Dans la littérature, les manuels d'histoire, ou les médias, l'esclavage de 2.000.000 d'Européens de l'Ouest et du Sud par les Maghrébins est minimisé, voir presque ignoré.
Tidiane N’Diaye, écrivain et anthropologue, montre comment les puissances arabo-musulmanes organisent un esclavage massif. Les médias politiquement corrects affirmant que leur sort doit obligatoirement être considéré comme doux en comparaison de celui des esclaves noirs aux Amériques.
Beaucoup d'historiens ne parlent pas d'un autre aspect de la traite des Noirs, qui touche la déportation de 17.000.000 de personnes par des musulmans. Comme les esclaves blancs, ils sont castrés par écrasement des testicules, pour qu'ils ne fécondent aucune femme arabo-musulmane. Les morts du fait de cet acte de barbarie sont innombrables.
Massacre et enlèvement d'enfants par des barbaresques.
Prisonniers des barbaresques emmenés en esclavage dans un
port d'Afrique.
Maghrébins frappant des esclaves européens.
Achat d'une esclave européenne.
Esclave européenne fouettée par les barbaresques (Angélique
et le Sultan).
Miguel de Cervantès (1547-1616) est esclave des
barbaresques.
Alger : rachat des esclaves chrétiens par Jean de
Matha.
Libération des esclaves d'Alger.
L'une des scènes les plus populaires de Molière est celle où
le fourbe Scapin extorque cinq cents écus à Géronte en lui faisant croire que
son fils Léandre a été emmené à Alger comme esclave. Que diable
allait-il faire dans cette galère ? se lamente Géronte, qui finit
par lui remettre le prix de la rançon[1].
Dans la littérature, les manuels d'histoire, ou les médias,
l'esclavage de 2.000.000 d'Européens de l'Ouest et du Sud par les Maghrébins
est minimisé, voir presque ignoré[2].
Tidiane
N’Diaye, écrivain et anthropologue, montre comment les puissances
arabo-musulmanes organisent un esclavage massif. Les médias politiquement
corrects affirmant que leur sort doit obligatoirement être considéré comme doux
en comparaison de celui des esclaves noirs aux Amériques. A des siècles
d'idéologie dominante raciste succède l'opposition entre l'Arabe musulman
obligatoirement bon et le méchant judéo-chrétien.
Beaucoup d'historiens ne parlent pas d'un autre aspect de la
traite des Noirs, qui touche la déportation de 17.000.000 de personnes par des
musulmans. Comme les esclaves blancs ils sont castrés par écrasement des
testicules, pour qu'ils ne fécondent aucune femme arabo-musulmane. Les morts du
fait de cet acte de barbarie sont innombrables.
Le sort de 300.000 Français, esclaves chrétiens en Afrique
du Nord, est à peine abordé, même par un excellent historien comme Braudel,
pourtant considéré comme le spécialiste de l'histoire du bassin occidental de
la Méditerranée. Et des romanciers, et autres faux historiens, quand ils
parlent de la conquête de l'Algérie et de l'établissement des protectorats en
Tunisie et au Maroc, ne parlent plus de l'une de ses motivations, mettre fin à
l'esclavage des Européens dans ces pays[3].
Du IXe jusqu'au XIXe siècle[4], les pirates barbaresques
font régner la terreur dans le bassin occidental de la Méditerranée,
selon La piraterie barbaresque en Méditerranée: XVI-XIXe siècle, de
Roland Courtinat (2003).
Le livre de Robert
C. Davis, Esclaves chrétiens, maîtres musulmans. L'esclavage blanc
en Méditerranée (1500-1800)[5], édité en 2006, et ceux
eux aussi très récents d'autres universitaires anglo-saxons, quelques
documentaires de chaînes TV d’histoire, et des articles de journaux, permettent
de mieux comprendre cette période inconnue malgré la censure des nouveaux
bien-pensants. Rayer de notre mémoire le danger et le drame que représente pour
certains de nos ancêtres l'esclavage des chrétiens par les Ottomans, les
Algérois, Tunisiens, Tripolitains et Marocains, peut faire penser à l’attitude
des Turcs face au génocide arménien.
Parfois si nous sommes Occitans, Catalans ou Corses, voire
d'origines italiennes ou espagnoles, ou de familles de marins, nous sommes
apparentés à toutes ces victimes.
Sur mer, les corsaires attaquent les galères chrétiennes,
les navires de pêche ou marchands. Peu de zones côtières sont à l'abri des
razzias des barbaresques, même celles du sud de l'Angleterre[6]. Parfois, ils pénètrent
loin dans les terres par les fleuves pour piller et emmener des prisonniers
dans les bagnes du Maghreb ou d'autres places dans l'empire ottoman.
Ces prises nuisent au développement de régions entières et
au développement du négoce et de la pêche. Les ponctions humaines régulières et
les rançons élevées provoquent la ruine d'une partie de nos aïeux et la
décomposition du tissu social. La Méditerranée devient la mer de la peur,
nombre d'habitants des côtes délaissent les littoraux pour s’installer plus
loin, vers l’intérieur[7]. Les villages sont
construits sur des hauteurs. Néanmoins les seigneurs, puis les garde-côtes
empêchent parfois bien des drames.
Les causes de l’esclavage des chrétiens sont tour à tour
mentionnées par Robert C. Davis :
combattre la Reconquista, prendre une revanche sur les croisades, le Djihad...
Pour d’autres, plus nombreux, c’est l’appât du gain, le viol des femmes et même
des jeunes garçons...
Un esclave reste un esclave, et le négrier n'a ni race ni
couleur. Robert Davis a raison de mettre l'accent sur ce drame méditerranéen,
souvent oublié. La traite arabe concerne en son temps un territoire qui déborde
de l'aire arabe. Les négriers ne sont pas exclusivement musulmans. Des juifs,
des chrétiens et des renégats participent à ces entreprises.
Les Blancs ont oublié ce dont les Noirs se souviennent. Il
faut toutefois préciser que l'esclavage n'est pas né et ne s'est pas développé
avec l'islam. La traite arabe est en fait un détail mineur de l'histoire passée
des civilisations musulmanes. Beaucoup de musulmans sont eux aussi des victimes
de l'esclavage organisé par des chrétiens au moyen-âge.
Le million et quelques de victimes de certains musulmans,
chrétiens, renégats ou juifs n'excusent en rien les crimes horribles des
armateurs esclavagistes européens et américains vis à vis des Noirs. Comme un
bon nombre de ces criminels sont juifs, cela montre que ce trafic n'est en rien
lié uniquement à l'une des religions du livre et pas aux deux autres. Cet
article essaie aussi de montrer que l'esclavage des Blancs par les pirates
maghrébins est l'une des causes principales de la colonisation française de
l'Afrique du Nord. Mais il n'est pas non plus écrit pour justifier le
colonialisme et ses crimes[8].
Comme le montre Malek Chebel, dans L'esclavage en
terre d'islam(2007), l'esclavage est en réalité la pratique la mieux
partagée de la planète, un phénomène quasi universel, un tabou bien gardé.
L'absence de descendants d'esclaves, du fait de la castration des victimes,
dont parle l'anthropologue Tidiane N'Diaye, est
également l'une des causes de l'absence de débat et de reconnaissance de
l'esclavagisme arabo-musulman.
Captives and Corsairs: France and Slavery in the Early
Modern Mediterranean, de Gillian
Lee Weiss, qui vient d'être publié par Stanford University Press, permet
d’en avoir plus sur ce passé méconnu[9].
Sommaire
AU MOYEN-ÂGE
De l'antiquité à l'an mil
Avant la naissance de l'islam
Esclaves juifs du temps de la civilisation pharaonique.
Le mot hébreu qu'on traduit par celui de serviteur répond
proprement à notre mot esclave. Au temps d'Abraham, les serviteurs, achetés ou
nés dans la famille, font partie des possessions de son chef patriarcal, comme
les chameaux. Il y a donc chez les juifs, comme chez leurs voisins de Syrie et
d'Arabie, tous les genres d'esclavage et de commerce d'esclaves. La loi
mosaïque établit d'ailleurs une distinction essentielle entre les esclaves
indigènes et ceux achetés à l'étranger. Les premiers, après dix années de
servitude, sont parfois rendus à la liberté. Par contre, les enfants des
esclaves, tant indigènes qu'étrangers, demeurent la propriété perpétuelle des
maîtres.
Les Hébreux sont eux-même esclaves en Egypte et à Babylone.
Du temps des cités et royaumes grecs, en Egypte ou dans
l'empire romain, sans oublier l'Amérique du sud les esclaves sont encore plus
nombreux que chez les Sémites et ils sont parfois encore plus maltraités. Ils
font la richesse des grands propriétaires terriens et l'Europe va connaître le
servage. Il disparaît en Occident en même que l'esclavage se développe dans les
pays du Maghreb et al-Andalus.
Islam et esclavage
.
Chef arabe et une esclave.
Bataille de Guadalete (711).
Prisonniers chrétiens allant être massacrés par les Maures.
Futures esclaves avec les têtes de leurs maris, parents et
amis.
Pour l'Islam, l'esclavage va devenir une tradition
vénérable. Mamadou Dia souligne
que le point faible de l'Islam, sur le plan des institutions sociales,
c'est l'esclavage. Le reste n'est que mensonge.
