Maryam
Namazie : « Il y a un tsunami d'athéisme dans le "monde
musulman" » (04.01.2018)
« C'est
grâce au Coran que je suis devenu athée » (03.01.2018)
La délicate
situation des femmes djihadistes faites prisonnières en Syrie (04.01.2018)
Complices ou
victimes, le désarroi des parents de djihadistes
Luc Ferry : «La
Réforme protestante, l'une des origines des Lumières» (03.01.2018)
Un cliché montre
la distance réelle qui sépare la Terre et la Lune (04.01.2018)
Gérard Chaliand :
«En Iran, l'effort de guerre a accentué les difficultés économiques»
(04.01.2018)
Meral
Aksener : «Je suis une rivale sérieuse pour Erdogan» (04.01.2018)
L'Europe
maintient l'ambiguïté sur une adhésion turque (04.01.2018)
Erdogan au Figaro
: «Turquie et France, une longue amitié» (04.01.2018)
À Paris, Erdogan
tend une main vers l'UE (04.01.2018)
Notre-Dame-des-Landes
: six Français sur dix encouragent Collomb à utiliser la force (04.01.2018)
Macron prépare
les esprits à sa décision sur Notre-Dame-des-Landes (04.01.2018)
Après Notre-Dame-des-Landes,
ces 50 projets d'aménagement ciblés par les zadistes (04.01.2018)
Éditorial :
«Casseurs des champs» (04.01.2018)
Maryam Namazie : « Il y a un tsunami d'athéisme
dans le "monde musulman" » (04.01.2018)
ENTRETIEN. Cette Iranienne
militante de la laïcité défend des apostats menacés de mort
dans 13 pays et appelle son camp – la gauche – à ne pas les trahir.
PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS MAHLER
Publié le 04/01/2018 à
09:06 | Le Point.fr
Maryam Namazie a fondé en 2007 en
Grande-Bretagne le Conseil des ex-musulmans, pour porter l’attention sur la
situation des apostats.
Née à Téhéran en 1966, Maryam
Namazie a quitté l'Iran après
l'avènement de la République islamique en 1979. Cette femme de gauche,
militante des droits de l'homme et des réfugiés, est devenue une passionaria de
la laïcité et une farouche opposante au relativisme culturel. En 2007, elle
fonde en Grande-Bretagne le
Conseil des ex-musulmans, pour porter l'attention sur la situation des apostats,
menacés de mort dans les États où s'applique la charia, et encore trop souvent
obligés à la discrétion dans nos pays occidentaux. En juillet dernier, à
Londres, Maryam Namazie a organisé une conférence sur la « liberté de
conscience et d'expression », le plus grand rassemblement d'ex-musulmans
de l'histoire. Entretien avec une combattante qui, depuis de longues années,
déplore que son camp politique – les progressistes – fasse alliance avec des
théocrates rétrogrades, bafouant ainsi la liberté d'expression au nom de
« l'islamophobie », tout en trahissant les victimes de l'islamisme
qui ne rêvent, eux, que d'universalisation de la laïcité.
Le Point : Vous
avez grandi à Téhéran. Comment êtes-vous devenue athée ?
Maryam Namazie : Je
suis devenue athée peu à peu. On peut arriver à l'athéisme par plusieurs
chemins. Pour moi, cela a été la conséquence naturelle du fait de vivre dans
une théocratie. Si Dieu me déteste à ce point, pourquoi croirais-je en
lui ? La révolution iranienne était de gauche et il y avait beaucoup
d'athées dans ce pays. Mais dans les années 1980 – la décennie
sanglante –, beaucoup d'entre eux ont été exécutés après des procès sommaires.
On leur demandait « croyez-vous en Dieu », et quand ils répondaient
« non », on les sortait et on les abattait. Parfois, des centaines
par jour. À titre personnel, je ne me suis jamais sentie ostracisée ou exclue
du fait de mon athéisme. À vrai dire, c'est quand j'ai fondé le Conseil des
ex-musulmans de Grande-Bretagne en 2007 que j'ai pour la première fois
rencontré des personnes qui étaient effrayées de se dire athées, et beaucoup
d'entre elles étaient nées sur le sol britannique. En Iran, il y a une réaction
anti-islamique, et la critique ou les moqueries contre la religion sont plus
normalisées qu'ici, en Grande-Bretagne. C'est évidemment ironique, sachant que
l'apostasie, le blasphème et l'hérésie sont tous des délits passibles de la
mort sous le régime islamique iranien.
Cela veut-il dire que même
dans un pays comme la Grande-Bretagne, il est toujours difficile de quitter une
religion comme l'islam ?
Cela n'est pas difficile pour
tout le monde. Certains ont le soutien de leur famille, comme cela a été mon
cas. Mais pour d'autres, cela reste toujours compliqué d'être considéré comme
un apostat. On voit notamment beaucoup de jeunes qui doivent faire face à la
violence, l'ostracisme et des menaces, tout cela parce qu'ils ne veulent plus
être musulmans. Nous avons ainsi des membres qui portent toujours le voile et
vont à la mosquée, des ex-musulmans qui vivent dans « le placard ».
D'autres souffrent de dépression et de tentations suicidaires. Et puis, bien
sûr, beaucoup choisissent de vivre librement en dépit des menaces et risques
que cela implique.
Quelle est la situation
actuelle des apostats dans les pays de culture musulmane ?
Les apostats sont en grand danger
dans les pays sous la loi islamique. Dans treize États, ils sont menacés de
mort. Dans bien d'autres, ils peuvent être tués par des mouvements de foule ou
par les familles au nom de « l'honneur ». Et même dans les pays où
légalement ils ne risquent pas la peine de mort comme en Égypte, ils peuvent toujours
perdre leurs droits civiques et risquent d'être assassinés par les islamistes.
Alors qu'ici, en Occident, les critiques de l'islam sont traités
d'« islamophobes », ce qui est de fait une interdiction du droit au
blasphème, les lois dans les pays islamiques servent à condamner beaucoup de
personnes – même les croyants – pour blasphème et apostasie, que ce soient des
minorités religieuses, des dissidents ou des libres-penseurs.
« Les pro-islamistes de
gauche comme l'extrême droite déshumanisent les musulmans en en faisant une
masse homogène »
Vous êtes une femme de gauche
très critique envers l'islam. Qu'est-ce qui vous distingue de ceux qui,
comme Éric Zemmour ou
Douglas Murray, critiquent cette religion de l'autre côté de l'échiquier
politique ?
Alors qu'ils se détestent entre
eux, il y a pourtant beaucoup de choses qui relient les pro-islamistes de
gauche et l'extrême droite. Les deux déshumanisent les musulmans en en faisant
une masse homogène et en les plaçant dans une case. Les pro-islamistes le font
en voyant dans les musulmans une communauté à défendre. Mais ils oublient ainsi
qu'ils ne défendent pas des valeurs de gauche et progressistes, mais ce que les
islamistes définissent comme une culture et religion « authentique ».
L'extrême droite, elle aussi, ne voit qu'une masse homogène envahissant
l'Occident. Ils oublient que beaucoup de ceux qui viennent ici – comme moi –
veulent justement fuir le mouvement islamique, que nous sommes contre le
totalitarisme et que comme n'importe qui nous voulons la liberté et des droits
qui ne sont pas occidentaux, mais universels.
Après la publication des
caricatures de Mahomet,
vous aviez, en compagnie de Salman Rushdie ou Ayaan Hirsi Ali, signé le
« Manifeste des douze contre le nouveau totalitarisme », publié
par Charlie Hebdo en 2006. Comment jugez-vous des écrivains
comme Joyce Carol Oates ou Russel Banks, qui, en 2015, alors que ce journal a
été décimé par des djihadistes, se sont opposés à ce qu'on lui remette un PEN
Award ?
Quelle trahison ! Quand un
écrivain considère les islamistes comme des représentants du
« disempowerment » (baisse du pouvoir masculin, NDLR) et voit
en Charlie Hebdo de « l'arrogance culturelle »,
c'est que notre monde est mis sens dessus dessous. Ils considèrent Charlie à
travers le regard de nos oppresseurs. Alors que pour moi, ce journal représente
ceux, nombreux, qui osent s'exprimer contre la religion et les conservateurs
religieux, et se retrouvent en retour accusés de blasphème et d'apostasie, ou
doivent fuir pour sauver leurs vies. Dire qu'on « soutient la liberté
d'expression, mais pas quand cela offense des personnes » comme l'ont fait
les signataires de cette pétition contre Charlie, ce n'est pas
défendre cette liberté d'expression ; c'est au contraire une défense de la
censure.
« Les réseaux sociaux
sont en train de faire à l'islam ce que l'imprimerie a fait au
christianisme »
Êtes-vous optimiste pour les
athées dans le monde islamique ?
Ce n'est pas le « monde
islamique », tout comme l'Occident n'est pas le « monde chrétien ».
Il y a tellement de croyances et d'opinions au Moyen-Orient, en Afrique du Nord
ou dans l'Asie du Sud... Il y a beaucoup d'athées et de laïcs, y compris chez
des croyants. Le fait de le qualifier de « monde islamique » fait
partie de cette offensive pour en faire justement des contrées uniformément
islamiques. Mais en réponse à cela, il y a un tsunami d'athéisme, et on le voit
clairement à travers les réseaux sociaux et Internet qui sont en train de faire
à l'islam ce que l'imprimerie a fait au christianisme.
Comment analysez-vous la
contestation dans votre pays natal, l'Iran, contre un régime dirigé par le
« réformiste » Rohani ?
Ces manifestations sont
différentes des précédents mouvements de révolte. Les gens ne veulent plus
faire marche arrière, ils n'ont plus aucune illusion sur la faction
« réformiste » de ce régime, et ils veulent en finir avec les lois
théocratiques. Les slogans sont contre la pauvreté, la corruption, mais aussi
contre la répression. Ciblant notamment le cléricalisme, ces protestations ont
eu lieu dans 60 villes à travers l'Iran, y compris la « ville
sainte » de Qom. Et l'une des caractéristiques de ce mouvement est qu'il
est féministe, comme l'a symbolisé la photo de cette femme brandissant son
voile au bout d'un bâton. C'est pour cela que cette contestation doit être
soutenue par les féministes et laïcs du monde entier.
LIRE aussi Iran : une révolte si singulière
SUR LE MÊME SUJET
« C'est grâce au Coran que je suis devenu athée »
(03.01.2018)
Auteur du « Petit
Terroriste », dans lequel il raconte son enfance salafiste, Omar Youssef
Souleimane défend la liberté de critiquer la religion. Entretien.
Modifié le 04/01/2018 à
09:29 - Publié le 03/01/2018 à 11:07 | Le Point.fr
Répudié par ses parents, Omar
Youssef Souleymane dit qu'il est désormais "un bâtard" : "Je
considère cela comme un impôt pour la liberté. Il faut toujours payer quelque
chose pour gagner sa liberté.", ajoute-t-il.
Comme dans le célèbre poème
de Paul Éluard qu'il
vénère, Omar Youssef Souleimane a par le pouvoir d'un mot,
« liberté », recommencé sa vie. Traqué par les services de
renseignements syriens après avoir participé au Printemps arabe, ce jeune poète
a fui Homs en 2012. Exilé, le trentenaire réside désormais en région
parisienne. Alors qu'à son arrivée à l'aéroport Charles-de-Gaulle le réfugié ne
savait que quelques mots en français – dont bien sûr le « liberté »
d'Éluard –, il publie dans sa langue d'adoption Le Petit Terroriste (Flammarion).
Un livre aussi bouleversant qu'hilarant, oscillant...
Le Danemark souhaite le départ
des réfugiés syriens
Pour le premier ministre et une
majorité de députés, les 21.000 Syriens arrivés dans le pays depuis 2011
« n'ont pas vocation à rester ».
