Publié le 26/06/2018 à 13:24
L'Algérie est accusée d'avoir expulsé 13.000 personnes ces
14 derniers mois - y compris des femmes et des enfants - sans eau ni
nourriture, les obligeant à partir à pied dans le désert du Sahara.
À pied dans le désert, sans eau ni nourriture, sous une
chaleur de plomb pouvant atteindre jusqu'à 48 degrés. C'est une certaine vision
de l'enfer que l'Algérie est
accusée de faire subir à des milliers de migrants depuis plus
d'un an. Une enquête publiée ce lundi 25 juin par Associated Press révèle que
le pays a abandonné plus de 13.000 personnes dans le Sahara ces 14 derniers
mois, y compris des femmes enceintes et des enfants.
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Parfois menacés par une arme, ils sont forcés par les
autorités algériennes à partir dans le plus grand désert du monde. La plupart
d'entre eux, qui se dirigent alors vers le Niger, marchent pendant des jours
dans la lande jusqu'à ce que, éventuellement, une équipe de sauvetage de
l'Organisation des Nations Unies finisse par les retrouver. Certains n'en
ressortent jamais vivants. Des femmes ont expliqué avoir perdu leur bébé en
cours de route.
Des expulsions reconnues par l'Union européenne
Les expulsions massives ont repris en Algérie depuis octobre
2017, date à laquelle l'Union
européenne a demandé aux pays d'Afrique du Nord de renforcer leurs
barrages pour empêcher les migrants de se rendre sur le vieux continent en
passant par la Méditerranée. Un porte-parole de l'UE a affirmé à Associated
Press avoir parfaitement conscience des agissements de l'Algérie, mais
que les "pays souverains" peuvent expulser les migrants comme
ils le désirent… tant qu'ils respectent le droit international.
Ces expulsions ne sont confirmées par aucun chiffre officiel
algérien. Le nombre de personnes traversant la frontière du pays avec le Niger
augmente toutefois de manière significative depuis le début de l'année
dernière. Le décompte de l'Organisation internationale pour les migrations
(OIM) a commencé en mai 2017, quand 135 personnes ont été abandonnées, et a
fini par atteindre 2.888 personnes en avril 2018. Au total, 11.276 personnes
seraient parvenues à traverser la frontière. Plus de 2.500 migrants ont dû
accomplir un voyage similaire, cette fois en direction du Mali voisin. Le
nombre de victimes décédées au cours de ces marches forcées est jusqu'ici
inconnu.
Aucun retour en arrière n'est possible
Selon les témoignages recueillis par Associated
Press, ils seraient ainsi des centaines chaque mois à être détenus dans des
camions pendant 6 à 8 heures au Point Zero, avant d'être lâchés
dans le désert. Les autorités algériennes leur indiquent alors la direction du
Niger et leur ordonnent de s'y rendre. Le Point Zero, qui se trouve
à 30 kilomètres de la source d'eau la plus proche, est une véritable fournaise
: en quelques secondes, la chaleur du sol perce même les chaussures les plus
épaisses. Mais il n'y a pas aucun retour en arrière possible.
Début juin, près d'un millier personnes y ont ainsi été
déposées. Le groupe a déambulé dans le désert de 8 à 19 heures en direction du
Niger. "Il y a des gens qui n'ont pas pu le supporter, a expliqué
Aliou Kande, un Sénégalais de 18 ans. Ils se sont assis et nous les
avons laissés là. Ils souffraient trop". Il n'a jamais revu les
personnes disparues. "Ils nous ont jetés dans le désert, sans
téléphone, sans argent", relate-t-il.
L'Algérie accuse Associated Press de "campagne
malveillante"
Les témoignages recueillis par Associated Press sont
confirmés par les multiples vidéos collectées par l'agence de presse depuis des
mois. La plupart d'entre elles montrent des centaines de personnes s'éloignant
de camions et de bus pour finalement être englouties dans l'immensité du
désert. Deux migrants ont indiqué que les gendarmes algériens ont même ouvert
le feu pour les forcer à avancer. Là encore, plusieurs vidéos récoltées par
l'agence viennent étayer ces témoignages : sur la majorité d'entre elles, des
hommes armés, en uniforme, montent la garde près des convois.
Interrogées par Associated Press, les autorités algériennes
se sont refusées à tout commentaire sur le sujet. Mais l'Algérie a déjà réfuté
par le passé toute critique selon laquelle elle contreviendrait aux droits des
migrants en les abandonnant dans le désert. Et comme la meilleure défense reste
l'attaque, le pays accuse à son tour l'agence de presse de réaliser une "campagne
malveillante", destinée à enflammer les pays voisins.
Une chose est certaine : "Le Sahara est un tueur
efficace qui laisse peu de traces", note AP. L'Organisation
internationale pour les migrations estime ainsi que pour chaque migrant dont la
mort est recensée en traversant la Méditerranée, au moins deux sont perdus dans
le désert. Près de 30.000 personnes auraient été avalées par le Sahara depuis
2014.
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