a renoncé à renvoyer les déboutés dans les pays de transit, pourtant qualifiés de «pays tiers sûrs». Le même jour, le premier ministre assurait vouloir maintenir «l'inconditionnalité de l'accueil», tout en marquant une fermeté apparente.
La faiblesse de Macron est de n'avoir pas compris à quel point l'immigration était un sujet explosif pour l'opinion, en France comme dans le reste de l'Europe
La faiblesse de Macron est de n'avoir pas compris à quel point l'immigration était un sujet explosif pour l'opinion, en France comme dans le reste de l'Europe. En juillet, il déclarait encore vouloir loger tout le monde «dignement», en préalable à toute décision d'expulsion. «Je ne veux plus personne dans les rues à la fin de l'année». Engagement intenable bien sûr. D'autant que le message a été compris comme une invitation à venir davantage.
L'intérêt de la nation serait évidemment de voir Macron se faire violence, en reconnaissant la légèreté de ses analyses sur les enjeux sociétaux. La stratégie présidentielle du «en même temps» est inapplicable quand il s'agit prioritairement de dissuader les malheureux de rejoindre le mirage européen. Macron saura-t-il se libérer de la mauvaise conscience instillée depuis des décennies par les fossoyeurs du peuple français? Les prochains mois le diront. Mais il semble peu probable que le président puisse déstabiliser la droite, qui se revendique décomplexée et libérée des pensées toutes faites.
● Censure du rire
Dernière victime des censeurs: le comique Tex, viré de France 2 pour une mauvaise blague sur les femmes battues. Aujourd'hui, un Desproges, un Coluche, un Le Luron seraient au chômage. Le politiquement correct est une dictature.
Joyeux Noël et bonne année!
Prochain bloc-notes: le 12 janvier
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Éditorialiste au Figaro
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Gaël Brustier : «Ce n'est plus l'immigration qui sépare LR et le FN, mais l'économie» (22.12.2017)

Par Alexandre Devecchio
Publié le 22/12/2017 à 07h00
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Intellectuel engagé à gauche, l'auteur du Mai 68 conservateur est aussi l'un des meilleurs observateurs de la droite française. Il analyse pour Le Figaro Magazinela victoire de Laurent Wauquiez à la tête de LR. Pour Gaël Brustier, loin d'être anecdotique, celle-ci témoigne d'une profonde recomposition. Alors qu'Emmanuel Macron incarne désormais le centre droit, il devient, selon lui, vital pour Les Républicains de chercher à favoriser la porosité avec l'électorat FN.
Gaël Brustier a navigué de la rive droite à la rive gauche. Militant séguiniste au Rassemblement pour la République (RPR) à l'âge de 17 ans, puis chevènementiste, il participe activement à la campagne de l'ancien ministre de l'Intérieur en 2002. Militant du Parti socialiste de 2006 à 2013, il sera notamment l'un des principaux conseillers d'Arnaud Montebourg lors de la primaire de 2012. Mais, en bon intellectuel gramsciste, ce transfuge a su rester un observateur impartial de ceux qui sont désormais ses adversaires idéologiques.
Dans Voyage au bout de la droite (Fayard) et Le Mai 68 conservateur (Les Editions du Cerf), il avait su décrypter la droitisation de la société française et l'émergence d'un nouveau conservatisme. De longue date, Brustier avait également prédit la victoire de Wauquiez à droite comme aboutissement logique de cette recomposition. A l'occasion de la parution de son dernier livre, Le Désordre idéologique, vaste panorama du champ de bataille politique contemporain, le politologue dresse un état des lieux de la droite française pour Le Figaro Magazine.
Dans votre dernier livre, Le Désordre idéologique, paru à la rentrée, vous consacrez un chapitre à Laurent Wauquiez intitulé: «Et à la fin, c'est Wauquiez qui gagne». Au-delà des circonstances conjoncturelles, le renouvellement générationnel après le triple échec de Sarkozy, Juppé, Fillon et la victoire de Macron, sa victoire s'inscrit-elle dans le temps?
L'électorat UMP-LR s'est durci parallèlement à celui du FN sous le quinquennat Hollande
Laurent Wauquiez s'est astucieusement adapté à l'évolution de la droite. L'électorat UMP-LR s'est durci parallèlement à celui du FN sous le quinquennat Hollande. Cela s'explique par le vide idéologique engendré par la fondation de l'UMP en 2002. Rappelons que la droite post-1958 a reposé sur l'alliance de l'UNR gaulliste et des Indépendants. Depuis 1945 et jusqu'à récemment, peu de monde se disait «de droite». Environ 20 % des Français des années 1970 s'identifiaient ainsi à «la droite» et constituèrent la première cible électorale du Front national, avant qu'il n'adopte le thème central pour lui de l'immigration. L'Histoire et la mémoire, dont les mythes gaulliens furent des éléments centraux, ont servi à délimiter ce qui était acceptable et ce qui ne l'était pas. Quand, en 1998, Charles Millon conclut un accord avec le FN pour diriger la Région Rhône-Alpes, les appareils nationaux le condamnèrent. Pour se légitimer, il invoqua alors cette identité oubliée: «la droite». Cette droite qui selon Millon n'avait «pas gouverné depuis 1945». Le signifiant «droite» se substitua aux signifiants «gaulliste», «démocrate-chrétien», etc. Le mot étant de retour, la droite l'était également.
La victoire de Wauquiez est-elle le symptôme d'une profonde recomposition de cette droite?
C'est une conséquence de la crise de la droite française. Cette victoire s'inscrit en partie dans le travail idéologique précédant 2007 et l'élection de Nicolas Sarkozy. Ce dernier apporta, au mitan des années 2000, sa réponse à la véritable crise existentielle qui frappait la droite française, consécutivement à la fusion des familles politiques soutenant le président Chirac sous son impulsion. Les efforts du RPR pour accentuer une forme de mimétisme avec le centre droit et la droite classique de l'UDF ont contribué à la fusion des appareils et à priver le peuple de droite de repères.
Les adversaires de Laurent Wauquiez le diabolisent volontiers, l'accusant d'être le héraut d'une droite identitaire qui flirterait avec l'extrême droite. N'est-ce pas un peu simpliste? Comme définiriez-vous la droite Wauquiez en quelques mots?
Laurent Wauquiez a un impératif pour diriger LR : suivre sa base militante
Laurent Wauquiez a un impératif pour diriger LR: suivre sa base militante. C'était la condition de son élection. Ajoutons aussi que suivre son électorat est une nécessité pour LR. D'une certaine manière depuis la prise du parti par Nicolas Sarkozy, le processus se poursuit, l'UMP-LR se droitise. Compte tenu de l'ampleur prise par le FN dans les urnes, il devient vital pour Les Républicains de chercher à favoriser la porosité avec l'électorat FN et d'être le plus attractif possible. Rappelons que ces deux électorats, comme l'ont montré les enquêtes d'opinion, se sont retrouvés dans l'opposition radicale à François Hollande au cours du dernier quinquennat. Wauquiez incarne «la droite d'après». C'en est fini des références gaullistes. Les alliances entre cette «droite d'après» et le FN ne sont désormais qu'une question de temps. Elles n'auront peut-être pas lieu au niveau des appareils mais elles se feront dans les urnes. Il y a un sens politique à tout cela. Il s'agit de vision du monde, de projet pour la France, de déterminer ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Le songe de Patrick Buisson sur le «bloc patriote» ne consistait pas à l'origine, dans sa tête, j'imagine, à faire danser un slow langoureux au général Salan et Michel Debré, il vise à changer l'ADN de la droite et à la propulser au pouvoir.
Xavier Bertrand, ancien RPR anti-Maastricht, reproche à Laurent Wauquiez, ex-centriste fédéraliste, ses accents eurosceptiques. On a le sentiment que les postures idéologiques servent à masquer le choc des ambitions dans un univers de communication où la vraie politique a disparu…
Les responsables politiques s'inscrivent de moins en moins dans des filiations historiques, dans des logiques de mémoire collective et contribuent ainsi à priver le débat public de repères historiques et culturels fondamentaux. Le RPR avait une «politique de la mémoire», le PS d'Epinay formait ses militants efficacement. Le «mouvement» gaulliste comme gardien d'une mémoire historique, c'est fini. Le parti des socialistes comme «intellectuel collectif», c'est oublié. Xavier Bertrand a sans doute des qualités mais on ne voit pas où il veut en venir. Ses positions anti-Wauquiez ne font pas un projet pour la France. Trop de cynisme finit par tuer le cynisme. Au contraire de l'Autriche, où le patronat a incité à l'alliance avec le FPÖ de Strache, le patronat français - Medef en tête - rejette le FN. Les amis de Strache se font les promoteurs du Mittelstand comme fleuron du monde germanique tandis que les lepénistes sont traités en parias par l'essentiel du patronat français. La droite est tiraillée entre le patronat et son électorat. Dur dilemme mais clé de tout ce débat.
Sur l'immigration, LR a un sérieux problème : vouloir mener la politique d'immigration du Medef tout en réservant aux immigrés une politique inspirée par le Front national
Depuis Voyage au bout de la droite, paru en 2011, vous prédisez une forme de fusion des droites. Celle-ci passe-t-elle nécessairement par des accords d'appareils?
La vision du monde dominante dans nos sociétés a muté. Non que l'on soit plus raciste qu'en 1960 ou plus acquis à l'autoritarisme qu'en 1934, mais l'idéologie actuelle articule différents éléments qui définissent un horizon à la fois identitaire et autoritaire. Ce qui sépare désormais LR et le FN, ce n'est plus l'Histoire, ce n'est même plus la question de l'immigration c'est l'économie. Le départ de Florian Philippot, c'est la possibilité pour le FN d'infléchir ses positions sur l'économie et l'euro, conditions d'accords éventuels avec la droite. Sur l'immigration, LR a un sérieux problème: vouloir mener la politique d'immigration du Medef tout en réservant aux immigrés une politique inspirée par le Front national.
Le FN, en crise, peut-il être marginalisé par la droite Wauquiez?
Marine Le Pen est, du fait de sa piètre prestation lors du débat avec Emmanuel Macron, disqualifiée comme gouvernante potentielle. Comme 2007 l'a prouvé, une partie de l'électorat FN veut que ses idées arrivent au pouvoir. C'est là où il y a un vrai danger pour le FN: voir de nouveau ses électeurs les plus droitiers choisir l'efficacité. Wauquiez va donc jouer la crédibilité et continuer de faire des gestes en direction de cet électorat.
L'évolution de la droite française est-elle comparable à l'évolution des droites européennes, notamment en Europe centrale?
Les pays d'Europe centrale et orientale suivent une trajectoire propre qui est la conséquence de leur passé sous le joug soviétique. En revanche, ce qui vient de se passer en Autriche est significatif: les conservateurs de l'ÖVP ont accepté de remettre plusieurs ministères régaliens à l'extrême droite après avoir considérablement durci leur discours.
Le clivage gauche/droite n'est pas mort mais il en est d'autres qui ont pris de l'importance. Il existe des clivages territoriaux entre les métropoles et les périphéries
Le programme de Trump, notamment par sa dimension protectionniste, est-il également précurseur de ce qui peut se passer en France?
Trump a gagné grâce au nationalisme économique. Pat Buchanan, voici vingt ou vingt-cinq ans avait jeté les bases de ce projet à valeur de stratégie électorale. Bannon l'a repris et la campagne Trump, très habilement conçue, a ciblé des Américains frappés par la désindustrialisation et les effets de la crise. Une campagne ciblant via internet des populations choisies car elle permettait à des Etats clés de basculer fit le reste. Sans la crise et la désindustrialisation, rien n'aurait été possible.
Pour reprendre le titre de votre dernier livre, la mutation de la droite s'inscrit dans un «désordre idéologique» beaucoup plus large. Alors que le Parti socialiste est sur le point de disparaître, doit-on encore parler de clivage droite/gauche?
Le clivage gauche/droite n'est pas mort mais il en est d'autres qui ont pris de l'importance. Il existe des clivages territoriaux entre les métropoles et les périphéries. Ces dernières ne perçoivent pas de la même façon leur destin et font un bilan contrasté des conséquences des quarante dernières années. Il existe des clivages sur le rapport à la mondialisation, la globalisation, l'intégration européenne. Il faut y être attentif. «Gauche» et «droite» sont, comme le dit Iñigo Errejón, théoricien et fondateur de Podemos en Espagne, deux métaphores qui ne sont plus investies des mêmes attentes qu'auparavant. C'est une conséquence directe du «social-libéralisme» en ce qui concerne le PS. Si le PS est sur le point de disparaître, c'est parce qu'il n'a jamais fait la critique de la réalité libérale de l'Europe et s'en est toujours remis à une représentation idéalisée de l'intégration européenne. Si l'on peut reprendre ce vieux concept marxiste, «l'Europe démocratique», «l'Europe sociale», «l'Europe fédérale» ont été la fausse conscience du PS. Au fond, comme le disait si bien Didier Motchane, «le socialisme d'aujourd'hui n'est que le manuel d'exercice d'un enterré vif». La question pour la gauche est de bâtir un projet, une stratégie dont les possibilités
réelles soient pensées. Elle doit aussi repenser la République, penser un néorépublicanisme, dont Philip Pettit est le principal penseur, et s'adresser par le concret à tous les Français, au-delà de «la gauche».
Macron, qui se veut «de gauche et de droite en même temps», est-il une réponse durable à ce «désordre»?
Le système partisan de la Ve République a été liquidé
Macron entend incarner à lui tout seul le champ politique français. Et de gauche et de droite, et rocardien et chevènementiste, et gaullien et atlantiste… Il y a évidemment une dimension de dépolitisation dans ce positionnement du Président, mais elle correspond à l'essence de la Ve République. Elle se heurte néanmoins à un approfondissement des inégalités, ne résout pas la crise de légitimité rampante de notre régime politique. Le système partisan de la Ve Républiquea été liquidé. Des directeurs d'administration sont auditionnés personnellement par le Président. Le chef de l'Etat dit aux Français: «Je suis ceci et en même temps cela.»Il y a, pour le citoyen, un côté reposant à voir s'atténuer les chicaneries politiciennes. Il ne faut pas sous-estimer cela. Macron, c'est la dernière carte d'une Ve République dont le peuple a décroché mais il peut faire durer la crise assez longtemps.
Se prépare-t-on finalement à un nouveau clivage entre deux droites: une droite libérale et européenne incarnée par Macron et une droite conservatrice et «eurosceptique» incarnée par Wauquiez?
On assiste peut-être à l'émergence de deux blocs politiques dominants, un centriste et un à droite, deux droites en fait, fonctionnant en duopole. Le macronisme est-il centriste ou central? C'est une question importante car si les groupes sociaux pro-Macron en agglomèrent d'autres, le macronisme durera. L'Histoire n'est jamais écrite cependant. A gauche d'Emmanuel Macron subsiste un bloc électoral constitué d'électorats de Jean-Luc Mélenchon et de Benoît Hamon. Pour l'heure, Emmanuel Macron incarne ce que Philippe Burrin appelle «l'idéologie du rassemblement national», c'est-à-dire cette idée que la communauté nationale doit dépasser clivages et antagonismes, et définir un intérêt général dépassant les intérêts de chacun. Cependant, dans un contexte de crise, rien, vraiment rien, n'est ni écrit ni inéluctable. Chacun, à sa manière, est en fait acteur.
La rédaction vous conseille :
Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Lydia Guirous, emblème de l'équipe constituée par Wauquiez (22.12.2017)