Copenhague
Les quelque 21.000 réfugiés
syriens arrivés au Danemark depuis l'éclatement de la guerre civile en 2011 ont
peu d'espoir d'une nouvelle vie dans le royaume scandinave. En effet, selon le
premier ministre danois, Lars Loekke Rasmussen, «les nombreux réfugiés de
guerre syriens qui ont cherché refuge chez nous doivent retourner chez eux dès
que les conditions le permettront». Dans ses vœux du Nouvel An, le dirigeant
libéral a adressé un message clair, répondant en cela à l'appel pressant du
Parti du peuple danois (PPD, populiste), son allié de poids, incontournable au
Parlement, qui exige le rapatriement des réfugiés chez eux le plus tôt
possible. En attendant leur retour, il est «important, selon M.
Rasmussen, de
donner une formation aux réfugiés syriens en affirmant clairement
le but qu'ils doivent rentrer chez eux. C'est la meilleure aide que nous
puissions leur apporter».
Pour le gouvernement de centre
droit et une large majorité au Parlement, y compris l'opposition
sociale-démocrate, «les
réfugiés en général n'ont pas vocation à rester au Danemark». Ces
forces politiques misent sur leur retour et l'assistance aux pays limitrophes
des zones de conflit. Copenhague a fourni une aide humanitaire de plus de
2 milliards de couronnes (268 millions d'euros) aux réfugiés syriens
en Syrie et dans les pays voisins depuis 2011.
Le dirigeant danois se dit «fier
que le Danemark, par rapport à sa population, (soit) un des pays qui aide le
plus dans le monde, également en Syrie et dans son voisinage», et qui envoie
«ses soldats combattre le terrorisme, pavant ainsi la voie au retour des
réfugiés et à la reconstruction de leur pays». Néanmoins, «il ne faut pas
attendre pour renvoyer les Syriens chez eux dès maintenant dans certaines
parties du pays qui ont retrouvé la paix», déclare au Figaro Peter
Skaarup, président du groupe parlementaire du PPD.
«Cela n'a pas de sens»
Il exige du gouvernement «une
refonte totale de la politique d'asile pour qu'elle soit de plus en plus axée
massivement sur l'aide aux pays limitrophes des réfugiés», se félicitant que
«sous la pression du PPD, le nombre de demandeurs d'asile (ait) été le plus bas
depuis neuf ans à la suite de quelque 67 mesures dissuasives» : 3458
personnes ont demandé l'asile en 2017 contre 6266 en 2016 et 21.316 en 2015.
Mais renvoyer les réfugiés
syriens n'est pas réaliste. «La Syrie n'est pas prête à recevoir réfugiés et
déplacés en grand nombre. De grandes villes comme Alep, Homs et Raqqa sont
détruites», déclare au Figaro Christian Friis Bach, secrétaire
général de Dansk Flygtningehjælp (Aide aux réfugiés). «Sans une solution
politique solide et stable à la guerre, cela n'a pas de sens d'obliger les
réfugiés à rentrer chez eux, et encore moins de commencer la reconstruction
alors que les combats se poursuivent», ajoute-t-il.
Un avis partagé par Helle
Malmvig, chercheuse à l'Institut danois pour les études internationales. «Il
est difficile, confie-t-elle au Figarode prévoir quand la situation
en Syrie sera suffisamment stable pour que les réfugiés syriens au Danemark
puissent rentrer chez eux.» «Il y a une désescalade de la violence,
ajoute-t-elle, mais la guerre n'est pas terminée et la stabilité est encore
incertaine».
La rédaction vous
conseille :
- Le
Danemark légifère contre les Roms
- Une
Danoise de 15 ans préparait deux attentats
- Au
Danemark, les baptêmes se multiplient chez les migrants
- Au
Danemark, beaucoup de demandeurs d'asile renient l'islam
- Le
Danemark s'attaque aux imams radicaux
La délicate situation des femmes djihadistes faites
prisonnières en Syrie (04.01.2018)
Le porte-parole du gouvernement,
Benjamin Griveaux, a estimé jeudi qu'elles seraient jugées au Kurdistan «si les
droits de la défense» étaient respectés lors d'un «procès équitable». Les
avocats des intéressées réclament au contraire qu'elles soient rapatriées en
France pour faire face à la justice.
C'est l'une des préoccupations
majeures des autorités depuis l'effondrement de Daech: que faire des
djihadistes partis rejoindre le groupe terroriste en Syrie et aujourd'hui
emprisonnés? Si le sort des hommes semble scellé, celui des femmes et des
enfants demeure incertain. Cette épineuse question a été relancée il a quelques
jours par la démarche de deux avocats qui souhaitent faire rapatrier et juger
leurs clientes en France. Interrogé jeudi sur ce sujet, le porte-parole du
gouvernement, Benjamin Griveaux, a laissé entendre que les femmes djihadistes
pourraient, au contraire, être jugées sur place.
«La question est aujourd'hui de
savoir si, dans le Kurdistan syrien, il y a des institutions judiciaires qui
sont à même d'avoir un jugement qui soit respectueux des droits de la défense, a-t-il expliqué ce matin sur RMC. S'il y a des
institutions judiciaires qui sont aujourd'hui en capacité d'assurer un procès
équitable avec des droits de la défense assurés, elles seront jugées là-bas.»
Un tribunal international?
Interrogé par Le Figaro sur
cette annonce du gouvernement, le représentant en France des Kurdes en Syrie,
Khaled Issa, affirme que «si jamais le procès a lieu sur notre sol, ces droits
seront assurés». Certifiant que les autorités kurdes et françaises travaillent
ensembles sur la question des prisonniers, il estime qu'il est «trop tôt pour
se prononcer à l'heure actuelle, les dossiers étant en cours d'instruction».
«Concernant le jugement des 1300 terroristes [de toutes nationalités] capturés,
il est nécessaire que les alliés de la coalition anti-Daech trouvent un terrain
d'entente. Dans l'idéal, nous souhaiterions la mise en place d'un tribunal
international comme à Nuremberg, après la Seconde Guerre mondiale.»
«Flou total»
Un spécialiste de la zone
irako-syrienne, qui désire garder l'anonymat, explique que le problème des
prisonniers étrangers concerne surtout les femmes et les enfants, car «peu
d'hommes ont été arrêtés, beaucoup sont morts dans les combats». «Il y avait un
non-dit pendant la période des opérations sur l'élimination ciblée des Français
djihadistes. Aujourd'hui, la guerre touche à sa fin, mais nous sommes toujours
dans ce flou total au niveau institutionnel à propos de ces gens partis faire
le djihad. La France donne l'impression de ne pas vouloir les récupérer, tant à
cause du problème de l'engorgement judiciaire que de la mauvaise image que
donnerait une possible assistance apportée à des djihadistes.»
«Il est temps qu'il y ait un
positionnement politique clair, net et précis» sur la question des femmes en
zone irako-syrienne.
Me Marie Dosé, avocate d'une
femme emprisonnée au Kurdistan
En novembre 2017, le président de
la République, Emmanuel Macron, et le ministre des Affaires étrangères,
Jean-Yves Le Drian, énonçaient officiellement la position du gouvernement: les
combattants français devaient être jugés en Irak, État souverain dont
l'autorité judiciaire était reconnue par la France. Quant aux femmes et aux
enfants, l'exécutif
affirmait que les situations seraient évaluées «au cas par cas». En
revanche, pas un mot sur la Syrie, dont la partie dirigée par les Kurdes n'a
pas le statut étatique. Les Français arrêtés ne peuvent pas y bénéficier de la protection consulaire, Paris
n'ayant plus de représentation diplomatique dans ce pays depuis 2012.
L'annonce de Benjamin Griveaux
fait bondir Me Marie Dosé, avocate d'une femme djihadiste arrêtée dans une
région kurde de Syrie et souhaitant être jugée en France. «Il y a un mois, on
devait étudier “au cas par cas”, sans que l'on sache d'ailleurs vraiment sur
quel critère, explique-t-elle au Figaro. Et là, tout d'un coup, on
décide qu'elles seront jugées au Kurdistan syrien où il n'y a pas d'institution
judiciaire digne de ce nom. On nage en pleine improvisation! Il est temps qu'il
y ait un positionnement politique clair, net et précis. Soit l'on estime qu'elles
ont choisi l'obscurantisme et qu'elles doivent mourir dans l'obscurantisme,
soit l'on décide de traiter leur cas au regard du droit. Je comprends qu'elles
puissent faire peur, mais la justice antiterroriste française n'est pas
particulièrement connue pour son laxisme. À leur retour, elles iront en
prison.» L'avocate a écrit il y a deux jours au président de la République pour
évoquer le cas de sa cliente, sans obtenir de réponse pour le moment.
«Ils ne sont pas venus faire
du tourisme»
Une démarche qui rejoint celle de
Me Bruno Villay, avocat d'Émilie
König, partie en Syrie en 2012, présentée comme ayant été une recruteuse de
Daech, dont l'arrestation au Kurdistan irakien a été confirmée
récemment. Il estime que «tout doit être mis en œuvre pour faciliter leur
rapatriement, conformément aux engagements internationaux de la France». Il
précise que sa cliente se tient «à la disposition de la justice […] dans un
esprit de coopération». Me Vinay n'était pas disponible jeudi pour répondre à
nos questions.
La mère d'Émilie König explique
dans le quotidien Ouest-France , que sa fille demande
«pardon» et qu'elle se serait «repentie» pour tout ce qu'elle a fait. Un
argument balayé par Benjamin Griveaux et Khaled Issa estiment que les femmes
françaises capturées l'ont été en «combattant». «Tous ces prisonniers ne sont
pas venus faire du tourisme, ni apporter des fleurs à nos familles, explique le
représentant des Kurdes syriens. Ils ne cachaient pas leur engagement, au
contraire même, ils le revendiquaient. Ils sont venus pour se battre et ils ont
perdu.»
Il y a un mois, Jean-Yves Le Drian évaluait
à 500 le nombre de djihadistes français présents sur le théâtre
syro-irakien. À la mi-novembre, 244 adultes et une soixantaine d'enfants
étaient parvenus à revenir en France.
La rédaction vous
conseille :
- Djihadisme:
Emilie König demande à être jugée en France
- Retour
de djihadistes: Macron prône le «cas par cas» pour les femmes et les
enfants
Ses derniers articles
- La
délicate situation des femmes djihadistes faites prisonnières au Kurdistan
syrien
- Ahed
Tamimi, le nouveau visage de la révolte palestinienne
- Les
élections qui vont marquer l'année 2018
Complices ou victimes, le
désarroi des parents de djihadistes
ENQUÊTE - Ces dernières années,
la radicalisation de jeunes Français a frappé tous les milieux. Si certains
parents sont eux-mêmes des extrémistes, d'autres sont tombés des nues en
découvrant le départ de leur enfant pour les zones de guerre. Souvent pointés
du doigt, certains se mobilisent pour alerter sur le phénomène.
La révolte d'une mère contre ceux
qui ont embrigadé son fils, condamné à une lourde peine de prison pour
terrorisme. Les pleurs d'un père après la mort de son enfant parti pour le
djihad. Depuis le début de la guerre en Syrie et le départ de centaines de
Français et de Françaises, les «parents de djihadistes» font la une de l'actualité.
Pourtant, les pleurs de cette mère et de ce père n'ont pas été versés hier mais
il y a bientôt vingt ans. La mère, Aïcha, c'est celle de Zacarias Moussaoui, condamné
à la perpétuité aux États-Unis pour son rôle dans les attentas du
11 Septembre. Le père, Saïd, c'est celui d'Hervé Djamel Loiseau, parti
combattre en Afghanistan et mort de froid et de faim à Tora Bora en 2001.
Le phénomène des «parents de
djihadistes» est donc aussi ancien que celui du djihad dans sa version
«islamiste radical», soit plus d'un quart de siècle. Y compris le phénomène de
ces géniteurs eux-mêmes radicaux comme chez les Benchellali, où le père en
remontrait à ses fils, partis pour l'Afghanistan ou la Tchétchénie. Mais
l'opinion était alors convaincue qu'il s'agissait de «monstres» isolés.
