vendredi 23 mars 2018

Islamisme et politique 18.03.2018


Telford : «On s'inquiète plus d'un éventuel racisme de la classe ouvrière que de l'abus sexuel d'enfants» (19.03.2018)
«Le racisme anti-blanc impose l'omerta médiatique» (19.03.2018)
Plan de lutte contre le racisme : les associations saluent les mesures annoncées (19.03.2018)
Racisme et antisémitisme sur le net: le gouvernement veut renforcer la responsabilité des réseaux sociaux (19.03.2018)

3 hommes mis en examen pour financement du terrorisme (19.03.2018)
Comment le Vatican a censuré une lettre de Benoît XVI (18.03.2018)
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Telford : «On s'inquiète plus d'un éventuel racisme de la classe ouvrière que de l'abus sexuel d'enfants» (19.03.2018)

Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 19/03/2018 à 17h58 | Publié le 19/03/2018 à 11h21
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Pour l'universitaire britannique Joanna Williams, le relatif silence médiatique autour du scandale de Telford (1000 jeunes filles violées en 40 ans par des gangs pakistanais et bangladais) révèle l'hypocrisie du mouvement «MeToo».

Joanna William est une universitaire et auteur britannique. Elle a écrit récemment «Women VS Feminism» (Emerald Publishing Limited, 2017) un essai où elle s'en prend au féminisme victimaire et appelle à en finir avec la «guerre des genres».

Selon une enquête du Sunday Mirror, jusqu'à un millier d'enfants, dont les plus jeunes âgés de 11 ans, auraient été victimes d'agressions et de viols, parfois collectifs, depuis les années 1980 à Telford, une ville de 170.000 habitants du centre de l'Angleterre, et la police aurait échoué à démanteler le réseau de pédophiles. Les autorités n'ont pas «tenu de dossiers» sur les agresseurs, membres de communautés asiatiques, par crainte de «racisme».
LE FIGARO.- Selon vous, la manière dont les médias britanniques ont couvert le scandale Telford révèle l'hypocrisie du mouvement «MeToo». Que voulez-vous dire par là?
Joanna WILLIAMS.- Depuis que #MeToo a fait la une des journaux en octobre dernier, nous avons eu droit à une pluie continue d'histoires de harcèlement sexuel dont ont été victimes certaines femmes - principalement des femmes de haut niveau. Ce sont en grande partie des témoignages de journalistes de la classe moyenne, de vedettes de cinéma, d'actrices ou de femmes politiques.
«En regroupant toute une gamme d'expériences non désirées, du viol au toucher du genou, les infractions les plus graves risquaient de se banaliser»
Quelques jours après le début de «MeToo», j'ai écrit un article analysant le caractère individualiste voire narcissique d'un tel mouvement- qui devenait concentré sur les expériences personnelles de quelques femmes disposant d'une plateforme et établissant un récit basé d'abord sur leurs propres souffrances. J'ai aussi fait remarquer qu'en regroupant toute une gamme d'expériences non désirées, du viol au toucher du genou - les infractions les plus graves risquaient de se banaliser. Il est difficile de prendre au sérieux l'agression sexuelle quand on la compare au toucher du genou qui s'est produit ou non dix ans plus tôt.
En réponse à ces critiques, de nombreuses femmes du mouvement «MeToo» ont affirmé qu'elles ne parlaient pas pour élever leur propre carrière mais pour aider celles qui étaient moins capables de s'exprimer - faute de plateforme ou de sécurité financière leur donnant la force nécessaire. «MeToo» n'était pas, nous a-t-on dit, un mouvement de célébrités, mais un élan populaire destiné à briser le silence autour du harcèlement sexuel pour les personnes les plus faibles.
Or, les histoires terribles qui ont émergé de Telford - de nombreuses jeunes filles ont été violées pendant de nombreuses années - ont attiré relativement peu l'attention des médias. On aurait pu croire pourtant que les partisans de «MeToo» trouveraient là une occasion idéale de montrer pleinement leur souci des autres. Au lieu de cela, des journaux comme The Timeset The Guardian, qui ont consacré de nombreuses pages à la question de savoir si un politicien a touché ou non un genou d'un journaliste, ont eu peu de choses à dire sur Telford. Il n'y a pas eu de militants qui se sont précipités pour être photographiés.
Quelles sont les raisons profondes de ce silence?
Il y en a plusieurs.
1.#MeToo c'est d'abord «moi»: c'est un mouvement conduit par des égocentriques qui n'aiment rien davantage que d'être le sujet de leur propre histoire. Aucune des filles violées à Telford n'avait une télévision ou des pages de journal à remplir.
2. Telford, comme Rotherdam ou Newcastle n'est pas Londres. C'est un monde différent de la bulle métropolitaine des diners en villes et de Twitter. Les femmes riches et connectées conduisant le mouvement «MeToo» n'ont aucune idée de l'endroit où se situe Telford- sans parler des gens qui y vivent. Les victimes de Telford- des filles de la classe ouvrière blanche- sont considérées comme des extraterrestres par beaucoup à Londres.
3. «MeToo» a rendu les gens tellement préoccupés par les démonstrations publiques d'affections non désirées, des rapprochements maladroits et des baisers non voulus, que nous ne sommes plus sensibles aux véritables abus. Nous avons dépensé toute notre indignation pour le toucher de genou. Il n'y en a plus pour le viol des enfants.
4. Les coupables de Telford étaient principalement des hommes musulmans, pakistanais et bangladais. Les commentateurs de la classe moyenne sont beaucoup plus inquiets d'un potentiel racisme ou islamophobie de la classe ouvrière blanche que de l'abus des enfants. Cela signifie que toute discussion doit être auto-censurée et traitée avec beaucoup de précaution pour ne pas déclencher le racisme qui est supposé être au cœur des communautés ouvrières.
«Les victimes de Telford - des filles de la classe ouvrière blanche - sont considérées comme des extraterrestres par beaucoup à Londres»
Pensez-vous que le mouvement «MeToo» soit un mouvement élitiste déconnecté de la vie ordinaire des femmes?
Oui, bien sûr. Je pense que la grande majorité des femmes reconnaissent que le harcèlement sexuel n'est pas leur plus gros problème dans la vie et que les hommes - leurs frères, partenaires, fils, amis et collègues - ne sont pas dans leur écrasante majorité de vils harceleurs. Les femmes s'habillent encore pour sortir, flirtent, et aiment nouer des relations avec les hommes. Elles ne veulent pas que les hommes aient trop peur de les approcher. Certaines femmes reconnaissent même que leur sexualité leur donne un certain pouvoir- ou capital- et elles sont heureuses de l'exploiter sans être perçues comme des victimes ayant besoin d'aide. La plupart des femmes se moquent des discussions autour des baisers volés et des mains sur le genou. Elles sont plus que capables de dire à un homme que son attention n'est pas désirée.
Mais enfin, selon vous, le harcèlement sexuel au travail n'est pas une réalité?
«MeToo pousse les hommes et les femmes les uns contre les autres, prisonniers d'une guerre des “genres”»
La plupart des femmes qui occupent un emploi régulier - dans les supermarchés ou les cafés, comme secrétaires, enseignantes ou infirmières - n'ont pas le temps de tweeter leurs expériences de vie et si elles subissent un harcèlement sexuel, elles règlent le problème d'une autre manière. La réalité, cependant, est que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail était plus fort lorsque les femmes avaient peu de pouvoir sur le marché du travail. Aujourd'hui au Royaume-Uni, les femmes occupent plus d'emplois que jamais auparavant et constituent la majorité de nombreuses professions. Les changements dans la vie des femmes et les changements dans la loi signifient que les femmes ne sont pas aussi vulnérables au travail qu'il y a une génération. Cela ne veut pas dire que le harcèlement sexuel ne se produit jamais - mais cela arrive moins souvent que le mouvement «MeToo» nous amène à croire et la plupartdes femmes sont tout à fait capables d'y faire face.
Vous avez écrit un livre intitulé Femmes VS Féminisme où vous appelez à en finir avec la guerre des sexes. Pensez-vous que le mouvement «MeToo» réveille et radicalise cette guerre des sexes?
Oui. Mon plus gros problème avec «MeToo» est que ce mouvement présente les femmes comme des victimes innocentes et les hommes comme de vilains coupables. Cela est mauvais pour les hommes, qui risquent d'être accusés à tort et de voir leur réputation perdue sans possibilité de se défendre. Mais c'est bien pire pour les femmes. Elles en viennent à se considérer comme des victimes, menacées partout. Comment peuvent-elles présenter des arguments solides et convaincants en faveur de salaires plus élevés si, en même temps, elles se présentent elles-mêmes comme faibles et vulnérables?
Au moment de la révolution sexuelle, les femmes se sont battues pour être libres de profiter de la sexualité comme les hommes. Selon la logique de «MeToo», les femmes auraient besoin de protections spécifiques. Pourtant les chaperons, les couvre-feu et les dortoirs unisexes ne sont pas si loin derrière nous. Il semble que les féministes d'aujourd'hui soient pour le rétablissement de ces anciennes restrictions contre lesquelles leurs aînées s'étaient battues. «MeToo» pousse les hommes et les femmes les uns contre les autres, prisonniers d'une guerre des «genres». Je crois que la plupart des hommes et des femmes sont plus heureux en travaillant côte à côte, en partenariat, plutôt que de se voir les uns les autres en ennemis.

«Le racisme anti-blanc impose l'omerta médiatique» (19.03.2018)

Par Gilles William Goldnadel
Publié le 19/03/2018 à 14h39
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Gilles-William Goldnadel évoque le racisme anti-blanc, dont très peu de médias ou d'associations osent parler. Selon l'avocat, c'est ce tabou qui explique le silence médiatique autour du scandale d'abus sexuels révélé à Telford.

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.

Le racisme antiblanc est le trou le plus noir de l'information comme de la réflexion. Si vous aimez la tranquillité, évitez donc de le nommer. Ou utilisez si possible une circonlocution. Essayez plutôt «détestation anti-occidentale».
Vous éviterez ainsi le chromatisme gênant. On peut parler des noirs, davantage encore du racisme qui les frappe. Mais évoquer le blanc, sauf de manière négative, voilà qui est gênant. Et très inélégant. En parler le moins possible. J'ai connu une époque, pas très lointaine, où les organisations antiracistes autoproclamées contestaient l'existence même de l'aversion du blanc. Lorsqu'on la leur mettait juste dessous leurs yeux, elles la reconnaissaient du bout des lèvres pincées en alléguant le fait que seules des organisations «d'extrême droite» se souciaient de cette question très secondaire. Bref, une pirouette assez primaire. De nos jours, lorsque le temps est clair, certaines condescendent toutefois à se saisir de cas emblématiques, pourvu que le traitement soit discret et homéopathique.
L'actualité récente me permet, à travers deux exemples, l'un en creux, l'autre en plein, de faire sonder du doigt le trou noir maudit.
Prenez Mayotte. On a tout dit sur les dernières manifestations d'exaspération de la colère populaire des Mahorais à propos de l'immigration massive et invasive.
On a dit que cette colère était légitime. On a dit que cette immigration était insupportable pour la population autochtone. On a reconnu sans barguigner le lien entre immigration excessive, illégale et criminalité. On a convenu également qu'elle était facteur de misère sociale, médicale et d'appauvrissement. On a accepté sans pousser de hauts cris de questionner la légitimité du droit du sol. On a reconnu qu'il existait effectivement «des Français de papier» qui avaient indûment instrumentalisé le droit du sol français pour devenir nos concitoyens pour de pures questions d'opportunité financière. On a tout dit, sauf que les Mahorais qui se plaignaient légitimement mais parfois violemment seraient des racistes, des xénophobes ou des populistes extrémistes.
On voudra bien à présent se donner la peine de comparer le regard compréhensif et même empathique porté par le monde médiatique et politique à l'égard des Mahorais exaspérés avec celui qui embrasse, si l'on ose dire, la population métropolitaine qui, aujourd'hui majoritairement, considère l'immigration illégale et massive comme un facteur d'inquiétude majeure. Encore que les réactions de celle-ci soient infiniment plus calmes que celle de la population mahoraise, qui peut honnêtement nier que le jugement médiatique et politique soit dans le meilleur des cas condescendant et dans le pire haineux et méprisant? Pour ceux qui ne veulent pas comprendre ce qui explique cette différence de regard, je vais leur mettre crûment la réalité sous les yeux. La population française métropolitaine, à la différence des Comoriens musulmans de Mayotte, est majoritairement chrétienne, blanche et occidentale. Par conséquent plus facilement soupçonnable de racisme, précisément par un préjugé raciste insoupçonné et indicible.
Les exactions contre les fermiers blancs en Afrique australe font partie des territoires occultés de l'information.
Mais que j'ose nommer et que j'ai déjà expliqué par l'Histoire.
À présent, passons au second exemple explicite et extérieur à la France.
L'excellente revue National Geographic s'est livrée récemment à une autocritique en règle en examinant de quelle manière, au siècle dernier, elle était restée indifférente à la réalité et à la souffrance noires.
D'un siècle l'autre, d'un excès l'autre, et, parfois, d'une souffrance l'autre. Je ne crains pas en effet d'appliquer cette saine autocritique au présent et à la souffrance blanche que l'on cache, que l'on tait ou que l'on ne veut pas voir.
C'est ainsi que les exactions contre les fermiers blancs en Afrique australe font partie des territoires occultés de l'information. Au Zimbabwe, la quasi-totalité des fermiers blancs ont été expulsés. De très nombreux fermiers massacrés. L'ex-dictateur Mugabe, récemment déchu, refusait de répondre à un journaliste parce qu'il était blanc. C'est dans ces conditions que la revue Jeune Afrique (et non un journal occidental) a écrit: «Les abus et les erreurs commis par Londres, les colons britanniques et leurs descendants, pour beaucoup restés fidèles à Ian Smith, ont été nombreux. Mais en répliquant avec une politique aussi inconséquente, Mugabe aura surtout ajouté de la souffrance à l'injustice.» De la souffrance blanche. Selon la BBC, cette politique a détruit l'économie du Zimbabwe basée sur l'agriculture, qui est dans une situation catastrophique avec une hyperinflation et une réapparition du choléra.
Qui pourrait prétendre honnêtement que ce racisme-là a été condamné par la classe médiatique antiraciste?
En République Sud-Africaine, la situation n'est aujourd'hui pas meilleure. De très rares articles dans la presse écrite française s'en saisissent pour décrire «le massacre oublié des fermiers blancs». Les télévisions françaises s'en désintéressent complètement.
Plus indiscutable et plus récemment encore, le 22 février 2018, l'agence Reuter, dans une indifférence totale, annonçait que «dans un souci de soigner les divisions du passé, le président sud-africain fraîchement élu Cyrille Ramaphosa avait annoncé que l'expropriation de terres sans compensation était envisagée pour accélérer leur redistribution aux Sud-Africains noirs».
Si les mots ont un sens, cette annonce aurait dû plonger tous les hommes de bonne volonté, sincèrement désireux d'harmonie entre les peuples, dans un état de consternation ou d'hébétude.
Si cette mauvaise décision est en effet menée à bien, elle tournera définitivement le dos à la politique de pardon et de réconciliation chère à Mandela et à Declercq. Elle signifiera la fin du pays «arc-en-ciel». Plus désespérément encore, elle signifiera qu'un règlement politique pacifique basé sur la concorde et non le rapport de force est une chimère. Elle donnera raison aux pessimistes et aux cyniques.
Mais il y a peut-être encore pire: l'incroyable omerta qui couvre pour l'heure en France les crimes sexuels autour des filles blanches ayant été découverts dans la commune anglaise de Telford.
Près de mille jeunes filles ont fait l'objet de viols collectifs et de trafic de proxénétisme violent de la part d'hommes issus principalement de la communauté pakistanaise. L'affaire connue depuis plusieurs mois, vient de prendre désormais une dimension extravagante et met en cause la police et les médias.
À l'époque de «Balance ton porc», où les violences faites aux femmes font l'objet d'une attention obsessionnelle permanente, le silence qui entoure ce drame immonde prend un tour invraisemblablement obscène et scandaleux.
Je renvoie notamment aux articles du Birminghammail et du Mirror du 11 mars 2018 ainsi qu'à la note Wikipédia en français issue de la note anglaise qui vient d'être complétée: «Suite aux nouvelles révélations en mars 2018 dans le Sunday Mirror, la journaliste Johanna Williams du magazine Spiked, s'émeut que ce qui semble être le pire scandale d'abus sexuels sur des enfants de Grande-Bretagne ait reçu relativement peu de couverture et ne fasse pas la une de journaux tels que le Guardian ou le Times , alors que depuis plusieurs mois, le harcèlement des femmes est dénoncé comme par exemple par le mouvement Me Too dont elle dénonce l'hypocrisie et le silence assourdissant». Comme de nombreux journalistes anglais le reconnaissent désormais, ces nouvelles révélations sont issues d'enquêtes du Daily Mirror et ont montré que l'étendue des abus était beaucoup plus vaste que ce qui avait été révélé auparavant.
À l'époque de «Balance ton porc», le silence qui entoure ce drame immonde prend un tour invraisemblablement obscène et scandaleux.
«Comme dans les autres affaires similaires, les auteurs étaient très majoritairement d'origine pakistanaise et bangladaise et de religion musulmane. Par crainte d'être considérées comme racistes, les autorités ont longtemps refusé d'enquêter» (Steve Bird The Télégraph du 9 décembre 2017).
Pendant ce temps, les pseudo-antiracistes hystériques et les néo-féministes frénétiques à moralisme chromatiquement variable restent calmes.
La souffrance, quand elle est blanche, demeure une zone noire interdite de visite.
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Plan de lutte contre le racisme : les associations saluent les mesures annoncées (19.03.2018)

  • Mis à jour le 19/03/2018 à 16:42 

  • Publié le 19/03/2018 à 16:09
Parmi les mesures détaillées ce lundi, un point du nouveau plan contre le racisme retient particulièrement leur attention : celui de la lutte contre les contenus illicites sur Internet.
«Mener une lutte plus efficace contre le déferlement de haine sur la toile». C'est une des mesures phares annoncées par Edouard Philippe ce lundi, à l'occasion de la présentation du nouveau plan de l'exécutif contre le racisme et l'antisémitisme. Le premier ministre a notamment insisté sur le fait qu'il comptait appeler les opérateurs Internet et les géants du Web comme Google, Facebook, Twitter ou YouTube a «prendre leurs responsabilités». Pour les associations antiracistes, qui plaident depuis plusieurs mois pour que le gouvernement hausse le ton face aux propos racistes, antisémites et discriminatoires qui pullulent sur Internet, cette mesure est aussi indispensable qu'attendue. Quant aux autres volets du plan, tous les représentants associatifs concèdent de réels progrès, tout en regrettant parfois que les mesures n'aillent pas plus loin, notamment en matière d'éducation.
● Lutter contre la haine sur Internet
La loi française va être modifiée afin de «renforcer les obligations de détection, de signalement, de suppression et de prévention de contenus illicites» sur Internet, a martelé Edouard Philippe lors de son discours. «C'est l'axe le plus innovant du plan», affirme Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, l'observatoire du conspirationnisme et des théories du complot. Pour ce dernier, il était urgent que l'exécutif s'empare de ce sujet brûlant afin d'emmener les GAFA vers une régulation européenne qui ne dépende pas uniquement du premier amendement de la Constitution des États-Unis, relatif à la liberté d'expression. Une vision partagée par Mario Stasi, président de la Licra (Ligue Internationale contre le Racisme et l'Antisémitisme), qui se félicite que cette lutte soit devenue une priorité du gouvernement. «Cela fixe un cadre clair et concret, qui devrait permettre d'engager un combat législatif sur le sujet», confie Mario Stasi.
Si cette annonce «est un bon début» pour Sacha Ghozlan, le président de l'Union des Étudiants Juifs de France (UEJF), il estime néanmoins que le plan pourrait aller plus loin. «C'est bien de vouloir légiférer, mais cela va prendre du temps. On devrait dans un premier temps s'inspirer des mesures concrètes, comme il en existe en Allemagne, où les posts haineux sont supprimés automatiquement sous 48 heures», explique le président de l'UEJF. Un regret aussi pour Rudy Reichstadt, qui aurait aimé que le plan prévoit plus d'amendes dissuasives envers les personnes qui incitent à la haine raciale.
● Mieux assister les enseignants
Sur le volet éducatif, le plan propose un travail de prévention et de formation dans le cadre de l'Éducation nationale, grâce, notamment, à la création d'une «équipe nationale de réaction», qui pourrait assister les enseignants face à des situations conflictuelles. Un point important selon Pascal Blanchard, historien et président du groupe de recherche ACHAC, qui espère avant tout que le plan fasse passer la prévention avant la répression. «Pour l'instant, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, a manqué de mesures pratiques en la matière», confie l'historien. Pour ce dernier, il convient d'abord de reconnecter les enfants à la réalité, en les confrontant à des témoignages ou des exemples concrets de racisme, «seul moyen d'engager une réelle prise de conscience».
«Pour l'instant, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, a manqué de mesures pratiques en la matière»
Pascal Blanchard, Historien
Pour Dominique Sopo, président de SOS Racisme, si les mesures vont dans le bon sens, elles pourraient aller plus loin. Il espère qu'un des points annoncés sera étudié en profondeur: celui de la formation des enseignants. En effet, Edouard Philippe a promis de renforcer la formation de l'ensemble des personnels à la prévention et la gestion des faits et propos à caractère racisme et antisémite. Mais pour Dominique Sopo, cet axe va nécessiter de dégager d'importants fonds. «C'est avec le budget consacré à cette question que l'on verra si c'est une priorité», dit-il.
● Améliorer la prise en charge des victimes
Une des autres volontés du plan est d'améliorer l'accueil et la prise en compte des plaintes des victimes par des actions de formations. «On le sait, les victimes d'actes ou d'injures racistes n'osent pas porter plainte. (...) Quand elles osent franchir le pas, leur statut de victime n'est pas toujours reconnu, leur parole pas toujours entendue comme elle le devrait», a déclaré ce lundi Edouard Philippe.
Ainsi, un nouveau modèle d'audition devrait être mis en place. La possibilité va être étudiée de permettre à un plaignant de qualifier lui-même le mobile raciste ou antisémite de son agression, comme au Royaume-Uni. «C'est un point majeur», explique Pascal Blanchard, qui insiste sur l'importance de former la police. «Il faut que les enquêteurs reçoivent au mieux la plainte d'une victime, car elle seule permet d'obtenir des statistiques, qui sont indispensables pour mieux comprendre le phénomène», indique l'historien.
Parmi les autres mesures concernant la prise en charge des victimes, le plan prévoit notamment de mettre en œuvre la préplainte en ligne et d'étendre la pratique des stages de citoyenneté. Si la formation semble donc être la pierre angulaire de ce plan, tous les représentants des associations s'accordent à rappeler qu'il ne s'agit pour l'instant que d'ébauches de mesures, qu'il convient désormais de faire mettre en pratique.
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Racisme et antisémitisme sur le net: le gouvernement veut renforcer la responsabilité des réseaux sociaux (19.03.2018)
  • Par  Salomé Garganne 