Par Judith Waintraub
Publié le 22/12/2017 à 09h00
Nommée porte-parole par Nicolas Sarkozy en 2015 puis débarquée en 2016, elle revient pour faire de la laïcité un cheval de bataille des Républicains.
L'auteur de Ça n'a rien à voir avec l'islam? * attendait son premier enfant quand Laurent Wauquiez lui a proposé de devenir porte-parole au sein de l'équipe qu'il constituerait… dès que Les Républicains l'auraient élu à leur tête. C'était trois semaines avant le premier et unique tour du scrutin, le 10 décembre, qui a abouti comme prévu au sacre du président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. «Je lui avais dit que je voulais travailler avec lui, précise Lydia Guirous qui, entre-temps, a accouché d'une fille. Je trouve ridicule sa diabolisation en figure de proue d'une droite “identitaire”. La seule chose qu'il m'a demandée, c'est de ne pas perdre mes convictions. Je combattrai la vision multiculturaliste d'Emmanuel Macron.»
«Face aux ambiguïtés de l'exécutif sur le communautarisme, il faut que Les Républicains, eux, aient un discours clair, explique en écho le nouveau chef de la droite. Lydia Guirous l'incarne. Malgré toutes les menaces dont elle est victime, elle ne lâche rien et combat pied à pied l'islam intégriste. C'est une femme de courage et je veux que mon équipe ait du courage.»
«L'identité heureuse»
Les 13 premiers nommés à la direction de LR sont réputés pour ne pas mettre leur drapeau dans leur poche. C'est notamment le cas des deux autres porte-parole, Gilles Platret et Laurence Sailliet. Le premier s'est fait connaître en 2015 en supprimant les menus de substitution dans les cantines de Chalon-sur-Saône, la ville dont il est maire - décision annulée depuis par la justice. La seconde a beau être proche de Xavier Bertrand, elle considère que «faire de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme une priorité, ce n'est pas encourager le discours de l'extrême droite, c'est le devoir de la droite républicaine». Laurence Sailliet se serait présentée contre Laurent Wauquiez si elle avait obtenu les parrainages, mais elle ne voit aucune incompatibilité entre eux.
Virginie Calmels, numéro deux du parti, a regretté qu'Alain Juppé, qu'elle avait soutenu, se soit «laissé enfermer» dans la ligne de «l'identité heureuse». C'est à peu près son seul point d'accord avec Guillaume Peltier, deuxième vice-président, aussi étatiste qu'elle est libérale. La promotion de l'ancien cofondateur de La Droite forte concentre les critiques. Valérie Pécresse, en particulier, lui a reproché dansLe Journal du dimanche de tenir un discours économique «dont les intonations se rapprochent de celui de Jean-Luc Mélenchon». «Si l'équipe Wauquiez ne s'entend que sur le régalien, dans quelle surenchère va-t-elle se laisser entraîner quand le projet de loi sur l'immigration, qui s'annonce très ferme, sera publié?» interroge un proche de la présidente de l'Ile-de-France.
* Plon, 200 p., 17 €.
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Un Noël sous haute tension à Jérusalem (22.12.2017)
Par Cyrille Louis
Mis à jour le 22/12/2017 à 15h09 | Publié le 22/12/2017 à 08h00
REPORTAGE - Conquise plus de quarante fois et rasée à deux reprises, Jérusalem compte son histoire en millénaires. Mais après le coup de tonnerre diplomatique de Donald Trump qui l'a reconnue comme la capitale d'Israël, la cité trois fois sainte retient son souffle. Tout peut s'enflammer en un instant.
De notre correspondant à Jérusalem
Ont-ils seulement saisi ce que la situation avait d'incongru? Vendredi 15 décembre, alors qu'un rassemblement houleux enflait au pied de l'Hospice autrichien et que grondaient les slogans à la gloire de Jérusalem, un couple de touristes européens cherchait à se frayer un chemin avec une seule préoccupation. «Savez-vous comment on peut accéder au toit?», interrogeaient-ils, un peu perdus, tandis que les policiers antiémeutes ajustaient la visière de leurs casques et commençaient à repousser les manifestants.
En queue du cortège, sortis quelques minutes plus tôt de la mosquée al-Aqsa, avançaient maintenant les activistes les plus déterminés. «Jérusalem est arabe», scandaient-ils en réaction à la reconnaissance, par Donald Trump, de la souveraineté israélienne sur la ville. La rue al-Wad, ce boyau encaissé qui descend de la porte de Damas et longe l'Esplanade des mosquées avant de déboucher sur le parvis du mur des Lamentations, semblait n'attendre qu'une étincelle.
Les forces de l'ordre, c'était inévitable, allaient se ruer sur les drapeaux palestiniens brandis par la foule. Fébriles, les gamins du quartier guettaient l'orage. Quant aux tourtereaux plantés devant la porte de bois sombre qui conduit à l'ancien hôpital reconverti en hôtel pour pèlerins, ils croisaient les doigts pour qu'on leur ouvre enfin. «Il paraît que la terrasse située tout en haut offre une vue à couper le souffle sur la vieille ville!»
Dans les rues, une ambiance irréelle et déroutante

Un vieux Palestinien pose la main sur le bras d'une policière israélienne pendant les manifestations dans la vieille ville. - Crédits photo : AHMAD GHARABLI/AFP
Deux semaines après le coup de tonnerre diplomatique en provenance de Washington, une atmosphère irréelle et déroutante flotte ainsi dans les rues de Jérusalem. L'intifada annoncée par les islamistes du Hamas n'a pas éclaté et le flot des touristes comme des pèlerins, bien que réduit, ne s'est pas tari. Mais il serait sans doute imprudent de considérer que cette décision est passée comme une lettre à la poste.
«Il ne pourra pas y avoir de paix tant que les Israéliens considéreront Jérusalem comme leur capitale», prévient le cheikh Ekrima Sabri. A la tête du Conseil islamique suprême, ce religieux compta en juillet dernier parmi les porte-voix influents de la révolte palestinienne contre les portiques de sécurité installés autour de la mosquée al-Aqsa après le meurtre de deux policiers druzes. «C'est un peu plus difficile de mobiliser aujourd'hui car nous n'avons aucun objectif concret à désigner, reconnaît-il, mais je peux vous garantir que nous ne nous laisserons pas faire.»
Chaque jour ou presque, de petits rassemblements se forment devant la porte de Damas pour dénoncer la «trahison» américaine et l'«abandon» de la cause palestinienne par les régimes arabes. Lorsqu'ils prospèrent un peu trop, rejoints par une jeunesse désœuvrée, la police s'empresse de les disperser. «L'important, sourit Boudour Hassan, une jeune activiste habituée de ces sit-in, c'est que notre refus infuse peu à peu au sein de la société. Pour le reste, nous n'avons pas peur d'attendre…»

Des juifs en prière face au mur des Lamentations. - Crédits photo : GALI TIBBON
Cette patience, aujourd'hui revendiquée par les Palestiniens, est l'une des constantes de la bataille millénaire pour Jérusalem. Le peuple juif, qui en fut chassé en l'an 70 après la destruction du Temple par les légions de Titus, n'a-t-il pas caressé durant près de deux mille ans le rêve d'y revenir? Ces prières furent en partie exaucées lorsque, en 1948, le tout jeune Etat d'Israël s'empara de sa partie occidentale et y proclama sa capitale. Mais la victoire s'accompagna d'un revers douloureux.
La vieille ville, où s'élèvent le mont du Temple et son mur occidental, avait simultanément été occupée par le royaume de Jordanie. Durant dix-neuf ans, les Israéliens en furent réduits à scruter de loin les lieux de leur antique splendeur - jusqu'à ce que la guerre de juin 1967 leur donne l'occasion de conquérir Jérusalem-Est. Pas à pas, ils se sont depuis lors appliqués à y verrouiller leur contrôle malgré les condamnations réitérées d'une occupation que la communauté internationale juge illégale. De vastes quartiers de colonisation, où résident aujourd'hui plus de 200.000 Israéliens, y ont été édifiés tandis que les Palestiniens prennent à leur tour leur mal en patience. «De même que les croisés sont venus et ont fini par repartir, entend-on communément dans les rues de la vieille ville, les Israéliens ne seront pas toujours les plus forts.»

Des Palestiniens musulmans lancent des slogans hostiles à Donald Trump en brandissant des drapeaux de la Palestine devant la mosquée du Dôme du Rocher, lieu saint de l'islam. - Crédits photo : AHMAD GHARABLI/AFP
Conquise plus de quarante fois et rasée à deux reprises, Jérusalem compte son histoire en millénaires et refuse depuis toujours de se laisser prendre dans les filets d'un peuple ou d'une religion. La cité du roi David, où son fils Salomon fit bâtir le premier temple au Xe siècle avant notre ère, fut édifiée sur un antique site cananéen.
Assiégée trois siècles plus tard par les Assyriens, elle fut détruite en -586 par Nabuchodonosor, qui envoya les Juifs en exil à Babylone. Libérés par l'empereur perse Cyrus le Grand, ils regagnèrent Jérusalem et y reconstruisirent le Temple. Celui-ci fut agrandi et embelli à plusieurs reprises - avant que les travaux du roi Hérode n'en fassent, au Ier siècle, l'un des joyaux de son temps. Mais les tensions internes à la société juive, ainsi que le rejet de la tutelle imposée par les Romains, attisèrent en l'an 67 une révolte qui déboucha sur une guerre sanglante et se conclut par le saccage de Jérusalem.
Les Juifs furent chassés et l'empereur Hadrien édifia, en 135, une ville nouvelle sur les décombres de la cité biblique. Parmi les rares indigènes qui parvinrent à y maintenir une présence discrète, se perpétuèrent de premières communautés chrétiennes. Un graffiti datant du IIe siècle, qui représente un bateau accompagné d'une référence au psaume 122, témoigne de leur résilience. Mais il fallut attendre la conversion de Constantin, en l'an 312, pour que la pratique de leur culte soit autorisée. La basilique du Saint-Sépulcre fut édifiée peu après sous le patronage de l'impératrice Hélène, sur les sites supposés du Calvaire, du Tombeau et de la Résurrection du Christ.
Une bataille millénaire où l'on se dispute la ville
En 638, la conquête de la ville par le calife Omar sonna le glas de la domination byzantine et y introduisit une nouvelle religion monothéiste. Invité à prier dans l'enceinte du Saint-Sépulcre pour marquer son pouvoir, le successeur du prophète Mahomet refusa, par crainte que ses disciples n'en tirent prétexte pour y bâtir un lieu de culte musulman. Au lieu de cela, il demanda à se rendre sur l'Esplanade où s'élevait autrefois le Temple juif et y fit construire la mosquée al-Aqsa. Troisième lieu saint de l'islam après La Mecque et Médine, l'édifice commémore le voyage nocturne que le prophète, selon la tradition, entreprit à travers les cieux sur le dos d'une jument ailée.
Un demi-siècle plus tard, Abd el-Malik fit édifier le Dôme qui symbolise, pour beaucoup, Jérusalem, autour du rocher où la tradition affirme qu'Abraham s'apprêta à sacrifier son fils Isaac. L'édifice, conçu pour surplomber la coupole du Saint-Sépulcre, devait exprimer la supériorité de l'islam sur le christianisme. C'est l'époque où une géographie partagée des lieux saints, qui ne tarde pas à se doubler d'une compétition entre les trois grands monothéismes, se met en place à Jérusalem. Elle débouche en 1009 sur le saccage du Saint-Sépulcre par le calife Hakim, puis sur la multiplication des attaques contre les pèlerins chrétiens - si bien que le pape Urbain II appellera, en 1095, à une croisade pour «libérer» les lieux saints.

La vieille ville, qui s'étend sur un kilomètre carré et abrite aujourd'hui près de 40.000 habitants, porte essentiellement l'empreinte des époques postérieures. Malgré leur délabrement, des dizaines de madrasas aux façades bicolores, de palais ornés d'encorbellement en stalactites et de souks aux larges arcades illustrent la passion qu'inspira aux mamelouks cette cité que l'on appelle, en arabe, Al-Quds («la Sainte»). Le mur d'enceinte, qui marque la séparation d'avec la ville nouvelle édifiée à partir de la fin du XIXe siècle, date pour sa part de Soliman le Magnifique.
L'espace enclos dans ce périmètre, artificiellement divisé en quatre quartiers (musulman, chrétien, juif et arménien), constitue le cœur du conflit israélo-palestinien. Mais il est aussi un lieu de vie où cohabitent, dans une ambiance singulière et des conditions matérielles souvent précaires, mille communautés dont l'identité ne se résume pas à leur appartenance religieuse ou politique.
On y trouve des musulmans venus d'Afrique de l'Est ou du Maghreb, des gitans originaires d'Asie, des descendants de grandes familles palestiniennes, des juifs religieux originaires d'Europe de l'Est ou d'Afrique du Nord, des chrétiens grecs, syriaque, coptes ou éthiopiens et encore des familles venues de Hébron ou de Naplouse pour fuir la misère. «Maintenant qu'Alep, Damas, Alexandrie ou Istanbul se sont tour à tour vidées d'une grande partie de leurs communautés étrangères, Jérusalem demeure la dernière ville cosmopolite dans un Proche-Orient saigné par les crises», constate l'historien George Hintlian, qui redoute de voir ce fragile équilibre vaciller sous les affirmations de la souveraineté israélienne.

En 1967, vainqueurs de la guerre des Six-Jours, Moshe Dayan, ministre de la Défense, avec Yitzhak Rabin, chef d'état-major, entrent dans Jérusalem-Est. - Crédits photo : Fondation Gilles CARON/GAMMA-RAPHO
Confrontée à la montée concurrente des nationalismes juif et arabe, l'assemblée générale de l'ONU vota en novembre 1947 un plan de partage qui prévoyait la création de deux Etats contigus ainsi que la mise en place d'un régime d'administration internationale à Jérusalem. L'objectif était d'éviter que les revendications conflictuelles sur la ville et ses lieux saints ne perpétuent le conflit ad vitam aeternam.
Mais le refus arabe d'accepter la création d'un Etat juif coupa court à ces réflexions. Depuis ses victoires successives de 1948-1949 et 1967, Israël considère Jérusalem, dont les limites administratives ont au passage été notablement étendues, comme sa «capitale éternelle et indivisible». Au début des années 2000, des négociations furent bien engagées par Ehoud Barak et Yasser Arafat en vue d'y créer la capitale d'un futur Etat palestinien.
Mais la sensibilité du sujet, de part et d'autre, ainsi que la persistance des violences sur le terrain, firent capoter ces efforts. Le statut de la sainte Esplanade qui surplombe la ville, appelée Haram al-Charif (Noble sanctuaire) par les musulmans et Har HaBayit (mont du Temple) par les juifs, constitue aujourd'hui encore le nœud indémêlable du conflit. Et la montée en puissance, récente, d'un courant minoritaire du sionisme religieux qui exprime le souhait de prier sur l'Esplanade - voire d'y reconstruire le Temple -, ne contribue pas à apaiser les esprits.
Jérusalem, témoignent certaines voix issues de la gauche israélienne, a rarement paru si divisée
Nir Barkat, l'ancien patron de start-up qui dirige aujourd'hui la mairie de Jérusalem, refuse toutefois de se laisser abattre. «Si vous regardez les choses avec honnêteté, expliquait-il au printemps dernier, force est de reconnaître que notre ville connaît un développement spectaculaire et que la minorité arabe jouit d'un sort infiniment plus enviable que les habitants d'autres capitales de la région.»
Au quotidien, quelque 865.000 habitants (dont 316.000 Palestiniens) y évoluent dans une atmosphère empreinte de religiosité, pesante et souvent électrique, qui exaspère ou fascine. Dans les artères embouteillées de la ville nouvelle, il suffit de tarder un instant quand le feu passe au vert pour déclencher un assourdissant concert de klaxon. A Mahane Yehuda, le marché couvert aux allées saturées d'odeurs et de couleurs, les chalands s'apostrophent en hébreu, en arabe et dans mille autres langues dans une joyeuse pagaille.
Au cœur de la vieille ville, enfin, les cheikhs musulmans, les juifs ultraorthodoxes et les touristes se croisent sans se regarder. Car Jérusalem, témoignent certaines voix issues de la gauche israélienne, a rarement paru si divisée depuis qu'Israël a annoncé sa «réunification» il y a cinquante ans tout juste. L'immense majorité des Palestiniens n'y ont pas le droit de vote aux élections nationales israéliennes et éprouvent les plus grandes peinesJérusalem, témoignent certaines voix issues de la gauche israélienne, a rarement paru si divisée à y obtenir un permis de construire. Les accès de violence y sont récurrents. L'avocat israélien Daniel Seidemann, grand amoureux de la ville et directeur de l'ONG Jérusalem terrestre, résume avec tristesse: «Bien que je connaisse Jérusalem-Est comme ma poche et que j'y compte de nombreux amis palestiniens, je considère désormais qu'il n'est pas prudent de m'y aventurer seul.»
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De Bethléem à Jérusalem, dans le berceau du christianisme (21.12.2017)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 22/12/2017 à 08h00 | Publié le 21/12/2017 à 20h20
RÉCIT - Le parcours de Jésus peut être retracé depuis la basilique de la Nativité à Bethléem jusqu'au Saint-Sépulcre, au cœur de la vieille ville de Jérusalem. Des lieux saints où s'exprime toute la ferveur des croyants.
Il n'est pas lieu sur terre qui réunisse trois sanctuaires religieux incandescents d'aussi près. Ainsi de la vieille ville de Jérusalem. Le mur des Lamentations ne jouxte-t-il pas l'Esplanade des mosquées à un demi-kilomètre seulement du Saint-Sépulcre? Les arcanes millénaires de cette cité matrice de l'humanité semblent imbibés des mystères de foi juive, chrétienne et musulmane. Non comme des vestiges archéologiques inanimés, mais à la manière tellurique, en sanctuaires vibrants, brûlants, surchauffés. Comme si les fondations de cette ville sainte, une tête d'épingle sur la carte du monde, étaient métaphysiques. Comme si le ciel y avait donné rendez-vous à la terre.

Le cœur du cœur du christianisme repose dans un tombeau vide, celui du Christ à Jérusalem. L'ample basilique du Saint-Sépulcre abrite une minuscule chapelle, l'édicule, sépulture du Christ selon la tradition. - Crédits photo : GALI TIBBON/AFP
Tout se résume donc ici, l'espace, le temps, les cultures, les religions mais avec une spécificité chrétienne profonde. Cette différence fit tourner les talons à beaucoup de disciples du Christ qui avaient pourtant, de son vivant, expérimenté des miracles: l'idée impensable qu'un homme de chair et d'os - se prétendant «fils de Dieu» - meure comme un supplicié sur une croix. Et ressuscite d'entre les morts…
Cet impensable anime pourtant la foi de 2 milliards 420 millions de chrétiens dans le monde. Quelques millions d'entre eux se pressent chaque année dans la basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Depuis le IVe siècle, elle abrite à la fois le lieu du calvaire mais aussi celui du tombeau.
On y entre par une vieille porte dont la clé est confiée depuis des siècles à deux familles musulmanes, les Nuseibeh et les Judeh. La vieille serrure est actionnée à 4 heures du matin. A droite, des escaliers étroits donnent accès à une chapelle supérieure. Son autel repose sur ce qui resterait du lieu même du calvaire, une tradition peu remise en cause.
Ce monticule est couvert de marbre sauf en son sommet. On y contemple la roche blonde mais il ne faut pas traîner. Le flux des pèlerins est tel que l'on vous bouscule. Les confessions chrétiennes se disputent - parfois violemment - l'espace et le temps. Messes et offices, selon les différents rituels chrétiens, sont strictement minutés par tranche de demi-heure. Pas une minute de plus!
C'est toute la grandeur et la petitesse humaine de ce sanctuaire chrétien multiconfessionnel. Et la déception pour beaucoup venus se recueillir là où le Christ aurait poussé son dernier souffle. L'ambiance de prière y est intense. Tous cherchent l'Esprit Saint. Mais l'atmosphère est oppressante. Il faut parfois se frayer avec fermeté une voie dans la foule. On respire mal, encens, cire brûlée et… sueurs s'entremêlent.
«L'incarnation» - cette différence chrétienne comparée aux autres religions - va encore se préciser une fois redescendu de cette chapelle monticule. Il faut poursuivre dans le même édifice, à 40 mètres de là, vers «l'édicule». C'est une mini-chapelle fermée avec son petit dôme, véritable petite église dans une grande église. Elle est sise au centre de l'immense rotonde bâtie par l'empereur Constantin pour protéger l'un des joyaux du christianisme, le tombeau vide du Christ.

