vendredi 23 mars 2018

Le chantier de la réforme de l'islam (29.08.2016)

Le chantier de la réforme de l'islam est lancé (29.08.2016)
Islam de France : de nouvelles instances pour mieux organiser le culte (29.08.2016)
Consultations au ministère de l'Intérieur sur l'islam de France (29.08.2016)
Rentrée tendue pour l'islam de France (21.08.2016)
Jean-Pierre Chevènement veut défendre une laïcité stricte (29.08.2016)
Opposé à une loi anti-burkini, Cazeneuve appelle à «l'apaisement» (29.08.2016)


Le chantier de la réforme de l'islam est lancé (29.08.2016)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 29/08/2016 à 21h31 | Publié le 29/08/2016 à 21h30


Bernard Cazeneuve a entamé lundi une refondation importante de plusieurs structures régissant la deuxième religion de France.

Jamais, ne semble-t-il, les responsables du culte musulman en France n'ont franchi avec une telle régularité l'imposant portail de fer du ministère de l'Intérieur, Place Beauvau, à Paris, à deux pas du Palais de l'Élysée. L'actualité dramatique de ces deux dernières années, liées à des attentats commis en France, au nom de l'islam, a créé une sorte de crise permanente et il revient au ministre de l'Intérieur, en l'occurrence Bernard Cazeneuve, également chargé des Cultes, de gérer cette situation.

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Il a d'ailleurs qualifié cette actualité «d'urgente», lundi 29 août, au terme d'une nouvelle journée de travail consacrée à l'islam parce que la «France est en guerre contre le terrorisme. Elle est en guerre contre un ennemi qui cherche à la diviser, à dresser les Français les uns contre les autres, à fractionner le corps de la nation, à anémier la République». Ce qu'il désigne comme «un piège mortel» dans lequel «nous ne devons pas tomber». Mais le ministre en charge des Cultes a prévenu: «Ce combat contre l'islamisme radical, nous ne devons, en aucun cas et en aucune façon, le mener contre les musulmans de France qui sont dans leur immense majorité des républicains qui n'aspirent qu'à vivre leur religion de façon digne et paisible. Ce combat décisif pour la nation, nous devons au contraire le mener avec eux.»

À côté des réunions régulières avec le Conseil français du culte musulman (CFCM), de «l'instance de dialogue» entre l'État et la seconde religion de France qu'il a créée, Bernard Cazeneuve préparait en fait dans la discrétion et depuis des mois une réforme assez fondamentale de plusieurs structures régissant l'islam en France qui a été annoncée le 29 août.

Cette réforme touche quatre points fondamentaux de l'islam de France: la gouvernance globale de cette religion en France, le financement de la construction de nouveaux lieux de cultes, la formation des imams et la représentativité publique des cadres et de l'élite de cette communauté.

Le ministre a assigné aux différentes commissions d'experts chargées de la mise en œuvre de cette réforme un calendrier précis

Le ministre a assigné aux différentes commissions d'experts chargées de la mise en œuvre de cette réforme un calendrier précis: ils doivent rendre leur copie pour la fin décembre 2016, ce qui n'est pas anodin dans la perspective de l'élection présidentielle de 2017. Mais il faudra des années pour évaluer si la modification, par exemple introduite pour une formation «à la française» des imams, réduira le nombre de prêcheurs radicaux (lire décryptage). Ou si la traçabilité des flux financiers pour la construction des mosquées influera sur leur ligne et enrayera l'influence salafiste.

Il faudra en revanche seulement quelques mois pour savoir si l'invitation faite, lundi, par le ministre à élargir le tour de table aux 41 intellectuels, hommes de science ou de culture, de religion musulmane, qui avaient lancé un appel au cœur de l'été, dans le JDD, pour venir à la rescousse de l'islam de France, portera ses fruits. Car la réussite de la greffe de cette élite, habituée à l'efficacité du monde des affaires, n'est pas évidente dans ce monde feutré du religieux. Celui qui est en le porte-parole, Hakim El Karoui, a ainsi estimé en sortant de la réunion lundi que le choix de Jean-Pierre Chevènement pour présider la fondation n'était pas «idéal», ce qui aurait déjà pu conduire ce groupe «à claquer la porte». Mais «ils préfèrent rester malgré la présence de Jean-Pierre Chevènement qui est pour le moins une maladresse» en ayant obtenu lors de la rencontre avec le ministre que le président de la Fondation ne reste «pas plus d'un an» et plusieurs sièges dans «l'association cultuelle 1905 qui est le cœur du sujet» parce que c'est elle qui «va recevoir l'argent et qui va financer les mosquées et la formation des imams».

