dimanche 17 décembre 2017

Islamisme et politique 13.12.2017

Un sulfureux imam salafiste à Marseille (13.12.2017)
Disney prêt à racheter Fox pour 60 milliards de dollars (13.12.2017)
À six ans, Ryan a gagné neuf millions d'euros grâce à YouTube (13.12.2017)
Sur Instagram et YouTube, la «Slime» fait la fortune des pots de colle Cléopâtre (19.11.2017)
Christophe Guilluy : «Johnny, la Corse et la France périphérique» (13.12.2017)
Construction et rénovation des palais de justice et des prisons : bientôt la rupture budgétaire ? (13.12.2017)
Donald Trump met fin à la neutralité du Net
Le gouvernement demande le départ de Rokhaya Diallo du Conseil national du numérique (13.12.2017)du
Luc Ferry : «Macron ou la fin de l'exception française» (13.12.2017)
Éric Zemmour : «Les convergences inattendues de Claude Imbert et Élisabeth Lévy» (13.12.2017)
Brexit : ces Européens expulsés du Royaume-Uni (13.12.2017)


Un sulfureux imam salafiste à Marseille (13.12.2017)

Par Jean Chichizola
Publié le 13/12/2017 à 19h55
La mosquée d'El Hadi Doudi a été fermée six mois par la préfecture. Celle-ci dénonce certains de ces prêches « qui légitiment le djihad armé ».
Dix mois après la fermeture d'une mosquée radicale à Aix-en-Provence, un nouveau lieu de culte salafiste a été fermé cette semaine pour six mois dans les Bouches-du-Rhône, cette fois à Marseille. La mosquée As-Sounna, à dix minutes du Vieux-Port, est visée par un arrêté signé par le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Olivier de Mazières. L'imam et «président de l'association des musulmans du boulevard National (AMN Assouna)», El Hadi Doudi (ou Abdelhadi Doudi, ou encore «cheikh Abdelhadi» sur les sites salafistes), est un des pionniers et piliers du salafisme local depuis des décennies. Algérien, il fut proche du maître à penser du Front islamique du salut (FIS), Ali Belhadj, et de Mustapha Bouyali, fondateur du premier groupe islamiste armé algérien, tué en 1987. Réfugié en France, il est devenu l'une des références du salafisme hexagonal, étendant son influence au-delà des Bouches-du-Rhône.
En 2010, lors de la discussion sur la loi sur le voile intégral, il expliquait àL'Express : «Le vrai musulman ne peut pas s'écarter des commandements de Dieu. Si une loi interdit le voile intégral, nous dirons à nos femmes de l'enlever. Malheureusement, beaucoup ne voudront plus sortir de chez elles.» Trois ans plus tard, dans l'ouvrage de René Guitton La France des intégristes. Extrémistes juifs, chrétiens, musulmans, le refus de la République, il estimait, concernant la lapidation pour adultère, que «c'est au tribunal islamique à en juger». «La délinquance aujourd'hui, ajoutait-il, est la conséquence d'une femme trop libre. Si elle restait à la maison, il y aurait moins de délinquance.» «Peut-être, précisait-il également, qu'un jour les États d'Occident auront compris et feront une loi pour autoriser la polygamie»… Après les attaques de 2015, le «cheikh» avait adressé, avec d'autres salafistes, une déclaration au chef de l'État condamnant les attentats, œuvre «de criminels hérétiques», et dénonçant Daech, al-Qaida ou Boko Haram.
Appel au djihad
Deux ans plus tard, les choses sont bien différentes si l'on en juge par l'arrêté préfectoral. «En dépit d'une condamnation des attentats survenus en France, précise le texte, les prêches qui sont tenus au sein de la mosquée As Sounna», dont certains sont toujours en ligne, «légitiment le djihad armé et la mise à mort des auteurs d'adultère et des apostats, appellent à la défaite et à la destruction des mécréants, incitent à l'application de la loi du talion à l'encontre de ceux qui combattent Dieu et son prophète et à l'égard desquels la sentence de Dieu est la mort ou la crucifixion». Serait présenté comme «lâche» «celui qui recule devant l'ennemi par peur de mourir en martyr» et inversement serait glorifié le combattant assuré de la victoire ou d'une mort en martyr avec le paradis à la clé. Enfin les Juifs sont présentés comme «impurs, frères des singes et des porcs»… Un discours faisant référence «à de nombreux prédicateurs et théologiens radicaux dont certains font l'objet d'une opposition à l'entrée sur le territoire national»…
La préfecture note également que l'influence de ces prêches, ayant conduit «plusieurs fidèles à rejoindre la zone syro-irakienne ou à se réclamer d'al-Qaida», est «particulièrement constatée dans les établissements scolaires du quartier dans lesquels sont relayés les messages de haine et de discrimination tenus dans la mosquée». Une influence arrêtée pour six mois par l'arrêté préfectoral. Sans qu'on sache ce qu'il adviendra, à l'été, du lieu de culte et de son imam algérien.

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Rédacteur en chef adjoint, service Société
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Disney prêt à racheter Fox pour 60 milliards de dollars (13.12.2017)
Par Pierre-Yves Dugua
Mis à jour le 13/12/2017 à 21h02 | Publié le 13/12/2017 à 19h54
Le géant américain veut déployer une offre de streaming de haute qualité pour contrer Netflix et les Gafa.
Selon la presse américaine, Disney est sur le point d'annoncer le rachat des principaux actifs de Fox pour quelque 60 milliards de dollars. L'opération, qui secoue fortement Hollywood, se présente comme la première tentative d'envergure de studios de cinéma et de télévision de réinventer leur mode de distribution, à l'heure où Netflix, Amazon, Google et Apple bouleversent les habitudes du public.
Face au déclin des chaînes de télévision par câble, et en réaction à la stagnation de l'audience des films projetés en salle, Disney est le premier à lancer une riposte aussi radicale. Après l'annonce l'été dernier par Disney de l'arrêt fin 2018 de son accord de distribution avec Netflix, la reprise de la légendaire maison 21st Century Fox, contrôlée depuis 1985 par la famille Murdoch, est censée augmenter son offre de productions originales, accélérer le développement de ses propres services de streaming pour rivaliser avec Netflix et ses émules, tout en amorçant une consolidation des studios.
Disney n'avait pas prévu de se lancer aussi vite dans cette aventure. L'affaire a été apportée le mois dernier sur un plateau à Bob Iger, le patron du groupe de Burbank, par Rupert Murdoch lui-même
Et déjà les analystes se demandent comment Sony, propriétaire de Columbia Pictures, ou Paramount, propriété de Viacom, vont réagir à ce coup de théâtre. Vont-ils fusionner? Ou s'allier à des géants de la Silicon Valley? Ou encore, sur le mode de Time Warner, détenteur des studios Warner Bros, tenter de se vendre à un opérateur télécoms comme AT&T?
Disney n'avait pas prévu de se lancer aussi vite dans cette aventure. L'affaire a été apportée le mois dernier sur un plateau à Bob Iger, le patron du groupe de Burbank (Californie), par Rupert Murdoch lui-même. C'est parce que le mogul et patriarche de 86 ans a convaincu ses fils James et Lachlan que Fox n'était plus assez grand pour prospérer seul dans le nouvel environnement concurrentiel que l'audacieuse stratégie se met en place. Jusqu'à présent, personne n'imaginait que le redoutable tycoon ose défaire l'empire de la communication qu'il avait passé une vie à construire à partir d'un simple journal australien.
Murdoch, futur premier actionnaire de Disney
Pour faire mieux monter les enchères, les Murdoch ont laissé fuiter dans la presse leur approche de Disney. Immédiatement, d'autres géants de la communication se sont penchés sur le dossier. Comcast, premier câblo-opérateur des États-Unis, déjà propriétaire du réseau NBC et des studios Universal, est allé loin dans ses conversations avec Fox. En décidant finalement de ne pas faire d'offre, Disney est devenu par défaut le favori. Les Murdoch préféraient de toute façon se faire payer en actions de Disney plutôt qu'en titres de Comcast. À leurs yeux, devenir au passage le premier actionnaire de Disney présente aussi des avantages. James Murdoch rêverait de succéder à Bob Iger. Mais ce dernier, âgé de 66 ans, va probablement prolonger son contrat au-delà de 2019, car l'intégration de Fox à Disney s'annonce complexe et délicate.
Disney, a priori, ne rachète pas tous les actifs de Fox. Le groupe s'intéresse uniquement aux studios de télévision et de cinéma, à leurs catalogues de films et séries (X MenLes Simpson), aux 22 chaînes régionales dédiées au sport, à la participation de 30 % de Fox dans Hulu, plateforme de streaming dont Disney détient aussi 30 % aux côtés de Comcast (30 %) et Time Warner (10 %), ainsi qu'aux chaînes câblées FX, National Geographic et aux grands réseaux internationaux de télévision par satellite Sky of Britain et Star of India.
Voilà qui ne laisserait à Fox que sa chaîne d'information FoxNews, son jeune réseau câblé dédié au sport FS1 et son réseau de télévision classique Fox Network. En gros, un pôle de presse qui pourrait être réintégré à News Corp, l'autre holding des Murdoch, propriétaire de journaux, dont le Wall Street Journal, le New York Post et le London Times, et de la maison d'édition HarperCollins.