  • Publié le 19/03/2018 à 17:55
Édouard Philippe a présenté ce lundi le nouveau plan national contre le racisme et l'antisémitisme, dans lequel la lutte contre les propos injurieux et haineux sur Internet est l'un des objectifs majeurs. Il appelle notamment à «construire le cadre juridique d'une responsabilité des plateformes».
Endiguer un «torrent de boue qui se déverse dans les forums de discussion et sur les réseaux sociaux». C'est l'un des objectifs majeurs du plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, pour la période 2018-2020, dévoilé ce lundi par Édouard Philippe. En présence de plusieurs membres du gouvernement, le premier ministre a fait part de sa volonté de s'attaquer aux propos injurieux et insultes qui circulent sur la toile et pour cela, de renforcer le cadre juridique. Dans sa ligne de mire: les réseaux sociaux et les plateformes d'hébergement, accusés d'être parfois trop «passifs» alors qu'ils jouent aujourd'hui «un rôle actif dans l'édition de leurs contenus».
Édouard Philippe a appelé à une évolution de la législation actuelle, notamment en Europe, afin de «contraindre les opérateurs à retirer dans les plus brefs délais tout contenu haineux, raciste ou antisémite». «On ne peut pas continuer de vivre avec un cadre juridique européen qui date des années 2000», a-t-il déclaré. Mais c'est d'abord au niveau national que le premier ministre entend agir en modifiant la loi française et en renforçant la responsabilité des hébergeurs et diverses plateformes vis-à-vis de ses contenus.
«Pas d'obligation de surveillance, ni de suppression pour les plateformes»
Le premier ministre, qui souhaite «renforcer les obligations de détection, de signalement, de suppression et de prévention de contenus illicites», a notamment évoqué la création d'un nouveau statut, entre ceux d'éditeur de contenus et d'hébergeur qui existent déjà, «qui tienne compte des spécificités des grandes plateformes, mais qui les contraigne aussi à prendre leurs responsabilités». Un «immense chantier», devenu nécessaire alors que les contenus haineux sont toujours plus nombreux sur internet. «Ce serait bien qu'on arrive à contraindre les réseaux sociaux», affirme Me Basile Ader, avocat spécialiste du droit des médias et vice-Bâtonnier élu du Barreau de Paris, qui reconnaît une dimension incitative et «pédagogique» dans ces propositions.
En France, l'hébergeur n'est pas responsable des contenus illicites présents et publiés sur ses plateformes, d'après la loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique qui définit les statuts d'éditeur et de l'hébergeur. «Il n'y a pas d'obligation de surveillance, ni de suppression pour les plateformes sauf en cas de notification de contenus illicites», explique Me Basile Ader, qui évoque le «régime de responsabilité en deux temps». Les hébergeurs et plateformes ne peuvent devenir co-responsables de ce type de contenu que dans un deuxième temps, si ces faits ont été portés à leur connaissance selon des critères très précis, notamment concernant la date de la notification, ses modalités ou encore l'identité du notifiant.
Toutefois, même si la législation française se voyait doter de nouveaux outils juridiques, ceci pourrait se révéler inefficace dans certains cas. «Le vrai problème est que les principales injures se trouvent sur Twitter, qui ne dispose pas d'éditeurs de service en France», précise Me Ader. L'entreprise, basée aux États-Unis, relève de la législation outre-atlantique, en particulier du premier amendement de la Constitution qui garantit la liberté d'expression. Un enjeu de juridiction contre lequel le premier ministre, qui refuse de «croire que les réseaux sociaux sont des espaces hors-sol», entend se battre.
Une loi contre la haine en ligne adoptée en Allemagne
Parmi les autres pistes envisagées, le gouvernement réfléchit également à la possibilité de fermer des comptes diffusant de manière répétitive et massive des contenus haineux ou encore la mise en place de lourdes amendes contre les plateformes qui ne les retireraient pas assez rapidement sur le modèle de loi allemande, entrée en vigueur le 1er janvier. Votée l'été dernier, elle oblige les réseaux sociaux de plus de deux millions d'utilisateurs à supprimer les contenus racistes, antisémites, haineux, de propagande ainsi que les fausses informations dans un délai de 24 heures après leur signalement. Dans le cas contraire, les plateformes s'exposent à de très lourdes amendes.
Si cette loi pourrait être une possible source d'inspiration, des limites ont également été soulignées concernant la liberté d'expression. Le délai de 24 heures peut en effet entraîner des suppressions systématiques des contenus. Les entreprises effrayées par la lourdeur des amendes préféreront les effacer automatiquement sans prendre le temps de les analyser et les interpréter, comme dans le cas de messages à caractère humoristique. «L'appréciation n'est pas toujours si simple. Le problème est qu'il n'y a pas toujours quelqu'un pour évaluer le contenu et dire s'il est raciste ou pas, par exemple», poursuit Me Ader, qui craint des «risques de censure». La loi allemande devrait par ailleurs faire l'objet d'une évaluation prochainement par les parlementaires du Bundestag. Les débats suscités par ce texte de loi sont ainsi susceptibles de nourrir ceux qui auront lieu en France alors qu'Édouard Philippe a annoncé qu'une mission avait été confiée à Karim Amellal, enseignant franco-algérien, Laetitia Avia, députée LREM et Gil Taïeb, vice-président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), afin de réfléchir à des propositions en concertation avec les acteurs et associations du secteur.
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3 hommes mis en examen pour financement du terrorisme (19.03.2018)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 19/03/2018 à 18h13 | Publié le 19/03/2018 à 18h11
Trois hommes arrêtés mardi dans la région grenobloise lors d'un coup de filet antiterroriste ont été mis en examen, soupçonnés d'avoir apporté un soutien financier à une filière jihadiste irako-syrienne, a-t-on appris aujourd'hui de source judiciaire.
Mardi dernier, les policiers de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire avaient interpellé cinq personnes originaires de la région grenobloise, dont une femme, dans le cadre d'une commission rogatoire d'un juge d'instruction parisien. Les enquêteurs s'interrogeaient sur leurs liens, notamment financiers, avec deux hommes partis en zone irako-syrienne.
A l'issue de leurs gardes à vue, trois membres de leur entourage, des hommes âgés de 18, 20 et 30 ans, ont été mis en examen vendredi par un juge d'instruction pour "financement d'une entreprise terroriste" et placés sous contrôle judiciaire, conformément aux réquisitions du parquet de Paris. La justice les soupçonne d'avoir envoyé de l'argent sous la forme de mandats cash, selon une source proche du dossier. Les gardes à vue de la femme, âgée de 53 ans et mère d'un des deux individus partis en zone irako-syrienne, et d'un cinquième suspect, âgé de 30 ans, avaient été levées sans qu'ils ne fassent l'objet de poursuites à ce stade.
Ce dossier instruit au pôle antiterroriste a été disjoint d'un autre volet désormais clos et dans lequel quatre hommes, dont trois originaires de la région grenobloise, devraient être jugés fin mars devant le tribunal correctionnel de Paris pour leur participation présumée à cette filière irako-syrienne. Selon le gouvernement français, environ 1700 Français sont partis rejoindre les zones jihadistes irako-syriennes depuis 2014. Selon les déclarations du procureur de Paris François Molins le 22 janvier, "676 Français dont 295 femmes se trouveraient sur zone" en Irak et Syrie.
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Comment le Vatican a censuré une lettre de Benoît XVI (18.03.2018)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 18/03/2018 à 20h39 | Publié le 18/03/2018 à 19h58
Texte caviardé, photo montée... Le Saint-Siège a publié une lettre de Benoît XVI, au sujet du pape François, dont il a intentionnellement dissimulé des passages. Accusé de «manipulation», le Vatican a dû publier le texte dans son intégralité.
Le cinquième anniversaire de l'élection du pape François, le 13 mars, et de son installation officielle, le 19 mars, est troublé par une curieuse affaire de communication. Elle a été dénoncée par certains comme une «manipulation» de l'opinion publique. Devant l'embrasement de la polémique impliquant le pape régnant, François, et le pape émérite, Benoît XVI, le Saint-Siège a décidé de publier, dimanche en soirée, l'ensemble des pièces en cause.
Les faits sont les suivants. Le 12 mars, à Rome, Mgr Dario Edoardo Vigano, préfet du secrétariat pour la Communication - en d'autres termes, ministre de la Communication -, donne lecture publique d'une lettre rédigée par Benoît XVI à l'occasion de la présentation d'une collection de onze ouvrages, éditée par la Librairie éditrice vaticane (la maison d'édition du Vatican) où des théologiens commentent la pensée théologique du pape François. Mgr Vigano avait demandé au pape Benoît d'en rédiger la préface, mais ce dernier expliquait précisément dans cette lettre de réponse pourquoi il ne pouvait accepter.
Or, dans sa lecture publique, il se trouve que ce prélat n'a cité que les trois premiers paragraphes sur quatre de la lettre (lire le texte ci-dessous) en omettant le dernier. De plus, le Saint-Siège n'a ensuite officiellement publié - par écrit - que les deux premiers paragraphes. Enfin, le Vatican a publié une photo de la lettre de Benoît XVI, posée à côté de la pile des onze volumes mais où le 3e paragraphe est flouté et le 4e totalement caché, ne laissant apparaître que la signature de Benoît.
Ne pas publier ce paragraphe final revenait toutefois à changer le sens de la lettre de Benoît XVI, puisque le pape émérite émettait là une réserve de type théologique
Aussi, le 13 mars, de nombreux articles et émissions dans le monde entier ont souligné les deux phrases fortes du début de la lettre: «le préjugé stupide» contre le pape François qui ne serait pas théologien et «la continuité intérieure entre les deux pontificats». Un message élogieux, témoignant de son soutien, au moment précis où beaucoup se posent des questions sur l'orientation théologique du pontificat du pape François.
Un journaliste italien, Sandro Magister, s'est rendu compte de l'«omission». Il a réussi à retrouver la substance de toute la lettre et a publié le résultat de son travail sur son blog très suivi, «Settimo Cielo».
Outre l'impossibilité matérielle pour le pape Benoît d'écrire cette préface, argumentée dans le 3e paragraphe, il apparaissait alors que le 4e paragraphe occulté critiquait la présence parmi les auteurs de la collection, de Peter Hünermann, théologien allemand. Benoît XVI se disant «surpris» car Hünermann a «attaqué l'autorité magistérielle du pape (Jean-Paul II, NDLR) de manière virulente». Ce qui ne lui permettait pas de prêter son nom à ce projet.
Ne pas publier ce paragraphe final revenait toutefois à changer le sens de la lettre de Benoît XVI, puisque le pape émérite émettait là une réserve de type théologique. Devant la confusion - et à la demande de Benoît XVI lui-même -, le Vatican a finalement publié la lettre intégrale. Elle est accompagnée d'une note qui récuse toute «manipulation» ou «censure» et qui explique l'éviction du 4e paragraphe pour des raisons de discrétion. «Riservatezza» en italien.

«Je suis certain que vous comprendrez mon refus»
Lettre du pape émérite Benoît XVI au préfet du secrétariat  pour la communication  du Vatican, le 7 février 2018.
«Je vous remercie beaucoup pour votre aimable lettre du 12 janvier et pour le cadeau qui l'accompagnait, les onze petits volumes publiés sous la direction de Roberto Repole.
J'applaudis cette initiative qui veut s'opposer et réagir contre le préjugé stupide selon lequel le pape François serait un homme pratique privé de toute formation théologique ou philosophique particulière tandis que je serais moi-même seulement un théoricien de la théologie qui n'aurait pas compris grand-chose à la vie concrète d'un chrétien d'aujourd'hui.

La lettre de Benoît XVI et onze livrets  à propos des références théologiques du pape François - Crédits photo : OSSERVATORE ROMANO/REUTERS
Ces petits volumes montrent, avec raison, que le pape François est un homme d'une profonde formation philosophique et théologique et ils aident à voir ainsi la continuité intérieure entre les deux pontificats, nonobstant toutes les différences de style et de tempérament.
Toutefois, je ne peux pas rédiger «une brève et dense page théologique» à leur sujet. De toute ma vie, il a toujours été clair que je n'écrirais et que je ne m'exprimerais jamais que sur les livres que j'aurais vraiment lus. Malheureusement (…) je ne suis pas en mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche (…).
En marge de tout cela, je voudrais seulement noter ma surprise du fait de voir figurer parmi les auteurs le professeur Hünermann qui, durant mon pontificat, s'est fait remarquer en ayant pris la tête d'initiatives antipapales. Il a largement participé à la publication de la «Kölner Erklärung» qui, en ce qui concerne l'encyclique «Veritatis splendor», a attaqué l'autorité magistérielle du pape de manière virulente, particulièrement sur des questions de théologie morale  (…). Même la «Europäische Theologengesellschaft» qu'il a fondée a été fondamentalement pensée comme une organisation en opposition au magistère papal. Je suis certain que vous comprendrez mon refus et je vous prie d'accepter mes cordiales salutations.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 19/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Jeune fille au pair tuée à Londres : ouverture du procès du couple de suspects (19.03.2018)

  • Mis à jour le 19/03/2018 à 11:30 

  • Publié le 19/03/2018 à 06:30
Londres : un couple inculpé pour le meurtre d'une fille au pair française
Le 20 septembre, le corps calciné d'une jeune femme est retrouvé dans le jardin d'une maison dans le quartier de Southfields à Wimbledon, dans le sud de Londres
Les employeurs de Sophie Lionnet comparaissent à partir de ce lundi devant la justice. Le 20 septembre dernier, le corps de la jeune fille au pair française était retrouvé calciné dans leur jardin du sud-ouest de Londres.
Ils reconnaissent avoir tenté de faire disparaître le corps, mais nient toute implication dans la mort de Sophie Lionnet, 21 ans. Les accusés, Ouissem Medouni, 40 ans, et Sabrina Kouider, 34 ans, vont pourtant devoir s'expliquer concernant les circonstances de la mort de leur jeune fille pair, dont le corps a été retrouvé calciné dans le jardin de leur maison située à Southfields, un quartier du sud-ouest de Londres. En effet, le couple franco-algérien comparait à partir de ce lundi devant la Cour criminelle centrale d'Angleterre et du pays de Galles, appelée Old Bailey, compétente pour juger les crimes majeurs commis dans la région de Londres.

Le 20 septembre dernier, la police avait été alertée par des habitants de Southfields, banlieue cossue du sud-ouest de Londres. Plusieurs résidents avaient signalé une fumée épaisse et malodorante provenant d'une propriété dans laquelle vivait le couple, avec leurs deux enfants et Sophie Lionnet. La police y avait découvert un corps calciné, rapidement identifié par les médias comme étant celui de la jeune fille au pair, même si l'identité de la Française n'a été officiellement confirmée que le 3 octobre. Ses deux employeurs avaient été arrêtés dans la foulée et inculpés pour meurtre.
Dissimulation de crime
Lors d'une première audience dite de «plaidoirie et préparation de procès», les coaccusés auraient dû, comme le prévoit la loi britannique, plaider «coupable» ou «non coupable». Rien ne s'est pourtant passé comme prévu lors de cette séance en décembre dernier. Ouissem Medouni n'a pas été présenté à la Cour. Sabrina Kouider a quant à elle été auditionnée depuis sa prison via vidéoconférence, mais elle n'a pas annoncé ce qu'elle souhaitait plaider. À la première accusation de meurtre, la justice britannique a cependant décidé d'alourdir les charges pour dissimulation de crime.
C'est à l'occasion d'une deuxième audience en janvier que le couple a annoncé qu'il plaiderait «coupable» d'entrave à la justice pour avoir tenté de se «débarrasser» du corps «en le brûlant». Si les autorités britanniques n'ont à ce stade révélé aucun détail sur les circonstances de la mort de la jeune fille au pair, Ouissem Medouni et Sabrina Kouider ont en revanche décidé de plaider «non coupable» en ce qui concerne la mort de leur employée.
Des soupçons de maltraitance
Originaire de Troyes, Sophie Lionnet décide de s'installer à Londres en janvier 2016, afin d'apprendre l'anglais après avoir obtenu son CAP petite enfance. Elle est rapidement embauchée en tant que «fille au pair» pour s'occuper des deux enfants de 3 et 6 ans du couple franco-algérien. Selon les médias britanniques, Sophie Lionnet était cependant très peu rémunérée, à hauteur de 56 euros par mois. Une somme dérisoire qui ne lui aurait en outre jamais été versée. Très isolée depuis son déménagement outre-Manche, elle envoie de plus en plus rarement des messages à ses proches. Dans une lettre publiée par L'Obs, envoyée par Sophie Lionnet à son père en juin 2017, la jeune fille commence par s'excuser «pour cette longue attente sans nouvelles». «J'aurais dû écrire cette petite lettre il y a quelque temps, mais j'ai beaucoup été perturbée avec ce qu'il se passe ici», écrit-elle. En effet, plusieurs soupçons de maltraitance ont fait surface après sa mort.
«J'aurais dû écrire cette petite lettre il y a quelque temps, mais j'ai beaucoup été perturbée avec ce qu'il se passe ici».
Sophie Lionnet dans une lettre à son père
En août 2017, un mois avant sa disparition, Sophie n'est plus joignable. Sabrina Kouider, qui l'emploie, appelle la mère de Sophie pour se plaindre de sa fille. Plusieurs voyages sont organisés afin que la jeune fille au pair puisse regagner la France mais Sabrina Kouider s'arrange toujours pour que son employée reste à son domicile londonien. Pendant l'été, Sophie ne semble plus disposer de téléphone portable et vit isolée. Tous les proches de Sophie qui ont pu avoir quelques nouvelles grâce aux réseaux sociaux évoquent une jeune femme «à bout» et «épuisée».
Le corps calciné est toujours à Londres
Du procès qui s'ouvre ce lundi, les parents de Sophie Lionnet attendent surtout des réponses sur les conditions de la mort de leur enfant. Interrogée par L'Yonne Républicaine en janvier, la mère de Sophie évoquait un climat particulièrement pesant. «On ne sait toujours rien sur les conditions de la mort de ma fille alors qu'a priori la police a terminé ses investigations. Et nous n'avons toujours aucune idée de la date de rapatriement du corps», lançait-elle. Les parents de Sophie seront présents à Londres pour assister aux débats en tant que témoins. Pris en charge par le ministère et par la déléguée interministérielle de l'aide aux victimes de la Justice, les parents de la jeune femme n'auront aucun frais à avancer. Un soutien crucial pour cette famille qui n'aurait pas eu les moyens de se rendre sur place sans une aide financière de l'État.
Pour l'heure, les parents de Sophie Lionnet n'ont toujours pas récupéré son corps. L'enterrement de la jeune fille originaire de l'Aube devrait avoir lieu en Bourgogne, près de la commune où réside sa mère. Une cagnotte en ligne, destinée à «offrir à Sophie des obsèques dignes de sa personne», avait récolté près de 4000 euros. «Je n'aurais jamais pensé que ce serait aussi long» déclarait récemment le père de la victime au micro de RTL, avant d'ajouter: «on voudrait pouvoir faire l'enterrement et le deuil. C'est inqualifiable de ne pas pouvoir se recueillir».
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Une nouvelle bombe fait deux blessés au Texas (19.03.2018)

  • Mis à jour le 19/03/2018 à 18:48 

  • Publiéle 19/03/2018 à 13:04
L'explosion a eu lieu dimanche soir dans le sud d'Austin. C'est la quatrième bombe qui explose dans la ville depuis le début du mois de mars. La police pense désormais avoir affaire à un poseur de bombe en série.
Deux hommes ont été blessés dimanche soir à Austin au Texas dans une explosion. Âgés d'une vingtaine d'années, ils ont été transportés à l'hôpital. Leurs jours ne sont pas en danger, a indiqué le porte-parole de l'hôpital à CNN. C'est la quatrième explosion dans la ville depuis le début du mois de mars. Celles-ci ont déjà fait deux morts et deux blessées.
À cause de l'obscurité, «nous n'avons pas réellement pu inspecter le site de l'explosion pour déterminer ce qui s'est passé», a expliqué le chef de la police d'Austin, Brian Manley, lors d'une conférence de presse. Il a demandé aux habitants de rester à l'abri lors d'une conférence de presse dimanche soir. «Restez chez vous jusqu'à ce que nous puissions juger que ce quartier est sécurisé», a-t-il déclaré, précisant que ce ne serait pas «avant qu'il fasse jour, au minimum».
«Nous avons probablement affaire à un même poseur de bombe», a déclaré Brian Manley. «Il y a des points communs entre les explosifs d'hier soir et ceux utilisés précédemment». Le mode opératoire a toutefois changé: selon les premiers éléments de l'enquête, l'engin explosif aurait été déclenché par un fil piège. Les deux victimes étaient à vélo ou en train de pousser leurs bicyclettes lorsqu'un colis suspect placé sur le bord de la route a explosé. Il est «très possible» que l'engin ait été «déclenché par quelqu'un qui a manipulé, a donné un coup de pied ou est entré en contact avec un fil piège», a déclaré Brian Manley. «Cela change la donne», a poursuivi le responsable policier. «Nous devons dorénavant relever notre niveau de vigilance et faire attention à tout engin suspect, qu'il s'agisse d'un paquet, d'un sac ou d'un sac à dos, quoi que ce soit qui ne semble pas à sa place».
Appel aux auteurs des bombes
Les trois explosions précédentes, à dix jours d'intervalle, étaient dûes à des colis piégés laissées sur le pas de porte de leur victime. Le 2 mars, un premier paquet piégé avait tué Anthony Stephan House, un homme noir de 39 ans. Le 12 mars, deux bombes avaient explosé à quelques kilomètres et heures de distance, tuant un jeune afro-américain de 17 ans et blessant gravement sa mère. La seconde bombe avait elle blessé grièvement une femme de 75 ans d'origine hispanique. Cette dernière est toujours entre la vie et la mort. La police avait alors rapidement envisagé la thèse d'actes racistes.
Mais la dernière bombe dimanche soir a frappé à l'aveuglette, blessant deux hommes blancs, ce qui pourrait pousser les enquêteurs à élargir leur spectre. Le poseur de bombe, s'il s'agit d'un même homme, pourrait avoir été contraint de changer de modus operandi en raison des appels à la prudence de la police et de la vaste chasse à l'homme qui s'est ensuivie. Les autorités avaient dès le 12 mars donné pour consigne aux habitants de ne toucher aucun colis abandonné, et de prévenir les secours s'ils recevaient un paquet non attendu. Les forces de l'ordre ont ainsi reçu plus de 735 appels concernant des colis suspects, a indiqué Brian Manley.
Explosions au Texas : la piste de crimes racistes
La police suit la piste de crimes racistes à Austin après trois explosions aux colis piégés liées selon les autorités. Des explosions qui ont fait deux morts et plusieurs blessés en dix jours dans la capitale texane. Une femme d'origine hispan
Une prime de 115.000 dollars a été offerte pour toute information pouvant conduire à l'arrestation du ou des coupables. Selon le New York Times, plus de 500 agents fédéraux, dont des membres du FBI, participent à l'enquête. Dimanche après-midi, le chef de la police d'Austin a lancé un appel pour que les auteurs des bombes contactent les autorités pour expliquer le «message» derrière les attentats. «Nous voulons comprendre ce qui vous a amené jusque-là et nous voulons vous écouter», a déclaré Bryan Stanley.
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Syrie : les Turcs prennent Afrine aux Kurdes (18.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Publié le 18/03/2018 à 18h40
Les soldats turcs et leurs alliés islamistes syriens se sont emparés de la cité kurde. La partition du nord du pays est enclenchée.
La bataille de la ville d'Afrine n'a finalement pas eu lieu. Les forces turques et leurs alliés syriens anti-Assad contrôlent désormais la quasi-totalité de cette cité du nord-ouest de la Syrie. Dimanche soir, leurs ennemis - les combattants kurdes qui contrôlaient Afrine depuis le retrait des troupes syriennes en 2012 - avaient quitté la ville, tandis qu'une poignée de civils, encore présents, se terraient dans des caves.
Ces derniers jours, alors que l'étau se resserrait sur une ville qui n'a pas été détruite, plus de 150 000 civils, effrayés par l'intensification des bombardements turcs, avaient pris le chemin de l'exode. «Les derniers sont allés dans des zones tenues par le régime syrien à Shahbaa au nord d'Alep et dans les villages de Nobl et Zahra», confie Adlelsallam, un activiste kurde près d'Afrine, joint sur Twitter. Quant aux ultimes miliciens, ils se sont repliés, selon lui, à Shahbaa et Manbij.
La défaite est cuisante pour les Kurdes, qui avaient fait d'Afrine le laboratoire de leur autonomie dans le nord de la Syrie
La défaite est cuisante pour les Kurdes, qui avaient fait d'Afrine le laboratoire de leur autonomie dans le nord de la Syrie, frontalier de la Turquie. Deux mois après avoir lancé son opération militaire baptisée «Rameau d'olivier», Ankara a réalisé son objectif de chasser de l'enclave d'Afrine les miliciens kurdes du PYD, liés au PKK, le Parti des travailleurs kurdes, considéré par Ankara comme une organisation terroriste, en raison d'une guérilla meurtrière menée par celle-ci sur le sol turc, depuis des décennies.
Avant l'aube dimanche, les forces turques et les insurgés syriens ont pénétré dans Afrine par l'est, l'ouest, et le nord. Sans rencontrer de résistance, ils ont immédiatement célébré leur victoire en détruisant aux cris d'Allah Akbar - «Dieu est grand» - les portraits d'Abdullah Öcalan, le chef du PKK, emprisonné en Turquie. «Maintenant, le drapeau turc flotte là-bas! Le drapeau des Forces syriennes libres flotte là-bas!», se félicitait peu après le président turc, Recep Tayyip Erdogan. À Afrine, des équipes des forces spéciales traquaient les mines, laissées par les combattants kurdes derrière eux, tandis que des vidéos diffusaient des images de stocks d'armes souterrains abandonnés par les miliciens kurdes. Dans deux jours, les Kurdes d'Afrine ne célébreront pas leur Norouz - le Nouvel An - en se recueillant devant la statue de Kawa, héros de la résistance kurde, qui a été détruite par les forces turques.
Nettoyage ethnique
En deux mois d'offensive, 46 soldats turcs ont été tués, mais plus de 1500 combattants kurdes ont perdu la vie, en majorité dans des frappes aériennes et des tirs d'artillerie. «Où sont les meilleurs combattants anti-Daech comme les vantaient leurs alliés occidentaux?», s'interroge, sarcastique, un responsable turc. «Il ne s'agit que d'un retrait, le combat continue», répond dans un tweet Saleh Mouslim, l'un des responsables kurdes syriens, tandis qu'un communiqué annonce le début de la guérilla kurde contre les «forces d'occupation» turques dans le Nord syrien.