Cet ancien conseiller du premier ministre Jean-Pierre Raffarin est par ailleurs sorti du langage convenu des responsables religieux pour dresser un portrait peu flatteur de l'islam de France qui «doit aller au-delà des divisions d'une communauté musulmane qui n'existe pas, qui n'a aucun sentiment d'appartenance, qui n'a aucune communauté d'intérêt et qui jusqu'à présent a démontré son incapacité à travailler ensemble».

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Islam de France : de nouvelles instances pour mieux organiser le culte (29.08.2016)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 29/08/2016 à 19h20 | Publié le 29/08/2016 à 19h16

Les consultations entamées lundi doivent permettre de mettre en oeuvre une structure plus solide pour l'islam de France qui reposera sur trois institutions.

● Une nouvelle fondation

La Fondation pour les œuvres de l'islam, créée en 2005 par Dominique de Villepin, destinée à contrôler les flux financiers participant à la construction des mosquées, va être dissoute. Son capital, consigné à la Caisse des dépôts - environ un million d'euros qui furent donnés à l'époque par Serge Dassault, propriétaire du Figaro-, va être transféré dans une nouvelle Fondation pour l'islam de France. Mais son objet ne sera plus le financement des mosquées, car une fondation reconnue d'utilité publique n'a, en fait, pas le droit de financer directement des cultes. La nouvelle fondation va donc piloter un certain nombre d'initiatives dans les domaines éducatif, social et culturel visant à diffuser la connaissance approfondie d'un islam modéré. Elle sera conduite par un conseil d'administration composé de 11 représentants - présidé pour son lancement par Jean-Pierre Chevènement - dont trois hauts fonctionnaires appartenant aux ministères de l'Intérieur, de l'Éducation nationale et de la Culture, ainsi que cinq personnalités qualifiées, musulmanes. Le budget devrait assez vite atteindre 5 millions d'euros.

Le modèle en vue est celui des fondations déjà existantes - Fondation Notre-Dame ; Fondation pour le judaïsme, Fondation pour le protestantisme - qui n'entrent pas directement dans le financement des cultes mais participent à des œuvres culturelles avec des budgets annuels avoisinant les 20 millions d'euros chacune. À titre indicatif, si chaque organisation musulmane a aujourd'hui son budget propre, le Conseil français du culte musulman (CFCM) n'a actuellement pas les moyens de se payer une secrétaire à temps plein…

● Une nouvelle association cultuelle

Là aussi, le modèle est inspiré de la gestion des autres cultes, dont le judaïsme et l'Église catholique, qui bénéficient, au niveau national, d'une structure associative cultuelle, loi de 1905, apte à financer le culte religieux en toute conformité avec la loi et la laïcité françaises. Un groupe de travail a été lancé, ce lundi, par le ministère de l'Intérieur, pour préparer les statuts de cette nouvelle entité, mais son rôle consistera à rechercher des financements privés pour les affecter à la construction de lieux de culte mais aussi au financement de la formation des imams. Si le recours à une taxe sur la viande halal est exclu, les opérateurs de cette filière alimentaire seront toutefois sollicités pour abonder, à titre volontaire, le budget de cette association, dont la hauteur n'est pas encore définie. L'association pourra également participer à des projets pilotés par la Fondation pour l'islam de France et les deux institutions travailleront en étroite collaboration.

Rendre transparents les fonds étrangers

L'idée maîtresse est de rendre transparents les fonds étrangers parce qu'il apparaît à beaucoup de responsables musulmans qu'ils seront difficiles à supprimer, en particulier ceux qui arrivent d'Algérie, du Maroc ou d'Arabie Saoudite. Ces mêmes responsables indiquaient lundi que «80 % des lieux de cultes musulmans sont financés par les fidèles eux-mêmes» et que la question des fonds étrangers ne touche que la construction de très grandes mosquées dans les plus grosses villes de France. Pour assurer cette «transparence», Bernard Cazeneuve propose le recours au statut d'association loi 1905 qui impose des comptes certifiés et donc vérifiables par l'administration. Deux cents lieux de culte et mosquées musulmans sont actuellement à l'état de projet dans le pays.