Pour l'anthropologue Malek Chebel, le livre fondateur
de l'islam évoque l'esclavage dans pas moins de 25 versets sans le condamner
formellement et dit que l'abolition relève de la seule initiative personnelle
du maître. Plusieurs versets entérinent au demeurant l'infériorité de l'esclave
par rapport à son maître[10].
Le prophète Muhammad recommande aux musulmans de ne pas
asservir d'autres musulmans. D'où une tendance des maîtres à empêcher la
conversion de leurs esclaves. Les risques et les souffrances occasionnés par la
circoncision adulte font que les mâles chrétiens se convertissent plus rarement
que les femmes.
En ce qui concerne les non-musulmans, le prophète critique
ceux qui ne veulent pas pousser la femme esclave à la prostitution, dans la
seconde partie de la sourate XXIV, verset 33, comme le montre Mamadou Dia[11].
De la péninsule arabique les Arabes partent à la conquête du
monde. C'est le Jihad par l'épée qui légitime ces guerres contre les
non-musulmans[12]. Michael Bonner,
dans Le Jihad. Origines, interprétations, combats, souligne que le
Jihad est considéré comme un outil pour ouvrir le fath (=
monde) à l'islam.
Cependant la tradition prophétique présente aussi le Jihad comme
un moyen de subsistance. Le Prophète dit :
Allah a placé ma rizqi (= subsistance) sous
ma lance.
Les siras et autres ouvrages d'histoire islamiques montrent
que les batailles permettent d'exiger des capitations des populations
assujetties[13].
Le Prophète interdit de disposer à sa guise des prisonniers,
et de tuer les femmes et les enfants lors des batailles[14]. Les captifs doivent
devenir des esclaves ou être relâchés sous rançon. C'est aussi la règle chez
les chrétiens à cette époque.
En 643, les Arabes, dirigés par le calife Omar, atteignent
la Tripolitaine et réduisent en esclavage les femmes et les enfants au profit
de l'armée musulmane. La conquête du Maghreb est très rapide, même si des
Berbères judaïsés ou christianisés opposent une résistance farouche à la
conquête musulmane, notamment Dihya, la Kahina.
Les relations des Arabes avec le Maghreb sont très
antérieures à l'islam. Dans ces pays, les habitants romanisés des villes et des
plaines du littoral se sont convertis au christianisme. De ces populations des
côtes très vite on en entend plus parler. Se convertissent-ils massivement à
l'islam ou sont-ils massacrés ou bien encore réduits en esclavage ? De nos
jours, malgré l'hétérogénéité berbère, les échantillons d'ADN suggèrent que
l'arabisation est principalement un processus culturel plutôt qu'un
remplacement démographique.
De l’Afrique du Nord, une poignée d'Arabes aidés de nombreux
Magrébins, plus ou moins convertis, se lancent à la conquête de la péninsule
ibérique, où ils tuent les vaincus ou les réduisent en esclavage. L’Italie,
notamment la Campanie au Xe n’est pas épargnée et même la
France, selon La piraterie barbaresque en Méditerranée: XVI-XIXe siècle,
de Roland Courtinat (2003).
Pas seulement Poitiers en 732
.
Bataille de Poitiers (732).
Les moines nîmois sont chassés de leurs couvents par les
musulmans.
Les Sarrasins en Provence.
Contrairement aux idées reçues la Bataille de Poitiers (732) n’arrête
pas les raids musulmans sur la Gaule. Les musulmans sont toujours installés en
Septimanie et en Provence.
Si on ne peut reprocher aux musulmans le Jihad, on
peut s'indigner, comme Diderot ou d'Alembert dans l'Encyclopédie,
de voir une partie des autorités religieuses et de grands seigneurs trahir les
leurs. C’est le cas du patrice Mauronte qui conclut, en 734, une alliance avec
le gouverneur de Narbonne, Yusuf ibn Abd al-Rahman al Fihrir[15]. Il ouvre les portes
d'Avignon aux troupes musulmanes. Les Annales Fuldenses et
les Annales Mettenses priores le disent dux[16]. D’autres auteurs font de
lui un gouverneur de Marseille nommé par Charles Martel. Pendant que les
chrétiens souffrent du fait de leur religion, ce Mauronte est l’allié des
mahométans. Les traîtres les incitent même à occuper des places fortes le long
de la vallée du Rhône.
Mauronte et ses pareils n’empêchent pas, selon le Continuateur
de Frédégaire, la population avignonnaise de se défendre. En représailles
la région est dévastée. Le gouverneur, Yusuf ibn Abd al-Rahman al-Fihri, prend
l’année d’après Arles et pendant des années, il dépeuple la ville et
ravage toute la province d’Arles, selon la Chronique de Moissac. Il
faut comprendre par dépeupler une ville le fait de massacrer la plupart des
hommes et tous les vieillards et d'envoyer les femmes et les enfants en esclavage,
parfois très loin dans le monde musulman.
On retrouve aussi ce genre de pratique chez les armées
chrétiennes à cette époque. C’est le cas des Saxons de Widukind, Dux Saxonum, qui sont vendus comme
esclaves par Charlemagne aux Arabes.
En 736, Charles Martel lance une opération punitive en
Provence qui prend Montfrin et Avignon, Arles et Aix-en-Provence, sans oublier
Marseille[17]. C’est alors qu’une armée
arabe débarque à côté de Narbonne, dirigée par le fils d'Abd al-Rahmân. Elle
reprend immédiatement Arles et la plupart des autres villes conquises par les
Francs et leurs alliés.
Les musulmans en pillant et essayant d’annexer le sud de la
Gaule, permettent à Charles Martel de s’en emparer en usant de la même violence
que ces envahisseurs venus du sud. Les traîtres sont sévèrement châtiés. Leurs
biens distribués aux vainqueurs. L'aristocratie franque soumet la Provence qui
subit, à partir de 739, une période très sombre de son histoire.
En 838, les Sarrasins font irruption dans le port de
Marseille, saccagent la ville et repartent en emmenant de nombreux
captifs : hommes, femmes et enfants réduits en esclavage ou jetés à la
mer.
Armée musulmane en Gaule.
.
Sarrasins débarquant en 889 pour rejoindre le Djabal
al-Kilal (= les Maures).
Les arènes d'Arles au moyen-âge sont fortifiées et habitées.
Invasion des Alpes et du couloir rhodanien par les Sarrasins
au Xe siècle.
Djabad al Kilal.
Ruines du fort sarrasin de Fraissinet, à La Garde-Freinet
(891).
Même si la Septimanie, la région toulousaine et l'ouest de
la Provence sont attaqués, la seconde phase de l'invasion sarrasine se situe
pour l'essentiel dans les Alpes. Ces faits sont négligés par la plupart de nos
manuels scolaires.
Les conquérants ne sont pas une armée d'invasion. Selon
Liutprand de Crémone, un religieux italien du Xe siècle, qui
est aussi diplomate, un navire échoue, suite à une tempête, vers 889, sur le
littoral varois. Il nous dit que vingt et un Sarrasins décident de s'y établir
en appelant des renforts. Il ne s'agit pas de chefs politico-religieux ou de
soldats, mais de pirates.
Ces naufragés vont attirer dans la région des Maures et des
pillards comme eux venant des bas-fonds des ports musulmans. La razzia se
substitue à la conquête, l'or à la religion [18].
Lévi-Provençal pense que ces bandes armées sont souvent un
mélange d'Arabes, de Berbères et de chrétiens convertis ou non, venant
d'Espagne[19]. Les Maures appellent la
future région des Maures le Djabad al Kilal et en font une
colonie de peuplement, ce qui est relativement nouveau en France. Les populations
locales sont réduites à l'esclavage ou massacrées. Ces pirates sont d'efficaces
pourvoyeurs d'esclaves. Ils attaquent les bateaux en pleine mer et en capturent
les occupants, se livrent à des razzias sur les populations côtières, puis au
cœur des vallées alpines et dans le couloir rhodanien.
Les Sarrasins vont jusqu’à Acqui, prés de Gênes, où ils
pillent et massacrent les habitants, à l’exception des femmes et des enfants
qu’ils mènent en esclavage[20]. Ils exploitent la mine
de Vallauria, à Tende, et celles de la région de San Dalmazzo di Pedona, dans
les vallées de la Stura et du Gesso. Selon la tradition populaire, les
sarrasins y emploient comme esclaves les moines de la vallée[21].
Dans le même temps la piraterie en Méditerranée se développe
à partir du IXe siècle avec les pirates barbaresques d'Afrique
du Nord qui vivent en grande partie du commerce d'esclaves chrétiens qu'ils
revendent à Alger, Tunis ou Tripoli. Les côtes méditerranéennes sont dévastées
par les Sarrasins qui poursuivent les populations jusque dans l'intérieur du
pays. Jusqu'au XIe siècle la Méditerranée est un lac
musulman.
Les historiens pensent que les anciens pirates devenus
pillards font venir de l'Afrique du Nord des soldats berbères, plus
expérimentés pour la guerre de montagne que des pirates issus des bas-fonds des
ports de la Méditerranée. Dès 906, ils occupent les cols du Dauphiné,
traversent le Mont-Cenis et occupé la vallée de la Suse, sur la frontière
piémontaise.