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Correspondant à Washington Twitte sur @PDugua 
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À six ans, Ryan a gagné neuf millions d'euros grâce à YouTube (13.12.2017)

Par Elsa Trujillo
Mis à jour le 13/12/2017 à 12h28 | Publié le 13/12/2017 à 05h00
Huitième du classement des youtubeurs les mieux payés du monde établi par Forbes, Ryan a cumulé plus de huit milliards de vues pour ses vidéos en un an.
À chaque époque, ses célébrités. Un certain Ryan restera dans les mémoires de millions d'enfants à travers le monde. À six ans, il s'assoit sur une fortune estimée à plus de neuf millions d'euros. La recette de ce succès est simple. Dans ses quelque 800 vidéos, tournées en famille, Ryan déballe des cadeaux de son âge et donne son avis à leur sujet. Il se hisse ainsi en huitième place du classement Forbes des youtubeurs les mieux rémunérés au monde et cumule plus de huit milliards de vues pour ses vidéos.
À la manière des adultes attentifs aux notes et commentaires TripAdvisor, des millions de jeunes spectateurs s'en remettent à son jugement en matière de jouets. Sa chaîne, «mélange de facéties innocentes et enfantines, et de consumérisme implacable et souvent accablant» selon le média américain The Verge, reprend les codes de l'«unboxing». Cette pratique, qui consiste à ouvrir des cadeaux sur YouTube, est depuis trois ans l'une des tendances les plus lucratives de la plate-forme. Le modèle a essaimé. Nombre d'enfants lancent leurs propres chaînes YouTube, en reprenant la même formule.
108 millions d'euros pour dix youtubeurs stars
Forbes évalue à 108 millions d'euros les revenus cumulés de ses dix youtubeurs millionnaires, entre le 1er juin 2016 et le 1er juin 2017. Il s'agit là d'une augmentation de 80% par rapport aux 60 millions de l'année précédente. Pour arriver à ces estimations, le magazine américain prend en compte les chiffres de YouTube, de Social Blade et Captiv8, deux plates-formes de statistiques, ainsi que des données issues d'entretiens avec des agents, des managers, des publicitaires, des producteurs et des avocats.
Véritables entrepreneurs, les youtubeurs millionnaires gèrent leur chaîne comme on gère une entreprise. Le septième du classement, Jake Paul, dirige ainsi une agence de management consacrée aux youtubeurs, et touche plusieurs dizaines de millions d'euros chaque mois grâce à la vente de produits dérivés. En un an, il a engrangé 10 millions d'euros.
Le premier, DanTDM, culmine à plus de 14 millions d'euros et 17 millions d'abonnés. Le jeune Britannique de 26 ans réalise essentiellement des vidéos autour de Minecraft, le jeu vidéo phare de Microsoft. Le classement 2017 de Forbes met en lumière l'importance du jeu vidéo, nouvel eldorado des youtubeurs stars. Pour la première fois, «la moitié des lauréats sont des joueurs», note le magazine.
Jusqu'alors premier du classement, PewDiePie retombe cette année à la sixième place. Ses revenus diminuent de 20% pour passer à 10 millions d'euros. La star d'Internet s'est mis à dos la plateforme qui a fait son succès, à raison de vidéos à caractère raciste et antisémite. Le goût du youtubeur pour la polémique lui a valu d'être abandonné par YouTube et Disney, son principal sponsor. Sa chaîne reste néanmoins forte de 58,3 millions d'abonnés.
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Sur Instagram et YouTube, la «Slime» fait la fortune des pots de colle Cléopâtre (19.11.2017)

Par Elisa Braun
Mis à jour le 20/11/2017 à 10h10 | Publié le 19/11/2017 à 18h12
L'année n'est même pas écoulée que la PME française anticipe déjà un record de croissance de 43 % sur 2017.
Un petit mot anglais, partagé des millions de fois sur YouTube et Instagram est en train de faire la fortune d'une PME française de plus de 80 ans. La «Slime», cette pâte baveuse que les enfants teintent de paillettes et couleurs pétaradantes avant d'en faire des vidéos et de les partager sur Internet, est en fait fabriquée à l'aide de la colle Cléopâtre qu'ont bien connue leurs parents dans les salles de classe. Alexandre Marionnet, le PDG de l'entreprise située à Ballan-Miré (37), n'en revient pas: «Nous avons augmenté la production de 5000 % sur les produits liés à la Slime et prenons en ce moment 1 % de croissance par semaine.»
L'année n'est même pas écoulée que Cléopâtre anticipe déjà un record de croissance de 43 % sur 2017, pour atteindre 5,8 millions d'euros de chiffre d'affaires, contre 4 millions en 2016. «Les distributeurs veulent en faire la tendance de Noël», affirme le chef d'entreprise, presque embêté. Cléopâtre attend en effet de nouvelles machines pour augmenter la production, mais celles-ci n'arriveront pas avant un an.
Alors que l'un des produits phares de Slime était fabriqué à 1 681 exemplaires par semaine en 2016, il faut désormais en sortir 71.286 flacons en 2017. Toutes les activités de développement ont été interrompues pour maintenir la cadence, et dix personnes sont venues compléter une équipe de vingt employés. Le chef d'entreprise reste prudent face à une mode qui pourrait vite passer.