● Une nouvelle représentation nationale
Les réformes annoncées lundi par le ministère de l'Intérieur ouvrent également, de façon implicite, la question de la représentation nationale de l'islam de France. Le Conseil français du culte musulman, créé en 2005 et dont les membres sont élus par les musulmans dans les mosquées, continue de jouer un rôle central, mais le gouvernement a le souci d'ouvrir la gouvernance à d'autres acteurs musulmans, issus du monde de l'entreprise mais aussi de la culture.
C'est ainsi qu'une partie des 41 intellectuels musulmans qui ont signé un appel public au cœur de l'été ont été invités lundi à la table du ministre, plusieurs étant pressentis pour siéger dans la fondation ou dans l'association cultuelle nationale.

Tahar Ben Jelloun parmi les membres de la fondation
Au sein de la Fondation pour l'islam de France siégeront un président, trois représentants de l'État et cinq «personnalités qualifiées» de confession ou de culture musulmane. Aux côtés de Jean-Pierre Chevènement seront notamment présents le Prix Goncourt Tahar Ben Jelloun, l'islamologue réformateur Ghaleb Bencheikh, le recteur de la mosquée de Lyon Kamel Kabtane et l'entrepreneur Najoua Arduini-Elatfani, figure de la société civile musulmane.

Le conseil d'administration de la fondation comprendra en outre le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech - membre de droit - et deux membres désignés par le «comité des donateurs» de cette structure. Un «conseil d'orientation» d'une vingtaine de membres, très ouvert sur la société civile musulmane, sera chargé de repérer les projets à soutenir.

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Consultations au ministère de l'Intérieur sur l'islam de France (29.08.2016)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 29/08/2016 à 13h32 | Publié le 29/08/2016 à 02h16

Le ministère de l'Intérieur, chargé des cultes, veut huiler les rouages plutôt grippés de l'islam de France. Bernard Cazeneuve organise, ce lundi 29 août, une journée de travail au plus haut niveau pour désensabler un vieux serpent de mer : le financement des mosquées et la formation des imams.

Voilà donc réunis, place Beauvau, dans les austères locaux du ministère de l'intérieur, toute la journée de lundi, une cinquantaine de personnalités pour une opération à haut risque politique et technique. En 2005, un certain Dominique de Villepin, qui succédait à Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur, avait créé une «Fondation pour les œuvres de l'islam». Elle devait réguler, en les contrôlant, les flux financiers venus de l'étranger qui entrent dans le financement des grandes mosquées françaises. L'annonce fut une réussite. L'échec fut total. 

Mais les attentats à répétition perpétrés en France et la lutte contre la radicalisation de jeunes musulmans a poussé tant le ministère de l'intérieur que les responsables du Conseil français du Culte Musulman (CFCM), à rouvrir ce dossier d'une délicate complexité juridique. Ils estiment notamment que le contrôle potentiel des finances de l'islam de France est l'un des leviers de lutte contre les terroristes islamiques. 

Deuxième religion de France

Devraient donc être annoncées, ce lundi, la dissolution de la «Fondation pour les œuvres de l'islam» et la création d'une nouvelle «Fondation pour l'islam de France». Son objet ne sera plus le financement du culte. Elle devient une institution d'accompagnement et de soutien de l'Etat à la deuxième religion de France, soit une sorte de cogestion qui ne dirait pas son nom. Un «pont entre la République et les musulmans de France» assure Bernard Cazeneuve dans une interview à La Croix ce 29 août

La fondation devra œuvrer sur le plan culturel -et non pas cultuel- à la promotion d'un islam modéré, made in France en quelque sorte. En diffusant, notamment à l'université, dans l'enseignement mais aussi au sein du monde musulman, une connaissance approfondie de cette religion. L'idée maitresse est de ne plus laisser aux seuls salafistes, le monopole de l'initiation grand public à la religion ou la définition de la «bonne» façon de le pratiquer. 

