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pourquoi Donald Trump a pris une telle décision (07.12.2017)
Ceux qui disent
«halte» aux migrants (08.12.2017)
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Jérusalem : pourquoi Donald Trump a pris une telle décision
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ANALYSE - Ses conseillers lui
recommandaient la prudence, mais le président américain a écouté d'autres avis.
Correspondant à Washington
Entre le risque de déstabiliser
le Proche-Orient et la certitude de plaire à ses supporteurs, Donald Trump n'a pas hésité. Ses conseillers à la sécurité
nationale lui recommandaient la prudence, mais les leaders chrétiens
évangéliques et de puissants donateurs le poussaient à tenir sa promesse
électorale. En mars 2016, devant l'American Israel Public Affairs
Committee (Aipac), le principal lobby pro-israélien aux États-Unis, le candidat
républicain avait déclaré: «Nous transférerons l'ambassade américaine dans la
capitale éternelle du peuple juif.»
Plusieurs de ses prédécesseurs
avaient pris le même engagement, pour ensuite le reporter à des temps
meilleurs. Depuis vingt-deux ans, chaque président repoussait l'échéance tous
les six mois en invoquant la sécurité nationale, conformément à une loi de 1995
largement approuvée par le Congrès. Pour Donald Trump, «il est très important
de rompre avec le passé et de cocher une nouvelle case sur la liste de ses
promesses tenues», explique son ami Chris Ruddy, PDG de Newsmax.
Une décision de politique
intérieure
Les arguments invoqués dans son
discours de mercredi sur
la «reconnaissance d'une simple réalité»
à Jérusalem, la nécessité de «rompre avec les stratégies inefficaces
du passé» et la perspective d'un «bénéfice
pour le processus de paix» servent
d'habillage à une décision motivée avant tout par la politique intérieure. La
preuve en est qu'en juin dernier, lorsque Trump avait une première fois
actionné la «dispense» prévue dans la loi, l'un des rares à le lui avoir
déconseillé était Steve Bannon, gardien de l'idéologie trumpienne. L'autre
était Sheldon Adelson, magnat des casinos proche de Benyamin Nétanyahou, qui
avait donné 21,5 millions de dollars à sa campagne.
Après avoir exigé la semaine
dernière que ses collaborateurs trouvent une formule pour tenir sa promesse, le
président n'a pas seulement téléphoné aux dirigeants de la région pour les
prévenir. Il a tenu deux conférences téléphoniques avec des représentants
religieux chrétiens et juifs, qui l'ont assuré de leur soutien résolu. L'un
d'eux, Ralph Reed, fondateur de la très conservatrice Coalition Foi et Liberté,
a publié un communiqué remerciant Trump de «renforcer la solidarité entre les
États-Unis et le peuple d'Israël». Le courant évangélique, auquel appartiennent
40 % des chrétiens américains, voit la domination juive sur Jérusalem
comme la réalisation d'une prophétie biblique devant hâter le retour du Messie.
«Vous avez tenu parole!»
«La chrétienté croit que le
Messie s'assoira un jour sur le trône de David, a écrit dans Haaretz
l'activiste évangélique Laurie Cardozo-Moore. L'Amérique judéo-chrétienne dit à
Israël: “On vous soutient!”» «Nous n'avons pas de plus grands amis aux
États-Unis que les supporteurs chrétiens d'Israël», a déclaré Nétanyahou à
Washington en juillet dernier. Jeudi, le Comité juif républicain a publié une
pleine page de publicité dans le New York Times montrant
Donald Trump au mur des Lamentations, avec pour légende: «Vous avez tenu
parole !»
Pour les critiques, la décision
sur Jérusalem marque aussi «une victoire de la politique intérieure et de l'ego
personnel du président sur une politique étrangère raisonnable, estime Aaron
David Miller, expert du Proche-Orient au Wilson Center et vétéran de six
Administrations, républicaines et démocrates. Ce qui manque dans la décision de
Donald Trump, c'est l'accomplissement d'un objectif de sécurité nationale ou de
politique étrangère promouvant un intérêt américain quel qu'il soit.» Peter
Beinart de The Atlantic ne cherche pas si loin: «Les conflits
religieux, raciaux et ethniques sont essentiels à l'attrait de Trump,
estime-t-il. Ses supporteurs comptent sur lui pour éloigner les barbares. S'il
lui faut créer le danger, il le fera.»
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Ceux qui disent «halte» aux migrants (08.12.2017)
REPORTAGE - La frontière
turco-bulgare, aux marches de l'Europe, est la nouvelle route utilisée par les
passeurs de migrants. En Bulgarie, pour stopper cet afflux de clandestins, une
unité de volontaires, encadrée par des vétérans de l'armée, s'organise pour
faire le travail de la police.
De nos envoyés spéciaux Jean-Louis
Tremblais (texte) et Jérôme Sessini (Magnum) pour le Figaro Magazine
Nous sommes quelque part dans le
massif de la Strandja, au sud-est de la Bulgarie, non loin de la Turquie. Un
relief montagneux (qui culmine à plus de 1000 mètres d'altitude) et un
terrain accidenté, ponctué de thalwegs et de ruisseaux. La végétation, boisée
et touffue, permet de se déplacer incognito, à condition de connaître les
itinéraires forestiers et les chemins de traverse. C'est dans une clairière,
autour d'un bivouac improvisé, que nous retrouvons les hommes de l'Union
militaire Vassil Levski-BNO (Mouvement national bulgare) Chipka. Ils sont une
cinquantaine, entre 15 et 50 ans, en tenue camouflée, cagoules, couteaux
et machettes pour certains.
Au garde-à-vous, répartis en
trois groupes et alignés comme à la revue. Penché sur une carte d'état-major au
1/50 000, leur commandant, Vladimir Rusev, sexagénaire au physique de
catcheur, assigne des objectifs à ses adjoints, tout en fumant clope sur clope.
Les ordres sont transmis. La colonne s'ébranle et disparaît dans la nature. Un
passage de migrants a été signalé par des informateurs. But de la manœuvre: les
repérer, les arrêter, et surtout les renvoyer en Turquie!
Supplanter l'État jugé
défaillant
N'est-ce pas là le rôle dévolu à
la police aux frontières? Car les membres de cette organisation, aussi étrange
que cela puisse paraître, sont tous des bénévoles, y compris les cadres
(généralement d'anciens officiers de l'armée ou de la police). Des civils qui
se transforment en soldats, dépourvus d'armes à feu mais présentant tous les
attributs de l'institution militaire, le temps d'un week-end ou d'une semaine.
Réponse de Vladimir Rusev: «La nature a horreur du vide. La plupart des gens
attendent tout de l'État. Mais, lorsque l'État est inapte ou absent, c'est aux
citoyens de reprendre leur destin en main.
Suite aux printemps
arabes et à la fermeture progressive de la route des Balkans, la Bulgarie
est devenue le ventre mou de l'UE (Union européenne) (1). Les réseaux de
passeurs, téléguidés par la mafia turque depuis Istanbul et bénéficiant de
complicités locales, utilisent maintenant la Bulgarie - et notamment le massif
de la Strandja - pour faire entrer les migrants clandestinement. Nous faisons
simplement le travail que le gouvernement et Bruxelles devraient faire.