A Jérusalem, la foi chrétienne visite des lieux historiquement habités par le Christ et parfois les pierres parlent aux âmes en prière. - Crédits photo : GALI TIBBON
Là aussi, les divergences archéologiques sont mineures quant à l'authenticité du lieu. La restauration récente a même confirmé qu'il se situe bel et bien dans un ancien cimetière juif. Il faut prendre son mal en patience pour y entrer. S'enrouler dans une interminable queue où la langue la plus entendue est le russe car ce lieu, plus que chez les catholiques, est vénéré par les orthodoxes russes. On pénètre finalement sous une voûte de marbre. Vient un étroit goulet qui donne accès au saint des saints, le lieu du tombeau du Christ selon la tradition. Seules trois personnes peuvent s'y tenir. Il est couvert de marbre mais il est évocateur pour le croyant comme pour le non-croyant. Ce serait donc là, protégé par cette basilique du Saint-Sépulcre, que tout s'est terminé pour la vie terrestre du Christ.
Sauf que la tradition chrétienne maintient que le Christ est «ressuscité» des morts. Qu'il serait «monté aux cieux» et qu'il aurait envoyé «l'Esprit Saint» à ses disciples réunis au Cénacle le jour de la Pentecôte. Jour considéré comme le début de l'Eglise chrétienne. Notamment chez les protestants qui accordent une place majeure à l'inspiration du «Saint-Esprit», lien spirituel direct entre l'homme et Dieu.
Pour entrer dans ce Cénacle, il faut marcher vers le sud de la vieille ville de Jérusalem à travers le quartier arménien et sortir de l'ancienne enceinte par la porte de Sion. Un texte du IVe siècle assure qu'une église chrétienne fut édifiée là dès l'an 135 en mémoire de la Pentecôte. Rien ne permet de l'assurer avec certitude mais les franciscains ont restauré ce bâtiment en 1335. Il reproduit une «chambre haute» où les apôtres se cachaient, terrassés par la peur, avant l'effusion de l'Esprit Saint. Une pièce qui aurait aussi abrité la Cène avec l'instauration, par le Christ, de l'Eucharistie.
Benoît XVI y médita longuement en mai 2009. L'ambiance architecturale moyenâgeuse est très harmonique. Elle n'est pas de l'époque christique mais elle peut parler à l'âme du chercheur de Dieu. D'autant que, dans la pièce du rez-de-chaussée, les juifs revendiquent la tombe de David, qui fut un temps une mosquée! Jérusalem, décidément, et ses empilements mystiques. Les voies de Dieu sont vraiment impénétrables…
Bethléem, séparée mais vivante
Mais si tout s'est terminé pour le Christ dans cette ville tombeau et si l'Eglise chrétienne y a pris son envol sous toutes ses formes, il faut néanmoins quitter cette cité parfois enivrante pour aller où tout a commencé, à Bethléem. Toujours vers le sud. Se heurter puis passer «le mur de séparation» contre lequel le pape François avait posé sa tête en prière silencieuse, comme pour l'abattre, en mai 2014.
Entrer dans Bethléem, la séparée mais la vivante. La ville est construite autour de la place de la Mangeoire. On accède par un minuscule portillon à l'épaisse basilique de la Nativité, sans doute la plus ancienne église chrétienne du monde en activité. Descendre alors dans la crypte croulante de marbres de lumignons… Et trouver, à même le sol, une large étoile d'une désarmante simplicité. Là, serait né le Christ. Un soir de Noël, le premier d'une histoire extraordinaire.

Un prêtre célèbre la messe dans la crypte de la basilique de la Nativité à Bethléem. Au fond, près de la religieuse à genoux, une étoile au sol indique l'endroit où le Christ serait né. - Crédits photo : THOMAS GOISQUE/Le Figaro Magazine
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Jérusalem : l'ONU condamne à une large majorité la décision américaine (21.12.2017)

  • Mis à jour le 21/12/2017 à 18:50 

  • Publié le 21/12/2017 à 09:47
Les 193 pays composant l'Assemblée générale des Nations unies ont voté, ce jeudi, une résolution condamnant la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d'Israël.
L'Assemblée générale de l'ONU a voté jeudi pour la résolution condamnant la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d'Israël. Sur les 193 pays membres, 128 ont voté pour cette résolution et neuf contre, 35 pays décidant de s'abstenir.
Après cette décision, les Palestiniens se sont félicités du soutien international. «Cette décision réaffirme que la juste cause des Palestiniens bénéficie du soutien du droit international. Nous allons poursuivre nos efforts à l'ONU et dans d'autres forums internationaux pour mettre fin à l'occupation (israélienne) et créer un État palestinien avec comme capitale Jérusalem-Est», a affirmé le porte-parole du président Mahmoud Abbas.
«Les États-Unis se souviendront de cette journée qui les a vus cloués au pilori devant l'Assemblée générale pour le seul fait d'exercer notre droit de pays souverain»
Nikki Haley, ambassadrice américaine aux Nations unies
Ce vote intervient malgré les nouvelles menaces lancées par Washington ce jeudi. «Les États-Unis se souviendront de cette journée qui les a vus cloués au pilori devant l'Assemblée générale pour le seul fait d'exercer notre droit de pays souverain», a déclaré l'ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, avant le vote. «Nous nous en souviendrons quand on nous demandera encore une fois de verser la plus importante contribution» financière à l'ONU, a-t-elle lancé.
Avant le scrutin, le président américain Donald Trump avait menacé les pays qui iraient dans le sens de cette résolution. «Ils prennent des centaines de millions de dollars et même des milliards de dollars et, ensuite, ils votent contre nous», avait tempêté le président américain à la veille du vote. «Laissez-les voter contre nous, nous économiserons beaucoup, cela nous est égal.»
Les États-Unis avaient mis leur véto lundi lors du vote du Conseil de sécurité et l'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, avait considéré ce vote comme «une insulte que nous n'oublierons pas». Les 14 autres membres du Conseil, dont la France, la Chine ou encore le Royaume-Uni, avaient voté en faveur de cette résolution.
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Depuis Alep, comment Bachar el-Assad a reconquis une grande partie de la Syrie (22.12.2017)
Par Alexis Feertchak et Service InfographieMis à jour le 22/12/2017 à 16h46 | Publié le 22/12/2017 à 06h00
CARTOGRAPHIE - Il y a un an, le régime de Damas reprenait le contrôle de l'intégralité d'Alep. Un tournant dans cette guerre de contre-insurrection que mène Bachar el-Assad contre les rebelles et l'État islamique. Cartes à l'appui, Le Figaro retrace les étapes d'une année de reconquête territoriale.
Il y a un an dans le nord du pays, le régime syrien de Bachar el-Assad remportait une victoire décisive à Alep face aux rebelles. La reprise de l'ancienne l'ancienne capitale économique de Syrie par Damas a été un tournant dans la guerre civile qui a fait plus de 340.000 morts depuis 2011. Retranché au départ dans l'ouest du pays, le régime a depuis Alep largement accru sa reconquête du territoire syrien.
Un retournement de situation rendu possible grâce à l'intervention russe de septembre 2015, mais aussi grâce à la participation croissante de milices chiites parrainées par l'Iran, très présent dans ce pays situé au cœur de sa stratégie d'influence. Cartes à l'appui, Le Figaro retrace les étapes de cette reconquête territoriale du régime de Damas, qui permet à Bachar el-Assad, accusé de crimes de guerre, de se maintenir au pouvoir.
• Cinq années de contre-insurrection
Source: Thomas van Linge
Dès 2012, le régime a commencé à reculer à Alep face aux rebelles, finissant par ne plus détenir que la partie ouest de la ville, mais a réussi à maintenir un accès routier depuis le sud, pour ne pas être encerclé. Selon Fabrice Balanche, géographe et chercheur à la Hoover Institution de l'Université Stanford aux États-Unis, Damas a élaboré dès le début du conflit une stratégie de contre-insurrection qui consiste d'abord à se replier sur les villes les plus sûres, à protéger les axes de communication et à abandonner les territoires acquis aux rebelles. Expurgée de ses éléments les moins fiables, l'armée peut ensuite lancer l'offensive en espérant que les populations locales se seraient entre-temps lassé des rebelles. «Une guerre contre-insurrectionnelle peut prendre des années», précise l'universitaire. Une stratégie risquée. Avant l'intervention des Russes en septembre 2015, le territoire contrôlé par le régime de Damas s'était réduit à peau de chagrin et l'Armée syrienne avait vu fondre ses effectifs.
• 22 décembre 2016: la reprise d'Alep, tournant de la guerre

Le siège d'Alep avant l'intervention russe. Etat des forces en présence en octobre 2015. Sources: edmaps.com et syria.liveuamap.com
Cette stratégie a fini par porter ses fruits lors de la bataille d'Alep, facilitée par le rapprochement entre la Russie et la Turquie, qui a accepté de réduire son aide aux rebelles. L'armée russe apporte quant à elle un soutien aérien et logistique, ainsi que de nouveaux armements. Au sol, l'Iran encadre et finance des milices chiites, à commencer par le Hezbollah libanais, mais aussi des Irakiens et des Afghans. À l'été 2016, l'Armée syrienne lance l'offensive contre l'est de la ville, qu'elle parvient à encercler. Le 22 décembre, le régime reprend l'intégralité d'Alep, après des bombardements meurtriers. «C'est à Alep que les rebelles ont perdu la guerre», estime Fabrice Balanche.
Début 2017, le régime contrôle presque tout l'Ouest syrien, comprenant la majorité de la population et des forces économiques du pays. Cette Syrie souvent qualifiée d'«utile» forme un axe du Sud (Damas) au Nord (Alep) en passant par les villes centrales d'Homs et Hama. La région côtière de Lattaquié, fief de la famille Assad qui garantit un accès à la Méditerranée, est protégée. Échappe néanmoins au régime le gouvernorat d'Idleb, aux mains des rebelles, en majorité islamistes, mais largement isolés.
• 2 mars 2017: la reprise de Palmyre, poste avancé vers l'Est

Palmyre, clef de voûte vers l'est syrien. Etat des forces en présence au moment de la prise d'Alep, en décembre 2016. Sources: syria.liveuamap.com
Après la chute d'Alep en décembre 2016, le régime de Damas lance son offensive vers l'est du pays. C'est là que se trouve la majorité des ressources en hydrocarbures. C'est aussi le moyen pour Bachar el-Assad de retrouver l'intégrité territoriale du pays pour en contrôler les frontières. «Pour gagner définitivement une guerre contre-insurrectionnelle, il faut fonctionner en vase clos pour empêcher toute aide étrangère aux rebelles», note Fabrice Balanche.
La première étape consiste à reprendre Palmyre et son site archéologique classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Au centre de la Syrie, cette oasis dans le désert a été prise par l'État islamique en mai 2015. «En plus des champs gaziers qui l'entourent, c'est un poste avancé, qui permet à la fois de protéger l'ouest et de soutenir les forces armées à l'Est», explique Fabrice Balanche. L'Armée syrienne et des milices chiites ont repris une première fois Palmyre à Daech le 27 mars 2016. Mais alors que le régime focalise toute son attention sur la reprise d'Alep, l'État islamique lance une attaque-éclair contre la cité antique, qu'il reprend le 11 décembre 2016.
«Les milices chiites étaient plus nombreuses, mais n'étaient pas coordonnées entre elles», précise l'universitaire. Un défaut qui va pousser l'Iran et la Russie à placer les milices chiites (près de 50.000 hommes au total) et l'armée syrienne dans un commandement plus intégré. Cette réorganisation permet au régime de reprendre définitivement Palmyre le 2 mars 2017.
• 2 novembre 2017: la reprise de Deir Ezzor et la fin d'un siège de trois ans

Deir Ezzor et le contrôle du pétrole. Etat des forces en présence lors de la prise de la ville. Source: syria.liveuamap.com
Palmyre ouvre la voie vers l'Est syrien, notamment la ville de Deir Ezzor, située de part et d'autre de l'Euphrate, non loin de la frontière irakienne. L'est de la ville était tenu par l'État islamique, qui contrôlait également les campagnes environnantes. Le régime se trouvait ainsi enclavé dans l'ouest de la ville, défendant âprement l'aéroport pour pouvoir s'approvisionner en nourritures et en hommes. «Pendant cinq ans le régime a maintenu son emprise, faisant tourner tous les trois mois les effectifs de la Garde républicaine», une unité d'élite particulièrement fidèle au clan Assad, explique Fabrice Balanche.
• Les Kurdes, alliés des États-Unis pour limiter l'avancée du régime syrien

Quel avenir pour les Kurdes de Syrie? Présence kurde en Syrie. Sources: M. Izady, Gulf/2000 Project - Columbia University et syria.liveuamap.com
«L'offensive des FDS est la réponse américaine à l'avancée de l'armée syrienne vers l'Est», commente Fabrice Balanche. Forte de 50.000 combattants kurdes et arabes, cette coalition est dominée par les YPG, la branche militaire du parti kurde PYD. Cette milice contrôle une large partie du nord de la Syrie dans les trois cantons kurdes d'Afrin, de Kobané et de Djézhiré, qui forment un Kurdistan syrien qu'ils nomment «Rojava».
Inquiets du rapprochement entre Turcs, Russes, Iraniens et Syriens dans le cadre des pourparlers diplomatiques qui ont lieu depuis janvier 2017 à Astana au Kazakhstan, les Kurdes cherchent la protection des États-Unis, acceptant en échange d'organiser avec les FDS la reprise de la capitale syrienne de l'État islamique. «L'armée syrienne n'a pas essayé de la reprendre en premier, préférant se focaliser sur Deir Ezzor. Comme Raqqa est une ville arabe et non kurde, le régime estime que ces derniers n'y resteront pas», précise Fabrice Balanche. Mais face à l'avancée de l'Armée syrienne vers Deir Ezzor, les FDS, encouragés par Washington, sont allés plus loin au Sud pour reprendre le contrôle de l'intégralité de la Syrie à l'Est de l'Euphrate. «Cette répartition de l'Est syrien a fait l'objet d'un accord entre la Russie et les États-Unis. Le régime de Damas manquait d'hommes pour aller plus loin et espère récupérer cette partie de la Syrie ultérieurement, après des négociations politiques avec les Kurdes», précise Fabrice Balanche.
• 19 novembre 2017: la reprise d'Abou Kamal et la victoire du «croissant chiite»

Le «croissant chiite» de Téhéran prend forme. Orientation politique des régimes de la région.
L'abandon du régime de Damas de la partie la plus orientale de la Syrie ne l'empêche pas de créer une continuité territoriale avec l'Irak, qui était l'un des objectifs de Bachar el-Assad, mais surtout de son parrain régional, l'Iran. Dans la foulée de Deir Ezzor, l'Armée syrienne a repris progressivement les bourgs se trouvant le long de la rive occidentale de l'Euphrate, notamment la ville d'Abou Kamal, à la frontière irakienne, conquise à la mi-novembre.
Une jonction avec l'Irak, où l'influence iranienne n'a cessé de grandir depuis l'intervention américaine de 2003, qui permet à Téhéran de constituer un corridor terrestre traversant le Moyen-Orient. Dénoncé dès 2004 par le roi de Jordanie, cet «arc chiite» passant par Téhéran, Bagdad, Damas et Beyrouth permet à l'Iran de faciliter son soutien au Hezbollah libanais tout en espérant gagner un accès à la Méditerranée grâce au port syrien de Tartous, où la Russie possède déjà une base navale.
• Idleb, zone de repli des djihadistes et zone d'influence turque

La région d'Idleb et l'interventionnisme turc. Etat des forces en présence le 20 décembre 2017. Source: syria.liveuamap.com
«Idleb sera la grande bataille de 2018», commente Fabrice Balanche. Cette province montagneuse située entre Lattaquié, le fief de la famille Assad, et Alep, est bordée au Nord par la Turquie. Hormis quelques enclaves à Homs, Damas et dans le Sud syrien, Idleb est la seule région encore tenue par la rébellion, mais dominée par les islamistes, notamment le Front Fatah al-Cham (ex-Al-Nosra), liés à Al-Qaïda. La situation est d'autant plus complexe que l'Armée turque est aussi présente dans la région. Elle cherche à contenir les Kurdes syriens, liés aux Kurdes turcs du PKK.
Fabrice Balanche s'attend à de complexes négociations entre la Syrie, la Russie et la Turquie pour se partager ce territoire. «Il y a déjà une zone d'influence turque au nord d'Alep, qui s'étend à une partie d'Idleb où se trouvent des populations turkmènes. L'armée turque y est déployée, l'électricité vient déjà de Turquie. Ankara essaie de faire de cette zone un mode de gouvernance antikurde», estime le chercheur. En échange, Bachar el-Assad pourrait obtenir de la Turquie l'arrêt de son soutien aux rebelles islamistes et reprendre le reste d'Idleb, la Russie jouant alors le rôle d'arbitre. Dans ce jeu de billard à trois bandes, les Kurdes risquent de se trouver isolés. «Les Américains ont annoncé qu'ils souhaitaient rester présents dans les zones kurdes jusqu'en 2021 [année des élections présidentielles en Syrie] pour conserver leur influence et empêcher Bachar el-Assad de se représenter, mais ils ne veulent pas non plus se mettre à dos les Turcs en soutenant les Kurdes», commente Fabrice Balanche. Anticipant un retrait américain, les Kurdes pourraient chercher à obtenir le soutien de Damas et Moscou en laissant au régime les territoires à l'Est de l'Euphrate, dont Raqqa.
Depuis sa victoire à Alep il y a un an, le régime de Damas, fort du soutien de ses parrains russe et iranien, a inversé la donne militaire dans le conflit meurtrier qui ensanglante la Syrie depuis 2011. Un retournement de situation qui permet à Bachar el-Assad d'espérer pouvoir désormais renverser la donne politique.
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Au Mexique, inquiétude après la légalisation du recours à l'armée contre les trafiquants (22.12.2017)

