dimanche 7 janvier 2018

Islamisme et politique 03.01.2018

Rohani demande à Macron d'agir contre les Moudjahidins du peuple (03.01.2018)
Facebook et Google dans le piège des «fake news» (03.01.2017)
Pour Facebook, la lutte contre les fake news plus âpre que prévu(27.12.2017)
Loi sur les «fake news» : «inquiète», l'opposition craint d'être «muselée» (04.01.2018)
Emmanuel Macron annonce un projet de loi contre les «fake news» sur Internet (03.01.2018)
«Train Marshalls», ce dispositif testé en toute discrétion pour lutter contre le terrorisme (04.01.2018)
21 ans après leur assassinat, les moines de Tibéhirine bientôt béatifiés (04.01.2018)

Trump empêche le chinois Alibaba de s'offrir l'américain MoneyGram (03.01.2018)
La Norvège convertie à la voiture électrique (03.01.2018)
Les Amérindiens sont venus de Sibérie (03.01.2018)
En prison, des téléphones fixes dans chaque cellule (02.01.2018)
Crise migratoire : Macron se rendra à Calais courant janvier (03.01.2018)
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Baltimore, boulevard du crime (02.01.2018)
Nigeria : Boko Haram multiplie ses attaques (03.01.2018)
Mathieu Bock-Côté : «La gauche post-adolescente et le culte de Che Guevara» (03.01.2018)
Frédéric Encel : « Le grand enjeu du Proche-Orient est la guerre froide entre sunnites et chiites » (03.01.2018)
Les Palestiniens redoutent la fin de l'aide américaine (03.01.2018)

Rohani demande à Macron d'agir contre les Moudjahidins du peuple (03.01.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 03/01/2018 à 19h52 | Publié le 03/01/2018 à 18h36
Abrité en banlieue parisienne, le MKO, qui réunit des opposants en exil au président iranien, est depuis longtemps un sujet de discorde entre les deux pays.
Aux motifs récurrents de discorde entre Paris et Téhéran sur le programme iranien de missiles balistiques et les «tentations hégémoniques» de la République islamique au Moyen-Orient est venu s'en ajouter un autre: la présence en France des opposants au régime de Téhéran, les Moudjahidins du peuple (MKO), cette organisation d'inspiration islamo-marxiste agissant comme une véritable secte, mais aux moyens financiers conséquents.
Lors de l'entretien téléphonique d'une heure mardi entre Emmanuel Macron et le président Hassan Rohani, ce dernier a demandé au chef de l'État d'agir contre un «groupe terroriste», impliqué dans les manifestations, qui secouent le pouvoir iranien depuis une semaine. «Nous critiquons le fait qu'un groupe terroriste ait une base en France et agisse contre le peuple iranien et encourage la violence. Nous attendons du gouvernement français qu'il agisse contre ce groupuscule terroriste», a dit Rohani à Macron, selon des propos rapportés par la télévision d'État à Téhéran.
Un vieux poil à gratter
Le responsable iranien a ajouté que son pays «détenait des preuves que le MKO appelle à des violences et à des assassinats», précise une autre source. Un porte-parole des Moudjahidins a répondu que les «propos (de Rohani) reflètent avant tout l'affolement du régime des mollahs face à l'étendue du soulèvement (…) et à la popularité grandissante» de leur organisation en Iran.
Pourtant, si des slogans pro-Moudjahidins ont bien été scandés par des manifestants, la plupart des observateurs s'accordent à reconnaître que l'influence du MKO est marginale dans la contestation, ce mouvement ne bénéficiant pas d'un large soutien dans le pays. En clair, le pouvoir en profite pour mettre la pression sur Paris, cherchant à montrer une certaine incohérence dans la politique extérieure française, qui privilégie, elle aussi, la lutte antiterroriste.
À défaut de mener des opérations à l'intérieur de l'Iran, le MKO a opté pour la guerre de l'information contre Téhéran
Les Moudjahidins sont un vieux poil à gratter entre Paris et Téhéran. «À chaque entretien avec les Iraniens, nous avons droit à une remarque sur le MKO», précise-t-on à l'Élysée. Chassés d'Iran à la suite d'un de leurs attentats, qui tua le numéro deux du nouveau régime islamique en 1981, les Moudjahidins installèrent leur direction à Auvers-sur-Oise, en banlieue parisienne. Mais en 1986, alors que la France se rapprochait de l'Iran pour faire libérer ses otages détenus au Liban, leur chef Massoud Radjavi était expulsé.
Son épouse, Maryam, prit le relais, mais en 2003, avant un voyage de Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères, à Téhéran, la pasionaria fut arrêtée en France parmi 160 personnes, puis libérée après deux semaines de protestation de ses supporteurs, marquées par des immolations. L'emprise de leur chef, qui fit passer un message codé à ses troupes pour cesser leur fronde, fit froid dans le dos des policiers qui l'avaient mise en garde à vue.
Même si au cours d'une opération de police à Auvers-sur-Oise furent saisis des documents cryptés et une partie de leurs archives - dont leur participation à la répression antikurde menée par leur allié Saddam Hussein au printemps 1991 - l'enquête judiciaire aboutit en 2014 à un non-lieu. Ce qui provoqua la colère de Téhéran.
Retirés de la liste des organisations terroristes de l'UE
«Le MKO a changé», soutiennent ses partisans en France. Ils sont assez nombreux. À défaut de mener des opérations à l'intérieur de l'Iran, le MKO a opté pour la guerre de l'information contre Téhéran. Surfant sur la mauvaise image de l'Iran pendant les années Ahmadinejad (2005-2013), les Moudjahidins sont parvenus à se refaire une virginité. En 2008, grâce à un puissant travail de lobbying auprès des eurodéputés à Bruxelles, ils ont été retirés de la liste des organisations terroristes de l'Union européenne.
En France, une kyrielle de députés, sénateurs et anciens ministres les soutient. Chaque année ou presque, ils organisent à Paris un mégashow auquel participent leurs relais américains, et pour la première fois en 2016, un responsable saoudien, le prince Turki al-Faysal, ancien patron du renseignement d'Arabie, et bien sûr une poignée de porte-voix français. «Les Américains touchent 25.000 dollars, les Français et les autres 12.500 pour une intervention d'environ 15 minutes chacun», révèle un diplomate français, qui a longtemps suivi le dossier iranien.
Pour apaiser les contestataires, le président Ro­hani aurait bien besoin d'une action contre le MKO
Emmanuel Macron va-t-il croiser le fer contre le MKO? Peu probable sans contrepartie. «Nous n'avons aucun dialogue avec eux, souligne-t-on à l'Élysée, le président a répondu à Rohani que ses accusations étaient graves et que la France allait les examiner.» Depuis trente-cinq ans, les Moudjahidins sont une carte entre les mains des autorités françaises.
Or, même si depuis la signature de l'accord nucléaire de 2015 entre Téhéran et les Occidentaux, la relation franco-iranienne s'est améliorée, elle connaît depuis quelques mois de sérieuses tensions. «Il n'y a pas de confiance entre nous», confiait récemment un haut responsable iranien de passage à Paris. Téhéran reproche à la France de ne pas s'opposer avec assez de fermeté au projet de Donald Trump de «détricoter» l'accord de 2015.
Autre grief: la frilosité des banques françaises à financer le renouveau économique iranien. «Airbus et Peugeot recourent à des banques italiennes pour leurs investissements chez nous», regrettait ce haut responsable, qui ajoutait: «Le dossier nucléaire n'est pas une success story pour l'Iran.» Le marasme économique persistant est à l'origine des troubles actuels. Pour apaiser les contestataires, le président Rohani aurait bien besoin d'une action contre le MKO. Mais Paris a des exigences: que l'Iran freine son aide aux milices chiites irakiennes - dont Macron réclame le démantèlement - et favorise une vraie transition du pouvoir en Syrie. Autant d'irritants qu'il faudra apaiser avant le voyage prévu cette année d'Emmanuel Macron en Iran, le premier depuis quarante ans d'un président français.

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Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient
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Facebook et Google dans le piège des «fake news» (03.11.2017)
Par Pierre-Yves Dugua
Mis à jour le 03/11/2017 à 17h54 | Publié le 03/11/2017 à 17h22
Le déferlement de fausses informations pendant la dernière campagne électorale aux États-Unis a montré les limites éditoriales de ces plateformes.
Correspondant à Washington
Au printemps dernier, pendant que Mark Zuckerberg, agé de 33 ans, traversait pour la première fois de sa vie l'intérieur des États-Unis, à la recherche de la réalité de la vie quotidienne de millions d'Américains avec lesquels il a si peu en commun, le FBI et le Congrès découvraient avec stupeur l'ampleur des efforts de la Russie pour manipuler les informations qui circulent sur Facebook. Alors que le patron du tout-puissant réseau social, cinquième homme le plus riche d'Amérique, faisait l'objet de rumeurs d'ambitions politiques, «Zuck» se faisait photographier sur des tracteurs, dans des fermes et des églises.
Des auditions publiques au Congrès ont débuté le 1er novembre. Les responsables de Facebook et de Google ont été mis sur le gril pour expliquer comment ils n'ont pu s'apercevoir qu'après coup que des officines russes payaient leurs entreprises pour diffuser des messages publicitaires inventant des informations dans le but de discréditer Hillary Clinton et polariser un peu plus l'électorat.
Fonctionnement automatique
À l'occasion des investigations du FBI et du Congrès, le grand public est surpris d'apprendre que ces incroyables machines à diffuser les messages publicitaires que sont Facebook et YouTube fonctionnent largement automatiquement, sans intervention humaine. Pour éviter d'être réglementées dans le but de forcer à plus de transparence, les deux géants, ainsi que Twitter, promettent désormais de moderniser leurs filtres. Facebook va embaucher une dizaine de milliers de personnes pour surveiller visuellement ce qui est douteux. Mais les sénateurs démocrates Amy Klobuchar du Minnesota et Mark R. Warner de Virginie, en pointe dans les critiques contre Facebook, ont déposé un projet de loi visant à imposer des normes aux messages politiques sur les réseaux.
«Facebook n'a objectivement aucun intérêt à éliminer les fake news»
Frédéric Filloux, chercheur à l'université de Stanford
Les fake news, ces fausses informations largement disséminées sur la Toile par des millions d'internautes, enrichissent tout autant qu'elles embarassent les géants du net. «Facebook n'a objectivement aucun intérêt à éliminer les fake news, si ce n'est la préservation de son image dans l'opinion et face aux parlementaires américains. Ce réseau tire ses revenus de la publicité, qui sont eux-mêmes conditionnés par la vitesse à laquelle les pages circulent entre les utilisateurs. Introduire toute notion de profondeur éditoriale, de qualité, ou encore éliminer les contenus médiocres mais qui se partagent à toute vitesse, aurait pour effet de ralentir cette mécanique», explique Frédéric Filloux, ancien journaliste, aujourd'hui chercheur à l'université de Stanford.
La ligne de défense de Facebook et de Google est qu'ils ne sont que des plateformes de partage de contenus émanant à la fois des utilisateurs et des médias. En tant qu'hébergeur et non éditeur, ils ne sont juridiquement pas responsables de la véracité de ces contenus. Mais le déferlement de fausses informations pendant la campagne électorale a fait voler en éclats cette ligne de défense.
En février 2017, Facebook et Google ont donc pris des initiatives pour lutter contre la propagation de fake news. Google a créé un service Fact Check en partenariat avec des journaux. Facebook a suivi le même chemin en demandant à des médias partenaires de vérifier pour son compte les informations circulant sur son fil d'actualité.