Les Sarrasins érigent ou occupent des repaires en pierre
dans les zones qu'ils ont conquis dans le Dauphiné, la Savoie et le Piémont.
Les pèlerins à destination de Rome, à travers les vallées alpines, doivent
rebrousser chemin ou sont capturés, souvent massacrés DE 921 à 931 et après 933[22].
Lévi-Provençal parle aussi de bandes armées très mobiles,
agissant l'été, et se repliant dans le massif montagneux de Fraxinetum,
à proximité immédiate de la mer.
Les Sarrasins du Djabad al Kilal ne sont
pas que des pillards. Une lecture attentive des chroniques révèle que de
nombreux colons s'installent dans les villages de Provence. Ils remplacent la
population locale, massacrée en cas de résistance, ou envoyée en esclavage dans
les pays musulmans. Les Provençaux ont fui ou sont esclaves des Sarrasins. Les
envahisseurs sont partout disent les chroniques :
n'épargnant aucune ville, aucun village; bientôt tout le
pays, au sud du Verdon, fut en leur pouvoir. La population d'Aix-en-Provence
est envoyée en esclavage[23].
Les femmes et les adolescent[e]s sont violées. Les hommes
sont castrés, car un eunuque vaut quatre fois plus cher qu'un esclave
non-castré dans le monde musulman, comme le confirme L'Europe et
l'islam : quinze siècles d'histoire[24].
Souvent les rois chrétiens, qui se disputent l'Italie,
signent des pactes avec les musulmans. En 961, Adalbert, le fils de Bérenger,
se réfugie dans le massif montagneux de Fraxinetum chez les
Sarrasins[25].
La Recounquista (973)
.
Saint Mayeul capturé par les Sarrasins.
CPA montrant les comtes de Provence chassant les Sarrasins
du littoral.
Le Comte Guillaume le Libérateur.
Saint Mayeul, abbé de Cluny, revenant de Rome est arrêté, en
juillet 972, par une bande de pillards sarrasins, près de la rivière Drac,
probablement dans la commune du Forest-Saint-Julien, à l'endroit nommé,
jusqu'au XVIesiècle, Apuid sanctum Mayolium [26].
Selon une autre version, il est fait prisonnier dans le Valais.
L'auteur de la "Vie de saint Mayeul" écrit :
La très cruelle race des Sarrasins arriva aux confins de
l'Italie et de la Provence; et elle se livra à un affreux carnage sur les
personnes de tout rang, de tout sexe et de tous âges.
Mayeul de Cluny est racheté contre une rançon payée par les
seigneurs de la région[27].
Les troupes du comte de Provence, Guillaume le Libérateur, de son frère
Roubaud, d'Ardouin le Glabre, comte de Turin, traquent les Maures. Guigues
d'Albon, Beuvon de Noyers, Valentin de Pietra-Castellana, envoyés par le roi
Conrad le Pacifique, se joignent à eux. Il ne faut pas oublier non plus Guillaume, vicomte
de Marseille, Pons, seigneur de Fos et Uc de Blaye. Par contre, le Gibelin
de Grimaldi, qui est parfois cité, semble être un personnage qui n'a jamais
existé. D'ailleurs à cette époque en Provence la particule n'est pas en usage.
La Recounquista est l'équivalent provençal
de la Reconquista. À côté de ces guerriers illustres, dont l'histoire va
conserver le souvenir, on voit alors s'élever une multitude de chefs
secondaires, qui reçoivent ou plutôt se donnent la mission de grouper leurs
compatriotes en vue de la commune défense. L'ère féodale vient de s'ouvrir.
Cette guerre semble justifiée à tous les auteurs de ce temps
et à ceux qui vont suivre. Chorier, en son Estat politique,
mentionne la dépopulation de cette contrée du fait des Sarrasins :
Durant près de cent quarante ans ce ne fut qu'une
solitude affreuse.
C'est du reste l'opinion de tous les historiens qui en
parlent, comme le curé Albert et Brunet. Les premiers habitants des Alpes sont
pour la plupart morts soit en combattant, soit devenus des esclaves castrés en
terre d'Islam.
Les Provençaux et leurs alliés attaquent en premier la base
sarrasine de Fraxinet (La Garde-Freinet). Les forteresses des Maures sont
entièrement rasées.
Les prisonniers sarrasins sont parfois baptisés de force et
réduits en esclavage. Ces groupes de survivants demeurent dans la région. Comme
il n'est pas de tradition de castrer les esclaves chez les chrétiens, ils se marient
et se convertissent à la religion chrétienne. Les descendants des pillards sont
assurément en partie les lointains ancêtres de certains Provençaux.
Ces pillards sont donc finalement soit chassés, soit tués,
ou bien encore réduits en esclavage, sans que les califes omeyyades de Cordoue
réagissent ou même en parlent.
.
Le rôle de Verdun dans le commerce des esclaves.
Un marchand d'esclaves juifs présenté à Boleslas de Bohême.
Comme on peut le voir un évêque participe à ce trafic d'esclaves blancs.
A cette époque, des juifs à Verdun achètent des esclaves
venant des bords de l'Elbe et du Danube, surtout des Slaves. Certains viennent
de beaucoup plus loin du fait des Khazars. Ils les revendent dans les pays
musulmans et l'Empire byzantin, selon Julius Aronius, Regesten zur
Geschichte der Juden.
Les juifs semblent avoir acquis une grande réputation dans
les opérations de castration[28]. Rabattus de Prague,
centre de castration, et de Ratisbonne, centre de tri, les esclaves sont
acheminés par des marchands principalement juifs vers Verdun[29]. Cette communauté de
Lorraine, très riche, pratique la castration sur une grande échelle
principalement sur des enfants. Il y a d'autres centres de castration à Prague,
à Narbonne, et à Cordoue tenus par des juifs[30].
Verdun fournit les centres d'expédition des juifs râdhânites(rhodaniens)
du Midi de la France qui exportent vers les places commerciales de l'Orient musulman[31].
Très peu de commerçants chrétiens s'adonnent au grand
commerce des esclaves, qui est la chose des juifs[32].
L'Europe chrétienne laisse faire ou s'enrichit de cet
important négoce. En Egypte les castrations se passent dans les monastères coptes.
Les voyageurs arabes donnent des descriptions horribles
d'opérations sommaires de castration faites par des musulmans.
1000-1500
Un empire esclavagiste
Carte de Barbarie (de Gerardus Mercator). Les barbaresques
deviennent des sujets de l'Empire ottoman.
Un empire unifié englobe tout le Maghreb. Il prend forme
sous les Almohades. Ces cinq siècles (1000 - 1500) de gouvernement berbère sont
selon un modèle musulman la plus brillante période de l'ère musulmane de
l'histoire de l'extrême occident, Al Maghrib Al Aqça.
Mais l’esclavage et la piraterie aussi prospèrent. Majorque
est un grand repaire pour les pirates, qui pillent à plusieurs reprises les
côtes de Provence. Cela dure jusqu'à la prise de cette île en 1263.
A la même époque, les ports de Ceuta et Melilla grouillent
de pirates barbaresques, qui tirent leur nom des Vandales, ces barbares qui ont
conquis Carthage. Les pirates musulmans sont assez bizarrement très souvent les
alliés des Castillans en lutte contre al-Andalus. Les chefs très chrétiens de
la Reconquista sont donc les alliés de criminels musulmans qui s'en prennent
sur terre, comme sur mer, à d'autres chrétiens.
La pratique du commerce des esclaves par les Juifs
Un vieux marchand d'esclaves.
Carte du réseau commercial des Radhanites en Eurasie vers
870, décrit par ibn Khordadbeh, dans le Livre des Routes et des
Royaumes.
Défaite de Hattin (1187), les prisonniers.
À Bristol, qui est le centre du trafic
d'esclaves par les Juifs entre l'Irlande et l'Angleterre, de nombreux
commerçants s'y installent à la suite de Guillaume le Conquérant, vers 1070,
jusqu'à ce que ce commerce soit interdit sous l'influence de saint Winibald.
Ces esclaves destinés au marché de Rome, sont revendus aux musulmans.
Malgré l'interdiction de participation des juifs à la traite
des esclaves, certains d'entre eux sont présents dans le négoce des esclaves
chrétiens à plusieurs époques[33].
Toutefois, la plupart des juifs vivent dans des communautés
pauvres, sur les marges des sociétés chrétienne et musulmane. La traite juive
est donc le fait d'une minorité de leurs coreligionnaires riches qui n'ont
guère de scrupules, comme il en est de même chez les musulmans et les
chrétiens.
Les juifs à la différence de ces derniers ne peuvent pas
exercer tous les métiers. D'un autre côté, ils créent rarement de nouvelles
routes commerciales[34]. Ils sont plus souvent négociants
avec l'outre-mer ou trafiquants d’esclaves. Le phénomène est néanmoins réduit.
A Marseille, au XIIIe siècle, il y a deux juifs négriers pour
sept chrétiens.
Au cours de cette période les juifs sont surtout marchands
d'esclaves en Slavonie, en Afrique du Nord[35], dans les États baltes,
en Europe centrale et orientale, en Espagne et au Portugal[36][37] et à Majorque[38]. L'implication juive dans
la traite des esclaves est bien réelle dans l'Espagne et le Portugal du Xe au
XVe siècles[39][40].