Par Blandine Le Cain
Publié le 22/12/2017 à 17h51
VIDÉO - Déployée en 2006 pour lutter contre le trafic de drogue, hors de tout cadre juridique, l'armée devrait rester mobilisée au Mexique contre le crime organisé après le vote d'une loi le permettant. L'ONU et plusieurs ONG s'alertent de cette militarisation institutionnalisée, sur fond de violences accrues du côté des cartels.
Le vide juridique et comblé, mais les inquiétudes demeurent. Le Mexique vient d'adopter une loi légalisant le recours à l'armée pour lutter contre le fléau du crime organisé. Cette mobilisation de la force militaire, effective depuis 2006, préoccupe une partie de la population du pays, mais aussi de la communauté internationale, ONU en tête, alors que plusieurs exactions récentes sont attribuées aux militaires.
Le texte de loi a été adopté vendredi par le Parlement mexicain, par 262 voix contre 25, après avoir été validé par les sénateurs un peu plus tôt. Il pérennise la présence de soldats dans les rues du pays et leur confère des pouvoirs étendus. Mais il doit encore être promulgué par le président Enrique Peña Nieto.
Cette loi est censée combler un vide juridique ouvert en 2006 par le président d'alors, Felipe Calderon. À l'époque, le chef de l'État avait décidé de déployer l'armée et de lui confier certaines tâches habituellement réservées à la police, afin de lutter contre le crime organisé. La mesure visait à compenser la corruption d'une partie de la police mexicaine, infiltrée par les mafias, souligne Le Monde .
De nombreuses exactions recensées
Ce texte législatif soulève pourtant une forte opposition. Au Mexique d'abord, où de nombreuses critiques s'élèvent contre l'inefficacité, voire le caractère aggravant de cette situation depuis une dizaine d'années. Les chiffres officiels cités par l'AFP font état d'une vague de violence sans précédent dans le pays, avec 196.000 homicides et 30.000 disparitions depuis 2007. Impossible, néanmoins, de distinguer les morts et disparitions spécifiquement liées aux trafics. Ce recours à l'armée repousse par ailleurs la question du renforcement de la police et de la lutte contre la corruption au sein de ses effectifs, avec une réforme sur le sujet qui reste à l'arrêt.
Au-delà des statistiques, pour ses détracteurs, la loi votée par le Parlement contribue surtout à pérenniser une mesure d'exception ayant contribué à dégrader le respect des droits humains dans le pays. Or, depuis le déploiement des forces militaires, plusieurs études et enquêtes ont révélé des cas d'arrestations arbitraires, de torture, et même de disparitions ou d'exécutions, souligne le quotidien suisse Le Temps . Des exactions vis-à-vis desquelles la population peut difficilement demander justice, et qui n'ont pas de raison de diminuer. Désormais, les missions initialement attribuées de facto à l'armée sont clairement énoncées par la loi, comme la réalisation d'opérations de renseignement, par exemple.
Des appels internationaux à ne pas promulguer la loi
La mise en cause des effets de cette législation a également dépassé les frontières du pays. Avant le vote, le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme et plusieurs ONG avaient appelé les parlementaires à rejeter cette loi dans sa forme actuelle. Cette semaine, après l'adoption de la loi, le Haut-commissaire pour les droits de l'homme a appelé l'exécutif mexicain à «éviter l'entrée en vigueur de la loi» en ne la promulguant pas, précise Le Monde, en raison de l'absence de mécanisme de contrôle ainsi que du caractère inutile de ce modèle.
La même demande a été émise par l'ONG Amnesty International, au nom d'une coalition d'organisations de défense des droits de l'homme. Pour l'ONG, cette loi «cache des efforts concertés et dangereux visant à maintenir le rôle des forces armées dans les fonctions de sécurité publique» et «va perpétuer la longue liste des graves atteintes aux droits humains commises au Mexique».
Mobilisation au Mexique

Des manifestants scandent des slogans à Mexico, le 15 décembre, pour demander aux députés de ne pas voter la nouvelle loi. - Crédits photo : ALFREDO ESTRELLA/AFP

Des opposants à la nouvelle loi manifestent à Mexico, jeudi 21 décembre, quelques jours après son adoption par le Parlement. - Crédits photo : CARLOS JASSO/REUTERS
Un appel a la mobilisation a été relayé, ces derniers jours, sous le mot-clé #SeguridadSinGuerra («sécurité sans guerre»), du nom du collectif réunissant plusieurs experts et membres d'ONG. Il rassemble des professeurs, des experts, des intellectuels ou encore des stars, comme l'acteur mexicain Diego Luna, dont plusieurs ont manifesté contre le texte. L'équivalent mexicain de notre Défenseur des droits envisage de déposer un recours contre le texte devant la cour suprême.
Reste qu'une partie des citoyens mexicains sont plutôt favorables à cette nouvelle loi. Le contexte continue en effet de s'aggraver dans le pays. Jeudi, six cadavres pendus à des ponts ont été découverts dans l'État très touristique de Basse-Californie du Sud. Le fait est inédit et ravive les inquiétudes face aux records successifs des chiffres de la criminalité dans le pays. La guerre entre les cartels de la drogue s'est encore renforcée au cours des derniers mois, notamment entre ceux de Sinaola, très puissant et au sein duquel la guerre de succession fait rage après l'arrestation d'El Chapo, et celui de Jalisco Nouvelle Génération. Tous se disputent les marchés de la drogue pour les touristes.
» VIDÉO - Au Mexique, le street art contre la violence des cartels
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Des scientifiques ont (vraiment) modélisé le climat de Game of Thrones (22.12.2017)

Par Tristan Vey
Mis à jour le 22/12/2017 à 18h50 | Publié le 22/12/2017 à 17h50
Pour expliquer la variabilité climatique chaotique de cet univers, dans lequel les saisons sont plus longues que les années, il est nécessaire de faire des hypothèses originales sur l'inclinaison de l'axe de rotation de la planète.
«Winter is coming.» («L'hiver arrive.») Qui n'a jamais entendu cette réplique devenue culte de la série Game of Thrones? Elle est régulièrement prononcée par divers personnages de cette grande fresque médiévalo-fantastique tout au long des six premières saisons (jusqu'à ce que l'hiver arrive ENFIN ; désolé pour le spoiler). Il faut dire que dans ce monde imaginé par l'écrivain George R. R. Martin, le cycle des saisons est pour le moins chaotique. Au moment où la série débute, c'est un été d'une dizaine d'années qui prend fin. L'interminable hiver qui avait précédé aurait duré «une génération». L'automne qui démarre à la fin de la deuxième saison s'étale quant à lui sur plusieurs années (la chronologie, même pour les fans absolus, n'est pas facile à reconstituer: elle se fonde en grande partie sur les gestations, en partant du principe qu'elles durent neuf mois). Comment la science pourrait-elle expliquer des saisons aussi longues et irrégulières?
Différentes explications ont déjà été proposées: concentration en dioxyde de carbone de l'atmosphère, activité volcanique, perturbation de la circulation océanique, etc. Des scientifiques des universités de Bristol et de Southampton en Grande-Bretagne se sont très sérieusement penchés sur la question en construisant un véritable modèle climatique, une simulation de la circulation de l'atmosphère de la planète sur ordinateur. Ils publient leurs résultats de manière beaucoup moins sérieuse dans une revue parodique inventée pour l'occasion: les Philosophical Transactions of the Royal Society of King's Landing (King's Landing est la capitale des Sept Royaumes de ce monde fictif).
Etude publié par LeFigaro
Les chercheurs ont par ailleurs poussé le vice à «traduire» leurs travaux en dothraki et en haut-valyrien, deux langues imaginaires de la série...
Tous les codes des publications scientifiques ont été soigneusement respectés. Son auteur (fictif) n'est autre que Samwell Tarly, le compagnon scientifique et bibliophile de Jon Snow, le héros principal de la série. Son affiliation universitaire: la Citadelle d'Oldtown où sont formés tous les sages (appelés «mestres») de cet univers. Dans l'abstract (le résumé qui commence tout article scientifique), il explique ainsi «avoir tenté de comprendre et d'expliquer ce climat fascinant et merveilleux» dont «la durée des saisons est par essence imprévisible (quels que soient les boniments avancés par les scientifiques charlatans de King's Landing qui prétendent pouvoir prédire quand débutera l'hiver)».
Comme s'il citait des livres de sa bibliothèque, il reprend alors dans son introduction une longue liste de citations puisées dans les livres qui ont inspiré la série et qui évoquent le climat du monde imaginaire. «Les tempêtes hivernales sont les pires, mais les tempêtes automnales sont plus fréquentes». «À Volantis, les nuits étaient presque aussi chaudes que les journées.» Etc, etc. Ces données serviront à calibrer «le modèle climatique qu'il a trouvé sur un ordinateur dans les caves de la Citadelle». Il utilisera aussi les données «d'une planète fictionnelle appelée la vraie Terre et dont le climat est décrit en détail»... dans le dernier rapport du GIEC de 2013.
«Ce n'est donc un par hasard si les Fer-nés sont d'aussi fameux navigateurs, habitués qu'ils doivent être aux violentes tempêtes de leur contrée.»
Samwell Tarly, aspirant mestre à la Citadelle
S'ouvre alors une longue rubrique méthodologique pour décrire la manière dont on construit un modèle climatique en général, et celui du monde de Game of Thrones en particulier. Il découpe ainsi la carte selon une grille de petits carrés de 55 km de côté. Les paramètres principaux qu'il doit assigner sont: la position des continents, la position et la hauteur des reliefs, la profondeur des océans, la concentration en gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone, l'éclairement du Soleil et enfin les caractéristiques orbitales (inclinaison de l'axe de rotation et excentricité de l'orbite de la planète autour de son Soleil). Les équations de mécanique des fluides prennent alors le relais.
Pour expliquer le blocage pluriannuel des saisons, Samwell Tarly introduit une autre hypothèse: l'axe de rotation change au fur et à mesure que la planète tourne autour du Soleil. Cela permet d'avoir un même hémisphère «penché» vers l'étoile plusieurs années de suite. Avec une inclinaison similaire à celle de la Terre, 23,5°, le modèle «plante» très rapidement: la température descend rapidement en dessous de zéro dans tout l'hémisphère nord et dépasse 80°C dans le sud. Ce gros différentiel donne naissance à des vents extrêmement violents qui «vident» dans l'espace certaines cases de leur air, donnant lieu à des aberrations mathématiques. Samwell Tarly choisit donc une inclinaison plus de deux fois plus faible de 10°C. Tout rentre alors à peu près dans l'ordre.

- Crédits photo : Bristol University
Reste à expliquer les changements de saison: il faut que l'axe de rotation bascule brutalement d'une position à une autre. Peut-être est-ce lié au passage d'une comète, imagine Samwell Tarly, qui évoque également l'hypothèse de la magie (toujours bien pratique, mais pas très scientifique...). Avec ces paramètres, Le climat au niveau du Mur (qui «sépare» le monde civilisé et le monde «sauvage» au nord de cet univers) est similaire en hiver à celui de l'Alaska, du Canada, du Groenland ou de la Russie. Le climat de Casterly Rock (le fief de la famille Lannister) est lui proche de celui du Sahel ou de l'est de la Chine, voire d'une petite région située près de Houston.
Les vents sont par ailleurs particulièrement forts dans la zone des «Iles de Fer». «Ce n'est donc un par hasard si les Fer-nés sont d'aussi fameux navigateurs, habitués qu'ils doivent être aux violentes tempêtes de leur contrée», écrit Samwell Tarly. La direction des vents change enfin en fonction des saisons dans la Mer Étroite qui sépare les continents de Westeros et d'Essos. «Toute attaque sur Westeros (que ce soit des flottes de bateaux ou des dragons, ou les deux) viendrait de Dorne ou de Storm's End en hiver, mais par le Val d'Arryn ou directement sur King's Landing en été», écrit encore le jeune homme.
Samwell Tarly, qui s'inquiète des augmentations des concentrations de méthane et de dioxyde de carbone, probablement provoquées, au moins en partie, par «l'augmentation des populations de dragons à Essos», effectue enfin des projections climatiques sur le climat de son monde: si la concentration en gaz à effet de serre doublait, la température augmenterait de 2,1°C d'après son modèle. La montée des eaux associées pourrait alors atteindre 10 mètres. Maintenant que «l'hiver est arrivé» néanmoins, et qu'il pourrait se poursuivre pendant des années, ce réchauffement ne serait probablement pas aussi dramatique que celui que nous connaissons actuellement sur Terre. Et puis les habitants de Westeros ont probablement des préoccupations immédiates un peu plus urgentes. L'armée de zombies des Marcheurs blancs arrive...
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Voilà ce que les futurs touristes de l'espace verront à bord de la capsule de Blue Origin (21.12.2017)

Par Tristan Vey
Mis à jour le 21/12/2017 à 18h14 | Publié le 21/12/2017 à 15h45
VIDÉOS - L'entreprise de Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, a effectué le 12 décembre le premier test grandeur nature de son nouvel ensemble fusée-capsule. Les premiers vols habités pourraient décoller dès 2018.
Le tourisme spatial s'apprête à décoller. Et dans cette nouvelle course à l'espace, c'est peut-être Blue Origin, l'entreprise du fondateur d'Amazon Jeff Bezos, qui pourrait arriver la première, devant Virgin Galactic. Le 12 décembre, elle a réalisé un test grandeur nature impressionnant de son nouvel ensemble fusée-capsule. Cela faisait plus d'un an que l'entreprise n'avait pas réalisé de test. Pour l'occasion, c'est une nouvelle fusée New Shepard qui a été utilisée en association avec une nouvelle capsule, baptisée Crew Capsule 2.0. La précédente version de New Shepard avait été réutilisée quatre fois entre novembre 2015 et octobre 2016.
Le principe de ce vol suborbital est assez simple: la fusée décolle à la verticale, atteignant une vitesse maximale voisine de 3500 km/h, emportant avec elle une capsule jusqu'à 100 km d'altitude environ. Les deux modules se séparent alors pour terminer leur course séparément. Leur vitesse est bien trop faible pour se placer sur orbite. Ils ne font que terminer leur trajectoire parabolique pour redescendre vers le sol. La fusée atterrit à la verticale en utilisant ses moteurs pour freiner sa chute pendant que la capsule atterrit, elle, sous parachute, comme on peut le constater dans la vidéo ci-dessous:
Au total, le vol aura duré dix minutes environ. Une caméra placée dans la capsule permet de suivre tout le déroulé du vol, comme si l'on était dedans (voir ci-dessus). Un mannequin permet de s'imaginer à quoi ressembleront les vols habités, dont le premier pourrait se dérouler dès l'année prochaine, d'après Blue Origin. La caspule dispose de grandes fenêtres (70 cm sur 1,1 m) permettant de contempler la transition entre l'atmosphère et l'espace. Les six passagers auront également le privilège de passer quelques minutes en apesanteur avant de ressentir la décélération liée freinage de la capsule par les frottements de l'air.
L'entreprise n'a pas encore annoncé le prix du billet, mais il faudra vraisemblablement débourser quelques dizaines de milliers de dollars, voire quelques centaines de milliers.
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«Nuit des Noirs» : les antiracistes s'en prennent au carnaval de Dunkerque (21.12.2017)
Par Etienne Jacob
Publié le 21/12/2017 à 18h42
Ce bal, prévu en mars 2018 dans cette commune du Nord, est accusé de faire preuve de «négrophobie» en utilisant la «blackface», pratique issue de l'esclavage consistant à se déguiser en personne de couleur noire de manière caricaturale.
Chaque année, lors du Mardi grasc'est le carnaval, dans les rues de Dunkerque. On y trouve deux types de festivités: les bandes, des défilés dans les quartiers et villages alentour où tout le monde est déguisé dans une ambiance potache, et les bals, des soirées mises en place par des associations ou des collectifs d'habitants. Le 10 mars 2018, la ville accueillera la «Nuit des Noirs» dans son palais des Congrès, le Kursaal. Pour son 50e anniversaire, ce bal, qui a lieu tous les cinq ans à Leffrinckoucke, une commune voisine, a choisi de se délocaliser pour la première fois. De 7000 à 10.000 personnes sont attendues pour participer à cet événement organisé par «des copains qui se déguisent en Noir depuis cinquante ans», selon la mairie de Dunkerque.

