Pour les musulmans les chrétiens ont falsifié les évangiles qui, avant leur altération, auraient mentionné explicitement la venue de Mahomet. L'évangile de Barnabé (un faux du XVIème siècle qui annoncerait Mahomet) est considéré par les musulmans comme le seul évangile non falsifié (cf. le site tablîgh "aimer-jesus.com").
Jacques Jomier : Islamologue de renom. Entre 1963 et 1983 il est professeur au grand séminaire de Meadi au Caire, à Mossoul et à Ibadan, puis il est nommé professeur visiteur à la faculté de théologie de l'université de Kinshasa (Zaïre). Il est ensuite nommé à l'Institut catholique de Toulouse. Entre 1973 et 1985 il est consulteur au secrétariat pour les non-chrétiens au Vatican. Il est également membre de l'Institut d'Égypte.
[…] Or, parmi les livres de plomb, il s'en trouve un qui parle du « Véritable Evangile ». Ce livre intitulé : « Libro de la Historia de la Verdad del Evangelio » est édité dans le recueil Los libros Plumbeos del Sacromonte, edicion de Miguel José Hagerty, Madrid, 1980, pp. 119-130. Le texte raconte comment la Vierge Marie a confié à l'apôtre Jacques le Véritable Évangile pour qu'il l'emporte en Espagne et l'y cache. Ainsi, échappera-t-il aux altérations.
Il est même donné diverses précisions, avec mention de Chypre, ce qui suggère l'idée de Barnabé. L'évangile de Barnabé lui-même enseigne que Jésus n'est pas le Messie et que Mohammad est le Messie annoncé. Cette idée est assez curieuse dans la bouche d'un musulman car le Coran dit formellement de Jésus : « son nom sera al-Masïh Isa, fils de Marie » (Coran 3,45).
Mais les dernières études sur les morisques ont montré que parmi eux, pour exalter Mohammad, certains disaient que Jésus était le Messie des enfants d'Israël tandis que Mohammad était le Messie universel. Nous ne sommes plus bien loin de Barnabé.
Finalement, cette dernière attitude reviendrait à voir dans ce texte un faux évangile destiné à renforcer dans leur foi les crypto-musulmans. En réalité, la préparation de toute cette affaire prit du temps. L'expulsion des morisques en 1609 survint avant que tout ne soit au point. Désormais, l'évangile selon Barnabé ne présentait plus le même intérêt, pour les morisques revenus en terre musulmane et qui n'avaient plus à vivre en dissimulant leur foi.
Il fallut attendre le XIXe et surtout le XXe siècle pour que cet apocryphe retrouve son intérêt pour la propagande musulmane. Il ne l'avait d'ailleurs jamais vraiment perdu et en 1908, dans sa recension du livre des Ragg, le P. Lagrange le notait bien lorsqu'il présentait : « Un ouvrage qui connaît très bien les évangiles et même la Vulgate et qui se sert de la prédication de Jésus pour faire de la propagande en faveur de Mahomet » (Revue Biblique, 1908, p. 300).
[…] Au fond, il semble bien que, pour beaucoup de musulmans, le fait que les chrétiens soient gênés par l'évangile selon Barnabé est la vraie raison de le prendre au sérieux. Ensuite, sa doctrine, sauf pour la question du Messie, est conforme au Coran (ce qui est normal car il s'en inspire).
Enfin le caractère de Messie accordé au Christ n'a guère d'importance dans le patrimoine musulman. C'est un titre d'honneur général qui ne comporte pas les implications historiques que nous lui connaissons dans l'histoire du judaïsme. De plus, les traductions arabes ont évité de rendre messie par le mot normal al-masîh mais, en général, ont simplement transcrit en arabe les lettres du mot anglais ou italien.
Souhaitons pourtant qu'un jour nous puissions nous entendre car dialogue ou rencontres n'aboutissent que dans la clarté et la vérité. <<<
Juste la fin du texte de Jomier ci-dessus ; la totalité de l'étude est ici : http://biblio.domuni.org/articlesbible/barnabe/index.htm
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[quote="Annonce de Mahomet par Marie-Thérèse Urvoy Pour les musulmans les chrétiens ont falsifié les évangiles qui, avant leur altération, auraient mentionné explicitement la venue de Mahomet. L'évangile de Barnabé (un faux du XVIème siècle qui annoncerait Mahomet) est considéré par les musulmans comme le seul évangile non falsifié (cf. le site tablîgh "aimer-jesus.com"). Kadhafi, dans un discours qui prophétise une Europe musulmane à court terme, s'en est fait le thuriféraire, dans: https://www.dailymotion.com/video/x3fca_2006-04-10-discours-de-gagadhafi_news.
