A la fin de l'Antiquité, l'Ifriqiya (Nord de l'Afrique) appartient au monde chrétien et à la communauté latine. Un changement culturel radical va faire des Berbères, dont beaucoup se croient Romains, des musulmans.
Daya Ult Yenfaq Tajrawt est le chef de la tribu des Djerawas, puis devient la reine guerrière de tous les Berbères des Aurès qui règne de 685 environ à 704. Elle s'oppose à Hasan ibn al-Nu'man et aux Omeyyades lors de l'expansion islamique en Afrique du Nord au VIIe siècle. Surnommée Al-Kahina (la socière) par les arabes, elle dirige la résistance la plus déterminée à l'invasion. Autour de 690, elle commande toutes les armées d'Afrique du Nord.
C’est une des premières reines guerrières de l'Histoire. Chef de guerre, chevalière invincible, et intrépide, considérée par les Berbères comme meilleure chevalière de tous les temps, car à elle seule elle a faillie exterminer un bataillon lors d'une bataille livrée aux Arabes.
Sauvegarde de :
http://fr.guyderambaud.wikia.com/wiki/Dihya,_la_Kahina
Statue de Dihya, à Khenchela.
Dihya.
Dihya, Daya Ult Yenfaq Tajrawt (belle
gazelle, en tamazight), est surnommée la Kahena ou Kahina (la
sorcière, en arabe) par certains historiens musulmans, comme Ibn Khaldoun. Elle
est née vers 664, dans les Aurès, et morte en 704[1], dans les montagnes autour
de Khenchela, ou plutôt 702-703[2]. Elle est enterrée à Bir
El Ater(Tébessa), selon une intervention, lors du 6e colloque
sur El Kahina, à Khenchela, du Professeur Zineb Ali Benali de l'université
Paris VIII.
A la fin de l'Antiquité, l'Ifriqiya appartient au monde chrétien et à la communauté latine. Un changement culturel, qui peut passer pour radical, va faire des Berbères dont beaucoup se croient Romains des musulmans[3].
Daya Ult Yenfaq Tajrawt est le chef de la tribu des Djerawas, puis devient la reine
guerrière de tous les Berbères des Aurès qui règne de 685 environ à 704. Elle
s'oppose à Hasan
ibn al-Nu'man et aux Omeyyades lors de l'expansion islamique en
Afrique du Nord au VIIesiècle. Al-Kahina dirige la résistance la
plus déterminée à l'invasion. Autour de 690, elle commande toutes les armées
d'Afrique du Nord[4].
C’est une des premières reines guerrières de l'Histoire.
Chef de guerre, chevalière invincible, et intrépide, considérée par les
Berbères comme meilleure chevalière de tous les temps, car à elle seule elle a
faillie exterminer un bataillon lors d'une bataille livrée aux Arabes.
Certains auteurs la considèrent comme juive[5], d'autres comme chrétienne[6] et Ibn Khaldoun en
fait une sorcière dans son Histoire des Berbères. Pour certains
musulmans être juif c'est être le diable[7].
Bien que de nombreuses sources parlent de la Kahina, Ibn
Khaldoun est le seul qui donne son nom :
Parmi eux les Jarawa les plus puissants se distinguaient
surtout la Kahina, reine des montagnes des Aurès. Awras de son vrai nom[8].
Sa résistance et celle de Kosaila
(ca 640 - 686), avant 686, sont tellement opiniâtres, que les armées
musulmanes reculent parfois. Ils doivent promettre une certaine autonomie aux
Berbères, en échange de leur soumission et de leur conversion[9].
Femme éprise de liberté ; femme amazighe, elle honore
leur histoire. Elle brille comme une lumière qui éclaire le long chemin vers
l'identité et la liberté des Berbères. Citons le chant de guerre de
Dihya :
Galope ma jument amazighe
Et guide les miens vainqueurs
Je suis la Dihia guerrière[10].