Ces dernières années, le djihad
syro-irakien et l'État islamique ont fait exploser ces certitudes. D'une
dizaine de djihadistes français, on est passé à plusieurs centaines,
franchissant même la barre du millier. Le phénomène a touché tous les milieux.
Soudain, la France s'est rendu compte qu'un parent ne pouvait plus être
totalement certain de ne pas découvrir un jour que son fils ou sa fille avait
basculé dans l'extrémisme le plus mortifère de notre temps.
D'une soudaineté effrayante
Il faut aujourd'hui prêter
l'oreille et écouter ces pères et ces mères car ils ont quelque chose à dire
sur la réalité de l'islam radical en France et en Europe, sur ses moyens
d'influence et d'action. Correspondante à Bruxelles du quotidien La
Croix, Céline Schoen a ainsi rencontré les parents de cinq jeunes Français
et Belges partis pour la zone syro-irakienne et leur a donné la parole
dans un livre (1). Salariés ou inactifs, célibataires, divorcés ou mariés, de
culture «arabo-musulmane» ou chrétienne. Au-delà de leurs différences, ils
livrent les mêmes clés. Pour les non-musulmans, la conversion à l'islam n'a pas
créé de problème. Un des papas n'était-il pas lui-même devenu bouddhiste? Le
basculement de l'islam vers l'islamisme fut en revanche d'une soudaineté
effrayante. La famille devient parfois un véritable enfer.
«Il est devenu de plus en plus
intolérant, parce qu'on l'a rendu intolérant»
Véronique Roy, auteur de
« Quentin, qu'ont-ils fait de toi ? »
Ancien haut fonctionnaire au
ministère de la Défense et auteur d'un Guide du petit djihadiste(éditions
Fayard, 2016), Pierre Conesa raconte l'histoire de ce fils
radicalisé d'une famille juive que sa mère parvient à emmener au commissariat.
Devant sa maman, le fils lâche aux policiers: «Vous la croyez parce qu'elle est
juive»…
La radicalisation peut néanmoins
aussi s'accompagner du maintien d'un amour réciproque. Tel est le cas de
Véronique Roy, qui explique aussi dans un livre (2) que, converti en 2012, son
fils avait commencé à dire à ses parents non musulmans avec humour: «Non, je ne
vous demanderai pas de me faire du couscous tous les jours.» «Il est ensuite
devenu de plus en plus intolérant, parce qu'on l'a rendu intolérant»,
remarque-t-elle, mais l'amour qui l'unissait à ses parents a survécu au-delà
même de son départ pour le djihad.
Sonnés par la radicalisation
souvent éclair de leurs enfants, les «parents de djihadistes» ont ensuite vécu
le pire: le départ pour une zone de guerre au nom d'une idéologie de mort et de
violence. Avec parfois, au bout du chemin, la terrible nouvelle. En janvier
2016, Véronique Roy a reçu un coup de téléphone d'un islamiste lui annonçant la
mort de Quentin sans plus de détails et lui donnant connaissance du «testament»
de son fils: «On se retrouvera au paradis.»
Confrontés à l'inéluctable,
certains parents se réfugient dans le déni
Une des mamans interrogées par
Céline Schoen a vu un bref instant son fils dans un reportage télévisé, en
«uniforme» de djihadiste. Une autre entendait distinctement des bruits (tirs?
bombardements?) derrière la voix de son enfant. Confrontés à l'inéluctable,
certains se réfugient dans le déni: face au communiqué du Pentagone décrivant
son fils comme le bras droit d'un émir de l'État islamique et annonçant sa mort,
sa mère soutenait que son «gros nounours», en surpoids, ne pouvait avoir fait
tout cela…
Pour ceux dont les enfants
seraient toujours «sur zone», l'incertitude est tout aussi intolérable.
«L'actualité, la prise de Raqqa, les a fait replonger dans l'angoisse»,
remarque Céline Schoen. «Mon enfant est mort et je suis presque soulagée. C'est
une autre douleur», note pour sa part Véronique Roy.
Reste la question du rapatriement
des Français retrouvés sur les zones de combat. Cette semaine, la mère d'Émilie
König, 33 ans, figure de la mouvance djihadiste française arrêtée en Syrie,
a adressé une lettre au ministre des Affaires étrangères pour que sa fille
puisse rentrer en France, assurant qu'elle s'est «repentie». Née à Lorient d'un
père gendarme, Émilie a joué un rôle important de recruteuse sur les réseaux
sociaux pour le groupe État islamique. Jeudi, le porte-parole du gouvernement a
douché les espoirs de sa maman. Benjamin Griveaux a déclaré que les Françaises
parties au Levant rejoindre Daech avaient vocation à être jugées «là-bas», si
les institutions à même de leur assurer un procès équitable existaient.
Recherches et angoisses
Dans de telles circonstances,
nombre de parents vont mal. Certains, dévorés par leurs recherches et leurs
angoisses, ont perdu leur emploi. D'autres ont besoin d'un soutien
psychologique et médical parfois coûteux. Beaucoup, sans absoudre leur
progéniture et sans nier la nécessité de jugements, se revendiquent comme
victimes de l'idéologie islamiste. Une revendication souvent comprise par
d'autres victimes, celles des attentats de Daech. La mère d'un djihadiste belge
a ainsi sympathisé avec le frère d'une des victimes des attentats de Bruxelles.
Le mari de Véronique Roy a tourné une vidéo avec le papa d'un jeune homme tué
au Bataclan.
Tous soulignent avoir été peu
ou mal écoutés quand ils ont alerté les autorités
Reste que ces souffrances, cette
détresse, ces incertitudes sont rendues encore plus insupportables par un
sentiment de solitude. Tous soulignent avoir été peu ou mal écoutés quand ils
ont alerté les autorités. Certains se sont entendus dire par leur maire qu'ils
auraient dû «mieux tenir leur enfant».
Des réflexions rendues encore
plus dures par le fait que les parents ont souvent d'autres enfants qui ne
rencontrent aucun problème. D'autres ont découvert presque par hasard
l'existence, en 2014, d'un dispositif d'information sur la radicalisation, peu
ou mal connu, et qui aurait pu les aider au moment crucial. «Ce dispositif,
souligne Pierre Conesa, a d'ailleurs été mis en place sous la pression, après
la mobilisation de certains parents qui ont alerté les médias.»
L'État et les parents de
djihadistes partagent pourtant une même interrogation et préoccupation: comment
éviter que ces phénomènes d'embrigadement se reproduisent demain? Voulant se
garder de toute naïveté, les autorités s'inquiètent aussi d'éventuelles
complicités familiales. Hier comme aujourd'hui, certains parents ont adhéré à
la même idéologie que leurs enfants. Ce fut le cas de Christine Rivière, alias «Mamie Djihad», condamnée à dix ans
de prison en octobre.
Complicités familiales
Concernant les mineurs, la
dernière loi antiterroriste prévoit que les parents incitant leurs enfants à
commettre des actes de terrorisme en France ou à l'étranger seront passibles
des assises et d'une peine de quinze ans de réclusion criminelle. Le procureur
de la République de Paris, François Molins, avait notamment expliqué devant la
commission des lois de l'Assemblée nationale que les peines existantes étaient
insuffisantes face à la gravité de certains comportements.
Dans d'autres cas, des parents,
qui n'ont pas basculé dans l'islam radical, ont été poursuivis ou condamnés
pour «financement du terrorisme». Le 8 décembre, les parents de Margaux Dubreuil ont ainsi été mis en examen
et placés sous contrôle judiciaire. Ils sont soupçonnés d'avoir donné
de l'argent à leur fille partie pour la Syrie en septembre 2013 et arrêtée par
les Kurdes à Raqqa (Syrie) il y a quelques semaines. Ont également été mis en
examen Valérie de Boisrolin (auteur d'Embrigadée, sur sa fille Léa, aux Presses
de la Cité), Anne et Raymond Duong, accusés d'avoir détourné les fonds d'une
association, ce qu'ils contestent, pour aider leurs enfants. Ou encore Nathalie
Haddadi, récemment condamnée en première instance (elle a fait appel) à deux
ans de prison pour avoir aidé son fils avant que ce dernier rejoigne le
territoire de Daech, où il aurait trouvé la mort.
Souvent engagés dans la
dénonciation de l'islam radical, ces parents meurtris expriment leur incompréhension
devant le fait que la machine d'embrigadement est toujours opérationnelle
En Belgique, une mère est
inquiétée après avoir donné de l'argent à une fille voulant partir, en échange
d'informations sur son fils. «Pourtant, remarque Véronique Roy, quand on va
voir la police, on nous dit de garder le contact avec notre enfant pour le
convaincre de rentrer et permettre aux policiers de l'attendre à l'aéroport…
Quentin n'a jamais demandé d'argent, pourtant nous savions qu'il avait froid et
faim. Qu'aurions-nous fait?…»
Souvent engagés dans la
dénonciation de l'islam radical, ces parents meurtris expriment leur
incompréhension devant le fait que la machine d'embrigadement est toujours
opérationnelle. Et de dénoncer l'existence de librairies radicales, de sites
Internet où l'on explique ce qui doit séparer un musulman du mécréant, la
présence sur notre sol d'anciens terroristes, du GIA algérien ou d'autres
organisations, qui prêchent la haine. Symbole de cette incompréhension,
l'histoire de cette mère d'un djihadiste radicalisé dans le sillage de l'«émir
blanc», Olivier Corel, connu pour ses liens avec les frères
Merah ou Clain. Elle est allée voir Corel pour discuter et lui dire que, pour
elle, il était le premier responsable. L'intéressé a appelé les forces de
l'ordre et la maman a été éconduite.
(1) Parents de
djihadistes, Éditions de l'Aube, 2016.
(2) Quentin, qu'ont-ils
fait de toi?, Robert Laffont, 2017.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 05/01/2018.
La rédaction vous
conseille :
- Les
parents d'une djihadiste française partie en Syrie mis en examen
- La
mère d'un djihadiste français de l'État islamique condamnée à dix ans de
prison
- Djihad:
ces mères qui tentent d'empêcher les départs en Syrie
- Des
parents de candidats au djihad engagent la lutte contre la radicalisation
- Syrie:
ces djihadistes français qui communiquent encore avec leur famille
- Sonia
Mabrouk: «Les enfants du djihad, victimes innocentes ou bombes à reta
Luc Ferry : «La Réforme protestante, l'une des origines des
Lumières» (03.01.2018)
CHRONIQUE - La Réforme
luthérienne a permis de dépasser la logique infantile de la
punition/récompense.
L'année du cinquième centenaire
vient juste de s'achever. Tout commence en effet le 31 octobre 1517, jour
où les 95 thèses de Luther sont placardées sur le portail d'une église de
Wittenberg. Rédigées en latin, elles sont aussitôt traduites en allemand. Elles
rencontrent alors un formidable écho chez des chrétiens d'autant plus inquiets
pour leur salut que les pratiques de l'Église romaine guidée par le pape
Léon X laissent pour le moins à désirer. Luther y dénonce les
«indulgences», ces aumônes que le clergé récolte non seulement pour
reconstruire l'église Saint-Pierre de Rome dans le goût fastueux de la
Renaissance italienne, mais aussi pour acheter les votes des princes électeurs.
Un antijudaïsme lié à la
conviction qu'il n'y a qu'une seule religion vraie
Derrière cette critique, que le
peuple peut aisément partager, c'est tout un arsenal philosophique que Luther
met en place, un outillage conceptuel extraordinairement puissant qu'il
développera plus tard dans ses Grands Écrits réformateurs. On a souvent, à
juste titre, hélas, dénoncé la violence de ses propos antisémites, mais il faut
éviter ici les anachronismes: pour détestables qu'ils soient, c'est avant tout
d'un antijudaïsme lié à la conviction qu'il n'y a qu'une seule religion vraie
qu'il s'agit. Cela n'excuse rien, bien sûr, mais n'a cependant que peu à voir
avec l'antisémitisme moderne.