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Correspondant à Washington Twitte sur @PDugua 
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Pour Facebook, la lutte contre les fake news plus âpre que prévu(27.12.2017)
Par Chloé Woitier
Mis à jour le 28/12/2017 à 12h24 | Publié le 27/12/2017 à 19h16
Le réseau social déploie des outils aux effets limités, voire contre-productifs.
Les «fake news» ont-elles participé à victoire des partisans du Brexit et à l'élection de Donald Trump? Si les historiens auront à trancher cette question, les principaux acteurs d'Internet ont multiplié en 2017 les initiatives pour éradiquer ce fait nouveau: la désinformation à grande échelle sur les réseaux sociaux. Un à un, Google, Mozilla et surtout Facebook, principal accusé, ont annoncé des batteries d'outils pour diminuer la visibilité de ces articles trompeurs, à défaut de pouvoir les éradiquer. Principal point commun de ces projets: le recours à des médias ou des ONG partenaires, chargés de vérifier la véracité des contenus douteux. Hors de question pour les réseaux sociaux de faire eux-mêmes le ménage sur leurs plateformes qui ne veulent pas endosser la responsabilité de médias. «Nous ne sommes pas les arbitres de la vérité», ont inlassablement répété les dirigeants de Facebook tout au long de l'année.
En cette fin 2017, le bilan de la lutte contre les fake news est plus que mitigé. Certes, les élections françaises et allemandes n'ont pas souffert de la désinformation, bien que des rumeurs trompeuses aient pollué la campagne électorale. Facebook également a fermé de nombreuses pages accusées de publier à grande échelle des fake news. Mais cela n'empêche pas les contenus inventés de toutes pièces ou biaisés de continuer à être partagés sur les réseaux sociaux, avec la petite musique du «on ne nous dit pas tout» ou «ces vérités dérangent»…
«Indiquer avec un drapeau rouge qu'un contenu est faux ne suffit pas à changer l'opinion d'une personne et peut même avoir un effet inverse»    
Une tribune de Facebook
Des procédures trop lentes
Les alertes sur le manque d'efficacité des outils anti-fake news se sont multipliées tout au long de l'année. De nombreux fact-checkers(vérificateurs) travaillant pour Facebook ont déploré des procédures inadaptées. Pour qu'un article soit signalé comme «contesté» sur le réseau social, il doit avoir été classé comme «faux» par au moins deux organismes de vérification. Il faut a minima trois jours pour que ces conditions soient remplies. De quoi laisser amplement le temps à la fake news d'être lue et partagée par des milliers d'internautes. Autre limite: rien n'empêche le créateur de l'article mis à l'index de le republier ailleurs, débarrassé de son drapeau «Contenu contesté». Les fact-checkers ont également déploré un manque de moyens humains pour débusquer le plus rapidement possible les fausses nouvelles. Sans compter que Facebook ne leur partage pas les données qui leur permettraient de mesurer l'impact réel de leur travail.
«Nos tests ont montré que les fake news accompagnées d'articles de contextualisation sont moins partagées que les autres»
Facebook
En septembre, une étude de l'université de Yale a fait grand bruit. Elle affirme que les outils anti-fake news de Facebook n'auraient qu'un effet très marginal sur les internautes. Pire encore, les électeurs de Donald Trump et les moins de 26 ans auraient tendance à croire encore plus une nouvelle signalée comme «contestée» par le réseau social! Pour les internautes nourris au complotisme, qu'une information soit qualifiée de «fake» par une institution est la meilleure preuve qu'elle est bel et bien juste…
Dans un texte publié la semaine dernière, Facebook a reconnu ces lacunes. «Indiquer avec un drapeau rouge qu'un contenu est faux ne suffit pas à changer l'opinion d'une personne, et peut même avoir l'effet inverse», écrit-il. Le réseau social a donc décidé de revoir sa copie pour plus d'efficacité. Désormais, lorsqu'un seul (et non plus deux) organisme de fact-checkingaura décrété qu'un contenu est faux ou biaisé, ce dernier apparaîtra sur Facebook accompagné d'un texte explicatif du journaliste. Le drapeau «Contenu contesté», «qui produit des réactions négatives», ne sera plus utilisé. «Nos tests ont montré que les fake news accompagnées d'articles de contextualisation sont moins partagées que les autres», affirme Facebook. Mais il n'est toujours pas question de bannir purement et simplement les contenus piégeux de la plateforme. «Nos internautes doivent pouvoir prendre une décision éclairée sur ce qu'ils doivent lire, croire et partager», argue le réseau social.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 28/12/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Journaliste médias, au Figaro depuis 2011. Pour me suivre sur Twitter : @W_Chloe
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Loi sur les «fake news» : «inquiète», l'opposition craint d'être «muselée» (04.01.2018)
Par Pierre Lepelletier
Mis à jour le 04/01/2018 à 14h51 | Publié le 04/01/2018 à 11h32
LE SCAN POLITIQUE - Après avoir annoncé lors de ses vœux à la presse une loi contre les «fake news», Emmanuel Macron s'est attiré les foudres de l'opposition. Ses adversaires y voient une mesure «inquiétante» pour la démocratie.
Les réactions ne se seront pas fait attendre. À peine les vœux à la pressed'Emmanuel Macron terminés que l'opposition s'est immédiatement indignée mercredi soir. La raison? L'annonce par le chef de l'Etat d'une future loi pour lutter contre les «fake news». «En période électorale [...], en cas de propagation d'une fausse nouvelle, il sera possible de saisir le juge à travers une nouvelle action en référé permettant, le cas échéant, de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l'accès au site internet», a expliqué devant les journalistes Emmanuel Macron.
«Qui va décider si une information est fausse?»
«Qui va décider si une information est fausse?», s'est dans la foulée insurgée Marine Le Pen sur Twitter. «Des juges du Syndicat de la Magistrature? Le gouvernement?», a-t-elle interrogé. «Contrôle de la parole libre sur internet, judiciarisation supplémentaire de la société: la France est-elle toujours une démocratie si elle musèle ses citoyens? Très inquiétant», s'est agacée la présidente du Front national. Un sentiment partagé au sein du parti. Le député frontiste du Pas-de-Calais Bruno Bilde a estimé de son côté que le chef de l'État voulait «museler la parole libre qui s'exprime sur le net». «Il veut peut-être construire un ministère de la vérité», a également ironisé mercredi matin sur France 2 le député du Nord Sébastien Chenu.
Même réaction du côté de La France insoumise. «Qu'est ce qu'une “fake news”, comment on l'empêche, de quoi parle-t-on exactement?», s'est lui aussi interrogé Alexis Corbière sur BFM TV quelques instants après la fin des vœux d'Emmanuel Macron. «J'ai peur que là-dedans il y ait une volonté de museler. Moi je suis pour la liberté du net, des moyens législatifs existent aujourd'hui pour contrôler [les fausses informations]. Attention à ne pas mettre en place quelque chose qui désorganiserait l'équilibre de la loi de 1881 qui garantit la liberté de la presse», a voulu prévenir le député de Seine-Saint-Denis.
Les avis semblent en revanche diverger du côté des Républicains. La porte-parole du parti Lydia Guirous a souligné sur Twitter «une proposition dangereuse pour la liberté de la presse». «Emmanuel Macron souhaite-t-il faire des journalistes des attachés de presse au service de son storytelling?», a-t-elle raillé. Une opinion que ne partage visiblement pas Alain Juppé. Le maire de Bordeaux, pourtant discret ces derniers mois, est sorti de son silence pour saluer sur Twitter cette future loi: «En plein accord avec Emmanuel Macron. Combattre les «Fake news», c'est protéger la démocratie. Il est aussi essentiel de former les plus jeunes à l'esprit critique».
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Emmanuel Macron annonce un projet de loi contre les «fake news» sur Internet (03.01.2018)
Par Chloé Woitier
Mis à jour le 03/01/2018 à 20h43 | Publié le 03/01/2018 à 19h25
Lors de ses vœux à la presse, le président a annoncé vouloir lutter contre la propagation de la désinformation sur les réseaux sociaux en période électorale.
La campagne électorale américaine a laissé des traces. Durant ses vœux à la presse, Emmanuel Macron a annoncé un futur projet de loi visant à combattre la propagation des «fake news» (articles de désinformation) sur Internet. «J'ai décidé que nous allions faire évoluer notre dispositif juridique pour protéger la vie démocratique de ces fausses nouvelles» en «période électorale», explique le président de la République. Emmanuel Macron pointe du doigt les réseaux sociaux. «Propager une fausse nouvelle [n'y] requiert que quelques dizaines de milliers d'euros et peut se faire dans l'anonymat complet», dénonce-t-il. «Les plateformes se verront imposer des obligations de transparence accrue sur tous les contenus sponsorisés afin de rendre publiques l'identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent mais aussi de limiter les montants consacrés à ces contenus.»
L'ombre de la Russie
Emmanuel Macron a en tête l'exemple américain. Durant la campagne électorale de 2016, des milliers de publicités sur Facebook ont été achetées par de faux comptes russes, qui en ont profité pour diffuser des messages sur des sujets sensibles, comme l'immigration ou les violences policières, afin de polariser l'électorat américain. En payant à chaque fois quelques centaines de dollars à Facebook, ces contenus, publiés sur des comptes en anglais, ont été poussés sur les fils d'information de nombreux Américains en fonction de leur profil sociologique ou de leurs opinions politiques. «Les esprits les plus brillants de la Silicon Valley ont été dupés par la Russie, qui a pu transformer ces plateformes en armes pour fragiliser notre démocratie», a dénoncé l'élue démocrate Jackie Speier.
Le président français annonce qu'avec la nouvelle loi, «en cas de propagation d'une fausse nouvelle, il sera possible de saisir le juge au travers d'une nouvelle action en référé qui permettra, le cas échéant, de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur, voire de bloquer l'accès au site Internet.» Il souhaite par ailleurs renforcer les pouvoirs du CSA pour «lutter contre toute tentative de déstabilisation par les services contrôlés ou influencés par des États étrangers», ce qui pourra passer par «la suspension ou l'annulation» de leurs conventions avec le régulateur. Un message à peine voilé à l'encontre de la chaîne russe RT France, lancée fin 2017 chez les opérateurs télécoms et sur Internet.
Lutter contre les fake news implique de définir ce qui entre dans le champ de la désinformation, de la propagande politique, ou de la simple liberté d'expression. Le chef de l'État propose donc aux médias d'entamer une «réflexion» déontologique sur le sujet. «La démarche de Reporters sans frontières d'inventer une sorte de certification des organes de presse respectant la déontologie du métier me paraît intéressante et souhaitée», souligne Emmanuel Macron.
Le président a par ailleurs confirmé que le projet de loi autour de l'audiovisuel public sera présenté en Conseil des ministres avant la fin de l'année 2018. D'ici mars, «des propositions chiffrées et structurées, construisant un scénario de transformation à mettre en œuvre seront rendues par la mission sur laquelle s'appuie la ministre de la Culture», a-t-il précisé.
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«Train Marshalls», ce dispositif testé en toute discrétion pour lutter contre le terrorisme (04.01.2018)
Par Caroline Piquet
Mis à jour le 04/01/2018 à 15h21 | Publié le 04/01/2018 à 14h55
INFO LE FIGARO - Des gendarmes du peloton d'intervention de la Garde républicaine, formés par le GIGN, ont été déployés de manière anonyme dans plusieurs TGV de la SCNF, pendant un mois et demi fin 2017. Le Figaro vous dévoile les coulisses de cette expérimentation.
«Train Marshalls». C'est le nom d'un dispositif de sécurité testé depuis novembre à bord de TGV de la SNCF dans la plus grande discrétion. Selon nos informations, six gendarmes du peloton d'intervention de la Garde républicaine ont été détachés pour patrouiller pendant un mois et demi à bord de plusieurs trains pour prévenir les attaques terroristes. Formés par le GIGN, ces militaires voyageaient à deux par train, en civil et armés.
Fondus dans la foule, les six gendarmes étaient loin de couvrir tout le réseau TGV quotidien. «Leur trajet était ciblé en fonction de la sensibilité des destinations», précise une source bien informée. Leur mission se limitait au TGV et était uniquement consacrée à la prévention des actes terroristes. Par exemple, «si une petite mamie se faisait voler son sac, ils n'intervenaient pas», explique la même source, ajoutant qu'il était important qu'ils restent incognito. «D'une part, il ne fallait pas qu'ils soient déviés de leur mission. À partir du moment où un gendarme porte l'uniforme, vous pouvez être certains qu'il va être sollicité au moindre problème. Et d'autre part, l'idée était de conserver un effet de surprise, efficace pour maîtriser un homme déterminé en cas d'attaque terroriste».
Une expérimentation qui s'inspire des «Air Marshals» aux États-Unis
L'expérience a pris fin en décembre et se serait avérée «concluante». Visiblement moins pour les gendarmes mobilisés qui avaient l'impression de ne couvrir - à juste titre - qu'une infime partie du réseau. Un rapport de la gendarmerie sur cette expérimentation aurait été transmis au ministère de l'Intérieur et à celui des Transports. Ce sera au gouvernement de donner son feu vert pour savoir si le dispositif est étendu ou non et si les effectifs dédiés à cette mission seront augmentés. Pour l'heure, «l'évaluation de l'expérimentation n'est pas terminée», nous indique-t-on au ministère de l'Intérieur. Contactée par Le Figaro, la SNCF n'a pas souhaité faire de commentaire.
Le dispositif s'inspire notamment des «Air Marshals», ces agents d'élite chargés aux États-Unis de protéger les passagers dans les avions. Ce service, lancé par le président John F. Kennedy en 1961 pour lutter contre les détournements d'avions, avait été renforcé au lendemain des attentats du 11 Septembre. Depuis, plusieurs milliers de «marshals» ont voyagé de manière anonyme parmi les passagers de vols américains dans le monde entier.
Des agents SNCF déjà habilités à porter une arme