Mais il ne faut pas croire que l’Eglise condamne ces
trafiquants. Tout cela rapporte à l'Eglise. Et l'on voit des dignitaires de
l'Église de Bavière reconnaître ce trafic, en insistant pour que les juifs
paient une taxe sur les ventes de chrétiens. Cette attitude va toutefois
évoluer en partie grâce à de grands chrétiens, comme saint Jean de Matha (1150 - 1213)
Jean de Matha et Félix de Valois
.
Jean de Matha (1150 - 1213) et l'esclave blanc.
Statue à Prague des saints Félix de Valois et Jean de Matha.
Jean de Matha (ou Mota) et des esclaves.
Rachat de captifs par les Trinitaires auprès du Miramolin,
sultan du Maroc, fin 1199.
A la fin du XIIIe siècle, les chrétiens
renoncent en partie à l'esclavage et certains ecclésiastiques vont se soucier
des captifs des marchands de Gênes ou de Venise, des Maures d'Espagne, des
pirates d'Alger, de Tunis et du Maroc.
Jean de Matha (1150 - 1213) fonde avec
Félix de Valois (1127 - 1212), l'Ordre de la Très Sainte Trinité pour la
Rédemption des captifs, ou Trinitaires. Cet ecclésiastique célèbre sa première
messe, le 28 janvier 1193, fête de sainte Agnès, dans la chapelle de Maurice de
Sully. Il s'imagine voir un homme en blanc, une croix rouge et bleue sur la
poitrine, posant les mains sur deux prisonniers dont l'un est blanc et l'autre
maure. Le lendemain, alors qu'il s'est retiré dans une forêt pour prier avec
Félix de Valois, un ermite, ils sont témoins de l'apparition d'un cerf portant
une croix rouge et bleue entre les bois, qui vient s'abreuver à une fontaine
auprès d'eux.
Ce Félix est-il le fils de Raoul de Vermandois, un temps
Régent du royaume, comme l'affirme le Père Anselme ? Cela n'est en rien
certain, car le petit-fils du roi se nomme Hugues de Vermandois. Selon d'autres
sources plus récentes il est juste originaire de la province de Valois. C'est
cependant un homme fortuné, qui renonce à ses biens, et se retire dans une
forêt dense dans le diocèse de Meaux.
Jean de Matha (1150 - 1213) lui propose
le projet de fonder une congrégation pour le rachat des captifs. Après une
fervente prière, les deux ecclésiastiques partent à Rome et sont reçus par le
Pape Innocent III. Leur projet est examiné lors de plusieurs conclaves, et le
pape confirme solennellement leur ordre, le 17 décembre 1198 (bulle Operante
divine dispositionis). Il le nomme l'Ordre de la Très Sainte Trinité pour
la Rédemption des captifs. Félix revient en France pour établir l'ordre. Il est
reçu avec grand enthousiasme par le roi Philippe Auguste.
De sa naissance à Barcelonnette et de ses plus jeunes
années, Jean garde la discrétion, la ténacité et le courage des habitants de
son pays. Il faut des dons pour racheter des captifs jusque là abandonnés aux
musulmans. Dans ce but, Jean de Matha (1150 - 1213) sillonne
l'Europe, côtoie rois et seigneurs pour obtenir des sommes d'argent destinées à
racheter les prisonniers. Il va aussi bien en Castille, en Aragon qu'à Tunis.
Des monastères, dont celui de Cerfroid et des hôpitaux sont créés.
De son premier voyage en Afrique, Jean de Matha (1150 - 1213)ramène 186
prisonniers. Un jour, Jean est jeté par les musulmans sur un mauvais bateau, sans
pilote, sans mât et sans voile. Alors il invoque l'Étoile de la mer, et est
sauvé, malgré la plus horrible tempête. Une autre fois, ayant employé tout ce
qu'il a apporté d'argent au rachat d'un certain nombre d'esclaves, profondément
ému du désespoir d'un prisonnier dont il ne peut payer la rançon, il adresse à
la Reine des cieux la plus fervente prière; à l'instant même, une main
complètement inconnue lui remet la somme nécessaire à l'accomplissement de son
œuvre. De son côté, Félix de Valois reçoit une faveur insigne. Une nuit pendant
laquelle il se rend le premier à l'Office, la Sainte Vierge lui apparaît
couverte de l'habit de son Ordre, entourée d'une foule de bienheureux également
vêtus en Trinitaires, et chantant, à sa suite, le bréviaire des religieux.
Selon Monseigneur l’évêque d'Alger en 1862 :
N'était-ce pas le ciel qui se faisait l'écho de la
terre ?[41].
Les religieux de son ordre vivent au départ dans la misère.
Ils ne mangent ni viandes, ni poissons et se déplacent sur des ânes. Par la
suite les règles sont moins strictes. Cet ordre possède rapidement environ 250
couvents dans différentes parties de l'Europe. En 1450, les Trinitaires ont 600
maisons. Leur habit est différent, selon les pays où ils demeurent. En 1789,
l'Ordre affirme qu’il a obtenu 600.000 libérations.
Selon Monseigneur l’évêque d'Alger en 1862 :
Une seule Congrégation ne pouvant suffire à la
tâche immense de la rédemption des captifs, Marie se réserve plus
spécialement la seconde : ce fut elle même qui en fut la fondatrice[42].
Pierre de Nolasque
Vierge de la Merci et esclaves européens des barbaresques.
Le Cardinal Raymond Nonnat continue à prêcher devant des
captifs chrétiens et pour convertir des musulmans.
Ce moine, fondateur de l'Ordre Mercedaria, est né à
Mas-Saintes-Puelles, une commune du Lauragais, vers 1189. II est élevé dans les
exercices de la jeune noblesse, étant sorti d'une des plus illustres familles
en Languedoc. Après avoir perdu son père à l'âge de 15 ans, il demeure sous la
tutelle (ou plutôt sous l'autorité) de sa mère, et se met à la suite de Simon
de Montfort. Ce dernier le nomme gouverneur du roi Jaime Ier d'Aragon .
En 1203, à San Pedro, Nolasque, en tant que laïc, commence à
racheter des captifs. Avec son argent il organise des expéditions pour négocier
des rachats. II va à Valence, en Espagne, et retire d'entre les mains des
Maures des officiers chrétiens prisonniers des infidèles.
Dans la nuit du 1er au 2, en 1218, la Vierge
lui apparaît pour lui demander de trouver un ordre qui est consacrée à la
rédemption des captifs. Il fonde avec saint Raymond de Penyafort l'Ordre de
Notre-Dame de la Merci, pour le rachat des captifs chrétiens, le 10 août 1218,
avec le soutien de Jaime Ier d'Aragon.
Béranger, évêque de Barcelone, donne, dans sa cathédrale, l'habit à Pierre de
Nolasque, en présence de ce roi d'Aragon.
Pierre retourne à Valence, où il délivre un grand nombre de
Chrétiens, et paie leur rançon avec l’argent de ses biens qu'il a vendus en
Languedoc. N'ayant plus d'argent il est sensible à la vue de trois cent filles
et femmes, qui sont en grand danger. II se met pour elles en otage, et pendant
qu'il est esclave, il assiste les chrétiens dans les cachots et convertit des
infidèles.
Le pape Grégoire IX approuve
la création de l'ordre en 1235 et leur donne la règle de saint Augustin.
En plus des trois vœux habituels de pauvreté de chasteté et
d'obéissance, les membres de cet ordre s'engagent, par un quatrième vœu, à
demeurer comme otages si cela est nécessaire pour la délivrance de leurs frères
chrétiens, quand ils n'ont pas l'argent nécessaire pour les racheter. Ce vœu
correspond particulièrement à l'époque, où les pirates barbaresques capturent
des chrétiens et les revendent comme esclaves en Afrique.
Six de ses premiers compagnons sont, comme Pierre,
gentilshommes et laïcs. Son successeur comme maître de l'Ordre est saint Raymond Nonnat.
Pierre de Nolasque, à la suite d'une vie de dévouement,
meurt la nuit de Noël 1256. Pedro Nolasco est canonisé et sa fête est célébrée
le 6 mai.
Les chrétiens sont très nombreux à être capturés et vendus
comme esclaves aux musulmans en Afrique, et ce jusqu'à la disparition de la
piraterie. La Miséricorde remplit sa promesse et son bilan est de 344
rédemptions et le rachat de plus de 80.000 esclaves.
À L'ÉPOQUE MODERNE (1500-1900)
Les Barbaresques
Vaisseaux barbaresques dans le port d'Alger. Les pendus sont
des esclaves européens.
Les grandes capitales esclavagistes sont Salé au Maroc,
Tunis, Alger et Tripoli.
C'est la tradition de faire défiler les chrétiens récemment
capturés dans les rues, pour que les gens puissent se moquer d'eux et que les
enfants puissent les couvrir d'ordures.
Israël Abrahams est sur qu’au XIIe siècle
les juifs espagnols doivent leur fortune en grande partie au négoce d’esclaves.
Mais le 2 août 1492, plus de 300.000 juifs et marranes sont expulsés
d’Espagne, mettant également fin à leurs cinq siècles d’implication dans
l’esclavagisme de cette région.