Ibn Khaldoun nous dévoile que la Kahina a des pouvoirs
magiques et écrit : Hassan accorde au fils de la Khahina le
commandement en chef des Djerawas et
le gouvernement du Mont Awres, il faut savoir que d'après les conseils de cette
femme, conseils dictés par les connaissances surnaturelles que ses démons
familiers lui avaient enseignées, ses deux fils s'étaient rendus aux Arabes
avant la dernière bataille Il faut casser l'image de la résistante en
en faisant une juive envoyée par le diable pour combattre le Djihad, qui va
être responsable de la destruction des forêts, des cultures irriguées et des
villes et villas de l'Empire romain.
L’amphithéâtre d'El Jem en 1875.
Sommaire
Sa famille et leur religion
.
Saint Augustin, Evêque d'Hippone-Bône (354 - 430) est en
partie Berbère.
Cavalière berbère.
Dihya est la fille de Tabat, descendant de Nisan (Tiqan)[11]. Son père est le chef
des Djerawas, une tribu
berbère de l'Aurès, au cours au milieu du VIIe siècle. Certains
historiens parlent plutôt d'un clan princier[12].
Tabat,
selon certains spécialistes s'appelle Matiya, forme arabisée des
prénoms Matthias ou Matthieu et est le fils de Tífan (Théophane).
À la fois un des fils et le père de Dihya portent des prénoms chrétiens[13].
Au XIXe siècle, et par la suite, des
romanciers prétendent que Daya Ult Yenfaq Tajrawt est juive et que sa tribu
sont des Berbères judaïsés, ce que les universitaires actuels réfutent
totalement[14]. Le surnom que lui
donnent certains historiens arabes, bien après son combat contre les
envahisseurs musulmans, la Kahena, rappelle le nom juif Kohen (en
hébreu prêtre, en arabe sorcier). La prétendue conversion au judaïsme de la
tribu des Djerawas est
une pure invention. Consuela Lopez-Morillas ou Oliver Asin - entre autres - les
considèrent comme chrétiens[15]. C'est aussi l'avis de
Gabriel Camps[16].
Ibn Khaldoun, historien musulman bien des siècles après,
raconte qu'à la fin des empires romain et byzantin des mouvements dits de
conversion au judaïsme ou de judaïsation ont lieu chez les Berbères et les
Soudanais. Haim Zeev Hirschberg dit que tout ce qu'il écrit sur ce sujet est
totalement infondé[17]. Camps ajoute que les
provinces romaines d'Afrique ont été évangélisées au même rythme que les autres
provinces de l'Empire romain et possédant des églises vigoureuses[18].
Haim Zeev Hirschberg ajoute que dans les légendes orales des
juifs d'Algérie, bien au contraire la Kahya est dépeinte comme un ogre
et persécutrice des Juifs.
Selon al-Maliki, elle transporte lors de ses voyages ce que
les Arabes appellent une idole, peut-être une icône de la Vierge ou
l'un des saints chrétiens, mais certainement pas quelque chose associée à des
coutumes religieuses juives[19]. L'argument que les juifs
sont des Berbères ou des Khazars convertis est de nos jours repris par des
propagandistes antisionistes.
Daya Ult Yenfaq Tajrawtal-Kāhinat est peut-être d'ascendance
mixte : berbère et byzantine chrétienne, puisque l'un de ses fils est
décrit comme un Yunani ou Grec[20]. Il faut voir en Daya une
Berbère romanisée.
Ruines d'un fort byzantin dans les Aurès.
Sa jeunesse
.
Le Jihad
.
Conquête musulmane.
Dame de Carthage à l'époque byzantine.