Des agents de la sûreté ferroviaire en septembre 2016. - Crédits photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP
En France, si ce dispositif venait à être validé dans les trains, les gendarmes travailleraient aux côtés du service national de la police ferroviaire et des agents de la sûreté ferroviaire. Après l'attaque du Thalys en août 2015, ces derniers ont vu leur mission évoluer avec la loi Savary, promulguée en mars 2016.
Ces agents - qui ne sont pas des militaires contrairement aux gendarmes - ont, à partir du mois d'octobre de la même année, été autorisés à travailler armés et en tenue civile pour assurer la protection des voyageurs dans les trains et les gares. Outre leur rôle de surveillance générale, ils peuvent depuis procéder à des «palpations de sécurité». Eux aussi avaient été surnommés «Train Marshalls». En décembre 2016, ils étaient 3000 à patrouiller dans les trains, les TGV et dans les Transiliens, en Île-de-France.
Jusqu'ici le gouvernement est resté discret sur l'expérimentation «Train Marshalls». De son côté, le patron de la SCNF l'avait rapidement évoqué au détour d'un article consacré à la sécurité et posté sur le réseau professionnel Linkedin en octobre dernier, après l'assassinat de deux jeunes femmes à la gare Saint-Charles de Marseille. Guillaume Pepy y rappelait les «filets de sécurité» qui existent pour protéger les trains et les gares. «Les militaires de Sentinelle, les 3000 cheminots de la sûreté (SUGE), les agents de sécurité (…) et l'arrivée de ‘Train Marshalls': ces hommes et ces femmes, armés et en civil, qui assurent dans les trains la protection des voyageurs».
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21 ans après leur assassinat, les moines de Tibéhirine bientôt béatifiés (04.01.2018)
Par Alexis Feertchak
Publié le 04/01/2018 à 13h13
Les sept religieux ont été assassinés dans des conditions obscures en 1996. Avec douze autres religieux catholiques tués dans les années 1990 lors de la guerre civile algérienne, dont l'ancien évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie, ces «martyrs» devraient être faits «bienheureux» par décret pontifical.
Ils sont morts pour leur foi pendant la guerre civile algérienne qui opposa le gouvernement d'Alger et divers groupes islamistes de 1991 à 2002. Parmi eux, les sept moines français de Tibéhirine ou l'ancien évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie, assassinés en 1996. Le décret en béatification de 19 de ces «martyrs» catholiques, tués entre 1993 et 1996, pourrait être signé d'ici la fin janvier.
«Rendre hommage aux 19 martyrs chrétiens signifie rendre hommage à la mémoire de tous ceux qui ont donné leur vie en Algérie dans les années 90», a déclaré le moine trappiste français Thomas Georgeon, «postulateur» (avocat) de la cause, dans un entretien au mensuel en ligne Mondo e missione, de l'Institut pontifical des missions étrangères. «Chacun d'entre eux a été un témoignage authentique de l'amour du Christ, du dialogue, de l'ouverture aux autres, de l'amitié et de la fidélité au peuple algérien», souligne-t-il, en estimant que le dossier ouvert en 2006 avait avancé rapidement.
«Un passé douloureux et dangereux»
«Les évêques algériens souhaitent que la béatification puisse être célébrée en Algérie, à Oran, diocèse de Mgr Claverie», indique le moine français, qui avait été reçu en septembre par le pape au Vatican en compagnie de l'archevêque d'Alger et de l'évêque d'Oran. Beaucoup dans la petite Église catholique d'Algérie «attendent cette reconnaissance», mais d'autres «n'aiment pas le mot ‘martyr' car ils ont peur que le souvenir de ce passé douloureux soit un exercice dangereux», a-t-il admis.
Un passé d'autant plus douloureux que, dans le cas de l'assassinat des moines trappistes de Tibéhirine, l'enquête ouverte à Paris en 2004 n'a pas permis d'éclaircir les nombreuses zones d'ombre de cette tragédie. Les sept moines français ont été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère de Notre-Dame de l'Atlas, à 80 km au sud d'Alger. Leur mort a été annoncée le 21 mai par un communiqué du Groupe islamique armé (GIA), mais seules leurs têtes ont été retrouvées le 30 mai 1996.
Ces moines français vivaient en parfaite harmonie avec la population locale, qui venait s'approvisionner en légumes au monastère. Frère Luc, 82 ans lors de sa mort, médecin habitant l'Algérie depuis 1946, soignait gratuitement tous les habitants du village. Un lieu de paix, un trait d'union entre les religions, dans un pays en guerre rongé par le fondamentalisme, comme l'illustre le film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux.
Une mort suspecte
Que s'est-il donc passé à Tibéhirine? La thèse officielle défendue par le gouvernement algérien imputant la responsabilité de leur mort au groupe islamiste est régulièrement remise en cause. Plusieurs éléments apparaissent effectivement troublants. Un rapport d'expertise établi après une exhumation qui n'eut lieu qu'en 2015 révèle que les moines ont très probablement été décapités post mortem, un mois avant le 21 mai, date du communiqué du GIA qui avait annoncé la mort par égorgement des religieux. Un communiqué d'autant plus suspect que la première version transmise comportait une erreur dans la citation d'un verset du Coran.
Autant d'éléments qui posent la question d'une possible implication de l'armée et des services de sécurité algériens. À cet égard, deux hypothèses reviennent de manière récurrente. Selon la première, défendue notamment par l'ancien attaché de Défense à l'ambassade de France à Alger, le Général François Buchwalter, le drame découlerait d'une bavure de l'armée algérienne qui menait alors une opération contre des islamistes à proximité du monastère. Les moines auraient été tués par balles puis décapités pour faire croire à un assassinat du GIA. Néanmoins, ce récit est contredit par celui du frère Jean-Pierre, l'un des deux moines survivants, qui décrit un enlèvement par des islamistes.
La thèse d'une implication des services secrets algériens
La seconde hypothèse est plus élaborée. Les services secrets algériens seraient parvenus à infiltrer le GIA. Son chef, Djamel Zitouni, aurait en réalité travaillé pour le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS). En faisant enlever les moines par le groupe islamiste, les services auraient souhaité décrédibiliser les islamistes auprès de l'opinion publique. Une thèse soutenue par d'anciens espions algériens, mais aussi évoquée par certains responsables français. Des documents déclassifiés par le gouvernement français en 2009 révèlent que l'implication du DRS a été envisagée dès 1996 par le Quai d'Orsay. Des notes du général Philippe Rondot, alors numéro 2 de la Direction de la surveillance du territoire (DST), mentionnent aussi cette hypothèse, même si le «maître espion», mort récemment, accusait depuis 2010 le seul GIA.
Un homme en particulier croyait fermement à l'implication des services secrets algériens. Il s'agissait de l'évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie, qui a été assassiné le 1er août 1996 dans un attentat à la bombe commis par un groupe armé. Ce dominicain, né à Bab-el-Oued dans une famille pied-noir et revenu en Algérie dès 1967, était connu pour sa défense ardente du rapprochement entre les chrétiens et les musulmans. Avec les sept moines de Tibéhirine, cet homme de dialogue fait partie des 19 religieux qui pourraient bientôt devenir «bienheureux».
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Trump empêche le chinois Alibaba de s'offrir l'américain MoneyGram (03.01.2018)
Par Pierre-Yves Dugua
Mis à jour le 03/01/2018 à 19h34 | Publié le 03/01/2018 à 19h00
Ce rachat lui aurait permis d'accéder à des informations sur les flux financiers au sein des États-Unis.
Washington
Plus question à Washington de donner le bénéfice du doute aux groupes chinois. Devant l'avis défavorable des autorités américaines, la société chinoise de paiement électronique Ant Financial abandonne son projet d'acheter MoneyGram 1,2 milliard de dollars.
Ce n'est pas la première et probablement pas la dernière firme chinoise à voir son acquisition d'une entreprise américaine bloquée par l'Administration Trump, avec le soutien d'un grand nombre d'élus des deux partis au Congrès. «L'environnement géopolitique a changé considérablement depuis notre première annonce de transaction avec Ant Financial il y a près d'un an», observe Alex Holmes, le patron de MoneyGram, société de Dallas (Texas) spécialisée dans le transfert électronique de paiements.
Le milliardaire Jack Ma, qui dirige le géant du commerce en ligne Alibaba et contrôle Ant Financial, avait tenté fin 2016 de convaincre Trump des bienfaits de ses projets de développement aux États-Unis. Il avait promis la création par Alibaba et ses filiales d'un million d'emplois américains lors de sa visite à New York dans la Trump Tower, au domicile du président élu.
Cet argument et ceux présentés depuis par Ant Financial à la commission interministérielle chargée d'étudier les acquisitions de firmes américaines par des groupes étrangers n'ont pas suffi. Alibaba a prouvé qu'elle peut aider des sociétés américaines à vendre leurs produits en Chine. Mais la volonté de Washington de contrer les ambitions hégémoniques de la Chine n'est pas le seul facteur qui fait capoter la démarche d'Ant Financial. La question de la protection des données personnelles des clients de MoneyGram figure parmi les obstacles au feu vert de la Commission sur l'investissement étranger aux États-Unis (CFIUS).
Le manque de réciprocité de la Chine a aussi plombé la transaction. Jamais Pékin n'autoriserait une firme américaine à s'emparer d'un acteur stratégique chinois dans le commerce électronique
En rachetant MoneyGram, la société chinoise aurait eu accès à des informations sur les flux financiers au sein des États-Unis, y compris ceux impliquant des personnes privées en situation délicate, donc vulnérables et susceptibles d'être recrutées par les services chinois de renseignements. MoneyGram arguait qu'à aucun moment les données personnelles de ses clients ne quitteraient les États-Unis. Ces assurances n'ont pas convaincu, au regard des pratiques chinoises particulièrement laxistes en matière de protection des données relatives de la vie privée. La question de l'accès par une firme chinoise à une technologie américaine développée par MoneyGram, à l'heure où l'essor du commerce en ligne rend cruciale la maîtrise de systèmes de paiements électroniques sécurisés, est un autre point sur lequel l'Administration Trump a tiqué.
Le manque de réciprocité de la Chine a aussi plombé la transaction. Jamais Pékin n'autoriserait une firme américaine à s'emparer d'un acteur stratégique chinois dans le commerce électronique.
En septembre, la Maison-Blanche avait bloqué le rachat de la société américaine de semi-conducteurs Lattice par le fonds chinois Canyon Bridge Capital Partners. À l'époque la CFIUS avait également émis un avis défavorable. Le conglomérat chinois HNA attend depuis des mois le feu vert des autorités fédérales pour prendre le contrôle d'un fonds d'investissement qui appartient à un ami et ancien collaborateur de Donald Trump, Anthony Scaramucci. La commission prend en outre son temps pour statuer sur le rachat possible de l'assureur Genworth Financial pour 2,7 milliards de dollars par China Oceanwide Holdings.