Gratuitement, qui plus est, et sans rien gagner en retour! Au contraire,
puisque tout est autofinancé: nourriture, équipement, carburant, équipement,
matériel. Et nos seules rentrées d'argent proviennent des donations…»
Ils sont tous volontaires et
bénévoles pour défendre leur frontière contre les passages clandestins de
migrants en provenance de Turquie. - Crédits photo : Jrérome
Sessini/Magnum pour le Figaro Magazine
Le pays le plus pauvre de
l'Europe
Certes, Sofia a érigé, en 2014,
une clôture de 3 mètres de hauteur et de 30 kilomètres de longueur
afin de se protéger des incursions. Une barrière qui a ensuite été étendue à
146 kilomètres. Sauf que la frontière en couvre 260! Autrement dit, elle
est tout sauf hermétique. Or, nous sommes ici sur le limes de l'Europe, en
première ligne face à la pression migratoire. Le gouvernement bulgare en est
conscient: 20 % du budget de l'Intérieur est consacré à la surveillance
frontalière et la région vient d'être déclarée «site d'importance stratégique
pour la sécurité nationale» par le Conseil des ministres.
Mais le pays le plus pauvre de
l'UE (2) n'a pas les moyens d'assurer seul la fonction de sentinelle. Les
supplications adressées à l'UE (dont une subvention de 160 millions d'euros
pour la clôture) sont restées lettre morte. On s'est contenté d'envoyer des
agents de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex)
peu motivés et peu concernés. Résultat: selon l'Organisation internationale
pour les migrations (OIM), les demandes d'asile ont explosé pour atteindre
20.000 en 2015 et 30.000 en 2016. Toujours en 2016, 13.000 sans-papiers ont été
arrêtés, dont la moitié en tentant de quitter le pays via la Roumanie. Le but
étant évidemment de rejoindre l'eldorado occidental, coûte que coûte.
«Nous sommes alors peut-être
les chevaliers des temps modernes !»
Lachezar Mourdjev, l'avocat de
l'organisation
L'expérience vécue et les
statistiques montrent que ces migrants sont surtout originaires d'Afghanistan
(46 % du total, d'après l'OIM), d'Irak, de Syrie, du Pakistan, du
Bangladesh. «Il y a peu de familles, précise Vladimir Rusev. Ce sont
principalement de jeunes célibataires, entraînés et agressifs, qui se réclament
de l'islamisme radical. Ils ont séjourné au préalable en Turquie. C'est attesté
par leurs vêtements et leurs documents. Il n'est pas rare qu'ils soient sous
amphétamines et qu'on les saisisse en possession d'opium ou de cannabis. Ils se
déplacent par groupes de plusieurs dizaines qui éclatent à la moindre alerte et
s'éparpillent dans toutes les directions. Une technique bien rodée. Les
interpellations sont parfois dangereuses: c'est pourquoi nos membres reçoivent
tous une formation militaire et sont rompus au close-combat. Quand ils sont
entre nos mains, on leur laisse le choix: soit ils acceptent d'être remis aux
forces de l'ordre (et ils seront jugés pour franchissement illégal de
frontières) ; soit ils refusent et on les raccompagne à la frontière.»
Et, lorsqu'il s'agit d'islam, le
Bulgare devient nerveux, fébrile, voire rétif. Cinq siècles d'occupation
ottomane et de dhimmitude (3) ne s'oublient pas facilement. Même si le pays
héberge une importante communauté musulmane (11 % de la population),
l'identité chrétienne est fièrement affichée, comme en témoigne l'immense croix
de Selo Dimitrovche, non loin de Kapitan Andreevo, check-point routier avec la
Turquie. Fichée sur le promontoire qui domine l'autoroute, elle fait office de
message et de symbole auprès de tous ceux qui la croisent dans les parages.
D'ailleurs, les noms de baptême
choisis par les fondateurs de notre unité de volontaires ne doivent rien au
hasard. Vassil Levski, dit l'«apôtre de la liberté», est un héros national.
Pour avoir coordonné le soulèvement général contre l'occupant, il fut capturé,
torturé et pendu par les Turcs en 1873. Quant au mont Chipka, sis dans le
Balkan central, ce fut le siège d'une bataille épique de la guerre russo-turque
de 1877 pour la libération de la Bulgarie. Un mémorial construit en 1934 y
rappelle le sacrifice des frères slaves et orthodoxes contre Süleyman Pacha…
Dans le massif de la Strandja,
formation au close-combat pour les volontaires de l'Union militaire Vassil
Levski-BNO Chipka. - Crédits photo : Jrérome Sessini/Magnum pour le Figaro
Magazine
Un travailleur humanitaire se
faisant appeler Kalachnikov
Vladimir Rusev assume volontiers
ce double héritage, religieux et militaire. Lieutenant-colonel de réserve dans
l'armée bulgare (il l'a quittée en 1984), passé par l'artillerie et les
parachutistes, il dirige aujourd'hui une société de sécurité privée. Bien qu'il
soit taiseux sinon secret sur son parcours, il admet être allé «prêter
main-forte aux chrétiens menacés en Europe et ailleurs, après la chute du bloc
de l'Est». Des pérégrinations mystérieuses qui l'auraient conduit en
Tchétchénie ou chez les Serbes de Bosnie, à en croire certaines ONG fort
critiques sur le personnage, accusé d'être à la solde de Moscou. Ce qu'il
n'infirme ni ne confirme.
«Ce que j'ai fait relève de
l'engagement humanitaire», affirme-t-il sans convaincre. A en juger par le
respect que lui portent ses patibulaires camarades, il a dû faire autre chose
que de porter des sacs de riz et de distribuer des rations alimentaires! Et
nous n'avons personnellement jamais rencontré de travailleur humanitaire se
faisant appeler Kalachnikov sur les réseaux sociaux, ainsi qu'il le fait…
«On confie les migrants aux
forces de l'ordre ou on les ramène côté turc»
Lachezar Mourdjev, l'avocat de
l'organisation
Son pedigree avéré ou fantasmé,
la publicité régulière des activités de l'Union militaire Vassil Levski-BNO
Chipka (relayées sur un site en bulgare et en anglais, avec force photos et
vidéos) et le look de ses membres n'ont pas manqué d'éveiller la méfiance des associations de défense des droits de l'homme.
«On nous a traités de tous les noms, raconte Lachezar Mourdjev, l'avocat de
l'organisation. Milice fascisante, chasseurs de migrants, traqueurs d'humains:
tout y est passé. Le Comité Helsinki bulgare pour les droits de l'homme a même
demandé notre interdiction au parquet. Mais le dossier a été classé sans suite
faute d'arguments et d'éléments probants. D'abord, nous sommes légalement
enregistrés depuis 2014 avec un statut d'association[type loi de 1901 en
France, ndlr].Ensuite, notre existence n'a rien de souterrain ni de séditieux.
Nous ne sommes pas armés et notre action est connue de tous. Lorsque nous
stoppons des migrants, ils sont bien traités, qu'on les confie aux forces de
l'ordre ou qu'on les ramène côté turc. Quant au terme de milice, j'aimerais en
rappeler l'étymologie: avant l'an mil, dans l'Europe chrétienne, on ne parlait
pas de “chevalerie” mais de “militia”. Vu sous cet angle, nous sommes alors
peut-être les chevaliers des temps modernes!»
Faire des émules en Europe
Vladimir Rusev, commandant de
l'Union militaire Vassil Levski-BNO Chipka - Crédits photo : Jrérome
Sessini/Magnum pour le Figaro Magazine
En tout cas, les autorités
semblent fort bien s'en accommoder - pour l'instant. L'Union militaire Vassil
Levski-BNO Chipka revendique 45.000 adhérents (chiffre invérifiable), dont
500 seraient mobilisés en permanence sur la frontière. Et Vladimir Rusev ne
compte pas s'arrêter là. Il souhaite même faire des émules dans le reste de
l'Europe .