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Christophe Guilluy : «Johnny, la Corse et la France périphérique» (13.12.2017)

Par Alexandre Devecchio
Publié le 13/12/2017 à 19h41
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Victoire des nationalistes en Corse, référendum controversé en Catalogne, élection de Donald Trump, Brexit, phénomène Johnny : pour le géographe, tous ces événements témoignent des fractures qui traversent les sociétés modernes.
LE FIGARO. - Comment analysez-vous la victoire des nationalistes en Corse?
Christophe GUILLUY. - La Corse est un territoire assez emblématique de la France périphérique. Son organisation économique est caractéristique de cette France-là. Il n'y a pas de grande métropole mondialisée sur l'île, mais uniquement des villes moyennes ou petites et des zones rurales. Le dynamisme économique est donc très faible, mis à part dans le tourisme ou le BTP, qui sont des industries dépendantes de l'extérieur. Cela se traduit par une importante insécurité sociale: précarité, taux de pauvreté gigantesque, chômage des jeunes, surreprésentation des retraités modestes. L'insécurité culturelle est également très forte. Avant de tomber dans le préjugé qui voudrait que «les Corses soient racistes», il convient de dire qu'il s'agit d'une des régions (avec Paca et après l'Île-de-France) où le taux de population immigrée est le plus élevé. Il ne faut pas l'oublier.
La sensibilité des Corses à la question identitaire est liée à leur histoire et leur culture, mais aussi à des fondamentaux démographiques
La sensibilité des Corses à la question identitaire est liée à leur histoire et leur culture, mais aussi à des fondamentaux démographiques. D'un côté, un hiver démographique, c'est-à-dire un taux de natalité des autochtones très bas, et de l'autre, une poussée de l'immigration notamment maghrébine depuis trente ans conjuguée à une natalité plus forte des nouveaux arrivants. Cette instabilité démographique est le principal générateur de l'insécurité culturelle sur l'île. La question qui obsède les Corses aujourd'hui est la question qui hante toute la France périphérique et toutes les classes moyennes et populaires occidentales au XXIe siècle: «Vais-je devenir minoritaire dans mon île, mon village, mon quartier?» C'est à la lumière de cette angoisse existentielle qu'il faut comprendre l'affaire du burkini sur la plage de Sisco, en juillet 2016, ou encore les tensions dans le quartier des Jardins de l'Empereur, à Ajaccio, en décembre 2015. C'est aussi à l'aune de cette interrogation qu'il faut évaluer le vote «populiste» lors de la présidentielle ou nationaliste aujourd'hui. En Corse, il y a encore une culture très forte et des solidarités profondes. À travers ce vote, les Corses disent: «Nous allons préserver ce que nous sommes.»
Il faut ajouter à cela l'achat par les continentaux de résidences secondaires qui participe de l'insécurité économique en faisant augmenter les prix de l'immobilier. Cette question se pose dans de nombreuses zones touristiques en France: littoral atlantique ou méditerranéen, Bretagne, beaux villages du Sud-Est et même dans les DOM-TOM. En Martinique aussi, les jeunes locaux ont de plus en plus de difficultés à se loger à cause de l'arrivée des métropolitains. La question du «jeune prolo» qui ne peut plus vivre là où il est né est fondamentale. Tous les jeunes prolos qui sont nés hier dans les grandes métropoles ont dû se délocaliser. Ils sont les pots cassés du rouleau compresseur de la mondialisation. La violence du marché de l'immobilier est toujours traitée par le petit bout de la lorgnette comme une question comptable. C'est aussi une question existentielle! En Corse, elle est exacerbée par le contexte insulaire. Cela explique que, lorsqu'ils proposent la corsisation des emplois, les nationalistes font carton plein chez les jeunes. C'est leur préférence nationale à eux.
«En Corse, l'offre politique des nationalistes (...) n'est pas seulement identitaire. Elle prend en compte la condition des plus modestes et leur propose des solutions pour rester au pays et y vivre»
Qu'est-ce qui prime dans le ressort du vote: l'insécurité sociale ou l'insécurité culturelle?
La condition de ce vote, comme de tous les votes populistes, est la réunion de l'insécurité sociale et culturelle. Les électeurs de Fillon, qui se sont majoritairement reportés sur Macron au second tour, étaient sensibles à la question de l'insécurité culturelle, mais étaient épargnés par l'insécurité sociale. À l'inverse, les électeurs de Mélenchon étaient sensibles à la question sociale, mais pas touchés par l'insécurité culturelle. C'est pourquoi le débat sur la ligne que doit tenir le FN, sociale ou identitaire, est stérile. De même, à droite, sur la ligne dite Buisson. L'insécurité culturelle de la bourgeoisie de droite, bien que très forte sur la question de l'islam et de l'immigration, ne débouchera jamais sur un vote «populiste» car cette bourgeoisie estime que sa meilleure protection reste son capital social et patrimonial et ne prendra pas le risque de l'entamer dans une aventure incertaine. Le ressort du vote populiste est double et mêlé. Il est à la fois social et identitaire. De ce point de vue, la Corse est un laboratoire. L'offre politique des nationalistes est pertinente car elle n'est pas seulement identitaire. Elle prend en compte la condition des plus modestes et leur propose des solutions pour rester au pays et y vivre. Au-delà de l'effacement du clivage droite-gauche et d'un rejet du clanisme historique, leur force vient du fait qu'ils représentent une élite et qu'ils prennent en charge cette double insécurité. Cette offre politique n'a jamais existé sur le continent car le FN n'a pas intégré une fraction de l'élite. C'est même tout le contraire. Ce parti n'est jamais parvenu à faire le lien entre l'électorat populaire et le monde intellectuel, médiatique ou économique. Une société, c'est une élite et un peuple, un monde d'en bas et un monde d'en haut, qui prend en charge le bien commun. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le vote nationaliste et/ou populiste arrive à un moment où la classe politique traditionnelle a déserté, aussi bien en Corse que sur le continent.