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La Norvège convertie à la voiture électrique (03.01.2018)
Par Frédéric Faux
Publié le 03/01/2018 à 17h58
REPORTAGE - En 2017, plus d'un véhicule neuf sur deux était électrique. Les incitations, coûteuses, sont déjà revues en baisse.
L'un des plaisirs quotidiens de Jorgen Gilberg, lorsqu'il rejoint son domicile à Jessheim, une banlieue d'Oslo, est de tomber sur un embouteillage aux heures de pointe. «Avec une voiture électrique, vous pouvez emprunter les couloirs de bus, se félicite-t-il en faisant bondir sa Tesla. Je gagne une heure chaque jour.» Cette dérogation est l'un des nombreux avantages dont bénéficient les voitures électriques en Norvège. Exonérées de toutes taxes, elles sont au même prix que leurs équivalents thermiques. Leurs conducteurs ne paient pas les péages et disposent de parkings réservés au centre des villes où ils peuvent se garer et recharger leurs batteries gratuitement.
«Nous sommes le premier marché de masse pour ce type de véhicules»
Stur Portvik, chargé de la mobilité électrique à la mairie d'Oslo
Des privilèges qui ont fait de la Norvège le premier marché, en termes de pénétration, pour la voiture électrique. Elles sont 135.000 à circuler sur les routes de ce pays qui compte seulement 5 millions d'habitants. L'an dernier, les véhicules tout-électrique (20,9 %) ou hybrides (31,3 %) ont représenté plus de la moitié des ventes de voitures neuves, selon les chiffres officiels publiés mercredi.
La Norvège est devenue un laboratoire pour le reste du monde, une étude de marché en temps et en grandeur réels. Des constructeurs comme Audi, Mercedes ou Jaguar l'ont choisie pour lancer les ventes de leur premier modèle tout-électrique. «Nous sommes le premier marché de masse pour ce type de véhicules», estime Stur Portvik, chargé de la mobilité électrique à la mairie d'Oslo.
Parkings «tout-électrique»
Une performance obtenue aussi grâce à d'importants investissements. La capitale norvégienne, qui dispose déjà de 2000 points de recharge, va doubler ce dispositif d'ici trois ans. Elle a aussi développé des parkings «tout-électrique», comme le Vulkan, le plus moderne d'Europe, où cent bornes flexibles permettent aux usagers de choisir leur puissance, et donc leur tarif. Toute l'infrastructure est déjà prête pour accueillir la prochaine génération de «super-chargeurs», capables de charger une batterie en cinq minutes. «Le Vulkan est utilisé la nuit par les résidents du quartier, et le jour par les salariés qui viennent y travailler», se félicite Stur Portvik.
«Le Vulkan est utilisé la nuit par les résidents du quartier, et le jour par les salariés qui viennent y travailler»
Stur Portvik, chargé de la mobilité électrique à la mairie d'Oslo
Un succès de l'électrique que la Norvège doit aussi apprendre à gérer. Les couloirs de bus, en effet, commencent à être encombrés d'«elbil» («voitures électriques»). Les municipalités voient avec inquiétude leur base fiscale se réduire. «Les avantages dont nous bénéficions ont servi à lancer le marché, mais cela a un coût, ce ne sera pas éternel», admet Petter Haugneland, porte-parole de la puissante association norvégienne de propriétaires de voitures électriques, qui compte 50.000 membres.
Objectif: zéro véhicule thermique en 2025
Lors de la discussion budgétaire qui s'est terminée le mois dernier au Parlement d'Oslo, certains avantages ont ainsi été limités. Les municipalités ont désormais la possibilité de faire payer parkings et péages aux voitures électriques, dans la limite de 50 % du tarif normal. L'avantage fiscal sera maintenu en 2018, mais son bien-fondé sera réexaminé en 2019. Un amendement qui prévoyait de taxer les véhicules électriques pesant plus de 2 tonnes a en revanche été rejeté. «Certains pensaient qu'il faut taxer les “gros” véhicules, car, avec tous les avantages dont bénéficient l'électrique, le poids des taxes liées à l'automobile dans le budget a baissé, admet le député Ola Elvestuen, du parti Venstre. D'autres, comme nous, pensent qu'il faut maintenir ces avantages fiscaux tant que les véhicules de livraison ou les voitures familiales ne sont pas passés à l'électrique. Mais tous les partis sont d'accord sur l'objectif: plus aucun véhicule thermique ne doit être vendu en Norvège en 2025.»
«Tous les partis sont d'accord sur l'objectif: plus aucun véhicule thermique ne doit être vendu en Norvège en 2025»
Le député Ola Elvestuen, du parti Venstre
Car, pour ses promoteurs, la voiture électrique doit remplir toutes les fonctions d'une automobile classique, en s'adressant à tous les membres de la famille, comme chez les Gilberg. «Aujourd'hui, l'autonomie n'est plus un problème, assure Jorgen en conduisant sa Tesla d'un seul doigt grâce au pilotage automatique. Je peux aller d'Oslo à Gibraltar en m'arrêtant tous les 300 kilomètres, sans payer un centime.» Arrivé chez lui, ce chef d'entreprise gare son véhicule à côté de la BMW électrique de sa femme, plus petite, mais largement suffisante pour amener les enfants à l'école et faire 20 kilomètres jusqu'au bureau. «Cela fait quatre ans que l'on a vendu notre dernier diesel, et je ne ferai plus marche arrière», sourit Jorgen.
Le Graal de l'industrie du véhicule électrique, qui rêve de voir les moteurs thermiques évincés du foyer, que ce soit pour la deuxième voiture comme pour le véhicule principal, est déjà devenu réalité dans la banlieue d'Oslo.

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Les Amérindiens sont venus de Sibérie (03.01.2018)
Par Jean-Luc Nothias
Publié le 03/01/2018 à 20h38
Une nouvelle étude génétique précise le timing de l'arrivée de Sibériens en Amérique par le détroit de Béring il y a 35.000 ans.
L'hypothèse du peuplement des Amériques du Nord et du Sud par des Sibériens eurasiatiques via le détroit de Béring vient de se transformer en quasi-certitude grâce à une étude de paléogénétique sur de l'ADN vieux de 11.500 ans. Une équipe internationale, sous la houlette du Muséum national d'histoire naturelle de Copenhague, au Danemark, a pu faire parler les gènes du squelette d'un enfant de 6 à 12 semaines, découvert en 2013 en Alaska, le long de la Sun River. Ce sont les restes humains les plus anciens d'Amérique du Nord. Leurs analyses ont ainsi contribué à éclaircir les origines et le timing de «colonisation» de ceux qui sont devenus les Amérindiens (travaux publiés dans la revueNature).
Il y a 20.000 ans, pendant la dernière période glaciaire (100.000 à 12.000 ans), le niveau des mers était plus bas de plus de 100 m. Le détroit de Béring était vide d'eau et les terres émergeaient sur une large bande de terre que l'on appelle la Béringie. Les 83 kilomètres séparant la Sibérie orientale, à l'extrême nord-est de l'Asie, de l'Alaska, à l'extrême nord-ouest de l'Amérique, pouvaient être parcourus à pied, dans une végétation abondante, loin des glaces. Les premiers à l'emprunter ont dû être les mammouths laineux, les chevaux sauvages, les caribous et les bisons (dont on sait qu'ils sont originaires d'Asie). La découverte en Béringie de l'Est d'ossements animaux datant de 24.000 ans confirme cette théorie. À leur suite, tout naturellement, les chasseurs ont dû également emprunter cette route et essaimer dans le reste des Amériques du Nord et du Sud… Mais quand, et comment?
Des anciens Béringiens
C'est là que la découverte de l'Américain Ben Potter, de l'université d'Alaska, à Fairbanks, a été déterminante. En 2006, des travaux exploratoires avaient été menés dans la Tanana River Valley, à l'intérieur de l'est de l'Alaska, dans le but de construire une route. Des vestiges archéologiques anciens ont été découverts attestant d'une présence humaine il y a 13.500 ans. Lors de fouilles plus approfondies en 2010, Ben Potter et ses collègues ont découvert les traces d'un camp de chasse provisoire d'été avec pierres taillées, bifaces, foyers… Et surtout d'un squelette brûlé de ce qui s'avérera être une petite fille de 3 ans. En 2013, ils ont mis au jour une tombe avec deux squelettes, l'un d'un bébé de 6 à 12 semaines, l'autre d'un fœtus d'environ 30 semaines. De l'ADN a pu être extrait du bébé et un génome complet a pu être séquencé.
Il a été comparé à celui d'Amérindiens, anciens et présents, de différentes régions, ainsi qu'à des ADN de personnes africaines, eurasiennes, australiennes… Le groupe auquel appartient le bébé alaskien, appelé par les chercheurs «anciens Béringiens», est le plus proche des Amérindiens (du Nord et du Sud), suivis par les Sibériens et les Asiatiques de l'Est.
Le résultat des études génétiques suggère qu'une première migration vers l'est par la Béringie a eu lieu il y a quelque 36.000 ans. Les apports ont été continus jusque vers 25.000 ans, accompagnés d'une dispersion sur tout ce continent. Vers 11.500 ans, on voit un nouvel apport sibérien chez les Amérindiens du nord de l'Amérique du Nord, par des populations proches des Koriaks (des Sibériens nomades actuels), mais pas par les groupes arctiques, Eskimos, Inuits ou Kets.

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En prison, des téléphones fixes dans chaque cellule (02.01.2018)
Par Caroline Piquet
Mis à jour le 03/01/2018 à 12h24 | Publié le 02/01/2018 à 17h42
Au total, 50.000 téléphones vont être progressivement déployés sur les trois prochaines années dans 178 établissements pénitentiaires.
C'est un changement de taille que s'apprête à connaître le milieu carcéral. La Chancellerie a décidé d'installer des téléphones fixes dans la quasi-totalité des cellules des prisons françaises, a révélé Le Monde. L'appel d'offres a été lancé en novembre. En tout, plus de 50.000 téléphones vont être progressivement déployés sur les trois prochaines années dans 178 établissements pénitentiaires, à l'exception des quartiers disciplinaires. Bientôt, prévenus comme détenus pourront appeler, depuis leur cellule, une liste de numéros préalablement autorisés par un juge (pour les prévenus) ou par l'administration (pour les personnes définitivement condamnées).
Cette décision prise en septembre par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, découle d'une expérimentation menée depuis l'été 2016 dans la prison de Montmedy, dans la Meuse. Là-bas, les 290 détenus bénéficient d'une ligne fixe personnelle et ne sont plus obligés de passer leurs coups de téléphone depuis des postes disposés dans la cour de promenade ou dans les coursives, souvent bruyantes et très fréquentées. En moyenne, ils composent quatre numéros mais peuvent avoir jusqu'à 20 contacts dans leur répertoire.
Appels enregistrés et surveillées
L'objectif de cette mesure est pluriel: élargir les plages horaires d'accès au téléphone et améliorer la confidentialité des appels «pour favoriser le maintien des liens familiaux et prévenir les suicides». Actuellement, les créneaux horaires dédiés aux appels sont limités à quelques heures par jour et dans certains établissements, on compte seulement un téléphone pour 100 personnes. De quoi créer des tensions entre détenus. À Montmédy, les résultats se sont avérés encourageants. Après un an et demi d'utilisation, le nombre d'appels passés a plus que triplé, selon des chiffres de l'administration pénitentiaire. Même constat pour les temps de communication par détenu qui ont doublé. Alors que chaque détenu passait en moyenne 73 minutes au téléphone au premier trimestre 2016, ce chiffre est monté à 156 en novembre dernier. Autre effet jugé positif à court terme: une baisse de 31 % de la circulation des téléphones portables, interdits en prison, entre le premier semestre 2016 et les six premiers mois de 2017. Pour autant, l'administration pénitentiaire se veut prudente: «On sait que ce n'est pas un dispositif miracle et que ce n'est qu'une partie de la solution.»
«On sait que ce n'est pas un dispositif miracle et que ce n'est qu'une partie de la solution.»
Une source de l'administration pénitentiaire
Si la mesure est «par principe» jugée favorable par des syndicats, elle reste critiquée sur plusieurs aspects. Jean-Michel Dejenne, conseiller national au Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP), entrevoit des dérives: «Certains pourront notamment passer des appels à la place de leur codétenu et ainsi utiliser des numéros non autorisés.» Des craintes auxquelles l'administration pénitentiaire tente de répondre: «Ces appels sont enregistrés et surveillés. Si on constate des entorses au règlement, nous prendrons des sanctions», réplique-t-on. «Faut-il encore avoir suffisamment de personnels pour les écoutes», ironise de son côté Jean-François Forget, secrétaire général de l'UFAP-Unsa Justice. «Si les appels augmentent, il faut plus de moyens», affirme-t-il. «Mais surtout, insiste le responsable syndical, ce n'est pas l'installation de téléphone filaire qui va régler le problème des téléphones portables en prison».
33.000 mobiles saisis en 2016
En 2016, plus de 33.000 mobiles et accessoires (carte SIM, chargeurs, etc.) ont été saisis. Un chiffre qui devrait augmenter en 2017 puisqu'on dénombre déjà plus de 19.000 saisies rien que sur le premier semestre de l'année dernière. Pour lutter contre ce fléau, «il est indispensable de mettre en place des brouilleurs nouvelle génération», réclame le syndicaliste.
Actuellement, il y en a 804 sur le parc pénitentiaire mais la plupart sont obsolètes. Consciente du problème, la Chancellerie a décidé de lancer un second appel d'offres fin décembre. «Plutôt que d'acheter des brouilleurs sur catalogue, on demande à des professionnels de garantir l'efficacité et l'entretien des brouilleurs», explique-t-on à l'administration pénitentiaire. Coût de cette seconde mesure: 15 millions d'euros par an. Une dépense conséquente comparée à celle des téléphones fixes dont l'installation et l'entretien seront à la charge du prestataire et les communications à la charge du détenu. Les premiers établissements devraient être équipés en téléphone fixe d'ici à la fin de l'année.