«J'ai débuté des négociations
avec les interlocuteurs pertinents afin de pouvoir récupérer des bases et des
camps désaffectés de l'armée. Ce serait idéal pour l'entraînement. Pas
seulement pour les Bulgares. Tous les Européens, patriotes et résistants, y
seraient les bienvenus. Nous avons déjà des demandes par internet qui viennent
de pays voisins (comme la Serbie, la Hongrie ou la Roumanie) mais aussi de
l'ouest du continent (Allemagne, Autriche ou France). Avec la disparition du service militaire dans la plupart des
nations de l'UE, la jeunesse ne sait plus rien du métier des armes, de la
discipline, de l'autorité ou de l'autodéfense et s'en remet à des
professionnels. C'est paradoxal et inquiétant car la menace djihadiste n'a jamais
été aussi forte.»
«Nous pouvons vraiment jouer
un rôle de rempart»
Présents à ses côtés, deux
observateurs roumains acquiescent. Ils ont fait le voyage de Bucarest pour
étudier la possibilité d'importer une telle structure dans leur pays. L'un
d'eux, qui a servi cinq ans dans la Légion étrangère, nous explique: «En
Roumanie, les migrants viennent de Bulgarie (quitte à se noyer dans le Danube,
ce qui est fréquent) ou directement de Turquie, par la mer Noire, dans des
canots de fortune,lorsque la météo s'y prête. Une fois en Bulgarie ou en
Roumanie, c'est ce que les Européens de l'Ouest ne comprennent pas, ils ont un
pied dans l'UE. Nous autres, Roumains ou Bulgares, nous voulons et nous pouvons
vraiment jouer un rôle de rempart. Toutes les initiatives sont bonnes dans ce
domaine.»
Situées au carrefour des
invasions historiques et sur une ligne de fracture civilisationnelle, la
Roumanie et la Bulgarie sont dans le même état d'esprit que le groupe de
Visegrád (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), lequel refuse la
politique migratoire de l'UE, et en particulier la répartition par quotas
imposée par Angela Merkel. Un quarteron de réfractaires dont la philosophie a
été résumée par le Premier ministre hongrois, Victor Orbán, lors d'une visite
ici même en 2016: «C'est à la frontière bulgaro-turque que va se décider
l'avenir de l'Europe.» Visiblement, certains l'ont compris…
(1) La Bulgarie est membre de
l'UE depuis 2007, mais n'appartient pas à l'espace Schengen de libre
circulation des individus.
(2) Le salaire minimum y est de
235 € et le PIB par habitant deux fois moindre que la moyenne européenne.
(3) Occupée à partir de 1396, la
Bulgarie a acquis une autonomie relative en 1878 (traité de San Stefano), mais
une indépendance complète, seulement en 1908. Sous l'Empire ottoman, le statut
de dhimmi faisait du non-musulman un citoyen de seconde zone, avec des droits
limités.
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A-t-on encore le droit d'aimer Autant en emporte le
vent ? (08.12.2017)
LE FIGARO HISTOIRE - Du roman de
Margaret Mitchell au film de Victor Fleming, Autant en emporte le vent s'est
imposé comme la plus flamboyante apologie de la cause sudiste. Doit-il pour
autant être voué aux gémonies, comme l'a laissé entendre cet été la décision
d'un cinéma de Memphis de bannir sa projection ? Décryptage.
- Crédits photo : Figaro
Guerre de Sécession: la
véritable histoire, 132 pages, 8,90€, en kiosque jeudi 30 novembre et
disponible sur le Figaro Store.
- Crédits photo : Figaro
C'est l'œuvre jumelle par excellence,
de celles dont on ne sait plus, l'âge venu, si on l'a abordée par le livre ou
par le film. À quatre-vingts ans de distance, l'étoile d'Autant en emporte
le vent n'a rien perdu de son éclat et il y a fort à parier que la
grande fresque du Sud américain restera, pour longtemps encore, une pierre
angulaire de la littérature romanesque et d'un certain cinéma hollywoodien. À
moins que la décision de l'Orpheum ne sonne le signal d'un opprobre général. Au
mois d'août dernier, sur fond de chasse aux monuments confédérés, ce cinéma de
Memphis décidait en effet d'interrompre la coutume de projeter le film chaque
année depuis trente-quatre ans.
Le roman d'une vie
La raison fournie au New
York Times par Brett Batterson, le président de l'Orpheum Theatre
Group, a tout l'air d'une répudiation en bonne et due forme: «En tant
qu'organisation dont la mission est de divertir, d'éduquer et d'éclairer les
communautés qu'elle sert, l'Orpheum ne pouvait montrer un film insensible à un
grand pan de sa population locale.» En l'occurrence les Noirs américains,
censément heurtés par la présentation que le film de Victor Fleming fait des
esclaves de la famille O'Hara. On verra ce qu'il faut en penser, mais
remarquons d'emblée qu'«insensible» n'est certainement pas le mot, tant Autant
en emporte le vent prend au contraire le parti de montrer la
sollicitude parfaite des maîtres pour leurs esclaves. Quant à interdire l'un
des romans les plus lus au monde, il n'en est pas encore question. Les
autodafés n'ont définitivement pas bonne presse.
Margaret Mitchell. - Crédits
photo : www.bridgemanimages.com/www.bridgemanimages.com
De la jeune femme qui publia en
1936 son unique roman, prix Pulitzer l'année suivante, on sait généralement peu
de choses. Margaret Mitchell était née avec le siècle à Atlanta, d'une vieille
famille de Géorgie aux racines écossaises et irlandaises: un père avocat, un
grand-père négociant et l'autre entrepreneur, anciens combattants dans l'armée
confédérée, une grand-mère maternelle fille d'un planteur de coton. C'est elle
qui a fourni maints traits au personnage de Scarlett O'Hara. Journaliste à l'Atlanta
Journal Magazinedepuis 1922, Margaret Mitchell se casse la cheville et
abandonne le métier. Mais pas la plume. Encouragée par son mari à meubler sa
convalescence, elle se lance alors dans l'œuvre de sa vie, Autant en
emporte le vent (Gone with the Wind), à laquelle elle consacre presque dix
ans de travail. Le succès planétaire de ce roman-fleuve (1 million
d'exemplaires vendus dans les six mois suivant sa publication) ne la change en
rien. Elle continue de vivre dans sa ville natale, où un banal accident de
circulation la fauche, un jour de 1949. Le manuscrit d'un court roman écrit à
16 ans, Lost Laysen (un triangle amoureux dans le
Pacifique Sud, qui annonce celui d'Autant en emporte le vent), a été
retrouvé et publié en 1996. Mais pour la postérité, Margaret Mitchell restera
la femme d'un seul livre: une fresque humaine sur fond historique, nourrie des
récits qui avaient bercé son enfance.
Le vent de l'histoire
En 1861, Scarlett O'Hara coule
des jours heureux sur la propriété familiale de Tara. Belle et égoïste, elle
collectionne les prétendants mais n'a d'yeux que pour Ashley Wilkes, aussi
rangé et raisonnable qu'elle est frondeuse et passionnée. Lorsqu'elle apprend qu'Ashley
est sur le point d'épouser la douce Melanie Hamilton, elle fait l'objet des
moqueries de Rhett Butler, un séducteur cynique, et, de dépit, se marie avec le
frère de sa rivale. Or la guerre éclate et Scarlett se retrouve veuve. Réfugiée
à Atlanta, elle échappe grâce à Rhett à l'incendie de la ville par le général
Sherman, puis retourne à Tara, qu'elle trouve dévasté par les Yankees. Pleine
de courage et d'orgueil, elle rebâtit le domaine avec Melanie, avant de revenir
à Atlanta où elle se marie encore, cette fois par intérêt. De nouveau veuve,
elle se résout à épouser Rhett, mais la mésentente est constante entre ces deux
esprits libres. Lorsque Melanie meurt, Ashley est écrasé de chagrin. Rhett
abandonne alors Scarlett, qui décide de se vouer à Tara, sa seule famille.