La Réforme luthérienne va pour
l'essentiel s'organiser autour de quelques thèmes fondamentaux appelés à une
postérité beaucoup plus large que ne le laisse supposer le faible nombre de
protestants comparé à celui des catholiques. Car, peu à peu, le catholicisme va
s'en trouver lui-même profondément bouleversé. Le premier motif, et sans nul
doute le plus important, touche la question de la liberté. Selon un jeu de mots
qu'il affectionnait, Luther se voulait l'Eleuthérios, en grec, «l'homme libre».
Se libérer des «passions
tristes»
Libre de quoi? De l'angoisse liée
à l'idée d'un Salut qui dépendrait de nos œuvres, voire de nos «bonnes œuvres»,
de cet argent avec lequel on croit de manière insensée pouvoir acheter des
remises de peine, voire, si on y met le prix, le Salut même. Contre cette
pratique délétère, Luther n'a pas de mots assez durs: «Seriez vous bonnes
œuvres des pieds jusqu'à la tête que vous ne seriez pas sauvés!» s'écrie-t-il.
Ce qu'il veut, c'est accéder à ce que Nietzsche, qui n'était pas fils de
pasteur pour rien, appellera plus tard «l'innocence du devenir»: à partir du
moment où le Salut ne dépend plus de moi, de mes œuvres, mais de la grâce
divine, je suis enfin libéré du poids de la culpabilité, des regrets, des
remords, de ce que Spinoza appellera les «passions tristes».
Prétendre pouvoir acheter son
Salut, c'est non seulement la corruptio maxima, toute vertu étant alors viciée
à la racine, mais c'est en outre se charger d'un fardeau écrasant: en
comparaison avec le Christ, ce que nous pouvons faire ne sera jamais au niveau.
La liberté nous conduit ainsi vers l'âge adulte, elle nous fait sortir de la
logique infantile de la punition/récompense, en quoi la Réforme, comme le
comprendront Kant et Tocqueville, est l'une des origines fondamentales des
Lumières, de l'exigence d'autonomie qui conduit les peuples vers la démocratie.
De là, autre thème essentiel, l'invention de l'herméneutique et de la
philologie allemandes: pour échapper à la Vulgate, la traduction latine de la
Bible officielle, suspecte d'être plus ou moins biaisée, il faut retourner au
texte originel, à la vérité vraie, et, pour ce faire, il faut apprendre le
grec, l'hébreu, l'araméen.
Le scandale n'est pas la
richesse mais la misère
Trois autres thèmes encore animeront
la Réforme: l'égalité homme/femme, ces dernières n'ayant aucune raison légitime
de se voir refuser la prêtrise ; le désenchantement du monde - si
Dieu est radicalement transcendant, souverain extérieur à la nature, alors
cette dernière n'est plus sacrée, elle n'est plus lieu de miracles, mais au
contraire ouverte à la science et à la laïcité (d'où, par exemple,
l'interprétation seulement symbolique de la virginité de la Vierge) ;
enfin, la réhabilitation de l'argent: pour le réformé, le scandale, ce n'est
pas la richesse, mais la misère, de sorte que le grand capitaine d'industrie,
comme y insistera Max Weber, n'a pas à avoir honte de sa réussite sociale, du
moins à condition de ne pas accumuler sa fortune par narcissisme, mais
pour en faire profiter la collectivité tout entière.
Le 31 octobre 2016, le Pape
se rendait à Lund, au
cœur de la Suède luthérienne, pour célébrer l'anniversaire des
95 thèses, signe œcuménique que, sur bien des points, le catholicisme
s'est sinon protestantisé, du moins largement rapproché de la Réforme.
La rédaction vous
conseille :
- «En
1543, Luther réclame la destruction des synagogues»
- La
folie Martin Luther saisit l'Allemagne
- Le
Pape en Suède: une déclaration commune historique entre catholiques et
protestants
- Synode:
l'Eglise catholique devient-elle protestante?
Un cliché montre la distance réelle qui sépare la Terre et la
Lune (04.01.2018)
EN IMAGES - La Nasa a ressorti
mercredi une photo en couleurs pris en octobre par la sonde Osiris-Rex, en
route vers un astéroïde, alors qu'elle se situait à 5 millions de kilomètres de
la Terre.
Il nous semble très proche les
soirs de pleine lune, et c'est effectivement le cas à l'échelle du
Système solaire (ou de l'univers), mais notre satellite n'est tout de même pas
si près à l'échelle de notre planète. Sur le cliché ci-dessus pris le 2 octobre
par la sonde Osiris-Rex de la Nasa, en route vers l'astéroïde Bennu, notre
bonne vieille Lune est située à 390.000 km environ de la Terre (cette distance
varie entre 356.000 et 406.000 km en fonction de sa position sur l'ellipse
qu'elle parcourt autour de nous).
» LIRE AUSSI - Osiris-Rex est partie chercher des grains d'astéroïde
La Nasa a ressorti ce cliché en couleurs ce mercredi en
prévision des manœuvres d'approches de la sonde Osiris-Rex qui sont programmées
en août avec une arrivée en décembre. L'agence spatiale américaine doit alors
récupérer des échantillons pour les ramener sur Terre. Une manœuvre extrêmement
rare qui n'a été réalisé qu'une seule fois (avec plus ou moins de réussite) par
la sonde japonaise Hayabuza.
» LIRE AUSSI - Les astéroïdes, une priorité pour les États-Unis
Au moment où elle a pris ce
cliché, la sonde Osiris-Rex n'est pas parfaitement perpendiculaire à l'axe
Terre-Lune, ce qui donne l'impression que la Lune est légèrement plus proche.
Et un peu plus petite aussi puisqu'elle est légèrement en arrière-plan, comme
on peut le constater sur le schéma suivant qui résume la géométrie de la prise
de vue ainsi que le champ de vision de la sonde américaine:
- Crédits photo : NASA/Goddard/University of
Arizona
Il ne s'agit pas du premier
cliché sur lequel figurent à la fois le Terre et la Lune. Il en existe de
nombreux mais la plupart sont pris dans des configurations différentes qui
«écrasent» les notions de distance (la Lune est souvent au premier plan). Nous
avons sélectionné quelques-uns de ces clichés les plus célèbres dans le
diaporama ci-dessous:
1977 - La sonde
Voyager 1 prend ce cliché à plus de 11 millions de kilomètres de la Terre. La
Lune est au second plan. C'est la première fois qu'un vaisseau spatial réalise
une telle image. - Crédits photo : Nasa
La rédaction vous
conseille :
- Les
astéroïdes, une priorité pour les États-Unis
- Astéroïdes:
cette menace à laquelle la Terre doit se préparer
- Les
plus mémorables images de la Terre avec la Lune
- Osiris-Rex
est partie chercher des grains d'astéroïde
Gérard Chaliand : «En Iran, l'effort de guerre a accentué les
difficultés économiques» (04.01.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le
géopoliticien, spécialiste des conflits armés*, analyse la situation paradoxale
du régime de Téhéran : fortement contesté par une partie de sa population, mais
dans le camp des vainqueurs en Irak et en Syrie.
LE FIGARO. - Comment expliquer
l'ampleur des manifestations actuelles en Iran?
Gérard CHALIAND. - La
colère des Iraniens est la conséquence des difficultés économiques du pays. Le
pays est isolé depuis trente-sept ans. À partir de 2002, devant le projet du
«remodelage du Grand Moyen-Orient» par Washington, dont le but final était de
contribuer à un changement de régime à Téhéran, les relations ont été encore
plus tendues. États-Unis et Iran n'avaient pas les mêmes objectifs dans l'Irak
de l'après-Saddam Hussein, même si les deux États appuyaient les chiites. On a
constaté un léger mieux avec les accords
de 2015 sur le nucléaire iranien, puis un durcissement des sanctions
avec le président Trump. Les difficultés économiques de Téhéran se sont
accentuées sous l'effet de son effort de guerre en Irak et en Syrie depuis
2011. Évidemment, le poids de la corruption joue son rôle dans le
mécontentement. Nous verrons si la crise prend une dimension politique marquée.
» LIRE AUSSI - Iran:
comprendre la crise en cinq questions
Ces manifestations
pourraient-elles affaiblir le pouvoir en place à Téhéran?
Je ne pense pas que cette crise
débouche sur une remise en cause du pouvoir iranien. Le
régime des mollahs, profondément nationaliste, reste soutenu par une
partie de la population. De surcroît, qu'on le veuille ou non, l'Iran est le
vainqueur régional, en Irak et en Syrie, il est arrivé à ses fins: éliminer les
djihadistes et conforter la place des chiites.
Quel regard portez-vous sur la
stratégie de l'Iran en Syrie?
«Face aux rivalités
intersunnites et interdjihadistes, l'Iran a su, grâce à un clergé hiérarchisé,
mener une stratégie de long terme avec détermination, à la manière d'un parti
marxiste-léniniste»
L'Iran a indirectement bénéficié
de l'intervention russe, mais il a su aussi, par le truchement d'une stratégie
milicienne, peser sur les rapports de force locaux: forces al-Qods iraniennes,
Hezbollah libanais, milices irakiennes, contingents chiites d'Afghanistan et du
Pakistan. Face aux rivalités intersunnites et interdjihadistes, l'Iran a su,
grâce à un clergé hiérarchisé, mener une stratégie de long terme avec
détermination, à la manière d'un parti marxiste-léniniste.
La même détermination
n'existait-elle pas aussi du côté djihadiste?
Au sein de l'organisation dit de
l'État islamique (EI), sans doute que si. Cette organisation reposait sur un
noyau dur de 20.000 membres aguerris et disciplinés (grossis peut-être par
30.000 à 50.000 militants), quelques centaines de candidats à l'opération
suicide et un service de propagande de qualité (ce
sont, à leur façon, des enfants de Hollywood). Cette organisation
s'appuyait sur une barbarie spectaculaire - comme les Mongols jadis qui
terrorisaient afin que la rumeur de la terreur les précède -, offrant
ainsi à de jeunes mâles, grandis dans la frustration permanente, des occasions
de prédations et de viols. Daech
savait embrigader les jeunes de 8 à 18 ans ; son succès
auprès des adultes était moins probant, compte tenu du nombre de ses interdits.
L'EI, de surcroît, a bénéficié d'aides de la Turquie comme de pays du Golfe et
a vendu du pétrole. Cette organisation aux techniques révolutionnaires
véhiculait une idéologie réactionnaire. Bref, une organisation
militaro-politique solide.
Pourquoi alors la défaite de
Daech?
Une guérilla s'efforce de
contrôler les populations et de les administrer, comme les Vietnamiens par le
passé. Mais une guérilla ne peut prétendre tenir un territoire comme si elle
était un État, alors qu'elle affronte des États qui, eux, disposent d'aviation,
de blindés et de troupes au sol motivées. Les combattants de Daech avaient
contre eux la coalition dirigée par les Américains et, en Syrie, les Russes,
eux-mêmes aidés au sol par les Kurdes. Ils ne pouvaient qu'être vaincus, compte
tenu de la disproportion des forces et des moyens. On a pu lire qu'en Syrie
Daech «contrôlait» un territoire égal à la Grande-Bretagne, mais les deux tiers
du pays sont désertiques. En Syrie, l'EI contrôlait les rives de l'Euphrate et,
à un moment, une petite portion de la frontière syro-turque. Aujourd'hui, Daech
a perdu, ce qui réjouit al-Qaida. Cette organisation est retournée aux
attentats spectaculaires, tant en Europe que, demain, en Afghanistan, en Libye
ou ailleurs.
* Auteur de Pourquoi
perd-on la guerre? Un nouvel art occidental, prix Maréchal Foch de
l'Académie française (Odile Jacob, 2016).
La rédaction vous
conseille :
- «Daech
va revenir au bercail, en Afghanistan»
- Iran:
une colère venue d'en bas et pleine d'incertitudes
Meral Aksener : «Je suis une rivale sérieuse pour
Erdogan» (04.01.2018)
INTERVIEW - L'ex-ministre de
l'Intérieur turque compte bien créer la surprise en se présentant face à
l'actuel président en 2019. Et soigne son image de dame de fer moderne.