De la péninsule arabique les Arabes partent à la conquête du
monde. C'est le Jihad par l'épée qui légitime ces guerres
contre les non-musulmans[21]. Michael Bonner, dans Le
Jihad. Origines, interprétations, combats, souligne que le Jihad est
considéré comme un outil pour ouvrir le fath (monde) à
l'islam. En 643, les Arabes, dirigés par le calife Omar, atteignent la
Tripolitaine et réduisent en esclavage les femmes et les enfants au profit de
l'armée musulmane. Néanmoins les musulmans voient leurs armées engagées dans
une campagne visant à la conquête de l'empire sassanide. Ils ne veulent pas
s'engager plus loin en Afrique du Nord, car le pouvoir musulman en Egypte est encore
faible. Le calife émet des ordres stricts d'abandonner Tripoli, vers la fin de
l'année 643, selon Muhammad Husayn Haykal et son al Farouq Umar.
Cependant la tradition prophétique présente aussi le Jihad comme
un moyen de subsistance. Le Prophète dit :
Allah a placé ma rizqi (subsistance) sous
ma lance.
Les siras et autres ouvrages d'histoire islamiques montrent
aussi que les batailles permettent d'exiger des capitations des populations
assujetties[22].
Le Prophète interdit de disposer à sa guise des prisonniers,
et de tuer les femmes et les enfants lors des batailles[23]. Les captifs doivent
devenir des esclaves ou être relâchés sous rançon. C'est aussi la règle chez
les chrétiens à cette époque.
Dans l'Ifriqiya les habitants romanisés des
villes et des plaines du littoral se sont convertis au christianisme. Mais la
domination romaine s'effondre. Avant l'invasion arabe de farouches guerriers,
les Levathae, les mêmes que les auteurs arabes appelleront plus tard Louata,
ruinent le grenier à blé de Rome. Ces nomades chameliers, venus de l'est,
pénètrent dans les terres méridionales de la Byzacène (Kairouan) et de Numidie
(nord de l'Algérie) qui avaient été mises en valeur au prix d'un rude effort
soutenu pendant des siècles et font reculer puis disparaître l'agriculture
permanente, remplacée par une steppe désolée[24].
Au VIIe siècle; la complexité sociologique,
voire ethnique, du pays, s'accroît encore. Aux Romano-Africains des villes et
des campagnes, et aux Maures non romanisés issus des gentes paléoberbères, se
sont ajoutés les nomades zénètes, les Laguantan et leurs émules, les débris du
peuple vandale, le corps expéditionnaire et les administrateurs byzantins qui
sont des Orientaux. Cette société devient de plus en plus cloisonnée dans un pays
où s'estompe la notion même de l'Etat[25].
Les sociétés paysannes sont parfois très méridionales comme
le montrent les Tablettes Albertini, archives notariales sur bois
de cèdre, trouvées à une centaine de kilomètres au Sud de Tébessa[26].
Une princesse berbère
.
Tadmayt La reine Amazighe Kahina
Hommage à Dihya la kahina
Africa, déesse berbère et romaine.
Kosaila
(ca 640 - 686) Dihya naît vers 664. Après la domination carthaginoise,
romaine et vandale, les Byzantins gouvernent et sont censés protéger
l'Ifriqiya. Cet empire, succède de Rome en Afrique du Nord au nom de la défense
de la chrétienté et de l'Empire. Le général Bélisaire bat les Vandales, tandis
que la pacification du territoire reste laborieuse du fait des révoltes de
certains Berbères[27]. D'autres se
convertissent au christianisme et sont alliés des Byzantins.
C’est dans ce contexte que survient peu après la conquête
musulmane, avec là-encore des conversions. En 664, Gennadius,
exarque d'Afrique, refuse d'envoyer au gouverneur des provinces occidentales de
l'Empire, Constans, les recettes des impôts, et expulse le représentant de
l'empereur[28]. Ces actes de rébellion
provoque un soulèvement en Afrique. Les garnisons se joignent aux citoyens,
dirigés par Eleutherios le Jeune, et expulsent Gennadius, en
665[29]. Le Byzantin malhonnête
et rebelle, Gennadius,
se réfugie à la cour du calife Muawiya à Damas. Ce traître lui demande de
l'aide pour reprendre Carthage. Le calife accepte et envoie une armée
avec Gennadius pour
envahir l'Afrique byzantine en 665[30].