Ankara soupçonnait les Kurdes d'avoir transformé Afrine et sa région en un vaste réseau de fortifications en vue d'attaquer la Turquie. En capturant cette enclave, les Turcs relient géographiquement le secteur d'Afrine à la région voisine à l'est d'Azaz et de Djarabulus, qu'ils ont déjà conquise aux Kurdes à l'été 2016.
La Turquie compte reloger dans l'enclave d'Afrine des réfugiés syriens, qu'elle accueille sur son territoire. Quitte à pratiquer une opération de nettoyage ethnique. En effet, contrairement aux autres régions gérées par les Kurdes plus à l'est, Afrine avait la particularité d'être majoritairement peuplée de Kurdes, aux côtés d'Arabes. Mais de nombreuses questions se posent. Qui va administrer la région d'Afrine? «Les Turcs vont créer une administration locale sur le modèle d'Azaz et de Djarabulus», répond au Figaroun diplomate en charge du dossier syrien. Quels insurgés seront aux commandes? «Les rebelles originaires d'Afrine demandent aux Turcs que ce soient eux, mais certains venus d'autres régions ne sont pas d'accord», ajoute le diplomate. Sur certaines vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, on aperçoit déjà, paradant dans Afrine, des leaders islamistes, expulsés d'Alep-Est fin 2016. Des pillages de maisons kurdes par des insurgés arabes ont également eu lieu, relève Elizabeth Tsurkov, spécialiste du conflit syrien.
Fort de cette victoire rapide, Ankara ne cache pas sa volonté de poursuivre sa campagne militaire contre d'autres poches Kurdes, plus à l'est. «Espérons qu'avant d'autres combats, la Turquie et les Kurdes puissent parvenir à des arrangements grâce à une médiation américaine», veut croire le chercheur Emile Hokayem.
Une chose est sûre: la chute d'Afrine aux mains de la Turquie dessine une nouvelle carte de la guerre dans le nord de la Syrie. La partition du pays s'accélère.

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Après Afrine, la Turquie veut élargir l'offensive contre les Kurdes syriens (20.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 20/03/2018 à 23h04 | Publié le 20/03/2018 à 20h13
INFOGRAPHIE - Ankara et les rebelles anti-Assad entendent prendre le contrôle de Manbij, cent kilomètres plus à l'est.
Ni la Turquie ni ses alliés, les insurgés syriens, ne s'en cachent: après avoir conquis Afrine aux miliciens kurdes, Ankara et les rebelles anti-Assad entendent prendre le contrôle de Manbij, à cent kilomètres plus à l'est, et au-delà d'une bande de terre administrée par les Kurdes, le long de la frontière avec la Turquie. Mais à Manbij, le déploiement de 200 soldats américains fait planer la menace d'affrontements entre alliés au sein de l'Otan. Le scénario de la débâcle d'Afrine peut-il se rééditer à Manbij?
Lundi, alors que les Kurdes annonçaient le lancement d'une «guérilla» contre «l'occupation turque» de l'enclave d'Afrine, des responsables militaires américains affichaient ostensiblement leur présence à Manbij. Washington est «préoccupé» par l'exode de dizaines de milliers de civils kurdes jetés sur les routes. Mais que pèsent ces manifestations d'indignation face à la realpolitik? Washington est-il prêt à partir en guerre contre son allié turc, pour satisfaire les miliciens kurdes syriens, certes partenaires de l'Occident dans la guerre contre Daech, mais également émanation locale d'une organisation - le PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan - que les États-Unis, comme Ankara et l'Union européenne, qualifient de «terroriste»?
Manbij n'est pas Afrine. Celle-ci était peuplée d'une majorité de Kurdes, tandis qu'à Manbij, ce sont les Arabes, qui y sont majoritaires à 75 %. En 2016, après la conquête de Manbij sur Daech par une alliance de combattants arabo-kurdes, soutenue par les États-Unis, un «Conseil civil» fut installé à Manbij et sa campagne. Mais dans cette portion de Syrie post-Daech, la greffe arabo-kurde n'a pas pris.
«Le Conseil est dominé par les Kurdes, en particulier les vétérans du PKK qui cooptent les notables locaux et les renvoient en cas de problème», analyse le chercheur Fabrice Balanche, qui était à Manbij en février. Les incidents se sont multipliés. Le chef du comité de réconciliation et un responsable kurde de la sécurité furent assassinés. En janvier, des manifestations contre le Conseil de Manbij éclatèrent, organisées par des tribus arabes, hostiles à la conscription de leurs enfants par les Kurdes.
 «Les Kurdes ne laisseront pas les clés de Manbij à la Turquie» 
Fabrice Balanche, chercheur
Après la défaite d'Afrine, des miliciens kurdes se sont repliés à Manbij. «Les Kurdes ne laisseront pas les clés de Manbij à la Turquie», anticipe Fabrice Balanche, car «ce serait une autre humiliation, et Erdogan pourrait alors continuer son offensive plus à l'est.»
Mais une fois de plus, peu d'options s'offrent aux Kurdes. Compter sur la protection des 2000 soldats américains, déployés dans le Nord-Est syrien? Pour ne pas aggraver son contentieux avec Ankara, Washington se serait entendu avec la Turquie pour éviter un affrontement entre alliés à Manbij. Une des solutions envisagées serait le déploiement de forces turques aux côtés des marines… et l'expulsion des miliciens kurdes de Manbij.
Pour éviter ce scénario synonyme de nouveau recul, les Kurdes n'auront probablement pas d'autre choix que de se tourner vers Damas. Comme ils l'ont fait pendant l'offensive turque contre la poche d'Afrine. «Les Kurdes ont certainement tiré la leçon de leur erreur», estime un diplomate occidental, qui suit le dossier syrien. Juste avant le déclenchement de l'opération militaire turque, le 20 janvier, la Russie proposa aux Kurdes de céder le contrôle d'Afrine au régime syrien, moyennant quoi la Turquie n'interviendrait pas contre eux. «S'ils avaient accepté, ils auraient certes dû renoncer à une part de leur autonomie, mais ils n'auraient pas tout perdu à Afrine», estime le chercheur Hassan Hassan.

«Si les Kurdes n'ont pas été capables de résister dans une région montagneuse et ethniquement homogène comme Afrine, comment pourraient-ils résister au milieu de populations mixtes à Manbij ?»
Fabrice Balanche
Le retour du régime syrien à Manbij impliquerait le départ de la petite garnison américaine sur place. Mais cette présence contrevient à l'accord de déconfliction conclu entre Washington et Moscou dans le Nord syrien, au terme duquel les Russes sont à l'ouest de l'Euphrate, les Américains à l'est. Or Manbij est à l'ouest.
«Si les Kurdes n'ont pas été capables de résister dans une région montagneuse et ethniquement homogène comme Afrine, où ils avaient fortifié leurs positions, comment pourraient-ils résister au milieu de populations mixtes à Manbij, Tall Abyad ou Kamechliyé», s'interroge Fabrice Balanche. «Afrine était un fief historique kurde», insiste-t-il. Dans les années 1990, quand le leader kurde Abdullah Ocalan était réfugié à Damas, son parti, le PKK, recrutait de nombreux jeunes d'Afrine pour sa guérilla antiturque. Devenus des vétérans du combat, ce sont eux qui ont bâti le «Rojava», ces trois cantons kurdes quasi autonomes, après le départ des troupes d'Assad en 2012.
Depuis, forts d'appuis internationaux probablement surestimés, les Kurdes ont avancé en profondeur en territoire arabe. Mais aujourd'hui, l'heure des douloureux réajustements a, sans doute, sonné pour la minorité kurde de Syrie.

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Erdogan savoure une victoire stratégique à Afrine (20.03.2018)
Par Delphine Minoui
Mis à jour le 20/03/2018 à 21h31 | Publié le 20/03/2018 à 20h16
Le chef de l'État turc renforce la sécurisation de sa frontière avec la Syrie et affiche une image d'homme fort à l'approche des élections de 2019.
Correspondante à Istanbul

- Crédits photo : KHALIL ASHAWI/REUTERS
La photo du drapeau turc hissé sur Afrine - et qui tapissait, ce lundi, la une de tous les journaux turcs - résume l'état d'esprit de Recep Tayyip Erdogan au lendemain de la «victoire»: celui d'un président déterminé à capitaliser sur la conquête de cette ville syrienne contrôlée par les milices kurdes de l'YPG pour peser de tout son poids dans les négociations internationales sur le devenir de la Syrie et redorer son blason auprès de la population.
«C'est un tournant stratégique pour la Turquie», avance Murat Yesiltas, directeur des études sur la sécurité au sein du think-tank progouvernemental Seta. «Par cette victoire, précise-t-il, le pouvoir turc sécurise sa frontière avec la Syrie, en guerre depuis sept ans, et inflige au PKK un revers sans précédent (les forces YPG étant considérées comme une extension syrienne du PKK, classé «terroriste» par Ankara, NDLR)». Cette position de force devrait ainsi permettre à Ankara de «relancer les discussions avec les États-Unis» (connus pour leur soutien envers les TPG, alliés de taille dans leur lutte contre Daech), notamment sur le devenir d'une autre ville syrienne, Manbij, à l'est de l'Euphrate, où sont déployés de nombreux combattants kurdes.
Dimanche, l'arrivée des chars de l'armée turque au cœur d'Afrine a créé la surprise. «Personne ne s'attendait à une victoire si rapide», concède le politologue turc Behlül Özkan, et professeur associé à l'université Marmara. Déterminé à déloger les miliciens YPG de cette enclave syrienne, pour empêcher la création d'un corridor kurde le long de sa frontière, Ankara avait lancé, il y a deux mois, l'opération «Rameau d'olivier».
Les soldats turcs, appuyés par les combattants de l'Armée syrienne libre, avaient d'abord rencontré une résistance farouche de leurs adversaires, familiers du paysage montagneux et aguerris dans la bataille contre les djihadistes de l'EI. Une fois les forces turques et leurs supplétifs syriens parvenus aux portes d'Afrine, les rumeurs gonflaient sur le risque d'une bataille urbaine particulièrement meurtrière, voire d'un massacre à grande échelle des populations kurdes.
«Au niveau national, le gain politique est conséquent pour Erdogan. Avec Afrine, il est parvenu à titiller la fibre nationaliste des Turcs et à rassembler l'essentiel de l'opposition turque, à l'exception du parti prokurde HDP»
Le politologue turc Behlül Özkan, professeur associé à l'université Marmara
Or, d'après un premier bilan officiel turc, l'offensive de 58 jours a coûté la vie à 46  soldats turcs et a permis de «neutraliser 3603 terroristes». Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, quelque 280 civils ont été tués depuis le début de l'opération. En revanche, toujours d'après cet organe indépendant, environ 250.000 habitants d'Afrine auraient fui la ville en moins d'une semaine.
Ce soudain retrait - qui explique la facilité avec laquelle les Turcs sont finalement entrés dans la ville sans combattre - «a probablement été négocié préalablement entre Ankara et Washington», poursuit Behlul Ozkan. Et de rappeler une accélération notoire des événements depuis la visite, en février dernier à Ankara, de l'ex-secrétaire d'État américain Rex Tillerson, qui aurait vraisemblablement encouragé ses alliés à se retirer d'une ville que Washington n'a jamais considérée comme faisant partie de sa zone d'influence.
Pour l'heure, cette victoire à moindre coût joue à l'avantage du pouvoir turc. «Au niveau national, le gain politique est conséquent pour Erdogan, à l'approche des élections de 2019. Avec Afrine, il est parvenu à titiller la fibre nationaliste des Turcs et à rassembler l'essentiel de l'opposition turque, à l'exception du parti prokurde HDP», observe le politologue. La suite est plus incertaine.
«La conquête militaire d'une région ne va pas toujours de pair avec son contrôle. Reste à voir comment les populations kurdes vont accepter la présence turque. De plus, la crainte d'un changement démographique, en vertu d'une relocalisation des populations syriennes arabes, réfugiées en Turquie, sur Afrine, pourrait provoquer d'importants changements démographiques - et exacerber les tensions interethniques», prévient-il.

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Afrine : une défaite qui marque le début de la fin du rêve du Kurdistan syrien (20.03.2018)

Par Adrien Jaulmes
Mis à jour le 20/03/2018 à 21h23 | Publié le 20/03/2018 à 20h00
DÉCRYPTAGE - Même si les milices kurdes des YPG (Unités de protection populaire) représentent toujours une force militaire non négligeable sur le champ de bataille syrien, les circonstances favorables qui ont permis aux Kurdes de se tailler un territoire autonome sont en train de disparaître.
L'étau se resserre sur les Kurdes de Syrie. La prise d'Afrine par l'armée turque et ses alliés djihadistes syriens marque le début de la fin du rêve kurde du Rojava. Né à la faveur de la guerre civile dans le nord-est de la Syrie, ce proto-État voit son existence commencer à être remise en cause de toute part. Même si les milices kurdes des YPG (Unités de protection populaire) représentent toujours une force militaire non négligeable sur le champ de bataille syrien, les circonstances favorables qui ont permis aux Kurdes de se tailler un territoire autonome sont en train de disparaître.
La défaite de la rébellion syrienne a joué contre les Kurdes. Ceux-ci avaient habilement profité du soulèvement populaire contre Bachar el-Assad pour gagner leur autonomie. Se tenant soigneusement à l'écart des combats entre le régime et les rebelles, les partis kurdes sont sortis dès 2012 de la clandestinité, et les YPG ont sanctuarisé leurs villes et leurs villages dans le nord et l'est du pays. À partir de ces îlots, les Kurdes ont ensuite pris peu à peu le contrôle d'un territoire continu allant de l'Euphrate à la frontière irakienne, Afrine restant une enclave distincte à l'ouest du fleuve. La reconquête par Assad des territoires perdus fait monter la pression sur les Kurdes, et leur succès même représente une menace intolérable pour l'État syrien comme pour la Turquie voisine.
La défaite de l'État islamique a rendu les Kurdes moins indispensables, et leur autonomie plus irritante pour leurs adversaires, et en particulier la Turquie
Les Kurdes syriens ont entre-temps perdu leur utilité pour leurs alliés occidentaux. Devenus les soldats au sol de la coalition internationale en guerre contre Daech, ils sont à l'apogée de leur influence en octobre 2017, moment de la prise de Raqqa, la capitale syrienne de l'État islamique. Leur situation commence à se dégrader après cette date. La défaite de l'État islamique rend les Kurdes moins indispensables, et leur autonomie plus irritante pour leurs adversaires, et en particulier la Turquie.
Le président turc, Erdogan, qui a presque tout raté depuis le début de la crise syrienne, misant d'abord sur la chute rapide de Bachar el-Assad, puis sur les djihadistes les plus radicaux avant de les voir se retourner contre lui, a vu avec fureur se constituer sur sa frontière sud un territoire pouvant servir de base arrière aux séparatistes kurdes du PKI, les cousins turcs des YPG. Après une première incursion le long de l'Euphrate pour empêcher la jonction des cantons kurdes, Erdogan lance le 20 janvier dernier l'opération «Rameau d'olivier»visant à reprendre Afrine.
L'aide russe à la Turquie
La Russie a aussi décidé d'agir contre les Kurdes. Afin de déranger les plans américains, les Russes ont donné leur feu vert à l'opération turque, en laissant l'aviation d'Ankara opérer dans l'espace aérien qu'ils contrôlent. Le régime syrien n'a laissé passer que les réfugiés Kurdes fuyant Afrine, mais empêchant des renforts de rejoindre l'enclave.
Cette mauvaise conjonction stratégique risque de durer. La présence des forces américaines dans le reste du Rojava constitue le dernier atout des Kurdes syriens. Mais la politique de Washington, qui ne s'est pas caractérisée par sa cohérence depuis le début de la crise syrienne, reste une donnée aussi changeante qu'imprévisible. Quand aux Européens, soumis au chantage aux migrants d'Erdogan, leur capacité d'action est limitée. Et le sort de leurs alliés kurdes risque de ne pas peser bien lourd face à la perspective d'une nouvelle vague de migrants, si la Turquie relâche le contrôle de ses frontières. Victimes historiques de la constitution des États du Moyen-Orient au XXe siècle, les Kurdes sont au début du XXIe de nouveau bien seuls.

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Kendal Nezan : «L'abandon des Kurdes par l'Occident est une grave erreur politique» (20.03.2018)

Par Thierry Oberlé
Mis à jour le 20/03/2018 à 21h16 | Publié le 20/03/2018 à 18h07
INTERVIEW - Pour le président de l'Institut kurde de Paris, un minimum de devoir moral aurait dû conduire les alliés occidentaux à condamner formellement la Turquie pour son intervention à Afrine.
LE FIGARO. - Faut-il craindre un nettoyage ethnique dans l'enclave d'Afrine?
Kendal NEZAN. -Les habitants d'Afrine se   sont installés dans des conditions effroyables dans un no man's land qui n'est contrôlé ni par les Kurdes, ni par le régime syrien. Les Turcs ne les laissent pas revenir chez eux. On peut craindre une opération de nettoyage ethnique car les Turcs ont fait savoir qu'ils comptaient installer à Afrine des centaines de milliers de réfugiés syriens en Turquie, pour l'essentiel des Arabes. Erdogan parle de rendre ces territoires à leurs «véritables propriétaires». Il a fait fabriquer des statistiques selon lesquelles il y aurait une majorité arabe, 15 % de Turkmènes et 25 % de Kurdes.
S'il y a un domaine où la Turquie excelle, c'est bien celui de l'ingénierie démographique. Elle sait modifier la géographie d'un peuple comme elle l'a démontrée en 1915 avec les Assyro-Chaldéens puis avec les Kurdes, et dans les années 1980-1990 en forçant à l'exil plus de 3 millions d'entre eux. Le projet turc était connu depuis le début de la guerre en Syrie: elle voulait créer à la frontière syro-turque une zone «tampon» d'une trentaine de kilomètres de profondeur et y installer une population arabe pour couper les Kurdes de Syrie des Kurdes de Turquie, au nom de la sécurisation des frontières. Le même prétexte a été utilisé en 1915, quand la Turquie a déporté les Arméniens pour les éloigner de la Russie, soi-disant pour les mettre à l'abri. D'un siècle à l'autre, les arguments, les techniques et les modes opératoires sont identiques.
«Malheureusement personne n'a eu le courage d'affronter diplomatiquement le président Erdogan par peur de représailles.»
Kendal Nizan
Vous dénoncez un abandon des Kurdes par les Occidentaux…
Malheureusement personne n'a eu le courage d'affronter diplomatiquement le président Erdogan par peur de représailles. Les Kurdes ont été sacrifiés. C'est une faute morale incommensurable, car ceux qui sont morts là-bas sont ceux que l'on célébrait, il y a quelques mois, quand ils ont libéré Raqqa et le nord de la Syrie de Daech. Ce sont eux qui ont neutralisé des milliers de djihadistes occidentaux, y compris des Français. Le devoir de loyauté, de solidarité est oublié. On est plus dans les temps où l'on parlait du sens de l'honneur, mais un minimum de devoir moral aurait dû conduire les alliés occidentaux à condamner formellement la Turquie pour son intervention. Personne ne l'a fait. On leur a donné carte blanche. Au-delà de la faute morale, c'est une erreur politique aux graves conséquences. Les combattants kurdes sont le rempart contre Daech. Mettez-vous à leur place? Pourquoi se battre contre Daech alors qu'ils ont été abandonnés à Afrine? L'État islamique n'est pourtant pas fini. Sur qui peuvent compter aujourd'hui les Occidentaux? Sur la Turquie? Sur ceux que l'on appelle par commodité les rebelles, alors que ce sont des mouvements salafistes et pour certains d'entre eux djihadistes?
Quel jugement portez-vous sur la position de la France?
La France a fait le service minimum. On compatit aux malheurs des Kurdes et en même temps on accorde le droit à la Turquie de sécuriser sa frontière qui n'est pas menacée. On ménage la chèvre et le chou, au lieu de mobiliser l'Europe et le Conseil de sécurité des Nations unies. Il y a un changement important avec les Kurdes de Syrie. Le président Hollande les avait soutenus en les recevant et en les armant, avec l'appui des forces spéciales qui opéraient en Syrie. C'étaient des alliés. Le président Macron n'a pas cette histoire et cette sensibilité. Il est intervenu auprès d'Erdogan, mais ce dernier n'entend pas les discours modérés. Le sentiment des Kurdes est que les Occidentaux ont laissé faire. La France a fait plus que les autres, mais pas assez pour prévenir cette catastrophe alors qu'elle en avait les moyens.
«La France a fait le service minimum.»
Kendal Nizan
Les combattants kurdes pourront-ils maintenir leur contrôle sur le nord de la Syrie?
Après Afrine, je crains que cela se passe de la même manière au Rojava (nord de la Syrie, NDLR). Tout dépendra des Américains. Il se peut qu'ils s'opposent à l'invasion turque du Rojava, mais à l'heure actuelle personne ne peut dire ce qu'ils vont faire. Le Rojava est pour les Américains l'occasion non pas d'imposer une entité kurde mais de peser sur les négociations sur l'avenir de la Syrie, car ils n'ont pas d'autres leviers. Ils ne veulent pas que les Iraniens contrôlent toute la région, et menacent gravement Israël. Les Kurdes dans ce jeu sont des alliés de circonstance.