Différents articles ont montré la fraude liée à l'évangile de Barnabé, cf. par exemple http://facealislam.free.fr/barnabas.html et http://facealislam.free.fr/barnabe-seigneurchrist.htm. Sans lien avec l'évangile de Barnabé, l'article de Marie-Thérèse Urvoy pour le "Dictionnaire du Coran" (Robert Laffont, Collection Bouquins, septembre 2007), est scientifique. Il a pour base une analyse rigoureuse, linguistique et historique des textes. Il montre comment les arguments des musulmans résultent de confusions, et comment une "relation entre le texte coranique et le texte évangélique s’est opérée par une « captation » reposant sur deux formes de détournement linguistique". Marie-Thérèse Urvoy est professeur d'islamologie, d'histoire médiévale de l'islam et de langue arabe à l'Université catholique de Toulouse.
Cet article est reproduit en deux parties sur le site "Studia-Arabica" http://www.studia-arabica.net/spip.php?article10&var_recherche=Annonce%20de%20Mahomet%20(a) http://www.studia-arabica.net/spip.php?article10&var_recherche=Annonce%20de%20Mahomet%20(a)http://www.studia-arabica.net/spip.php?article239 "Notre-Dame de Kabylie" le publie avec l'aimable autorisation de l'auteur et de "Studia-Arabica" L'article "Annonce de Mahomet" par Marie-Thérèse Urvoy
Deux passages du Coran évoquent cette annonce : « ceux qui suivent l’apôtre, prophète des gentils, qu’ils trouvent annoncé chez eux dans la Torah et l’Evangile » (7,157) ; « ô fils d’Israël [dit Îsâ] ! je suis l’apôtre de Dieu [envoyé] vers vous, déclarant véridique ce qui, de la Torah, est antérieur à moi et annonçant un apôtre qui viendra après moi, dont le nom sera Ahmad » » (61, 6). « Ahmad » est une forme élative, adjectivale intensive, qui signifie « le très glorieux » ou « le très loué ». Il dérive de la même racine h. m. d. que « Mahomet », « le loué ». Aussi la traduction française de Médine précise-t-elle : « Ahmad, en arabe, a presque la même signification que Mahomet, c’est pourquoi les deux termes sont utilisés dans le Coran pour désigner la même personne : le prophète de l’islam. » Un hadith fait dire au Prophète : « Je m’appelle Mahomet sur terre, mais Ahmad dans le ciel. »
Enfin, le « poète du Prophète », Hassân b. Thâbit (54/674), composa une élégie où il employa indifféremment les deux noms. Aucune précision n’étant donnée sur les sources textuelles, ce sont les croyants qui se sont efforcés de les trouver. Ainsi, au VIe/XIIe siècle, dans la Sicile conquise par les Normands, Muhammad b. Zafar recense et commente dans son livre, Khayr al-bishâra, les passages de la Bible et des Evangiles qui lui apparaissent comme des annonces de Mahomet. Actuellement, pour la Torah, l’apologétique propose l’extrait suivant : « Yahvé ton Dieu suscitera pour toi, du milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme moi que vous écouterez » (Dt 18, 15). En fait, il s’agit d’un passage du « Code deutéronomique » qui succède au second « Discours de Moïse », commençant par « Ecoute Israël » et donnant d’emblée le Décalogue, rappelé ensuite par le Chema’ Israel Dt 6, 4). Il est donc impossible autre chose que le peuple hébreux.
Pour l’Evangile, la question est un peu plus compliquée. Au VIIIe/XIVe siècle, Anselm Turmeda, franciscain catalan converti à l’islam et fixé en Tunisie, raconte, dans la partie autobiographique de son traité polémique antichrétien, qu’un prêtre de Bologne lui a révélé que le Paraclet annoncé dans l’Evangile est le prophète de l’islam, Mahomet, et que cette révélation lui a ouvert le chemin de la conversion. Ce texte de Turmeda, Tuhfat al-adîb (Le Présent de l’homme lettré pour réfuter les partisans de la Croix), est de nos jours très diffusé, tant au Maghreb que parmi les musulmans d’Europe.