L'erreur de la plupart des observateurs est de présenter Trump comme un outsider. Ce n'est pas vrai. S'il a pu gagner, c'est justement parce qu'il vient de l'élite. C'est un membre de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Il fait partie du monde économique, médiatique et culturel depuis toujours, et il avait un pied dans le monde politique depuis des années. Il a gagné car il faisait le lien entre l'Amérique d'en haut et l'Amérique périphérique. Pour sortir de la crise, les sociétés occidentales auront besoin d'élites économiques et politiques qui voudront prendre en charge la double insécurité de ce qu'était hier la classe moyenne. C'est ce qui s'est passé en Angleterre après le Brexit, ce qui s'est passé aux États-Unis avec Trump, ce qui se passe en Corse avec les nationalistes. Il y a aujourd'hui, partout dans le monde occidental, un problème de représentation politique. Les électeurs se servent des indépendantismes, comme de Trump ou du Brexit, pour dire autre chose. En Corse, le vote nationaliste ne dit pas l'envie d'être indépendant par rapport à la France. C'est une lecture beaucoup trop simpliste. Si, demain, il y a un référendum, les nationalistes le perdront nettement. D'ailleurs, c'est simple, ils ne le demandent pas.
Le cas de la Corse est-il comparable à celui de la Catalogne?
«La Catalogne n'est pas l'Espagne périphérique, mais tout au contraire une région métropole»
Le point commun, c'est l'usure des vieux partis, un système représentatif qui ne l'est plus et l'implosion du clivage droite-gauche. Pour le reste, la Catalogne, c'est l'exact inverse de la Corse . Il ne s'agit pas de prendre en charge le bien commun d'une population fragilisée socialement, mais de renforcer des positions de classes et territoriales dans la mondialisation. La Catalogne n'est pas l'Espagne périphérique, mais tout au contraire une région métropole. Barcelone représente ainsi plus de la moitié de la région catalane. C'est une grande métropole qui absorbe l'essentiel de l'emploi, de l'économie et des richesses. Le vote indépendantiste est cette fois le résultat de la gentrification de toute la région. Les plus modestes sont peu à peu évincés d'un territoire qui s'organise autour d'une société totalement en prise avec les fondamentaux de la bourgeoisie mondialisée. Ce qui porte le nationalisme catalan, c'est l'idéologie libérale libertaire métropolitaine avec son corollaire: le gauchisme culturel et l'«antifascisme» d'opérette. Dans la rhétorique nationaliste, Madrid est ainsi présentée comme une «capitale franquiste» tandis que Barcelone incarnerait l'«ouverture aux autres». La jeunesse, moteur du nationalisme catalan, s'identifie à la gauche radicale. Le paradoxe, c'est que nous assistons en réalité à une sécession des riches, qui ont choisi de s'affranchir totalement des solidarités nationales, notamment envers les régions pauvres. C'est la «révolte des élites» de Christopher Lasch appliquée aux territoires. L'indépendance nationale est un prétexte à l'indépendance fiscale. L'indépendantisme, un faux nez pour renforcer une position économique dominante. Dans Le Crépuscule de la France d'en haut, j'ironisais sur les Rougon-Macquart déguisés en hipsters. Là, on pourrait parler de Rougon-Macquart déguisés en «natios». Derrière les nationalistes, il y a les lib-lib.
Le clivage nation-ville monde est-il celui de demain?
L'exemple de la Catalogne préfigure peut-être, en effet, un futur pas si lointain où le processus de métropolisation conduira à l'avènement de cités-États. En face, les défenseurs de la nation apparaîtront comme les défenseurs du bien commun. Aujourd'hui, la seule critique des hyperriches est une posture trop facile qui permet de ne pas voir ce que nous sommes devenus, nous: les intellectuels, les politiques, les journalistes, les acteurs économiques, et on pourrait y ajouter les cadres supérieurs. Nous avons abandonné le bien commun au profit de nos intérêts particuliers. Hormis quelques individus isolés, je ne vois pas quelle fraction du monde d'en haut au sens large aspire aujourd'hui à défendre l'intérêt général.
Macron a souvent été présenté comme la quintessence de la France d'en haut. Peut-il, malgré tout, s'adresser à celle d'en bas?
«Trump va nous montrer que le grand retournement ne peut pas se produire du jour au lendemain mais peut se faire par petites touches, par transgressions successives»
Il est trop tôt pour le dire. Je ne suis pas dans le cerveau de Macron. Cela nécessiterait une profonde révolution intellectuelle de sa part. Notons simplement que, depuis son élection, il a su se montrer suffisamment transgressif pour ne pas tenir exactement les discours qu'on attendait de lui. Le point le plus intéressant, c'est qu'il s'est dégagé du clivage droite-gauche. La comparaison avec Trump n'est ainsi pas absurde. Tous les deux ont l'avantage d'être désinhibés. Mais il faut aussi garder à l'esprit que, dans un monde globalisé dominé par la finance et les multinationales, le pouvoir du politique reste très limité. Je crois davantage aux petites révolutions culturelles qu'au grand soir. Trump va nous montrer que le grand retournement ne peut pas se produire du jour au lendemain mais peut se faire par petites touches, par transgressions successives. Trump a amené l'idée de contestation du libre-échange et mis sur la table la question du protectionnisme. Cela n'aura pas d'effets à court terme. Ce n'est pas grave car cela annonce peut-être une mutation à long terme, un changement de paradigme. La question est maintenant de savoir qui viendra après Trump. La disparition de la classe moyenne occidentale, c'est-à-dire de la société elle-même, est l'enjeu fondamental du XXIe siècle. Le défi auquel devront répondre ses successeurs.
Que révèle le phénomène Johnny?
On peut cependant rappeler le mépris de classe qui a entouré le personnage de Johnny, notamment via «Les Guignols de l'info». Il ne faut pas oublier que ce chanteur, icône absolue de la culture populaire, a été dénigré pendant des décennies par l'intelligentsia, qui voyait en lui une espèce d'abruti, chantant pour des «déplorables», pour reprendre la formule de Hillary Clinton. L'engouement pour Johnny rappelle l'enthousiasme des bobos et de Canal + pour le ballon rond au moment de la Coupe du monde 98. Le foot est soudainement devenu hype. Jusque-là, il était vu par eux comme un sport d'«ouvriers buveurs de bière». On retrouve le même phénomène aux États-Unis avec le dénigrement de la figure du white trash ou du redneck. Malgré quarante ans d'éreintement de Johnny, les classes populaires ont continué à l'aimer. Le virage à 180 degrés de l'intelligentsia ces derniers jours n'est pas anodin. Il démontre qu'il existe un soft power des classes populaires. L'hommage presque contraint du monde d'en haut à ce chanteur révèle en creux l'importance d'un socle populaire encore majoritaire. C'est aussi un signe supplémentaire de l'effritement de l'hégémonie culturelle de la France d'en haut. Les classes populaires n'écoutent plus les leçons de morale. Pas plus en politique qu'en chanson.