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Crise migratoire : Macron se rendra à Calais courant janvier (03.01.2018)
Par Etienne Jacob et AFP agencePublié le 03/01/2018 à 16h38
Le président s'était engagé auprès de la maire LR Natacha Bouchart à venir dans sa commune, particulièrement touchée par la crise migratoire, avant le sommet franco-britannique prévu en janvier près de Londres.
Après le désormais traditionnel «séminaire gouvernemental», Édouard Philippe a présenté mercredi un agenda de réformes chargé pour les prochains mois. Parmi les chantiers d'ampleur à venir, le projet de loi asile-immigration. Dans ce cadre, le premier ministre a annoncé la venue courant janvier d'Emmanuel Macron à Calais.
Malgré le démantèlement de la «jungle» en octobre 2016, un grand nombre de migrants continue de s'y rendre dans l'espoir de rallier la Grande-Bretagne, souvent en raison de la langue, de la présence de proches dans le pays ou d'une supposée plus grande facilité à y trouver du travail. «Nous poursuivrons avec Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur, la concertation sur le projet de loi asile et immigration avec de nouvelles réunions au ministère de l'Intérieur et à Matignon», a affirmé Édouard Philippe.
La venue du chef de l'État sera l'occasion pour lui de «tirer les conclusions de cette concertation», a précisé locataire de Matignon. Il devrait également honorer une promesse faite en novembre à la maire de Calais Natacha Bouchart. En novembre, l'élu LR avait annoncé que le président s'était engagé à venir dans sa commune avant le sommet franco-britannique prévu en janvier près de Londres. À cette occasion pourrait être évoquée une éventuelle renégociation des accords du Touquet, qui fixent depuis 2004 la frontière britannique à Calais.
Quant à la réforme sur l'immigration et le droit d'asile, elle doit être présentée début janvier au Conseil d'État, avant d'être examinée au premier semestre au Parlement. Ce texte doit permettre la refondation complète de la politique d'immigration voulue par Emmanuel Macron. Mais depuis plusieurs semaines, les critiques fusent de la part des associations, qui dénoncent un durcissement des conditions d'accueil.
Le texte prévoit notamment une réduction des délais moyens d'instruction des demandes d'asile de 14 à 6 mois et l'éloignement effectif des personnes déboutées. Gérard Collomb propose également d'allonger à 90 jours, contre 45 actuellement, la durée de rétention administrative pour les étrangers en attente d'une expulsion. «Nous allons intervenir avec plus de moyens pour mieux traiter les demandeurs d'asile», a réaffirmé Édouard Philippe mercredi.
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Les vertus insoupçonnées des jardins suspendus (02.01.2018)
Par Marielle Court
Publié le 02/01/2018 à 17h50
Rétention des eaux de pluie, production de légumes, lutte contre la chaleur sont autant de qualités attribuées aux toits végétalisés.
Un jardin sur les toits. Partout dans les villes, des potagers fleurissent perchés en haut de tours ou sur les toits plats de barres d'immeubles plus anciens. Des projets de bobos en mal de nature? Les scientifiques, en tout cas, s'intéressent de près à ces nouvelles tendances. C'est le cas dans un article qui vient d'être publié par la revue Agronomy for Sustainable Development. Les chercheurs se sont penchés sur les services que pouvaient rendre ces écosystèmes juchés entre ciel et terre, dans un cadre qui n'était pas prévu initialement à cet effet. Ils ont à la fois regardé la possibilité qu'il y avait de produire des légumes de qualité et en quantité sur des sols constitués de déchets organiques fournis par la ville, dans un esprit d'économie circulaire. Mais ils ont également mesuré le rôle de ces sols pour l'écoulement des eaux de pluie.
S'il paraît plutôt illusoire de penser que ce genre de culture est susceptible de nourrir une ville comme Paris, les techniques utilisées ont apporté d'agréables surprises. Les chercheurs (Inra, AgroParisTech) ont mis en place trois types de bacs pour effectuer leurs plantations. «Le premier lot de bacs reprend une technique de culture en couches: au-dessous, on met environ 15 cm de bois broyé, pour que les racines puissent se développer, et, au-dessus, 15 cm de compost obtenu à partir de déchets verts urbains qui apportent les nutriments. Le second est composé de la même manière, mais on y ajoute des vers de terre, et, enfin, le troisième sert de témoin et est composé de terreau acheté dans le commerce», explique Baptiste Grard, chercheur doctorant à AgroParisTech et premier auteur de la publication.
Quatre-vingts hectares exploitables dans Paris
Premier constat des chercheurs sur ce qu'ils appellent le technosol, «les niveaux de production des bacs sont comparables voire supérieurs à ceux de jardins familiaux en pleine terre et proches de ceux des maraîchers professionnels en agriculture biologique de la région francilienne». Et s'il n'y a pas de différence entre les bacs avec ou sans vers de terre, les bacs avec du terreau du commerce n'offrent pas un meilleur rendement.
Autre avantage non négligeable : plus il y a de la végétation dans une ville, plus cela permet de lutter en été contre les îlots de chaleur
Mais l'autre intérêt important souligné par l'étude est que ces sols artificiels permettent de retenir «plus des trois quarts des eaux de pluie incidentes», notent les scientifiques. Et quel que soit le sol (parmi les trois étudiés), les teneurs en métaux lourds des légumes sont largement inférieures aux normes en vigueur. Pour les chercheurs, ces jardins suspendus sont de bons moyens pour ralentir l'écoulement des eaux et, dans le cas de pluies fortes, «éviter la surcharge des canalisations, souligne Baptiste Grard, car plus une eau ruisselle sur des sols imperméabilisés, plus elle se charge en polluants».
Ces résultats montrent que «des toitures potagères low-tech, simples à conduire, permettent de recycler des déchets organiques et de produire des légumes sans recours à l'utilisation de fertilisants chimiques tout en captant des eaux de pluies», soulignent les chercheurs.
Autre avantage non négligeable: plus il y a de la végétation dans une ville, plus cela permet de lutter en été contre les îlots de chaleur. À Paris, les jardins suspendus se sont multipliés ces dernières années, avec toutefois une limite de taille pour la capitale: les spécialistes estiment qu'il serait possible d'exploiter quelque 80 hectares. Sans oublier l'absence totale à ce jour de filière de compostage. Mais, aux portes de la capitale, il y a un très gros potentiel», assure Baptiste Grard.

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Baltimore, boulevard du crime (02.01.2018)
Par Philippe Gélie
Mis à jour le 02/01/2018 à 21h11 | Publié le 02/01/2018 à 17h36
REPORTAGE - Théâtre d'un millier de meurtres en trois ans, la grande ville du Maryland est devenue la plus criminogène des États-Unis. Depuis les émeutes de 2015, la confiance est rompue avec des forces de police en état de déliquescence.
De notre envoyé spécial à Baltimore
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Alice Hawks s'avance dans ses habits du dimanche, calot rouge sur la tête, robe blanche croisée à boutons, telle une soldate en mission. «J'ai perdu mes deux fils, dit-elle. Le premier en janvier 2008, le second en mai 2014. L'assassin de l'aîné a été condamné, mais il doit être rejugé. Le meurtre du second n'a jamais été élucidé. C'est si dur, j'ai pensé à me suicider… Mes enfants devraient être ici avec moi, je ne devrais pas être obligée d'aller les voir au cimetière. Ma Fête des mères est ruinée jusqu'à la fin de ma vie.»
Des larmes coulent sur les joues des femmes qui l'écoutent. La vingtaine de mères rassemblées en ce dimanche après-midi dans la sacristie de l'église St. Johns Alpha & Omega, dans le nord-ouest de Baltimore, ont toutes vécu le même drame.
«C'est encore frais et ça fait mal, la pire douleur qu'on puisse ressentir, dit Nicole Worth, dont le fils a été tué le 23 juillet dernier. Deux de ses amis se tenaient à ses côtés, mais la police n'a arrêté personne. Je demande justice pour mon fils. Ses meurtriers sont toujours dans la rue. Ces rues ne nous aiment pas, elles n'ont rien à nous donner! J'ai presque perdu la foi, mais Dieu ne m'a pas abandonnée. Je prie pour que le jeune homme qui a assassiné mon fils unique voie son visage chaque jour et ne puisse trouver le sommeil.»
«Tous les parents à Baltimore ont peur quand leurs enfants vont à l'école, au sport ou à une fête le soir»
Une mère de victime
La séance de catharsis collective se poursuit sous l'impulsion de Daphne Alston, directrice de Moms (mamans), acronyme de Mothers of Murdered Sons (& Daughters), une association de soutien qu'elle a fondée après la mort de son fils Terry à 22 ans, le 13 juillet 2007. «Il y avait une soirée à la caserne de pompiers, il est descendu pour téléphoner à sa petite amie… On l'a retrouvé une balle dans la tête. La police n'a jamais élucidé l'affaire.» Daphne spécule sur «une fusillade au volant liée aux gangs» qui se disputent le marché de la drogue, quoique la précision de l'impact n'évoque pas des rafales tirées d'une voiture. Son fils avait-il de mauvaises fréquentations? Daphne balaie la question: «Tous les parents à Baltimore ont peur quand leurs enfants vont à l'école, au sport ou à une fête le soir.»
Violence endémique
«Cela brise le cœur, tant de vies perdues avant leur 20e ou 25e année, commente Stanley Cruse, évêque de St.  Johns et de trois autres églises pentecôtistes. Cela fait longtemps que ce quartier a besoin d'un changement.» Un alignement de maisons délabrées, des avenues quasi désertes où traînent de jeunes Noirs désœuvrés: c'est le décor de la série The Wire (Sur écoute), tournée ici. «Les gens n'ont pas les moyens de réparer leurs maisons. Il n'y en a qu'une ou deux habitées par pâté, le reste est laissé aux drogués et aux sans-abri, note Pam Stein, une bénévole de Moms. Il n'y a pas d'épicerie par ici, pas de légumes frais. C'est un quartier très déprimant, ajoute cette Blanche qui réside ailleurs. Il faut être très prudent en conduisant ou en marchant dans les rues. Les gens verront que vous n'êtes pas d'ici.»
En fonction depuis un an, la maire de Baltimore, Catherine Pugh, admet que «la criminalité est hors de contrôle». Sa ville a fini l'année 2017 en tête des agglomérations les plus criminogènes des États-Unis: 343 homicides pour 614.000 habitants, un taux deux fois supérieur à Chicago (664 meurtres pour 2,7 millions d'habitants). En trois ans, la métropole du Maryland a été le théâtre de 1005 assassinats. Dans un rayon de 1,5 km autour de l'église St. Johns, 337  incidents armés ont fait 117 morts et 283 blessés depuis 2015, selon le Baltimore Sun*. «Cette violence dure depuis si longtemps, elle fait partie de notre culture, déplore Daphne Alston. Dans les films, à la télé, il n'est question que d'armes et de drogue.» La différence avec la fiction, dit-elle, «c'est qu'ici il n'y a pas de justice».
Avec 22 % de sa population sous le seuil de pauvreté, Baltimore connaît depuis longtemps une violence endémique. Les années noires de «la guerre du crack», entre 1992 et 1994, s'étaient déjà soldées par un millier de morts, mais la ville comptait alors 100.000 habitants de plus. Aujourd'hui, «c'est plus méchant, dit le détective Vernon Parker. Les tirs multiples sont monnaie courante. Avec quatre ou cinq balles dans le corps, on a plus de mal à sauver quelqu'un. Les tirs en pleine tête ont aussi été multipliés par cinq en vingt ans». Les gangs ne seraient pas le problème majeur: «La plupart des suspects et des victimes se connaissent, note le policier. Les motifs tournent en général autour de l'argent, de la drogue et des filles.» Un tiers des jeunes impliqués sont en liberté conditionnelle.
Spirale négative
La police de Baltimore (BPD) n'arrive pas à suivre. Avec 2500 agents en uniforme, elle constitue l'une des dix premières forces du pays, pour une ville au 30e rang par sa population. Mais les réductions d'effectifs, les scandales en série et un moral en berne ont largement entamé son efficacité. Rod Rosenstein, numéro deux du département de la Justice, qui fut pendant douze ans procureur fédéral du Maryland, est venu récemment demander un sursaut: «Quand la police n'est que réactive, elle fait fonction d'ambulance», a-t-il prévenu. «J'ai 500 officiers de moins qu'en 2012, se plaint le commissaire principal, Kevin Davis. J'ai des flics en prison sur le point d'être condamnés pour des crimes commis dans le cadre de leurs fonctions. On fait difficilement pire que cette situation-là.»
La spirale négative s'est accélérée depuis les événements de 2015. La mort de Freddie Gray, un Afro-Américain de 25 ans, provoquée par une arrestation musclée, avait déclenché deux semaines d'émeutes et de pillages. L'état d'urgence avait été instauré, la garde nationale déployée dans la ville. Depuis, «la confiance a été rompue, constate J. Howard Henderson, président de la Ligue urbaine du Grand Baltimore, une association d'aide à l'insertion des jeunes. Les gens ne sont pas contre la police, ils veulent la sécurité dans leur quartier. Mais le fait qu'aucun des six agents impliqués dans la mort de Freddie Gray n'ait jamais été condamné a été vécu par la communauté afro-américaine comme un abandon majeur.» À Baltimore, cette communauté représente 63,3 % des habitants.
Épinglé pour ses méthodes brutales ou illégales, le BPD a signé un accord avec le département de la Justice par lequel il s'engage à se réformer en profondeur. L'été dernier, une unité d'élite, la Gun Task Force, chargée de vider les rues des armes illégales, a été démantelée après la découverte d'un énorme racket. Neuf policiers sont en prison pour avoir commis des attaques à main armée et détroussé des centaines de citoyens. Quelque 2 000 dossiers risquent d'être invalidés et 70 personnes attendent d'être libérées de prison. Le 15 novembre, le détective Sean Suiter, 43 ans, a été retrouvé mort d'une balle dans la tête, tirée avec sa propre arme. Il devait témoigner dans cette affaire le lendemain… Ne croyant pas au suicide, les enquêteurs ont demandé au FBI de prendre le relais - en vain.
Rivalités politiques
Dans cette ambiance délétère, les rivalités politiques paralysent la mobilisation des autorités publiques. Le 5 décembre, le gouverneur républicain du Maryland, Larry Hogan, est venu à Baltimore présenter un plan de lutte contre la criminalité. Celui-ci prévoit de donner un «grand coup de balai» dans les quartiers sensibles en organisant une descente de 80 US Marshals et State Troopers, de déployer la police d'État en renfort, de mutualiser les renseignements au niveau local et fédéral, de réaffecter 200 agents de probation au suivi des suspects… À moyen terme, le gouverneur promet aussi d'affecter 75 millions de dollars à la destruction des habitations insalubres et de mobiliser 600 millions d'investissements privés pour amorcer la rénovation des secteurs à l'abandon.
«La police est impliquée. Il n'est pas possible que tous ces gamins commettent des crimes parfaits»
Une mère de victime
Catherine Pugh, l'édile démocrate, n'a pas daigné se déplacer pour sa présentation. «Rien de nouveau», a-t-elle protesté. Kevin Kamenetz, un élu du comté qui veut défier Larry Hogan dans les urnes l'an prochain, a tweeté: «Après trois ans de guerre contre Baltimore, à annuler des projets de transports, à réduire le financement des écoles et à saboter les créations d'emplois, c'est un peu tard pour des demi-mesures recyclées.» À la mi-décembre, l'Attorney General, Jeff Sessions, a présenté ici son plan d'action contre les gangs, notamment le MS-13, venu d'Amérique centrale, façon de lier la criminalité à l'immigration. Les élus lui ont fait valoir que le problème à Baltimore était d'une autre nature. Il vient de nommer trois procureurs chargés d'y déraciner le crime.
«On est les gentils, pas les méchants», plaide Kevin Davis, le chef du BPD, mais son message a du mal à passer. «La police est impliquée, estime Daphne Alston. Il n'est pas possible que tous ces gamins commettent des crimes parfaits.» Pour les «Moms» endeuillées, l'absence de justice empêche de refermer les plaies. «Il n'y a pratiquement jamais de procès. Tout le monde parle, mais personne ne fait rien, s'insurge Daphne. Le gouverneur ne nous a jamais entendues. Il s'en fout que des jeunes Noirs meurent et s'entre-tuent.» L'évêque Stanley Cruse veut croire à un réveil des consciences: «C'est mon job d'apporter un peu d'espoir à ces familles, dit-il. On ne peut rien espérer du président actuel, mais la maire nous soutient. Le changement est en marche !»