A l'époque de cette Espagne musulmane, le terme al-Ṣaḳālibadésigne
tous les esclaves européens, quelle que soit leurs origines. Il conserve son
sens primitif au Maghreb et dans l'Égypte des Fatimides, celui d’esclaves
slaves, selon l'Histoire générale de l'Afrique : L'Afrique du VIIe
au XIe Siècle, de Djibril Tamsir Niane, El Fasi, (UNESCO 1990).
A cette époque, les Occidentaux, notamment à Venise, ne
vendent plus de slaves, car ils sont chrétiens. Pendant des siècles les razzias
vont continuer, mais le nombre de captifs va diminuer, car l'Europe a désormais
des unités de gardes-côtes. Les Barbaresques vont devoir trouver toujours plus
d’esclaves sur mer grâce à la piraterie.
Au XVIe siècle, les corsaires turcs
installés à Alger prennent Tunis en 1534, puis la perdent face aux troupes de
Charles Quint. Le pacha turc de Tripoli reconquiert la ville en 1569. L'Empire
ottoman crée une flotte militaire, mais la défaite de Lépante,
en 1571 met fin à sa suprématie, du fait de la destruction de plus de
250 galères turques.
C'est une victoire sans lendemain, qui ne touche pas aux
bases de la puissance turque. En 1573, la flotte ottomane reconstituée pousse
les Vénitiens à la paix. Cela permet au sultan de tourner ses ambitions sur
l'Afrique du Nord. Des territoires comme l'Algérie ou l'Égypte deviennent de
plus en plus dépendants vis à vis d'Istanbul.
Les historiens ne disposent que de données partielles,
d’époques différentes. Ils estiment à entre 1.000.000 et 1.250.000 le nombre
d’esclaves blancs détenus, entre 1530 et 1780, sur un territoire s’étendant de
l’Algérie à la Libye actuelle. Vers 1622, les esclaves chrétiens forment 35% de
la population d’Alger, nous dit La Revue des deux mondes, de 1841.
En 1675, ils sont encore 1/4 des Algérois, faisant la force de l'Algérie.
Vincent et les esclaves des barbaresques
Saint Vincent de Paul, la duchesse d'Aiguillon et les dames
de la Charité.
1683, 21 Français sont attachés à la bouche de canons et les
Algérois tirent.
Le Père Jean Le Vacher, Consul de France à Alger depuis
1676, ami du Dey, est faussement accusé de traîtrise, et meurt attaché au
canon Baba Merzoug qui reçoit le surnom de La Consulaire.
Galère barbaresque - Chiourme.
Religieux libérant des esclaves.
Saint
Vincent de Paul (1581 - 1660) est capturé en 1605 par des pirates lors
d'un voyage au départ de Marseille vers Narbonne. Il s’évade de Tunis après
deux années d'emprisonnement.
Vincent sait donc que sur les côtes de Barbarie des
malheureux souffrent sous la cruelle domination des Turcs, parfois même des
renégats. Les esclaves tournent souvent les yeux vers leur patrie d'origine,
attendant du secours, et le secours ne vient pas toujours. Cependant, le sort de
ceux de leurs nationaux qui agonisent dans les bagnes de Barbarie ne laisse pas
indifférent les rois de France. Ils essaient par des traités, de mettre un
terme à la piraterie des Turcs. Les corsaires barbaresques ne respectent pas
ces sortes d'engagements.
Sur la fin de son règne, Louis XIII demande à Saint Vincent
de Paul d'envoyer ses prêtres en Barbarie pour l'assistance corporelle
et spirituelle des captifs, et donne dans ce but de 9.500 livres.
Marie-Madeleine de Vignerot, dame de Combalet, duchesse
d’Aiguillon (1604 - 1675), nièce de Richelieu, veut prendre part à cette bonne
oeuvre. Le 25 Juillet 1643 est signé le contrat par lequel elle établit une
maison de missionnaires à Marseille. Il est dit que le fondateur de la Mission
va envoyer en Barbarie des prêtres de sa congrégation pour consoler et
instruire les pauvres chrétiens captifs...
Du fait de la déplorable situation des esclaves de Barbarie,
Monsieur Vincent, qui devient par la suite saint Vincent de Paul, leur envoie
ses missionnaires, les Lazaristes, comme nous le dit La piraterie
barbaresque en Méditerranée: XVI-XIXe siècle, de Roland Courtinat (2003).
En 1646, la duchesse d'Aiguillon achète le consulat d'Alger
pour le donner à la Congrégation de la Mission. Elle obtient du roi que le supérieur
général nomme Vincent à cette charge. Monsieur Vincent y envoie ses lazaristes,
malgré les réticences du Vatican, dixit La piraterie barbaresque en
Méditerranée: XVI-XIXe siècle, de Roland Courtinat (2003). Les
missionnaires vont surtout s’occuper des esclaves et le roi de France va devoir
envoyer des représentants.
La mort de Lange de Martin donne l’idée à la duchesse
d'Aiguillon, qu'elle exécute, d'acheter aussi le consulat de Tunis. Les consuls
et lazaristes sont sans cesse agressés par la population locale. Les
gouverneurs turcs les font arrêter, torturer et exécuter les survivants.
En 1689, le consul, un vicaire et 41 marins, négociants et
esclaves subissent le supplice du canon. En 1683, déjà 21 chrétiens avaient
connu le même sort.
En dehors de ces périodes de tension, la plupart des rachats
se font par commission. Les missionnaires ne sont alors que des intermédiaires.
Leur rôle se borne à recevoir l'argent envoyé des pays chrétiens et à le
remettre aux patrons, qui, de leur côté, rendent les esclaves en échange.
Le théologien français, Louis Abelly (1603 - 1691) estime
que le nombre de captifs délivrés par les missionnaires, entre 1645 et 1661,
dépasse 1.200 et que la dépense faite pour leur rachat n'est pas loin d'égaler
1.200.000 livres.
Les prêtres, les religieux, les chrétiens sont sauvés en
premier. Les dames de la Charité donnent à M. Vincent souvent pour ces
malheureux captifs. En cela, comme en tout le reste, la plus généreuse est la
Duchesse d'Aiguillon, qui fait même les frais d'un petit hôpital dans la ville
d'Alger pour les pauvres esclaves malades abandonnés de leurs patrons. Pour
payer ses bonnes œuvres elle devient la risée du tout Paris par son avarice au
niveau de ses dépenses personnelles.
Le service organisé par saint Vincent, de Paris en Barbarie
et de Barbarie à Paris, permet aux familles d'avoir des nouvelles des esclaves
et aux esclaves de connaître ce qui se passe dans leur pays.
Vincent de Paul a cependant deux regrets, il ne peut s’y
appliquer lui-même et l'étendre au Maroc et à la Tripolitaine.
Moines rachetant des esclaves.
Le rôle positif de certains marchands d'esclaves juifs
.
Marchands d'esclaves juifs.
Au XVIIe siècle, les juifs sont traités de
façon plus tolérante par les États musulmans d'Afrique du Nord qu'en
Grande-Bretagne et en Espagne. Par conséquent, la plupart travaillent ou font
des affaires avec les Barbaresques.
Les juifs d'Alger achètent parfois des esclaves chrétiens
amenés par les corsaires barbaresques et ils sont en général bien traités.
Pendant ce temps, les courtiers juifs de Livourne jouent un rôle dans
l'organisation de la rançon des esclaves chrétiens d'Alger afin qu’ils soient
libérés. Bien que certains courtiers juifs de Livourne sont accusés de rendre
des captifs morts, d'autres rapports montrent des juifs facilitent la
libération des esclaves chrétiens.
En 1637, une année exceptionnellement mauvaise pour les
rachats, les rachetés le sont grâce à des juifs d’Alger.
Razzia des barbaresques en Corse.
Bataille entre un navire français et deux corsaires
barbaresques.
Les victimes capturées arrivent sur la côte de Barbarie pour
être vendus comme esclaves.
Européennes captives des pirates musulmans.
Devenues bases de départ des caravanes de captifs pour les
sérails, les cités du Sud de la Méditerranée sont depuis passées sous
domination ottomane du fait du développement de l'empire turc sur le monde
arabo-musulman. Ces cités deviennent des foyers de la piraterie pratiquée par
les musulmans en Méditerranée. Le développement économique de ces cités lié à
l'activité de piraterie sur une très longue durée peut d'un certain point de
vue les assimiler à des kleptocraties opérant sur le bassin méditerranéen.
Les razzias sur les côtes des pays européens par les
corsaires barbaresques et les Turcs continuent du XVIe jusqu'au
début du XIXe siècle. Les femmes étant rares sur les navires,
les esclaves pour les harems et la prostitution sont enlevées sur les côtes ibériques,
languedociennes, provençales, génoises, ligures, napolitaines... ou dans les
îles du bassin occidental de la Méditerranée[43].
De nombreuses fois au début du du XVIe siècle,
la Corse est victime de razzias. C'est au cours de l'une d'entre elles qu’est
capturé Pietro Paolo Tavera, alors âgé de 5 ans. Envoyé à Istanbul, il devient
janissaire, après être devenu musulman et avoir s donnée éducation militaire.