Dès juillet 1936, le
producteur David O. Selznick avait acheté les droits d'adaptation à Margaret
Mitchell pour 50.000 dollars et s'était lancé dans ce qui serait
l'aventure d'une vie. Si The New York Times du 5 juillet
1936 décrivait le roman comme «le meilleur jamais écrit sur la guerre de
Sécession», son pari n'était pas dénué de risques. La plaie de la guerre était
encore vive et les histoires d'amour guère susceptibles de se mêler à
l'odeur de la poudre. À Louis B. Mayer, patron de la Metro-Goldwyn-Mayer et
beau-père de David O. Selznick, son associé Irving Thalberg avait même
dit: «Laisse tomber, Louis. Aucun film sur la guerre de Sécession n'a jamais
rapporté un sou.» Mort en septembre 1936, Thalberg n'aura pas eu le temps
de constater l'inanité de sa prophétie. Ni a fortiori d'apprendre que le film
est toujours, en 2017, le plus gros succès mondial de l'histoire, inflation
prise en compte.
En 1936, la frénésie sudiste
s'empare de l'Amérique entière. À New York, la première du film est un
événement mondain hors norme, qui attire des foules immenses et tout le gratin
de la ville
La suite appartient aux
anthologies du cinéma. Trois années d'écriture sont nécessaires pour mettre en
chantier la production, adapter les quelque mille pages du roman, sélectionner
les acteurs: Clark Gable en Rhett Butler (alors sous contrat avec la MGM et
«prêté» par Louis B. Mayer, finalement rallié au projet), Olivia de Havilland
en Melanie, et surtout la Britannique Vivien Leigh en Scarlett, dont le casting
international avait donné lieu à l'audition de 1400 jeunes femmes. Le tournage
lui-même tient du récit mythologique: le réalisateur George Cukor est licencié
par Selznick, remplacé par Victor Fleming, lequel tombe malade. Sam Wood prend
la suite. Retour de Fleming. De la musique aux costumes, Selznick décide tout,
choisit tout, organise surtout le formidable battage médiatique qui fait de la
première, le 15 décembre 1939 à Atlanta, un événement jamais vu, «le plus
grand qui soit arrivé dans le Sud de toute ma vie», écrira Jimmy Carter, alors
âgé de 15 ans.
Près de 300.000 personnes et
quatre heures de projection plus tard, le triomphe est total. De monument
littéraire, Autant en emporte le vent est devenu un monstre
cinématographique, bientôt récompensé par dix oscars. La frénésie sudiste
s'empare de l'Amérique entière. À New York, la première est un événement
mondain hors norme, qui attire non seulement des foules immenses mais tout le
gratin de la ville. Les industriels flairent le filon, et le style sudiste
déferle du Nord au Sud: des grands magasins ornent leurs espaces d'exposition
selon l'architecture géorgienne, la presse magazine donne des conseils pour
décorer sa maison comme celle de Scarlett, des copies de ses robes sont
exportées dans le monde entier et des biscuits vendus comme «délices du Sud».
La seule chose qui dure
Comprendre comment la plus grande
fresque jamais composée à la gloire du Sud a pu susciter une telle passion dans
l'Amérique et le monde entier revient d'abord à rendre hommage à son
éblouissant style visuel, qui doit autant à la qualité des décors de William
Cameron Menzies et des costumes de Walter Plunkett qu'à la flamboyance du
Technicolor. Alors tout nouveau, le procédé popularisé l'année précédente
par Les Aventures de Robin des Bois y déploie une
époustouflante richesse chromatique, toujours à la limite de la
saturation, pour appuyer l'opulence de l'aristocratie géorgienne comme les
sentiments exaltés de Scarlett. Par la grâce de la trichromie, le film de
Fleming est une avalanche de velours vert émeraude et de pommettes rouges de
passion, de blancs logis et de parcs peuplés de paons immaculés, de couchers de
soleil pourpre et de flammes d'apocalypse - celles de l'incendie d'Atlanta.
Scarlett (Vivien Leigh) sur la
propriété familiale de Tara. - Crédits photo : Rue des Archives/©Rue des
Archives/BCA
Film de studio par
excellence, Autant en emporte le vent exploite toutes les
ressources du cinéma pour ressusciter aux yeux du spectateur le décor radieux
d'un monde emporté par le vent (de l'histoire), comme le clame le titre. Les
paysages des riches domaines de Géorgie sont rehaussés, voire entièrement
constitués, de peintures sur verre: autant de tableaux au sens propre du terme
que les planteurs, O'Hara en tête, admirent depuis les perrons à colonnade de
leurs demeures seigneuriales. Couverts de kilomètres de tapis écarlates, les
escaliers monumentaux bruissent continûment du froufrou des robes à crinoline.
Les chambres, les salons, les bibliothèques, les boudoirs regorgent de meubles
de prix, de portraits à la Winterhalter, de lourdes tentures, de lustres de
cristal palpitant. Soixante-dix ans après la chute du Sud, le film faisait
revivre et sublimait à la fois les atours d'un mode de vie sans équivalent:
celui du luxe à la campagne, dont la société américaine urbaine des années 1930
avait perdu le souvenir et dont la postérité ne peut même plus imaginer la
possibilité.
Mais Autant en emporte le
vent ne serait guère plus qu'un écrin vide sans l'héroïne imaginée par
Margaret Mitchell et campée à l'écran par Vivien Leigh. À elle seule, Scarlett
O'Hara incarne ce Sud aristocratique mais surtout héroïque, qui porte haut sa
valeur suprême: «La terre, la seule chose qui compte, la seule qui dure», comme
le lui a enseigné son père. La survie de Tara, dévasté par des Yankees
indifférents au caractère sacré de la terre, est à la fois la métaphore et la
condition de sa propre survie. Car l'originalité du roman de Margaret Mitchell
tient au fait d'avoir doté son héroïne d'une force vitale inédite, qui
transcende l'amour, ravalé à un simple ressort romanesque. «Vous tirez votre
force de la terre rouge de Tara, Scarlett. Vous en êtes pétrie et elle est
pétrie de vous», lui dit Rhett Butler. À rebours du genre, ce n'est pas l'amour
mais la guerre et la défense du sol familial qui sont l'instrument de son
passage à l'âge adulte.
À une histoire écrite par les
vainqueurs, «Autant en emporte le vent» substitue une histoire écrite par les
vaincus, mais du point de vue de leur élite
Sous ce rapport, on comprend
mieux, malgré l'absence notable de happy end, le succès qu'une Amérique en
pleine crise économique et sociale réserva au livre de Margaret Mitchell et au
film de Fleming. En dépeignant une héroïne passée de l'abondance à la disette,
puis une crise historique et personnelle surmontée, ils lui offraient à la fois
un modèle auquel s'identifier et un exutoire à ses difficultés. Par là, la
cause du Sud devenait celle de toute l'Amérique et, après la guerre, le
relèvement final de Scarlett, abandonnée par Rhett Butler mais déterminée à
vouer sa vie à Tara, pouvait sembler prophétiser la résurrection du pays entier
et le début de son hégémonie. «Je jure devant Dieu que je ne me laisserai
jamais abattre! Je jure devant Dieu que je ne connaîtrai plus jamais la faim!»:
le serment de Scarlett avait été tenu par tout un peuple. Cultivée à l'envi par
les sphères politiques et culturelles américaines, la résilience nationale doit
beaucoup à Autant en emporte le vent. Le phénomène fut plus
éloquent encore dans l'Europe traumatisée de l'après-guerre, qui le découvrit
alors qu'elle pansait encore ses plaies (le film fut distribué en 1945 en
Belgique et en 1950 en France).