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Nigeria : Boko Haram multiplie ses attaques (03.01.2018)
Par Adrien Jaulmes
Mis à jour le 03/01/2018 à 19h02 | Publié le 03/01/2018 à 18h08
Les djihadistes font régner la terreur dans le nord du pays et narguent les autorités.
Un attentat suicide a fait au moins une dizaine de morts mercredi matin dans une mosquée de Gamboru, dans le nord du Nigeria. Selon des témoins, un adolescent portant une ceinture d'explosifs s'est glissé parmi les fidèles rassemblés pour la prière de l'aube avant de déclencher sa charge. «Pour l'instant 14 corps ont été sortis des décombres de la mosquée, dans le quartier d'Unguwar Abuja, qui a été totalement détruite par l'explosion», a rapporté à l'AFP Umar Kachalla, qui combat Boko Haram aux côtés de l'armée nigériane. «Mais le bilan pourrait s'alourdir», a-t-il précisé. «Seul le muezzin a survécu et nous pensons qu'il y a beaucoup plus de victimes sous les décombres.»Selon certains témoins cités par des médias nigérians, le propre père du kamikaze figurerait parmi les victimes.
Gamboru, ville commerçante frontalière du Cameroun est située en pleine zone d'opération de Boko Haram. En mai 2014, le groupe djihadiste avait déjà pris la ville d'assaut, massacrant plusieurs centaines de personnes et incendiant des habitations. D'autres raids avaient eu lieu en août 2014 et en mars 2015, avant que la ville ne soit reprise par l'armée nigériane avec l'aide des forces tchadiennes.
« L'armée et la police ne peuvent rien contre nous ! »
Abubakar Shekau, chef de l'une des trois factions de Boko Haram
Les autorités nigérianes annoncent régulièrement la défaite du groupe. Dans son discours de vœux du Nouvel An, le président nigérian Muhammadu Buhari a une nouvelle fois affirmé que le Nigeria «en a fini avec Boko Haram». «Des attaques isolées ont encore lieu, mais même les pays les plus sûrs ne peuvent pas empêcher des criminels déterminés de commettre des actes terroristes», a ajouté le président. Le lendemain, Abubakar Shekau, chef de l'une des trois factions de Boko Haram et fondateur historique du groupe, diffuse une vidéo dans laquelle il revendique une série d'attaques commises au cours des derniers mois et nargue les autorités. «Nous sommes en bonne santé et rien ne nous est arrivé… Nous avons mené les raids sur Maiduguri, à Gamboru et à Damboa. Nous revendiquons toutes ces attaques», a-t-il déclaré. «L'armée et la police ne peuvent rien contre nous!»
Des villageois brûlés vifs
L'insurrection djihadiste semble en effet loin d'être vaincue. Depuis le début de ses activités en 2009, elle aurait fait entre 20.000 et 30.000 morts et 2,6 millions de déplacés, fuyant la terreur, ou bien rassemblés par l'armée nigériane dans des zones sécurisées. Dans toute la région du lac Tchad, des rezzous de combattants montés sur des motos s'abattent sur les villes et les villages avant que l'armée n'ait le temps de réagir, et des embuscades sont tendues le long des routes. Le groupe a aussi recours à l'attentat suicide. Les porteurs d'explosifs sont souvent des femmes et des enfants, qui se font exploser dans des lieux fréquentés comme des mosquées ou des marchés. Boko Haram a intensifié ses attaques ces dernières semaines.
Mi-décembre, au moins quatre personnes ont été tuées dans l'attaque d'un convoi de marchandises à Gamboru, et les insurgés se sont emparés d'un camion transportant de l'aide alimentaire destinée aux milliers de personnes déplacées. Le jour de Noël, plusieurs postes de l'armée ont été attaqués à l'entrée de Maiduguri, capitale de l'État du Borno et berceau de Boko Haram, et des villageois ont été brûlés vifs.

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Mathieu Bock-Côté : «La gauche post-adolescente et le culte de Che Guevara» (03.01.2018)
Par Mathieu Bock-Côté
Publié le 03/01/2018 à 16h37
TRIBUNE - Anne Hidalgo a salué dans le révolutionnaire cubain une «icône romantique». Notre chroniqueur y voit un signe de la mémoire trouble de la gauche envers le communisme.
La scène est fréquente sur les campus nord-américains, surtout dans les départements d'humanités ou de sciences sociales: un professeur entre dans sa classe et constate que certains étudiants portent un tee-shirt en hommage à Che Guevara. Il se peut même qu'il ne le constate même plus, tellement la chose est banale. À moins qu'il ne s'en réjouisse discrètement?
S'il se risque à demander à ceux qui se réclament ainsi du Che comment ils peuvent célébrer un homme qui a poussé très loin la compromission avec une des idéologies totalitaires du XXe siècle, il passera assurément pour un provocateur de droite malveillant. Le Che ne représente-t-il pas l'héroïsme rebelle? Le professeur moqueur sera au mieux en droit d'ironiser sur le fait que le capitalisme a récupéré une figure révolutionnaire, à condition d'ensuite maudire l'empire marchand.
Ce dont témoigne la déclaration d'Anne Hidalgo, c'est de la complaisance généralisée d'une bonne partie des élites intellectuelles et politiques pour la mémoire du communisme au XXe siècle
Mais la gauche post-adolescente nord-américaine n'est apparemment pas la seule à se vautrer dans le culte du Che. On apprenait récemment qu'Anne Hidalgo s'y est elle-même pliée, dans le cadre d'une exposition en son hommage organisé à l'Hôtel de Ville de Paris, en qualifiant le révolutionnaire d'«icône militante et romantique». Les plus indulgents y verront un signe de paresse intellectuelle chez une femme obsédée par l'idée d'incarner l'avenir de la gauche et qui, pour cela, s'approprie à peu de frais des symboles révolutionnaires. Mais il faut aller plus loin. Ce dont témoigne cette déclaration de la maire de Paris, c'est de la complaisance généralisée d'une bonne partie des élites intellectuelles et politiques pour la mémoire du communisme au XXe siècle.
Aujourd'hui, on conteste moins les crimes du communisme qu'on ne veut les relativiser en évoquant en même temps ceux du capitalisme ou du colonialisme
Officiellement, la gauche a fait son devoir de mémoire et convient des ravages du communisme. Elle ne résiste plus vraiment quand vient le temps de condamner ses crimes, même si on se souvient du tollé ayant suivi en 1997 la publication duLivre noir du communisme. On peut néanmoins croire sa conversion sincère, mais inachevée, car intellectuellement incomplète.
Aujourd'hui, on conteste moins les crimes du communisme qu'on ne veut les relativiser en évoquant en même temps ceux du capitalisme ou du colonialisme. Mais surtout, on limite la mémoire négative du communisme à celle de l'URSS, de la Chine maoïste et du génocide cambodgien. Dès qu'il se place sous la bannière du tiers-mondisme, on se croit en mesure d'en sauver la meilleure part, comme s'il trouvait là des circonstances atténuantes.
C'est ainsi qu'en novembre 2016 le premier ministre Justin Trudeau, qui ne se lasse jamais de faire la morale à tout le monde au nom des droits de l'homme, a confessé sa «profonde tristesse» devant la mort de Castro, avant d'avouer péniblement qu'il était aussi un dictateur. Il ressemblait en cela à son père, Pierre Trudeau, qui avait confessé en son temps son amitié pour Castro et son admiration pour Mao.
En d'autres mots, le bilan du communisme ou de la complaisance devant lui demeure bien partiel, et il suffit de peu de chose pour l'excuser. Il n'est pas rare, d'ailleurs, qu'on fasse encore aujourd'hui porter à Staline la responsabilité principale et même exclusive des crimes du communisme, une légende que Stéphane Courtois vient de démonter à son tour dans une biographie consacrée à Lénine, qu'il présente comme l'inventeur du totalitarisme.
Le multiculturalisme et les autres idéologies antioccidentales bénéficient aujourd'hui de la même clémence que le communisme hier
Cette mémoire trouble du communisme est particulièrement vivante en France, où un maoïste comme Alain Badiou passe étrangement pour un philosophe sérieux. Il faut dire qu'une frange importante de l'intelligentsia a cédé aux charmes du communisme et veut encore croire qu'elle s'est trompée pour de bonnes raisons. On chante encore de temps en temps ses idéaux pour relativiser l'expérience totalitaire, comme s'il était accidentellement criminel.
D'ailleurs, de nombreux réflexes idéologiques datant de cette époque ont survécu, notamment l'habitude de désigner comme réactionnaires les faits désagréables qui entrent en contradiction avec l'utopie progressiste du moment. Le multiculturalisme et les autres idéologies antioccidentales bénéficient aujourd'hui de la même clémence que le communisme hier.
Il n'en demeure pas moins qu'Ernesto Guevara s'est complu dans les exécutions révolutionnaires, comme en témoigne son passage à la forteresse de la Cabana, et n'hésitait pas à les justifier au nom d'une lutte à mort contre le système. Mais il faut en convenir, ce n'est pas comme tortionnaire qu'il est passé à l'histoire, et la conscience collective semble réfractaire à le définir par son œuvre. Il semble incarner la part irréductiblement romantique de l'engagement communiste au XXe siècle, pour qui la révolution ne doit jamais s'arrêter et toujours allumer de nouveaux feux.
Chanter la gloire du Che, c'est avouer malgré soi ne rien comprendre à ce qui s'est passé au XXe siècle
Plus de cinquante ans après sa mort, il incarne encore l'incandescence révolutionnaire et le consentement au sacrifice ultime, ce qui peut faire rêver dans une société portée au refroidissement des passions politiques. Ainsi, on ne sera pas surpris que le Che se soit trouvé des admirateurs même chez ses ennemis. Le sacrifice révolutionnaire exalte les fanatiques qui érotisent la possibilité de la mort violente. On oublie étrangement que le courage a trouvé d'autres visages moins portés sur le carnage.
Ce fantasme romantique bute sur une réalité: commémorer positivement le communisme consiste à ne pas comprendre son caractère intrinsèquement totalitaire. Chanter la gloire du Che, c'est avouer malgré soi ne rien comprendre à ce qui s'est passé au XXe siècle. C'est le procès de l'utopisme comme tendance totalitaire de la modernité que nous tardons à faire.
Celui qui croit avoir eu la révélation de la société parfaite et qui la pense validée scientifiquement se croira tout permis pour la faire advenir. Il transforme ses adversaires en ennemis de l'humanité: les forces vives du monde nouveau ne doivent en rien épargner le bois mort de l'humanité qui rappelle le monde d'hier. C'est l'histoire du communisme, qui est derrière nous, mais c'est encore aujourd'hui l'histoire du progressisme. Elle se poursuit sous de nouveaux habits idéologiques, qui, encore une fois, font perdre la raison à trop d'intellectuels.