Dihya est la fille aînée d’un grand chef des Aurès. Dahya ne
connaît pas les contraintes. Mais des femmes de sa tribu, les Djerawas, elle possède la
beauté farouche, des hommes, le courage indomptable. Ibn Khaldoun propage de
nombreuses légendes sur Dihya. Un certain nombre d'entre eux se réfère à sa
longue chevelure ou sa grande taille, deux caractéristiques légendaires des
sorcières. Elle est également censée avoir le don de prophétie[31]. Ibn Khaldoun raconte
qu'elle a trois fils, ce qui est caractéristique des sorcières dans les
légendes. Dans la réalité, deux sont les siens et le troisième est un jeune
prisonnier arabe adopté. Une autre légende prétend que, dans sa jeunesse, elle
a parait-il libéré son peuple d'un tyran en acceptant de l'épouser, puis l'a
tué lors de leur nuit de noces.
Enfant Daya Ult Yenfaq Tajrawt ne connaît que la guerre. Sa
tribu est alliée des Byzantins et combat les musulmans. Kosaila
(ca 640 - 686), prince chrétien berbère combat lui-aussi les musulmans.
Caecihu-Kosaila (ca 640 - 686)
Kosaila (ca 640-686)
Raid de Uqba ibn Nafi, en 682,
jusqu’à l'Atlantique.
En 665, une armée califale bat les Byzantins débarqués à
Hadrumète, mais se replie sur l'Égypte. En 670, Uqba ibn Nafi (622 - 683),
fonde au cœur de la Byzacène une place forte, Qairawan(Kairouan),
pour tenir en respect les Byzantins des villes côtières. Son but est aussi de
défendre des Berbères.
Koceïla-ben-Lemezm
(ca 640-686), Aksil, chef de tribu amazighe résiste à la conquête
musulmane. Son nom, Aksil (guépard en amazighe). Kosayla ou Kusila,
en arabe, peut être rapproché de Caecilianus, en latin. D'après une
ingénieuse supposition de Ch. E. Dufourcq, Koceila porte un nom
latin : Caecihus, déformé par les Arabes[32]. Si Dihya va être
surnommée la sorcière, ce prince lui a le droit au surnom peu flatteur de Kelb-Roumia (chien
de l'étrangère).
La tribu dont il devient le chef réside le long de la
bordure méridionale du Tell (le sud tunisien et algérien). Elle est formée par
les sédentaires Aouraba du groupe Branès selon la fameuse classification des
Berbères établie par Ibn Khaldoun. C’est ainsi que les chroniques arabes
adjoignent à son prénom, les ethniques El-Aourabi et El-Baranssi. sa confession
est chrétienne et laisse imaginer au vu de son rang social une culture latine
en plus de son rapprochement signalé avec le monde byzantin[33].
Aksil à l'époque de la révocation de Uqba ibn Nafi (622-683),
en 675, et la nomination à sa place de Ibn Mouhajir Dinar lève alors une armée,
mais il est vaincu près de Tlemcen.
Le prince se convertit à l’Islam, tout en restant aux côtés
du vainqueur dont il est un proche collaborateur. Uqba ibn Nafi (622-683) est
nommé à la tête du Maghreb en 681, mais Koceila subit un tas de brimades de ce
gouverneur.
En 682, avec ses troupes arabes et des Mawâli (convertis
berbères), Uqba ibn
Nafi (622 - 683) entame une grande chevauchée jusqu’au rivage de
l’Atlantique, non sans provoquer quelques soulèvements de tribus, tout en
bénéficiant d’appuis d’autres chefs berbères.
Luis Garcia de Valdeavellano écrit que :
Les Arabes chefs avaient considérablement étendu leurs
possessions africaines, et dès l'année 682 Uqba avaient atteint les rives de la
de l'Atlantique, mais il était incapable d'occuper Tanger, car il a été
contraint de rebrousser chemin vers le montagnes de l'Atlas par une personne
mystérieuse qui est devenu connu dans l'histoire et la légende comme le comte
Julien. Les historiens musulmans ont parlé de lui comme Ilyan ou Ulyan, son
véritable nom était probablement Julian, le Uldoin gothique ou peut-être Bulian[34].
