Sous couvert de lutte contre la
discrimination et pour "l'égalité des genres", un manifeste publié
dans le journal "La Libre Belgique" accuse la neutralité religieuse
d'être un faux nez pour discriminer les femmes musulmanes. La tribune est
notamment signée par la militante Rokhaya Diallo et la directrice du CCIF.
D'habitude, les contempteurs de
la laïcité à la
française s'attaquent à la loi de 2004 sur le port de signes religieux
ostensibles à l'école. Ou, pour les plus aventureux, à l'interdiction de la
burqa décidée en 2010. Mais un nouveau pas vient d'être franchi, avec la
publication ce jeudi 2 août d'une tribune qui s'attaque frontalement à un pilier de
la loi de 1905 : la neutralité de l'Etat face aux religions. Le texte, publié
dans le journal belge La Libre, est une offensive en règle, émanant
d'un "collectif de femmes musulmanes européennes", en réalité
une coalition de militantes identitaires et communautaristes de
divers pays du Vieux continent.
Lire la suite : https://www.marianne.net/societe/une-tribune-en-faveur-des-droits-des-musulmanes-s-attaque-la-laicite
Par Hadrien Mathoux
Publié le 03/08/2018 à 16:58
Comme c'est désormais l'usage
dans ce genre de manifestes, tout le vocabulaire du multiculturalisme
anglo-saxon est mobilisé : on y appelle ainsi à "un réel
modèle européen d'inclusion et de pluralisme qui permette à toutes et tous d'accéder
à l'emploi et à l'éducation", on mobilise "les principes
européens de non-discrimination et d’égalité des genres", on souhaite
"célébrer la diversité" via des "approches inclusives
et positives" qui permettront "l'émancipation des femmes".
Les femmes musulmanes toutes
mises dans le même sac
Sauf que, pour les signataires de
cette tribune, la première mesure féministe et émancipatrice à prendre serait…
de permettre le port du voile au travail, en particulier dans les services
publics. "Les interdictions du port du voile ou d’autres vêtements
portés par les femmes musulmanes, tant par des institutions publiques que
privées, sont de plus en plus répandues dans plus de la moitié des pays de
l’Union européenne", s'alarment les militantes. Dans le cas de la
France, cette "interdiction" n'est pourtant pas nouvelle et
surtout, elle concerne tous les vêtements à caractère religieux. Depuis la loi
de 1905, l'Etat est neutre et ne reconnaît aucun culte : les agents de service
public ne peuvent donc pas plus porter une kippa ou une croix chrétienne trop
visible qu'un voile islamique. Les usagers, eux, ne sont pas soumis à ces
restrictions. Pour ce qui est du secteur privé, c'est le règlement intérieur de
l'entreprise qui précise si la neutralité est de vigueur pour les salariés. En
2017, la Cour de cassation a rendu
un arrêt à ce sujet, précisant qu'une entreprise pouvait licencier une
employée refusant d'ôter son voile, à condition de justifier qu'elle travaille
au contact du public. Une disposition qui, encore, s'applique à tous les signes
religieux.
Ce principe de neutralité, ancré
de longue date en France et dans nombre d'autres pays d'Europe, a selon les
signataires de la tribune "pour conséquence d’empêcher [les] femmes
[musulmanes] d’avoir accès à des emplois", ce qui constituerait une
entorse au principe de "non-discrimination". Ici, nos
militantes biaisent trois fois leur raisonnement : en supposant d'abord que
toutes les femmes musulmanes portent le voile, ce qui est loin d'être le cas ;
en oubliant ensuite que les femmes musulmanes qui le portent ne sont pas "empêchées"
de travailler mais qu'il leur est simplement demandé d'ôter leur voile lors du
temps de travail, ce que beaucoup font déjà bien volontiers ; en pointant,
enfin, une "discrimination" alors que le principe de
neutralité s'applique justement à tous et à toutes, indifféremment.
La laïcité française accusée d'islamophobie
C'est ici que l'attaque contre la
laïcité se fait la plus nette : la tribune affirme en effet que "nombre
de ces interdictions de porter des signes religieux ciblent clairement les
femmes musulmanes, même si elles sont présentées comme s’appliquant à tous les
groupes religieux de manière égale". La neutralité ne serait donc
qu'un argument "utilisé afin de discriminer de manière légale les
femmes musulmanes". Et voilà la laïcité française remaquillée en
principe "islamophobe"... La preuve, pour les rédactrices du
texte : les restrictions suivraient "des débats publics houleux sur les
tenues vestimentaires de femmes musulmanes et sur la présence des musulmans en
Europe".
Et si les signataires prennent la
peine d'admettre que "la neutralité demeure bien entendu un principe
clé de nos sociétés", c'est pour tout de suite asséner qu'on "ne
peut néanmoins pas déconnecter son usage actuel ainsi que ces politiques
restrictives du contexte de suspicion généralisée envers les musulmans, de
l’impact disproportionné de ces restrictions sur les femmes musulmanes, et de
la dimension structurelle de cette exclusion". D'où l'appel à rompre
avec la neutralité et l'universalisme, en exhortant à "évaluer les
effets spécifiques de règles concernant le port de signes religieux (...) sur
les femmes musulmanes".
Une démarche communautaire
Pour appuyer son combat
communautariste, le "collectif de femmes musulmanes" tente de se
donner une légitimité à grands coups de rapports complaisants. Ainsi, la
première phrase de la tribune se félicite d'emblée que "la Commission
des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen a
récemment débattu pour la première fois de la situation des femmes musulmanes
en Europe". Omettant de préciser que si ladite commission a
effectivement discuté de "la question des restrictions vestimentaires
des femmes musulmanes en Europe", c'est sous la pression d'un lobby,
l'Open Society Foundations. Financée par le milliardaire Georges Soros, la
branche "Open Society Justice Initiative" pond à intervalle réguliers
des rapports défendant une vision communautariste de la société, et mettant
notamment sous le feu des critiques la laïcité à la française. C'est à la suite
de l'envoi d'un document accusant la France de "discrimination
à l'encontre des femmes musulmanes", chaudement applaudi par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF),
que la Commission du Parlement européen a jugé obligatoire de traiter la
question. Et lorsque la tribune affirme que "les analyses montrent que
nombre de ces interdictions de porter des signes religieux ciblent clairement
les femmes musulmanes", elle fait référence à de tels rapports, qui
tiennent davantage du lobbying que de la recherche universitaire.
A cet égard, la liste des
signataires appartenant à ce "collectif de femmes musulmanes
européennes" est révélatrice : on y retrouve en tête de gondole
Rokhaya Diallo, entrepreneuse
identitaire, mais également tout un régiment de militantes du très
controversé CCIF, dont sa présidente Lila Charef. On trouve aussi des
associations néerlandaises, allemandes, belges ou anglaises… et même la représentante
d'une marque qui commercialise des voiles islamiques, "Hijab
Sensation". Les points communs des membres de ce "collectif" :
la défense d'un multiculturalisme communautaire, la remise en cause de
l'universalisme européen assimilé à du racisme, et l'exigence qu'un traitement
exceptionnel soit réservé aux femmes musulmanes. Bref, la panoplie parfaite des
nouveaux identitaires.
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