La gloire des vaincus
En associant ainsi nostalgie
romantique d'un monde disparu, mysticisme de la terre et thème de la
résurrection, l'œuvre se faisait le meilleur agent publicitaire du mouvement de
la «cause perdue», né au lendemain de la guerre de Sécession, jusqu'à devenir
la pierre angulaire de l'historiographie apologiste du Sud. À une histoire écrite
par les vainqueurs, Autant en emporte le vent substitue une
histoire écrite par les vaincus, mais du point de vue de leur élite. Sous la
plume de Margaret Mitchell comme devant la caméra de Fleming, le Sud n'est rien
d'autre qu'un paradis terrestre, convoité et violé par un envahisseur
diabolique. Comment donc ne pas pleurer sur son sort, résumé par l'exclamation
douloureuse d'Ashley: «Que peut-il advenir de pauvres bougres dont la
civilisation s'effondre?»
Le film fait défiler les épisodes
marquants de la guerre, de l'engagement des jeunes hommes à l'arrivée de
Sherman (annoncé comme un cavalier de l'Apocalypse par un titre d'épouvante sur
fond de flammes: «Sherman!»), de l'incendie d'Atlanta aux jours éprouvants de
la Reconstruction. Les nordistes venus s'établir dans le Sud après la guerre
sont décrits comme la onzième plaie d'Égypte («arriva un autre envahisseur,
plus cruel et vicieux qu'aucun de ceux qu'ils avaient combattus: le
Carpetbagger»). Et si Scarlett s'empresse, elle aussi, de faire des affaires
avec les Yankees, animée d'une absence totale de scrupules et d'un amour
immodéré de l'argent, il faut d'abord y voir la corruption du Sud par les
fausses valeurs nordistes.
Scarlett O'Hara (Vivien Leigh) et
Rhett Buttler (Clark Gable) fuyant l'incendie d'Atlanta. - Crédits photo :
Rue des Archives/©Rue des Archives/Snap Photo
L'oscar de Mamma
Mais la représentation la plus
partiale d'Autant en emporte le vent concerne, on le sait, la
question de l'esclavage. L'œuvre en donne une vision soigneusement idéale, dans
laquelle les esclaves partagent en tout point les motivations et les intérêts
de leurs maîtres. Attachés à la glèbe, ils communient avec eux à la même
mystique d'une terre qui n'est pas la leur. Ils font si bien partie de la
famille O'Hara qu'ils restent à Tara comme domestiques après l'abolition.
Dans le film au moins, rien ne transparaît jamais de leur statut, si ce
n'est lorsque Scarlett, exaspérée par la sottise de la jeune Prissy, menace de
la «fouetter jusqu'au sang», rappelant inopinément le droit du propriétaire sur
son esclave.
Mamma est d'abord une autorité
morale et c'est à elle qu'est confié le soin de proclamer la foi indubitable du
film en une seule humanité, en dépit de sa vision lénifiante de l'esclavage.
C'est au fameux personnage de
Mamma que revient d'assumer ce rôle de l'esclave idéale de maîtres modèles.
Elle a vu naître Scarlett, s'est chargée de son éducation et la gourmande comme
sa propre fille. Devenue citoyenne, elle vote sans surprise comme ses patrons
et traite de «canailles» les «mauvais Noirs», suspects de sympathies nordistes,
à qui elle ordonne: «Vous allez voter, et voter comme nous autres.» Quoique
largement stéréotypée (le «Ma'm Scarlett» de la version française est resté
célèbre), elle est la seule à échapper à la représentation à la limite de
l'idiotie qui caractérise les autres esclaves. Car Mamma est d'abord une
autorité morale et c'est à elle qu'est confié le soin de proclamer la foi
indubitable d'Autant en emporte le vent en une seule humanité, en
dépit de sa vision lénifiante de l'esclavage. «Qu'il soit noir ou banc, je n'ai
jamais vu un homme adorer autant son enfant», déclare-t-elle ainsi au spectacle
de Rhett Butler effondré après la mort de sa fille.
Dès 1936, des voix s'élevèrent
dans la presse de gauche américaine pour dénoncer le «suprémacisme» porté par
le roman de Margaret Mitchell et, trois ans plus tard, par le film de Fleming,
malgré les précautions de Selznick (qui substitua par exemple un Blanc au Noir
qui agresse Scarlett dans sa voiture à cheval). Il y a pourtant loin entre sa
représentation des Noirs et celle de l'autre grand film sur la guerre de
Sécession, Naissance d'une nation (1915), de David W.
Griffith. Le film fondateur du cinéma hollywoodien y montrait des Noirs dévoyés
et alcooliques, et présentait le Ku Klux Klan comme une solution légitime pour
rétablir l'ordre après le chaos de la Reconstruction. Il provoqua des émeutes
et ne fut diffusé en Europe qu'en 1921, dans une version censurée, par égard
pour les troupes coloniales qui avaient participé à la Première Guerre
mondiale.
Le sort du film sera-t-il de
devenir l'otage du communautarisme moderne et de ses intérêts divergents ?
Quoi qu'il en soit, l'ambiguïté
de la réception d'Autant en emporte le vent en pleine ségrégation
héritée de la guerre se manifesta à travers l'oscar qui récompensa Hattie
McDaniel pour son rôle de Mamma: à cause des lois raciales, l'actrice n'avait
pas été autorisée à assister à la première du film en décembre 1939, et
elle dut s'asseoir à part de l'équipe du film lors de la cérémonie des oscars
qui la distingua en février 1940. Il n'en reste pas moins que cet oscar
était le premier de l'histoire de Hollywood à être décerné à un Noir et que cet
événement était le fait d'une œuvre apologétique du «monde d'hier». Difficile
dès lors de soutenir, comme le directeur de l'Orpheum de Memphis, qu'Autant
en emporte le vent leur serait «insensible».
Le sort du film sera-t-il de
devenir l'otage du communautarisme moderne et de ses intérêts divergents?
Menacé du purgatoire par une mémoire exacerbée de la guerre de Sécession, il
pourrait en être sauvé par les mouvements féministes, qui voient invariablement
un modèle en Scarlett depuis les années 1960. Ce portrait de femme fière,
rebelle, maîtresse de son destin et animée d'un idéal qui lui permet d'échapper
à un modèle jugé dégradant pour la femme, a en effet de quoi les séduire,
jusque dans ses contradictions (du début à la fin, ses amours sont
pathétiques ; éprise d'Ashley comme une adolescente, elle se marie trois
fois sans amour et ne manifeste qu'un instinct maternel limité).
Scarlett O'Hara (Vivien Leigh) et
Rhett Buttler (Clark Gable). - Crédits photo : Rue des Archives/Rue des
Archives/DILTZ
Quatre-vingts ans plus tard, on
mesure surtout la distance entre la destinée d'Autant en emporte le vent et
les intentions de Margaret Mitchell, telles qu'elle les résumait dans une
interview radiodiffusée le 3 juillet 1936: «Le livre n'est pas exactement
un livre sur la guerre, pas plus qu'un roman historique. Il parle des effets de
la guerre de Sécession sur une série de personnages qui habitaient Atlanta à
cette époque (…). Bien sûr, je serais heureuse si les gens se disaient que le
livre raconte véritablement l'histoire de tout le Sud. Mais ce n'est pas le
genre de livre que j'ai essayé d'écrire. C'est un livre sur la Géorgie et les
Géorgiens - particulièrement les Géorgiens du Nord.» Mais c'est probablement à
cette distance que s'évaluent les chefs-d'œuvre.