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Frédéric Encel : « Le grand enjeu du Proche-Orient est la guerre froide entre sunnites et chiites » (03.01.2018)

Par Aziliz Le Corre
Publié le 03/01/2018 à 11h56
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Frédéric Encel analyse les enjeux géopolitiques de l'année 2018.


- Crédits photo : PUF
Frédéric Encel, docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris et à la Paris School of Business, a reçu le Grand Prix 2015 de la Société de Géographie. Il vient de publier Mon Dictionnaire géopolitique (PUF, 2017, 470 p., 22€).

FIGAROVOX. - Comment expliquez-vous le soulèvement en Iran? Les contestataires peuvent-ils obtenir gain de cause?
Frédéric ENCEL. - Vous savez, la contestation populaire et démocratique n'est pas nouvelle en Iran. Dans les années 1990, des émeutes avaient éclaté ici et là sur fond de pénurie de produits alimentaires, d'essence surtaxée et de corruption des dignitaires, notamment des Gardiens de la Révolution, les terribles Bassidji. Puis, en 2009, un puissant mouvement avait eu lieu, tout à la fois pacifique et massif, une fois encore violemment réprimé. A l'époque, il ne s'agissait pas d'abattre le régime - contrairement à la propagande complotiste de la République islamique - mais d'exiger un scrutin réellement démocratique, et non cette parodie d'élection qui avait permis au calamiteux Ahmadinedjad de conserver indûment le pouvoir.
Le niveau élevé de corruption et les guerres par procuration menées au Proche-Orient par Téhéran exaspèrent les Iraniens.
Aujourd'hui, on a surtout affaire à une contestation de nature socio-économique ; certes les questions liées aux droits de l'homme et de la femme comptent pour beaucoup, et sans doute de plus en plus, mais le niveau élevé de corruption et les guerres par procuration menées au Proche-Orient par le régime de Téhéran exaspèrent également les Iraniens. Le pouvoir a beau imputer les difficultés économiques aux sanctions internationales, l'opinion n'est pas dupe. Elle sait que le soutien militaire actif à Assad, au Hezbollah et aux autres forces chiites de la région (au Yémen en particulier) coûte excessivement cher, tout comme la poursuite des programmes balistiques.
Du reste, si Téhéran a signé le traité nucléaire de juillet 2015, c'est aussi pour des motifs internes au régime. Il a tremblé en 2009 et, en 2011, c'est une grande partie du monde arabe qui vacillait, là aussi - entre autres facteurs - à cause de la gabegie et des conditions de vie dégradées des populations. Le régime a vraiment craint de chuter, non pas à cause d'une sédition ou d'attaques extérieures mais sous la pression du mécontentement social! D'où l'urgence d'en finir avec les sanctions internationales, quitte à abandonner provisoirement la course à la bombe. On néglige trop souvent, chez nombre d'observateurs, le poids du social dans les évolutions géopolitiques.
À moyen terme, je suis plutôt optimiste. Le grand peuple iranien survivra à la République islamique d'Iran. Souvenons-nous que c'est ce même peuple qui a accompli la première révolution progressiste (hors Europe et Russie), dès 1906.
Après la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d'Israël, d'autres pays pourraient déplacer leur ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem. Est-ce une victoire pour le président américain et pour Israël?
Plutôt qu'une victoire, il s'agit de la traduction claire de nouveaux rapports de force.
Côté américain, dire que Trump n'en fait qu'à sa tête et que la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël était une promesse de campagne ne suffit pas ; d'une part il a déjà trahi d'autres promesses (l'alliance avec la Russie notamment), d'autre part son tempérament impulsif et imprévisible répond quand même à une certaine rationalité. Trump sait parfaitement le poids grandissant des sympathisants des églises évangéliques - plus de 75 millions d'Américains, pour ne mentionner que les États-Unis - et la ferveur messianique et pro israélienne de nombre d'entre eux. Il a donc pu vouloir élargir et fidéliser cette part de l'électorat qui ne lui était pas toujours acquise. Lui-même ne s'est manifesté comme ami d'Israël que très récemment. Or la décision présidentielle a été approuvée par plus des deux tiers des citoyens américains, sachant que les juifs parmi eux ne constituent que 1,8% de la population... Par ailleurs, à l'extérieur, Trump a certes été critiqué par la plupart des chancelleries, mais au final assez mollement (y compris dans le monde arabe), et sans qu'un seul État ne fasse de menaces.
Paradoxalement, avec la décision de Trump de reconnaître Jérusalement comme la capitale de l'Etat hébreu, le gouvernement israélien est à nouveau sous les projecteurs.
Côté israélien, Netanyahou a naturellement crié victoire à double titre: car il est lui-même nationaliste et tout à fait convaincu que Jérusalem «est et demeurera la capitale éternelle et indivisible d'Israël et du peuple juif», selon la formule légale consacrée par les annexions de 1967 et 1981; et parce que sa coalition gouvernementale s'inscrit elle-même dans la droite nationaliste et religieuse.
Cela dit, là encore, est-ce vraiment une victoire, ou plutôt l'illustration d'un nouveau rapport de force? Après tout, sur le terrain, la décision de Trump n'aura pas d'impact immédiat, sachant en outre que la loi américaine de transfert de l'ambassade date de 1995! Allons plus loin: si Netanyahou, en délicatesse avec la justice, peut faire valoir cette annonce auprès d'un électorat de plus en plus tiède à son égard, son action de façon générale risque paradoxalement d'en pâtir. Depuis le printemps arabe de 2010-2011 et surtout le déclenchement de l'effroyable guerre en Syrie, sa politique d'implantation active passait sous les radars des critiques internationales et, finalement, même Obama avait renoncé à exercer des pressions sur lui. Avec la décision de Trump, le gouvernement israélien est à nouveau sous les projecteurs, même si l'apocalypse annoncée par nombre de commentateurs dans les territoires palestiniens n'a pas eu lieu, comme je l'avais du reste anticipé.
Une majorité des 193 pays composant l'Assemblée générale des Nations Unies ont voté, le 21 décembre, une résolution condamnant la décision de Donald Trump. Quels enseignements tirer de l'analyse de ce vote?
193 États sont membres des Nations Unies. Parmi eux, 33 n'ont pas pris part au vote ou se sont abstenus, 9 ont voté contre la résolution condamnant la décision américaine. Certains observateurs ont attribué ce succès relatif de Trump à des pressions exercées par la Maison blanche. Je dis succès, car 20% des États soutenant, directement ou pas, les États-Unis et Israël sur la question de Jérusalem, c'est bien une défaite relative pour leurs adversaires! Mais ces pressions ne sont pas avérées. Les chiffres n'ont quasiment pas bougé en dix années de résolutions, soit sur l'État de Palestine (en 2011 et 2012), soit sur le dernier conflit Israël/Hamas (en 2013), soit encore sur le mur, aussi appelé barrière de sécurité ou de séparation. Or ces dernières années, c'était Obama qui manœuvrait et non Trump. Autrement dit, c'est bien un rapport de force global, comme je le précisais plus haut, qui est en cause. Mieux encore que le quantitatif, le qualitatif: durant les deux dernières décennies, sur les abstentionnistes ou soutiens d'Israël, on trouvait d'authentiques puissances montantes comme le Canada (qui du reste s'est à nouveau abstenu), l'Australie, une grande partie de l'Europe orientale, l'Allemagne, et même plusieurs États africains. Rien à voir avec les années 1970-80 où, sur tous les dossiers, Israël se retrouvait systématiquement isolé avec son allié américain.
En vertu du tout premier article de la Charte des Nations unies, chaque peuple a droit à l'autodétermination (ce qui vaut donc aussi pour les Palestiniens). Israël a été fondé avec l'aval des Nations Unies et suite à un plan de partage accepté par le mouvement sioniste (indépendantiste juif), mais refusé par le Haut Comité arabe de Palestine et par l'ensemble des États arabes en 1947-48. Ces derniers ont voulu faire la guerre et ils l'ont perdue. Quant au sionisme dont Israël est le fruit politique direct, la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU du 14 décembre 1991 le valide définitivement. En revanche, sur plusieurs territoires dont Jérusalem-Est et la Cisjordanie (zones indûment annexées par la Jordanie en 1951 mais abandonnées depuis par le Royaume hachémite), Israël est considéré par l'ONU comme une puissance occupante. Il va de soi que les Israéliens ont un droit souverain à se choisir librement leur capitale, d'autant que - sans avoir besoin de remonter à la Bible - elle le fut objectivement dans les temps historiquement avérés de l'occupation romaine de la Judée, jusqu'à la guerre et la défaite de 70 ap. J.-C. Et je n'évoque là que la dimension politique de Jérusalem [1]. Aujourd'hui, deux problèmes se posent: premièrement, la cité fait l'objet de négociations depuis le processus de paix d'Oslo (1993) et, en principe, il ne doit donc y avoir de changement de statut unilatéral avant le terme de ces pourparlers ; deuxièmement, il n'y a justement plus de pourparlers! La déclaration de Trump intervient alors qu'on se trouve dans un désert diplomatique. Elle apparaît ainsi aux Palestiniens et à la grande majorité des chancelleries comme partiale et anachronique. Mais pour l'heure elle n'est que symbolique et, j'insiste, elle ne modifie pas la donne sur le terrain.
Bien que les regards restent focalisés sur Israël et la Palestine, le conflit ne s'est-il pas déplacé ces dernières années, vers la Syrie, le Yémen, la Libye?
Si, bien sûr. L'évolution des rapports de force évoqués plus haut ne relève pas que de la montée en puissance technologique, économique et même démographique d'Israël, mais aussi de la balkanisation et de l'effondrement catastrophique du monde arabe. Le phénomène avait débuté avec la fragmentation de la Somalie et l'affaiblissement de l'Irak en 1991, et s'est poursuivi avec la partition du Soudan et (moins nettement) de l'Irak en 2011, puis par l'effondrement, au cours du Printemps arabe, du Yémen et de la Libye. Même les États arabes qui échappent au chaos et à la guerre civile sont fragilisés: par la chute du cours du pétrole (Algérie, pétromonarchies du Golfe), par le terrorisme (Sinaï égyptien, Irak, grand Maghreb), par des rivalités géopolitiques nationales (Maroc/Algérie, Qatar/Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Bahreïn), ou par les trois à la fois. Et c'est sans compter la corruption et des insatisfactions sociales gravissimes et génératrices d'instabilité.
La guerre en Syrie a déjà fait trois fois plus de tués et dix fois plus de réfugiés en six ans qu'en soixante-dix ans de guerres israélo-arabes.
Quant à la guerre en Syrie, elle a déjà fait trois fois plus de tués et dix fois plus de réfugiés en six ans que les guerres israélo-arabes en soixante-dix ans, toutes violences confondues. Dans ce chaos généralisé, le conflit israélo-palestinien a été relayé par les grandes puissances et les États arabes au rang de simple contentieux. Reprenez les réactions saoudienne et égyptienne à la déclaration de Trump: elles sont presque aussi timorées que celles des chancelleries européennes. A l'heure actuelle, le grand enjeu du Proche et du Moyen-Orient, c'est incontestablement la guerre froide à laquelle se livrent les axes sunnite (derrière Riyad) et chiite (derrière Téhéran). Le reste est géopolitiquement secondaire. L'Autorité palestinienne le sait et s'en plaint, à juste titre.
Comment définissez-vous la géopolitique?
Aujourd'hui, nombre de gens font de la géopolitique comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Or la géopolitique est une discipline, pas une science: je pense que cette démarche intellectuelle implique de respecter quelques critères et outils d'analyse précis. En fidèle disciple et coauteur du grand géographe et géopolitologue Yves Lacoste [2], je considère la géopolitique comme l'étude des rivalités de pouvoir sur des territoires, et surtout des représentations qui s'y expriment. Le pilier de la démarche géopolitique, c'est l'importance accordée aux questions de souveraineté et à la géographie - trop souvent négligée par certains spécialistes des relations internationales - ainsi qu'aux représentations, c'est-à-dire à ces perceptions collectives et identitaires présentes sur les «temps longs» si chers à Fernand Braudel. Tout n'est pas géopolitique, et compter les quantités de barils ou de chasseurs-bombardiers dont disposent deux États riverains n'en relève que marginalement.
Dans votre Dictionnaire géopolitique, vous proposez une vision «humaniste» de votre discipline. Est-ce réaliste?
Je pense que c'est même doublement réaliste. D'une part car la géopolitique relève avant tout de ce que pensent, ressentent, croient et expriment des hommes et des peuples - on est donc bien au cœur de l'humain - et d'autre part car le cynisme ne doit selon moi jamais prévaloir. La nécessité d'observer froidement les réalités est une chose, s'en satisfaire (y compris face aux pires horreurs génocidaires) en est une autre, que je rejette catégoriquement. Trop souvent, la fameuse realpolitik vantée par des réalistes autoproclamés n'est qu'un paravent au cynisme et à l'absence de toute considération morale. Que la morale ne constitue qu'une variable et non une constante dans les prises de décision géopolitiques, j'en conviens. Mais on doit néanmoins tenter, le plus possible, de lui donner son importance. L'Histoire nous apprend qu'à force de négliger ou de moquer le fléau despotique voire génocidaire qui frappe ailleurs, on finit un jour ou l'autre par le subir chez soi.
Vous écrivez en préambule: «ce livre est celui d'un Français». Est-il donc impossible de ne pas avoir une vision biaisée lorsque l'on fait de la géopolitique?
En géopolitique, comme dans tous les métiers, vous trouvez des gens honnêtes, sérieux et compétents et des gens qui ne le sont pas.
Ce que vous appelez «vision biaisée» n'est autre que la part d'humanité de chacun. Personne ne naît de personne ni de nulle part, on parle tous une langue particulière, on reçoit l'éducation de ses parents. En d'autres termes, je crois que c'est l'honnêteté intellectuelle plutôt que l'objectivité, cet horizon fantasmé et par définition inaccessible, qui doit dominer. Il faut accorder la même énergie, la même intelligence, la même écoute aux arguties et représentations des différents camps antagonistes, de préférence en apprenant leurs langues et en voyageant auprès d'eux. Un certain géopolitologue ne connaissant ni l'hébreu, ni l'arabe (et à peine l'anglais) et n'ayant jamais mis les pieds en Israël prétendait expliquer le conflit, et il a été condamné par ailleurs pour contrefaçon... Comme dans tous les métiers, vous trouvez des gens honnêtes, sérieux et compétents et des gens qui ne le sont pas. Pour en revenir à la France: oui, je suis français et patriote, c'est-à-dire que j'entretiens une forme de pensée, de culture et de mémoire distincte (mais non exclusive) de bien d'autres, et je souhaite le meilleur pour mon pays, son rayonnement, sa langue et ses lois.
Quel bilan de l'action de la France au Moyen-Orient pouvons-nous dresser pour l'année 2017? Quel sera son rôle dans les années à venir?
A ce jour, je considère la politique d'Emmanuel Macron au Sahel, au Proche et au Moyen-Orient comme un sans-faute. Non seulement le président français agit avec promptitude et sans complexe sur des théâtres d'opérations essentiels, mais encore tire-t-il profit d'un contexte international rendu très «favorable» par la baisse de crédibilité américaine, l'absence des Britanniques empêtrés dans le Brexit, et le refus plus que jamais effectif de l'Allemagne d'assumer un rôle de puissance globale. Et ne parlons pas de l'Europe, profondément divisée sur des points fondamentaux (rapport à l'OTAN, migrants). La France est omniprésente: affaire Saad Hariri, entraînement des troupes du G5 Sahel, prise en compte du maintien d'Assad au pouvoir, engagement diplomatique en Libye (c'est à Paris et non à Rome, Bruxelles ou New York qu'en 2017 les deux principaux chefs libyens se sont retrouvés pour dialoguer) et engagement commercial dans la péninsule Arabique pourtant déchirée. François Hollande avait été aussi, au Mali et en Syrie, tout à fait lucide et proactif, et son successeur poursuit globalement la même politique. Même sur le dossier israélo-palestinien, Macron est apparu pondéré et réfléchi, et sa tournée prévue en 2018 dans la région pourrait peut-être remettre sur les rails sinon un processus de paix complet, au moins un train de pourparlers. Je serais plus mesuré sur le rapport à nos voisins immédiats, le Maroc et l'Algérie, ces deux implacables frères ennemis du Maghreb ; je pense qu'il faut privilégier clairement notre allié marocain, plus proche culturellement et commercialement, et dont la gouvernance et la progression économique sont meilleures. J'ajoute que le vieux «gaullo-mitterrandisme», concept largement inopérant et suranné, ne semble pas l'emporter pour le moment à l'Élysée, ce dont il convient de se réjouir.
L'ubérisation du monde va-t-elle anéantir le rôle des États, et en faire des acteurs marginaux?
Pour l'heure, on n'a jamais autant négocié et on ne s'est sans doute jamais aussi peu fait la guerre entre États.
Je n'y crois pas un instant. Les États continueront d'être des acteurs majeurs et, à mon avis, primordiaux. Ce qui ne signifie pas que des ONG, des multinationales, des groupes de pression et de grands médias ne pèseront pas. Mais à la fin des fins, la fonction régalienne suprême (à savoir l'usage de la force) continuera d'appartenir aux États. La vraie question est de savoir quelle forme auront les grands États de demain: empires autoritaires, républiques commerçantes, théocraties? Pour l'heure, on n'a jamais autant négocié et on ne s'est sans doute jamais aussi peu fait la guerre entre États ; ce résultat est au moins autant celui d'une certaine bonne volonté et d'un fonctionnement globalement correct de l'ONU que d'une crainte de grands cataclysmes. Dans tous les cas, le salut viendra à la fois de la promotion a minima de la démocratie, et du rejet des politiques du bord du gouffre menées par les régimes les plus fanatiques.