L'affiche de la «Nuit des Noirs», prévue en mars 2018. - Crédits photo : Affiche Nuit des Noirs
Mais quelques jours après la polémique de la «blackface» - le footballeur Antoine Griezmann avait posté sur Twitter une photo de lui déguisé en basketteur noir, s'attirant les foudres des réseaux sociaux -, la «Nuit des Noirs» provoque depuis mardi l'ire des antiracistes. L'existence de ce festival a été découverte par le collectif Brigade anti-négrophobie. «Une personne nous a envoyé cette information. On n'était pas du tout au courant d'une telle pratique et on s'est dit que c'était impossible de laisser passer ça», raconte Lollia Franco, porte-parole du groupe, au Figaro.
Comme pour Antoine Griezmann, le collectif reproche à cet événement l'utilisation récurrente de la «blackface». Cette pratique, utilisée au 19e siècle dans les minstrel shows, aux États-Unis, consistait à grimer les comédiens en personnes de couleur noire, de manière caricaturale. «Avec ce genre de représentation, on fait perpétuer le racisme dont nous sommes victimes au quotidien. C'est une fête insultante», déplore Lollia Franco, du collectif Brigade anti-négrophobie. «On peut se déguiser en Noir mais pas avec des os dans le nez et de grosses lèvres rouges. On peut mettre une tenue zouloue sans être obligé de se grimer. Ce qui pose problème, c'est l'idée de singer, de se moquer. Ici, on justifie le lynchage d'une communauté. La France est porteuse d'un héritage colonial que l'on ne peut ignorer.»
Tradition
Sur les réseaux sociaux, la «Nuit des Noirs» a provoqué la colère de certains internautes. Au contraire, d'autres évoquent une exagération et défendent une tradition. Sur la page Facebook «J'aime Dunkerque», c'est l'indignation: «Notre carnaval c'est la transgression dans la bonne humeur... Qu'on soit riche ou pauvre, noir ou blanc, hétéro ou homo/bi, trans, femme ou homme, au carnaval nous sommes TOUS DES MASQUELOURS...».
Mercredi après-midi, le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete (Sans étiquette), a réagi sur Facebook. L'édile s'est dit «scandalisé» par les «accusations sans fondement» portées sur le carnaval. «Non les Dunkerquois ne sont pas racistes! Ils sont les héritiers d'une tradition séculaire qui porte en elle, décennie après décennie l'esprit de camaraderie, de tolérance, de dérision et de caricature de tous par tous. Le carnaval, c'est l'esprit Charlie!», a-t-il ajouté.
«Il y a clairement une volonté de l'État et des institutions d'invisibiliser ces pratiques racistes»
Lollia Franco, porte-parole du collectif Brigade anti-négrophobie
Une justification clairement insuffisante, pour le porte-parole de la Brigade anti-négrophobie: «Il y a clairement une volonté de l'État et des institutions d'invisibiliser ces pratiques racistes. Ils font semblant de ne pas comprendre». Le collectif ne réclame pas l'interdiction du festival, mais espère qu'il s'affranchisse de toute «négrophobie faciale». «S‘il est purgé de toute négrophobie structurelle, on n'a rien contre ce festival», résume Lollia Franco. Dans l'entourage du maire de Dunkerque, on avoue des «difficultés» pour se positionner par rapport à la «Nuit des Noirs». «C'est un événement d'ordre privé, et on n'a pas le pouvoir de l'annuler», explique-t-on. En revanche, après les menaces d'internautes sur les réseaux sociaux, la mairie réfléchit actuellement à une sécurisation plus importante du palais de Congrès en mars prochain. L'annulation, elle, n'est pas d'actualité.
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La dette publique française se maintient à des niveaux astronomiques (22.12.2017)

Par Anne de Guigné
Publié le 22/12/2017 à 18h02
Elle s'est très légèrement contractée au troisième trimestre 2017, à près de 2230 milliards d'euros.
C'est un chantier titanesque qui fait pour l'instant de la résistance. Au troisième trimestre 2017, la dette française atteignait encore 98,1 % du produit intérieur brut (PIB) français, soit le montant astronomique de 2 226 milliards d'euros. Le taux apparaît sans surprise en baisse par rapport au deuxième trimestre, où il avait culminé à 99,1 %. L'Agence France Trésor de Bercy, chargée de lever la dette française sur les marchés financiers, concentre en effet les émissions d'obligations en début d'année, puis accentue les rachats au deuxième semestre. D'où ce mouvement traditionnel de balancier.
En revanche, sur un an, le ratio dette sur PIB a bien poursuivi sa progression, en gagnant 0,7 point. Plus de 80 % du montant du stock d'endettement est généré par l'État, le solde par la Sécurité sociale et les collectivités locales. La dette de l'État a explosé au cours de la crise financière de 2007-2008, quand le gouvernement Fillon a dû multiplier les opérations de sauvetage et de soutien. Depuis, contrairement à nos voisins européens et malgré la très nette amélioration de la conjoncture ces dernières années, aucun gouvernement n'est parvenu à endiguer la progression de l'endettement.
Flou sur les économies
Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron s'est engagé à prendre le taureau par les cornes. Dans la programmation des finances publiques de la loi de finances, l'exécutif vise ainsi de réduire le taux de dette publique à 91,4 % à la fin du quinquennat. En 2019, il devrait culminer à 97,1 % - sous l'effet notamment de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), en baisse de cotisations patronales, qui coûtera 20 milliards d'euros à l'État - avant de baisser ensuite progressivement.
Seul hic, Bercy donne pour l'instant peu de lumières sur la manière dont il entend s'y prendre pour faire fondre cette montagne. Au-delà des réformes du logement et de la baisse des emplois aidés annoncés pour 2018, une des clés réside dans les futurs choix du comité Action publique 2022 (CAP 2022), chargé d'identifier 4,5 milliards d'euros d'économies structurelles en 2020. Ce flou inquiète d'ailleurs la Commission européenne, qui veille au bon respect des traités, exigeant que les États présentent une dette inférieure à 60 % de son PIB.
Il y a un mois, lors de l'évaluation des projets de budget 2018 des pays de l'eurozone, Bruxelles s'était ouvertement préoccupée de la faiblesse du volet économies du budget français. «Plusieurs États membres supportent encore des niveaux élevés d'endettement public, ce qui limite leur capacité à investir pour l'avenir. Ces pays devraient saisir l'occasion qui leur est offerte pour consolider leurs finances publiques, y compris en termes structurels», avait ainsi rappelé Pierre Moscovici, commissaire chargé de l'Économie. L'ex-ministre français des Finances de François Hollande faisait également allusion à la Belgique et à l'Italie, dont l'endettement sur PIB devrait respectivement atteindre 102,5 % et 130,8 % de leurs PIB respectifs en 2018.
Il est d'autant plus urgent pour ces États d'assainir leurs finances que le règne de l'argent pas cher, entretenu par les banques centrales, va toucher à sa fin dans les prochains mois sous l'effet d'une lente remontée des taux directeurs.
Le Trésor anticipe ainsi qu'à fin 2018 la France devra acquitter un coupon de 1,85 % pour ses obligations à dix ans, contre 0,7 % en moyenne en septembre 2017. La charge de la dette augmenterait donc progressivement pour atteindre 44,7 milliards d'euros en 2020, versus 41,2 milliards en 2018.
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L'absence de main-d'œuvre compétente est le premier frein à l'embauche, selon l'Insee (22.12.2017)
Par Clémentine Maligorne
Mis à jour le 22/12/2017 à 11h44 | Publié le 21/12/2017 à 19h02
En octobre 2017, la moitié des entreprises de l'industrie, des services et du bâtiment ont déclaré se heurter à des «barrières» les empêchant d'embaucher davantage de salariés en CDI ou CDD, d'après une note de l'Insee publiée jeudi.
C'est l'un des paradoxes de la reprise économique: les entreprises hexagonales peinent à recruter dans certains métiers. D'après une note de l'Insee publiée ce jeudi, la moitié des entreprises de l'industrie, des services et du bâtiment (qui représentent la moitié des emplois salariés de ces secteurs) déclarent se heurter à des «barrières» qui les empêchent d'embaucher davantage. Dans le seul secteur du bâtiment, 70% des entreprises signalent des freins à l'embauche de salariés en CDI ou CDD de longue durée, 57% dans l'industrie et 47% dans les services, selon cette étude effectuée en octobre auprès de 10.000 entreprises.
La pénurie de compétences est citée comme le premier frein à l'embauche. Depuis quelques mois, un tiers (32%) des entreprises de l'industrie, des services et du bâtiment affirment être «empêchées» à cause de «l'indisponibilité d'une main-d'œuvre compétente». Cet obstacle au recrutement est particulièrement signalé par les entreprises du bâtiment, ainsi que l'industrie automobile et le transport routier. En revanche, la barrière liée à «l'incertitude sur la situation économique» a tendance à diminuer, signe que le climat des affaires s'améliore bel et bien. D'autres freins au recrutement sont également cités tels que «les coûts liés à l'emploi» et la réglementation. Ce sont surtout les petites et moyennes entreprises, plus que les grandes, qui affirment subir ces freins à l'embauche.
Comment expliquer qu'il soit plus difficile pour la moitié des entreprises interrogées de recruter aujourd'hui de la «main-d'œuvre compétente» dans certains secteurs? «Qu'il soit plus difficile de trouver la bonne personne aujourd'hui qu'il y a un an, c'est normal: la création d'emplois a repris et il y a donc plus de concurrence entre les entreprises», explique Éric Heyer, économiste à l'OFCE. «C'est un bon signal. Ça veut dire aussi que les entreprises cherchent à recruter». Autre signal positif, analyse l'économiste: le frein de l'incertitude sur la situation économique est en baisse de 3 points par rapport à avril, (précédente note de conjoncture de l'Insee).
Pourquoi les entreprises du bâtiment sont plus nombreuses à déclarer être freinées pour embaucher à cause du manque de profils qualifiés, alors que 9,7% de la population active dans la France entière (9,4% en seule métropole) est au chômage? «La main-d'œuvre existe, elle n'est juste peut-être pas là où on en aurait besoin. Il faudrait aussi peut-être s'interroger sur l'attractivité de certains métiers. Ce n'est pas forcément un problème de formation», estime l'économiste alors que le prochain chantier social du gouvernement est axé sur la réforme de la formation et de l'apprentissage.
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La France élue «pays de l'année 2017» par The Economist (21.12.2017)
Par Morgane Rubetti et AFP agenceMis à jour le 21/12/2017 à 19h20 | Publié le 21/12/2017 à 18h27
L'hebdomadaire britannique juge que l'image de la France, qui semblait «irréformable», coincée «entre la sclérose et la xénophobie», a été transformée par l'élection d'Emmanuel Macron.
Aux yeux du célèbre hebdomadaire britannique The Economist, la France a les atouts pour être élue «pays de l'année». Chaque année depuis 2013, le journal choisit «un pays, de n'importe quelle taille, qui a changé significativement pour le mieux au cours des douze derniers mois, ou rendu le monde meilleur». Cette année, la France était en concurrence avec la Corée du Sud mais, explique l'hedomadaire dans son édition de ce mercredi, le pays a su «déjouer toutes les attentes».
Première place du podium grâce à Macron
Dans son article, The Economist, habituellement connu en France pour ses moqueries envers Nicolas Sarkozy et François Hollande, compare les anciens chefs de l'État avec l'actuel. Bilan: Emmanuel Macron a changé, en mieux, l'image de la France. La rédaction rappelle comment «le jeune ex-banquier» a remporté l'élection présidentielle, et décrit comment La République en marche, formation «pleine de novices en politique», a «renversé la vieille garde» lors des législatives.
«Le mouvement lancé par Emmanuel Macron a balayé l'Ancien régime (en français dans le texte, ndlr), et écrasé l'ultra-nationaliste Marine Le Pen, qui, si elle avait gagné, aurait détruit l'Union européenne», écrit The Economist. «Cela a donné de l'espoir à ceux qui pensent que le vieux clivage droite-gauche est moins important que celui entre l'ouverture et la fermeture. Monsieur Macron a fait campagne pour une France qui est ouverte aux gens, aux biens et aux idées venues de l'étranger et pour le changement social à la maison», commente le journal libéral qui critique régulièrement le Brexit ou al politique protectionniste de Donald Trump.
Le magazine juge que l'image de la France, qui semblait «irréformable», coincée «entre la sclérose et la xénophobie», en a été transformée notamment par la réforme du marché du travail et la loi anti-corruption.
Quelques erreurs de jugement
The Economist a également distingué le Bangladesh, pour sa politique d'accueil des réfugiés Rohingyas, l'Argentine, pour l'élection du président Mauricio Macri, et la Corée du Sud, pour un ensemble de réformes politiques menées tout en endurant les menaces répétées adressées par son voisin, la Corée du Nord.
Le magazine reconnaît cependant qu'il «fait des erreurs». En 2015, la Birmanie avait été distinguée pour sa transition, d'une «dictature vers “quelque chose qui ressemble à la démocratie”». «Nous n'avions pas prévu combien le traitement de la minorité Rohingya allait empirer», a admis l'hebdomadaire. Mais cette année, «le jour de gloire est arrivé», glisse-t-il.


Google : Eric Schmidt quitte la présidence d'Alphabet (22.12.2017)
Par Le figaro.fr et AFP agenceMis à jour le 22/12/2017 à 11h25 | Publié le 22/12/2017 à 00h11
VIDÉO - Le président du conseil d'administration de la maison mère de Google quittera ses fonctions en janvier. Il restera toutefois «conseiller technique sur la science et la technologie».
Eric Schmidt, président du conseil d'administration d'Alphabet, maison mère de Google, va quitter ses fonctions en janvier pour se consacrer à d'autres projets, notamment philanthropiques, a annoncé le groupe jeudi. Celui qui fut l'un des premiers dirigeants de Google au début des années 2000, va toutefois rester «conseiller technique sur la science et la technologie» pour Alphabet et restera membre du conseil d'administration, ajoute le groupe, qui compte désigner un nouveau président, non exécutif, dans la foulée de son départ.
«Depuis 2001, Eric nous apporte son expérience du monde de l'entreprise et son expertise en tant qu'ingénieur (informatique), ainsi que sa vision claire de l'avenir de la technologie», a déclaré le directeur général d'Alphabet, Larry Page, co-fondateur de Google, avec Sergey Brin, en 1998. «Dans la continuité de ses 17 ans au service de l'entreprise, il va désormais nous aider en tant que conseiller technique sur les sujets scientifiques et technologiques», a-t-il ajouté.
«Ces dernières années, j'ai consacré beaucoup de temps à des sujets scientifiques et technologiques, et à la philanthropie, et je compte m'y consacrer encore davantage»
Eric Schmidt
Les dirigeants d'Alphabet et de Google «pensent que le temps est venu pour qu'Alphabet évolue» vers cette transition, a commenté pour sa part Eric Schmidt. «Ces dernières années, j'ai consacré beaucoup de temps à des sujets scientifiques et technologiques, et à la philanthropie, et je compte m'y consacrer encore davantage», ajoute l'intéressé. En 2015, la holding Alphabet a été créée pour chapeauter Google et d'autres filiales.
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Les secrets des manuscrits de Sainte-Catherine (22.12.2017)