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Soupçons de financement libyen de la campagne de 2007 : deuxième jour de garde à vue pour Nicolas Sarkozy (20.03.2018)

Par Le Scan Politique
Mis à jour le 21/03/2018 à 08h23 | Publié le 20/03/2018 à 09h14
LE SCAN POLITIQUE - L'ancien président de la République est de retour ce mercredi dans les locaux de la police judiciaire à Nanterre où il est entendu depuis mardi matin.
La nouvelle, mardi, a déclenché une tempête de réactions dans la classe politique, à gauche comme à droite. Nicolas Sarkozy est de retour ce mercredi matin dans les locaux de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre, où il a été placé en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur les soupçons de financement libyen de sa campagne électorale de 2007. Cette première audition de l'ancien chef de l'Etat dans ce dossier tentaculaire sur lequel les juges enquêtent depuis cinq ans a démarré mardi à 8h, avant d'être interrompue vers minuit.
L'ancien chef de l'État nie tout financement libyen. À l'issue de cette garde à vue, qui peut durer jusqu'à 48 heures, il sera remis en liberté, présenté à un juge en vue d'une éventuelle mise en examen ou convoqué ultérieurement.
Par ailleurs, Brice Hortefeux, ancien ministre de l'Intérieur et ami de Nicolas Sarkozy, a été entendu à Nanterre en audition libre, qui permet aux enquêteurs d'entendre une personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction sans la mettre en garde à vue, l'intéressé pouvant donc à tout moment quitter les lieux. Son audition a pris fin aux alentours de 23h30 mardi soir.
«Avancer et faire la lumière»
Dans ce dossier, d'anciens responsables du régime de feu Mouammar Kadhafi et l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine ont notamment évoqué la thèse de versements au profit de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. D'autres responsables libyens les ont démentis, comme l'ancien chef de l'État et plusieurs de ses proches.
L'enquête, ouverte notamment pour détournements de fonds publics et corruption active et passive, a été élargie en janvier à des faits présumés de «financement illégal de campagne électorale», a indiqué une source proche du dossier à l'Agence France-Presse. En septembre 2017, les policiers avaient remis aux juges un rapport qui pointait la circulation d'espèces dans l'entourage de Sarkozy durant la campagne 2007. Interrogés par les enquêteurs, Éric Woerth, trésorier de la campagne présidentielle, et son adjoint chargé de la distribution des enveloppes, Vincent Talvas, ont répondu que l'argent provenait de dons anonymes, pour un montant global de 30 000 à 35 000 euros. Une justification contestée au cours d'autres auditions, dont celle de la personne chargée du courrier reçu à l'UMP durant cette campagne présidentielle, qui a déclaré n'avoir «jamais vu de courrier arrivant qui contenait des espèces».
«Après cinq ans d'enquête, on n'arrive toujours pas à prouver qu'un seul centime d'argent libyen a été versé à Nicolas Sarkozy»
Me Bouchez El Ghozi, avocat de Claude Guéant
Mardi, Me Bouchez El Ghozi, l'avocat de l'ancien secrétaire général de l'Élysée et ministre de l'Intérieur Claude Guéant, mis en examen dans cette affaire, a jugé qu'«il n'y a pas d'élément dans le dossier qui justifie aujourd'hui une telle mesure spectaculaire de garde à vue. Après cinq ans d'enquête, on n'arrive toujours pas à prouver qu'un seul centime d'argent libyen a été versé à Nicolas Sarkozy».
Les réactions politiques ont été nombreuses. Dans la majorité, le premier ministre, Édouard Philippe, a lâché: «Aucun commentaire à faire sur la procédure judiciaire», tout en évoquant des relations empreintes de «respect mutuel» avec l'ancien président. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, a jugé qu'«il est utile que la justice puisse avancer et faire la lumière».
Dans l'opposition, Les Républicains ont apporté leur «plein et entier soutien» à l'ancien président, Laurent Wauquiez jugeant sur Twitter la garde à vue «humiliant(e) et inutile».
Christian Jacob, patron des députés LR, a remarqué: «Onze ans après, c'est de l'acharnement, et on a vu ce que ça avait donné avec l'affaire Bettencourt.» Le ton est plus acerbe au PCF et au FN. Sébastien Jumel, un des porte-parole des députés communistes, a déclaré: «Ça devait arriver. (Nicolas Sarkozy) va avoir du mal à trouver des alibis.» «Si on en est là, a estimé Gilbert Collard, député FN et avocat, c'est qu'il y a des éléments.»
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Takieddine, l'homme qui relance l'affaire des financements libyens dans la campagne de Sarkozy (17.11.2016)

Par Edouard de Mareschal
Mis à jour le 17/11/2016 à 18h39 | Publié le 17/11/2016 à 16h56
Par ses accusations portées contre Claude Guéant et Nicolas Sarkozy, il alimente les soupçons sur le financement libyen de la campagne de ce dernier en 2007. Mais l'homme d'affaires franco-libanais est également cité dans une autre enquête en cours, celle de l'affaire Karachi.
Dans le dernier épisode sur les accusations de financement libyens qui pèsent sur la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, c'est Ziad Takieddine lui-même qui se met en scène pour porter de graves accusations contre le camp de l'ancien président de la République. Dans une vidéo publiée mardi sur Mediapart, l'homme d'affaires franco-libanais affirme qu'il a transporté entre 2006 et 2007 trois valises de billets de la Libye vers la France, pour un montant total de 5 millions d'euros. Il assure que les destinataires étaient le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, et son directeur de cabinet Claude Guéant. Ziad Takieddine est une nouvelle fois au centre d'une enquête de financement occulte impliquant les plus hautes sphères de l'Etat. Qui est-il? Le Figaro fait le point.
● Repéré dans les années 1990 par François Léotard
Ziad Takieddine commence à fréquenter le monde politique dans les années 1990. Ce serait François Léotard, alors ministre de la Défense du gouvernement Balladur, qui lui aurait mis met le pied à l'étrier. Ziad Takieddine devient un intermédiaire en vente d'armes, après avoir commencé à travailler dans l'agence publicitaire Young & Rubicam, puis repris la gestion de la station de ski Isola 2000. Il intègre les cercles du pouvoirs de la droite, se dit proche de Claude Guéant, Pierre Charon, Brice Hortefeux ou Jean-François Copé. Les intéressés nient en bloc, mais des photos publiées par Mediapart tendent à montrer une certaine proximité entre Takieddine et certains d'entre eux. Sur l'un des clichés, Jean-François Copé se baigne dans la piscine du millionnaire. Sur un autre, le même Jean-François Copé pose avec Brice Hortefeux et le franco-libanais sur un port de plaisance.
● Impliqué dans l'affaire Karachi
Ziad Takeddine est déjà mis en examen dans le dossier Karachi. L'homme est soupçonné d'avoir été l'un des intermédiaires dans deux contrats d'armement signés en 1994 par l'Etat français: le premier concernait la vente de trois sous-marins au Pakistan (Agosta), et le second la livraison de trois corvettes furtives à l'Arabie saoudite (Sawari II). L'homme d'affaires libanais aurait été imposé au dernier moment dans les négociations avec le Pakistan, alors que le contrat était sur le point d'être conclu. A ce stade, Ziad Takieddine aurait obtenu 200 millions d'euros de commissions dans les négociations saoudiennes, au côté de son compatriote Abdul Al-Assir. Par la suite, les deux intermédiaires auraient obtenu 33 millions d'euros de commissions sur le contrat du Pakistan, dont 85% sont versés dans l'année, un délai record. Ces fonds auraient transité via une société écran immatriculée au Luxembourg, dont la création aurait été avalisée par le ministre du budget de l'époque, Nicolas Sarkozy, selon une enquête de la police luxembourgeoise. Les enquêteurs soupçonnent que des rétrocommissions aient été reversées via cette société pour financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.
● Mis en cause dans l'affaire du financement libyen
Le nom du sulfureux homme d'affaires figure aussi dans l'enquête sur le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Mediapart accuse l'ex-président de la République d'avoir reçu 50 millions d'euros du régime libyen de Mouammar Kadhafi. Toujours sur Mediapart, Ziad Takieddine a affirmé mardi dans une vidéo qu'il avait transporté à trois reprises des valises de billets de la Libye vers la France, entre 2006 et 2007. Il assure avoir remis les deux premières à Claude Guéant, et la dernière à Nicolas Sarkozy en personne, alors ministre de l'Intérieur. Ces sommes auraient été demandées selon lui à Abdallah Senoussi, l'ex-chef des services secrets libyens, au titre de «la coopération entre services de renseignement». Des dires confirmés par Abdallah Senoussi lui-même, interrogé en 2012 dans le cadre de l'enquête de la Cour pénale internationale. Ce dernier affirme que les cinq millions d'euros ont été débloqués précisément pour la campagne présidentielle de 2007. L'ex président de la République et candidat à la primaire de la droite, dénonce une «manoeuvre nauséabonde», ajoutant n'éprouver que «du mépris» pour Mediapart, qualifié «d'officine» qui essaye depuis des années de le salir, «sans succès».
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Soupçons de financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy : de quoi parle-t-on ? (20.03.2018)
Par Guillaume Descours et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 20/03/2018 à 23h53 | Publié le 20/03/2018 à 10h49
VIDÉO - Après des révélations de Mediapart en 2012, les juges français se penchent sur un éventuel financement illicite de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi. Le Figaro revient sur cette affaire complexe aux multiples rebondissements.
Nicolas Sarkozy est entendu depuis mardi matin dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre. Il a été placé en garde à vue dans l'enquête sur des soupçons de financement illicite qui pèsent sur sa campagne présidentielle de 2007, selon une source judiciaire confirmant une information de Mediapart et du Monde. C'est la première fois que l'ancien président français est entendu par la police dans cette affaire depuis l'ouverture d'une information judiciaire en avril 2013. Il est interrogé par les agents de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).
L'affaire débute en avril 2012, quand le site Mediapart publie un document présenté comme officiel. Celui-ci fait état d'un «accord de principe» pour le versement d'une somme de 50 millions d'euros pour le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007 par la Libye de Kadhafi. Si certains membres des services secrets libyens contestent l'authenticité de ce document, ce n'est pas le cas de Ziad Takieddine. Cet homme d'affaires, qui a joué un rôle d'intermédiaire entre la France et le régime de Kadhafi dans des contrats d'armement, affirme que le document est «crédible». Nicolas Sarkozy porte alors plainte contre le site d'informations pour «faux et usage de faux», ainsi que pour «publication de fausses nouvelles». Quatre ans plus tard, la justice tranche: les magistrats rendent un non-lieu, estimant que le document n'est pas un faux.
Claude Guéant mis en examen en 2015
Personnage central dans cette affaire, Claude Guéant a été mis en examen le 7 mai 2015 pour «faux, usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée». Les magistrats s'interrogent sur un très grand coffre-fort loué le 21 mars 2007 à l'agence BNP de Paris Opéra et surtout sur un virement de 500.000 euros. Celui-ci apparaît sur son compte en 2008. L'ancien ministre explique que c'est le résultat de la vente de deux tableaux.
L'affaire prend un nouveau tournant en novembre 2016. Ziad Takieddine raconte, toujours à Mediapart, avoir transporté entre novembre 2006 et début 2007 des valises contenant cinq millions d'euros en liquide. Il explique avoir été reçu par Claude Guéant, directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur de l'époque, lors des deux premiers voyages, puis par Nicolas Sarkozy lui-même la troisième fois en janvier 2007.
Peu après ses déclarations, Ziad Takieddine est mis en examen par la justice française pour «complicité de corruption, trafic d'influence et détournement de fonds publics». Un autre intermédiaire, l'homme d'affaires Alexandre Djouhri a été arrêté en janvier à Londres. Il avait été placé en détention provisoire, puis libéré après le paiement d'une caution avant d'être une nouvelle fois incarcéré fin février. Souffrant de problèmes cardiaques, il est hospitalisé depuis une dizaine de jours à Londres, selon une source proche de l'enquête. Son domicile suisse avait été perquisitionné en 2015.
La garde à vue de Nicolas Sarkozy peut durer jusqu'à 48 heures. En cas d'éléments à charge il pourrait être présenté aux magistrats pour une éventuelle mise en examen. Selon une source judiciaire, l'ancien ministre de l'Intérieur pendant le quinquennat Sarkozy, Brice Hortefeux, est également entendu ce mardi en audition libre. Mediapart avait affirmé en 2012 que ce proche de l'ancien président avait servi d'intermédiaire.

Comme Néandertal, l'Homme de Denisova s'est accouplé avec Homo sapiens (20.03.2018)

Par Vincent Bordenave
Mis à jour le 21/03/2018 à 09h38 | Publié le 20/03/2018 à 19h01
L'étude génétique de plus de 5000 personnes d'Europe, d'Asie et d'Océanie, montre que nos ancêtres ont mélangé leurs gènes à deux reprises avec l'homme de Denisova, cousin disparu qui peuplait l'Asie il y a encore 40.000 ans.
Quelques dents et une phalange retrouvés dans une grotte de l'Altaï en Sibérie au début des années 2000: ce sont les seules traces archéologiques, vieilles de 48 000 à 30 000 ans, qui relient avec certitude l'homme moderne à l'homme de Denisova, ce cousin disparu qui a vécu en même temps que Néandertal (lui aussi disparu).
Malgré cette toute petite quantité de matière paléontologique, une équipe de chercheurs américains, menée par Sharon Browning de l'Université de Washington, vient de publier dans Cell Press , les résultats d'une analyse d'ADN montrant que deux populations distinctes de Denisoviens se sont mélangées avec nos ancêtres Homo sapiens.
Comment les chercheurs ont-ils pu arriver à de telle conclusion avec si peu? «Premièrement, l'ADN contenu dans la phalange est extrêmement bien conservé et a pu être séquencé,» explique Jean-Jacques Hublindirecteur du département d'évolution humaine à l'institut Max Planck de Leipzig. «Deuxièmement, l'équipe américaine a utilisé une nouvelle méthode de recherche. Ils ne sont pas partis de l'ADN fossilisé, mais ont travaillé à partir de celui des populations actuelles.» 
Pour résumer, l'équipe de Sharon Browning a comparé le génome de plus de 5000 personnes vivant en Europe, Asie et Océanie. Ils ont réussi à identifier des segments récemment insérés dans le génome des hommes modernes. Ces segments ont ensuite été comparés avec les ADN anciens connus. Résultat, des segments néandertaliens particulier ont été retrouvés dans toutes les populations, et deux types de segments dénisoviens sont présents chez les populations asiatiques. «L'un des deux est très proche de celui retrouvé dans l'Altaï. L'autre est légèrement différent.»
Deux populations séparées par l'Himalaya 
En regardant ces différentes sources ADN, une géographie se dessine. Les populations papoues et australiennes (bien entendu, on parle ici des Aborigènes) sont celles qui portent une plus grande proportion d'ADN dénisoviens (mais seulement du type qui s'éloigne de celui de l'Altaï). Les populations d'Asie de l'Est partagent eux leur génome avec les deux populations de Dénisoviens. «Quand on regarde de plus près, tout est assez logique,» détaille Jean-Jacques Hublin. «Les hommes de Denisova devaient peupler l'ensemble de l'Asie. Une dizaine de fossiles de cette époque ont été retrouvés en Chine. Mais, longtemps, ils n'ont été attribués à aucune espèce connue, et je suis persuadé qu'il s'agit, en fait, de Dénisoviens.» L'Himalaya a représenté un obstacle majeur et de chaque côté de ces montagnes infranchissables, les populations ont évolué différemment. Les populations en route vers l'Australie n'ont rencontré que les Dénisoviens «du sud». Plus à l'est, entre la Chine actuelle, et le sud-est asiatique, les échanges de populations modernes ont été plus nombreux et on retrouve là des apports d'ADN dénisoviens du nord et du sud de l'Himalaya. 
Le monde serait alors shématiquement divisé en trois, Sapiens en Afrique, Néandertal en Europe et enfin Denisova en Asie. «Bien entendu, ces frontières étaient mouvantes,» nuance Jean-Jacques Hublin. «À leur périphérie, les espèces se sont croisées et se sont succédé aux mêmes endroits.» 
Pourquoi on ne retrouve pas le même phénomène avec Néandertal
Si la génétique a réussi à prouver la survivance de deux populations de Dénisoviens dans notre ADN, une seule trace de Néandertal a été retrouvée pour toutes les populations eurasiatiques, de Madrid à Pékin! «L'explication est assez simple», raconte Jean-Jacques Hublin. «Les populations de sapiens dont nous descendons se sont mélangées avec Néandertal au Proche Orient il y a 100.000 ans, avant de se répandre vers l'Asie et l'Europe.» Les tout premiers Homo sapiens arrivés en Europe ont fini par être remplacés par ces hommes modernes venus eux aussi du Proche-Orient il y a environ 40.000 ans. 
Difficile de savoir si les différentes espèces vivaient réellement ensemble ou bien si elles se sont juste croisées et accouplées très occasionnellement et «faute de mieux.» «Aucune fouille archéologique n'a jamais montré la moindre trace de cohabitation prolongée», note Jean-Jacques Hublin. «Mais une chose est sûre, c'est le processus même de spéciation qui est questionné par ce genre d'étude. Tous ces hominidés ont été séparés suffisamment longtemps pour évoluer différemment. Mais les flux génétiques des uns et des autres, même très limités, montrent que l'isolement d'espèces était encore très loin d'être irréversible!»
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Prisons : la France affiche un taux de détention sous la moyenne européenne (20.03.2018)
Par Jean-Marc Leclerc et Service InfographieMis à jour le 20/03/2018 à 21h46 | Publié le 20/03/2018 à 19h38
INFOGRAPHIE - Selon une étude, le pays réalise un nombre d'incarcérations modéré par rapport à ses voisins et manque de places de prison.
La crise du système carcéral français se lit dans la dernière étude de statistique pénale du Conseil de l'Europe. Baptisé «Space» et réalisé avec le concours de l'université de Lausanne, ce rapport concerne 47 pays, parmi lesquels la Turquie. Il confirme clairement que la surpopulation dans les prisons tricolores est liée au sous-dimensionnement du parc pénitentiaire.
À lire ces tableaux fournis par les administrations elles-mêmes (des données arrêtées au 1er septembre 2016), la France compte dans ses prisons presque 117 détenus pour 100 places. Alors que la moyenne européenne est de 90 détenus pour 100 places. L'Espagne, elle, ne compte que 71 détenus pour 100 places, contre 109 en Italie, 98 en Grèce, 97 au Royaume-Uni et 87 en Allemagne.

Autant dire que le projet Macron de construire 10.000 nouvelles places de prison en France d'ici à la fin de son quinquennat serait le bienvenu, même si le chef de l'État en avait initialement promis 15.000 durant la campagne présidentielle. Aujourd'hui, son équipe le reconnaît: il faudra deux mandats pour tenir ces engagements. Les 10.000 nouvelles places du premier quinquennat pourraient même être ramenées à 7000.
Malgré cette surpopulation carcérale, la France ne semble pas être la terre de répression que l'on pourrait imaginer. Avec un taux de détention de 102 détenus pour 100.000 habitants, elle se situe nettement au-dessous de la moyenne européenne (127), très loin de l'Espagne (137) ou du Royaume-Uni (146), sans parler de la Pologne (188).
La Turquie et la Russie, quant à elles, pulvérisent tous les records, avec respectivement 224 et 448 détenus pour 100.000 habitants! À côté, l'Allemagne, l'Italie ou la Grèce passeraient pour des havres de paix avec quelque 80 détenus pour 100.000 habitants.
8,5 mois d'incarcération en moyenne en France
L'étude Space fourmille d'informations utiles. On y apprend que, dans les prisons françaises, la durée moyenne d'incarcération se limite à 8,5 mois, tandis qu'elle s'établit à 9,8 mois en moyenne en Europe, 13,7 en Italie, 21,9 en Espagne, et même 30,7 au Portugal. Il faut dire que, avec un nombre de places disponibles assez faible au regard du flux des personnes condamnées à de la prison ferme, la rotation rapide des détenus semble inévitable. Sauf à augmenter le nombre de peines non exécutées, qui dépasse déjà les 100.000 en France.
«Pour les faits de violence grave, la détention préventive reste la meilleure façon de protéger les victimes»
Un magistrat
Éviter l'incarcération tant qu'une peine de prison n'est pas devenue définitive reste un objectif louable. En France, 29,1 % des détenus sont pourtant en préventive contre 27 % en moyenne en Europe. L'Espagne, pour sa part, parvient à réduire ces placements sans condamnation définitive à 17,1 %. L'Hexagone peut donc beaucoup mieux faire, mais un magistrat nuance: «Pour les faits de violence grave, la détention préventive reste la meilleure façon de protéger les victimes. Or, qui peut contester que les violences graves augmentent en France?»
En tout état de cause, les alternatives à la prison sont très répandues en Europe. Le rapport Space atteste même que la France figure parmi les championnes d'Europe des solutions qui évitent de finir derrière les barreaux. Mais curieusement, au sortir des années Hollande, les personnes qui purgeaient une peine en milieu ouvert (174.000 au 31 décembre 2016) étaient moins nombreuses que sous Sarkozy (187.000).
Peines alternatives au Royaume-Uni
Alors que l'ex-garde des Sceaux, Christiane Taubira, clamait haut et fort les vertus de sa «contrainte pénale», les Britanniques ont devancé les Français en termes de peines alternatives. Le Royaume-Uni compte désormais 327  personnes sous probation pour 100.000 habitants, quand le taux tricolore plafonne à 260.
En revanche, la France reste l'un des pays les plus durs contre les automobilistes poursuivis pénalement. Alors que les détenus pour délits routiers ne représentent en moyenne que 3,4 % des prisonniers en Europe, ils sont le double dans l'Hexagone (6,8 %). À titre de comparaison, l'Allemagne affiche 3,7 %, le Royaume-Uni 0,5 %, l'Espagne 2,5 %. Chez nos voisins proches, seul le Portugal a la main plus lourde avec un taux de ces détenus de 11,3 %.
Dans les indicateurs européens du système carcéral, on remarque par ailleurs que la justice française met particulièrement l'accent sur la lutte contre les viols, avec 4348 prisonniers pour ce type de faits, au 1er septembre 2016. À comparer aux 3206 détenus en Allemagne pour ce genre d'infractions, contre 1 966 en Espagne et 1852 en Italie. Le Royaume-Uni a, de son côté, incarcéré 6596 violeurs.
Le coût moyen d'un prisonnier en France est de 106 euros par personne et par jour, contre 141 euros en Allemagne, 147 en Italie et… 30 euros en Grèce. Enfin, alors que les syndicats de la Pénitentiaire dénoncent toujours un manque de personnel, l'étude Space révèle que le nombre de détenus par surveillant est de 2,5 en France contre 3,5 en Europe, 3,8 en Italie, 3,3 en Espagne et même 4,2 en Allemagne.