[1]: Publiée en 1998 (rééd 2009) chez Flammarion-Champs sous le titre Géopolitique de Jérusalem.
[2]: Géopolitique de la nation France, PUF, 2016


Les Palestiniens redoutent la fin de l'aide américaine (03.01.2018)
Par Cyrille Louis
Mis à jour le 03/01/2018 à 20h31 | Publié le 03/01/2018 à 20h06
VIDÉO - La menace de Donald Trump de supprimer l'aide financière américaine de 300 millions de dollars si les Palestiniens refusent de négocier avec Israël provoque la colère dans les camps de réfugiés de Cisjordanie et de Gaza.
Correspondant à Jérusalem
Les réfugiés du camp de Chouaffat en sont restés sans voix. Près d'un mois après avoir reconnu la souveraineté israélienne sur Jérusalem, Donald Trump a annoncé mercredi vouloir couper les vivres aux Palestiniens«s'ils refusent de négocier le traité de paix qui se fait attendre depuis trop longtemps avec Israël». L'ambassadrice auprès des Nations unies, Nikki Haley, a précisé sa pensée en menaçant de suspendre le financement américain de l'Agence des Nations unies en charge des réfugiés palestiniens (Unrwa) «aussi longtemps que (leurs dirigeants) ne seront pas revenus à la table des négociations». Avec une enveloppe annuelle de 369 millions de dollars, les États-Unis sont de loin le premier contributeur au budget de cette organisation qui assiste 5,2 millions de Palestiniens ayant le statut de réfugiés à Jérusalem-Est, en Cisjordanie, à Gaza - ainsi qu'au Liban, en Jordanie et en Syrie.
«La situation est difficilement supportable en l'état. Alors, on a dû mal à imaginer ce qui se passera si ce fou de Trump met sa menace à exécution»
Ali Mohammed Ali du camp de Chouaffat
Le camp de Chouaffat, comme l'avouent ses habitants avec un sourire amer, est «plutôt bien doté», en comparaison avec les dix-huit autres sites administrés par l'Unrwa en Cisjordanie. Séparés du centre de Jérusalem par un mur de béton, les réfugiés y bénéficient toutefois de la sécurité sociale. Ils peuvent accéder au marché du travail israélien. Mais une brève incursion dans l'enclave surpeuplée suffit à mesurer les limites de ce privilège. Créé en 1965 pour accueillir 500 réfugiés, le camp abrite plus 24.000 habitants, qui s'entassent sur 0,2 km2. Les immeubles s'y agglutinent dans une anarchie telle que les agents de l'Unrwa redoutent une hécatombe le jour où un séisme frappera. La chaussée des routes y est défoncée, les égouts y débordent aux premières pluies et la collecte des ordures y est si erratique que des tas d'immondices s'entassent au pied du rempart de béton qui enserre les lieux.
«La situation est difficilement supportable en l'état, grimace Ali Mohammed Ali, 40 ans, issu d'une famille qui a fui le village de Beit Thoul en 1948. Alors, on a dû mal à imaginer ce qui se passera si ce fou de Trump met sa menace à exécution.» Quelque 1500 enfants du camp sont scolarisés dans les trois écoles administrées par l'Unrwa, qui y gère aussi un centre de soins primaires. Shaer al-Qam, membre du comité qui administre le camp, enfonce le clou: «Quel que soit notre attachement à cette ville, dit-il, la décision de Trump sur le statut de Jérusalem n'a rien changé à notre quotidien. Mais s'il applique sa menace de réduire les sommes consacrées aux réfugiés, alors les gens vont vraiment souffrir…»
La colère de Mahmoud Abbas
La menace américaine intervient alors que le dialogue avec les Palestiniens est officiellement rompu. Mahmoud Abbas estime que les États-Unis se sont disqualifiés dans leur rôle de médiateur en appuyant, le 6 décembre, les revendications de l'État hébreu sur Jérusalem. Les négociateurs palestiniens boycottent leurs homologues américains chargés de préparer l'«accord ultime» promis par le président Trump.
À la veille de Noël, Mahmoud Abbas a refusé de recevoir le vice-président Mike Pence lors d'un déplacement que celui-ci prévoyait d'effectuer au Proche-Orient. La visite, reportée, aurait été reprogrammée fin janvier, mais le chef de l'Autorité palestinienne «n'a pas changé d'avis», prévient Majdi Khaldi, son conseiller diplomatique.
«Les Américains disent vouloir nous ramener à la table des négociations, mais ce sont eux qui l'ont quittée en violant les règles du jeu»
Majdi Khaldi, conseiller diplomatique de Mahmoud Abbas
Les deux tweets publiés par Donald Trump dans la nuit de mardi à mercredi ont encore jeté de l'huile sur le feu. «Nous avons certes retiré de la table Jérusalem, qui est le sujet le plus épineux des négociations, mais Israël allait devoir payer davantage en contrepartie», a lancé, énigmatique, le président américain, avant de questionner: «Maintenant que les Palestiniens ne veulent plus parler de paix, pourquoi devrions-nous maintenir les énormes paiements que nous leur donnons?» Outre les sommes destinées à l'Unrwa, l'Amérique a donné l'an dernier 319 millions de dollars d'aide au développement et 36 millions aux services de sécurité palestiniens. «Jérusalem n'est pas à vendre, que ce soit pour de l'or ou des milliards», dit Nabil Abou Roudeina, le porte-parole du président Abbas.
«Les Américains disent vouloir nous ramener à la table des négociations, mais ce sont eux qui l'ont quittée en violant les règles du jeu», complète Majdi Khaldi, qui dénonce des menaces «dangereuses». «Le sort des réfugiés est une question à la fois sensible et complexe, dit-il, qui risque de retentir non seulement sur la situation en Cisjordanie et à Gaza, mais aussi dans les pays où ils sont hébergés.»
Les Israéliens, s'ils accusent régulièrement l'Unrwa d'entretenir en vain les revendications des réfugiés, partagent en partie ce point de vue. «Le fait de couper les vivres à cette organisation va porter atteinte aux membres les plus vulnérables de la société palestinienne. Mais pour quel résultat?» interroge le lieutenant-colonel de réserve Peter Lerner, ancien porte-parole de l'armée. Les camps de réfugiés de Cisjordanie et de Gaza, rappelle-t-il, ont longtemps abrité les éléments les plus radicaux des groupes armés palestiniens. «La décision américaine, estime-t-il, ne contribuera ni à la stabilité ni à la sécurité de la région.» «Quand les gens ont faim, ils seraient prêts à combattre le diable même», abonde Shaer al-Qam, avant de nuancer: «Pour qu'ils se soulèvent face à l'injustice, il faudrait qu'une direction politique les encourage à le faire. Or la plupart de ceux qui en étaient capables dorment dans les prisons israéliennes.»

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