Par Jenna Le Bras
Mis à jour le 22/12/2017 à 17h34 | Publié le 22/12/2017 à 16h45
REPORTAGE - Le monastère du Sinaï abrite la plus ancienne bibliothèque au monde. Les premiers résultats d'une vaste campagne de recherche sur les palimpsestes révèlent de belles surprises.
Envoyée spéciale dans le Sinaï (Égypte)
Il est encore tôt. La fraîcheur de la nuit saisit les pommettes mais un soleil doux lèche déjà les monticules arides du désert minéral du Sud-Sinaï. Depuis la coursive qui mène au deuxième étage du prieuré, on peut observer le monastère de Sainte-Catherine dans son entièreté: un petit village de pierres anciennes ceint d'une muraille, une coquille jetée dans la montagne abritant une série de dortoirs où peuvent loger quelques privilégiés, un jardin d'oliviers, des ruelles escarpées et des passerelles reliant un bâtiment à l'autre qui s'articulent autour de deux foyers: l'église de la Transfiguration et la chapelle du Buisson ardent.
Devant ce panorama, face au jour qui se lève, un vieil homme flotte dans les allées, précédé du tintement d'un lourd trousseau de clés.
«La fonction essentielle d'une bibliothèque est de favoriser la découverte de livres dont le lecteur ne soupçonnait pas l'existence et qui s'avèrent d'une importance capitale pour lui»
Umberto Eco
«Je ne saurais dire combien j'en ai», sourit-il en déverrouillant la pièce secrète. Ouvrant la porte en bois de cerisier, le père Justin, vingt et un ans de monastère, révèle un lieu confidentiel «accessible seulement aux invités spéciaux et aux chercheurs», confie-t-il avant d'annoncer: «Voilà la pièce où nous conservons tous nos manuscrits et nos livres anciens.»
C'est une pièce toute en longueur, haute de plafond, composée de deux niveaux et fraîchement rénovée. Au niveau inférieur, des cabinets grillagés laissent entrevoir des tablettes où reposent les pièces les plus fragiles: 2000 manuscrits courant sur 1700 ans d'histoire, précautionneusement emballés dans «du papier bulle et du tissu désacidifié en attendant de recevoir les boîtes en métal dans lesquelles ils seront stockés pour mieux les protéger», explique le religieux.
«La fonction essentielle d'une bibliothèque est de favoriser la découverte de livres dont le lecteur ne soupçonnait pas l'existence et qui s'avèrent d'une importance capitale pour lui», disait Umberto Eco. Et le père Justin de renchérir: «Chaque manuscrit a sa propre histoire, sa propre complexité. À travers eux, vous découvrez comment ces pièces ont été utilisées, et c'est fascinant de comprendre comment chacune d'entre elles joue un rôle dans la vie spirituelle de la communauté. Ces récits ont été lus avant nous par les générations précédentes, on peut voir les coins des pages cornés, les gouttes de la cire des bougies. Tout cela est devenu très précieux pour l'histoire de ce lieu et montre la dévotion qui règne dans ces murs.»
Depuis cinq ans, certaines de ces richesses ont fait l'objet d'un large programme de scanning autant pour les protéger que pour les rendre plus accessibles aux chercheurs.
À l'étage du dessous, dans un silence monacal, quatre hommes se meuvent dans une salle sans fenêtre. Seul le bruit des pages que l'on tourne, les «clic-clic» de souris d'ordinateur et les «zzzzzz» d'une drôle de machine résonnent.
«Saint-Catherine possède la plus vieille bibliothèque du monde encore en fonctionnement et l'un de ses plus précieux trésors est sa collection de palimpsestes»
Michael Phelps, directeur d'Emel
50 textes inconnus
Depuis 2011, l'équipe de l'Early Manuscripts Electronic Library (Emel), une organisation américaine à but non lucratif, s'attelle à capturer page par page, les 160 palimpsestes du monastère. «Saint-Catherine possède la plus vieille bibliothèque du monde encore en fonctionnement et l'un de ses plus précieux trésors est sa collection de palimpsestes», explique Michael Phelps, directeur d'Emel, qui raconte que 50 nouveaux textes, inconnus jusqu'alors, ont été révélés lors de cette mission. Au Moyen Âge, les moines réutilisaient certains livres en y effaçant les textes rédigés pour en réécrire de nouveaux. «Les couches recouvertes contiennent des langages et des textes qui possèdent une valeur inestimable pour reconstruire l'histoire du Moyen-Orient, de la fin de la période Antique et du Moyen Âge», souligne le chercheur.
Ce matin-là, l'équipe est affairée à manipuler un ouvrage noirci de calligraphies arabes sous lesquelles on devine des inscriptions en grec. «Ce qui est passionnant, c'est que vous ne savez pas, au moment de la capture, ce que vous avez entre les mains. Vous devinez juste qu'il y a une couche qui a été effacée», explique Michael Phelps. «Il y a peu, Damian faisait des captures, il est sorti de la pièce d'études en disant “des fleurs sortent du manuscrit!”, j'ai cru qu'il plaisantait mais, effectivement, la lumière ultraviolette révélait une pleine page d'illustrations de plantes médicinales qui avait été estompée et recouverte de calligraphies arabes.»
Damian Kasotakis est le directeur de la photographie de ce projet. Ce jeune Grec est en charge du bon déroulement du procédé de la capture qui fait appel à la technique de l'imagerie spectrum: un type de photographie qui permet de prendre plusieurs photos d'un même objet en l'éclairant avec différentes longueurs d'onde.
«On ne sait pas exactement pourquoi certains manuscrits ont été recyclés et pas d'autres mais on imagine que c'était dans un souci d'économie de papier»
Damian Kasotaki, directeur de la photographie du projet
Il explique: «Notre système va de l'ultraviolet à l'infrarouge avec des ondes non perceptibles par l'œil humain. En variant ces lumières, on peut rendre une encre fluorescente ou au contraire l'estomper. Nous utilisons ensuite des logiciels d'analyse comparables à ce qui se fait dans l'imagerie satellite. Ce qui est inédit, c'est d'appliquer cette technologie au patrimoine culturel.»
Et le résultat est éloquent. Dans les ouvrages, Emel a révélé une bibliothèque médicale qui avait été éclipsée dont au moins trois textes appartiennent à Hippocrate, considéré comme le fondateur de la médecine. «Ces textes sont connus mais nous avons mis au jour les plus anciennes copies connues à ce jour, on les estime, à environ 400 ans», précise Michael Phelps.
Mais quelle mouche a piqué les chanoines pour effacer des textes aussi précieux et les recouvrir de psaumes et de chants liturgiques? «On ne sait pas exactement pourquoi certains manuscrits ont été recyclés et pas d'autres mais on imagine que c'était dans un souci d'économie de papier et que certains textes, déjà vieux de plusieurs siècles, étaient devenus moins importants car les langues utilisées n'étaient plus comprises», explique Damian Kasotakis. «Il n'y avait certainement pas de jugement de valeur», assure aussi son confrère, «les textes étaient sûrement endommagés et nous avons noté que les couches effacées sont rarement en lien avec les nouvelles. Certains ouvrages ne présentent pas moins de quatre langages. Cela suscite chez nous une question: existait-il un marché de parchemins de seconde main, des vendeurs qui proposaient du papier de première qualité mais aussi de moins bonne qualité, réutilisable et donc moins coûteux?»
La multiplicité des langues évoquant des origines géographiques différentes, les chercheurs soupçonnent aussi la circulation de certaines de ces pièces, peut-être apportées par des pèlerins de passage dans le monastère grec orthodoxe. Il reviendra à un autre groupe de scientifiques de décrypter ces données. Une fois la capture réalisée, les fichiers sont envoyés à une équipe de 25 linguistes et spécialistes aux États-Unis, en Géorgie et au Liban. Au terme de cette étude prévue début 2018, l'université de Californie de Los Angeles devrait ouvrir un portail Internet avec cette moisson de données.
Cette première campagne arrivant à son terme, les moines ont sollicité de nouveau Emel pour procéder à une capture des manuscrits classiques, particulièrement ceux rédigés en syriaque et en arabe. «Sainte-Catherine possède aussi la plus importante collection du monde de littérature chrétienne en arabe et en syriaque», précise Michael Phelps, «des textes philosophiques, théologiques, des prières et de la littérature séculière et scientifique. Cette digitalisation va ouvrir une nouvelle ère pour la recherche dans ce domaine», assure-t-il. Quatre mille nouvelles pages devront être traitées, un projet qui devrait prendre trois à quatre ans.
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Jenna Le Bras


Monastère Sainte-Catherine : sous les Évangiles, le traité d'Hippocrate (22.12.2017)
Par Jenna Le Bras
Mis à jour le 22/12/2017 à 17h21 | Publié le 22/12/2017 à 16h06
Dans la plus vieille bibliothèque du monde, des chercheurs ont découvert des textes inconnus des spécialistes datant d'au moins 400 ans avant J.-C.
Envoyée spéciale dans le SinaÏ (Égypte)
Emel (l'Early Manuscripts Electronic Library) parle de «bijoux», certains retrouvés sous pas moins de 9 couches de récits effacés et ré-encrés successivement. Parmi les 74 manuscrits étudiés, plusieurs des palimpsestes du monastère Sainte-Catherine révèlent des documents étonnants, qui étaient inconnus des spécialistes. Sous une traduction syriaque du Traité de la prièred'Evagre le Pontique, datant du VIIIe siècle, une copie des Évangiles en syriaque donne un éclairage sur l'Évangile de Jean et permet d'avoir une vue plus globale du texte originel, plus connu sous le nom de Sinaiticus Syriacus and Curetonianus dont des parcelles sont présentes à la British Library à Londres.
De nombreux documents révélés constituent aussi une bibliothèque médicale. On y découvre un glossaire et des instructions pour des opérations chirurgicales comme le retrait des polypes de nez. Sous la plus vieille copie d'une traduction arabe des Évangiles datant du VIIIe siècle, l'équipe a aussi mis au jour une pleine page d'illustrations de plantes médicinales, jamais observée auparavant. Une légende en grec, toujours visible, identifie notamment une «philiterion» et donne des instructions sur sa préparation pour en extraire une huile et fabriquer une lotion soignant les piqûres de scorpions. Un manuel de pharmacologie en syriaque, basé sur une version grecque introuvable est également apparu. Mais ce sont des textes d'Hippocrate qui, a ce jour, étonnent le plus les chercheurs. Sous les Évangiles en arabe, Michael Phelps et son équipe ont mis au jour le traité De morbis popularibus (Epidemiae) du médecin grec. C'est la version la plus ancienne de ce texte scientifique connue, datant d'au moins 400 ans avant J.-C., ainsi que deux autres notices attribuées au médecin.
Des textes mythologiques ont également refait surface, avec des recueils de poèmes en grec des Ve ou VIe siècles, mentionnant Perséphone, Zeus, Dionysos ou Hadès, révélés sous une traduction arabe de Moines de Palestinede Cyrille de Scythopolis, datant du Xe siècle. 

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Emmanuel Macron rejette une reconnaissance de l'État de Palestine (22.12.2017)

  • Mis à jour le 22/12/2017 à 14:27 

  • Publié le 22/12/2017 à 13:32
Un tel geste ne serait «pas efficace», a souligné le président de la République, en recevant vendredi Mahmoud Abbas, le chef de l'Autorité palestinienne.
Il n'y aura pas de reconnaissance de l'État de Palestine par la France, ni initiative française ou européenne pour sortir de l'impasse le conflit israélo-palestinien. Campant sur sa prudence, Emmanuel Macron l'a affirmé vendredi lors d'une conférence de presse commune avec Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, à l'issue de leur entretien à l'Élysée.
«Décider unilatéralement de reconnaître la Palestine est-il efficace? s'est interrogé le chef de l'État en réponse à une question du Figaro. Je ne crois pas. Car ce serait une réaction» à la décision américaine «qui a provoqué des troubles dans la région», a développé Emmanuel Macron. «Je répliquerais une erreur d'un type pareil», a-t-il estimé, ajoutant qu'il n'allait «pas construire le choix de la France en réaction» à la politique américaine. Le président de la République a toutefois rejeté toute «timidité» sur ce dossier, alors qu'il s'investit beaucoup entre Kurdes et Arabes irakiens ou dans le Golfe. «L'esprit de méthode n'est pas la timidité», a-t-il insisté.
La récente décision américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël a provoqué de vives réactions internationales qui ont débouché jeudi sur une assez large condamnation par l'Assemblée générale de l'ONU, même si les États-Unis ont estimé avoir limité la casse dans l'exercice.
Rôle plus actif de l'Union européenne et de la France
Après avoir rappelé «la confiance» qu'il avait en Emmanuel Macron et souligné qu'une telle reconnaissance, appelée de ses vœux par l'ancien ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius était «un investissement» pour la paix, Mahmoud Abbas a déclaré que «nous n'accepterons aucun plan de la part des États-Unis à cause de l'esprit partisan et à cause de la violation du droit international», liée à la décision américaine. «En cela, les États-Unis se sont disqualifiés eux-mêmes», a ajouté le leader palestinien, qui appelle à un rôle plus actif de l'Union européenne et de la France en particulier.
Malgré cet appel du pied, et tout en reconnaissant que «les Américains se sont marginalisés» après la décision de Donald Trump, Emmanuel Macron ne veut pas prendre de risques en avançant des idées ou une initiative, dont la concrétisation serait plus qu'aléatoire. À Paris, on déclare officiellement attendre de connaître le contenu de l'initiative de paix américaine, censée accompagner la récente décision de Donald Trump. C'était précisément l'une des raisons du voyage que Mahmoud Abbas a effectué à Riyad, juste avant de venir à Paris.
Interrogé sur de possibles négociations via l'Arabie sur ce futur plan de paix américain, le chef de l'Autorité palestinienne a botté en touche, se bornant à rappeler que le roi et le prince héritier Mohammed ben Salman, proche de Donald Trump et de son gendre Jared Kushner, très actif sur le volet israélo-palestinien, l'avaient assuré qu'il ne pourrait y avoir de paix sans un état palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, aux côtés d'Israël. Bref, officiellement, tout le monde en reste à attendre cette initiative américaine, avant de marquer clairement ses positions. Et peut-être de passer à l'action pour Emmanuel Macron.
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Val-de-Marne: le dealer «intouchable» sera renvoyé au Cameroun (21.12.2017)
Par Edouard de Mareschal
Mis à jour le 22/12/2017 à 12h45 | Publié le 21/12/2017 à 13h21
Vendredi, le rapatriement du dealer camerounais qui bénéficie d'une immunité diplomatique était en bonne voie. La veille, le ministère des Affaires étrangères étudiait «les mesures susceptibles d'être prises» à son encontre pour que la situation cesse.
Le dealer camerounais qui faisait valoir son immunité diplomatique pour poursuivre ses activités en toute impunité dans une cité du Val-de-Marne est sur le point de repartir à Yaoundé. Plusieurs sources confirmaient vendredi que l'ambassade camerounaise, pour l'instant injoignable, avait pris la décision de rapatrier l'individu au Cameroun.
L'homme est connu des services de police pour tenir un point de trafic de stupéfiant à la cité Duclos de Villejuif. Fils d'un employé de l'ambassade du Cameroun, il a fait valoir son immunité diplomatique pour narguer les policiers qui venaient l'interpeller. Vendredi dernier, les fonctionnaires de la brigade anti-criminalité de Kremlin-Bicêtre étaient repartis sous les insultes de jeune homme de 20 ans... sans pouvoir l'embarquer. «Hey bande de fils de p…! Baissez les yeux! Baissez les yeux p…! Vous êtes chez moi ici, vous ne pouvez rien contre moi! Je suis intouchable bande de p…» , aurait-il proféré à leur encontre, selon Le Parisien qui révélait mercredi l'information.
«Il nous filme, prend des photos, met ça en ligne…»
La veille, l'individu avait déjà été interpellé par les enquêteurs de la brigade des stupéfiants de Paris XIII. Mais l'opération a fait long feu. Arrêté à 13h chez lui, il ressortait libre deux heures plus tard sur décision du parquet, avec les 480 euros retrouvés dans sa chambre et des téléphones saisis lors de l'intervention.
Le jeune homme, soupçonné de tenir un point de deal du quartier, avait fait valoir son immunité diplomatique dont la véracité a été confirmée par le quai d'Orsay. Il serait le fils d'un jardinier de la représentation diplomatique camerounaise. «Quand il est tout seul, c'est lui qui baisse les yeux. Mais quand il est avec ses copains, il est insupportable. Même quand on ne vient pas pour lui, il la ramène. Il nous filme, prend des photos, met ça en ligne… Bref on est un peu blasés avec lui», expliquait un policier au Parisien.
Dans un courrier adressé mercredi à l'Intérieur, aux Affaires étrangères et à la Justice, le maire de Villejuif Franck Le Bohellec expliquait que l'homme aurait «déjà fait l'objet de plusieurs procédures: infraction à la législation sur les stupéfiants à deux reprises en avril et juin 2016 puis un refus d'obtempérer en juillet 2017». Mais fort de sa protection diplomatique, il s'en est systématiquement sorti sans la moindre poursuite judiciaire. Une situation qui lui a permis d'être particulièrement outrancier avec les policiers, contre qui il aurait proféré des menaces de mort.
En conclusion de sa lettre, le maire de Villejuif demandait au gouvernement de «trouver très rapidement les solutions adaptées pour la rétablir la République dans ses prérogatives et réaffirmer l'ordre public».
Message entendu au quai d'Orsay, où l'on confirmait avoir été informé de ce dossier. Jeudi, on étudiait «les mesures susceptibles d'être prises à l'encontre de cette personne pour les faits qui lui sont reprochés», a-t-on fait valoir dans les services.
La veille, la présidente du conseil régional d'Île-de-France Valérie Pécresse avait demandé «une réaction immédiate de Jean-Yves Le Drian et de Gérard Collomb». «On ne peut défier impunément nos lois», a-t-elle écrit dans un message publié sur Twitter, demandant la «levée de l'immunité diplomatique et l'expulsion de ce dealer».
Journaliste Web.
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Le réchauffement climatique affecte les migrations de populations (21.12.2017)
Par Cyrille Vanlerberghe
Mis à jour le 21/12/2017 à 21h24 | Publié le 21/12/2017 à 19h43
Une étude américaine mesure l'impact du climat sur les demandes d'asile dans l'Union européenne.
De nombreuses études ont été menées pour tenter de voir l'impact du réchauffement climatique sur l'immigration dans le monde, mais les données sont souvent partielles, limitées à des pays ou à des régions du monde. Deux chercheurs de l'université Columbia à New York publient dans la revue Science une étude très large, prenant en compte 103 pays et la variation du nombre de demandeurs d'asile dans l'Union européenne, de 2000 à 2014, avant la période de troubles en Syrie et en Afrique du Nord qui ont déclenché la crise migratoire actuelle.
«On constate que dès qu'on s'éloigne d'un optimum autour de 20 °C dans le pays d'origine, on a une augmentation du nombre de demandes d'asile dans l'Union européenne»
Anouch Missirian, chercheuse à l'université Columbia
Ils constatent un effet très net des hausses des températures sur le nombre de migrants. Plus les températures augmentent, plus les arrivées en Europe s'accroissent. «On constate que dès qu'on s'éloigne d'un optimum autour de 20 °C dans le pays d'origine, on a une augmentation du nombre de demandes d'asile dans l'Union européenne, explique Anouch Missirian, jeune chercheuse française à l'université Columbia et premier auteur de la publication. Et l'effet est plus fort quand les températures augmentent que quand elles décroissent.»
Autre conclusion importante, plus la température moyenne dans un pays est élevée pendant la saison des cultures, plus le réchauffement aura un impact important sur le nombre de déplacés. À réchauffement égal dans le futur, le Niger (30 °C en moyenne) risque par exemple d'être plus touché par une augmentation de 1 °C que l'Afghanistan (21 °C en moyenne). Dans les pays où la température moyenne pendant la saison des cultures est aujourd'hui inférieure à 20 °C, comme la Serbie ou le Pérou, le réchauffement devrait en revanche réduire le nombre de personnes poussées à l'émigration.
Cette température «optimale» proche de 20 °C n'est pas vraiment une surprise, puisqu'elle correspond en fait à l'optimum connu pour la productivité des cultures céréalières, telles que le maïs ou le riz, qui sont la principale ressource alimentaires pour de nombreuses populations dans le monde. «Ça nous a un peu rassurés de trouver que l'optimum était à 20 °C, puisque cela confirme que l'impact du climat sur l'agriculture a bien des conséquences pour l'immigration», précise Anouch Missirian. Le deuxième auteur des travaux, Wolfram Schlenker, a beaucoup travaillé sur l'effet des températures sur les rendements des céréales aux États-Unis.
«Les migrants économiques peuvent aussi être des migrants climatiques»
«Ce résultat est très intéressant car il confirme à grande échelle, sur un très grand nombre de pays, ce qu'on peut observer avec les études qualitatives que l'on a réalisé en certains points du monde», commente François Gemenne, directeur de l'observatoire Hugo sur les migrations et l'environnement à l'université de Liège (Belgique) et chercheur à Sciences Po à Paris. «Les variations climatiques ont clairement un impact sur les flux migratoires, même si ce n'est jamais la seule cause. La moitié de la population en Afrique dépend de l'agriculture de subsistance, et dès qu'il y a une baisse des récoltes, il y a une perte directe de revenus, et un impact sur l'immigration. Les migrants économiques peuvent aussi être des migrants climatiques.»
La chercheuse a fait un énorme travail pour caler les archives climatiques mondiales de l'université du Delaware avec les zones agricoles recensées dans 103 pays, et regarder l'impact des écarts de températures. Les chiffres de demandes d'asile en Union européenne proviennent des bases de données du Haut-Commissariat aux réfugiés, qui sont librement accessibles sur Internet. Ils montrent une hausse constante du nombre de demandes d'asile: de 200.000 en 2006 on passe à 626.000 en 2014 avant d'exploser en 2015 et 2016 (1,2 million chaque année) du fait de la guerre en Syrie et en Irak. Ces travaux ont en partie été financés par le JRC, un centre de recherche de la Commission européenne qui s'intéresse à l'impact futur du climat sur les migrations.
Dans le meilleur des scénarios climatiques, avec une réduction forte des émissions de gaz à effet de serre, la hausse des demandeurs d'asile dans l'UE serait d'environ 28 % à la fin du siècle
Après avoir constaté l'effet du réchauffement sur les migrations pour la période 2000-2014, les chercheurs de Columbia ont fait une projection, pour tenter de voir quel effet pourrait avoir un réchauffement donné. Et leurs résultats font froid dans le dos. Dans le meilleur des scénarios climatiques, avec une réduction forte des émissions de gaz à effet de serre, la hausse des demandeurs d'asile dans l'UE serait d'environ 28 % à la fin du siècle.
Si on suit en revanche la trajectoire actuelle d'émissions de gaz à effet de serre, ce qui produirait un réchauffement autour de 4 °C en 2100, le flux migratoire vers l'Europe devrait doubler, avec 350.000 demandeurs d'asile de plus chaque année. Mais la chercheuse française reconnaît elle-même les limites de ces projections. «Nous ne voulons pas prétendre prédire l'avenir. Ce modèle donne des ordres de grandeur, mais ne tient pas compte des mesures d'adaptation possibles, comme des cultures plus résistantes à la sécheresse par exemple, qui peuvent réduire l'impact du réchauffement.»

