mardi 29 janvier 2019

L’implication nazie dans la genèse du droit de l’Union Européenne


Source : article-50.tumblr.com

« 1941 sera la grande année du regroupement de l’Europe a déclaré le Führer » titre le Paris soir du 1er février 1941 !

https://www.soverain.fr/limplication-nazie-genese-droit-de-lunion-europeenne/
Source : PARIS SOIR N° 224 du 01-02-1941 -1941 SERA L’ANNEE HISTORIQUE DU GRAND REGROUPEMENT DE L’EUROPE A DECLARE LE FUHRER AU SPORTSPALAST DE BERLIN [1]

En pleine période d’occupation, l’Allemagne souhaite regrouper l’ensemble de l’Europe sous sa domination sous prétexte d’une collaboration à l’échelle européenne : une « nouvelle Europe » n’étant rien de plus qu’une proto-union-européenne…

Das neue Europa : la Germanici imperii déguisée en Pax Germania

L’objectif de l’Allemagne est clairement de faire passer la pilule des défaites militaires qu’elle a infligées au profit de la création d’une identité européenne commune : c’est le projet « Das neue Europa », la « nouvelle Europe ».

Note du ministère de la propagande du Reich abordant le projet de la nouvelle Europe

Cette « nouvelle Europe » est alors vendue comme une solution de paix durable et de volonté de projets communs alors qu’elle ne sera rien de plus qu’un moyen de vassalisation.
La France va alors inaugurer une politique de « France européenne », nom d’une exposition réalisée en collaboration avec les nazis le 6 juin 1941 :

Ministres français et officiels nazis inaugurant l’exposition (source : Parisenimages)

Cette exposition est voulue pour sensibiliser les français sur l’importance de construire une Europe dans la paix mais surtout sans frontières comme le montrent les documents de propagande suivants réalisés pour l’occasion :
Revues « La France européenne », on y voit une carte de l’Europe sans frontières puis un ouvrier détruisant les frontières symbolisées par un mur.


Quelques numéros de la « France européenne » crées pour l’occasion

 Le projet de « nouvelle Europe » est bien évidemment également présenté dans des affiches de propagande allemande :
Les affiches de propagande veillent toujours à n’indiquer aucunes frontières pour effacer les sentiments nationalistes en faveur de la création d’un sentiment d’unité européen (premières bases d’une « citoyenneté européenne »).

Cartes de l’Europe présentées lors de l’exposition de la France européenne, elles sont sans frontières

L’appareil de propagande allemand fait ainsi croire que seule l’union des peuples d’Europe permettait paix et prospérité. Les défaites militaires sont ainsi effacées et tous les pays vaincus rejoignent alors « l’Europe Nouvelle » sans frontières. Néanmoins cette « Pax Germania » a un prix, la soumission totale à l’occupant, elle n’est enfait qu’un moyen d’établir la Germanici Imperii…
Alors certes Hitler a voulu créer une union européenne pour justifier l’occupation des pays conquis mais quel est le lien formel entre l’Union Européenne et le nazisme ?

Le dénominateur commun entre le nazisme et l’Union Européenne, Walter Hallstein


Walter Hallstein le 6 septembre 1957 (source : wikipedia)

Walter Hallstein (1901-1982) était un professeur de droit international durant la 2èmeguerre mondiale à l’Institut de l’Empereur Guillaume de Berlin. Il fut également mobilisé comme officier durant les combats avant d’être fait prisonnier par les américains.
Bien que les liens entre Walter Hallstein et le régime nazi furent sujets à controverses[2], nous pouvons au moins affirmer qu’Il était (à l’instar de beaucoup d’autres juristes) membre de diverses organisations professionnelles chapotées par le régime nazi telles que l’Association national-socialiste des enseignants. Certaines sources[3] indiquent qu’il aurait nommé par Adolf Hitler comme représentant durant les négociations avec l’Italie fasciste entre le 21 et 25 juin 1938 afin de mettre en place un cadre juridique pour la « Nouvelle Europe ».
Après la guerre il reprend sa carrière académique et devient le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du chancelier Konrad Adenauer en 1951. À ce poste il met en place la doctrine qui portera son nom, la doctrine Hallstein(https://fr.wikipedia.org/wiki/Doctrine_Hallstein) . Il deviendra par la suite le représentant de la délégation allemande (RFA) lors des négociations en vue du traité de Rome. C’est dans ce contexte qu’il réemploie ses travaux réalisés pour le projet de la « nouvelle Europe » d’Hitler comme nous le verrons. Le 25 mars 1957 il ratifie le traité de Rome avec Konrad Adenauer comme le montre cette photo marquant définitivement le début de la construction de ce qui deviendra l’union européenne :

25 mars 1957, Walter Hallstein et Konrad Adenauer signent le traité de Rome Photo Getty / Keystone

Walter Hallstein devint alors un des 12 pères fondateurs de l’Union Européenne en signant le traité de Rome :