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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Construction et rénovation des palais de justice et des prisons : bientôt la rupture budgétaire ? (13.12.2017)

Par Paule Gonzalès
Publié le 13/12/2017 à 20h08
Modèles économiques ruineux, manque de programmation raionnelle... La Cour des comptes dresse un état des lieux sans appel de l'immobilier pénitentiaire.
Le constat est sanglant. Au fil des décennies, la Chancellerie a ruiné l'immobilier pénitentiaire faute de programmation rationnelle de ses programmes de construction et de rénovation. Mais aussi par le recours à des modèles économiques qui sont sur le point de ruiner les budgets qui lui sont consacrés chaque année. Plutôt encline à la métaphore polie et à la litote de bon aloi, la Cour des comptes vient de livrer, mercredi, un rapport consacré à l'immobilier pénitentiaire titré: «Mettre fin à la fuite en avant». Tout est dit ou presque.
Le rapport vise principalement les partenariats publics/privés (PPP) qui ont permis de construire les palais de justice de Caen et de Paris, mais aussi 14 établissements pénitentiaires. Il y avait là urgence compte tenu de la surpopulation carcérale galopante. Mais la facture est salée et va désormais devoir être honorée pendant 20 à 40 ans, selon les projets.
Un coût d'emprunt bien trop élevé
Pour les prisons construites sous ce montage financier, ce sont 224 millions qui devront être versés aux constructeurs - dire mainteneurs en langage administratif - entre 2020 et 2036, soit près de la moitié de la somme annuelle consacrée à l'immobilier pénitentiaire. En tout, la place Vendôme consacre 900 millions d'euros à l'immobilier judiciaire pour un budget total de 8 milliards d'euros.
Idem en ce qui concerne les palais de justice de Caen et de Paris dont les loyers s'élèveront à 90 millions d'euros par an. Pour Paris, le coût sera étalé sur 25 ans à raison de 86 millions par an pour un coût global de 2,3 milliards d'euros. Une rente de situation confortable pour le groupe Bouygues, et un calvaire pour l'administration. Le rapport dénonce le coût d'emprunt bien trop élevé induit par ce modèle économique: le taux fixe du coût de ce PPP du TGI de Paris est de 6,4%, alors qu'en 2012, date de la signature du contrat avec Bouygues, le taux moyen pondéré du financement de l'Etat à moyen-long terme était de 1,86% (jusqu'à 3% à 30 ans). A cela s'ajoute le fait que la maintenance des bâtiments est enserrée dans un contrat strict qui ne permet aucun additif ou travaux modificatifs sans en payer le prix fort. Enfin, pour contrôler que ces grandes sociétés de construction respectent les termes de leurs engagements et éventuallement pour leur infliger des pénalités, ce sont des équipes d'ingénieurs et de gestionnaires qu'il faut embaucher, au risque de ne pas faire prévaloir ses droits.
Revoir à la baisse le nombre de projets
Aussi, pour la Cour des comptes, le message est clair. Il faut définitivement renoncer à ce type de modèle économique quitte à en payer le prix pendant quelques années. Le prix est avant tout celui de revoir à la baisse le nombre de projets ou tout du moins d'en établir «une programmation pluri-annuelle réaliste». Contrairement aux années précédentes, qu'il s'agisse des programmes de construction comme de rénovation des palais de justice et des prisons. «Les loyers des PPP déjà engagés vont monter en charge, provoquant un important effet d'éviction pour les autres dépenses immobilières», prévient la Cour des comptes. Et d'estimer indispensable l'identification de projets prioritaires pour une programmation d'ici à 2030. En matière pénitentiaire, la Cour des comptes laisse filtrer que la priorité doit être donnée aux maisons d'arrêt où la surpopulation carcérale atteint 140%.
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Donald Trump met fin à la neutralité du Net
Des partisans du principe de la neutralité du Net protestent, début décembre à Washington, devant une agence de Verizon Communication, un opérateur télécoms favorable à la déréglementation.
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  1. Tech & Web
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Par Lucie Ronfaut
Mis à jour le 13/12/2017 à 20h12 | Publié le 13/12/2017 à 20h09
La neutralité du Net, qui garantit l'accès libre et sans discrimination à Internet, devrait être abrogée jeudi. Ce changement défendu par les opérateurs télécoms divise l'Amérique.
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- Crédits photo : Le Figaro
C'est en 2014 que Donald Trump a pour la première fois attaqué publiquement le principe de neutralité du Net instauré par l'Administration Obama. Trois ans plus tard, il tient sa revanche. Jeudi, sauf surprise, la Commission fédérale des communications (FCC) devrait abroger les dispositions protégeant cette fameuse neutralité du Net. Ce principe fondateur d'Internet garantit l'accès libre aux contenus en ligne. Surtout, il a permis l'éclosion de start-up devenus les géants du Web d'aujourd'hui. Aujourd'hui, l'Administration Trump veut y mettre fin. Cela a déclenché la colère des pères fondateurs de l'Internet: Vinton Cerf, Tim Berners-Lee et Steve Wozniak (cofondateur d'Apple) qui pressent la FCC de renoncer à cette décision «basée sur une vision totalement fausse de la manière dont Internet fonctionne». Ils soutiennent la protestation des associations d'internautes américains.
Cette bataille des «pour» et des «contre» la neutralité du Net dure depuis longtemps. En 2015, sous la présidence Obama, la FCC avait pris une décision historique en considérant Internet comme un service public. La Commission s'était donné le droit de réguler les fournisseurs, et de s'assurer qu'ils garantissent à tous un accès libre et sans discrimination à Internet. Cette décision avait coupé court aux projets des opérateurs télécoms de créer des abonnements plus chers pour accéder en priorité à certains services, ou au contraire, de créer des forfaits moins chers mais avec un débit dégradé. Les opérateurs télécoms avaient protesté et réclamaient plus de liberté pour mieux rentabiliser les lourds investissements dans leurs réseaux. En revanche, les défenseurs des libertés en ligne s'étaient réjouis d'une décision garantissant une innovation sans entrave et un accès à Internet pour tous, sans différence de prix.
C‘était sans compter sur Ajit Pai. Cet avocat de profession, ancien employé de l'opérateur télécom Verizon, est entré au sein de la FCC en 2011. En janvier, Donald Trump l'a nommé président de la Commission. Ce dernier a finalement révélé en novembre un plan pour abroger la neutralité du Net. «Grâce à ma proposition, le gouvernement fédéral arrêterait de contrôler Internet, promettait-il. La FCC demandera seulement aux fournisseurs d'accès d'être transparents dans leurs pratiques, afin que les consommateurs puissent souscrire à l'abonnement qui correspond le mieux à leurs besoins, et les petites entreprises auront les informations nécessaires pour innover.»
S'ils ont toujours été de fervents défenseurs de la neutralité du Net, les Google, Facebook ou Twitter sont aujourd'hui beaucoup plus discrets
S'ils ont toujours été de fervents défenseurs de la neutralité du Net, les Google, Facebook ou Twitter sont aujourd'hui beaucoup plus discrets. Il est vrai que le contexte est bien moins favorable aux géants du Web que sous Barack Obama. Beaucoup ont préféré s'exprimer au travers de l'Internet Association, plutôt qu'à titre individuel. Reste quelques sociétés toujours très remontées, comme Reddit, Etsy ou Kickstarter, des associations de défense des libertés en ligne et même certaines célébrités de cinéma. Plusieurs organisations ont déjà promis d'attaquer cette nouvelle régulation en justice. «Nous craignons que les fournisseurs d'accès choisissent de privilégier certaines applications. Avec pour conséquence de voir les consommateurs abandonner les autres», avertit Sylvestre Ledru, de la branche française de Mozilla, l'un des défenseurs farouches de la neutralité du Net.
D'autres acteurs, enfin, ne savent pas vraiment sur quel pied danser. Netflix, la plateforme de séries et de films en ligne, est officiellement opposée au plan de la FCC. Néanmoins, en mai, son PDG Reed Hastings a précisé que la neutralité du Net n'était «plus vraiment notre priorité», précisant que son entreprise était désormais suffisamment grosse pour négocier des contrats auprès des opérateurs télécoms afin que son service reste accessible auprès de ses clients. Après des années de relations tumultueuses, Netflix a accepté de payer les principaux géants américains des télécoms afin d'assurer la stabilité de sa plateforme, très gourmande en bande passante.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 14/12/2017.
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Le gouvernement demande le départ de Rokhaya Diallo du Conseil national du numérique (13.12.2017)