Crédits photo :
Guerre de Sécession: la
véritable histoire, 132 pages, 8,90€, en kiosque jeudi 30 novembre et
disponible sur le Figaro Store.
Rédacteur en chef du Figaro
Histoire
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En Thrace, la charia décroît mais fait toujours débat
(07.12.2017)
Le président turc Erdogan est en
visite en Grèce où vit une importante communauté musulmane.
En Thrace
On se sent souvent épié en se
promenant dans les ruelles quasi désertes des villages agricoles de Miki ou de
Molivoia en Thrace, région située au nord-est de la Grèce. Alors que les cheminées
envoient une fumée noirâtre, des regards furtifs s'effacent derrière de
rideaux. Devant leurs fenêtres, des femmes, issues de la minorité musulmane de
la région, qui obéissent à la charia, la loi islamique. Le spectacle détonne en
2017 dans un pays européen comme la Grèce et alors que ces citoyens disposent
de la nationalité hellène. Ce phénomène décroît cependant et depuis quelques
années, ces femmes sortent de chez elles. Outre leurs tâches ménagères, elles
participent aux travaux agricoles, en coupant du bois par exemple, mais se
taisent quand elles croisent des inconnus.
«Les femmes ne sont pas toutes
voilées et les jeunes filles affluent à l'université »
Ozan Ahmetoglou, journaliste au
Gündem
Ces villages, interdits d'accès
jusqu'au milieu des années 1980, évoluent constamment. Vers midi, il n'est pas
rare de voir des jeunes filles, vêtues de tabliers et de foulards colorés se
diriger, livres en main, vers la bibliothèque. Au café, un transistor crache
des informations en turc. Des hommes, - frappés par la paupérisation de la
région productrice de tabac - conversent. D'autres lisent le journal
communautaire, le Gündem gazete.
Ozan Ahmetoglou, journaliste
au Gündem, considère que les mœurs de la minorité ont beaucoup
évolué. «Nombre de familles vivent dans les villes de Xanthi ou Komotini à
présent, où l'application de la charia n'est pas aussi stricte qu'au
Moyen-Orient. Certes, nous conservons des préceptes comme ne pas manger de porc
et nous avons deux muftis par ville. Mais les femmes ne sont pas toutes voilées
et les jeunes filles affluent à l'université», dit-il.
«Il faut que la Thrace suive
l'exemple de Mayotte qui a abrogé la charia en 2010»
Me Giannis Kitsakis
La minorité musulmane de Thrace
compte quelque 100.000 personnes depuis 1923, quand la Grèce et la Turquie ont
procédé à un échange des populations. La plupart sont turcs de souche, mais il
y a aussi des Pomaques (Slaves) et des Roms. «Nous sommes l'exemple d'une
cohabitation pacifique avec les Grecs orthodoxes. Les églises et les mosquées
se côtoient dans toute la région et il n'y a pas d'incident», avance Gulbeyaz
Karahasan. Cette avocate de 39 ans, emblème de la modernité, ne porte ni tenue
traditionnelle, ni voile, «malgré les remarques désagréables faites au début»,
note-t-elle. Elle s'est mariée à la mairie et pas devant le mufti, et s'engage
auprès de la minorité religieuse. «Je fréquente les mêmes salons de beauté, les
mêmes supermarchés que les Grecs orthodoxes», précise-t-elle.
Lors de sa dernière visite en
Thrace, le 14 novembre, Alexis Tsipras, le premier ministre grec, avait
annoncé vouloir rendre la charia facultative. «Le texte est prêt et nous
l'avons déposé à la Vouli (le Parlement). Les débats vont bientôt commencer,
confie Giorgos Kalantzis, secrétaire général du ministère grec de l'Éducation.
C'est la minorité qui demande d'avoir ce choix.» Mais pour Me Giannis Kitsakis,
le gouvernement aurait dû l'abolir. «Son application, même facultative, bafoue
les droits des femmes et des enfants, ouvre la voie à de lourdes discriminations
et n'a aucune raison de s'appliquer à des citoyens grecs. Il est inadmissible
que certains Grecs, sous prétexte de leur religion, ne bénéficient pas des
mêmes libertés», s'insurge-t-il. Cet avocat défend les droits de Hatice Molla
Salih, dont le défunt mari avait décidé, avant sa mort, de s'abstenir de la
charia et a contracté un testament public chez le notaire. «Or la famille du
défunt a dénoncé ce document au motif que la charia n'autorise pas le
testament. Il était donc nul à leurs yeux. Mais le pire est que la Cour de
cassation leur a donné raison en invalidant le testament au motif que la loi
grecque affirme que la charia s'applique à tous les musulmans!» Me Kitsakis a
saisi la Cour de justice de l'Union européenne et espère bien que le jugement
marquera le début de la fin de la charia en Grèce. «Il faut que la Thrace suive
l'exemple de Mayotte qui a abrogé la charia en 2010», conclut-il. Le débat ne
fait que commencer, les nationalistes grecs dénonçant la visite de Recep Tayyip
Erdogan comme un signe d'encouragement à la pratique de la charia.
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ne peut plus prendre des décisions derrière des portes closes»
Qatar: un métro et un tramway à 3 milliards d'euros pour la
RATP et Keolis (07.12.2017)
Il s'agit d'un contrat majeur
dans les transports publics de cette région du monde.
Le Qatar a finalement choisi le
drapeau tricolore pour l'exploitation et la maintenance du métro automatique de
Doha et du tramway de Lusail, ville nouvelle située à 15 kilomètres au nord de
la capitale dont la construction devrait coûter 45 milliards de dollars.
L'appel d'offres a été remporté
par un trio composé d'une société qatarienne, Hamad Group, à laquelle RATP Dev
et Keolis - la filiale de la SNCF - sont associées. Il s'agit d'un
contrat majeur dans les transports publics de cette région du monde. D'abord
par son montant - 3 milliards d'euros -, sa durée - vingt
ans - et, surtout, par son ampleur.
« Il s'agira du plus beau
réseau de transport collectif souterrain et aérien du Moyen-Orient »
Guillaume Pepy, président du
directoire du groupe SNCF.
«Il s'agira du plus beau réseau
de transport collectif souterrain et aérien du Moyen-Orient», a déclaré au
Figaro Guillaume Pepy, président du directoire du groupe SNCF.
Qatar Rail,
l'opérateur de transport public de l'émirat, a en effet choisi de partir d'une
feuille blanche pour bâtir un réseau de transport urbain à Doha et dans la
ville de Lusail, qui doit accueillir 240. 000 habitants. Le futur métro de
Doha comptera 75 kilomètres de lignes, 37 stations réparties sur
trois lignes. Le réseau de tramway s'étendra sur 18 kilomètres, quatre
lignes, 25 stations. Surtout, la moitié de la ligne sera souterraine.
C'est une véritable consécration
pour les deux entreprises françaises qui revendiquent chacune la place de numéro
un mondial dans le métro automatique. Réunies pour la première fois dans un
consortium, elles peuvent cette fois revendiquer ce titre sans être
contredites. Le trio - regroupé dans une société commune, RKH
Qitarat - l'a emporté face à des poids lourds mondiaux du transport
urbain: l'allemand Deutsche Bahn, le groupe de Hongkong MTR, le britannique
Serco et un autre français, Transdev, filiale de la Caisse des dépôts, avec
lequel RATP Dev a créé une entreprise conjointe en Asie.