Les 12 signatures des pères fondateurs du traité de Rome, en rouge celle de Hallstein

Il deviendra par la suite le premier président de la Commission européenne de 1958 à 1967 (Commission Hallstein) et insufflera une politique fédéraliste à l’Union Européenne en 1965 avec le plan Hallstein. Ce plan envisage de créer une Europe fédérale sans frontières dictée par le libéralisme économique et la coopération à l’échelle européenne pour l’exercice de toute prérogative régalienne (défense, monnaie…).
Récusé de son poste sous la pression du général de Gaulle hostile au fédéralisme européen avec sa politique de contestation de la « chaise vide », il sera remplacé par Jean Rey en 1967.
Cependant quel est l’apport concret de l’idéologie nazie dans la construction de l’Union Européenne par Walter Hallstein ?

L’Union Européenne, nouvelle robe de « Das neue Europa » par Walter Hallstein


Der Spiegel édition spéciale de janvier 2002

On reconnait de grandes figures françaises appropriées par les besoins de la propagande de l’Union Européenne en leur affublant le drapeau de l’Union Européenne comme Charlemagne, Napoléon, Louis XIV et la liberté guidant le peuple…
Pour cela intéressons-nous à un discours de propagande de Walter Hallstein en faveur du IIIème Reich dont l’intégralité est consultable ici.
On y trouve les bases théoriques de ce qui deviendra le droit communautaire puis le droit de l’Union Européenne :
La création de la loi nouvelle est seulement la tâche des législateurs [ici en l’occurrence des autorités nazis], et le rôle du juge se limite à l’intégration – le fait de ‘présenter’ – des ‘faits de la vie’ en vertu des faits qui ont été déterminés par la loi
Pour les profanes du droit il convient de traduire, la « loi nouvelle » correspond à la création de normes législatives supranationales à faire appliquer pour que la « nouvelle Europe » puisse intervenir dans le droit national de chaque pays membre. Il s’agit du concept même du droit communautaire qui deviendra par la suite le droit de l’Union Européenne.
Les juristes quant à eux remarqueront que la primauté du droit européen sur le droit national explicité ici n’est que ce qui sera le coeur de l’arrêt de la CJUE Costa/Enel :
le traité de la CEE [Traité de Rome] a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres […] et qui s’impose à leur juridiction. En instituant une Communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et ont créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes
La délimitation du rôle du juge dans ce discours deviendra également ensuite consacrée dans l’arrêt de la CJUE Simmenthal  fixant le rôle du juge national devant également faire respecter les normes supranationales communautaires :
Le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ses normes , en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel.
Le fait que le choix de légiférer ne soit confié qu’aux nazis est cependant propre à son époque, de nos jours les normes législatives européennes sont conjointement élaborées par la commission européenne et le parlement européen. Chacun ayant des représentants nommés dans chaque pays, il n’y a pas un état membre monopolisant le pouvoir législatif au détriment des autres (bien que l’Allemagne occupe majoritairement des sièges au parlement européen…).
Dans un discours prononcé en 1939, Walter Hallstein avait déjà en tête l’idée normative de ce qui deviendra le droit communautaire seulement explicité dans un arrêt de 1964 et la nécessité pour les juges nationaux de faire appliquer le droit de l’union européenne avant le droit national, règle de droit uniquement éclaircie dans un arrêt de 1978 !

L’Union Européenne, projet pas si inachevé que cela d’Hitler…

Finissons en guise de conclusion par une citation assez évocatrice de l’actuel secrétaire d’état aux affaires étrangères en date du 15 mai 2016 alors qu’il n’était alors qu’ancien maire de Londres en pleine campagne pour le Brexit…
Napoléon, Hitler, plusieurs personnes ont essayé de le faire, et cela s’est terminé de manière tragique. L’Union européenne est une autre tentative avec des méthodes différentes[4]
– Boris Johnson

Boris Johnson, ancien maire de Londres faisant campagne en faveur du Brexit

Pour en savoir plus :
– « L’Europe nouvelle » de Hitler : Une illusion des intellectuels de la France de Vichy de Bernard Bruneteau, Broché
– « La France dans l’Europe de Hitler », Eberhard Jackel, Broché
 « The EU: The Truth About The Fourth Reich: How Adolf Hitler Won The Second World War »Daniel J Beddowes et Flavio Cipollini, Autopublié sur Amazon
« La Grande dissimulation: Histoire secrète de l’UE », Christopher Booker et Richard North, Broché
Et pour vous prouver que l’ambition d’un fédéralisme européen ne date pas d’hier :
– « Les buts de guerre allemands »Fritz Fischer

Juriste de formation, fondateur du blog d’actualités juridiques et informatiques Cyberdefenseur.com, est spécialisé dans les nouvelles technologies de l’informations et de la communication.
Il est également auteur du livre « la véritable cybercriminalité » aux édition Chapitre où il nous fait découvrir le cybercrime comme la future menace de notre siècle.

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