  • Mis à jour le 13/12/2017 à 21:05 

  • Publié le 13/12/2017 à 20:54
Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat au Numérique, a appelé à plus de «sérénité». Plusieurs membres du gouvernement se sont inquiétés de la présence de la militante antiraciste et féministe au sein du Conseil.
Le Conseil national du numérique a besoin de «sérénité». C'est en tout cas l'argument avancé par Mounir Mahjoubi pour en réclamer sa recomposition. Le secrétaire d'Etat au numérique a annoncé mercredi soir qu'il avait demandé à Marie Ekeland, présidente du CNNum, de revoir sa copie, quelques jours à peine après avoir dévoilé son équipe. Le gouvernement réclame le remplacement de la militante antiraciste Rokhaya Diallo. La nouvelle composition du CNNum doit être dévoilée la semaine prochaine.
«Ce conseil a pour rôle d'orienter les politiques du gouvernement sur les aspects numériques et de penser les transformations du monde. (...) Nous avons souhaité, par souci de bonne gouvernance et afin que le débat démocratique puisse avoir lieu, que le Conseil puisse agir en indépendance, compte tenu de l'importance des sujets à traiter. Dans ce contexte, la présidente du Conseil a pu, ce qui est inédit, composer son équipe, en intégrant des points de vue dont certains peuvent être différents de ceux du gouvernement», écrit Mounir Mahjoubi. «Cependant, et eu égard encore une fois à l'ampleur des enjeux qui sont les siens, le Conseil National du Numérique a besoin de sérénité pour travailler, et les derniers échanges sur la composition du Conseil soulignent que ces conditions ne sont pas pleinement réunies.»
Nommée en octobre
Le gouvernement s'est inquiété de la présence de Rokhaya Diallo, écrivaine, militante féministe et connue pour ses positions antiracistes et contre l'islamophobie. Elle est également chroniqueuse au sein de l'émission Touche pas à mon poste. Mercredi, la députée Valérie Boyer s'est publiquement émue de cette nomination. C'est aussi le cas de plusieurs personnes à l'Elysée et à Matignon, qui ont alerté Mounir Mahjoubi à ce sujet. Il est notamment reproché à Rokhaya Diallo cette phrase prononcée dans une interview pour le média Regards, datant du 30 novembre. «Je ne vois pas en quoi le fait de marquer la féminité par un voile, c'est plus sexiste que de le marquer par des talons aiguilles ou minijupe», a-t-elle expliqué, en estimant qu'il y avait un «déni profond» du racisme à gauche. Valérie Boyer a également cité dans son communiqué une pétition, datant de 2011, signée par Rokhaya Diallo, qui critiquait «l'union sacrée» autour de Charlie Hebdo, après le jet d'un cocktail molotov dans les locaux du magazine.
Sur Twitter, d'autres personnes ont critiqué les opinions de Rokhaya Diallo sur le racisme, notamment venant de l'État et de ses institutions. «Donc je n'ai pas le droit de collaborer avec les institutions de mon propre pays parce que j'ose dire publiquement qu'elles sont imparfaites? Quelle étrange conception de la démocratie», se défendait Rokhaya Diallo sur son compte Twitter, mardi soir.
La place du rappeur Axiom, également cité par Valérie Boyer dans sa lettre publique, au sein du CNNum n'est a priori pas menacée. Via son compte Twitter, ce dernier indiquait mercredi soir qu'il avait demandé à son avocat de donner au courrier de la députée «la suite judiciaire qu'il mérite».
Nommée en octobre à la tête du Conseil national du numérique, Marie Ekeland voulait «profiter de [la diversité pour écouter des voix que nous n'avions pas l'habitude d'entendre sur les sujets numériques, offrant un regard concret sur les impacts de ces transformations dans nos vies quotidiennes». Le Conseil national du numérique est une commission consultative indépendante, qui a pour rôle d'orienter les politiques du gouvernement sur le numérique. Mounir Mahjoubi en a été le président entre 2016 et 2017.
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Luc Ferry : «Macron ou la fin de l'exception française» (13.12.2017)

Par Luc Ferry
Publié le 13/12/2017 à 16h46
CHRONIQUE - Historiquement, la passion de la France pour l'État se traduit par une opposition naturelle au libéralisme et aux théories du marché. Une tendance que le président est en train de dissoudre.
Voici deux textes, peu cités et peu connus, que je vous conseille chaleureusement de lire. Ils éclairent comme nul autre les thèmes qui structurent notre présent, les oppositions entre démocrates et républicains, libéraux et étatistes, optimistes et pessimistes, girondins et jacobins.
Le premier est extrait de La Fable des abeillesde Mandeville (1714) où apparaît pour la première fois en pleine lumière la structure morale (ou immorale) du libéralisme économique. Plaidoyer tout à la fois profond et humoristique, sinon pour la corruption, du moins contre toute espèce de moralisation de la vie privée comme publique, contre toute imposition par l'État d'un universel qui viendrait entraver la poursuite des intérêts particuliers. C'est peu de dire que Mandeville n'aurait guère apprécié nos récentes tentatives de «moraliser» la vie politique par la loi!
«Les vices des particuliers contribuaient à la félicité publique, même les plus scélérats faisaient quelque chose pour le bien commun»
Mandeville, dans La Fable des abeilles
Sa fable commence par décrire une ruche au sein de laquelle les petits insectes ne font que poursuivre leurs intérêts personnels de la manière la plus égoïste qui soit, sans négliger les moyens de la corruption. Pour autant, écrit Mandeville, «les vices des particuliers contribuaient à la félicité publique, même les plus scélérats faisaient quelque chose pour le bien commun. Le luxe fastueux occupait des millions de pauvres.
La vanité, cette passion détestée, donnait de l'occupation à un plus grand nombre encore. Même l'envie et l'amour-propre, ministres de l'industrie, faisaient fleurir les arts et le commerce. Les extravagances dans le manger et dans la diversité des mets, la somptuosité des équipages et dans l'ameublement, malgré leur ridicule, faisaient la meilleure partie du négoce. C'est ainsi que le vice produisant la ruse, et la ruse se joignant à l'industrie, on vit peu à peu la ruche abonder de toutes les commodités de la vie. On ne pouvait rien ajouter au bonheur de cette société!»
Hélas, une abeille des plus vicieuses invoqua l'aide de Jupiter et avec elle, tous les fripons se mirent à crier avec impudence: «Bons Dieux! Accordez-nous seulement la probité!» Jupiter, indigné par tant d'hypocrisie, décide de prendre ces fripons au mot et il leur accorde, d'un coup de baguette magique, la vertu morale la plus parfaite. De vicieuses, les abeilles deviennent du jour au lendemain des mères Teresa… et comme on peut s'y attendre, la ruche va en mourir!
Les premières victimes de la vertu sont les magistrats et les juristes: la morale régnant partout, plus de litiges, plus de procès, donc un barreau dépeuplé et des cours de justices vidées de tous les emplois d'huissiers, d'avocats, de greffiers, de procureurs et d'experts en tous genres. Plus de prisons non plus, donc plus de gardiens, mais aussi plus de serruriers, de guichetiers, de menuisiers, de forgerons de grilles… Plus de vanité ni d'amour-propre? Donc plus non plus de luxe et, par là même, plus de drapiers, de cuisiniers, de tailleurs, de domestiques, de carrossiers, de parfumeurs, mais aussi d'architectes, de peintres, de sculpteurs, de modistes, d'orfèvres ou de bijoutiers… Bref, sans vices privés, pas d'avantages publics!
La passion française de l'État est une passion finalement moins opposée à l'absolutisme monarchique qu'à ce libéralisme honni
Quelques années plus tard, à l'opposé mot pour mot du libéralisme de Mandeville, Robespierre devait théoriser le gouvernement de la vertu dans un fameux discours qu'il prononce le 5 février 1794 devant la Convention. En voici la substantifique moelle: «Quel est le principe fondamental du gouvernement démocratique ou populaire, le ressort essentiel qui le soutient et le fait se mouvoir? C'est la vertu, je parle de la vertu publique qui opéra tant de prodiges dans la Grèce et dans Rome et qui doit en produire de bien plus étonnants encore dans la France républicaine. Comment l'esclave de l'avarice et de l'ambition pourrait-il immoler son idole à la patrie? Il faut donc que le corps représentatif commence par soumettre dans son sein toutes les passions privées à la passion générale du bien public.»
De là le glissement de la France vers la passion de l'État, une passion finalement moins opposée à l'absolutisme monarchique qu'à ce libéralisme honni, à ces théories du marché et de la «main invisible» que notre vieux pays continuera de combattre jusqu'à nos jours, devenant ainsi l'exception que l'on sait dans le concert des nations d'Occident.
Pour le meilleur (enfin de vraies réformes libérales!), mais parfois aussi pour le moins bon (une reddition à la société civile, à ses intérêts, à son politiquement correct), c'est très exactement cette exception française que le président Macron est en train de dissoudre.
Éric Zemmour : «Les convergences inattendues de Claude Imbert et Élisabeth Lévy» (13.12.2017)