Jean-Pierre Chevènement, 71 ans, qui a été pressenti pour présider la nouvelle Fondationet qui sera au ministère de l'intérieur aujourd'hui (dont il eut autrefois la charge) observe: «Le défi, c'est de faire en sorte qu'il y ait un islam républicain. Ce n'est pas évident. Je crois que c'est possible.» 

«J'ai fait connaître ma position vis-à-vis des financements étrangers: j'y suis opposé. Il y a des ressources en France»
Jean-Pierre Chevènement

En revanche, le contrôle du financement de la construction des mosquées, mais aussi celui de la formation des imams -dont l'objectif est qu'ils soient tous formés en France- seront spécifiquement confié à une «association cultuelle» nationale, nouvellement créée, elle aussi. 

Jean-Pierre Chevènement explique à l'AFP l'articulation entre la Fondation et l'Association: «Cette fondation, qu'il faudra reconnaître d'utilité publique, doit respecter le principe de la laïcité. Son objet est donc profane: elle sera en charge de questions sociales, culturelles et éducatives. Dans la formation des imams, elle ne traitera que des aspects civiques, juridiques. Tout ce qui est religieux est hors de son champ. C'est pourquoi on va lui adosser une association cultuelle -loi de 1905- qui aura pour mission ce qui a trait à la formation religieuse ou au financement de la construction de lieux de culte». Il précise à ce propos: «J'ai fait connaître ma position vis-à-vis des financements étrangers: j'y suis opposé. Il y a des ressources en France». 

Avant de procéder à ces annonces lundi après-midi, et de lancer la nouvelle structure de façon officielle, le ministère de l'Intérieur va donc croiser, au cours de plusieurs séances ce lundi, une large palette de personnalités musulmanes qualifiées -pas forcément choisies pour leurs engagements religieux- des élus concernés et des experts. Anouar Kibech, président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), la structure pivot de ce nouvel ensemble, se montre très optimiste: «On va repartir sur une dynamique positive, cet épisode va mettre fin à la séquence nauséabonde du burkini».

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Rentrée tendue pour l'islam de France (21.08.2016)

Par Jean-Marie Guénois
Publié le 21/08/2016 à 20h23

Face aux réformes en cours, les responsables musulmans craignent la « récupération politique ».

Il n'y a pas de médaille d'or chez les victimes du terrorisme islamiste. Encore moins chez les morts. Qu'ils soient juifs, chrétiens, musulmans, athées, tous ont payé le prix du sang innocent. De Montauban au Bataclan, de Nice à Saint-Étienne-du-Rouvray. Mais à elle seule, l'une des victimes de cette longue liste, Jacques Hamel, a déclenché comme un séisme. L'assassinat, si symbolique, de ce prêtre, le 26 juillet, a résonné comme un coup de tonnerre dans ce rouge été.

En son nom, le 31 juillet, quarante et un intellectuels, chefs d'entreprise, médecins, lançaient un appel sans précédent à réagir fermement - en tant que musulmans français - contre cette violence. En son nom, Bernard Cazeneuve, annonçait le 1er août un nouveau train de mesures pour contrer la radicalisation de certains musulmans. Il avait été appuyé, la veille, par le premier ministre. En son nom, le président de la République, François Hollande, prit rendez-vous avec le pape François, qu'il rencontra au Vatican le 17 août. Et en cette rentrée 2016, le dossier islam demeure donc, et plus que jamais, un sujet à très haute tension en France.

«Raidissement» de l'opinion

Un sondage Ifop publié le 13 août démontre une inquiétude croissante: quand 33 % des catholiques pratiquants estimaient en février 2015 que «l'islam est une menace», 45 % partagent cette affirmation début août 2016, juste après le meurtre du père Jacques Hamel. Cet assassinat, analyse Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop, «constitue un véritable choc dans la population et a fortiori chez les catholiques». Cet expert constate un «raidissement» de l'opinion et voit «le climat se tendre».

Les responsables musulmans sont désemparés. «J'ai peur que les choses ne se retournent contre les musulmans, confie Kamel Kabtane, le recteur de la grande mosquée de Lyon, en particulier quand on voit ce qui se passe en Corse.» Lui qui est allé avec d'autres musulmans à l'église le dimanche qui a suivi l'égorgement du père Hamel se félicite de la «fantastique mobilisation» d'alors contre «l'amalgame entretenu par certains entre islam et violence». Mais il considère «urgent, en cette rentrée, de sortir des slogans pour contrer l'image négative de l'islam, de se poser vraiment pour faire baisser la tension en reprenant les choses selon une vision de long terme».