Un réseau routier saturé
Dans les trois ans qui suivront
la mise en service, le métro de Doha devrait accueillir 650. 000 passagers
chaque jour et le tramway de Lusail, environ 150. 000 personnes. C'est un
constructeur français, Alstom, qui fournira les rames de tramway. En revanche,
les rames de métro seront fabriquées par le japonais Mitsubishi mais la
signalisation sera signée Thales.
«C'est un projet structurant pour
ville de Doha et pour le pays, souligne Bernard Tabary, directeur international
de Keolis. Nous allons exploiter un métro automatique sans conducteur, un
domaine dans lequel la France a un vrai savoir-faire, expérimenté dans
l'Hexagone et à l'étranger. C'est très rassurant pour notre client, qui
souhaite que ce projet démarre à temps.»
Le calendrier est serré: la
première tranche du métro de Doha doit être mise en service en octobre 2018 et
le tramway, deux mois plus tard.
Le Qatar a deux échéances en
tête: la
Coupe du monde de football en 2022. En effet, les matchs d'ouverture et de
clôture se dérouleront à Lusail. Le deuxième objectif est la réalisation du
plan stratégique du royaume baptisé, Qatar Vision 2030. L'émirat s'est fixé une
feuille de route pour devenir une référence en créant des «smart cities», ces
villes intelligentes connectées et respectueuses de l'environnement. Or, à
l'heure actuelle, Doha, dominée par l'utilisation des voitures individuelles,
se distingue surtout par la saturation de ses routes.
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Un étrange dinosaure «nageur» au cou de cygne et aux griffes
de raptor (07.12.2017)
- Par Jean-Luc Nothias
- Mis à jour le 08/12/2017 à 10:01
- Publié le 07/12/2017 à 18:13
VIDÉO - Halszkaraptor
escuilliei est le premier dinosaure semi-amphibie jamais découvert.
Son étude à Grenoble sous les rayons X du synchrotron européen ESRF a révélé
son physique étonnant.
C'est un tel mélange de
caractéristiques propres à différents dinosaures théropodes
(carnivores qui marchent sur deux pattes), aux oiseaux et aux reptiles, que les
chercheurs ont tout d'abord eu tendance à y voir un faux. Il ressemble à un
oiseau (mais n'a jamais volé), possède un cou de cygne, une tête de canard, des
bras en forme de nageoires, une «griffe tueuse» au pied en forme de faucille
comme les Velociraptors, mais aussi des caractéristiques de reptiles... En bref
du jamais vu, qui a fait dire aux chercheurs «qu'il ressemblait à un
extraterrestre».
Découvert dans le désert de Gobi,
en Mongolie, le squelette du petit prédateur, baptisé Halszkaraptor
escuilliei est complet et remarquablement préservé, en dépit de ses 75
millions d'années. Il mesurait environ 1m20 et devait avoir 2-3 ans, donc, sans
être juvénile, n'avait pas atteint sa taille adulte. Encore partiellement
enchâssé dans un bloc de roche, il vient de se mettre à nu grâce aux examens
aux rayons X menés au synchrotron européen de Grenoble (ESRF). Une
reproduction en trois dimensions a pu être réalisée. Et beaucoup d'éléments non
visibles, comme ses dents, ont pu être examinés (travaux publiés dans
la revue Nature ).
» LIRE AUSSI - Cure de jouvence pour le
synchrotron européen
«En collaboration avec les
chercheurs qui avaient mené la première étude de ce fossile, nous avons
mobilisé toute l'équipe de paléontologues de l'ESRF pour imager puis étudier
l'anatomie complète de Halzka», explique Paul Tafforeau, l'un des
paléontologues de l'ESRF. «C'est le spécimen pour lequel le plus grand nombre
d'expériences, une dizaine en 6 mois, ont été faites sur un seul fossile».
Après avoir été volé (voir
ci-dessous), il a subi quelques transformations mineures, avec quelques
endroits consolidés avec du plâtre. Mais l'ensemble est bien d'un seul tenant.
Non seulement le fossile n'est pas un faux, mais il appartient à une nouvelle
espèce, un nouveau genre et une nouvelle famille. «Oui, c'est vrai que la
première fois que je l'ai examiné, je me suis interrogé sur son authenticité»,
reconnaît Andrea Cau, paléontologue au musée géologique Giovanni Capelini à
Bologne (Italie), premier signataire des travaux. «Il possède une mosaïque
étrange de caractères qui rendent sa place dans les classifications
traditionnelles difficile à déterminer».
Capable de courir sur terre
Il faut dire qu'il représente le
premier dinosaure semi-amphibie. Il était capable de se déplacer sur terre et
dans l'eau. «Il était sans nul doute capable de courir très efficacement sur
terre, contrairement au canard», note Paul Tafforeau. «Il courrait à la façon
d'une autruche, en se tenant assez droit». Il pouvait aussi se déplacer dans
l'eau, comme les pingouins (à ne pas confondre avec les manchots), en utilisant
son long cou pour chercher de la nourriture ou pour pêcher en embuscade en le
détendant rapidement pour attraper un poisson. «L'analyse a démontré que de
nombreuses dents, dont aucun n'est visible à l'extérieur, sont toujours
présentes dans les mâchoires», note Vincent Beyrand, de l'ESRF. «Nous avons
également identifié un système neuro-vasculaire à l'intérieur du museau, qui
ressemble beaucoup à celui des crocodiles modernes. Ce qui suggère que Halszka
était un prédateur aquatique».
Et pour la suite? «Des
transformations sont en cours sur nos installations», se réjouit Paul
Tafforeau. «Nous pourrons très vite analyser des pièces beaucoup plus grosses.
Avec Halszka, le bloc fossile fait environ 60 cm sur 25. Nous étions à notre
limite».
Un fossile à l'histoire
mouvementée
Le nom de Halszkaraptor
escuilliei a été composé avec «Halszka», en mémoire de Halszka
Osmólska (1930-2008), paléontologue polonaise spécialiste des fossiles de
Mongolie qui a décrit la première espèce d'halszkaraptorine; «raptor» est le
latin pour «voleur» et désigne le groupe de dinosaure auquel il appartient. Et
«escuilliei» fait référence à François Escuillié, un paléontologue français.
«Le nom d'espèce est dédié à François Escuillié, pour son rôle dans la première
reconnaissance de l'importance de ce fossile et pour ses efforts pour le retour
du fossile en Mongolie», a expliqué Khishigjav Tsogtbaatar de l'Institut de
Paléontologie et de Géologie d'Oulan-Bator, l'un des signataires des travaux.
Le fossile d'Halszka avait été
volé par des pilleurs de fossiles, très actifs dans le désert de Gobi,
ossements que l'on retrouve par exemple sur E-Bay. Repéré dans des collections
privées en Europe par le paléontologue François Escuillié, directeur
d'Eldonia, une société française privée spécialisée dans la paléontologie (vente
de fossiles et de reproductions), il avait été racheté puis offert aux
scientifiques mongols, avec l'aide de Pascal Godefroit, paléontologue de
l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.
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Découverte du plus ancien trou noir de l'univers, un
formidable colosse (07.12.2017)
- Mis à jour le 08/12/2017 à 13:53
- Publié le 07/12/2017 à 18:17
L'existence même de ce
mastodonte, 800 millions de fois la masse de notre Soleil, aussi tôt dans
l'histoire de l'univers, est une énigme pour les astronomes.