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Les emportements de Mahmoud Abbas contre Washington et le Hamas (20.03.2018)

Par Cyrille Louis
Mis à jour le 20/03/2018 à 20h43 | Publié le 20/03/2018 à 19h41
Le président de l'Autorité palestinienne a traité l'ambassadeur américain en Israël de «fils de chien» lui reprochant son soutien aux colons israéliens de Cisjordanie. Il menace aussi d'accentuer les sanctions contre le mouvement islamiste qui tient Gaza depuis 2007.
Les médias israéliens ont surtout retenu l'insulte. S'exprimant lundi soir devant les membres de la direction palestinienne, le président Mahmoud Abbas a de nouveau laissé parler sa colère contre l'Administration américaine. Il a notamment traité l'ambassadeur auprès de l'État hébreu, David Friedman, de «fils de chien», en réaction au soutien que celui-ci apporte aux colons israéliens de Cisjordanie. L'émissaire de Donald Trump pour le Proche-Orient, Jason Greenblatt, a aussitôt condamné des propos «hautement inappropriés» tandis que Benyamin Nétanyahou accablait leur auteur. «Pour la première fois depuis des décennies, a-t-il dit, l'Administration américaine cesse de cajoler les dirigeants palestiniens. Apparemment le choc de la vérité leur fait perdre la tête.»
Plus encore que les noms d'oiseau, cependant, ce sont les mises en garde brandies par le chef de l'Autorité palestinienne qui suscitent l'inquiétude. Accusant ouvertement le Hamas d'avoir commandité l'attentat manqué contre le convoi du premier ministre Rami Hamdallah le 13 mars à Gaza, Mahmoud Abbas a menacé de mettre fin au processus de réconciliation amorcé en septembre dernier par les deux factions rivales. Si le mouvement islamiste, qui contrôle l'enclave depuis 2007, ne lui cède pas les ministères régaliens sans tarder, il a promis d'alourdir les sanctions contre le territoire côtier. Après la réduction des salaires que verse l'Autorité, la mise à la retraite de fonctionnaires et la réduction de l'approvisionnement en électricité, une telle extrémité risque fort de provoquer un effondrement généralisé - et pourrait déboucher sur une nouvelle confrontation avec Israël.
Soucieux de conjurer une telle spirale, les pays donateurs qui soutiennent traditionnellement la Palestine se sont réunis mardi à Bruxelles pour financer des interventions à court terme. Une dizaine de projets ont été évoqués la semaine dernière, à Washington, lors d'une rare rencontre qui a associé des représentants d'Israël et de plusieurs pays arabes. La réparation rapide des trois lignes électriques qui relient l'Égypte à l'enclave palestinienne, la reconstruction du réservoir de carburant accolé à la seule centrale électrique de Gaza ainsi que la fourniture de 10 millions de mètres cubes d'eau supplémentaires par Israël font partie des pistes envisagées. «Le problème, s'inquiète Nickolay Mladenov, coordinateur spécial des Nations-Unies pour le processus de paix, c'est qu'au-delà de ces mesures d'urgence, nous devons trouver des financements pour l'agence en charge des réfugiés palestiniens (l'Unrwa, NDLR). Or les pays donateurs sont clairement fatigués après tant d'années à soutenir les Palestiniens sans le moindre horizon politique.»
À plus long terme, la communauté internationale envisage de financer une vaste centrale pour dessaler l'eau de mer, un champ de panneaux solaires et l'agrandissement d'une zone industrielle qui fonctionne déjà à l'est de l'enclave. Mais il y a de fortes chances pour que ces projets pharaoniques restent au point mort aussi longtemps que le Hamas et le Fatah ne se seront pas décidés à enterrer la hache de guerre.

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Le cri des femmes syriennes en quête de leurs maris «disparus» dans les prisons du régime (18.03.2018)
Par Delphine Minoui
Mis à jour le 18/03/2018 à 17h57 | Publié le 18/03/2018 à 17h24
REPORTAGE - Elles ne font pas la une des journaux. Leurs histoires sont enterrées dans les marges d'une actualité trop brûlante. Et pourtant, à l'ombre de la guerre syrienne, elles sont des dizaines de milliers d'épouses à se débattre pour faire la lumière sur le sort de leurs maris, détenus par le régime de Damas ou portés «disparus».
C'était le printemps de l'amour et des rêves. Une saison folle guidée par les trois étoiles rouges du drapeau révolutionnaire syrien. Noura, avocate, courait sans relâche les tribunaux pour défendre les dissidents embastillés. Bassel, génie de l'informatique, naviguait sur l'Internet pour briser les filtres de la censure et favoriser la libre circulation des idées. La nuit, les deux jeunes fiancés planchaient jusqu'à pas d'heure sur la rédaction de tracts destinés aux activistes. Ils s'étaient rencontrés un an plus tôt, lors des premiers cortèges du soulèvement anti-Assad. Un coup de foudre scellé par l'envie commune de construire un pays libre et pluriel.
Ce 15 mars 2012, l'intrépide juriste avait prévu d'aller essayer sa robe de mariée - la noce, prévue deux semaines plus tard, un an jour pour jour après leur rencontre, approchait à grands pas. Bassel lui avait promis de la retrouver pour l'accompagner chez la couturière, une fois son rendez-vous terminé. Mais le rendez-vous s'est éternisé. Le futur époux s'est volatilisé. Son téléphone est resté muet. «J'ai aussitôt compris qu'il avait été arrêté», raconte Noura Ghazi Safadi, ses yeux bruns plissés de tristesse. Elle est assise dans le hall de cet hôtel parisien, perdue dans les souvenirs d'une promesse avortée. «Au début, reprend-elle, je me suis effondrée. J'étais tétanisée. Ma sœur s'est occupée de tout: l'annulation de la fête, les coups de fil aux invités… Et puis, j'ai relevé la tête. Il me fallait retrouver la trace de Bassel, promener ma lanterne dans les méandres de l'univers carcéral que je connaissais malheureusement trop bien.»
Démultiplication des «enlèvements»
En arabe, Noura signifie «lumière» - un nom prémonitoire choisi par ses parents. Elle naît à Damas en 1981, d'une mère d'origine kurde syrienne et turque. Son père, journaliste, milite contre le régime. À 5 ans, elle le voit s'exiler au Liban. De retour au pays, en 1992, il est incarcéré. «Chaque semaine, se remémore-t-elle, j'allais le voir derrière les barreaux. Lors de ses convocations au tribunal, je me précipitais pour le serrer dans mes bras. Un jour, la police m'en a empêchée. Un des agents m'a dit que je devrais avoir honte de mon père. Furieuse, j'ai insulté le président Hafez el-Assad (père de Bachar, NDLR) en pleine rue. En guise de revanche, j'ai déclaré que, plus grande, je serai avocate pour défendre tous les prisonniers politiques !»
«Les premiers mois, je suis restée sans nouvelle de lui, jusqu'à ce que j'apprenne par un ex-codétenu qu'il était à Saidnaya, l'une des prisons les plus atroces de Syrie»
Noura Ghazi Safadi
Pari tenu: elle qui se rêvait vétérinaire ou actrice se lance dans des études de droit. Son diplôme en poche, elle plaide en faveur des opprimés: femmes, reporters censurés, opposants sous les verrous. Au début de la révolte de 2011, le nombre de personnes inquiétées gonfle à vue d'œil. Les «enlèvements» - c'est ainsi qu'elle désigne les arrestations arbitraires - se démultiplient.
Dans sa robe noire d'avocate, assortie à sa longue chevelure, Noura saute de salles d'audience en centres de détention. «J'entretiens une relation étrange avec les prisons. J'ai grandi avec. C'est un univers qui m'est étrangement familier», souffle-t-elle. Mais l'incarcération de Bassel, accusé de porter atteinte à la sécurité de l'État, va chambouler sa vie.
«Les premiers mois, je suis restée sans nouvelle de lui, jusqu'à ce que j'apprenne par un ex-codétenu qu'il était à Saidnaya, l'une des prisons les plus atroces de Syrie», raconte-t-elle. Au bout de neuf mois, le cyberactiviste est finalement transféré à la prison centrale d'Adra, où Noura le revoit pour la première fois. «Il avait maigri. Certaines parties de son corps avaient reçu des brûlures de cigarette», dit-elle.
Les deux amoureux refusent de courber l'échine: vingt jours plus tard, ils se marient secrètement en prison. «Nous avons chuchoté nos vœux à travers les barres de métal qui nous séparaient. Et lors d'une seconde visite, un oncle juriste a officialisé l'union», sourit la jeune femme. Un de ses plus beaux moments de résistance: «Nous nous sommes mariés en dépit des obstacles! En prison! Vous imaginez? Je suis parvenue à défier les barreaux, les gardes, la surveillance vidéo et j'ai épousé Bassel !»
Exécuté sur ordre du tribunal militaire
Pendant trois ans, et malgré les intimidations, elle enchaîne les tours de passe-passe pour le voir au maximum: outre la visite hebdomadaire, accordée aux familles de détenus, elle se débrouille pour le croiser de temps en temps dans la salle des avocats, où elle vient rencontrer ses clients. «Quel réconfort de pouvoir lui toucher la main, ne serait-ce que quelques minutes», dit-elle.
Dans l'enfer que devient la Syrie, déchirée entre guerre civile et percée du djihadisme, où les morts se comptent par centaines de milliers, leur passion fait leur force: elle lui apporte des chocolats et des livres ; il lui offre des sculptures confectionnées dans sa cellule à partir de cartes téléphoniques. Quand elle lui écrit des poèmes en arabe, il les lui traduit en anglais. Et puis le 13 septembre 2015 arrive comme une claque. Noura, dont c'est l'anniversaire, a caché sa fatigue sous un joyeux rouge à lèvres pour le fêter en prison. Mais ce jour-là, Bassel est abattu. «Je crois qu'ils vont me tuer», lui annonce-t-il derrière les barreaux. Noura refuse d'y croire: «Ne sois pas ridicule! Ils vont finir par te libérer.» C'est sa dernière visite.
«Il m'arrive encore de douter : et s'il était encore en vie ? Je suis incapable de faire le deuil de Bassel. Ça me tue !»
«Trois jours plus tard, poursuit-elle, Bassel m'a téléphoné pour me dire qu'on s'apprêtait à l'emmener quelque part, mais qu'il ignorait où. Depuis, il ne m'a jamais rappelée.» La rumeur de son exécution, d'abord invérifiable, est officieusement confirmée en… août 2017. Par contacts interposés, Noura apprend qu'il a été exécuté un mois après sa dernière visite, sur ordre du tribunal militaire. «Je suis tombée en dépression. La douleur était d'autant plus profonde que je n'ai pu ni récupérer sa dépouille, ni lui offrir une sépulture pour fleurir son tombeau. À ce jour, il m'arrive encore de douter: et s'il était encore en vie? Je suis incapable de faire le deuil de Bassel. Ça me tue!», dit-elle.
À partir de là, plus rien ne la retient à Damas - pas même l'interdiction de quitter le territoire, levée fin 2017. Sans hésiter, Noura fait ses valises, en y glissant les statuettes de Bassel, dont celle, si précieuse, de la déesse de la Justice - «son dernier cadeau». Prétextant un test d'anglais à Beyrouth, elle franchit la frontière syro-libanaise en sachant qu'elle n'y remettra plus les pieds: trop d'amertume, trop de colère, trop de menaces contre sa propre personne. Elle, l'avocate entêtée, l'infatigable militante des droits de l'homme, a rejoint la longue liste des épouses, mères et sœurs de «disparus»: ces dizaines de milliers de Syriennes suspendues à l'attente d'un coup de fil, d'un verdict officiel, de la moindre preuve de vie - ou de mort - de leurs proches arrêtés. «Je ne suis qu'un exemple parmi tant d'autres», avance-t-elle.
Les Antigone du XXIe siècle
Il y a un mois, elle en a retrouvé une petite douzaine en plein cœur de Paris. À l'initiative de l'ONG Families for Freedom * (Familles pour la liberté), créée en 2014, elles sont toutes montées à bord d'un bus londonien, garé place de la République, qui fait le tour de l'Europe pour sensibiliser l'opinion publique sur ce drame syrien si peu médiatisé. Sous un ciel gris et froid, le cri de Noura s'est rallié à celui de ces Antigone du XXIe siècle. Le regard digne, la voix brisée par les sanglots, elles se sont relayées derrière le micro pour raconter, photos à l'appui, l'histoire de leurs époux - parfois de leurs frères ou de leurs fils - incarcérés ou exécutés, et dont elles sont sans nouvelles.
À ce jour, quelque 200.000 Syriens - hommes et femmes confondus - sont portés «disparus» à travers le pays. «Nous sommes ici pour réclamer leur libération. Nous sommes ici pour obtenir le droit de connaître leur sort», a martelé Noura devant la foule. Bien triste déclaration pour une révolution qui souffle ses sept bougies. «Mais je ne perds pas espoir», insiste-t-elle, quelques jours plus tard, dans ce petit hôtel du XIe arrondissement où elle a fait escale.
«Faute de certificat de décès, les veuves de disparus ne peuvent ni toucher de pension, ni refaire leur vie ou se remarier»
Noura Ghazi Safadi
Son ultime objectif: que Bachar soit traîné en justice «pour tous ses crimes restés jusqu'ici impunis». Et pour sauver, aussi, l'honneur des épouses oubliées. «Derrière chaque disparition se cachent des femmes et des familles qui souffrent en silence. Les veuves de disparus sont comme enchaînées. Faute de certificat de décès, elles ne peuvent ni toucher de pension, ni refaire leur vie ou se remarier. Dans les milieux traditionnels, elles se retrouvent souvent sous l'emprise de leur belle-famille», souligne-t-elle. Noura baisse les yeux: «Et je ne parle pas des Syriennes violées au fond des cachots. Un tabou qu'il faudra bien finir par briser…»
Aujourd'hui de retour à Beyrouth, son nouveau «chez-elle» temporaire, Noura poursuit sa bataille de l'information. «J'ai la chance d'être libre, de pouvoir m'exprimer en public, de me déplacer de pays en pays pour qu'on n'oublie pas la Syrie. Je suis la porte-voix de celles qui ne peuvent pas parler», dit la jeune juriste. Les jours de déprime, elle s'accroche au souvenir de Bassel, à cette promesse commune de meilleurs lendemains. Pour immortaliser leur amour, elle vient de publier un recueil bilingue contenant les fameux poèmes qu'elle lui écrivait et qu'il lui traduisait en prison. Le titre s'est imposé d'office: En attendant Bassel.
* Pour en savoir plus sur les Familles pour la liberté:https://syrianfamilies.org/fr

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Au Bangladesh, les Rohingyas organisent leur survie (11.03.2018)

Par Emilie Lopes
Mis à jour le 16/03/2018 à 16h41 | Publié le 11/03/2018 à 17h55
REPORTAGE - Six mois après l'exode de plus de 700.000 musulmans de Birmanie fin août, environ un million de réfugiés vivotent dans des camps, entre traumatisme et résignation.
Envoyé spécial à Cox's Bazar

La boue s'est transformée en poussière de sable. La pluie de la mousson a laissé place au soleil brûlant, et les traumatismes à la résilience pour certains. Dans ce qui est devenu en six mois la plus grande concentration de réfugiés au monde, avec près de 700.000 arrivées depuis le 25 août, la vie s'organise à Cox's Bazar, parmi les Rohingyas. A l'entrée des camps, les échoppes ont remplacé la foule qui cherchait il y a encore quelques semaines de quoi manger. Aujourd'hui, des femmes vendent du poisson ou des légumes, quand d'autres proposent des habits et même quelques jouets. Mais rares sont les acheteurs.
Dans les ruelles escarpées, des enfants jouent aux billes, la plupart aident leurs parents à construire des abris solides avant les prochains cyclones tant redoutés. Certains portent des tiges de bambous, les plus costauds de lourds sacs de sable qui serviront à ancrer les tentes ou des escaliers dans les pentes sinueuses.
«La mousson va arriver, il faut anticiper les risques. 100.000 réfugiés pourraient être gravement menacés par des glissements de terrain et des inondations»
Caroline Gluck, chargée de l'information au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
Au creux des collines, certaines latrines sont déjà pleines, et les amas de déchets dégagent des odeurs pestilentielles. Les ONG veillent et veulent éviter toute épidémie, à un mois de la mousson. «Nous avons passé la phase d'urgence, nous sommes désormais à la consolidation. La mousson va arriver, il faut anticiper les risques. 100.000 réfugiés pourraient être gravement menacés par des glissements de terrain et des inondations. Nous avons d'ores et déjà distribué des kits pour les aider», explique Caroline Gluck, chargée de l'information au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Les Rohingyas eux n'arrêtent jamais de travailler. Mohammed Alamjir s'affaire. Il doit changer de cahute et en bâtir une plus solide et plus grande. Sa femme attend leur deuxième enfant. Elle doit accoucher dans les prochains jours. «Je suis rassurée, je vais pouvoir aller dans une clinique. En Birmanie, j'ai accouché chez moi, c'était extrêmement dur de ne pas être suivie, mais j'avais trop peur d'aller à l'hôpital et d'être tuée par les Birmans», confie-t-elle.
«Beaucoup sont encore traumatisés. Ils souffrent mentalement mais aussi physiquement. Ce sont surtout des infections, des problèmes de malnutrition, des maux de ventre, des diarrhées»
Le docteur Rowshon
Pendant la phase d'urgence, les ONG ont construit de nombreux centres de soins. Halima Katum vient consulter pour des problèmes gastriques dans une clinique de l'association Friendship dans le camp de Balukhali, qui juxtapose celui de Kutupalong. Elle est arrivée il y a six mois. Sa sœur, assise à ses côtés, souffre d'eczéma. Timides et craintives, elles n'en diront pas davantage et préfèrent se cacher sous leur voile.
Abdu Munjur est dans la pièce d'à côté. Il se plaint d'anorexie. Sa mère est morte d'épuisement après la longue traversée voici quatre mois. «Je suis triste, elle me manque. Mais ici au moins je suis en sécurité. Je ne veux pas retourner en Birmanie, ils veulent nous tuer. La vie était désastreuse là-bas, ici au moins nous sommes en paix.»
«Beaucoup sont encore traumatisés. Ils souffrent mentalement mais aussi physiquement. Ce sont surtout des infections, des problèmes de malnutrition, des maux de ventre, des diarrhées, des problèmes de peau dus au manque d'hygiène. Nous avons eu aussi des cas de rougeole», analyse le docteur Rowshon qui travaille ici depuis trois mois.
Des cas de trafics d'êtres humains
Pour les enfants, l'Unicef a mis en place 600 centres d'apprentissage offrant un enseignement de base, souvent insuffisant. Le bengali y est interdit pour éviter toute assimilation, alors les cours sont donnés en anglais, dans le dialecte rohingya ou en birman. Beaucoup d'associations ont installé des espaces consacrés aux femmes et aux enfants pour leur assurer une sécurité. Ils peuvent être les cibles des trafiquants dans les camps, surtout la nuit. Depuis six mois, une vingtaine de cas de victimes de trafic d'êtres humains ont été signalés. Il s'agit aussi de lieux d'écoute pour les nombreuses femmes violées par des militaires birmans.
La semaine dernière, trois lauréates du prix Nobel de la paix se sont rendues dans les camps pour apporter leur soutien aux réfugiés. Elles ont approché la frontière et dénoncé ce qu'elles qualifient de «génocide», en demandant que les responsables soient traduits devant la Cour pénale internationale. «Alors que l'on recense plus d'un million de Rohingyas déplacés, des morts et disparus en grand nombre, et alors que le viol et les violences sexuelles sont utilisés comme armes de guerre, il est grand temps que la communauté internationale agisse», a déclaré l'avocate iranienne Shirin Ebadi, qui fut, en 2003, la première musulmane à obtenir ce prix prestigieux. Elle aussi récompensée par le Nobel en 1991, la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, s'est en revanche vu retirer mardi le prix Elie Wiesel du musée de l'Holocauste à Washington, pour son inaction dans cette crise.
L'ONU appelle à la mise en place d'un mécanisme indépendant destiné à examiner les crimes commis contre les Rohingyas en Birmanie
Ro Yassin, qui vit dans les camps depuis deux ans, a suivi les trois lauréates pendant une journée. «J'étais très heureux de les voir. Elles ont compris notre détresse, notamment celle des femmes qui ont été violées. Elles ont fait leur maximum pour dire qu'il y a un génocide et pour alerter la communauté internationale», relate-t-il encore ému.
De son côté, l'ONU appelle désormais à la mise en place d'un mécanisme indépendant destiné à examiner les crimes commis contre les Rohingyas en Birmanie. L'appel est venu du haut-commissaire aux Droits de l'homme, Zeid Raad al-Hussein, qui souhaite la constitution d'une équipe d'enquêteurs chargés de réunir les preuves des exactions. Ce mécanisme permet de dépasser le cadre d'une simple mission d'enquête afin de trouver des éléments susceptibles d'être utilisés à charge devant un tribunal.
Les relations entre le Bangladesh et la Birmanie, elles, se dégradent. Un ministre bangladais a qualifié le pays voisin de «mal absolu», lui reprochant son manque de coopération. «Le processus de rapatriement des Rohingyas a peu de chances d'aboutir, d'abord parce que la Birmanie n'accepterait que 15 réfugiés par jour alors qu'ils sont un million au Bangladesh. Ensuite, parce que les réfugiés ne voudront pas rentrer dans l'État de l'Arakan tant qu'ils craignent d'y être persécutés», a dénoncé Abul Maal Abdul Muhith. Selon un dernier rapport de MSF, au moins 9.400 personnes ont perdu la vie dans cette région du 25 août au 24 septembre, dont au moins 6.700 des suites de violences. L'ONG estime qu'au moins 730 enfants de moins de 5 ans ont été tués.
«Les restrictions sont de plus en plus terribles. Ils nous interdisent désormais d'aller pêcher, nous avons faim. Ils nous tuent à petit feu. La vie ici est pire qu'en prison»
Un Rohingya vivant dans un camp de déplacés en Birmanie
De l'autre côté de la frontière, Saed, qui vit depuis bientôt six ans dans un camp de déplacés à Sittwe, la capitale de l'Arakan, confirme ces accusations. «Les restrictions sont de plus en plus terribles. Ils nous interdisent désormais d'aller pêcher, nous avons faim. Ils nous tuent à petit feu. La vie ici est pire qu'en prison. Un prisonnier connaît sa sentence et sait quand il retrouvera sa liberté. Je ne peux même plus décrire toutes les souffrances que je subis», témoigne-t-il par téléphone.
Quand la nuit tombe sur les camps du Bangladesh, tous pensent à leur pays qui les a rejetés, à cette terre qui leur manque, à leur famille perdue. Mais personne ne veut y retourner. Ici, ils peuvent dormir paisiblement pour la première fois depuis longtemps.

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Le Qatar, de la perle à la culture (21.03.2018)

Par Valérie Collet
Publié le 21/03/2018 à 07h00
ESCAPADE - Le petit émirat, qui accueillera le Mondial de football en 2022, fait appel aux plus grands architectes et artistes pour célébrer son patrimoine et se différencier de ses voisins. Il compte attirer deux fois plus de touristes dans ses musées, son désert et ses réserves naturelles.
Envoyée spéciale à Doha,
À Doha, la capitale du Qatar, pas de tour la plus haute, pas de chorégraphie de jets d'eau de toutes les couleurs sur fond d'air d'opéra, ni de piste de ski sous cloche comme dans l'émirat de Dubaï. Lui, a décidé de promouvoir sa culture, son histoire et sa nature, une manière de se distinguer de son écrasant voisin, célèbre pour ses excès les plus fous.
Le Qatar est une petite langue de désert, bordée au nord par le Golfe arabo-persique et au sud par l'Arabie saoudite. Un émirat devenu richissime grâce à des gisements de pétrole et de gaz naturel découverts dans les années 1950. Doha, la petite ville de pêcheurs de perles et d'humbles bédouins, est devenue l'une de ces mégapoles ultramodernes de la région. Toutes cherchent à attirer les visiteurs du monde entier et surtout à les faire sortir quelques jours - ou même quelques heures - des aéroports immenses où ils prennent souvent une correspondance pour l'Asie du sud-est ou pour l'Océanie.
Au cœur de la ville, une «skyline» borde la corniche arrondie ouvrant sur la mer turquoise. Durant les mois d'hiver, quand le thermomètre affiche 20 degrés comme ce matin-là, les joggers - hommes et femmes - profitent de la douceur sur cette promenade piétonne en bord de mer. Dès le mois de mai et jusqu'en octobre, la chaleur découragera les coureurs avec plus de 30 degrés et même 40 entre juin et août.
Architectes les plus talentueux de la planète
Si la monarchie n'a pas cherché à bâtir les édifices les plus élevés, elle a fait appel aux architectes les plus talentueux de la planète. La corniche est la vitrine d'un concours de formes verticales de verre et d'acier, sublimées par le soleil omniprésent. Un cylindre de dentelle métallique, la Qatar Tower, griffée Jean Nouvel, côtoie la Tornado Tower, une hyperbole cernée d'un large quadrillage au bas duquel s'affiche le portrait stylisé de l'émir, visible un peu partout à Doha. La tour Al Bidda, vrillée sur elle-même est enveloppée d'un feuilletage de verre, les Palm Towers aux feuilles stylisées sont représentées par des pans concaves… Et l'émirat a aussi réclamé des prouesses architecturales pour ses musées. Rien que pour cela, ce petit pays 50 fois plus petit que la France, mérite l'escapade.