À Bordeaux, son confrère Tareq Oubrou déplore lui aussi que ce «dossier sensible» de l'islam qui demande «de l'apaisement, de la durée et de la profondeur» soit abordé selon «une stratégie politicienne qui opère dans l'urgence». Il fustige «la récupération politique à court terme qui profite inconsciemment ou consciemment du terrorisme». Résultat: «Cette rentrée est marquée par une confusion totale du politique, du religieux, de la question de l'identité, de la question sociale, de l'immigration… Les gens n'y comprennent plus rien.»

«Cette rentrée est marquée par une confusion totale du politique, du religieux, de la question de l'identité, de la question sociale, de l'immigration… Les gens n'y comprennent plus rien»
Tareq Oubrou, imam de Bordeaux

Dans ce cadre «politicien», le dossier qui agace le plus est celui de la relance de la «fondation pour l'islam de France». François Hollande a annoncé le 3 août qu'elle pourrait être confiée à Jean-Pierre Chevènement avec un vaste cahier des charges. Il vise, entre autres, à lutter contre la radicalisation en intervenant notamment sur le volet laïque de la formation des imams mais surtout sur les flux financiers des constructions de mosquées.

«On marche sut la tête»

Kamel Kabtane fut le trésorier de la première version de la Fondation pour les œuvres de l'islam, créée précisément en 2005 par Dominique de Villepin pour contrôler le financement de la construction des mosquées. Lui se «félicite» de cette «relance» mais reste prudent depuis ce premier échec: «Il ne faudra pas reproduire l'erreur fondamentale d'alors, qui consista à faire un outil non pas au service de la communauté musulmane mais au service des fédérations musulmanes et de leurs responsables. On s'était contenté de transposer le Conseil français du culte musulman et ses tensions au sein de la fondation.»
L'imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, est beaucoup plus circonspect: «On ne voit pas bien quel sera l'objet de cette fondation car la question du financement des mosquées est typiquement un faux problème: ce ne sont pas les murs des mosquées qui sont intégristes! On veut créer de nouvelles structures alors que nous avons un droit très bien ficelé en France permettant un contrôle sur les associations qui pilotent les mosquées, c'est-à-dire là où se trouve problème. Encore faudrait-il mettre en œuvre le droit déjà existant. On marche sur la tête.»

«C'est tromper l'opinion publique que de laisser penser que le problème de la radicalisation va se régler par le financement des mosquées»
Amar Lasfar, président de l'UOIF

Même critique du côté d'Amar Lasfar, président de l'UOIF (Union des organisations islamiques de France): «C'est tromper l'opinion publique que de laisser penser que le problème de la radicalisation va se régler par le financement des mosquées. 98 % du financement actuel des lieux de culte musulmans est franco-français car ce sont les fidèles qui mettent la main à la poche pour les construire. Ce financement est transparent. La question ne se pose que pour quelques très grandes mosquées. La multiplication des structures pour gérer l'islam ne règle pas le problème. C'est aussi comme cela que l'on crée de la radicalité.» Ce responsable de la fédération la plus puissante de l'islam de France, proche des Frères musulmans, conclut à propos de la présidence de la fondation: «J'aurais préféré voir une personnalité musulmane à ce poste, car il s'agit de l'islam. Nous sommes les premiers concernés. Il faudrait nous faire confiance et que l'on arrête de nous suspecter.»

L'islam de France est donc une maison à la fois complexe et susceptible qui traverse à nouveau une crise profonde. Il va donc falloir beaucoup de tact à Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur et des Cultes, pour rendre crédible chez les musulmans et dans l'opinion toute nouvelle mesure. Annoncée dans la précipitation du traumatisme de l'assassinat du père Hamel, cette réforme de la «fondation pour l'islam» - préparée en réalité depuis de longs mois par le ministère de l'Intérieur - doit maintenant sortir du flou pour calmer les critiques qui fusent de toutes parts depuis un mois. Une mise au point gouvernementale devrait donc avoir lieu d'ici très peu de temps.