Il est en fait le prolongement d’un processus qui a commencé beaucoup plus tôt. Le mot « Paraclet » est mentionné deux fois dans l’Evangile de Jean : « et moi, je prierai le Père, et Il vous donnera un autre Paraclet, qui restera à jamais avec vous : l’Esprit de vérité […] vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il est en vous » (Jn 14, 16-17) ; « il vous est bon que je m’en aille. Car si je ne m’en allais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais si je m’en vais je vous l’enverrai » (Jn 16,7). L’interprétation chrétienne est que « Paraclet » signifie « intercesseur », « avocat », celui qui assiste et défend ses clients, aussi est-il l’esprit de vérité qui est la demeure du Saint-Esprit dans le cœur des chrétiens par la grâce. Et le second fragment signifie que la venue du Saint-Esprit est subordonnée au retour du Fils à son Père.
L’établissement d’une relation entre le texte coranique et le texte évangélique s’est opéré par une « captation » reposant sur deux formes de détournement linguistique. La première a été faite par un converti du christianisme, connaissant le syriaque mais sans doute assez mal l’arabe, et dont l’interprétation a été reprise dans la Sîra nabawiyya d’Ibn Ishâq (150/767) et Ibn Hishâm (218/833), au paragraphe consacré à la « description [sifa] de l’Envoyé de Dieu par l’Evangile ».
Le grec paraklètosétant rendu en syriaque par mnahmânâ (lu munhamannâ le reste de la citation étant également une adaptation très approximative du texte de Jean), Ibn Ishâq conclut : « al-munhamannâ, en syriaque, c’est Mahomet, et dans la langue des grecs albaraqlitis ». Or le premier est de la racine sémitique n. h. m . (« consoler »), bien connue des fidèles à cause du célèbre passage d’Isaïe : « consolez, consolez mon peuple dit votre Dieu » (Is 40,1). En passant au syriaque, cette racine a pris le sens dérivé de relever, redresser, ce qui explique qu’on ait utilisé un de ses composés pour traduire le grec paraklètos (« avocat », « intercesseur » ). Avec la racine h. m. d. de Mahomet, elle n’a de commun que deux lettres, et pas dans l’ordre. Aussi cet argument n’a-t-il pas eu de succès au Moyen-Orient où a subsisté un nombre non négligeable de chrétiens dont le syriaque était la langue liturgique, et qui étaient en mesure de dénoncer la confusion. A noter que seule la recension palestinienne des Evangiles emploie le terme mnahmânâ, mais non la Pshitta (traduction syriaque de la Bible), laquelle use de la transcription phonétique Paraqlîta.
Dans le « Dialogue » du patriarche nestorien Thimotée 1er avec le Calife al-Mahdî (qui a régné environ de l’an 159 à l’an 169 de l’hégire, de 775 à 785), la question de l’assimilation du prophète de l’islam avec le Paraclet est bien abordée, mais en des termes (al-Fâraqlît par exemple) qui ne permettent aucune confusion, et l’assimilation musulmane est réfutée par des arguments strictement théologiques dans la version arabe, psychologiques dans la version syriaque plus développée. Plus tard, le Nestorien converti à l’islam, Alî b. Rabbân al-Tabarî (241/855), consacre tout un chapitre de son Kitâb al-Dîn wa-l-dawla à cet argument, mais en s’appuyant uniquement sur la transcription Paraqlîtâ. En revanche, au Maghreb, où le syriaque n’était pas connu, l’argument linguistique a rencontré un grand succès. En Orient, on s’est rabattu sur une seconde forme de dérivation, en affirmant que paraklètos est une altération de periklutos (« illustre », « renommé »), ce qui revenait à traiter une langue indo-européenne comme une langue sémitique, où intervient la variation de vocalisation.