Koceïla-ben-Lemezm
(ca 640 - 686) fait partie de son armée et l’accompagne dans son
expédition qui le mène au Rif, et à Souss… Là, Uqba ibn Nafi (622 - 683) massacre
les habitants de cette région et s'empare de leurs femmes. Il pénètre à cheval
dans l'Atlantique prenant Allah à témoin qu'il n'y avait plus d'ennemis
de la religion à combattre ou d'infidèles à tuer[35].
Les tribus qui ont embrassé la foi islamique sous la menace
du sabre, reviennent à leur première religion chrétienne ou païenne. Kosaila
(ca 640 - 686), très maltraité, est au nombre de ces apostats[36]. Sur le chemin de retour,
Aksil reprend ses correspondances avec les Byzantins et profite d’une occasion
pour prendre la fuite. Son armée augmente pendant que celle de son ennemi
diminue en raison de la défection des Berbères, sans oublier la présence des
Roums.
Le palais de Koceila (Tahouda)
Ruines du palais de Koceila à Tahouda
La vallée où est tué Uqba par Koceila.
Bataille entre Berbères et musulmans.
Au retour de son raid, Uqba est surpris en
683 par une coalition de Byzantins et de Berbères chrétiens placés sous les
ordres du prince awraba Koceïla-ben-Lemezm
(ca 640 - 686)[37].
Devant la brutalité inouïe de Uqba et de ses
troupes, qui effraie même le Calife à Damas, les citadins gréco-byzantins
oublient leur méfiance des Berbères et décident de former une alliance avec
eux. De leur côté, les différentes tribus et principautés berbères acceptent de
s'unir pour la circonstance. Le chef choisi pour diriger cette coalition
anti-arabe est le prince berbère chrétien, Koceïla, qui gouverne un vaste
royaume semi-indépendant dans les Aurès[38].
Les garnisons arabes sont massacrées dans les villes où
elles stationnent. Uqba est
forcé de se replier vers l'Est. Il commet alors une grossière erreur : il
sépare ses troupes en deux, renvoyant vers l'Egypte le gros de son armée,
chargée d'escorter le fruit de leurs pillages en Afrique du Nord[39].
Uqba est
tué lors du combat livré à l'Oued el Abiod, au lieu dit Tahouda, au sud de l'Aurès.
Ses gardes, au nombre de trois cents, mettent pied à terre, dégainent leurs
épées et en brisent les fourreaux, dont ils sentent bien qu'ils n'auront plus
besoin. Uqba et
tous les siens succombent. Le corps de sidi Ukba est enterré dans l'oasis de ce
nom, à quatre lieues de Biskra.
Aksel marche, en 683, sur Kairouan, base des troupes
musulmanes du Maghreb, provoquant la panique chez les chefs arabes dont
certains prônaient carrément l'abandon de toutes leurs conquêtes à l'ouest de
la Cyrénaïque. Le compagnon d’Uqba, Zuhair ibn Qais se réfugie à Barqa dans
l’attente des renforts, ses troupes ayant refusé de lui obéir et d’attaquer les
Berbères. Le pays n'en reste pas moins disputé.
Ce n’est que trois ans plus tard qu’arrivent les hommes et
l’argent à la rescousse. Une grande bataille oppose en 686 à Mems, à trente
kilomètres à l’ouest de Kairouan, l’armée de Zuhair ibn Qais et celle de Kosaila qui
est finalement tué dans la bataille après avoir régné durant trois ans à
Kairouan.