Surnommé Hassan Corso, il obtient le titre de Agha (=
général), se révolte et devient maire d’Alger et calife. A 38 ans, endure les
Turcs lui font endurer les pires supplices (dont le supplice des crocs) pendant
3 jours, avant de mourir en août 1556.
- En
1575, Miguel de Cervantès, le futur auteur de Don Quichotte, est enlevé à
27 ans. Il est détenu pendant cinq ans à Alger. La razzia barbaresque sur
la côte de Valence est contemporaine de Cervantes et un événement
important nous disent dans Problèmes du roman historique,
Acquisition et transmission des savoirs, Alain Tassel et Aude Déruelle
(2008).
- La
lointaine Islande est pillée en 1627
- L'Irlande
en 1631 est la proie d'une attaque dirigée par le renégat hollandais
Janszoon.
- Avant
le renforcement de la marine anglaise, les Barbaresques pénètrent le long
de la Tamise et de la Severn et au nord d’Édimbourg.
- La
Calabre est encore attaquée en 1803.
Pour terroriser et faire des razzias les barbaresques
utilisent la technique du Rescate. Leur navire arbore le pavillon du rescate
qui signifie qu'ils viennent troquer ou vendre des captifs, selon L'Islamisme
et les États-Unis: une alliance contre l'Europe, Alexandre del Valle
(1999).
Les esclaves de Martigues
Le rôle de Henri de Séguiran (1633)
Gravure de Martigues au XVIIIe siècle.
Les Rambaud sont marins pendant 150 ans à Saint-Chamas,
Martigues, Marseille... Tartane allant du canal de Berre à la Méditerranée.
Gravure représentant une barque de la Méditerranée au XVIIe siècle.
Débarquement et maltraitance de prisonniers à Alger.
La terreur règne sur toute cette côte et sur mer. Avec leurs
équipes de vigoureux rameurs, les Barbaresques défient la poursuite des
vaisseaux à voiles. Pour un chrétien naviguer ou vivre sur les côtes est
dangereux même jusqu’en 1880.
En France, à Martigues, par exemple, qui sait encore que la
ville a été un très grand port et que les marins martégaux sont pendant dix
siècles très nombreux à mourir esclaves castrés en Afrique du nord ?
Si la foule à Marseille, en mars 1620, massacre un renégat,
originaire de Martigues, c’est que sur la côte algéroise l’équipage d’une
barque de Marseillais vient d’être massacré après un naufrage[44].
Dans Méditerranées du 17e siècle,
le Centre international de rencontres sur le XVIIe siècle et
Giovanni Dotoli (2002) nous disent que Sanson Napollon, en 1628, essaie
d’obtenir d'abord la libération des esclaves français détenus à Alger, mais
insiste surtout sur le rétablissement des intérêts commerciaux à Alger. Les
résultats sont limités et éphémères, mais nous lisons :
De la communauté des Martigues, la somme de dix huit cent
cinquante livres qu'elle a contribué, et donné un role de six esclaves, ainsi
qu'il appert par contract passé avec les consuls de ladite ville et
communauté ; cy, dix-huit cent cinquante livres.
On comprend mieux aujourd'hui comment, le 27 janvier 1633,
les affaires de la marine et Richelieu envoient à Martigues, Henri de Séguiran (1594 -
1669), Premier président de la Cour des comptes à Aix-en-Provence, nommé
lieutenant général des mers du Levant en 1632 et chargé par Richelieu, en 1633,
de faire une inspection des fortifications de Provence.
Les corsaires barbaresques enlèvent les barques dans les
eaux du rivage, pillent les maisons isolées, traînent en esclavage hommes et
femmes. Le commissaire du cardinal trouve à chacun de ses pas des traces de
leurs brigandages. Aux Martigues, malgré les efforts de la communauté pour la
défense de la côte, quatre-vingts habitants, sont pris par eux en quatre mois,
et deviennent esclaves à Alger ou à Tunis[45].
A Marseille, le commerce expose les voleries, les ruines et
les misères qu'il souffre de leur part. A Cassis, ils empêchent la navigation
en prenant, depuis vingt ans, quarante barques et trois vaisseaux. A La Ciotat,
ils ont, dans l'année, enlevé vingt-deux barques et mis à la chaîne cent
cinquante des meilleurs mariniers. Aux salins d'Hyères, ils attaquent les
bâtiments qui chargent du sel, et les gardes de la gabelle ne leur échappent
qu'en leur abandonnant leurs maisons. A Bomes, ils capturent des barques jusque
sur la grève, et les habitants sont continuellement en armes pour les empêcher
de prendre terre. A Saint-Tropez, ils ruinent le commerce. A Antibes, ils ont
tout enlevé en 1621, et il reste à peine une douzaine de barques de 20 à 50
tonneaux.
Partout on courbe la tête sous ces brigands comme sous
une irrésistible fatalité; partout leur apparition fait sur le matelot l'effet
de celle de l'oiseau de proie sur les oiseaux des vergers[46].
Henri
de Séguiran (1594 - 1669) écrit :
Aux Martigues, les mariniers sont les meilleurs et les
plus courageux de la Méditerranée ; mais les corsaires les ont fort
maltraités, puisque depuis six mois ils en ont enlevé plus de 80... Nous sommes
arrivés à Martigues, communauté qui a souffert de grandes pertes[47].
Louis II de Vendôme (1660)
Dusquenne (1610 - 1688), lieutenant général des armées de
mer de Louis XIV, délivrant des prisonniers des mains des Barbaresques à Alger.
Louis II de Vendôme, Gouverneur de Provence.
En 1660, on recourt à nouveau aux fonds particuliers pour
racheter les esclaves. Louis II de
Vendôme, duc de Mercœur (1612), puis deuxième duc de Vendôme (1665-1669),
duc d'Étampes (1665), comte de Penthièvre (1665), cardinal (1667), gouverneur
de Provence écrit :
voulant rendre contribuables au rachat des esclaves qui
étaient encore détenus à Alger, les communautés des villes et lieux dont ces
infortunés se trouvaient être originaires, se fonda sur l'an et d'un conseil
tenu à Vincennes, le 7 octobre 1666, et réparti ainsi sur les communautés en
question le rachat de leurs esclaves. Toulon devait contribuer pour 4, la Ciotat
pour 15, les Martigues pour 9, Cassis pour 9, Cannes pour 4, Saint-Tropez pour
6, Antibes pour 1, Aix pour 1, le Pin, près Marseille, pour 1,
Saint-Laurent-du-Var pour 1, Roquevaire pour 1 Bonnes pour l, Ceyreste pour 2,
Grasse pour 1, Marignane pour 1 et Marseille pour 7. On demandait 600 livres
pour chaque esclave. La somme devait être remise par les communautés dix jours
après signification faite de l'ordonnance[48].
Louis II de
Vendôme ajoute que :
Dans le "Catalogue des captifs délivrés, en 1674,
par les Pères de la Merci", je remarque deux habitants de Sérignan, près
de Béziers, un de Frontignan et trois marins des Martigues, près d'Arles.
Plusieurs de ces infortunés gémissaient depuis longtemps dans l'esclavage, et
il y en avait qui comptaient jusqu'à quarante années de captivité.
Les Martégaux expliquent qu'ils sont plus les victimes des
Barbaresques car leur ville compte des chantiers navals et d'habiles artisans[49].
Noms de quelques uns des esclaves du Martigues
.
Retour d'un Raïs d'une campagne de course.
L'ancien marché aux esclaves de Tunis.
Rachat d'esclaves par les trinitaires.
Esclave français à Alger.
La chapelle Notre-Dame de la Miséricorde, à Martigues, date
du premier quart du XVIIesiècle. Elle se dresse sur un promontoire
qui offre un point de vue exceptionnel sur la ville de Martigues, le chenal de
Caronte et l'étang de Berre.
¤ Antoine Veneau, natif du Martigues, diocèse d'Arles, âgé
de 53 ans, pris dans la tartane nommée Saint-Antoine, le 12 juillet 1673, venu
de Toutouan, racheté à Techer Fourteau, par son patron, 429 livres.
¤ Antoine Guerin, natif du Martigues, diocèse d'Arles, âgé
de 50 ans, pris dans la tartane nommée Sainte Croix, le 10 mars 1672, racheté
de Mahomet Osara, son patron, 525 livres.
¤ Antoine Gabineau, natif de Serignan, diocèse de Béziers,
agé de 30 ans, venu de Toutouan, pris dans la tartane le Saint Joseph du
Martigues, le 24 juin 1670, racheté à Mahomet de Staon par son patron, 624
livres.
¤ Charles Faudon, natif du Martigues, diocèse d'Arles, âgé
de 32 ans, venu de Toutouan , pris dans la tartane le Saint-Joseph, le 24 juin
1673, racheté à Collet Seliman pour 682 livres.
¤ Balthazar Gaureau, de Martigues.
Le 14 may 1669 :
¤ François Jourdan, du Martigues, diocèse d'Arles, esclave
d'Alger, 599 livres
¤ Pierre Belony, de Martigues, diocèse d'Arles, âgé de 80
ans, esclave depuis 30 ans 2.343 livres, 3 sols.
¤ Joseph Mathieu, de Martigues, diocèse d'Arles, âgé de 30
ans, donné au maure qui le fit évader secrètement d'Afrique, 407 livres 40
sols.