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«Tous les migrants illégaux en Europe proviennent de zones arides» (21.12.2017)
Par Marielle Court
Mis à jour le 21/12/2017 à 21h39 | Publié le 21/12/2017 à 17h55
INTERVIEW - Outre l'exode des populations, le réchauffement climatique participe au développement du terrorisme, avertit Monique Barbut, secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification.
LE FIGARO.- Est-il pertinent d'établir un lien entre le climat et les migrants?
Monique BARBUT.- Il y a aujourd'hui dans le monde 500 millions de fermes de moins de deux hectares. Elles emploient deux milliards d'individus et nourrissent 80 % de la population. Si ces petits paysans qui sont en auto-subsistance subissent deux ou trois années de sécheresse à la suite, ils perdent tout.
Pour autant, ils ne débarquent pas dans la foulée sur les côtes européennes?
Cela se passe en deux ou trois temps. Dans la plupart des cas, les hommes vont quitter leur terre et venir dans les grandes villes avec l'espoir de trouver un emploi. En vain la plupart du temps. C'est là qu'ils peuvent tenter de migrer, d'abord dans des pays voisins ou bien tomber sur des passeurs pour aller plus loin. Mais sur place, ces jeunes hommes vont aussi être à l'origine de troubles sociaux.
«Au Mali, al-Qaida a pu s'installer dans les villages en profitant de la vulnérabilité de ces populations, en promettant de les nourrir et de les protéger»
Comme en Syrie?
Avant le conflit, il y a eu quatre ans d'une sécheresse épouvantable. On sait qu'environ un million de paysans ont quitté leurs terres pour se rendre en ville où ils ont croisé un million d'Irakiens réfugiés de la guerre. Deux millions d'hommes complètement démunis qui se retrouvent dans des villes, cela aboutit à des conflits. Attention, je ne dis pas que climat et sécheresse sont les seuls responsables. Mais cela y participe grandement.
Ces phénomènes climatiques font aussi le lit du terrorisme dites-vous?
Là encore, le lien n'est pas direct. Mais prenons l'exemple du nord du Mali. Sécheresse après sécheresse, les hommes sont partis pour tenter leur chance ailleurs, laissant derrière eux femmes et enfants. Al-Qaida a pu s'installer dans les villages en profitant de la vulnérabilité de ces populations, en promettant de les nourrir et de les protéger.
«D'ici à 2045, on prévoit, toujours pour des questions de sécheresse, le déplacement de 135 millions de personnes dans le monde dont près de 60 pourraient converger vers l'Europe»
Les prévisions en matière de réchauffement climatique laissent augurer de graves problèmes…
Quand bien même on arriverait à maintenir à 2 °C la hausse moyenne de la température mondiale, cela voudra dire plutôt 4 °C dans certaines régions d'Afrique. Les années de sécheresse vont être de plus en plus fréquentes. Ce n'est pas tenable.
Y a-t-il des projections de migrations?
Nous avons effectué un travail avec l'armée britannique. D'ici à 2045, il prévoit, toujours pour des questions de sécheresse, le déplacement de 135 millions de personnes dans le monde dont près de 60 pourraient converger vers l'Europe. Et n'oubliez pas que tous les migrants illégaux aujourd'hui en Europe proviennent de zones arides.
Quelles sont vos préconisations?
Notre message est qu'il faut absolument réhabiliter les terres dégradées. Elles peuvent toutes l'être. Nous avons lancé le programme des trois «S»: soutenabilité, stabilité et sécurité. On travaille à partir des camps de réfugiés. Le premier chantier est au Niger. On réinstalle les personnes sur leur terre, on les forme et on les paye durant trois ans, le temps nécessaire pour que la terre redevienne fertile. Un tel programme est infiniment moins onéreux que de les maintenir dans des camps. Systématiser ces projets peut nous permettre de créer dix millions d'emplois le long de la bande sahélienne.

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Le passé des juifs d'Europe de l'Est ressurgit à travers d'anciens papiers cachés dans une église (21.12.2017)
Par Le figaro.fr et AFP agencePublié le 22/12/2017 à 11h30
Pendant des décennies à Vilnius, en Lituanie, le confessionnal d'une église a gardé son secret: un trésor de documents offrant un riche panorama de la vie juive en Europe de l'Est avant et pendant l'Holocauste.
Textes religieux, littérature et poésie yiddish, témoignages sur les pogroms, autobiographies, photos... Pendant des décennies à Vilnius, le confessionnal d'une église lituanienne a gardé son secret: un trésor de documents offrant un riche panorama de la vie juive en Europe de l'Est avant et pendant l'Holocauste. Certaines pièces remontent au milieu du XVIIIe siècle et «la diversité de cette collection est à couper le souffle», commente David Fishman, qui enseigne l'histoire juive au séminaire théologique juif de New York, interrogé par téléphone.
Cette découverte est une «surprise totale», souligne-t-il. «On pourrait quasiment reconstruire la vie juive d'avant l'Holocauste en se basant sur ces documents car il n'y manque aucun aspect, aucune région, aucune période.» Cachés sous le nazisme puis à l'époque soviétique, ils ont été mis au jour cette année à l'occasion du transfert des archives de l'église vers la bibliothèque nationale lituanienne, récemment rénovée à Vilnius. Ils constituent, avec une cache plus grande trouvée à Vilnius il y a près de trente ans, «la découverte la plus importante pour l'histoire juive depuis celle des manuscrits de la mer Morte dans les années 1950», affirme M. Fishman.
Parmi les pièces les plus précieuses figurent des manuscrits originaux de poèmes écrits dans le ghetto de Vilnius par le grand poète yiddish Avrom Sutzkever, dont le texte déchirant «À mon frère». «Nous avions les versions qu'il avait reconstituées de mémoire et publiées juste après la guerre», ayant survécu à l'Holocauste, explique David Fishman. «Maintenant nous avons les manuscrits qu'il a écrits dans le ghetto, et il y a des différences, c'est une découverte très importante.»
La Jérusalem du Nord
Un contrat conclu en 1857 entre les porteurs d'eau juifs de Vilnius et la célèbre académie rabbinique (yeshiva) Ramailes, permet d'entrevoir la vie quotidienne il y a 160 ans: en échange d'une bible et d'un Talmud (texte fondamental du judaïsme), la yeshiva a laissé les porteurs d'eau utiliser gratuitement une salle pour les prières du shabbat et des fêtes juives.
Le grand livre des patients de Zemach Shabad, médecin et militant social et politique, se trouve aussi parmi les documents vus par un journaliste de l'AFP. Vilnius (Vilna en hébreu et Vilne en yiddish), parfois surnommée la «Jérusalem du Nord», était autrefois un centre vibrant de la vie culturelle et religieuse juive, avec des centaines d'organisations sociales, religieuses et culturelles.
Créé en 1925, l'Institut scientifique yiddish YIVO, cofondé par Zemach Shabad, comptait parmi les institutions les plus importantes de la communauté. Une branche new-yorkaise a ouvert un an plus tard et est devenue le QG de l'organisation après l'invasion allemande de l'Europe orientale.
Trafiquants de livres
Les nazis ont détruit la communauté juive lituanienne et ont pillé son patrimoine culturel après avoir occupé Vilnius en 1941. Dans The Book Smugglers (les trafiquants de livres), David Fishman raconte comment les nazis ont utilisé des poètes et des intellectuels juifs lituaniens pour rassembler les biens culturels les plus précieux, en vue de les expédier à un institut en projet en Allemagne, censé étudier ce peuple qu'ils voulaient exterminer. Une partie des documents pillés a rejoint Francfort mais des habitants du ghetto juif se sont mobilisés pour en cacher un grand nombre, risquant leur vie.
Après la guerre, un bibliothécaire lituanien, Antanas Ulpis, a sauvé une nouvelle fois ces manuscrits des occupants soviétiques qui comptaient les détruire, dans le cadre des purges antisémites lancées par Staline: il en a dissimulé une partie sous une pile de journaux soviétiques que personne n'avait envie de lire, alors qu'ils se trouvaient dans un confessionnal de l'église Saint-Georges, convertie en entrepôt de livres par les Soviétiques.
Les documents sont restés là pendant des décennies, jusqu'à leur découverte cette année et leur transfert à la bibliothèque nationale, où ils ont rejoint des archives juives plus importantes mises au jour à Vilnius il y a près de trente ans, après la chute de l'URSS. L'ensemble de la collection compte environ 170.000 pages.
Histoire en ligne
Depuis 2015, l'Institut YIVO de New York s'est lancé dans un vaste projet de numérisation de cette collection, ainsi que des documents juifs de Vilnius trouvés par l'armée américaine en Allemagne en 1946. Pour Simonas Gurevicius, l'un des rares Juifs de Vilnius qui parle encore yiddish, la découverte de ces manuscrits prouve qu'Hitler et Staline n'ont pas réussi à effacer de la surface de la terre la langue et la civilisation yiddish qu'elles représentent.
«L'étoile de la Jérusalem du Nord s'est presque éteinte, mais sa lumière brille encore», a dit M. Gurevicius à l'AFP. Environ 195.000 Juifs lituaniens ont péri pendant l'occupation nazie entre 1941 et 1944. Quelque 3.000 Juifs vivent aujourd'hui en Lituanie, un pays de 2,8 millions d'habitants membre de l'Otan et de l'Union européenne.
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Serge Klarsfeld réclame l'interdiction de la réédition des pamphlets antisémites de Céline (22.12.2017)
Par Jean Talabot et AFP agenceMis à jour le 22/12/2017 à 11h54 | Publié le 22/12/2017 à 11h25
Défenseur de la cause des déportés juifs de France, l'avocat et historien a demandé mercredi dans L'Obs l'interdiction de la réédition des textes polémiques de l'auteur de Voyage au bout de la nuit.Il n'est cependant «pas pour une censure totale du texte».
Le débat est rouvert. En question, la prochaine réédition des pamphlets antisémites et racistes de Louis-Ferdinand Céline, à savoir Bagatelles pour un massacreL'école des cadavres et Les Beaux draps, écrits entre 1937 et 1941.
Mais grâce à un accord passé avec sa veuve, Lucette Destouches, aujourd'hui âgée de 105 ans, Gallimard devrait publier ces œuvres sous le titre Écrits polémiques pour le printemps 2018. Lucette Destouches s'y était jusqu'alors toujours opposée, conformément aux souhaits de Céline. Une décision qui révolte Serge Klarsfeld, défenseur de la cause des déportés juifs de France. Dans un entretien publié mercredi par L'Obs, l'écrivain et historien demande que soit interdite cette prochaine réédition.
«Je réclame» une «interdiction en tant que président de l'association des fils et filles de déportés», s'est exprimé Serge Klarsfeld, inlassable militant de la mémoire de la Shoah.
«Les pamphlets tombent tout simplement sous le coup de la loi»
Serge Klarsfeld
«S'il est possible de demander une interdiction préventive - puisque finalement ces textes sont connus et qu'on peut imaginer les faire lire à un magistrat avant la republication prévue par Gallimard -, nous le ferons», indique l'avocat et historien.
Dans un courrier adressé le 12 décembre à l'éditeur, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Frédéric Potier, avait demandé des garanties quant à «la qualité de l'appareillage critique» qui accompagnera cette réédition. Mais pour Serge Klarsfeld, «aucun appareillage critique ne peut alléger la teneur» des propos «abjects» de Céline.
Ses pamphlets «tombent tout simplement sous le coup de la loi», affirme-t-il encore. «On interdit Soral (essayiste d'extrême droite condamné pour négationnisme, NDLR), mais pour moi, Soral ou Dieudonné (polémiste habitué des tribunaux pour ses sorties antisémites), en matière d'antisémitisme, c'est une sarbacane, alors que Céline, c'est une bombe atomique».
Replacer les œuvres dans leur contexte
Les éditions Gallimard assurent que leur «intention est d'encadrer et de replacer dans leur contexte des écrits d'une grande violence, marqués notamment par la haine antisémite de l'auteur». L'appareil critique et l'avertissement seront établis par Régis Tettamanzi, un spécialiste de l'œuvre célinienne, Pierre Assouline signant la préface.
Les écrits de Céline tombant dans le domaine public en 2031 (soit 70 ans après sa mort), «il a paru juste» à Gallimard «de prendre en charge l'ensemble de cette œuvre, de l'expliquer plutôt que de la laisser à la libre interprétation de lecteurs mal avertis», fait valoir la maison.
Serge Klarsfeld précise qu'il n'est «pas pour une censure totale du texte»: «Que les universitaires étudient ce livre pour comprendre, aillent en bibliothèque pour le consulter, pas de problème». Mais «imaginer qu'on puisse rentrer dans une librairie et trouver ça dans dans les rayonnages, je trouve ça insupportable», termine-t-il.
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Fabrice Hadjadj : «L'Incarnation, dernier rempart contre le transhumanisme et l'islamisme» (21.12.2017)
Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 21/12/2017 à 19h13 | Publié le 21/12/2017 à 18h17
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le philosophe* publie un recueil de chroniques où il mêle des réflexions inspirées de la vie quotidienne sur le sexe, la religion, la technique et le travail. Entre Houellebecq et Chesterton, il nous livre une savoureuse critique de l'époque. Et nous rappelle le sens du mystère de Noël.
LE FIGARO. - Dans votre livre, Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi), vous chroniquez le devenir de notre humanité, menacée par l'emprise grandissante de la technique. Seriez-vous technophobe, ou pire «décliniste»?
Fabrice HADJADJ. - En vérité, je suis absolument technophile. L'enjeu, à mes yeux, est même de sauver la technique. Car la technique n'a jamais été autant en recul qu'aujourd'hui. Un personnage de Houellebecq dans Les Particules élémentaires en fait l'aveu: «Mes compétences techniques sont largement inférieures à celle d'un homme de Neandertal.» Jusqu'à une époque récente, l'homme a eu des mains, organes très spirituels, de réceptivité plus que de préhension, sortes de fleurs animées capables de faire fleurir le monde, d'étoiles de chair pouvant saluer, bâtir, offrir, rayonner sur les choses. Mais l'organisation technologico-marchande a fait de nous des manchots. Le progrès technologique est le plus souvent une régression technique. Au lieu de jouer d'un instrument de musique, on clique sur une playlist. Au lieu de faire des choses, on les achète, grâce au salaire gagné à gérer des tableaux Excel et des présentations PowerPoint. L'innovation n'a pas besoin de moi pour être critiquée: elle suppose l'obsolescence de ses merveilles ; pour mieux nous tenir en haleine dans l'oubli de nos mains, elle ne cesse de se détruire d'elle-même. Supposez que j'adhère pleinement à l'idée que l'iPhone X est vraiment le gadget ultime, avec son application Face ID, qui permet de convertir votre visage en moyen de paiement: Apple m'interdira de le faire, parce qu'il y aura l'iPhone XI puis le XII, et que je dois mettre une croix sur le X. Bref, un marteau a plus d'avenir que n'importe quel smartphone. J'ai d'ailleurs un marteau et une guitare qui appartenaient à mon père (il ne m'a pas légué son Blackberry 5790). C'est donc l'hégémonie technologique qui tend à favoriser le déclin de l'humain. Rien n'est plus décliniste même que les espoirs du transhumanisme: son projet n'est-il pas de nous désincarner, de remplacer le logos par le logiciel, et les savoir-faire par l'imprimante 3D? Il s'agit donc moins de tracer une limite entre bonne et mauvaise technologie que de comprendre que la technologie n'est bonne que si elle se met au service de la technique. Il est bon, par exemple, de regarder une vidéo YouTube pour redécouvrir la cuisine de grand-mère, faire un potager, coudre un vêtement ou menuiser un meuble…
«J'ai la naïveté de penser que cultiver la terre, se déplacer à cheval et lire la Bible en famille est tout de même mieux que de faire du trading haute fréquence, prendre le RER et consommer du Netflix»
Fabrice Hadjadj
Vous prônez le retour à une vie simple, le goût du foyer et de la décroissance. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de vouloir retourner à la bougie ou de vivre comme un amish?
J'aime bien les amish, je l'avoue. J'ai la naïveté de penser que cultiver la terre, se déplacer à cheval et lire la Bible en famille est tout de même mieux que de faire du trading haute fréquence, prendre le RER et consommer du Netflix. Cependant, je ne prône aucun «retour». Je ne veux pas déserter mon poste. Si la providence m'a fait naître à cette époque, c'est pour faire avec. Marx a très bien montré que les «robinsonnades» étaient complices de la logique capitaliste: on prétend retourner à la nature, refaire le monde avec quelques vieux outils sur une île déserte, mais par là on ignore que l'homme est par nature l'héritier d'une histoire, et l'on renforce le fantasme du self-made-man. Alors la vie simple, oui, bien sûr, qui ne voudrait d'une vie simple, au fond? Mais on n'y arrive pas sans drame. Ni sans composition - sans modus vivendi. Mon ton est d'ailleurs moins prescriptif que descriptif. Je ne crie pas: «Vive la décroissance!» J'observe seulement que la consommation des marchandises nous a fait perdre la pratique des choses. S'il fallait me rapprocher de certains courants politiques, j'évoquerais le mouvement Arts and Crafts de William Morris, et plus encore le distributisme de Chesterton (tous deux admirés par Houellebecq, du reste). À égale distance du socialisme et du capitalisme, et de leurs monopoles d'État ou de multinationale, ils préconisaient non pas une meilleure répartition des revenus (laquelle ne conteste pas la suprématie monétaire et marchande), mais une juste distribution des moyens de production, dans un éloge de la petite propriété familiale. À vrai dire, c'est une vieille histoire. Elle se trouve déjà dans la Genèse. Quand Laban propose à Jacob un meilleur salaire, celui-ci lui répond: «Et moi, maintenant, quand vais-je travailler pour ma maison?» (Gn, XXX, 30).
«La polarité sexuelle ne pourra jamais être réduite à un marché passé entre deux contractants. Emmanuel Lévinas disait qu'elle contenait toujours une part d'adoration et de profanation»
Fabrice Hadjadj
Vous êtes un grand défenseur de la différence des sexes. À l'heure où le désir est soit criminalisé par un féminisme puritain soit caricaturé par l'univers marchand, quel regard portez-vous sur les relations hommes-femmes?
Là encore, je ne suis pas un défenseur des sexes, je remarque simplement que j'en ai un, assez capricieux, d'ailleurs, et qui n'est pas l'autre. Si seulement nous étions encore dans la guerre des sexes, genre Lysistrata! Mais non, ce qui se joue à cette heure c'est la concurrence victimaire et le contentieux contractuel. Je m'explique. Nous devons dénoncer le harcèlement, le viol et rendre justice, mais le mode de dénonciation qui est en cours a des soubassements néo-libéraux, qui n'ont rien à voir avec les sexes. On veut dénier l'obscurité du désir, on prétend que toutes les relations devraient se dérouler comme le contrat passé entre deux agents rationnels dont les intentions sont parfaitement transparentes. Pour éviter toute accusation éventuelle, les maris auront la prudence d'obtenir un consentement signé de leur épouse, et éventuellement de la payer pour son «travail émotionnel». Mais ça ne marche pas comme ça. Et même ça ne marche jamais. La polarité sexuelle ne pourra jamais être réduite à un marché passé entre deux contractants. Emmanuel Lévinas disait qu'elle contenait toujours une part d'adoration et de profanation. Il faut donc lutter - d'abord en soi-même - contre la violence faite aux femmes, mais il faut aussi admettre que le désir qui pousse un homme vers une femme - et réciproquement - n'a rien à voir avec la fiction de l'agent rationnel telle que l'invente la théorie économique moderne.
Dans l'une de vos chroniques, vous faites un lien entre terrorisme et technocapitalisme… Selon vous, la propagation de l'idéologie djihadiste trouve un terreau favorable dans la mondialisation spectaculaire et marchande?
L'affrontement entre consumérisme et islamisme n'est que superficiel: c'est la même forma mentis ; dans les deux cas, il s'agit d'atteindre le paradis en appuyant sur des boutons. Daech n'a rien d'un retour des prétendues ténèbres médiévales. C'est un mouvement postmoderne, constitué par des individus déracinés, qui se recrutent par Internet, qui font des selfies avec kalachnikov et des vidéos d'égorgement dans des mises en scène de série télévisée, enfin qui subsistent grâce aux pétrodollars. Leur «Dieu» ne s'est pas fait chair. Il n'est ni charpentier ni talmudiste - ce qui leur aurait donné, avec le sens du concret, un certain sens de l'humour. Le djihadisme est peut-être une réaction au vide occidental, à son absence de sens ou de transcendance, mais c'est aussi une extension de ce vide, une perte radicale de la terre, de la culture et de l'histoire.
«Nous sommes les premières générations à être assurées non seulement que « les civilisations sont mortelles », comme disait Valéry, mais que l'espèce humaine est vouée à l'extinction»
Fabrice Hadjadj
Vous terminez votre recueil par un «conte de Noël». À l'heure où la consommation a pris le pas sur le rite, quel sens peut encore avoir cette fête chrétienne?
Nous en arrivons à la consommation des siècles. Notre système est très fragile. La collapsologie est devenue une science très en vogue. La dinde aux marrons peut grossir jusqu'à nous boucher la vue, le fait est là: la pie-grièche à ventre rose disparaît du territoire français. Nous n'en sommes qu'au début de la disparition des espèces et des énormes flux migratoires consécutifs au réchauffement climatique. Le black-out n'est pas loin qui éteindra toutes les illuminations des artères commerciales: heureux ceux qui auront encore des bougies! Quant aux cyborgs, qu'on nous présente comme des immortels, ils ne trouveront plus à recharger leurs prothèses ou à changer leurs pièces, et ils tomberont en panne. En fait, je ne suis ni décliniste ni progressiste. Je suis très simplement apocalyptique. Nous sommes les premières générations à être assurées non seulement que «les civilisations sont mortelles», comme disait Valéry, mais que l'espèce humaine est vouée à l'extinction - à plus ou moins long terme. Quel est le sens de cette certitude? Et pourquoi continuer, dès lors, avec l'aventure humaine? Il faudra bien, une fois que les écrans ne s'allumeront plus, que l'on se pose pour de bon la question. Alors on apercevra peut-être l'étoile au-dessus de l'étable de Bethléem: ce bébé juif qui paraît au milieu de la nuit, entre sa mère, son père, le bœuf et l'âne, l'adoration des bergers et des rois, c'est l'Éternel qui nous dit qu'il est bon d'être humain, d'avoir un corps, de travailler de ses mains, de parler du ciel à travers les simples choses de la terre, et que même si le monde devait disparaître demain - la figure de ce monde passe, dit saint Paul - il faudrait encore tenir notre poste, planter des arbres, élever des enfants, leur transmettre la poésie de la louange et de la supplication. Ce mystère de l'Incarnation sera le dernier rempart contre le transhumanisme, l'islamisme, l'animalisme, le spiritualisme et toutes les autres formes contemporaines de la désespérance.
Directeur de l'université Philantropos. Il publie «Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi)», Taillandier, 352 p., 18,90 €.