Si, pour les populations arabisées d'Afrique du
Nord, Uqba est
devenu un saint (une ville, Sidi Oqba, ayant même été fondée près du lieu de sa
mort, à Tahouda, dans les environs de l'actuelle Biskra), la mémoire de Koceïla-ben-Lemezm
(ca 640 - 686) reste vivace chez les berbérophones, qui en on fait un
symbole de la résistance à l'arabisation forcée[40].
Quant à la grande tribu dont est issu Kosaila,
elle laisse d’autres pages dans l’histoire. Les Aouraba du fait de la Conquête
musulmane au Maghreb s’établissent dans la région de Taza, dans le Rif et dans
la région du Zerhoun, précisément à Walili (Volubilis). Idris
ibn Abdallah se marie avec Kenza l’Awrabienne, mère de tous les
Idrissides. Mais c'est une autre histoire !
Le temps des victoires
.
Soldats byzantins au VIIe s.
Ruines de Kasr El Kahina.
Koceila en prenant Kairouan se présente comme un dirigeant
légitime musulman. Cela crée un grand malaise dans les Byzantins.
Quand le roi des Berbères, et des populations côtières, est
tué, les Arabes ne laissent qu'une simple garnison à Kairouan, bientôt
massacrée par un corps byzantin débarqué à Barka. Constantinople, après des
années d'angoisse, envoie des renforts pour renforcer les villes côtières, et
remplacer Kosaila.
Le chef arabe Hassan atteint les Aurès après avoir vaincu le
chef berbère Kosaila,
en 686.
Depuis la mort de Koseila, les Berbères se sont mis sous
l'autorité d'une femme surnommée Kahina, qui vit retirée dans les montagnes des
Aurès. Hassan marche contre elle. Elle ordonne avant d'aller au combat la
destruction de sa propre capitale, Baghaï (à 16 km de Khenchela), de sorte
qu'elle ne puisse ni abriter, ni ravitailler les musulmans. Durant cette
première bataille, Dihya remporte une victoire sur les troupes d'Ibn Numan à
Miskiana (entre Tebessa et Aïn Beïda, dans la région constantinoise)[41]. Dans cette vallée
déserte et asséchée, Dihya dissimule son armée pendant la nuit. Lorsque les
musulmans l'attaque, ils reçoivent une pluie de flèches tirées entre les jambes
des chameaux des Berbères. Cette victoire est depuis appelée bataille
des chameaux. Après un combat acharné, les musulmans sont mis en déroute,
et plusieurs des compagnons de Hassan sont faits prisonniers. Hassan se retire
avec les débris de son armée à Barka, d'où il écrit à Abd-et-Métiit pour
l'informer de sa position. Le calife lui enjoint de rester où il est jusqu'à
nouvel ordre.
Hassan est à nouveau battu par Dihya, en 695, près de
Tabarqa.
Hassan Ibn Numan est nommé comme nouveau gouverneur de
l'Ifriqiya par le calife omeyyade. Ce gouverneur, en mettant de côté les vieux
conflits avec les tribus locales, décide de supprimer la présence permanente
byzantine dans la région. C'est la main noire qui est derrière la plupart des
rébellions. Avec une impressionnante armée de 140.000 hommes, surtout des
Égyptiens, il décide de soumettre Carthage, la puissante capitale byzantine de
l'Afrique, qui jusqu'à présent na pas été prise du fait de ses puissants murs
et du réseau de forteresses qui le protègent.
Vers 698, Hassan Ibn Numan lance une attaque rapide sur tous
les fronts. Il veut capturer les forts byzantins et détruire le port de
Carthage. Sans espoir de renfort soit par terre ou par mer, la ville est
finalement prise par les musulmans. Les habitants échappés à la mort ou à
l'esclavage en gagnant la Sicile byzantine ou l'Hispania des Wisigoths.
L’exarchat de Carthage est finalement mis à bas par Hassan Ibn Numan à la tête
de son armée de 140.000 hommes. Il finit par détruire Carthage.
Le temps des défaites
.
Dihya vue par les manuels scolaires marocains.
Tajjmint, refuge de la Kahina.