Envoyée spéciale à Ankara
Issue de la droite
ultranationaliste, Meral Aksener a créé fin octobre une nouvelle
formation politique en vue du scrutin présidentiel de 2019. Un récent sondage
de l'Institut Gezici la donne gagnante au deuxième tour dans le cas d'une
élection anticipée. Alors que le président turc est à Paris, rencontre avec
cette femme volontaire qui cherche à fédérer l'opposition face aux dérives
autoritaires de Recep Tayyip Erdogan.
LE FIGARO. - Vous venez de
fonder le Bon Parti (Iyi Parti) pour faire campagne contre Recep Tayyip Erdogan
aux élections législatives et présidentielle de 2019. Qu'est-ce qui a motivé ce
choix?
Meral AKSENER. - Les Turcs
sont fatigués, surtout depuis le référendum sur la réforme constitutionnelle(sur
le renforcement des pouvoirs du président, en avril 2017, NDLR) qui a
divisé le pays entre deux clans, celui du oui et celui du non. Les jeunes ont
perdu espoir en l'avenir. Les femmes n'ont jamais été exposées à autant de
violence. L'économie va mal. La Turquie ne produit pas assez. Les
investissements ne sont pas suffisants pour créer de nouveaux emplois. La
démocratie est en danger. La justice est arbitraire. Les gens ont peur. Ils ne
sourient plus. Ça se lit sur les visages quand vous marchez dans la rue. Il est
temps de changer le climat politique. Je veux œuvrer à une Turquie puissante et
heureuse.
» LIRE AUSSI - Turquie: ceux qui résistent encore à Erdogan
Quel danger présente la
nouvelle Constitution, finalement adoptée à 51,34 % des voix, et contre
laquelle vous avez ouvertement milité?
«Notre nouveau modèle est
malheureusement plus proche de ce qu'on peut voir en Afrique ou en Amérique
latine. Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d'un seul homme»
Meral Aksener
Passer du système parlementaire
au système présidentiel pourrait, en soi, ne pas poser de problème. Sauf que,
contrairement à la France, le nouveau système ne garantit pas l'équilibre des
pouvoirs. Notre nouveau modèle est malheureusement plus proche de ce qu'on peut
voir en Afrique ou en Amérique latine. Tous les pouvoirs sont concentrés entre
les mains d'un seul homme.
Ainsi, par exemple, Recep Tayyip
Erdogan s'est réveillé un matin en annonçant qu'il réformait le système
éducatif. Son propre ministre de l'Éducation a appris la nouvelle alors qu'il
était à l'arrêt de taxis! Voilà un net recul de la démocratie.
Pourtant, ce qui me rassure,
c'est de voir qu'en dépit d'un scrutin entaché d'irrégularités et d'une
campagne qui a sérieusement manqué de transparence, les opposants à la nouvelle
Constitution sont parvenus à obtenir près de la moitié des voix. C'est déjà une
victoire. J'y vois le résultat de nos efforts pour sensibiliser la population.
J'ai personnellement fait campagne pour le non dans 37 villes du pays et j'ai
financé tous ces déplacements de ma propre poche.
Des milliers de personnes ont
été arrêtées et plus de 100.000 fonctionnaires ont été limogés depuis le coup
d'État raté du 15 juillet 2016. La traque antiputschistes donne
l'impression de s'être transformée en chasse aux opposants de tous bords. Si
vous étiez le chef de l'État, comment auriez-vous géré l'après-coup?
Tout d'abord, le mouvement FETO
(du nom de Fethullah Gülen, l'instigateur présumé du putsch avorté) est une
organisation terroriste qui a été impliquée dans le coup d'État. Il doit être
combattu sans l'ombre d'un doute. En revanche, si j'étais le président, je
veillerais à ce que l'État de droit soit respecté. Des personnes se sont
plaintes d'avoir été injustement poursuivies en justice. J'ai également entendu
dire que de riches gülenistes seraient parvenus à acheter leur peine en versant
de l'argent. Si c'est vraiment le cas, c'est une pratique inacceptable et
dangereuse.
» LIRE AUSSI - Turquie: un pays miné par les purges et la répression
Quant à l'état d'urgence, il
était sans doute nécessaire de l'appliquer les trois premiers mois de
l'après-putsch. Mais pourquoi l'avoir prolongé jusqu'à aujourd'hui? C'est la
porte ouverte à l'arbitraire. Si une personne est la cible d'une purge, elle ne
peut prétendre à aucun droit. Il est important de normaliser la situation au
plus vite. Il faut examiner au cas par cas le sort des professeurs limogés.
Certains d'entre eux ont été évincés ou poursuivis en justice sur simple
délation ou allégation. Ce n'est pas normal.
«Je veux offrir une nouvelle
façon de gouverner le pays. Les membres du Bon Parti sont issus d'un spectre
très large de la scène politique turque : nous avons des gens de gauche, de
centre gauche, de centre droit»
Meral Aksener
En tant qu'ex-membre du parti
ultranationaliste MHP, dont de nombreux cadres et partisans vous ont déjà
rejointe, quelle alternative politique proposez-vous?
Je veux offrir une nouvelle façon
de gouverner le pays. Les membres du Bon Parti sont issus d'un spectre très
large de la scène politique turque: nous avons des gens de gauche, de centre
gauche, de centre droit. Nous ambitionnons de récolter des votes des quatre
coins du pays. L'idée étant, bien entendu, d'attirer des électeurs de l'AKP (le
Parti de la justice et du développement, la formation d'Erdogan) ainsi que du
CHP (Parti républicain du peuple). Entre ces deux extrêmes, nous nous
revendiquons comme le parti du centre.
Comment envisagez-vous de
faire campagne?
«J'ai observé de très près ce
que votre président, Emmanuel Macron, a fait en France. Je compte m'en
inspirer»
Meral Aksener
Tout d'abord, j'ai déjà annoncé
que je ne visais que la présidence. Je ne me présenterai pas conjointement,
comme le permet la loi, aux élections législatives. Ensuite, j'envisage de
collecter les cent mille signatures requises pour pouvoir faire acte de
candidature. C'est un choix qui va embarrasser Recep Tayyip Erdogan, surtout
s'il comptait sur l'autre option proposée, celle des signatures des députés. Du
coup, il va sans doute s'en remettre, comme moi, à celles de la population. Et
à ce stade, la campagne va commencer.
Je mettrai tout sur la table, en
toute transparence. Je prévois de faire le tour de la Turquie, d'aller à la
rencontre du peuple, de le sonder sur ses attentes. J'ai observé de très près
ce que votre président, Emmanuel Macron, a fait en France. Je compte m'en
inspirer. Avec mon équipe, nous allons nous appuyer sur des groupes de
volontaires, nous allons adapter notre programme politique en fonction des
demandes de la rue.
Dans un pays pétri de
traditions religieuses et patriarcales, où les femmes ne représentent que
14 % des députés et où seuls deux ministres sont des femmes, ne
craignez-vous pas de ne pas être prise au sérieux?
Je suis la seule politicienne à
avoir été constamment active dans ce pays pendant vingt-quatre ans. Mon
âge me vaut également d'être respectée. J'ai 61 ans. Je suis mère de famille.
Je suis même grand-mère! Je suis croyante, tout en étant attachée aux valeurs
républicaines. Je suis une ancienne professeur d'histoire, et j'ai toujours été
une fervente militante pour les droits des femmes. Le discours machiste de
certains hommes ne m'impressionne pas. S'ils me manquent de respect, je saurai
quoi leur répondre (…). Je suis très confiante. Je n'ai pas peur. Je suis une
rivale sérieuse pour Erdogan.
La rédaction vous
conseille :
- Turquie:
ceux qui résistent encore à Erdogan
- Les
anti-Erdogan dénoncent sa dérive autoritaire
- Comment
Erdogan islamise la société turque
L'Europe maintient l'ambiguïté sur une adhésion turque
(04.01.2018)
Alliée cruciale dans l'Otan, la
Turquie reste un partenaire stratégique irremplaçable, avec lequel la rupture
n'aurait que des inconvénients.
Correspondant à Bruxelles
Recep Tayyip Erdogan s'est
beaucoup montré en Russie, en Afrique et dans le Golfe ces derniers mois, mais
sa silhouette était devenue bien plus rare en Europe depuis la répression sans
relâche lancée au lendemain du putsch
de l'été 2016. L'absence est en passe d'être réparée: après Athènes et
Varsovie, deux capitales qui ne portent pas toujours la Turquie dans leur
cœur, c'est
aujourd'hui à Paris d'accueillir l'homme fort d'Ankara.
Pour cet homme qui porte la
morgue à fleur de peau, la distinction suprême reste hors de portée. Angela
Merkel, la chancelière qui voulait définitivement barrer l'entrée de la
Turquie à l'UE, reste à peu près indifférente à l'offensive de charme venue
d'Ankara. Il fait pourtant peu de doute que c'est bien à l'Allemagne que pense
le président Erdogan lorsqu'il affirme que son pays doit désormais «réduire le
nombre de ses ennemis et accroître celui de ses amis».
«La procédure d'adhésion est
de facto gelée»
À quand remonte le retour du
balancier? Côté turc, le besoin d'Europe se fait incontestablement sentir après
les déconvenues diplomatiques du président dans la région, et au-delà. Dernier
épisode en date, la
reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l'État hébreu le
braque à la fois contre Donald Trump et Israël. Depuis, il s'est chaleureusement
félicité de retrouver Paris et Berlin «sur la même ligne» qu'Ankara.
Après 18 mois de glaciation dus à
la dérive autoritaire du régime et au recul des droits de l'homme, les
Européens ont pris le même tournant vers la realpolitik. Alliée cruciale dans
l'Otan, la Turquie reste le partenaire stratégique irremplaçable, celui avec
lequel la rupture n'aurait que des inconvénients: de la crise migratoire au
retour des combattants européens de Daech, des convulsions du Moyen-Orient au
triangle des forces avec la Russie… Qui voudrait vraiment couper les ponts?
Dans l'UE, l'épreuve de vérité
est venue à la fin de l'automne après qu'Angela Merkel et son concurrent
social-démocrate Martin Schulz eurent, en pleine campagne, agité
l'idée d'enterrer une bonne fois pour toutes la candidature de la Turquie à
l'UE. L'élection allemande passée, un sommet européen a dénombré les
voix et les partisans d'une rupture consommée se sont comptés sur les doigts de
la main. «La procédure d'adhésion est de facto gelée et on ne gagnerait rien à
sortir de l'ambiguïté», dit-on du côté français. Les déçus, eux, dénoncent une hypocrisie
qui vient nourrir l'extrême droite européenne.
Ceux qui s'inquiètent encore
de l'entrisme turc « jouent à se faire peur », note un responsable européen ;
ceux qui croient la relance possible « se bercent d'illusions »
À Bruxelles, trois sensibilités
persistent à s'exprimer. Les «libéraux» qui, tels le Royaume-Uni, les Nordiques
et les Baltes, voyaient d'un bon œil l'entrée de la Turquie dans le marché
commun et ne veulent rien compromettre en espérant des jours meilleurs. Ceux
qui, à l'Est surtout, font preuve de compréhension parce qu'ils ont eux-mêmes
bénéficié de l'ouverture économique et redoutent, pour certains, une Europe
trop politique (Pologne et Hongrie). Ceux, enfin, qui ont dit non à un moment
ou à un autre, comme l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et bien sûr la
France.
La Turquie est candidate depuis
1999. Les négociations découpées en 35 chapitres (ou «paquets» de
législation) se traînent depuis le début en 2005, en raison d'un gel obtenu par
Jacques Chirac et renforcé par Nicolas Sarkozy. En une décennie, 16 chapitres
ont été ouverts, un seul a été bouclé. Tout s'est retrouvé bloqué à l'automne
2016, face à l'autoritarisme croissant du président Erdogan. Ceux qui
s'inquiètent encore de l'entrisme turc «jouent à se faire peur», note un
responsable ; ceux qui croient la relance possible «se bercent
d'illusions». La Turquie n'est pas plus soucieuse de respecter ses engagements
que l'Europe n'est pressée de les voir tenus.