¤ Louis Fort, de Martigues, âgé de 57 ans, esclave depuis 9
ans compris ce que dessus, 4500 livres
¤ Laurens Trancher, de Martigues, âgé de 49 ans, esclave
depuis 25 ans compris ce que dessus, 4.500 livres.
¤ En 1742 : Antoine Tource, du Martigue, âgé de 52 ans,
esclave depuis 29 ans, 4.500 livres.
¤ Mathieu Cavemon, du Martigue, âgé de 54 ans, esclave
depuis 4 ans, 4.500 livres.
¤ Barthelemi de Lœil, du Martigue, âgé de 56 ans, esclave
depuis 4 ans, 4.500 livres[50].
Au Maroc :
¤ Guillaume Andrés, natif de Martigues en Provence, âgé de
50 ans,
¤ Claude Charles dudit Martigues, de 50 ans,
¤ Jean Laurens dudit Martigues, de 40 ans,
¤ François Lieutaud dudit Martigues, de 35 ans, établis en
Espagne, au Port Saint Marie, pris le 15 août 1737 par les Maures de Tanger sur
la tartane les Anges du purgatoire. Ils sont rachetés 4 ducats par
le Consul de France à Cadiz[51].
¤ Estaquier (Charles), originaire des Martigues, esclave à
Meknès, figure dans les rôles établis le 3 janvier 1696 et le 20 juin 1698 par
le consul Jean-Baptiste Estelle. Estaquier est fait captif en 1683[52].
En Tunisie :
¤ Alexandre Berne, natif des Martigues en Provence.
¤ Hervien Gontar, âgé de 16 ans, natif de Martigues.
¤ Louis Barthélemy, âgé de 48 ans, natif de Martigues.
Le combat d'Antonin Giniez et ses marins
Une pinque génoise attaquée par une galère et une galiote
barbaresques.
Capitaine barbaresque.
Le port de Cadiz.
Un vieil adage dit qu'il faut s'aider soi-même avant de
compter sur le ciel. C'est le cas de certains mariniers. Ils ne se laissent pas
prendre comme de timides moutons, mais au contraire se défendent avec
acharnement et remportent souvent la victoire dans ces rencontres fortuites.
Un capitaine, Antonin Giniez, du port des Martigues se
présente le 17 septembre à la Chancellerie du consulat de Cadix[53]. Il expose qu'avec son
navire le Prophète David, monté par 11 hommes d'équipage, faisant
voile vers Marseille lorsqu'à la hauteur du cap Trafalgar et à 4 lieues environ
de la côte, il est attaqué par une galiotte montée par 40 à 50 hommes de Salé.
Malgré l'écrasante disproportion des forces, Giniez ne s'effraye nullement. Il
répond par une mousquetade aux gens de la galiotte qui le somment de se rendre,
se défend avec furie et avec toutes les armes qu'il a sous la main. Quand la
poudre lui manque, c'est à coup de pierres et de barres qu'il reçoit l'ennemi.
Bref il se démène comme un beau diable et finit par obliger la galiotte à se
retirer. Comme il a trois hommes blessés il préfère revenir au port de Cadix
pour réparer les avaries de son navire[54].
Ce capitaine est content de lui. Il s'est cramponné à son
ennemi plutôt que de lâcher prise et ne le laissant aller que lorsqu'il est
bien sûr qu'il a, suivant l'expression vulgaire, reçu son compte :
Je fis amarrer sur mon bord la vergue du trinquet de la
galiotte parce que je sais que les pirates en pareille occasion, dès qu'ils se
sentent un peu maltraités, poussent au large avec leurs avirons, se
raccommodent, prennent haleine et reviennent de nouveau
à l'abordage avec plus de furie sur de pauvres équipages
effrayés et en petit nombre[55].
Ce brave capitaine Giniez est gratifié d'une médaille d'or
et d'une lettre de félicitations qui sont enregistrées au greffe de l'amirauté
de Marseille.
Au XVIIIe siècle
Vaisseau barbaresque.
L'attaque des côtes et des navires chrétiens fournissent aux
Barbaresques des esclaves et des rançons.
Le vaisseau d'Alger le Lion Blanc, commandé par
Soliman Rais, attaque une tartane française en temps de paix :
L'an mil sept cent dix-huit, et le onzième jour du mois
de février, avant midy, par devant nous consul de France à Alger, et témoins
cy-bas nommez, est comparu en personne le patron Jean Barthélemy, du Martigues,
commandant la tartane nommée N.-D.-de-Règle.
Jean Barthélemy est libéré et son équipage aussi et récupère
sa barque.
Le 6 octobre 1759, le sieur André d'Estienne et le sieur
Jean-François Cablat affrètent la tartane Notre-Dame des Carmes,
commandée par le capitaine François Tourre, des Martigues, pour aller à Smyrne
prendre un chargement de blé, et l'apporter à Marseille. Cette tartane
appartient à un Napolitain, appelé Tobie Arpente, qui doit en être le capitaine
véritable, car il est énoncé dans le rôle d'équipage sous la qualité de
matelot. L'expédition est ainsi simulée pour se garantir des corsaires
barbaresques.
Du fait de la guerre avec l'Angleterre, il fut convenu
que le bâtiment toucherait à Naples pour y prendre des expéditions
napolitaines. On crut, par ce double moyen, prévenir deux écueils
dangereux : le navire devait être français vis-à-vis des corsaires
africains, et napolitain vis-à-vis des anglais.
En 1781 Martigues donne 1.800 livres pour racheter six
marins[56].
LES CONDITIONS DE VIE DES ESCLAVES
Rôle économique des esclaves européens
Les esclaves subissent la violence des gardes noirs.
C’est la population européenne, réduite à l'esclavage, qui
fait la force de l'Algérie. Jean-Jacques Baude essaie
de déterminer le nombre des esclaves chrétiens à Alger au commencement du XVIIesiècle.
L'Africa illustrata de Jean-Baptiste Gramaye,
publiée en 1622, parle de 35.000 esclaves. Il faut ajouter à ce recensement
sommaire de la population d’origine européenne : 2.000 familles de Maures
d'Espagne récemment chassées des royaumes de Grenade, de Murcie, de Valence et
d'Aragon ; plus 6.000 familles de renégats.
Donc, d'après ses évaluations, la population européenne à
Alger atteint le chiffre de 75.000 personnes, alors que la population générale
de la ville n'est guère de plus de 100.000 habitants. Ils sont donc les trois
quarts des Algérois, et cette population européenne est celle qui travaille aux
jardins, aux métiers, à la marine... celle enfin qui fait la puissance économique
d'Alger.
La castration
Pas de descendants, donc pas de mémoire
Esclaves européens torturés par des musulmans.
Marché aux esclaves européens d'Alger.
Depuis l'Antiquité, en Extrême-Orient et au Proche-Orient,
les eunuques sont chargés de garder les femmes dans les harems.
Comparée à la traite des Noirs organisée par les Européens,
la traite
arabe démarre plus tôt, dure encore et, ce qui est plus important,
touche un bien plus grand nombre d'esclaves, écrit le grand économiste Paul Bairoch. Dans Mythes
et paradoxes de l'histoire économique (1994), il parle de 25 millions
d'esclaves noirs des musulmans.
Les historiens Jacques Heers, Marcel Dorigny, Bernard Gainot
et Ralph Austen évaluent à plus d'un million le nombre de chrétiens capturés en
Méditerranée et sur ces côtés rien qu'entre 1500 et 1800. Marcel Dorigny et
Bernard Gainot sont les auteurs entre autres de l'Atlas des esclavages (2007).
Ces historiens, ainsi que Tidiane N'Diaye, constatent qu'il
ne reste plus guère de traces des esclaves en terre d'islam en raison de la
généralisation de la castration, des mauvais traitements et d'une très forte
mortalité.
Les hommes réduits en esclavage sont châtrés pour devenir
les fameux eunuques. Cette pratique a pour conséquence la disparition des
populations déportées, à l'opposé des esclaves aux Amériques dont les descendants
sont très nombreux. De ce fait les descendants des blancs et des noirs victimes
des barbaresques ne sont donc là pour évoquer la mémoire de leurs ancêtres
martyrisés.
Pourtant, il y a un grave problème, Mahomet interdit aux
musulmans de castrer des esclaves, alors que les musulmans paient au moins 4
fois plus cher un esclave castré[57].
Les Arabes destinent la plupart des femmes noires et
blanches pour leurs harems ou la prostitution. Ils veulent des hommes mutilés.
La castration en Europe (avant le XIe s.)
Esclaves rachetés par les moines de Lérins.
Pendant une courte période, les musulmans peuvent se fournir
sur des marchés d'esclaves en Europe.
Verdun compte des manufactures d'eunuques jusqu'au au Xesiècle[58]. Levi-Provençal parle du
drame de ces hommes, généralement slaves, victimes des marchands souvent juifs.
Dozy nous dit qu'on trouve des centres de castration aussi dans le midi.
Jacques Heers, dans Les négriers en terre d'islam (2008)
précise que les trafiquants israélites veillent à la bonne tenue des
centres de castration. Velligen cite deux sources arabes qui
confirment que les juifs font souvent subir la castration aux esclaves qu'ils
exportent vers les pays musulmans[59].