L'intérieur de la bibliothèque conçue par l'architecte Rem Koolhaas, à Doha. - Crédits photo : Valérie Collet
Les fans d'architectures et d'art doivent réserver une demi-journée au Musée d'Art Islamique (MIA). Un joyau! D'abord parce que l'édifice lui-même est époustouflant. Inauguré il y a dix ans, le musée a été conçu par l'architecte sino américain Ieoh Ming Pei, l'auteur de la pyramide du Louvre, qui ne connaissait rien à l'islam avant de se voir confier ce projet grandiose. Le bâtiment géométrique blanc souligné de gris domine la baie. Un ponton majestueux flanqué de deux piliers blancs s'ouvre sur la mer. Les angles des terrasses sont adoucis par les arrondis des fenêtres en arches.
À l'intérieur, un double escalier monumental de marbre blanc surplombe un atrium dont le sol est orné de figures géométriques typiques de l'art islamique. Face à une grande baie vitrée, l'eau d'une fontaine coule dans un bassin octogonal de marbre noir. Les visiteurs sont peu nombreux. Les centaines de merveilles disposées dans les salles sont à nous.
Les œuvres proviennent d'Espagne, de Chine, d'Irak, d'Égypte, de Turquie... Céramiques ornées de calligraphies, assiettes et vases Ottomans ornés de fleurs, tapis d'Iran et de Turquie aux couleurs vives et motifs délicats, bijoux précieux aux pierres multicolores… Tout l'islam du VIIe au XIXe siècles est là, magnifié par la mise en scène de Jean-Michel Wilmotte: des salles sombres où seules les œuvres isolées sont éclairées. Le musée compte 4.000 pièces dont 900 seulement sont exposées. Les amoureux du MIA flânent encore un peu sur la terrasse ouverte sur la mer, déjeunent ou dînent au restaurant dont la carte a été confiée à Alain Ducasse.
Et puis, il y a la toute nouvelle bibliothèque confiée à Rem Koolhaas, véritable cathédrale de livres qui déploie à 360 degrés des rayonnages installés en escalier, ouverts à tous. Enfin, avec sa Rose des Sables, formée de disques de béton et de fibre de verre, à l'image des pierres du désert dont les cristaux font penser à des pétales, Jean Nouvel va donner forme au musée national du Qatar dont l'ouverture est prévue à la fin de 2018.
Images de synthèse du futur Musée national du Qatar, par l'architecte Jean Nouvel. - Crédits photo : Jean Nouvel
À Doha, l'aventure touristique a commencé il y a une trentaine d'années seulement. Au début des années 80, la ville n'était qu'un désert. Sur la pointe de la baie, Sheraton a décidé de construire une pyramide de béton géante au milieu de nulle part. Le Sheraton est toujours là, comme un phare, un repère de l'urbanisation accélérée. Et tout autour, le désert a laissé place à une forêt de tours, de routes droites bordées de palmiers et de pelouses. Dans le grand hall de l'hôtel mythique, un mini-musée est dédié à son histoire, photos à l'appui. Un pianiste y joue des mélodies douces. La déco désuète, moquette rouge et parois de bois marron foncé, pourrait servir de cadre au tournage d'un nouvel opus de OSS117. Les familles qataries, femmes voilées en noir avec leurs maris en blanc, voisinent avec les visiteurs étrangers sans nouer de contacts.
Seulement 10% de la population du Qatar est originaire du pays. Il faut donc composer avec les Asiatiques, les Indiens, les Européens qui font tourner l'économie. «Mon grand-père a été l'un des premiers managers de l'hôtel», raconte Hameed, jeune dirigeant d'un tour-opérateur à Doha. Il parie sur l'offensive du gouvernement du Qatar pour attirer chaque année 5,6 millions de touristes d'ici à 2023, soit le double par rapport à 2016.
Incontournable Souq Waqif
Quelques balades s'imposent: le Souq Waqif est incontournable. Ce n'est pas le rendez-vous des touristes que l'on pourrait craindre, même si les visiteurs étrangers ne manquent pas dans le dédale de ce vrai marché. Ouvert uniquement le soir, s'y mêle les boutiques de souvenirs kitsch, celles scintillantes du marché de l'or, les petits magasins d'épices de toutes sortes, sans oublier les étonnants vendeurs de faucons de chasse dont raffolent les Qataris fortunés. D'ailleurs au détour de l'une de ses rues piétonnes biscornues, un hôpital moderne et rutilant leur est entièrement dédié.

Sur la place du Souk Waqif, les femmes vendent des plats préparés. - Crédits photo : Valérie Collet
Les promeneurs font la queue pour déguster un «shaï karak», ce délicieux thé sucré à la cardamome et au lait. Sur la grande place du Souk, les femmes vendent des plats chauds à emporter, leurs marmites alignées sur les étals. Un artisan vante en chantant les bracelets multicolores qu'il fabrique sous vos yeux. Un peu plus loin, dans des écuries blanches d'architecture traditionnelle, des dizaines de pur-sang témoignent de l'estime que l'émirat leur porte.
Al Shaqab: le temple mondial du pur-sang arabe
Il faut parcourir quelques kilomètres à l'ouest du centre de Doha pour découvrir d'autres écuries telles celles d'Al Shaqab: le temple mondial du pur-sang arabe. Construites il y a vingt-cinq ans, elles n'ont cessé de s'agrandir au fil des années. Aujourd'hui, cet immense complexe ultramoderne comprend un haras, un centre vétérinaire et un centre de formation ainsi que des écuries magnifiques où 740 chevaux sont élevés dans des locaux climatisés.
Au menu des pur-sang: piscine, jacuzzi et trot en manège pour garder la ligne! Sept champions du monde ayant remporté des concours de beauté y logent lorsqu'ils ne sont pas en tournée pour des compétitions ou des saillies hors de prix. L'une des fonctions des écuries Al Shaqab - le nom d'une bataille désormais donné à tous les champions de la maison: Gazal, Wadee….- est de promouvoir les qualités des pur-sang et leur identité arabe. Dans leurs stalles confortables, les juments et leurs poulains sont bichonnés. Chaque année, 120 naissances ont lieu dans cet élevage cinq étoiles. Les touristes y sont accueillis depuis peu et doivent au préalable s'inscrire sur le site.
Campement de tentes blanches
Enfin, autre plongeon culturel apprécié, le mini-séjour dans le désert. Les week-ends, lorsque la température est encore douce, les familles qataries aiment passer du temps dans des campements, souvent des camping-cars. Les touristes peuvent tenter l'aventure en rejoignant l'un des camps de tentes en bordure de mer. Il faut rouler une heure au sud de la capitale pour rejoindre l'un d'entre eux, le Regency Sealine Camp. Déception: avant d'y parvenir, des bouteilles plastiques, des morceaux de pare-chocs cassés souillent le sable. Au fil des kilomètres, les détritus disparaissent. «Tous les week-ends, les Qataris s'amusent à faire du dune bashing , c'est-à-dire des glissades en 4X4 sur les pentes de sables; Il y a tout le temps des accidents», raconte le guide, un «pro» des virages serrés pour amuser les passagers. Sans oublier la descente en à pic pour le frisson.
Au camp, une quinzaine de grandes tentes blanches sont alignées sur le rivage. Des paillotes donnent à la plage un air estival même s'il fait plutôt froid avec ce vent. Sous les tentes, l'aménagement est rudimentaire. Mais disposer d'une douche et de toilettes dans le désert, n'est-ce pas déjà un luxe? À l'entrée du camp, un groupe électrogène bourdonne comme le moteur d'un camion. Mieux vaut éviter les tentes à proximité. De là, plusieurs excursions sont possibles: balade en dromadaire, dégustation de lait de chamelle tout chaud et mousseux, excursion à Khor Al Adaid, la mer intérieure inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, située tout près de la frontière avec l'Arabie Saoudite.
Parce que nous sommes encore en hiver, ce matin-là, au sortir de la tente, l'air et frais et la mer glacée. Mais un plongeon s'impose. Pendant quelques secondes, un souvenir de Bretagne surgit! Lorsque l'été surviendra, les tentes seront repliées, les campements démontés et plus aucun touriste ne viendra s'aventurer sur ce sable aride. Le désert imposera de nouveau sa loi.

Le campement de tentes blanches du Regency Sealine Camp - Crédits photo : Valérie Collet

CARNET DE ROUTE
Y ALLER - Paris-Doha à partir de 880 € en classe éco sur Qatar Airways (trois vols par jour). La compagnie a déployé sa «Q Suite», une classe affaires aménagée comme une première classe avec des cabines fermées, sur le vol du matin en Boeing 777, 4 000 € depuis Paris. À noter les départs de Nice, une fois par jour, en Dreamliner à partir du 25 mars (www.qatarairways.com)
FORMALITÉS - Aucun visa n'est nécessaire pour se rendre au Qatar. En revanche, le passeport biométrique est obligatoire. Le blocus imposé par les États voisins (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Bahreïn, Égypte) n'affecte pas les touristes.
CIRCUITS - Avec Voyage de légende, «Rendez-vous en terre Qatarie»: 4 nuits à partir de 1 499 € par personne en chambre double à l'hôtel St. Regis Doha, 5 étoiles, avec vol en classe éco au départ de Paris, safari dans le désert, croisière en dhow et visite de la ville.
MEILLEURE SAISON - Mieux vaut partir entre novembre et avril. À partir de mai, la température grimpe jusqu'à 30 °C et au-delà.
SE RENSEIGNER -www.visitqatar.qa/fr
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L'appel des 100 intellectuels contre le «séparatisme islamiste» (19.03.2018)

Par COLLECTIF COLLECTIF
Mis à jour le 19/03/2018 à 20h44 | Publié le 19/03/2018 à 20h15
TRIBUNE EXCLUSIVE - Dans Le Figaro, ils dénoncent «un nouveau totalitarisme» qui «menace la liberté en général».
Nous sommes des citoyens d'opinions différentes et très souvent opposées qui se sont trouvés d'accord pour exprimer, en dehors de toute actualité, leur inquiétude face à la montée de l'islamisme. Ce ne sont pas nos affinités qui nous réunissent, mais le sentiment qu'un danger menace la liberté en général et pas seulement la liberté de penser. Ce qui nous réunit aujourd'hui est plus fondamental que ce qui ne manquera pas de nous séparer demain.
«Nous avons ainsi appris que la meilleure façon de combattre le racisme serait de séparer les « races ». Si cette idée nous heurte, c'est que nous sommes républicains»
Le nouveau totalitarisme islamiste cherche à gagner du terrain par tous les moyens et à passer pour une victime de l'intolérance. On a pu observer cette stratégie lorsque le syndicat d'enseignants SUD Éducation 93 proposait il y a quelques semaines un stage de formation comportant des ateliers de réflexion sur le «racisme d'État» interdits aux «Blanc.he.s». Certains animateurs étaient membres ou sympathisants du Collectif contre l'islamophobie en France et du Parti des indigènes de la République. Les exemples de ce genre se sont multipliés dernièrement. Nous avons ainsi appris que la meilleure façon de combattre le racisme serait de séparer les «races». Si cette idée nous heurte, c'est que nous sommes républicains.
Nous entendons aussi dire que, puisque les religions sont bafouées en France par une laïcité «instrumentalisée», il faut donner à celle qui est minoritaire, c'est-à-dire à l'islam, une place spéciale pour qu'elle cesse d'être humiliée. La même idée se poursuit: il paraît qu'en se couvrant d'un voile les femmes se protégeraient des hommes et que se mettre à part leur permettrait de s'affranchir.
Le point commun de ces proclamations est de penser que la seule façon de défendre les «dominés» (ce n'est pas notre vocabulaire mais celui de SUD Éducation 93), serait de les mettre à l'écart des autres et de leur accorder des privilèges.
«C'est un apartheid d'un nouveau genre qui est proposé à la France, une ségrégation à l'envers grâce à laquelle les “dominés” préserveraient leur dignité en se mettant à l'abri des “dominants”»
Il n'y a pas longtemps, l'apartheid régnait en Afrique du Sud. Reposant sur la ségrégation des Noirs, il voulait se disculper en créant des bantoustans où une autonomie factice leur était concédée. Un tel système a heureusement disparu.
Et voici qu'aujourd'hui, c'est un apartheid d'un nouveau genre qui est proposé à la France, une ségrégation à l'envers grâce à laquelle les «dominés» préserveraient leur dignité en se mettant à l'abri des «dominants».
Mais alors, cela veut dire qu'une femme qui ôte le voile et sort dans la rue deviendrait une proie normale? Cela veut dire qu'une «race» qui côtoie les autres serait humiliée? Cela veut dire qu'une religion qui accepte de n'être qu'une parmi d'autres perdrait la face?
Et les Français musulmans, ou de culture musulmane sans être croyants, qui aiment la démocratie et veulent vivre avec tout le monde, l'islamisme a-t-il prévu de les mettre à part, eux aussi? Et les femmes qui refusent d'être enfermées, qui décidera pour elles? Et les autres, ceux qui ne méritent apparemment pas d'être protégés: sous clé dans le camp des «dominants»?
«Ce qu'on appelle l'universalisme républicain ne consiste pas à nier les sexes, les races ou les religions, mais à définir l'espace civique indépendamment d'eux pour que personne n'en soit exclu»
Tout cela va à l'encontre de ce qui a été fait en France pour garantir la paix civile. Depuis longtemps, l'unité du pays a été fondée sur l'indifférence à l'égard des particularismes pouvant être cause de conflit. Ce qu'on appelle l'universalisme républicain ne consiste pas à nier les sexes, les races ou les religions, mais à définir l'espace civique indépendamment d'eux pour que personne n'en soit exclu. Et comment ne pas voir que la laïcité protège aussi les religions minoritaires? La mettre en péril nous expose au retour des guerres de religion.
À quoi peut donc servir ce ségrégationnisme nouvelle manière? Doit-il seulement permettre aux soi-disant «dominés» de sauvegarder leur pureté en vivant entre eux? N'a-t-il pas surtout pour but d'affirmer la sécession avec la communauté nationale, ses lois et ses mœurs? N'est-il pas l'expression de la haine la plus caractérisée à l'égard de notre pays et de la démocratie?
Que chacun vive dans la loi de sa communauté ou de sa caste et dans le mépris de celle des autres, que chacun ne soit jugé que par les siens, cela est contraire à l'esprit de la République. Celle-ci a été fondée sur le refus de droits privés s'appliquant à des catégories spécifiques et exclusives, sur l'abolition des privilèges. Les mêmes lois pour chacun de nous, voilà ce que nous garantit au contraire la République. C'est ce qu'on appelle tout simplement la Justice.
Le nouveau séparatisme avance masqué. Il veut paraître bénin, mais il est en réalité l'arme de la conquête politique et culturelle de l'islamisme. L'islamisme veut être à part car il rejette les autres, y compris les musulmans qui ne partagent pas ses vues. L'islamisme déteste la souveraineté démocratique car elle lui refuse toute légitimité. L'islamisme se sent humilié lorsqu'il ne domine pas.
Il n'est pas question d'accepter cela. Nous voulons vivre dans un monde complet où les deux sexes se regardent sans se sentir insultés par la présence de l'autre. Nous voulons vivre dans un monde complet où les femmes ne sont pas jugées inférieures par nature. Nous voulons vivre dans un monde complet où les gens peuvent se côtoyer sans se craindre. Nous voulons vivre dans un monde complet où aucune religion ne fait la loi.

Les signataires
Waleed al-Husseini, écrivain
Arnaud d'Aunay, peintre
Pierre Avril, universitaire
Vida Azimi, juriste
Isabelle Barbéris, universitaire
Kenza Belliard, formatrice
Georges Bensoussan, historien
Corinne Berron, auteur
Alain Besançon, historien
Fatiha Boudjahlat, essayiste
Michel Bouleau, juriste
Rémi Brague, philosophe
Philippe Braunstein, historien
Stéphane Breton, cinéaste, ethnologue
Claire Brière-Blanchet, reporter, essayiste
Marie-Laure Brossier, élue municipale
Pascal Bruckner, écrivain
Eylem Can, scénariste
Sylvie Catellin, sémiologue
Gérard Chaliand, écrivain
Patrice Champion, ancien conseiller ministériel
Brice Couturier, journaliste
Éric Delbecque, essayiste
Chantal Delsol, philosophe
Vincent Descombes, philosophe
David Duquesne, infirmier libéral
Luc Ferry, philosophe, ancien ministre
Alain Finkielkraut, philosophe, écrivain
Patrice Franceschi, écrivain
Renée Fregosi, philosophe
Christian Frère, professeur
Claudine Gamba-Gontard, professeur
Jacques Gilbert, historien des idées
Gilles-William Goldnadel, avocat
Monique Gosselin-Noat, universitaire
Gabriel Gras, biologiste
Gaël Gratet, professeur
Patrice Gueniffey, historien
Alain Guéry, historien
Éric Guichard, philosophe
Claude Habib, écrivain, professeur
Nathalie Heinich, sociologue
Clarisse Herrenschmidt, linguiste
Philippe d'Iribarne, sociologue
Roland Jaccard, essayiste
Jacques Jedwab, psychanalyste
Catherine Kintzler, philosophe
Bernard Kouchner, médecin, humanitaire, ancien ministre
Bernard de La Villardière, journaliste
Françoise Laborde, journaliste
Alexandra Laignel-Lavastine, essayiste
Dominique Lanza, psychologue clinicienne
Philippe de Lara, philosophe
Josepha Laroche, universitaire
Alain Laurent, essayiste, éditeur
Michel Le Bris, écrivain
Jean-Pierre Le Goff, philosophe
Damien Le Guay, philosophe
Anne-Marie Le Pourhiet, juriste
Barbara Lefebvre, enseignante
Patrick Leroux-Hugon, physicien
Élisabeth Lévy, journaliste
Laurent Loty, historien des idées
Mohamed Louizi, ingénieur, essayiste
Jérôme Maucourant, économiste
Jean-Michel Meurice, peintre, réalisateur
Juliette Minces, sociologue
Marc Nacht, psychanalyste, écrivain
Morgan Navarro, dessinateur
Pierre Nora, historien, éditeur
Robert Pépin, traducteur
Céline Pina, essayiste
Yann Queffélec, écrivain
Jean Queyrat, réalisateur
Philippe Raynaud, professeur de sciences politiques
Robert Redeker, écrivain
Pierre Rigoulot, historien
Ivan Rioufol, journaliste
Philippe San Marco, auteur, essayiste
Boualem Sansal, écrivain
Jean-Marie Schaeffer, philosophe
Martine Segalen, ethnologue
André Senik, enseignant
Patrick Sommier, homme de théâtre
Antoine Spire, vice-président de la Licra
Wiktor Stoczkowski, anthropologue
Véronique Tacquin, professeure, écrivain
Pierre-André Taguieff, politologue
Maxime Tandonnet, auteur
Sylvain Tesson, écrivain
Paul Thibaud, essayiste
Bruno Tinel, économiste
Michèle Tribalat, démographe
Caroline Valentin, essayiste
David Vallat, auteur
Éric Vanzieleghem, documentaliste
Jeannine Verdès-Leroux, historienne
Emmanuel de Waresquiel, historien
Ibn Warraq, écrivain
Yves-Charles Zarka, philosophe
Fawzia Zouari, écrivaine
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 20/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Poutine, la Russie et la France : la veuve d'Alexandre Soljenitsyne se confie au Figaro (20.03.2018)