Le levier politique immédiat
reste l'argent. La Turquie juge que les Vingt-Huit ne déboursent pas assez vite
les 6 milliards d'euros promis en 2015 et 2016 pour retenir et héberger
chez elle quelque 3,5 millions de réfugiés et migrants. L'UE vient
d'adresser un signal contraire en décidant de couper dès cette année jusqu'à
175 des 700 millions d'euros alloués à la Turquie comme fonds de
«préadhésion», une enveloppe qui n'a visiblement plus lieu d'être…
La rédaction vous
conseille :
- À
Paris, Erdogan tend une main vers l'UE
- Erdogan
au Figaro: «Turquie et France, une longue amitié»
- Meral
Aksener: «Je suis une rivale sérieuse pour Erdogan»
Erdogan au Figaro : «Turquie et France, une
longue amitié» (04.01.2018)
TRIBUNE - Le président de la
République de Turquie, en visite officielle en France aujourd'hui, exprime la
position d'Ankara sur les sujets d'actualité.
La Turquie et la France, deux
puissances situées aux deux extrémités du continent européen, n'ont jamais
cessé d'œuvrer au fil des siècles pour la stabilité du monde.
Aujourd'hui, je souhaite
m'adresser à l'opinion publique française, à
l'occasion de ma visite officielle en France à l'invitation du président
Emmanuel Macron. J'espère de tout cœur que cette visite renforcera
la coopération entre nos deux pays amis et alliés.
L'amitié turco-française a débuté
au début du XVIe siècle par la lettre du roi François Ier au sultan
Soliman le Magnifique et n'a cessé de se développer sur des bases
solides. Depuis un demi-siècle, la communauté turque installée en France est
devenue le ciment de l'amitié profonde qui unit nos deux pays. À l'heure
actuelle, le nombre de Turcs vivant en France dépasse les 700.000, et beaucoup
d'entre eux possèdent la nationalité française. Nous sommes très fiers de
constater qu'ils sont parfaitement intégrés à la société française, respectueux
des lois et souvent brillants dans les études et dans la vie professionnelle.
Nous n'avons jamais oublié et
nous n'oublierons jamais que la France a été l'un des premiers pays à exprimer
son soutien à la Turquie, à la suite de la tentative ratée de coup d'État du
15 juillet 2016. Face à cette attaque sans précédent lancée contre la liberté,
l'unité, l'intégrité et l'ordre démocratique de notre pays, nous avons pris
toutes les mesures nécessaires dans le cadre constitutionnel et conformément à
nos engagements internationaux. Le peuple turc a montré une fois de plus, avec
courage, son attachement profond à la démocratie et à la laïcité. Grâce à ces
mesures, nous sommes parvenus à rétablir l'ordre public, et je suis convaincu
que la démocratie turque sortira renforcée de cette épreuve. Je suis très
heureux de constater l'intensification de nos relations bilatérales dans les
domaines politique, économique et culturel. Au cours de ces quinze dernières
années, le montant des investissements français en Turquie a atteint les
6,8 milliards d'euros, et je tiens à rappeler que 1450 entreprises françaises,
parmi lesquelles EDF, Thales, Engie, MBDA, Eurosam et Airbus, exercent leurs
activités en Turquie. Bien qu'il ait atteint 13,4 milliards d'euros en
2016, notre commerce bilatéral demeure encore loin de son potentiel réel. Notre
objectif commun serait d'atteindre les 20 milliards d'euros dans un
premier temps.
Plusieurs projets de coopération
de grande envergure dans le domaine des télécommunications, de l'énergie et de
l'industrie de la défense ambitionnent de porter la collaboration entre nos
deux pays au plus haut niveau. La production conjointe de systèmes de missiles
de défense aérienne à longue portée en Turquie est l'un de ces projets phares
(en partenariat tripartite avec l'Italie). L'entreprise française Airbus, ayant
remporté l'appel d'offres des satellites 5A et 5B pour Türksat, a signé
récemment un contrat de 500 millions de dollars avec la Turquie. Le
satellite Türksat 5A devrait être mis en orbite en 2020 et le satellite Türksat
5B devrait être opérationnel en 2021. Notre projet de construction d'une
centrale nucléaire à Sinop en collaboration avec la France revêt également un
aspect stratégique crucial pour la Turquie. La construction de cette centrale
devrait débuter courant 2019 et entrer en service en 2023.
«Nous entretenons un dialogue
franc et loyal avec le président Macron pour le rétablissement de la paix et de
la stabilité en particulier en Syrie.»
Recep Tayyip Erdogan
Si l'Europe reste un formidable
espoir, dans un contexte international tendu, alors que certains pays tombent
dans le piège de l'islamophobie, du racisme et de la xénophobie, c'est grâce à
la France, qui a choisi de mener une politique rationnelle basée sur le respect
des droits universels. À cet égard, je me réjouis de constater que la France,
qui a joué un rôle pionnier dès le début des négociations d'adhésion de la
Turquie à l'Union européenne, maintient, aujourd'hui encore, une position
constructive vis-à-vis de notre adhésion. J'espère que la France continuera
d'apporter tout son soutien à notre processus d'adhésion car il est
indispensable que la France et la Turquie unissent leurs forces, pour
construire un monde plus sûr et plus prospère,en ne cédant jamais ni au
terrorisme, ni à la violence, ni à toute forme de pression.
Il m'est agréable de préciser que
nos deux pays coopèrent avec efficacité et détermination dans la lutte contre
diverses organisations terroristes, telles que Daech et le PKK, avec des
résultats concrets sur le terrain, et nous espérons une collaboration de même
envergure dans la lutte contre l'organisation terroriste Fetö du prédicateur
Fethullah Gülen . Les récentes prises de position politiques de la France et de
la Turquie concernant les enjeux régionaux et internationaux en Syrie, mais
également en Palestine, en Irak et en Libye, ont considérablement rapproché nos
pays. Nous entretenons un dialogue franc et loyal avec le président Macron pour
le rétablissement de la paix et de la stabilité en particulier en Syrie. À cet
égard, nous sommes satisfaits de la prise de position responsable de la France
à la suite de la regrettable déclaration des États-Unis, contraire au droit
international, concernant Jérusalem.
La Turquie et la France, liées
par le passé comme par l'avenir, ont plus que jamais un rôle à jouer ensemble.
Je souhaite que ma visite en France soit l'occasion de contribuer au
renforcement de nos relations bilatérales et de notre collaboration à l'échelle
mondiale. J'espère que la synergie générée par l'action commune de nos pays
face aux enjeux et opportunités sur le plan mondial aura des répercussions dans
tous les domaines et fera de nos pays des acteurs incontournables pour répondre
aux nouveaux défis du monde actuel.
Je saisis l'occasion de ma visite
en France pour adresser au peuple français mes plus cordiales salutations,
ainsi que mes meilleurs vœux pour la nouvelle année.
La rédaction vous
conseille :
À Paris, Erdogan tend une main vers l'UE (04.01.2018)
Le président turc est attendu, ce
vendredi à l'Élysée, pour un déjeuner de travail avec Emmanuel Macron.
Correspondante à Istanbul
Faut-il y voir l'ébauche d'un
dégel entre la Turquie et l'Europe? Le président Recep Tayyip Erdogan est à
Paris, ce vendredi, pour y rencontrer son homologue français Emmanuel Macron, à
l'issue d'une année particulièrement tendue entre Ankara et ses interlocuteurs
européens, inquiets des purges menées en Turquie depuis le
putsch raté du 15 juillet 2016. La question des droits de l'homme
sera d'ailleurs abordée lors des discussions, précise l'Élysée. Mais le
chef de l'État turc entend avant tout capitaliser sur cette
visite, qui portera essentiellement sur les dossiers régionaux, tels que le
conflit syrien et le statut de Jérusalem, pour redorer son blason sur la scène
internationale. Rompant avec sa rhétorique enflammée de ces derniers mois, il
déclarait dès la semaine dernière vouloir «entretenir de bonnes relations avec
l'UE et les pays de l'UE», dans le but de «réduire le nombre d'ennemis et d'augmenter
le nombre d'amis».
«Cette visite ambitionne de
relancer les relations avec l'Europe, qui sont à l'arrêt depuis le coup d'État
et le référendum sur la Constitution (qui renforce les pouvoirs du président,
NDLR). C'est l'occasion, pour Erdogan, de donner un nouvel élan à sa
candidature à l'Union européenne, à un moment où la Turquie rencontre,
ailleurs, d'autres difficultés: en Irak, en Syrie, mais aussi aux États-Unis,
où la
condamnation d'un banquier turc(accusé d'avoir aidé l'Iran à contourner
les sanctions, NDLR) risque d'envenimer encore plus les relations
turco-américaines», observe Jana Jabbour, docteure associée à Sciences Po, et
auteure de La Turquie. L'invention d'une diplomatie émergente (CNRS, 2017).
«Une carte politique interne»
Les arrestations et limogeages de
ces derniers mois ont en effet valu à la Turquie de nombreuses critiques du
clan européen, et
principalement du côté de Berlin. Début septembre, la chancelière
allemande, Angela Merkel, s'était même prononcée en faveur d'un arrêt des
négociations. «Les relations avec Merkel ne sont plus ce qu'elles étaient. Le
président Erdogan est même allé jusqu'à la traiter de “nazie”. Il sait que la
porte de l'Allemagne est fermée. Il essaie ainsi de profiter du dialogue avec
le président Macron pour restaurer ses relations via la France, en espérant
qu'il permette d'amorcer une tournée européenne», analyse l'économiste turque
Gül Gunver Turan, spécialiste des relations turco-européennes. Cette visite,
poursuit-elle, «aura également un volet économique et devrait déboucher sur de
nouveaux contrats». Outre les questions relatives à l'union douanière, les
relations commerciales seront à l'ordre du jour. Dans un communiqué publié
dimanche, le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, disait voir
en la France «un allié de premier plan» et «un important partenaire économique
et commercial». Selon les statistiques officielles turques, les échanges entre
les deux pays s'élèvent à plus de 13 milliards de dollars. La Turquie est
également en discussion avec la France et l'Italie pour l'achat, par Ankara, de
missiles sol-air au consortium franco-italien Eurosam.
«Erdogan joue une carte
politique interne. Pour lui, c'est une façon de rappeler l'importance de son
pays, de dire: nous sommes membres de l'Otan et nous sommes toujours candidats
à l'Union européenne»
Gül Gunver Turan, spécialiste des
relations turco-européennes
Mais, selon Gül Gunver Turan, le
président Erdogan entend aussi faire de cette visite un «succès» aux yeux de sa
propre population dans un contexte de dégradation de la situation économique et
dans la perspective du scrutin de 2019. «Il joue une carte politique interne.
Pour lui, c'est une façon de rappeler l'importance de son pays, de dire: nous
sommes membres de l'Otan et nous sommes toujours candidats à l'Union européenne
même si les relations sont gelées», estime-t-elle. «Erdogan sait parfaitement
bien que les sondages démontrent que l'éloignement de l'Europe n'est pas bien
perçu par la population, y compris par sa base. Il lui tient donc à cœur de
renouveler ses relations», ajoute-t-elle.
Du côté français, c'est le
pragmatisme qui prime. «Emmanuel Macron voit en la Turquie un partenaire
essentiel pour lutter contre le terrorisme et la crise migratoire. Il n'a donc
aucun problème à engager un nouveau dialogue et à construire un nouveau rapport
avec la Turquie, basé sur ces intérêts communs», remarque Jana Jabbour.
Mais cette visite, qui se déroule
la veille d'une manifestation commémorant l'assassinat de trois militants
kurdes en France il y a cinq ans, dérange les défenseurs des droits de l'homme.
Le PCF a, pour sa part, exprimé dès mardi son indignation en condamnant le
déplacement du «dictateur» Erdogan et en apportant «sa solidarité à tous les
démocrates turcs».