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Journaliste Débats et opinions
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Un collégien sur deux a déjà subi des violences verbales ou physiques (22.12.2017)
Par AFP agence • Le Figaro Etudiant • Publié le 22/12/2017 à 12:24
Les collégiens sont plus nombreux à se sentir à l’aise à l’école qu’en 2013. Crédits photo: De Syda
Deux larges études donnent à voir une situation plutôt positive sur la perception de la vie au collège chez les jeunes français. Malgré un sentiment global positif, un sur deux a déjà été victime de violences.
Plus de 94% des collégiens déclarent se sentir bien dans leur établissement, un pourcentage en hausse par rapport à 2011 et 2013, selon une enquête du ministère de l’Éducation, qui montre également une baisse du taux d’enfants victimes de harcèlement. D’un autre côté, un collégien sur deux a déjà subi des violences, la plupart du temps verbales.
Les services de la Depp, la direction des statistiques du ministère, ont interrogé 21.600 élèves de 360 collèges représentatifs au printemps 2017, dans le public et le privé sous contrat, pour réaliser cette enquête nationale sur le climat scolaire et la victimation, après deux précédentes études réalisées en 2011 et 2013. Près de 74% des interrogés ont répondu dans le sens positif à au moins dix des douze questions posées sur le climat scolaire (qui évoquent l’ambiance de l’établissement, les copains, les relations avec les enseignants, etc.).
Humiliation et insultes sur les réseaux sociaux
Les violences signalées par les enfants sont les insultes, subies par 51% des collégiens. Les bagarres collectives impliquent deux fois plus les garçons (20% d’entre eux ont déjà participé) que les filles. Le vol de fournitures scolaires (48%), les surnoms désagréables (46%), et les mises à l’écart (39%) sont les cas les plus fréquents de harcèlement. Un classement identique à 2011 et 2013.
Les violences physiques sont bien plus rares que le harcèlement moral. Les bousculades, dont 34% des élèves se disent victimes, n’arrivent ainsi qu’en cinquième position de cette liste. Ces violences sont le plus souvent évoquées par les garçons tandis que les filles déclarent souffrir surtout d’ostracisme, d’un sentiment d’humiliation et d’insultes via les réseaux sociaux ou le téléphone portable.
L’enquête de la Depp indique que 5,6% des élèves «sont en situation de multivictimation» (qui traduit dans les faits une situation de harcèlement), contre 6,9% en 2013. Ce sont surtout des garçons (6,7% contre 4,4% des filles) et des élèves en classe de 6e (7,9% contre 3,7% en classe de 3e par exemple). L’un des harcèlements ayant le plus progressé depuis 2013 est l’insulte à propos du sexe, qui touche deux fois plus de filles (11,1%) que de garçons. En tout, 8,3% des collégiens ont déjà été victimes d’insultes sexistes. C’est 3 points de plus qu’il y a quatre ans.
Un sentiment global plutôt positif
Des chiffres qui ne doivent pas cacher un sentiment global positif, avec donc ce chiffre de 94% de collégiens qui ont déclaré se sentir «tout à fait bien ou plutôt bien» dans leur collège, contre 92,5% en 2013 et 92,8% en 2011. Côté scolaire, aussi, les jeunes interrogés semblent satisfaits de l’enseignement à l’école. Ainsi, 90,3% des enfants jugent qu’on «apprend tout à fait bien ou plutôt bien» dans leur établissement, un taux inchangé par rapport à 2011 et 2013. Ils sont en revanche beaucoup plus critiques pour les punitions, qu’ils ne sont que 70% à trouver «justes», avec une grosse différence: les filles sont 75% à les trouver justes, contre seulement 66% des garçons.
La différence entre les sexes se retrouve également dans les appréciations sur les relations entre élèves: si 92% des garçons disent avoir beaucoup d’amis, ce taux descend à 89% chez les filles. Les garçons sont aussi plus nombreux à se sentir en sécurité aux abords du collège et dans les transports scolaires.


Le djihadisme mis à nu (22.12.2017)
Par Charles Jaigu
Mis à jour le 22/12/2017 à 09h37 | Publié le 22/12/2017 à 08h44
Dans son ouvrage Djihadisme : le retour du sacrifice, le professeur Jacob ­Rogozinski décortique le fanatisme islamiste et parvient à dépasser la thèse du voyou frustré et celle du terrorisme politique.
Au fil des attentats suicides de ce début de millénaire, depuis les tours jumelles jusqu'aux Eglises coptes dans le Sinaï en passant par le Bataclan et la Promenade des Anglais, le phénomène a progressivement fait l'objet d'exégèses de plus en plus fines, mais aussi, forcément, de débats contradictoires sur la véritable nature du djihadisme. Il fallait un philosophe aguerri pour aller jusqu'au bout de ce débat. Et c'est ce qu'a fait Jacob Rogozinski, professeur à l'université de Strasbourg, dans un remarquable petit livre intitulé Djihadisme: le retour du sacrifice *.
Il y a du René Girard dans ce texte très dense, habité par une authentique démarche herméneutique, qui tente de comprendre le retour du sacrifice religieux dans nos sociétés sécularisées. L'auteur commence par dire tout ce que le djihadisme n'est pas. Il disqualifie d'emblée les thèses venues du postmarxisme (Alain Badiou) autant que de l'école libérale (Olivier Roy): les djihadistes ne sont pas seulement de minables voyous frustrés de ne pouvoir accéder aux voluptés que l'Occident offre à ses citoyens consommateurs. Ils ne sont pas de simples terroristes non plus, au service d'une stratégie politique, comme le furent les Palestiniens, les sionistes, les Arméniens, les anarchistes, assumant une violence au nom d'une fin qui la justifierait.
Toute vraie foi est ­radicale, sans pour autant engendrer le désir de semer la mort
Certes, la terreur stratégique fait aussi partie du djihad, car elle favorise la montée aux extrêmes, et peut déclencher la guerre civile entre les mécréants et les purs, comme le rappelle souvent Gilles Kepel, autre expert de ce débat, mais, écrit l'auteur, «ce n'est pas le dernier mot du projet djihadiste». Il ne suffit pas non plus d'en faire des croyants «radicalisés», car toute vraie foi est radicale, sans pour autant engendrer le désir de semer la mort.
Rogozinski préfère l'idée de messianisme fanatisé, cette «exaltation qui défigure une croyance» et amène un homme, par une série de transformations intérieures, à «se choisir une tout autre existence, comme s'il devait s'arracher à ce qu'il était précédemment, afin de renaître comme un homme nouveau». L'engagement djihadiste est bien «une conversion». L'analyse sociologique ne peut rendre compte de ce moment où un individu décide de se donner l'illusion d'une liberté qui le délivre de tout ce qui l'enchaînait. Le djihadisme n'est pas non plus réductible à une pathologie mentale ou un dérangement de l'esprit, encore moins une forme de nihilisme.
Sa logique est religieuse et suit des schémas d'identification qui sont inscrits dans les textes de l'islam. Ce n'est pas la fascination pour le néant qui ravit le djihadiste, mais un projet d'émancipation, un arrachement à la désolation spirituelle du monde, au discrédit de la politique qui ne peut rien pour le transformer. L'islam est une religion du salut, comme le judaïsme et le christianisme avant lui, et l'affect fondamental qui l'anime est l'espérance d'un monde d'égalité et de justice. Le djihad spirituel propose l'accès à une communauté des croyants réincorporés les uns aux autres après l'explosion.
L'islam devient un pôle d'identification pour les humiliés, les exploités et les exclus
Mais l'auteur ne s'arrête pas là. Il montre bien que l'islam aujourd'hui fournit mieux que tout autre le récit d'une vengeance des humiliés: «L'événement messianique implique une rupture totale, c'est aussi un moment d'inversion des injustices: les derniers deviennent soudain les premiers.» Il décrit justement ce «complexe d'Ismaël» hérité d'une très ancienne tradition, assimilant l'islam à Ismaël, ce frère aîné et bâtard, déshérité et banni par son père Jacob, qui lui préfère Isaac, son fils légitime et fondateur du judaïsme.
Dès lors, l'islam devient un pôle d'identification pour les humiliés, les exploités et les exclus. «C'est la rivalité pour le privilège de l'élection divine qui produit l'envie et la haine à l'égard des monothéismes antérieurs.» Rogozinski fait un rêve œcuménique pour sortir de cette impasse dans laquelle s'enferme le fanatisme islamique - et avant lui d'autres fanatismes juifs ou chrétiens. Il lui propose d'accepter un «partage de la promesse» de l'élection divine entre les trois monothéismes, qui sont, selon lui, «trois attestations différentes d'une même vérité». C'est un rêve, admet-il, car la croyance dans le «Coran incréé» donne à ce texte une valeur d'absolu, «quand la Torah et les Évangiles se présentent seulement comme des œuvres humaines inspirées par Dieu».
Le fanatisme est-il inhérent au messianisme des musulmans, des chrétiens et des juifs? Oui, chez ceux pour qui l'Un exclut le multiple. Les fanatiques devraient méditer cette maxime de Rumi, l'un des mystiques de l'Islam, que cite l'auteur: «La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve.»
*Djihadisme: le retour du sacrifice, Desclée de Brouwer, 257 p., 18,90 €.
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