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Jean-Pierre Chevènement veut défendre une laïcité stricte (29.08.2016)

Par Mathilde Siraud
Mis à jour le 29/08/2016 à 18h10 | Publié le 29/08/2016 à 11h04


LE SCAN POLITIQUE/VIDÉO - L'ancien ministre va prendre la tête de la Fondation pour l'islam de France, malgré ses propos controversés après avoir conseillé la «discrétion» aux musulmans. L'ex-socialiste maintient ses propos et affiche la même fermeté sur le burkini.

Ses premières déclarations avait provoqué un tollé. Jean-Pierre Chevènement, l'ancien ministre de l'Intérieur qui va diriger la Fondation pour l'islam de France, avait conseillé début août aux musulmans de rester discrets dans l'espace public. «Tous les citoyens doivent faire l'effort de recourir à la ‘raison naturelle'», avait-il dit.

Bernard Cazeneuve a confirmé ce lundi matin dans La Croix sa nomination à la tête de cette institution longtemps restée en échec. «Il connaît bien le monde musulman et son attachement à la laïcité est incontestable», écrit le ministre au sujet de son prédecesseur, qu'il considère comme «un grand républicain».

Interrogé sur France Inter, l'ancien président du Mouvement républicain et citoyen a clarifié sa vision sur l'islam. «L'islam de France doit être autonome dans ses sources de financement et dans sa pensée», a-t-il dit. «Il y a 1,4 million de musulmans en France, pour la plupart français, il faut faire France à nouveau, créer les conditions qui font qu'ils se reconnaîtront pleinement dans la communauté nationale.» Ainsi, la polémique suscitée par ses propos sur la «discrétion» des musulmans était pour lui injustifiée. «Ce conseil s'adresse dans mon esprit à toutes les religions en vertu de la laïcité», a appuyé Jean-Pierre Chevènement.

«Il y a une tendance de fond qui est la montée du fondamentalisme religieux»
Jean-Pierre Chevènement

Sur la question du burkini, qui divise les politiques y compris au sein même du gouvernement, l'ancien sénateur du Territoire de Belfort estime qu'il y a une «confusion».«On parle d'un problème de laïcité là où il n'y en a pas vraiment. La plage est un espace public. Tout ce que la loi n'interdit pas est permis, les moeurs sont libres», a-t-il d'abord minimisé. Avant d'ajouter: «Mais il y a un problème qui est celui de l'intégration. Toutes les vagues successives de l'immigration ont fait un effort pour coïncider avec les us et coutumes du pays d'accueil». «Je ne suis pas pour le communautarisme, je veux des principes communs, je suis pour le combat d'idées, l'égalité hommes-femmes.»

Jean-Pierre Chevènement a ainsi estimé que le burkini posait problème, défendant une laïcité stricte comme Manuel Valls. «Il vise à définir une place de la femme subordonnée à celle des hommes dans la société. On peut le tolérer mais on peut ne pas l'approuver», a commenté le futur président de la Fondation pour l'islam de France, pointant du doigt «la montée du fondamentalisme religieux».» L'immense majorité des femmes ne peuvent plus sortir dans la rue sans être voilée. Il est de mon devoir de rappeler qu'une certaine discrétion est souhaitable.»

Proche de la mouvance souverainiste, l'ancien ministre combat depuis longtemps le communautarisme. L'année dernière, il affichait ses convergences avec le président du parti Debout la France, le député Nicolas Dupont-Aignan.

Des élus de Seine-Saint-Denis veulent la démission de Chevènement

- Crédits photo : JACQUES DEMARTHON/AFP

Ses propos n'en finissent pas de susciter l'indignation. Après s'être attiré les foudres de son propre camp en invitant les musulmans à faire preuve de «discrétion», Jean-Pierre Chevènement essuie à nouveau des tirs nourris en provenance de sa gauche. En cause, le fait qu'il ait regretté que, sur les «135 nationalités présentes à Saint-Denis», l'une ait «quasiment disparu» (la Française, ndlr). «Je demande à François Hollande et Bernard Cazeneuve de renoncer à sa nomination», a ainsi exhorté le président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, selon qui le souverainiste «a multiplié les confusions et les dérapages». Idem pour le député PS du département Mathieu Hanotin qui, auprès du Lab d'Europe 1, s'est dit «scandalisé à double-titre». «D'une, sa rhétorique paternaliste et colonialiste (...). De deux, ses propos scandaleux et racistes sur Saint-Denis. Il fait une confusion mentale entre être Français et être blanc. La ligne rouge a été franchie. Il faut que le président renonce le plus vite à nommer cette personne», exhorte-t-il.