Dans
ses vœux à la presse, présentés mercredi, Emmanuel Macron a précisé
qu'il s'engagerait à aborder la «situation des journalistes emprisonnés» avec
son homologue turc. Un sujet déjà abordé dans le passé: l'année dernière,
Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan s'étaient entretenus par téléphone à
plusieurs reprises pour libérer, notamment, les
reporters français retenus en Turquie. «Il ne faut cependant pas
s'attendre à ce qu'Emmanuel Macron sacrifie les relations turco-françaises sur
l'autel de la défense des droits de l'homme. Il va, certes, adresser des
critiques au président turc, mais en utilisant un langage modéré, car il sait
que Paris a besoin d'Ankara», prédit Jana Jabbour.
La rédaction vous
conseille :
- Erdogan
au Figaro: «Turquie et France: une longue amitié»
- Meral
Aksener: «Je suis une rivale sérieuse pour Erdogan»
- Turquie:
Erdogan tourne-t-il le dos à l'Otan?
- Ankara
et Bruxelles figés dans le statu quo
- Turquie:
ceux qui résistent encore à Erdogan
Notre-Dame-des-Landes : six Français sur dix encouragent
Collomb à utiliser la force (04.01.2018)
EXCLUSIF - La demande de fermeté
se renforce. Selon notre sondage, 56 % des Français se déclarent
favorables (contre 43 % qui y sont opposés) au recours à la force si
nécessaire.
Le «premier flic de France» doit
être plus répressif. C'est le message adressé par l'opinion via un sondage
Odoxa consacré au «regard des Français sur le ministre de l'Intérieur, Gérard
Collomb». Il a été réalisé avec Dentsu Consulting pour France Info et Le
Figaro, auprès d'un échantillon de 1006 personnes représentatif de la
population française âgée de 18 ans et plus, les 3 et 4 janvier. Un
contexte émotionnel particulier, puisque les questions ont été posées juste
après les
violences de la Saint-Sylvestre contre des policiers (dont une
jeune femme) à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne)
et Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Ainsi, la demande de fermeté se
renforce. Le sujet de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) - où des
centaines d'extrémistes de gauche mènent une guérilla des champs contre l'État,
depuis des années, pour empêcher la construction d'un aéroport - en
fournit l'illustration parfaite. Selon le président d'Odoxa, Gaël Sliman, «si
Gérard Collomb craignait une sanction de l'opinion face à un excès de fermeté
de sa part, il se tromperait lourdement: 56 % des Français se déclarent en
effet favorables (contre 43 % qui y sont opposés) au recours à la force si
nécessaire pour déloger les zadistes.»
À l'entendre, «cette
légitimation du
recours à la force est largement répandue dans l'opinion,
puisqu'elle est majoritairement partagée par les jeunes (52 % des 25-34 ans
et 55 % des 35-49 ans) comme (surtout) les moins jeunes (63 % des
plus de 65 ans), par les CSP+ (63%) comme par les CSP- (51 %) et par les
Français les plus ruraux (58 %) comme par les Français les plus urbains
(57 % en agglomération parisienne).» Bref, partout les feux sont au vert
pour agir.
Selon le sondeur, «seuls les
sympathisants d'extrême gauche s'y montrent (très) hostiles (70 %), tous
les autres y étant très largement favorables, l'adhésion au recours à la force
oscillant entre 56 % auprès des sympathisants du PS et 77 % auprès de
ceux de LREM (en passant par 62 % de soutien au FN et 67 % auprès des
sympathisants LR-UDI).»
58 % des Français pensent
que l'insécurité augmente
Mais qu'attend donc Gérard
Collomb? En vieux routier de la politique, il calcule quand même ses risques,
car il sait combien l'opinion est versatile. Sévir? Certainement, se dit-il.
Mais pas n'importe comment. Et ce n'est pas son prédécesseur, Bernard
Cazeneuve, tant malmené après la
mort du jeune Rémi Fraisse, tué par une grenade des gendarmes à Sivens,
qui va le contredire.
Aussi madré soit-il, Gérard
Collomb va devoir se faire connaître et vite. 58 % des Français pensent
que l'insécurité augmente contre 9 % qu'elle diminue. Un sentiment
d'insécurité à «son plus haut niveau historique», assure Odoxa. Tandis
que «57 %
des Français sont incapables de dire qui est leur ministre de l'Intérieur».
La mémoire des Français, décidément… seulement «2 % se souviennent de
Bernard Cazeneuve».
La rédaction vous
conseille :
- Le
rapport choc sur les incidents de la Saint-Sylvestre en Île-de-France
- Agression
de Champigny: comment une soirée privée a viré à l'émeute
- Justice,
terrorisme, immigration: les Français seront-ils mieux protégés cette ann
Macron prépare les esprits à sa décision sur
Notre-Dame-des-Landes (04.01.2018)
Dès ce vendredi, Édouard Philippe
entame une série de rencontres à Matignon avec les élus locaux concernés par le
projet d'aéroport.
La pommade avant la décision.
Quel que soit l'arbitrage d'Emmanuel
Macron sur Notre-Dame-des-Landes - construire l'aéroport ou y
renoncer -, il fera forcément des mécontents. Auparavant, le président de la
République s'efforce donc de faire redescendre les tensions en libérant la
parole. C'est le volet «calinothérapie» de la méthode Macron, celui sur lequel
il compte pour ne pas rajouter de la complexité à un dossier déjà passablement
embrouillé. «C'est toujours utile de parler. Les gens viennent, disent ce
qu'ils ont à dire et même s'ils n'obtiennent pas gain de cause au bout du
compte, ils peuvent s'exprimer et être écoutés. Cela évite de créer des malentendus»,
raconte un conseiller du chef de l'État. Ce n'est toutefois pas lui qui sera en
première ligne pour les dernières consultations mais son premier ministre.
Dès ce vendredi, Édouard Philippe
entame une série de rencontres à Matignon avec les élus locaux concernés par le
projet d'aéroport (issus de Loire-Atlantique, Mayenne, Morbihan, Vendée,
Mayenne, Maine-et-Loire…). Pas moins d'une centaine d'entre eux vont être reçus
d'ici au 12 janvier, en présence du ministre de l'Écologie, Nicolas Hulot,
et de celle
des Transports, Élisabeth Borne. «Je vais pouvoir les entendre sur leur
conception de ce qu'il faut faire, ce qu'il ne faut pas faire mais aussi sur la
façon dont ils interprètent le rapport que nous avons demandé au mois de juin
et qui est à l'origine finalement du choix entre le réaménagement de l'actuel
aéroport de Nantes Atlantique et le développement d'une nouvelle plateforme
aéroportuaire», a expliqué le premier ministre sur France 2. Il s'agit de
tenter de désamorcer en amont la grogne qui naîtra dans l'un des deux camps,
partisans ou opposants, dès l'annonce de la décision.
«Ils ont organisé la ZAD dans
une perspective combattante»
Un proche du chef de l'État
Car à la colère de ceux qui
seront déçus de la décision viendra de toute façon s'ajouter la révolte des
zadistes dont l'exécutif a d'ores et déjà annoncé qu'ils seront expulsés,
aéroport ou non. Or sur cet aspect du dossier, Emmanuel Macron s'attend au
pire. «Ils ont organisé la ZAD dans une perspective combattante, assure un
proche du chef de l'État. Il y a des pièges, des miradors, des choses
organisées pour faire mal. Ils se préparent à la guerre. C'est quelque chose
d'assez dangereux qui se développe là-bas et que l'on a laissé s'enkyster au
fil des années.»
Pas une semaine ne passe depuis
la remise du rapport des experts sans que l'exécutif ne lance une mise en garde
sur les dangers et les risques de l'évacuation. Un jour, le premier ministre
assure que, «quelle que soit la décision que nous prendrons, il y aura une
composante d'ordre public». Le suivant, le
ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, déclare qu'«on
sera obligé à un moment donné d'employer la force» pour
évacuer le site de Notre-Dame-des-Landes, tout en ajoutant qu'il faut qu'elle
soit «la plus mesurée possible».
Une façon pour le gouvernement de
dramatiser afin de justifier une intervention forte de l'État. Une façon aussi
d'anticiper sur les débordements qui pourraient arriver. Pas sûr pour autant
que l'évacuation annoncée de la ZAD se traduise par des affrontements aussi
violents que redouté.
«Une partie des zadistes
considère que leur vie est là-bas, à Notre-Dame-des-Landes. Les autres se
disent qu'ils sont en train de gagner la partie et commencent déjà à se
demander quel sera leur prochain terrain de lutte. Ils restent vigilants, sont
déterminés à ne rien lâcher sur Notre-Dame-des-Landes mais commencent tout de
même à regarder ailleurs», explique Véronique Reille Soult, directrice générale
de l'agence de communication Dentsu Consulting. Depuis quelque temps, les
zadistes se sont d'ailleurs installés dans un style de communication beaucoup
plus positif qu'à l'ordinaire. Au point d'organiser il y a quelques semaines
une «journée portes ouvertes» sur la ZAD.
La rédaction vous
conseille :
- Notre-Dame-des-Landes:
coût, bruit… chaque option présente des inconvénients
- Comment
le gouvernement se prépare à évacuer les zadistes de Notre-Dame-des-Landes
- Notre-Dame-des-Landes:
la porte ouverte au réaménagement de l'actuel aéroport
Grand reporter au service
politique du Figaro
Ses derniers articles
- Macron
prépare les esprits à sa décision sur Notre-Dame-des-Landes
- Les
confidences d'Emmanuel Macron en marge de ses vœux à la presse
- Macron
délivre une feuille de route chargée pour les six premiers mois de l'année
Après Notre-Dame-des-Landes, ces 50 projets d'aménagement
ciblés par les zadistes (04.01.2018)
ENQUÊTE - Au-delà du projet
contesté d'aéroport, les autorités surveillent comme le lait sur le feu
une cinquantaine de foyers potentiels à travers le pays. Douze d'entre eux
pourraient rapidement dégénérer.
Derrière l'épouvantail de
Notre-Dame-des-Landes se cache un épais maquis de projets contestés à travers
le territoire. Inconnus pour la plupart du grand public, ils sont au nombre de
50 si l'on se réfère à un recensement des services de renseignements. Selon nos
informations, 12 d'entre eux, où la situation peut virer à l'aigre, sont d'ores
et déjà surveillés par les analystes de la gendarmerie nationale. En filigrane,
ils dessinent la face cachée d'une contestation qui pousse en germe dans la
profondeur des régions. Programmes liés à l'énergie, aux infrastructures de
transports, au stockage et enfouissement de déchets de toute nature, centres de
loisirs ou encore commerciaux, tous les segments d'activité sont concernés.
Voués aux gémonies, les projets servent de terreau à l'expression d'une colère
locale qui aimante tôt ou tard les insurgés «professionnels» qui se nichent à
l'intérieur d'une cause, quelle qu'elle soit d'ailleurs, dans l'attente du
fameux «grand soir». «Aux yeux de l'ultra-gauche, chaque parcelle de lutte en
devenir est potentiellement une nouvelle terre de colonisation», lâche un
fonctionnaire de haut rang. Bloqués, entravés, paralysés parfois depuis des
années, de grands projets français sont en jachère. Le
dynamisme économique de la France s'en trouve contrarié.
«Aux yeux de l'ultra-gauche,
chaque parcelle de lutte en devenir est potentiellement une nouvelle terre de
colonisation»
Un fonctionnaire de haut rang
Pour prendre la mesure des vagues
qui montent, les 75 analystes de la Sous direction de l'anticipation
opérationnelle (Sdao) agissent comme une tête de réseau qui remonte, trie et
raffine la masse d'informations recueillie par quelque 130.000 militaires en
«bleu» qui quadrillent le pays. À force de décortiquer des cas sur le terrain,
l'engrenage de contestation mis au jour a été modélisé. En «phase 1»,
les experts classent d'abord une hostilité locale se cristallisant au travers
d'un collectif ou d'une association de riverains en colère contre un projet
censé être d'intérêt général. «En vertu du phénomène “Nimby” (“Not in my back
yard”, “Pas dans mon arrière-cour”), les résidents à fleur de peau forment des
réseaux de veille, scrutent chaque évolution du dossier, décèlent les
éventuelles failles du dossier et saisissent le tribunal administratif à la
moindre occasion, détaille un officier qui précise que ces irréductibles
«n'hésitent pas à tendre des liens vers d'autres associations implantées
ailleurs». Les ferments d'une communauté de lutte apparaissent alors.