Par Laure Mandeville
Mis à jour le 20/03/2018 à 21h40 | Publié le 20/03/2018 à 21h38
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans un entretien exclusif au Figaro, Natalia Soljenitsyne évoque le gigantesque travail littéraire et historique de son mari dans l'identification des causes de la tragédie russe. Mais aussi la relation de celui-ci avec la France, qu'il appelait sa «patrie inattendue».
Alors qu'on s'apprête à célébrer le 100e anniversaire de la naissance de l'auteur de L'Archipel du goulag, sa femme qui fut aussi sa complice intellectuelle se livre dans un entretien exclusif au Figaro. Elle évoque le gigantesque travail littéraire et historique de son mari dans l'identification des causes de la tragédie russe. Elle rappelle qu'Alexandre Soljenitsyne, s'il s'est battu toute sa vie contre le totalitarisme, était partisan d'un pouvoir fort en Russie. Ce qui explique sans doute la sympathie que lui porte Vladimir Poutine. Déplorant l'humiliation qu'a subie la Russie dans les années 1990, elle considère que «la Crimée est russe» mais que le Kremlin n'aurait jamais dû se mêler du Donbass. Elle regrette l'initiative du président Emmanuel Macron qui a boudé au Salon du livre le pavillon russe (qui était invité d'honneur) et affirme que la Russie a besoin d'aide plutôt que de condescendance.
LE FIGARO. - Vous avez partagé votre vie avec Alexandre Soljenitsyne, l'une des personnalités les plus importantes du XXe siècle, l'homme qui a détruit le communisme avec sa plume. Que retenez-vous de cette vie extraordinaire?
Natalia SOLJENITSYNE. - Tout a été important, vraiment tout. Les circonstances de notre vie ont été très difficiles. Mais entre nous, c'était le bonheur! Vraiment! Tout autour, les choses étaient compliquées, mais nous avons traversé ces difficultés ensemble. On n'était pas d'accord sur certains choix tactiques, et avec mon tempérament contestataire, je lui tenais tête. Mais nous avons toujours été d'accord sur l'essentiel, les choses stratégiques. Je pense que nous avons eu tous les deux beaucoup de chance. On me demande souvent: était-ce dur de vivre avec un tel homme, si tendu vers son but, si concentré sur les grandes choses? Est-ce dur de dormir avec un génie? Je pense qu'il n'y a pas de règle et que cela dépend des deux parties! Pour moi, c'était à la fois naturel et passionnant. Les limitations qui nous étaient imposées me paraissaient acceptables car il y avait un but beaucoup plus grand à atteindre, pour lequel nous nous battions.
Vous avez participé jour après jour à l'accouchement de son œuvre…
Exactement, ma vie avait un sens absolu. Nous avions de longues et constantes discussions sur ses textes. Pas au stade de la création bien sûr, qui était un royaume qui lui appartenait complètement et où il ne laissait entrer personne. Mais j'intervenais dans les stades plus avancés de la rédaction. Les milliers de pages qu'il écrivait et que j'imprimais, étaient entourées d'un espace blanc important dans lequel je mettais des questions, propositions à l'encre noire, et lui répondait à l'encre bleue. Je le convainquais souvent d'accepter des modifications. S'il refusait, il mettait un signe négatif dans la marge, et expliquait toujours pourquoi.
Ce qui frappe dans la fabrication de son grand œuvre La Roue rouge,qui visait à comprendre les causes de la tragédie de la Révolution russe, c'est l'ampleur surhumaine du travail, ce que vous avez accompli ensemble. Ces milliers de documents d'archives, de microfilms, de livres, de témoignages que vous avez obtenus à la Hoover Institution et ailleurs…
Tout était très précis. Alexandre Soljenitsyne était mathématicien. Et moi aussi. J'avais fini la faculté de mathématiques de l'université Lomonossov. Quand je l'ai connu je travaillais sur la théorie de la relativité auprès du grand professeur de mathématiques Kolmogoroff. Mais après la naissance de mon fils Ermolaï, je me suis complètement consacrée à mon travail à ses côtés. Mon mari a toujours dit et pensé que sans cette formation mathématique, il se serait perdu en route. Recréer cette époque complexe qui avait bouleversé l'histoire de notre pays a requis la lecture de milliers de documents… Nous avons eu la chance d'avoir accès à tout ce qui avait été écrit en russe sur le sujet, notamment dans l'émigration. Il s'agissait d'une palette d'une extraordinaire diversité, car la révolution avait jeté hors des frontières tout le spectre de la société, des révolutionnaires aux monarchistes, des ingénieurs aux militaires.
«Mon mari a toujours dit et pensé que sans cette formation mathématique, il se serait perdu en route»
Natalia Soljenitsyne
Au fond, il aurait été beaucoup plus difficile d'écrire cette œuvre s'il n'avait pas été exilé?
Il n'aurait tout simplement pas pu et il serait mort très vite, car il aurait été à nouveau envoyé en prison en Sibérie à Verkhoïansk, comme tout le Politburo le voulait alors. Mais, comme le montrent les sténogrammes du Politburo de l'époque, publiés pendant la perestroïka, Iouri Andropov a été son sauveur! Ce n'était pas son but, bien sûr, il avait simplement peur de porter atteinte à la détente avec l'Ouest. Il pensait que l'URSS ne risquait rien à exiler Soljenitsyne, pariant qu'il serait vite oublié.
La Russie va célébrer cette année le 100e anniversaire de la naissance de votre mari. Avez-vous le sentiment que le pays est prêt à accueillir ses leçons?
Les leçons qu'il a tirées sont nécessaires mais elles ne sont pas accueillies dans leur totalité. Notre société est fragmentée sur presque toutes les questions et notamment sur Soljenitsyne. Il est enseigné à l'école et au lycée, mais à l'université, cela dépend des professeurs. En ce qui concerne les livres, il est constamment réédité, ce qui montre qu'il est lu. Mais bien sûr, il y a des adversaires, notamment parmi les communistes qui le jugent coupable de la fin du communisme et ressortent tous les mensonges propagés à l'époque soviétique!
Ce n'est un secret pour personne que le pouvoir russe actuel a une bonne relation avec vous…
C'est Poutine lui-même, personnellement, qui a une relation de sympathie à Soljenitsyne. Je dirais qu'il lui accorde une «attention intérieure». Je ne sais pas exactement pourquoi. Mais je sais par exemple que son petit livre Réflexions sur la révolution de Février, publié par le journal Rossiiskaïa Gazeta il y a dix ans, a été remis à Poutine. Il a ensuite été vu sur sa table de travail, avec des annotations. Ce qui les a rapprochés est sans doute le fait que Soljenitsyne est, comme lui, un partisan d'un État fort.
En même temps, le pouvoir refuse de regarder le passé en face et remet Staline à l'honneur. Les opposants émigrent… Tout recommence comme avant?
Je dirais qu'on est face à une forme de schizophrénie. D'un côté, on publie des tas de bouquins sur Staline, on fête sa naissance et sa mort, mais en même temps, dire que le pouvoir encourage ça, n'est pas juste. Poutine ne dit rien pour soutenir de telles initiatives. Mais il est vrai qu'il ne s'y oppose pas. Le 30 octobre dernier, un nouveau mur aux victimes de toutes les répressions politiques a été érigé et Poutine est venu à cette cérémonie d'inauguration. Sa présence était un geste antistalinien et a été perçue comme tel. Il a d'ailleurs prononcé un discours dont chaque mot était juste. La contradiction que vous soulignez est le reflet du schisme qui traverse notre société. Poutine estime sans doute qu'en tant que président de tous les Russes, il doit accepter cette coexistence…
Quelle a été la principale leçon qu'a tirée Alexandre Soljenitsyne de l'étude de 1917?
Il estimait que la cause principale de la révolution de février avait été l'affrontement fatal du pouvoir et de la société éduquée, un affrontement qui durait depuis un demi-siècle. En théorie, un tel affrontement est normal et sain, mais pas dans une forme aussi radicale, quand il n'y a place pour aucun compromis.
«Je n'ai nullement envie que notre société éduquée s'obstine dans une position d'intransigeance absolue jusqu'à l'absurde. Il faut critiquer le pouvoir mais aussi dialoguer avec lui»
Natalia Soljenitsyne
Pourquoi cette absence de compromis?
En partie, en raison du caractère russe, du radicalisme du caractère national. Mais aussi en raison de la nature obtuse du pouvoir, qui quand il est absolu, n'est pas capable d'un lien organique avec la société. Certes, à la veille de la révolution, ce pouvoir n'était déjà plus absolu, mais la quantité de haine accumulée était telle qu'il n'y avait aucune capacité de compromis. Soljenitsyne disait toujours que dans de tels cas, les deux parties ont une part de responsabilité, même si celle du pouvoir est plus grande. C'est une grande leçon pour le futur.
Est-ce par peur de ce radicalisme que vous restez ouverte à un dialogue avec le pouvoir poutinien?
Oui, j'essaie d'occuper une ligne centriste. Après avoir passé tant d'années à étudier notre histoire, j'ai très peur d'une nouvelle confrontation fatale. Je n'ai nullement envie que notre société éduquée s'obstine dans une position d'intransigeance absolue jusqu'à l'absurde. Il faut critiquer le pouvoir mais aussi dialoguer avec lui.
L'homme de L'Archipel du goulag aurait-il accepté le dialogue?
Il n'aurait jamais accepté le dialogue et le compromis avec l'ancien pouvoir soviétique, qui était totalitaire et qu'il jugeait anti-humain. Mais avec ce pouvoir, qui a certes d'énormes erreurs à son actif, sans doute que si. Car le pays est différent! Oui, il y a la corruption, le mensonge. Mais pas total! C'est comme dans toutes les dictatures de droite. Il y a un chemin pour en sortir. Sortir du totalitarisme est tout autre chose. Seule la Russie en a fait l'expérience et elle n'en est pas encore totalement sortie. Aujourd'hui, nous avons une forme d'autocratie, c'était ce que pensait d'ailleurs Soljenitsyne. Il est donc possible de faire pousser la démocratie, mais cela ne sera pas possible sans dialogue.
«Les Russes n'auraient jamais dû se mêler du Donbass. Mais en ce qui concerne la Crimée, malgré une approche contestable du point de vue du droit international, cette région appartient à la Russie»
Natalia Soljenitsyne
Dans Comment réaménager notre Russie, Soljenitsyne avait mis en avant l'idée que la Russie devrait abandonner l'empire. Le pouvoir n'est-il pas en train de se laisser embarquer dans de nouvelles aventures extérieures fatales comme en Ukraine?
Alexandre Soljenitsyne avait en effet appelé à en finir avec l'impérialisme russe, avec l'empire. Mais je ne pense pas qu'un vrai danger existe de ce côté-là. Il faut distinguer entre la Crimée et le Donbass. Je regrette beaucoup ce qui s'est passé dans le Donbass, les Russes n'auraient jamais dû s'en mêler. Mais en ce qui concerne la Crimée, malgré une approche contestable du point de vue du droit international, cette région appartient à la Russie. Imaginez un divorce entre un homme et une femme dans des conditions totalement imprévues, celles d'une guerre par exemple. Ils n'ont pas le temps de réfléchir, de prendre d'avocats. Du coup, la femme ou l'homme prend quelque chose qui ne lui appartient absolument pas. C'est exactement ce qui s'est passé avec l'indépendance de l'Ukraine. Trois personnes, Eltsine, Kravtchouk et Chouchkevitch ont décidé sans témoin. Personne n'a demandé aux habitants de Crimée ou d'Ukraine leur avis. De mon point de vue, le retour de la Crimée fait justice à l'Histoire.
Si on accepte votre raisonnement, la Russie peut demain décider d'aller récupérer un morceau des pays Baltes qui étaient dans l'empire russe au nom de la justice historique…
Je sais que ma position est très controversée en Occident, mais les pays Baltes n'ont rien à voir. Cela ne se produira pas. La Crimée est à part, c'est une terre historiquement russe. Bien sûr, ce qui se passe au Donbass donne des arguments à vos inquiétudes sur l'idée d'un précédent. Je pense que c'était une énorme erreur et que la Russie va le regretter. Mais elle n'ira pas plus loin, simplement parce qu'elle n'en a pas la force.
«Les gens en France sont des lecteurs. La France a été le premier pays occidental à le lire, à le traduire et à le publier. Bref, il est tombé amoureux de la France»
Natalia Soljenitsyne
Vous avez dit dans une interview que Soljenitsyne serait mort s'il avait vu le conflit d'Ukraine.
Ce déchirement le bouleversait! Une grande partie de la famille de Soljenitsyne était ukrainienne. S'il avait vu l'embrasement de 2014 à Kiev, il serait mort de chagrin. En même temps, il a toujours dit que l'Ukraine allait partir. Il savait que ce serait très douloureux mais probable. Mais le fait que la Crimée et Sébastopol aient quitté la Russie le mettait dans un état d'indignation! Dans cette affaire, l'Otan a une lourde responsabilité, car elle n'a cessé d'essayer d'y installer sa flotte.
Le président Macron a boycotté le stand de la Russie en solidarité avec Londres, après la mystérieuse attaque chimique contre un ancien agent russe. Comprenez-vous sa position?
Non! La Russie est l'hôte d'honneur de ce salon et il n'est pas venu sur le stand russe. Je le regrette. Votre président parle du nécessaire dialogue entre les gens de la culture russe et ceux de France mais, en même temps, lui s'abstient! Même pendant la Guerre froide, la France se permettait un avis indépendant sur les questions de culture qui n'ont rien à voir avec la loyauté vis-à-vis des alliés militaires. Dans la délégation russe se trouvent beaucoup d'écrivains qui font partie de facto de l'opposition et écrivent de manière critique vis-à-vis du pouvoir! Ce boycott est donc très décevant et même un peu pathétique.
Qu'aimait Alexandre Soljenitsyne de la France?
La vie a joué un bon tour à Soljenitsyne. Il ne se considérait pas du tout comme un francophile et ne prenait pas la France très au sérieux. Il était germanisant et lisait Schiller et Goethe dans le texte, il avait aussi une haute idée du monde anglo-saxon. Mais quand il est arrivé en Suisse, puis en Allemagne, il s'est senti très à l'étroit. En revanche, à son arrivée en France, tout lui a plu, tout de suite. La chaleur, l'atmosphère. De plus les gens en France sont des lecteurs. La France a été le premier pays occidental à le lire, à le traduire et à le publier. Bref, il est tombé amoureux de la France, et l'a même appelée sa «patrie inattendue».
«La Russie quand on la pressure, rebondit comme un ressort. Elle s'est sentie humiliée, encerclée. Et une grande partie du soutien à Poutine s'explique par ce sentiment d'abaissement»
Natalia Soljenitsyne
Quand il est mort en 2008, Alexandre Soljenitsyne était-il inquiet du cours des choses en Russie?
Il s'inquiétait énormément. Il avait compris que la Guerre froide allait revenir et que la Russie avait commis énormément d'erreurs, de même que l'Occident en l'encerclant de bases militaires… Souvenez-vous des premières lignes de Comment réaménager la Russie: «L'horloge du communisme a sonné ses derniers coups. Mais comment faire pour ne pas mourir écrasés sous ses décombres?» C'est exactement ce qui se passe ; et notamment dans la conscience des gens. L'amour pour Staline et le regret de la fin de l'URSS ont un aspect protestataire. Les promesses des années 1990 n'ont pu être tenues. Les capitaines de la perestroïka comme Gaïdar et Tchoubais portent une énorme responsabilité car ils ont méprisé une immense partie du peuple. L'introduction de l'économie de marché sans préparation a tourné au hold-up. C'est tragique. La Russie traverse une période que personne n'a jamais traversée. Elle a besoin d'aide, mais pas d'une aide dictatoriale et condescendante, comme l'ont déployée les États-Unis avec le FMI. La grande erreur des États-Unis a été de penser qu'ils avaient gagné la guerre froide et que la Russie ne serait plus un acteur. Une approche catastrophique! Car la Russie, quand on la pressure, rebondit comme un ressort. Elle s'est sentie humiliée, encerclée. Et une grande partie du soutien à Poutine s'explique par ce sentiment d'abaissement. Il faut être ferme avec la Russie mais lancer des ultimatums est totalement contre-productif.

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Révélations sur une opération secrète de l'armée israélienne (21.03.2018)

Par Cyrille Louis
Mis à jour le 21/03/2018 à 09h05 | Publié le 21/03/2018 à 04h00
La confirmation d'un raid contre un réacteur nucléaire syrien en 2007 sonne comme un avertissement à l'Iran.
Correspondant à Jérusalem
L'intérêt de l'information réside en grande partie dans le moment choisi pour la rendre publique. Après dix années de silence, l'armée israélienne vient de lever la censure qui pesait jusqu'à présent sur le bombardement du réacteur nucléaire syrien d'al-Kibar. Les principaux détails de l'opération, conduite sur ordre du premier ministre Ehoud Olmert dans la nuit du 5 au 6 septembre 2007, ont depuis longtemps été éventés par l'Administration américaine.
Mais les officiels israéliens continuaient de se retrancher pudiquement derrière l'évocation de comptes rendus publiés par la presse étrangère. Cette politique d'ambiguïté, admet a posteriori l'armée, visait à ménager une «zone de déni» pour permettre au régime de Bachar el-Assad de ne pas riposter. Mais la politique nucléaire de l'Iran ainsi que ses récents efforts en vue d'établir une implantation militaire durable en Syrie ont à l'évidence rendu ces préoccupations largement caduques.

Cette «opération vérité», soigneusement orchestrée pour garantir un retentissement maximal en Israël et au-delà, valide les principaux éléments déjà publiés par la presse. L'enquête du Mossad et du renseignement militaire israélien a débuté fin 2004 sur la base d'informations évoquant des contacts entre le régime syrien et des «experts étrangers», en l'espèce nord-coréens, dans le domaine du nucléaire.
En avril 2006, un site présenté comme un réacteur nucléaire est identifié dans la région de Deir ez-Zor, à environ 450 km de Damas. L'État hébreu décide alors de mettre sur pied une «task force» pour étudier l'installation et préparer sa neutralisation. Des unités de reconnaissance sont déployées sur le terrain pour «recueillir des renseignements variés et précis». Objectif: «évaluer le niveau de développement du réacteur, calculer le bon moment pour frapper et évaluer les dommages infligés en temps réel».
17 tonnes de bombes
D'intenses échanges s'engagent alors entre les dirigeants israéliens et l'Administration américaine, sur lesquels l'armée ne s'étend guère mais qui ont été dévoilés en septembre 2012 par la revue The New Yorker (*). Ehoud Olmert, alors premier ministre de l'État hébreu, aimerait que son plus proche allié participe aux frappes contre le réacteur syrien. Mais George W. Bush, qui a engagé quatre ans plus tôt son pays dans une guerre controversée en Irak, hésite. Ses services de renseignements décrivent bien le site d'al-Kibar comme un réacteur nucléaire, mais n'ont pas identifié les autres composants d'un programme militaire. Le locataire de la Maison-Blanche préférerait donc laisser sa chance à la diplomatie. Il le dit à Ehoud Olmert lors d'un entretien téléphonique le 12 juin 2007. Le premier ministre israélien, convaincu que le programme sera bientôt trop avancé pour qu'il soit possible de le frapper sans risque d'émanations dangereuses, choisit d'interpréter ces propos comme un «feu vert» à une opération israélienne.
Dans la soirée du 5 septembre, quatre F-16 décollent des bases de Ramon et de Hatzerim puis survolent la Méditerranée en direction de la frontière turco-syrienne avant de mettre le cap à l'est. Selon le New Yorker, il est un peu plus de minuit et demi lorsqu'ils larguent 17  tonnes de bombes sur le site d'al-Kibar. Quelques heures plus tard, les médias officiels syriens affirmeront avoir mis en déroute des avions israéliens entrés dans leur espace aérien mais ne diront pas un mot des dégâts infligés à l'installation.
Jusqu'à ce jour, le régime de Bachar el-Assad continue d'affirmer qu'il n'a jamais développé de programme nucléaire, malgré les indices incriminants découverts par la suite à l'occasion de visites conduites par les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique. «Les services de renseignements ont estimé que le réacteur avait été totalement neutralisé et que les dommages infligés étaient irréversibles», indique l'armée israélienne, qui précise: «Il a été décidé dans la foulée de ne pas confirmer la frappe au regard de la situation sécuritaire hautement sensible.»
Les dirigeants de l'État hébreu martèlent depuis plusieurs mois qu'ils ne toléreront pas l'implantation de forces iraniennes ou d'usines permettant de fabriquer des missiles de précision à sa frontière nord
La publication d'un compte rendu officiel de cette opération qui, pour de nombreux Israéliens, symbolise l'audace et l'efficacité de leur armée, intervient à un moment clé. Les dirigeants de l'État hébreu martèlent depuis plusieurs mois qu'ils ne toléreront pas l'implantation de forces iraniennes ou d'usines permettant de fabriquer des missiles de précision à sa frontière nord. En décembre dernier, une base militaire iranienne en cours d'aménagement a été bombardée près de Damas. Début février, l'échange de feux provoqués par l'interception d'un drone iranien au-dessus du territoire israélien a mis en lumière le risque accru d'escalade entre les deux pays.
L'aveu est par ailleurs lâché alors qu'Israël et les États-Unis pressent les Européens d'imposer, d'ici au 12 mai prochain, un renforcement des mesures visant à empêcher l'Iran d'acquérir la bombe atomique. Des rumeurs récurrentes laissent entendre que Donald Trump s'apprête à sortir de l'accord signé en 2015 par son prédécesseur. Une telle initiative ne manquerait pas de relancer le débat sur de possibles frappes israéliennes contre les sites nucléaires iraniens. En 2007, le général Gabi Ashkenazi, chef d'état-major de Tsahal, confiait aux officiers de l'escadron impliqué dans les frappes en Syrie: «Ce qui est significatif, ce n'est pas seulement la destruction du réacteur mais ce qui se passera après.»
(*) David Makovsky, «The Silent Strike».

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Syrie : Erdogan affirme que le centre d'Afrine est sous contrôle (18.03.2018)
  • Par  Lefigaro.fr avec AFP et Reuters 

  • Mis à jour le 18/03/2018 à 10:49 

  • Publié le 18/03/2018 à 09:08
Dimanche, le président turque, dont l'armée est impliquée dans le conflit au nord de la Syrie, a ffirmé que le centre-ville d'Afrine, cette enclave kurde située dans le Nord-Ouest du pays, était passé sous le contrôl "total" des "unités des Forces syriennes libres".
"Maintenant, le drapeau turc flotte là-bas ! Le drapeau des Forces syriennes libres flotte là-bas !", a lancé Erdogan, qui s'exprimait lors d'une cérémonie de commémoration de la bataille des Dardanelles, pendant la Première Guerre mondiale.
Plus de 1500 combattants kurdes ont été tués dans l'offensive turque, lancée le 20 janvier. "La majorité d'entre eux ont été tués dans des frappes aériennes et des tirs d'artillerie", a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), alors que les forces turques et leurs supplétifs syriens sont entrés dimanche matin dans la ville d'Afrine, où les combats se poursuivent.
Selon les chiffres de l'armée turque, 46 soldats turcs ont été tués depuis le lancement de l'offensive sur Afrine, baptisée "Rameau d'olivier". Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, les forces turques et les rebelles syriens contrôlaient près de la moitié de l'enclave dimanche, mais les combats se poursuivaient dans plusieurs secteurs.
L'avancée des forces pro-turques a entraîné ces derniers jours un exode massif de civils (de l'ordre de 150.000 à 200.000 personnes), faisant craindre un nouveau drame humanitaire dans un pays ravagé par un conflit entré dans sa huitième année et qui a fait plus de 350.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.

Carles Puigdemont : «Le gouvernement espagnol a tendu un piège à la Catalogne» (18.03.2018)

Par Leading European Newspaper Alliance LENA
Publié le 18/03/2018 à 07h00
INTERVIEW - Arrivé samedi à Genève pour participer au Festival du film et forum international sur les droits humains, l'ancien dirigeant catalan livre son regard sur six mois d'exil à Bruxelles à «La Tribune de Genève» (que nous publions ici dans le cadre de l'alliance Lena). Il ne regrette rien.

Lena - Crédits photo : Lena

Propos recueillis par Andrés Allemand et Marc Allgöwer (La Tribune de Genève)

LA TRIBUNE DE GENÈVE. - Êtes-vous venu chercher en Suisse un soutien afin de négocier avec le gouvernement espagnol?
Carles PUIGDEMONT. - Je ne le demande pas explicitement. Mais tout ce qu'on peut faire de l'extérieur pour favoriser un dialogue est dans l'intérêt des Catalans, des Espagnols et de tous les Européens. Je ne peux imaginer une solution sans négociation avec la participation d'un tiers qui puisse jouer le rôle de médiateur. Je ne demande pas à la communauté européenne de soutenir l'indépendance de la Catalogne, mais de soutenir les droits civils et politiques fondamentaux, qui sont la base de notre civilisation, de la démocratie et de la paix.
Genève, c'est aussi le siège de l'ONU. Vous avez déposé une plainte auprès d'elle contre l'Espagne pour violation du droit à l'autodétermination. Est-ce aussi pour cela que vous êtes ici?
Pas du tout. Notre démarche est en cours mais elle doit suivre le chemin que le Conseil des droits de l'homme jugera bon. Je dois suivre sa procédure de façon très respectueuse.
«Si c'était à refaire, je ne suspendrais pas la proclamation d'indépendance.»
Le président déchu de l'exécutif catalan, Carles Puigdemont
Vous mentionnez souvent la Suisse comme un modèle de décentralisation. Pourrait-il s'appliquer à l'Espagne?
On me demande toujours si l'indépendance est la seule solution. Je réponds que ce n'est pas l'unique voie. Nous sommes disposés à travailler sur d'autres modèles pour aboutir à un accord. Celui de la Suisse respecte la diversité culturelle et linguistique et montre que la coexistence est possible. Mais pour y aboutir, il faut reconnaître qu'il y a un problème politique. Il faut reconnaître l'autre comme un sujet politique avec qui il faut dialoguer sans ligne rouge. C'est ça qu'on n'a pas réussi dans le cas de l'Espagne. On a échoué à faire comprendre au système politique espagnol qu'on devait parler. Qu'il fallait nous reconnaître comme un acteur politique et non un sujet criminel.
Certains vous qualifient de martyr, d'autres de fuyard. Et vous?
D'abord, je n'ai jamais été en situation d'illégalité. Je me suis mis à la disposition de la justice belge. Je n'ai fait qu'utiliser mes droits dans le cadre des lois européennes. Ensuite, je n'ai pas vocation de martyr. Je fais de la politique. Mais je me rebelle contre la situation de mes camarades emprisonnés. C'est une injustice intolérable. Je suis un combattant démocratique et pacifique.
Après les événements de ces six derniers mois, si c'était à refaire, est-ce que vous agiriez de la même façon?
Il y a une chose que je ferais différemment. Le 10 octobre, nous avions prévu de proclamer l'indépendance, mais j'ai décidé d'en suspendre les effets concrets pour laisser une porte ouverte au dialogue avec le gouvernement espagnol. C'était ce qu'on m'avait suggéré de faire du côté de Madrid.
Qui est ce «on»?
Il s'agit de sources directes auprès du gouvernement espagnol, de son médiateur, et d'autres. J'ai donc agi de manière responsable, voire risquée car tout le monde s'attendait à une proclamation effective. J'ai choisi de donner une chance au dialogue. Malheureusement, c'était un piège car il n'y a eu aucune réaction positive du gouvernement. Si c'était à refaire, je ne suspendrais pas la proclamation d'indépendance.
«On ne pouvait pas imaginer que l'État espagnol réagirait avec une telle violence, une telle répression!»
Le président déchu de l'exécutif catalan, Carles Puigdemont
Votre ami et ancien ministre Santi Vila juge votre stratégie trop frontale alors que les Catalans restent très divisés sur l'indépendance. Que répondez-vous?
Santi Vila donne là sa version. C'est son droit, mais la réalité est autre. Il y a eu confrontation, c'est vrai, mais nous ne l'avions pas voulue! On ne pouvait pas imaginer que l'État espagnol réagirait avec une telle violence, une telle répression! Comme la plupart de la population, je croyais que quarante ans après la mort de Franco il y aurait une réaction plutôt démocratique qu'autoritaire. Nous devions donner à l'Espagne cette opportunité de régler un problème politique évident. Ce qui est grave, ce n'est pas que les opinions divergent au sein d'une même société. Pouvoir confronter les idées, c'est le fondement de la démocratie! Le problème surgit quand on ne se donne pas les outils pour gérer ces divergences. C'est là qu'un système politique peut s'effondrer. Or, on ne donne pas la parole à la population catalane pour savoir exactement combien sont ceux qui veulent vivre dans un État indépendant et combien ceux qui souhaitent continuer comme aujourd'hui...
Parce que la Constitution espagnole ne le permet pas, c'est ça?
Non, c'est la volonté politique qui fait défaut. La Constitution, elle, n'interdit rien. On nous cite souvent l'article 2 (unité indissoluble de la nation espagnole et droit à l'autonomie des diverses «nationalités» et régions, NDLR), mais l'article 10 précise que les normes constitutionnelles doivent être interprétées conformément à la Déclaration universelle des droits humains et aux traités et accords internationaux ratifiés par l'Espagne. Or, la charte des Nations unies sur les droits civils et politiques affirme à l'article premier que «Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes». Et personne ne conteste que les Catalans sont un peuple. Nous avons voulu un accord avec Madrid pour exercer notre droit à l'autodétermination... mais on nous refuse de consulter la population!
«Nous sommes la seule communauté autonome en Espagne à être régie par une loi que la population n'a pas votée !»
Le président déchu de l'exécutif catalan, Carles Puigdemont
Avez-vous tenté d'amender la Constitution espagnole?
On a pu mesurer, en quarante ans d'efforts, les chances d'une réforme constitutionnelle promue par une minorité politique: elles sont exactement de zéro. L'exemple le plus criant, c'était en 2005. Nous avons tenté de réformer la loi constitutionnelle sur l'autonomie de Catalogne, pour y apporter des améliorations. La Constitution pose trois exigences: l'approbation des modifications par le parlement régional, l'approbation par le parlement espagnol et l'approbation par le peuple catalan lors d'un référendum. Nous avons obtenu toutes les trois. Et pourtant, ce n'est pas ce texte-là qui a été mis en œuvre. Nous sommes la seule communauté autonome en Espagne à être régie par une loi que la population n'a pas votée! Car après le référendum, le Parti populaire (arrivé entre-temps au pouvoir, NDLR) a fait recours devant la Cour constitutionnelle, dont il contrôle les juges suite à des nominations politiques. Ceux-ci ont dénaturé le texte. Tout ce parcours constitutionnel n'a servi à rien.
En Suisse, quand une région francophone a voulu faire sécession d'un canton germanophone, tout le pays a dû voter. Accepteriez-vous que les Espagnols se prononcent sur l'avenir de la Catalogne?
Je ne l'ai jamais refusé. De toute façon, le résultat en Catalogne serait très significatif. Cela dit, dans la majorité des cas (sauf peut-être pour l'Algérie), c'est tout de même le territoire qui veut devenir un État qui s'exprime. Voyez l'Écosse. Ou même le Brexit.
Mais quel est le plan? Continuer à proposer des candidats que Madrid empêchera d'exercer?
C'est quoi l'alternative? Se soumettre?
Quel sera exactement votre rôle à l'avenir?
Ça dépend. Si finalement l'État espagnol ne comprend pas qu'on doit commencer à parler et à faire de la politique, s'il continue la répression, la persécution pénale, peut-être je devrai rester en exil plusieurs années. Mais ce n'est pas mon désir. Je travaille pour une solution politique négociée.
À ce stade, vous dites-vous chaque jour qu'à l'avenir vous pourrez rentrer?
Ah oui! Chaque nuit, après avoir parlé avec mes filles. Elles sont encore petites. Je pense que je pourrai retourner, oui.
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Jean-François Kahn : «La droite n'est plus libérale, et les féministes sont devenues staliniennes...» (16.03.2017)