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Opposé à une loi anti-burkini, Cazeneuve appelle à «l'apaisement» (29.08.2016)


Mis à jour le 29/08/2016 à 10h01 | Publié le 29/08/2016 à 07h39


Le ministre de l'Intérieur reçoit lundi les membres du Conseil français du culte musulman. Dans un entretien à La Croix, il dit vouloir «réussir la construction d'un islam de France dans le respect des valeurs de la République».

Toute la journée à Beauvau, une cinquantaine de personnalités vont être reçues pour une réunion de travail sur l'islam de France. Dans un contexte marqué par la menace terroriste et la polémique sur le burkini qui crispe le pays depuis un mois, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve annonce dans La Croix vouloir «réussir la construction d'un islam de France dans les respects des valeurs de la République». «La France a plus que jamais besoin d'une relation apaisée avec les musulmans», appuie-t-il, estimant que l'adhésion aux valeurs républicaines devaient «transcender» toutes les autres. Il présente une série d'annonces et d'engagements.

- Fondation pour l'islam de France

La Fondation pour l'islam de France, que Jean-Pierre Chevènement va présider, va être officiellement lancée. Le ministre en trace les contours. Cette institution «aura vocation à soutenir des projets, dans les domaines de l'éducation, de la culture, de l'engagement des jeunes, elle pourra prendre en charge la formation profane des imams, le développement de la recherche en islamologie». Pour Bernard Cazeneuve, la nomination de Jean-Pierre Chevènement a sa tête est un choix cohérent. «Il connaît bien le monde musulman et son attachement à la laïcité est incontestable.» Après lui, «d'autres personnalités» notamment de confession musulmane pourront en prendre la tête.

- Formation des imams

Bernard Cazeneuve veut éradiquer le «système des imams ‘détachés'» par des pays étrangers. En plus de la Fondation pour l'islam de France, une association cultuelle dirigée par des représentants musulmans va voir le jour, pour s'occuper du financement des mosquées et de la formation théologique des imams. Une «contribution» des acteurs de la filière halal sera mise en place et des nouveaux départements d'islamologie seront créés dans les universités pour que les imams bénéficient d'une formation universitaire «avec un très haut niveau d'exigence scientifique dans les matières profanes».

- Lutte contre la radicalisation

Le ministre rappelle son engagement pour procéder à l'expulsion du territoire des étrangers qui tiennent un discours radical. Il a dressé son bilan en la matière: 80 arrêtés d'expulsion pris depuis 2012, 15 expulsions depuis début 2016, dont 6 en août. Une vingtaine de mosquées ont été fermées.
Burkini

Sur cette question, Bernard Cazeneuve appelle à «l'apaisement» pour «éviter les troubles à l'ordre public et conforter le vivre-ensemble». «Une loi serait inconstitutionnelle, inefficace, et de nature à scusciter des antagonismes et d'irréparables tensions», considère-t-il. «Je crois davantage à la force de ce dialogue qu'à la stratégie dangereuse de la division, qui finirait par faire divorcer la France et la République». Au contraire du premier ministre Manuel Valls, l'hôte de Beauvau se dit également opposé à l'extension de l'interdiction du port du voile et considère l'arsenal législatif suffisant. «La laïcité est d'autant plus ferme qu'elle est apaisante, elle est d'autant plus faible qu'elle est stigmatisante», dit-il, comme une réponse aux propos jugés parfois radicaux du premier ministre mais aussi à la gauche tenante du respect des libertés individuelles. Le responsable socialiste a ensuite déploré les «surenchères» liées à la primaire à droite. La gauche «doit être intraitable avec le communautarisme, le salafisme, ces enfermements qui éloignent de la République et ignorent des combats essentiels pour la tolérance et l'égalité entre les hommes et les femmes». «La sagesse c'est pas une mollesse, elle est une force», conclut le ministre, qui se refuse à «parler aux instincts».

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