La «phase 2» est
amorcée lorsque le dossier connaît ce que les analystes appellent une «avancée
majeure», concrétisée par un premier coup de pioche, l'aménagement de voiries
ou l'arrivée d'engins de chantiers annonciateurs du lancement des travaux. «À
ce moment, la médiatisation de la contestation prend de l'ampleur et les
résidents s'emploient alors à fédérer des “zadistes” venus d'ailleurs, quitte à
leur offrir le gîte et le couvert pour les fixer sur place et durcir le
dialogue», poursuit-on à la Direction générale de la gendarmerie nationale. À
la manière du bernard-l'hermite changeant de coquille, les professionnels de la
contestation se greffent en particulier là où la chambre d'écho est
potentiellement la plus puissante. Peu importent souvent les termes du débat
local: les tribus zadistes mêlent des spécimens variés incluant de gentils
écolos rêvant de vivre le «vrai» retour à la nature, des anarchistes, des
libertaires, des altermondialistes, de vrais casseurs de type black blocs ou
encore des «antispécistes» apôtres de la libération animale. La «phase
3», ultime, est celle de l'occupation illégitime et durable du terrain pour
paralyser ce que les opposants nomment les grands projets inutiles et imposés
(GPII). Plutôt que «zone d'aménagement différé», ils détournent l'acronyme ZAD
en «zone à défendre», voire en «zone d'autonomie définitive».
Saint-Victor-et-Melvieu
(Aveyron). Projet de construction d'un transformateur
électrique. - Crédits photo : Youtube
Dans le seul domaine énergétique,
la gendarmerie a recensé selon nos informations pas moins de 19 dossiers
contestés, dont quatre particulièrement «emblématiques» au sud de la Loire.
Outre le parc éolien de Bouriège et Tourreilles (Aude) pris pour cible au
prétexte de défigurer le paysage et d'occasionner de nuisances sonores sans
qu'il n'y ait jamais eu de concertation, les gendarmes suivent avec une
attention toute particulière le dossier brûlant du «méga transformateur» de
Saint-Victor et Melvieu (Aveyron), où le géant de la distribution électrique
RTE projette de connecter six lignes à haute tension de 225.000 volts à une
ligne à très haute tension (THT) de 400.000 volts sur un domaine agricole de 9
hectares. Venus des départements environnants pour prêter main-forte à
l'association de riverains «Plateau survolté», les frondeurs viennent de mener
un mois d'actions pour enrayer le bon déroulement de l'enquête publique.
Regroupés dans un «QG» de fortune baptisé «Amassada», ils ont commencé par des
manifestations de rue avant d'édifier des fortifications en ballots de pailles
en centre-ville, d'investir la mairie pour s'emparer de la maquette, former des
barrières humaines interdisant aux commissaires enquêteurs d'accéder à leur
permanence… voire murer de parpaings l'agence locale RTE.
Bure (Meuse). Projet
d'enfouissement de déchets nucléaires. - Crédits photo : FRANCOIS NASCIMBENI/AFP
Parmi les résistants masqués
partis le 2 décembre dernier à l'assaut de la mairie voisine de
Saint-Affrique, figuraient des «vétérans» de Notre-Dame-des-Landes ou encore
de Bure, village de 80 âmes dans la Meuse devant accueillir un
site d'enfouissement de déchets radioactifs. Un dossier
«potentiellement explosif» aux yeux des autorités. «La conjonction de
considérations écologiques et de lutte antinucléaire représente un cocktail
détonant», grimace un fin connaisseur du dossier qui insiste aussi sur «la
proximité de l'Allemagne, où des extrémistes ont assisté à l'enterrement d'un
projet similaire». Actuellement, entre 30 à 50 radicaux établis dans des huttes
ouvrent volontiers les portes de leur «Maison de la résistance» aux activistes
de passage venus guerroyer contre la «poubelle nucléaire». Là encore, le
tam-tam de la «convergence des luttes» résonne au-delà des frontières. Le
15 août dernier, quelque 300 jusqu'au-boutistes casqués, armés de pierres,
bâtons et boucliers, dont deux tiers de black blocks brandissant des drapeaux
antifascites allemands, avaient lancé des cocktails Molotov sur les forces de
l'ordre. «Quand l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes sera réglée, Bure, où le
projet Giceo a déjà pris plus d'un an de retard, sera le prochain sur la
liste», prophétise un fonctionnaire de haut rang.
» LIRE AUSSI - Grand
angle: À Bure, un tombeau nucléaire pour l'éternité
Sur le front des infrastructures
de transports, la levée de boucliers n'est pas négligeable non plus. Parmi onze
projets répertoriés comme «contestés», celui
du contournement ouest de Strasbourg (COS) suscite le plus d'inquiétudes.
«La contestation a mûri au point de devenir préoccupante», diagnostique un
analyste de la gendarmerie nationale. Sur le papier, l'ouvrage, financé par Vinci
comme le serait l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, vise à désengorger la
capitale alsacienne en passant par l'ouest à travers la région très fertile du
Kochersberg. Vent debout, habitants et défenseurs de ce patrimoine naturel
organisent depuis des mois des «dimanches de contestation».
Roybon (Isère). Projet
d'un Center Parcs visant à construire un millier de cottages sur 203 hectares
dans la forêt de Chambaron. - Crédits photo : XAVIER VILA/SIPA/SIPA
L'actrice Charlotte de Turckheim
et Stéphane Bern avaient prévenu des dégâts irréversibles qu'entraînerait la construction du
décrié «COS» sur les jardins remarquables du château de Kolbsheim, qui
a vue sur les Vosges. La nomination du célèbre journaliste-animateur par
Emmanuel Macron à la tête d'une mission de la protection du patrimoine aurait
exacerbé la mobilisation d'une partie des opposants, sûrs de leur bon droit.
Sous l'œil bienveillant de «figures» comme José Bové, jusqu'à 400 manifestants
se réunissent sur le parcours et construisent à chaque étape une cabane en bois
symbolisant des péages ou d'ouvrages censés avilir le paysage. «Au total, huit
constructions de bois d'“information” jalonnent le tracé sur des terrains
privés», note un officier de l'anticipation opérationnelle, où l'on n'écarte
pas l'arrivée prochaine de «professionnels de la contestation».
Dans le bain bouillonnant des
projets contestés, les services de renseignements scrutent aussi à la loupe l'évolution
du projet
emblématique du Center Parcs de Roybon visant à construire un millier de
cottages sur 203 hectares dans la forêt de Chambaron (Isère), le
méga-centre commercial
et de loisirs au Triangle de Gonesse (Val-d'Oise) ou celui qui
doit voir le jour à Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne). Si la contestation
s'essouffle autour du projet de rénovation du réseau électrique en aérien de la
Haute Durance porté par RTE, les hostilités risquent de reprendre de plus belle
à propos de la future ligne à grande vitesse (LGV) appelée à traverser les
Alpes grâce à un tunnel de 57 kilomètres reliant Saint-Jean-de-Maurienne et la
vallée de Suse en Italie. Mis en berne en juillet dernier par le ministre des
Transports, le programme a été relancé après une annonce de son homologue à
l'Économie Bruno Le Maire lors d'un déplacement à Rome, le 1er août
dernier. Ulcérée par le coût jugé démesuré de 26 milliards d'euros, la frange
radicale gravitant en marge du mouvement citoyen Colt (Coordination des
opposants au Lyon-Turin) pourrait organiser une nouvelle «marche» à travers le
massif, comme à l'été 2015 où de violentes échauffourées avaient éclaté sur le
versant italien. Comme partout ailleurs désormais, les radicaux venant d'autres
ZAD peuvent se greffer à tout moment.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 05/01/2018.
La rédaction vous
conseille :
Rédacteur en chef adjoint,
spécialiste sécurité et renseignement
Ses derniers articles
- Après
Notre-Dame-des-Landes, ces 50 projets d'aménagement ciblés par les
zadistes
- Les
Français seront-ils mieux protégés cette année ?
- 139.400
personnes mobilisées pour le réveillon de la Saint-Sylvestre
Éditorial : «Casseurs des champs» (04.01.2018)
Par Vincent Tremolet de Villers
Notre-Dame-des-Landes, c'est à
craindre, n'est que le début d'une longue litanie. Certes, le projet de
l'aéroport devrait être abandonné (c'est sans doute la décision la plus sage),
mais déjà, les zadistes cherchent d'autres zones à occuper. Dans les dizaines
de projets de grands travaux qui fleurissent, ils trouveront sans difficulté
des résistances, en elles-mêmes parfois légitimes, auxquelles se greffer.
Comment ne pas s'interroger, en effet, sur la nécessité de construire une piste
de ski dans le Val-d'Oise (l'une des trouvailles heureusement abandonnée du
projet EuropaCity) ou le coût esthétique, patrimonial ou écologique du
contournement de la ville de Strasbourg?
Mais ne nous y trompons pas: les
zadistes ne sont pas des rêveurs et ces sites à défendre ne sont qu'un prétexte
pour faire sauter le système. Vêtus d'écologie candide et de parkas, ils
tentent de poursuivre une même geste: la lutte finale contre «le capital» et
«ses valets». Dans une étrange inversion des valeurs, ils se pensent comme
dépositaires d'une violence légitime contre un État oppresseur et une police
qui serait soumise aux intérêts des plus puissants. Un curieux compost
idéologique où se mêlent les figures de Robin des bois, du Che (qui plaît tant
à Mme Hidalgo), le sourire hirsute des hippies et les cocktails Molotov de
l'anarchisme libertaire. S'y ajoutent nihilisme adolescent et «gauchisme
culturel» (Jean-Pierre Le Goff): antispécisme et assemblée générale permanente.
Ces casseurs des champs, qui rêvent la nuit, debout, d'une convergence des
luttes avec ceux des banlieues, sont un symptôme de plus de la faiblesse de
l'État et de l'individualisme revendicatif qui a remplacé tout idéal collectif.
Face à ce péril, une priorité: la force de la loi. Sinon, chaque parcelle de
territoire occupée par l'ultragauche sortira du droit commun, et tous nos
grands projets, qu'ils soient bons ou mauvais, finiront en friche… L'évacuation
du site de Notre-Dame-des-Landes sera une épreuve cruciale dans ce combat de
longue haleine : restaurer l'autorité de l'État, bafouée à Champigny comme
en Loire-Atlantique.
« C'est grâce au Coran que je suis devenu athée »
(03.01.2018)
La délicate situation des femmes djihadistes faites
prisonnières en Syrie (04.01.2018)
Complices ou victimes, le désarroi des parents de
djihadistes
Luc Ferry : «La Réforme protestante, l'une des
origines des Lumières» (03.01.2018)
Un cliché montre la distance réelle qui sépare la
Terre et la Lune (04.01.2018)
Gérard Chaliand : «En Iran, l'effort de guerre a
accentué les difficultés économiques» (04.01.2018)
Meral Aksener : «Je suis une rivale sérieuse pour
Erdogan» (04.01.2018)
L'Europe maintient l'ambiguïté sur une adhésion turque
(04.01.2018)
Erdogan au Figaro : «Turquie et
France, une longue amitié» (04.01.2018)
À Paris, Erdogan tend une main vers l'UE (04.01.2018)
Notre-Dame-des-Landes : six Français sur dix
encouragent Collomb à utiliser la force (04.01.2018)
Macron prépare les esprits à sa décision sur
Notre-Dame-des-Landes (04.01.2018)
Après Notre-Dame-des-Landes, ces 50 projets
d'aménagement ciblés par les zadistes (04.01.2018)
Éditorial : «Casseurs des champs» (04.01.2018)