Cette démarche est étayée par l’accusation coranique faite aux « Gens du Livre » d’avoir « falsifié » (tahrîf) les Ecritures. Marie-Thérèse Urvoy Bibl. : Epalza Miguel de, La Tuhfa, autobiografia y polemica islamica contra el Cristianismo de ‘Abdallâh al- Tarjumân (Fray Anselm Turmeda), Rome, Accademia Nazionale dei lincei, 1971 . Ibn HICHÂM, La Vie du prophète Mahomet, édition établie, traduite de l’arabe et annotée par Wahib Atallah, Paris, Fayard, 2003. in DICTIONNAIRE DU CORAN, (Robert Laffont, Collection Bouquins, septembre 2007). "][/quote]
http://eecho.fr/pseudo-evangile-de-barnabe-quand-la-pensee-unique-relaie-une-supercherie/#.U6_NXkBs5Ws
Début mars, le Web musulman fut mis en émoi (comme ce site-ci) ; le magazine « Le Monde des religions » et un mini-reportage de la chaîne EuroNews ont annoncé à leur tour avec emphase :
Une bible découverte en Turquie annoncerait la venue du prophète Mohammed
Il s’agissait d’un écrit pas très volumineux (donc PAS une Bible) qui serait antérieur à l’Islam et qui serait donc la preuve irréfutable de la véracité du discours islamique, lequel affirme que la Bible a été falsifiée puisqu’elle n’annonce pas Mahomet. C’est logique (selon la logique islamique).
——–L‘affaire était partie de la presse turque, le 23 février 2012. Le journal Bugün, un quotidien appartenant à une ancienne députée du Parti de la vertu (islamiste), révéla que le ministère de la culture turc allait annoncer la découverte faite lors d’une descente chez des receleurs d’art, d’une Bible de plus de 1500 ans écrite en syriaque. Et laissa entendre que si le texte est écrit en syriaque, c’est qu’il s’agit peut-être du fameux évangile de Barnabé. Cet « évangile » est très prisé par le monde islamique : il apparut au XVIIe siècle, mais on fait remonter sa rédaction au XIVe siècle par un morisque ; il présente une vie de Jésus islamiquement correcte, où Jésus prie aux heures de prière musulmanes, interdit la consommation du porc, prône la circoncision, réfute absolument l’idée qu’il puisse être venu de Dieu et annonce la venue après lui du prophète Mahomet.
——-Pour les chercheurs occidentaux, chrétiens ou non, cet « évangile de Barnabé » est une fabrication manifeste ; on y lit en effet : « Et l’année du jubilé qui revient aujourd’hui tous les cent ans, reviendra chaque année et en tout lieu, à cause du Messie ». Or, dans la loi juive, le jubilé est célébré tous les 50 ans ; ce n’est que depuis l’an 1300 que l’année jubilaire est fêtée tous les cent ans.
——–À la suite de l’article, de nombreux titres de la presse turque ont repris comme une certitude le fait que la « Bible » retrouvée à Ankara contiendrait l’évangile de Barnabé, ajoutant même un certain nombre d’éléments, selon lesquels par exemple le Vatican aurait demandé à pouvoir lire de toute urgence le manuscrit et aurait fait une demande officielle à la Turquie dans ce sens. Les autorités turques et vaticanes ont eu beau démentir la rumeur, rien n’y a fait: sur la toile musulmane mondiale, on a pu lire un peu partout que l’évangile de Barnabé avait été retrouvé, et qu’il allait confondre définitivement la fausse religion chrétienne. Mais interrogé sur DieuTV, Musa Yaramis, un assyro-chaldéen licencié en théologie orientale, expliqua que le texte, écrit en syriaque oriental (chaldéen), indiquait en bas de la page : «Au nom de Notre Seigneur, ce livre a été écrit à l’usage des moines du haut monastère de Ninive, en l’an 1500 de notre Seigneur». Il s’agit en fait d’un livre écrit pour des moines, et postérieur à l’émergence de l’Islam.
______La désinformation était manifeste, et il est très significatif que certains médias français s’en soient fait l’écho. Voici un article faisant le point sur les connaissances sérieuses relatives à « l’évangile de Barnabé ».
http://docteurangelique.forumactif.com/t17643p50-pourquoi-l-ptre-de-barnab-ne-figure-plus-dans-le-nouveau-testament-aujourd-hui#630897
samedi 10 novembre 2018
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