Rosa Amelia Plumelle-Uribe précise que les castrés sont
souvent très jeunes et la mortalité est terrible. Elle ajoute :
Les médecins juifs les opèrent, les marchands arabes les
vendent et les mécènes chrétiens les utilisent dans leurs chapelles ou leurs
corps de ballet. Bel exemple de solidarité monothéiste !.
Mais officiellement les esclaves vendus par les Francs
disparaissent peu à peu au Xe siècle, du fait de la
christianisation complète de l'Europe continentale. Enfin, c'est ce que les
manuels scolaires racontent. A Venise on vend toujours 5.000 esclaves au Xe siècle
et les trafiquants d'esclaves chrétiens vendent des chrétiens aux musulmans à
Tunis, nous disent dans L'Europe et l'islam: quinze siècles d'histoire,
de Henry Laurens, John Victor Tolan et Gilles Veinstein (2009).
Les victimes de razzias ou d'attaques de navires
Captives and Corsairs, gravure montrant une
castration.
Les musulmans vont cependant devoir faire plus de razzias et
d'attaques de navires. Ils vont devoir aussi faire castrer les esclaves par
d'autres esclaves, des renégats ou des juifs. Il existe différents niveaux de
castration, la plus radicale est réservée à des sujets jeunes auxquels on
procède à l'ablation des testicules et du pénis le plus près possible du
ventre. Cette pratique radicale est réservée à une petite minorité destinée à
la garde des harems. D'après al- Muqaddasî, une localité de la région d'Almeria
tenue par les Juifs est spécialisée dans la castration de ces esclaves qui sont
ensuite employés comme eunuques dans les harems musulmans.
Malgré les castrations, il existe une descendance métissée
des esclaves noires comme blanches des harems directement émancipées dès
qu'elle sont enceintes de leurs maîtres et enfantent de ceux-ci, les
fameuses umm walad. Certains esclaves se convertissent à l'islam et
ces renégats ont une descendance qui, comme ceux des femmes esclaves,
ressemblent à des Noirs ou des Européens.
Femmes esclaves des Barbaresques Modifier
Au harem les femmes sont des esclaves.
Une nouvelle arrivée.
Femme esclave à Alger avec ses huit enfants depuis 13 ans.
Dans La piraterie barbaresque en Méditerranée:
XVI-XIXe siècle, Roland Courtinat (2003) affirme que les femmes captives
représentent un faible pourcentage dans l'esclavage européen, ce n'est pas
l'avis de Charles Verlinden, auteur de L'Esclavage dans l'Europe
médiévale, de Michel Balard, La Romanie génoise (1978) et de
David Ayalon, Le Phénomène mamelouk dans l'Orient islamique (1996).
Ils parlent d'une forte majorité de femmes esclaves vendues en Occident
méditerranéen. Certes on ne trouve pas de femmes dans les bagnes, elles sont dans
les harems ou domestiques.
Les femmes sont d'abord sexuellement respectées pour ne
pas déprécier la marchandise. Après, comme dans le reste du monde,
les maîtres abusent de leurs esclaves femmes. Toutefois seul le monde
arabo-musulman remplit spécifiquement les fameux harems de femmes-esclaves
spécialement déportées pour cela. Pour cette raison, le prix d'une femme-esclave
est bien plus élevé que celui d'un homme adulte.
Ibn Habib al Baghdâdî explique la vente des femmes esclaves
lors la célèbre foire de Dûmat al-Jandal avant l'islam, il cite notamment la
tribu de Kalb (chien), qui y apportait beaucoup d'esclaves femelles,
présentées sous des tentes de laines ; la tribu les contraignant à la
prostitution...
Tabari explique néanmoins que la prostitution des femmes
esclaves par leurs maîtres est interdite. Certaines esclaves des harems
obtiennent un statut comparable à des concubines. Une énorme mégère normande
est achetée très cher, mais elle bat ses maris. Elle est revendue des dizaines
de fois... mais en vain !
Ailleurs, les femmes esclaves sont comme les autres d'abord
une force de travail et pas uniquement un objet de divertissement. Cependant
l'un n'empêche pas l'autre. Contrairement aux hommes, il est très rare qu'une
femme soit rachetée, car les femmes sont souvent converties à l'islam et ont
des enfants. Quand c'est le cas, les chrétiens les traitent pires que les
prostituées, du fait de leurs relations sexuelles avec des Barbaresques.
Dans les bagnes, les conditions d’existence pour les hommes
sont extrêmement dures. Il y règne un climat de violence, notamment sexuelle.
Les geôliers sont accusés d’y favoriser, contre paiement, des pratiques
sodomites.
Dans La piraterie barbaresque en Méditerranée:
XVI-XIXe siècle, Roland Courtinat (2003) nous dit que le sort des enfants
mâles est terrible. A Alger on aime les femmes barbues. Ils sont
circoncis, convertis à l'islam et sodomisés. Les propriétaires de ces jeunes
esclaves refusent de les libérer même contre une forte rançon.
Les bagnes
Esclaves au bagne d'Alger.
Tortures infligées à certains esclaves des Barbaresques.
Autres supplices infligés aux esclaves par les barbaresques.
Certains illustrateurs montrent des esclaves dans des
prisons d'une propreté suisse.
Malgré leur participation importante à de grandes tâches
étatiques : construction de digues, de fortifications, de ports, de rues
ou encore de palais, les esclaves ne laissent pratiquement aucune trace
perceptible dans l'histoire, remarque dans L’autre esclavage,
Robert C. Davis. Il parle donc d’un invisible esclavage.
Les nouveaux esclaves hommes sont orientés vers des
activités variées, allant du travail dans les orangeraies au service
domestique. Mais ce type d’esclavage décline plus rapidement que celui organisé
au bénéfice des États barbaresques. Au point que, à la fin du XVIIIe siècle,
la moitié des esclaves chrétiens d’Alger vivent dans des bagnes publics.
La plupart se voient confier des tâches particulièrement
dures : galères, extraction et convoyage de pierres, construction... Et
aucun code blanc (à l’imitation du fameux code noir appliqué
dans les Antilles françaises), même symbolique, ne vient limiter le pouvoir du
maître sur son esclave infidèle. Certains captifs sont loués à des
entrepreneurs. D’autres ont ordre d'aller voler. Ce sont les seules moyens de
survivre au sein du système esclavagiste.
Au bagne ils sont retenus par des chaînes de fer et
surveillés étroitement par de cruels geôliers. Ils croupissent dans une
malpropreté sordide et repoussante. On compte une vingtaine de bagnes à Alger,
quatorze à Tunis, cinq à Bizerte, et dans chacun il y a place pour deux cents,
trois cents ou même quatre cents captifs.
Pour loger les esclaves, tout local est bon, même les
étables. On écrit de Bizerte à Saint
Vincent de Paul :
Parmi les esclaves de ce lieu, outre ceux des bagnes,
j'en ai trouvé quarante enfermés dans un étable si petite et si étroite qu'à
peine s'y pouvaient-ils remuer. Ils n'y recevaient l'air que par un soupirail
fermé d'une grille de fer, qui est sur le haut de la voûte. Tous sont enchaînés
deux par deux et perpétuellement enfermés, et néanmoins ils travaillent à
moudre du café dans un petit moulin à bras, avec obligation de moudre chaque
jour une certaine quantité réglée qui surpasse leurs forces. Certes, ces
pauvres gens sont vraiment nourris du pain de la douleur, et ils peuvent bien
dire qu'ils mangent à la sueur de leurs corps dans ce lieu étouffé et avec un
travail excessifs. Peu de temps après que j'y fus entré pour les visiter, comme
je les embrassais dans ce pitoyable état, j'entendis des cris de femmes et
d'enfants, entremêlés de gémissements et de pleurs ; levant les yeux vers
le soupirail, j'appris que c'étaient cinq pauvres femmes chrétiennes esclaves,
dont trois avaient chacune un petit enfant, et toutes étaient dans une extrême
nécessité.
La vie dans les galères est terrible, mais en France
beaucoup de protestants connaissent au XVIIe siècle un sort
comparable. Les esclaves sont soumis à l'arbitraire total des maîtres, voire à
leur sadisme.
Par comparaison avec les esclaves noirs des Amériques, R.
Davis nous dit que ceux d'Afrique du Nord n'ont absolument aucun recours, même
si les bagnes hébergent une petite chapelle. En Amérique, l'esclave jouit d'une
protection minimale de l'Église. Son travail comme journalier lui permet de
constituer un maigre pécule et il est également nourri par son maître. En
Afrique du Nord, l'esclave n'a rien et il doit acheter sa nourriture et payer
son logement au bagne.
Toutefois, il existe des différences très grandes entre les
esclaves. D’une part, ceux qui peuvent être rachetés à bon prix ou qui savent
lire jouissent d'un régime moins sévère. Les plus fortunés de ces captifs
réussissent après des années à envoyer une lettre à leur famille.
D'autres, illettrés ne pouvant se payer ni le scribe, ni
l'encre ni le papier, restent disparus. Les paysans et les marins finissent
souvent leurs jours attachés à la rame d'une galère.
NOTES ET RÉFÉRENCES
.
- ↑ Carmen
Bernand, Robert C. Davis, Esclaves chrétiens, maîtres musulmans.
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