Par Eric Zemmour
Publié le 13/12/2017 à 17h29
CHRONIQUE - Deux chroniqueurs que tout oppose : la génération, le sexe, la famille politique. Et que la dureté des temps finit pourtant par rassembler. Comme le révélateur d'une époque.

Claude Imbert. Plon-Le Point, 616 p., 23,90€. - Crédits photo : Plon
La différence fondamentale entre le journaliste et l'écrivain est sans doute dans leur rapport au temps. Le journaliste charrie l'éphémère tandis que l'écrivain flirte avec l'éternel. Et puis, il y a les chroniqueurs. Les pieds dans la glaise du journalisme, ils ont la tête dans les étoiles de la littérature. Ils sont à la charnière des deux mondes. Le passage entre les deux univers est consubstantiel à notre génie national.
Les chroniques de Chateaubriand, Péguy, Maurras, Bainville, Suarès, Mauriac, Sartre ou Aron, et bien d'autres, sont partie intégrante de notre Empyrée littéraire. Le recueil de chroniques est à la fois l'outil et le test du passage réussi - ou raté. Le livre donne l'épaisseur du temps; il révèle aussi cruellement les lacunes - de forme - ou les erreurs de fond.
Comme le reconnaît avec honnêteté Élisabeth Lévy, «il y a un peu de masochisme à publier en volume des chroniques rédigées au fil de l'actualité et déjà parues». Masochiste, la patronne du mensuel Causeurs'avère aussi le juge le plus lucide de son travail: «À l'exception de quelques très grandes plumes (du passé pour la plupart), aucun chroniqueur n'échappe aux faiblesses congénitales du genre: le bavardage flirte avec la réflexion, l'impression va au secours de la conception.»
Imbert séduit par l'élégance classique de sa phrase, quand Lévy charme par la truculence de ses formules à l'emporte-pièce
Claude Imbert était, lui, d'une autre génération. Sa prose est plus tenue, contenue, retenue, moins débraillée, à la manière de ses costumes. Avec une pointe de coquetterie parfois, dans un mot rare ou vieillot. Ses chroniques données chaque semaine au Point, depuis la création du journal, en 1972, s'étalent sur quarante années et s'achèvent en 2012, au moment même où celles d'Élisabeth Lévy commencent.
Les deux ouvrages éclairent crûment le choc des générations: Imbert séduit par l'élégance classique de sa phrase, quand Lévy charme par la truculence de ses formules à l'emporte-pièce. Imbert imite sans l'atteindre le modèle indépassable du Bloc-notes de François Mauriac ; Lévy paye sans barguigner sa dette à l'égard de son pygmalion Philippe Muray. L'un vient d'une droite libérale et européenne, sous la tutelle de Raymond Aron ; l'autre vient d'une gauche républicaine et souverainiste, sous le parrainage initial de Jean-Pierre Chevènement et de Régis Debray.
Les deux ont en commun d'être membres de ce nouveau pouvoir médiatique dont Imbert a annoncé l'avènement, avec une prescience admirable, lors de la chute de Nixon dans le scandale du Watergate: «Dressée sur la dépouille du président américain, une nouvelle classe de la société d'aujourd'hui émerge: celle des campus universitaires, des intellectuels, des ingénieurs, des professions libérales, des cadres, celle qui (…) se définit par son savoir et ses compétences. Cette classe ne tolérait pas le mépris que Nixon lui vouait. Distincte du monde ouvrier, comme de cette bourgeoisie industrielle, agricole et commerçante qui reste liée à la propriété, elle constitue le nouveau tiers état des nations modernes. Ce tiers état vient de commettre calmement, sans terreur ni drame populaire, son “régicide”. Il n'est pas au bout de sa route.»
En lisant les chroniques des années 1970, et surtout celles des années Pompidou, on est frappé par l'éclat d'une France sûre d'elle-même et dominatrice
Période révolutionnaire que ces années 1970, qui vont faire naître notre monde. Pour le meilleur et surtout pour le pire. Il est savoureux à ce propos de lire l'actuel directeur du Point qui, concluant sa préface élogieuse - forcément élogieuse -, se croit obligé d'utiliser les textes de son prestigieux prédécesseur comme d'un gourdin à l'intention des apôtres du «c'était mieux avant, s'accrochant aux photos sépia».
Or, en lisant les chroniques des années 1970, et surtout celles des années Pompidou, on est frappé par l'éclat d'une France sûre d'elle-même et dominatrice, qui n'a que des problèmes d'intendance, soldant grâce à une richesse inédite, les derniers reliquats de la misère ouvrière née au XIXe siècle. Imbert fait ainsi l'éloge de Pompidou mourant, qui, «en homme d'État - sont-ils si nombreux? - a maintenu les deux vérins essentiels de la machine française, c'est-à-dire la solidité de l'État et l'indépendance de la France en matière de politique étrangère. Comme cet essentiel est depuis seize ans, assuré, on le croit éternel. Il n'en est rien.»
À sa manière, Elisabeth Lévy ne dit pas autre chose, lorsqu'elle écrit à propos des problèmes rencontrés par l'école: «Je suis vernie. Je suis entrée au collège en 1973, alors que la réforme Haby était encore dans les tuyaux et je l'ai quitté avant qu'elle produise ses effets les plus désastreux.»
L'islam devient au fil des ans et des chroniques, préoccupation, souci, angoisse, obsession, jusqu'à écraser, chez l'un comme chez l'autre chroniqueur, tous les autres sujets de réflexion et d'inquiétude
Cette lutte contre le «pédagogisme» et les «baguenauderies en tous genres» (Imbert, bien sûr) ne sera pas le seul rapprochement que les temps de plus en plus orageux vont susciter entre ces deux-là. Seule la manière les oppose. Même le féminisme ne les sépare pas. Imbert glorifie «un féminisme à la française qui n'abolit pas la distinction biologique des sexes» tandis que Lévy, évoquant drôlement le temps de «Cro-Magnon et cro-mignonne» dénonce «ces effrayantes donzelles (qui) finiront par nous faire regretter la domination masculine».
Seule l'Europe reste une pomme de discorde. Affaire de génération encore. Imbert est de celle qui, au sortir de la guerre, «rêvait d'un arc-en-ciel européen pour remplacer le rose des planisphères où se peignaient la France et son Empire», tandis que Lévy est adepte d'un agnosticisme tout voltairien vis-à-vis de la religion de l'Europe: «seulement, essayez de fonder une religion dont le prophète serait Habermas».