Le rocher de la Kahina.
Carthage est pillée, sa population est massacrée et les
survivants réduits en esclavage. Hassan envoie des troupes dans les campagnes
environnantes pour ordonner à la population terrorisée de se rallier[42].
C'est sur les plaines de la région de Baghaï que la reine
Kahina fait ériger plusieurs forteresses lors de son opposition à l'avancée de
l'armée du conquérant musulman Hasan ibn al-Nu'man,
qu'elle défait encore en l'an 698, juste après qu'il ait conquis Carthage.
Les Byzantins envoient une puissante flotte, également
renforcée par des troupes wisigoths. L'armée débarque et reprend Carthage,
forçant les Arabes à se retirer vers le sud. Mais, étonnamment, ils sont
vaincus par les Arabes.
Le calife Abd el-Malik apprend qu'une flotte byzantine a
repris Carthage à la faveur des difficultés que rencontrent les Arabes face aux
Berbères. Toutefois Carthage est définitivement perdue en 699. Kairouan, rebâtie
à cette occasion, prend dès lors la place de Carthage en tant que capitale. La
destruction de l’exarchat de Carthage marque la fin de l’influence romaine et
byzantine en Afrique du Nord, et la montée de l’islam au Maghreb[43].
Dès l’Exarchat de Carthage vaincu, l’amphithéâtre de Jem
devient une forteresse et un lieu de refuge. Le monument est parfois
appelé ksar de la Kahena. Vaincue et traquée, elle se réfugie,
selon les légendes[44], avec ses partisans dans
l’amphithéâtre et y résiste durant quatre ans.
Hasan
ibn al-Nu'man demande encore un supplément d'hommes au calife Ibn
Marwan pour attaquer les Berbères des Aurès, les derniers résistants, l'ultime
bastion.
Les légendes raconte que Dihya fait pratiquer la politique
de la terre brûlée pour dissuader l'envahisseur de s'approprier les terres. La
reine des Berbères dit à son peuple : Les Arabes veulent s'emparer
des villes, de l'or et de l'argent, et nous ne désirons posséder que des champs
pour !a culture et le pâturage. Je pense donc qu'il n'y a qu'un seul plan
à suivre : c'est de dévaster le pays afin de les décourager. En
conséquence. Elle envoie ses partisans de tous côtés pour détruire les
villes, démolir les châteaux, couper les arbres et enlever les biens des
habitants. Tout le pays, depuis Tripoli jusqu'à Tanger, est, selon ibn-Ziad,
entièrement détruit par cette femme. Elle s'aliène par là une partie de son
peuple : les citadins berbères sédentaires, les nomades des campagnes. Des
querelles divisent les tribus berbères. Mais tout cela est faux[45] et est là pour
expliquer la paupérisation du Maghreb après la conquête arabe.
Les Arabes progressent rapidement. Voyant que tout est
perdu, la Kahina envoie ses deux fils faire leur soumission à Hassan[46].
Selon la légende, elle est trahie par son jeune amant, qui
la poignarde, ou l'empoisonne selon d'autres auteurs. Une autre version dit
qu'elle affronte, avec ses dernières troupes, une seconde fois, en 701, l'armée
de Hasan ibn
al-Nu'man, soi-disant près de Kaïs. Hasan ibn al-Nu'man accourt
au devant d'elle avec une armée imposante et plus forte qu'aucune de celles que
les Arabes lui ont opposées jusqu'alors. Elle est tuée. Sa tête, coupée et
embaumée, est envoyée au calife de Damas. Là encore il s'agit de légendes[47].