  • Mis à jour le 16/03/2018 à 20:11 

  • Publié le 16/03/2018 à 19:57
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Jean-François Kahn est un inclassable : essayez seulement de le mettre dans une case, il vous échappera toujours. Mais le dépassement des clivages, c'est précisément l'ambition de Macron : alors, pari tenu ? Déclin de la social-démocratie, renouveau du politiquement correct, recomposition de la droite... Décryptage complet pour FigaroVox.

Jean-François Kahn est un journaliste et écrivain français, historien de formation. En 1984, il crée L'Événement du Jeudi puis, en 1997, l'hebdomadaire d'information Marianne dont il est le directeur jusqu'en 2007.

FIGAROVOX.- Vous avez combattu toute votre vie pour le dépassement des vieilles catégories politiques. Emmanuel Macron s'est fait élire dans cette même optique, jugez-vous aujourd'hui que cette promesse de transcender les clivages est tenue?
Jean-François KAHN.- Oui et non. Ce qui est évident, c'est qu'il y avait une aspiration à sortir du carcan de la bipolarité, qui était devenue artificielle et qui ne pouvait exister que grâce à un mode de scrutin très particulier. Une chose qu'on n'a pas remarquée, c'est qu'en 2017, 70 % des électeurs ont voté en dehors des partis politiques bipolaires traditionnels. Trois des candidats arrivés en tête étaient ceux de partis qui ne disposaient pas d'un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale: Macron, Le Pen et Mélenchon. Quant aux Républicains et aux socialistes, ils ont obtenu 27 % des voix alors qu'ils disposaient de 85 % des sièges au Parlement. Est-ce vraiment cela, la démocratie? Les Français aspiraient à un dépassement des clivages, qu'ils avaient exprimé auparavant déjà en votant Bayrou, Chevènement ou Le Pen. Cette fois-ci, ils l'ont obtenu.
Justement, les Italiens avaient obtenu ce même dépassement avec Matteon Renzi, et au vu des résultats des dernières élections, ils ne s'en sont pas satisfaits...
Renzi ressemble en effet étrangemed'avoir nt à Macron, mais son drame est peut-être fini par s'intégrer à la bipolarité qu'il prétendait combattre. Là où il est proche d'Emmanuel Macron, c'est dans son libéralisme et son européisme béats, son réformisme moderne. Mais si en France, il s'était trouvé un parti pour faire la synthèse entre le Front national tendance Philippot et les Insoumis de Mélenchon, alors je suis convaincu qu'il aurait fait 32 % comme le Mouvement 5 étoiles en Italie. En fait, le M5S est plus complexe que cela encore, c'est fascinant: il s'agit d'une synthèse entre le mélenchonisme, le lepénisme et le macronisme! Car il y a un côté «cinq étoiles» aussi dans le personnage et le charisme d'Emmanuel Macron.
Plus personne en France n'était encore ni vraiment libéral, ni vraiment socialiste.
En tout état de cause, vous jugez qu'Emmanuel Macron a ringardisé toute la vieille politique?
En quelque sorte oui, Macron est bien l'homme du dépassement des clivages, mais cela aurait pu être quelqu'un d'autre: ça a failli être Marine Le Pen, d'ailleurs. Encore ne faut-il pas chercher à les remplacer par d'autres, ce qui est le cas avec ce nouveau dualisme entre conservatisme et progressisme. Car enfin, je crois que personne ne peut se dire 100 % conservateur ou 100 % progressiste, tout homme normalement constitué est traversé par des dilemmes entre la réaction, la révolution, le conservatisme ou l'aspiration à évoluer… Le vieux clivage politique était polarisé autour de deux grandes idées, le libéralisme et le socialisme. Mais plus personne en France n'était encore ni vraiment libéral, ni vraiment socialiste. Par ailleurs, le clivage droite bourgeoise contre gauche ouvrière est périmé aussi: le monde ouvrier est de moins en moins à gauche, et la bourgeoisie est de moins en moins à droite. Idem pour l'ouverture et la fermeture: personne de sensé ne peut proposer seulement l'un ou seulement l'autre. Et de même pour l'opposition liberté/sécurité, européiste/eurosceptique… À la limite, et à condition de le redéfinir, le clivage entre gauche et droite est peut-être le seul que l'on pourrait sauver, mais il faudrait pour cela détruire tous les petits clivages qui le sous-tendaient.
Et en France, la droite qu'on appelait jadis «modérée» adopte aujourd'hui Macron en rejetant Wauquiez, tout cela n'a plus aucun sens. On peut trouver pervers de faire se rapprocher gauche et droite radicales ; mais dans l'histoire, cette convergence a permis de changer les donnes politiques: c'est un tel rapprochement qui a par exemple eu raison de Mendès France. Et objectivement, on a aujourd'hui le gouvernement le plus libéral qu'on ait pu avoir depuis 1945. Plus libéral que Les Républicains, qui critiquent aujourd'hui la réduction des emplois aidés, ou taxent Macron d'être le président des riches parce qu'il a supprimé l'ISF… qui était dans le collimateur de la droite depuis bien longtemps. Mais est-ce nouveau? En Pologne, en Hongrie, en Turquie, les droites qui sont au pouvoir sont anti-libérales. Dans l'histoire, la droite n'est libérale que depuis 1945: le légitimisme ne l'était pas le moins du monde. J'irais même plus loin: la droite orléaniste ne l'a emporté sur celle légitimiste que lorsque le scrutin est devenu censitaire, c'est-à-dire antidémocratique.
Il semblerait que nous sommes en train de vivre le crépuscule de la social-démocratie. Le parti socialiste est en train de disparaître…
Je crois en réalité qu'il avait disparu déjà depuis longtemps, à la manière des étoiles qui n'existent plus mais dont on voit encore la lumière pendant plusieurs années. La folie du PS a été de ne pas se dissoudre assez tôt. On entend partout qu'il faut reconstruire la social-démocratie, mais il n'y a plus rien à en sauver! Elle a su apporter beaucoup à l'histoire, pour autant ça ne l'empêche pas d'être désuète. Prenons par exemple Israël, qui est pourtant un pays travaillé par la social-démocratie, même les Israéliens ont tendance aujourd'hui à la marginaliser. Après l'échec du communisme, la social-démocratie a gouverné la Hongrie et la Pologne. Elle a disparu de ces pays! Idem en République Tchèque, en Autriche, au Japon. Et personne n'en tire les conséquences, on continue seulement de dire qu'il faut en réformer le modèle. Sous la pression de la droite et de la gauche libérales, on s'est contenté de scander «soyez modernes!». Ensuite, la social-démocratie a été incapable de prendre en compte les nouvelles aspirations populaires, qui sont identitaires et sécuritaires, et qui sont pourtant celles de son propre électorat. Et elle n'a pas non plus été capable d'affronter le problème migratoire, et les médias de gauche ont leur responsabilité là-dedans car ils ont contribué à ce déni.
Le PS est l'une de ces étoiles qui n'existent plus mais dont on voit encore la lumière pendant plusieurs années.
Est-ce que finalement, loin d'être un président de consensus, Emmanuel Macron ne réactive pas un clivage de classe voire un clivage territorial: les grandes villes contre le reste du pays?
Je n'aime pas beaucoup ce type d'argumentation car cela dissimule en creux l'idée qu'un Parisien centré sur ses intérêts ne serait pas un vrai Français, ou n'aurait pas le droit de représenter la France. Le risque de cette caricature est d'accentuer le clivage que vous évoquez. Enfin, la droite n'a cependant pas intérêt à abandonner les grandes villes pour se concentrer sur les campagnes. Même s'il y a quand-même du vrai… Mais je vais vous dire: dans les journaux que j'ai créés, notamment dans Marianne ou dans L'Evénement du jeudi, on s'est battu contre les supermarchés et les centrales d'achat pour prendre la défense des petits épiciers. Et ni la droite, ni la gauche, ni même d'ailleurs la FNSEA n'ont pris notre défense! La suppression des petites gares SNCF, des hôpitaux, des écoles rurales… a eu lieu sous quels gouvernements? Ceux de droite, au nom de l'impératif de rentabilité. Il ne faut pas donc simplifier outrancièrement. Alors oui, c'est vrai que Macron est un urbain, et que son entourage l'est aussi. J'ai eu l'occasion de faire un débat contradictoire avec lui, et j'ai été frappé par son incroyable agilité intellectuelle. Pour le comprendre, il faut au moins avoir Bac+2! C'est l'un de ses problèmes. Laurent Wauquiez s'est défendu après ses propos tenus à l'EM Lyon en revendiquant son droit à «parler cru». Il a raison, là-dessus! La parole politique devient parfois incompréhensible.
Est-ce que le vrai bouleversement idéologique aujourd'hui n'a pas lieu à droite, dans le refus du libéralisme et le basculement vers le protectionniste?
Oui, on sent en effet qu'une révolution se produit, mais pas seulement à droite. Pour la première fois depuis trente ans, l'extrême-gauche est passée devant la gauche. Un parti central est également devenu majoritaire. Et une droite s'affirme, en France comme ailleurs, en rejetant la mondialisation, le libre-échange et l'Union européenne. Elle refuse les héritages de Mai 68 et de la société de consommation ultra-libérale. Cela marche en Pologne, en Hongrie, on le voit émerger en Autriche et en Italie, dans les pays scandinaves ou même en Israël où la droite s'allie avec l'extrême-droite. La gauche aurait intérêt à scruter attentivement ce basculement! Je ne vois pas comment est-ce que la droite française peut échapper à une forme d'alliance avec le Front national. Il y a même une partie de la gauche qui souhaite finalement une victoire électorale de la droite dure, qui lui permettrait de se refaire! Rien n'est d'ailleurs moins sûr…
N'y a-t-il pas également un retour du politiquement correct, qui s'exprime notamment au travers d'un féminisme sectaire?
Je dirai qu'en effet, on assiste à une radicalisation idéologique de deux discours politiquement corrects, un ancien et un nouveau. Aujourd'hui, deux pensées ont largement accès aux médias et à l'expression publique: celle de la gauche radicale, qu'on lit à longueur de tribunes dans Libération, et les discours réactionnaires. On a d'un côté la gauche qui dialogue avec l'extrême-gauche, et de l'autre, les conservateurs qui discutent avec les réactionnaires. Il y a finalement très peu de débats qui transcendent cette frontière. Ce sont deux auto-enfermements. Si vous vous situez hors de ces deux discours, il devient de plus en plus difficile de s'exprimer et d'être entendu: c'est le malheur que j'ai eu de fonder des journaux qui échappaient complètement à ces catégories. Je découvre aujourd'hui que les dissidents ont le monopole de la parole, et ce sont ceux qui la leur ont donnée qui sont priés de se taire!
On en arrive à la réhabilitation de l'apartheid et à certaines formes de non-mixité, voire, à un nouveau cléricalisme.
Vous avez toute une fraction des intellectuels qui se définissait comme universaliste, et qui préconisent aujourd'hui une guerre sociale, une guerre des sexes, une guerre des statuts, une guerre des identités religieuses… On en arrive à la réhabilitation de l'apartheid et à certaines formes de non-mixité, voire, à un nouveau cléricalisme. Il y a là quelque chose d'effarant. Pour ce qui est de #MeToo, je trouve cela plutôt positif, car la libération de la parole et de l'expression d'une oppression est une bonne chose. Mais #BalanceTonPorc procède d'une animalisation de l'autre, ce qu'aucun humaniste ne peut accepter. La dénonciation, elle, est nécessaire ; mais l'appel à la dénonciation est fondamentalement malsain et rappelle les pires heures du maccarthysme. Je n'ose même pas imaginer comment nous aurions réagi face à un mouvement qui se serait appelé #BalanceTonTerroriste! Et enfin, l'incroyable amalgame qui assimile des propos sexistes ou des gestes déplacés à un viol me semble dangereux. Les mots n'ont plus de sens! Quand il y a eu une pétition de cent femmes, Catherine Deneuve en tête, les féministes ont répliqué par un texte inouï: on a reproché à ces femmes d'être complices des porcs, et on leur a dit qu'elles avaient raison de s'inquiéter car leur monde allait être balayé. Ce sont trois fondamentaux staliniens en un seul et même texte! L'autre est une vipère lubrique, un animal ; et puis il y a l'amalgame qui associe ces femmes aux porcs, comme Staline associait les trotskistes aux fascistes ; et enfin la menace, qui est de dire «vous allez être balayés». Ce que je trouve le plus terrible pour finir, c'est que nulle part dans la presse de gauche quelqu'un n'ait sifflé le hors-jeu.
Y a-t-il enfin une dictature du politiquement correct au sujet de l'immigration?
C'est indéniable, oui. Et toutes les récentes élections ont montré qu'aucun parti ne peut espérer devenir majoritaire s'il s'enferme dans un déni de la réalité. Je ne dis pas qu'il est scandaleux de défendre une ligne immigrationniste! C'est même très respectable, dans la mesure où toute idée doit être respectée en démocratie. Mais à l'heure actuelle, défendre l'immigration, c'est sans espoir si l'on veut gagner une élection. Ensuite, vous avez dans des associations de nombreuses personnes qui se dévouent pour les immigrés, à Calais ou ailleurs, et je trouve ça admirable. Certaines de ces personnes sont des saints, et le font d'ailleurs parfois au nom de leur foi chrétienne. Mais il ne faudrait pas que ceux-là s'enferment eux-aussi dans le déni, ou qu'ils refusent de savoir d'où viennent les migrants et quel âge ils ont. Comment peut-on prétendre résoudre des problèmes en refusant obstinément de les connaître? C'est la même chose pour les statistiques ethniques: si on veut affronter la réalité, il faut la connaître. Il y a également des gens qui sont pour l'immigration libre, car ils sont contre toute forme de régulation ou de contrôle, mais ils n'osent pas l'assumer: là aussi, c'est un déni! On a le droit d'avoir des idées, à condition de les assumer publiquement et de ne pas s'en dédire en permanence! Enfin, il faut qu'on se pose la question de la ghettoïsation des territoires, car on voit de plus en plus de bidonvilles et de SDF, de tensions ethniques, sociales et religieuses… Que fait-on face à cela? Mais les immigrationnistes refusent de se poser cette question, ils ne veulent pas regarder les solutions à apporter aux conséquences de l'immigration. Là encore, et comme pour le reste, on est dans une forme de déni.
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Riom: un patient blesse six employés de l'hôpital (18.03.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 18/03/2018 à 17:57 

  • Publié le 18/03/2018 à 17:55
Un patient, qui refusait le traitement proposé aux urgences de Riom, a blessé dimanche six personnels de l'hôpital dans un déchainement de violence avant d'être maîtrisé et transféré au CHU de Clermont-Ferrand, selon une source policière.
Le patient, qui a fait "une crise de folie", a blessé "une médecin, deux infirmiers, un ambulancier et deux agents de sécurité," a-t-on précisé de même source, confirmant une information de France Bleu Pays d'Auvergne. "Ils ont eu du mal à le maîtriser, une sédation a été employée, avant que les policiers n'arrivent sur les lieux".
Le malade a été transféré au CHU de Clermont-Ferrand et "placé en chambre capitonnée". Si les urgences hospitalières sont régulièrement le théâtre de violences, les faits revêtent "un caractère exceptionnel par la force déployée et le nombre de blessés", a poursuivi la même source, parlant de "coups et morsures" ayant entrainé "quelques traumatismes et quelques entorses".
"Les victimes, prises dans l'urgence à effectuer leurs premiers soins, viendront déposer plainte ultérieurement, elles ne veulent pas laisser passer cela", a assuré la même source.

Un couple incarcéré après la découverte d'un corps démembré au Havre (17.03.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 17/03/2018 à 17:07 

  • Publié le 17/03/2018 à 17:05
Un couple de suspects a été mis en examen pour assassinat et incarcéré samedi après la découverte d'un corps calciné et démembré dans un immeuble du Havre (Seine-Maritime), a indiqué le parquet à l'AFP.
"Appartenant à l'entourage de la victime, ils nient leur participation aux faits, mais apparaissent impliqués par plusieurs éléments matériels", a déclaré à l'AFP François Gosselin, procureur de la République du Havre. "Une information judiciaire a été ouverte, et ils ont été mis en examen par le juge d'instruction pour assassinat, atteinte à l'intégrité d'un cadavre, et destruction par moyen dangereux (incendie)", a-t-il précisé. "Ils ont été placés en détention provisoire", a conclu le magistrat
Mardi après-midi, les pompiers avaient découvert le corps à moitié calciné à l'intérieur d'un appartement, avec les jambes et les pieds placés dans un congélateur. La victime présentait des plaies sur le corps ainsi qu'une grosse plaie à la tête et des scies avaient été découvertes dans l'appartement, selon le parquet. L'enquête avait été confiée au service régional de police judiciaire de Rouen.

Un migrant mortellement poignardé à Calais (17.03.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 18/03/2018 à 08:57 

  • Publié le 17/03/2018 à 19:27
Un migrant, probablement de nationalité afghane, a été tué samedi en fin d'après-midi d'un coup de couteau à Calais, a-t-on appris de source préfectorale. L'homme, âgé de 25 ans, est décédé à proximité de l'hôpital, où une association mandatée par l'Etat assure quotidiennement des distributions de repas aux migrants depuis début mars. "Aucun élément ne permet de penser qu'il y a un lien entre cet événement tragique et la distribution de repas aux migrants", a précisé Fabien Sudry, préfet du Pas-de-Calais.
Les faits ont eu lieu boulevard des Justes, sur une aire de covoiturage, non loin de l'hôpital de Calais et de l'autoroute A16, où ont lieu des distributions de repas et de vêtements par des associations caritatives. "Vers 17H20, une patrouille de la gendarmerie a été alertée du fait qu'un jeune afghan a été blessé", a déclaré à l'AFP le sous-préfet de Calais, Michel Tournaire. "Les secours se sont rendus sur place et ont constaté le décès", a-t-il ajouté. "Il n'y a pas de tension particulière" en fin d'après-midi à proximité du lieu de l'agression, a indiqué M. Tournaire. Ce soir, "la vigilance des services de police va être renforcée à Calais pour garantir la sécurité de tous", a dit M. Sudry.
Selon le sous-préfet, il y a entre 300 et 350 migrants à Calais et ses environs, d'après un dernier comptage. Selon les associations, "entre 500 et 600 migrants" vivaient dans le Calaisis, fin février.

Buzyn ne croit pas à la "convergence des luttes" (18.03.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 18/03/2018 à 10:31 

  • Publié le 18/03/2018 à 10:29
La ministre de la Santé balaie dans une interview au Journal du dimanche le scénario d'une "convergence des luttes", au moment où s'exprime le mécontentement des retraités, des cheminots et des fonctionnaires face aux choix du gouvernement. "Il faudrait pour cela qu'il y ait une convergence des problématiques et ce n'est pas le cas", juge Agnès Buzyn. "Certains souhaitent faire coaguler tous ces mécontentements. Si nous prenons le temps d'expliquer nos objectifs, cela ne prendra pas", ajoute la ministre, qui est également chargée des Solidarités.
La journée du 22 mars donnera une idée de la température sociale avec des manifestations organisées à l'appel de nombreuses fédérations, à la fois contre les réformes programmées de la fonction publique et du système ferroviaire. Au-delà de cette date, les syndicats représentatifs de la SNCF ont appelé à une grève d'usure, avec 36 journées de mobilisation annoncées entre le 3 avril et le 28 juin, un calendrier qui fait planer sur l'exécutif la menace d'un printemps social agité. A ces mécontentements, s'ajoutent notamment ceux des personnels des maisons de retraites médicalisées (Ehpad), qui dénoncent un manque de moyens, et des retraités touchés par la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG).
Pour autant, le gouvernement a raison de mener de front plusieurs réformes, selon Agnès Buzyn, car "cinq ans, c'est court". "Nous avons un devoir d'efficacité, donc nous ouvrons tous les sujets de façons concomitante", justifie la ministre de la Santé dans le JDD.

Un Israélien poignardé à Jérusalem-Est (18.03.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 18/03/2018 à 17:04 

  • Publié le 18/03/2018 à 16:31
Un Israélien a été blessé par un coup de couteau dimanche dans la Vieille ville de Jérusalem et son assaillant présumé a été abattu, rapporte la chaîne d'information Channel 10.
Selon la même chaîne d'information, des papiers d'identité turcs ont été retrouvés sur le corps de l'assaillant présumé.
Les services de secours israéliens Magen David Adom ont fait savoir qu'une personne avait été poignardée et blessée dans le haut du corps et se trouvait dans un état grave.



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