Les Rien-pensants, Élisabeth Lévy, Éditions du Cerf,432 p., 22 €. - Crédits photo : Cerf
Et puis, il y a l'islam. La question saute au visage de tout lecteur de bonne foi. Inexistante au cours des années 1970 et 1980, elle s'impose à partir de l'affaire des voiles de Creil en 1989. «L'entêtante question de l'islam et de son acculturation en France, devenue le révélateur et l'accélérateur du malaise identitaire» (Lévy), devient au fil des ans et des chroniques, préoccupation, souci, angoisse, obsession, jusqu'à écraser, chez l'un comme chez l'autre chroniqueur, tous les autres sujets de réflexion et d'inquiétude. C'est alors, dans cette accumulation même, que le recueil de chroniques sort du journalisme pour entrer dans ce qui n'est pas encore l'éternité - et ne le sera peut-être jamais - mais est déjà l'Histoire.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 14/12/2017.
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Journaliste, chroniqueur
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Brexit : ces Européens expulsés du Royaume-Uni (13.12.2017)

Par Florentin Collomp
Mis à jour le 13/12/2017 à 18h27 | Publié le 13/12/2017 à 18h03
Quinze ressortissants de l'UE par jour sont reconduits à la frontière. Une stratégie visant à créer un «environnement hostile».
Correspondant à Londres
Theresa May doit obtenir la validation d'un accord sur le Brexit de ses homologues, lors d'un sommet à Bruxelles, jeudi et vendredi. Elle multiplie les messages aux Européens vivant au Royaume-Uni pour leur assurer qu'ils restent les bienvenus. Mais nombre d'entre eux vivent une expérience bien différente dans la réalité. Miroslaw et Mariola Zieba, ressortissants polonais installés dans l'Essex, à l'est de Londres, se sont fait violemment expulser de leur domicile par leur propriétaire et deux autres hommes encagoulés, armés d'un couteau et d'une batte de baseball.
Quand le couple est allé porter plainte au commissariat local, les policiers ont vérifié la légalité de leur situation au Royaume-Uni et découvert que Miroslaw, 48 ans, avait fait de la prison en Pologne il y a plus de vingt ans, notamment pour un cambriolage. Ils l'ont arrêté et envoyé dans un centre de détention, où il est toujours détenu depuis plus de quatre mois, en attente d'une expulsion du territoire, dont il a fait appel.
5321 citoyens européens ont été expulsés du Royaume-Uni en un an, soit 15 par jour
«Vérifier le passé judiciaire d'une victime qui vient porter plainte est pour le moins immoral, voire illégal, dénonce son avocat, Fahad Ansari. Cela risque d'avoir pour effet de pousser les étrangers à éviter la police à tout prix.»
Un ressortissant européen présent depuis plus de cinq ans dans le pays peut être expulsé s'il présente «une menace véritable et grave». Une condamnation passée ne devrait pas être une raison suffisante, estime l'avocat. Mais l'internement préventif relève d'une pratique systématique du Home Office. Souvent, l'expulsion a lieu avant que la personne concernée ait pu en faire appel.
Les Européens de l'Est ciblés
C'est un record: 5321 citoyens européens ont ainsi été expulsés du Royaume-Uni en un an - soit 15 par jour. Une hausse de 13 % par rapport à l'année précédente, et de… 340 % depuis 2010. C'est un effet de la stratégie délibérée pour instaurer un «environnement hostile» à l'immigration, adoptée par Theresa May, ministre de l'Intérieur de 2010 à 2016, avant de devenir première ministre. L'association Bail for Immigration Detainees a écrit à la Commission européenne pour s'inquiéter que «cette hausse des détentions contre des ressortissants de l'UE ciblés en vue d'être expulsés du Royaume-Uni augure d'un environnement encore plus dur à l'avenir», après le Brexit.
Bruxelles a répondu avoir abordé la question avec les autorités britanniques. Pour les ressortissants arrivés depuis moins de cinq ans, le Royaume-Uni a renforcé sa législation afin de pouvoir les renvoyer en cas de trouble à la «santé publique», au «bien public» ou à la «sécurité publique». «Cela peut viser par exemple des SDF, mais aussi des gens qui commettent des délits mineurs, comme ivresse sur la voie publique ou des infractions au Code de la route», dénonce Celia Clarke, directrice de Bail for Immigration Detainees. Sur les 70 Européens actuellement en rétention et représentés par l'association, seuls 17 ont un casier judiciaire.
Un Polonais a été condamné à six semaines de prison pour agression sexuelle, pour avoir, en état d'ébriété, touché le genou d'une infirmière. Sa peine effectuée, il a été placé dans un centre de rétention pour être expulsé, alors que la loi ne prévoit cette «double peine» que pour les condamnations de plus d'un an. Un autre Polonais, âgé de 27 ans, s'est suicidé en septembre dans un centre de rétention. Les immigrés originaires d'Europe de l'Est sont les plus fréquemment visés par cette politique, mais pas exclusivement.
Départs volontaires
«Plus personne n'a l'air de faire confiance au Home Office - trop de mauvaises choses sont arrivées à des citoyens européens vivant au Royaume-Uni», a tweeté jeudi Guy Verhofstadt, coordinateur du Parlement européen sur le Brexit. L'accord sur la sortie de l'UE signé vendredi à Bruxelles prévoit l'enregistrement systématique des ressortissants européens après le Brexit. Loin de les rassurer, il «ajoute à l'inquiétude ambiante en autorisant un contrôle systématique de la criminalité, qui pourrait aboutir à des expulsions pour des crimes et délits expirés, sans aucun rapport avec la sécurité des biens et des personnes au Royaume-Uni», souligne Nicolas Hatton, fondateur de l'association The3Million, porte-voix des Européens installés dans le pays.
Dans la procédure en vigueur pour obtenir le statut de résident permanent, 27 % des dossiers d'Européens sont refusés et 10 % font l'objet d'erreurs administratives. De nombreux candidats rejetés ont reçu des lettres les menaçant d'expulsion. Lassés par cette hostilité, de plus en plus d'Européens choisissent d'eux-mêmes de quitter le pays, comme en attestent les récentes statistiques de l'immigration.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 14/12/2017.
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