Dans la réalité sa fin est différente. La politique de la
terre brûlée pratiquée par la reine, selon Ibn Khaldoun, provoque la désunion
qu'Hassan sait attiser... Ces péripéties exigent plusieurs mois sinon des
années. Ch. E. Dufourcq, se fondant sur d'autres traditions, pense que la mort
de la Kahina se situe plutôt en 702-703[48]. Dihaya est vaincue à la
bataille féroce de Tabarka[49] et certainement
blessée. Elle est contrainte de se réfugier près de Bir El Ater (Tébessa). Elle
y est tuée et enterrée[50]. Ce qui explique
l'appellation de Bir El Kahina donnée par des historiens à Bir El Ater[51]. Au cours d’une intervention,
lors du 6e colloque sur la Kahina, à Khenchela, le Pr. Zineb
Ali Benali, de l'université Paris VIII, soutient la thèse de l'enterrement de
la reine amazighe à Bir El Ater, la qualifiant de plus plausible que
celle de sa décapitation et de l’acheminement de sa tête à Damas au palais du
calife omeyyade Abdelmalik Ibn Merouane.
Après sa mort
Tariq ibn Ziyad débarquant à côté de Gibraltar.
La province de Carthage, ainsi que tout le nord de
l'Afrique, sont très peuplés avant la conquête. Des canaux d'irrigation, de
gigantesques aqueducs suppléent en maint endroit au manque d'eau de rivière ou
de pluie. Il n'est pas une ville qui n'a au moins un théâtre de pierre ou de
marbre, et toujours un cirque aux castes proportions. Partout d'ingénieux
systèmes de citernes étanchées et voûtées ; des palais, des temples, des
églises construites avec un luxe d'architecture inouï. Un auteur arabe
écrit :
D'immenses et magnifiques forêts séculaires s'étendent
depuis la Cyrénaïque jusqu'à l'océan, sans interruption, à ce point, que l'on
peut traverser toute l'Afrique, de l'Orient à l'Occident, sous un dôme de
verdure et sans apercevoir les rayons du soleil.
Quarante années suffisent (642 - 680) pour couvrir le nord
de l'Afrique de ruines sur une étendue de près de huit cents lieues du levant
au couchant; quarante années suffisent pour que les marchands et les riches
paysans du grenier de l'Empire deviennent des Sarrasins vivant principalement
de piraterie ou de pillage.
Des populations des côtes très vite on en entend plus
parler. Se convertissent-elles à l'islam ou sont-elles massacrées ou bien
encore réduits en esclavage ? De nos jours, malgré l'hétérogénéité
berbère, les échantillons d'ADN suggèrent que l'arabisation est principalement
un processus culturel plutôt qu'un remplacement démographique[52]. Certains seigneurs
musulmans en Europe vont d'ailleurs s'allier à des princes ou des princesses et
devenir les amis et alliés du Cid. Néanmoins la mort de Dihya va être le
début du déclin de cette partie du monde. Le grenier à blé des empires romain
et byzantin devient le pays de bergers incultes et le refuges des pirates
barbaresques jusqu'en 1830.
Hasan
ibn al-Nu'man propose une amnistie générale. Rentré à Kairouan, il
accorde la paix à tous les Berbères qui se soumettent et se convertissent à
l’islam, ainsi qu’aux Grecs et aux Berbères chrétiens à conditions qu’ils
paient l’impôt. Les Berbères doivent fournir aux Arabes un corps auxiliaire de
douze mille hommes. Ils sont commandés par les deux fils de la Kahina[53].
Hasan
ibn al-Nu'man développe ensuite Tunis, près de Carthage, puis est
remplacé par Mūsā ibn Nuṣayr, vers 705[54]. Ce dernier achève la
pacification de l'Afrique du Nord, mais échoue à prendre Ceuta.
Kahina a trois enfants, l'un conçu à partir par un père grec
chrétien, le second fils par un père berbère, et le troisième est un Arabe
adopté comme fils. Ses deux fils sont généraux, mais aussi gouverneur des Aurès[55].
Moins de 10 ans après la mort de Dihya, c'est un Berbère
converti, Tariq ibn Ziyad, qui débarque à côté de Gibraltar. En Espagne les
conversions à l'islam vont être là encore être nombreuses et rapides. C'est la
cas des Banu Qasi.
Carthage avant sa destruction.
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