Il est aussi gros que distant, et
c'est une vraie surprise. Un trou noir hypermassif, de
800 millions de fois la masse de notre Soleil, dont la lumière a mis 13 milliards
d'années pour parvenir jusqu'à nous, par une équipe internationale de
chercheurs (travaux publiés dans Nature et The
Astrophyscial Journal Letters). C'est un record de distance absolu pour un
objet de ce type (le précédent record datait de 2011), mais aussi un record de
poids pour un astre aussi lointain. «Il est au moins dix fois plus gros que le
précédent trou noir supermassif détecté à ce type de distance», précise Bram
Venemans, l'astronome de l'Institut Max Planck d'Astronomie situé à Heidelberg, en
Allemagne, qui coordonne avec son collègue Fabian Walter la recherche de ce
type d'objets dans les confins de l'univers visible depuis plusieurs années.
La découverte proprement dite est
quant à elle à mettre au crédit des télescopes Magellan de l'observatoire de
Las Campanas, au Chili, après une recherche systématique réalisée sur un très
grand nombre d'étoiles avec le télescope spatial WISE de la Nasa. Le trou noir a ensuite
fait l'objet de campagnes d'observation approfondies avec les réseaux de
radiotélescopes VLA (Nouveau-Mexique) et NOEMA de l'Iram, situé dans les Alpes
françaises. Ces derniers ont notamment réussi à détecter la galaxie au sein de
laquelle se cachait le mastodonte (voir ci-dessous).
» LIRE AUSSI - NOEMA: L'Univers invisible
dévoile ses mystères
Ce dernier a été trahi par le
repas gargantuesque qu'il est en train de dévorer. Un disque de matière
s'effondre en effet en spirale dans la gueule de l'ogre cosmique. Or en
tombant, cette matière s'échauffe et émet un rayonnement très intense, 40 mille
milliards de fois plus lumineux que notre Soleil. Ce type de trou noir surpris
en pleines agapes a un nom: c'est ce qu'on appelle un quasar. Ce sont parmi les
objets les plus lumineux de l'univers. Il en existerait plusieurs dizaines à
découvrir à de telles distances, d'après certaines estimations. Les satellites
spatiaux européen Euclide et américain WFIRST en feront leur pain quotidien. Le
futur successeur de Hubble, le James Webb Space Telescope (JWST), aussi.
La lumière émise par ce trou noir
hypermassif a mis tellement de temps à nous parvenir (plus de 13 milliards
d'années) que nous l‘observons tel qu'il était à une époque très reculée. En
l'occurrence, 690 millions d'années seulement après le Big Bang, soit moins de
5% de l'âge de l'univers. Sa prime enfance en quelque sorte. «Nous avons été
surpris de voir que le trou noir était aussi lourd», reconnaît Bram Venemans.
«C'était vraiment inattendu et cela va nous donner des contraintes sur
l'évolution de ce type d'objets dans un univers aussi jeune.»
Un embryon vorace de mille
masses solaires?
Patrick Petitjean, astronome à
l'Institut d'Astrophysique de Paris et spécialiste des quasars, explique qu'il
faudrait un trou noir primordial d'un millier de masses solaires pour former un
tel mastodonte dans le délai imparti par son jeune âge. Or on ne sait pas bien
comment pourraient se former de tels objets dans l'univers actuel. Les trous
noirs stellaires , qui se forment par l'effondrement d'étoiles massives en fin
de vie ne pèsent tout au plus que quelques dizaines de masses solaires. «En ces
temps très anciens, l'univers était plus dense», rappelle le chercheur.
«D'énormes nuages de gaz s'effondraient peut-être d'un coup pour former directement
ces gros trous noirs de quelques milliers de masses solaires.»
Ces «gros embryons» très voraces
auraient alors happé les grandes quantités de matière environnante en un délai
relativement court sur les échelles astronomiques pour devenir ces astres aussi
obèses que gloutons. Mais ce scénario, aussi plausible soit-il, est encore loin
d'être certain. C'est toute une histoire passionnante de la jeunesse de
l'univers qui reste à écrire.
Une galaxie hôte riche en
éléments lourds
Un mystère n'arrivant jamais
seul, les observations de la galaxie-hôte au cœur de laquelle sévit ce lointain
quasar ont surpris les astronomes. Ils y ont découvert des quantités
considérables de poussières et de carbone, un élément considéré comme «lourd»
en astronomie, c'est-à-dire plus complexe que l'hydrogène ou l'hélium formés au
moment du Big Bang. «Les poussières aussi sont nécessairement formées
d'éléments lourds», appuie Jan Martin Winters, astronome à l'Iram qui a réalisé
ces observations à l'aide du réseau de radiotélescopes NOEMA situé sur le
plateau de Bure.
Or, d'après nos connaissances,
seules les explosions d'étoiles permettent de former ce type de composants. «En
ces temps très reculés, plusieurs générations d'étoiles ont déjà dû se
succéder», explique Jan Martin Winters. «Elles devaient néanmoins être très
nombreuses, très massives et exploser au bout de quelques millions d'années
seulement pour expliquer les gigantesques quantités de carbone et de poussières
que nous détectons.» Une contrainte très importante à prendre en compte dans
les futurs modèles d'évolution de notre univers.
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Natacha Polony: «Lecture, se révolter enfin !»
(08.12.2017)
CHRONIQUE - Les mauvais résultats
de l'étude Pirls sur les performances en lecture des écoliers français doivent
pousser les idéologues à sortir du déni.
Le 1er juin 1885, près de
deux millions de personnes se rassemblèrent à Paris pour accompagner le
cercueil de Victor
Hugo jusqu'au Panthéon. Le
peuple accompagnait celui qui l'avait magnifié par ses mots et qui l'avait fait
entrer dans la légende française à travers les figures de Gavroche et de
Fantine. Le soir, il y eut bacchanale dans les rues de Paris, les prostituées
ayant décidé de s'offrir gratuitement en hommage à la malheureuse héroïne
des Misérables. Quelque cent trente ans plus tard, le peuple pleure
un rocker issu de ses rangs, et dont les chansons ont accompagné plusieurs
générations.
Le mariage de la culture de masse, avec son industrie du disque et du spectacle, et de la culture populaire, avec ces clubs de fans comme derniers lieux de sociabilité authentique. Entre-temps, la société de consommation, les écrans ont modifié les règles du jeu. Et ce n'est pas faire insulte à un chanteur devenu patrimoine national que de signaler cette différence.
Le mariage de la culture de masse, avec son industrie du disque et du spectacle, et de la culture populaire, avec ces clubs de fans comme derniers lieux de sociabilité authentique. Entre-temps, la société de consommation, les écrans ont modifié les règles du jeu. Et ce n'est pas faire insulte à un chanteur devenu patrimoine national que de signaler cette différence.
On peut continuer à détourner
le regard. C'est d'ailleurs ce que font les responsables de ce massacre
Mais cette actualité en a effacé
une autre, essentielle pourtant. Mardi 5 décembre étaient
publiés les résultats de l'enquête Pirls(Programme international de
recherche en lecture scolaire). Et ces résultats devraient faire la une des
journaux pendant plusieurs jours, susciter un débat national, des
manifestations, des émeutes. Car ils constituent un scandale sans précédent.
Ces évaluations mesurent les
performances en lecture des enfants au bout de quatre ans de scolarité
obligatoire. Pour la France, donc, la fin du CM1. Or, sur 50 pays évalués,
la France est 34e. Elle devance de peu
le Chili, le Maroc et l'Égypte. Mais il y a plus désespérant: dans l'ensemble du monde, l'accès à la lecture progresse. Chacun des 50 pays testés a vu ses performances augmenter depuis le premier volet de l'enquête en 2001. Chacun des pays sauf deux: la France et la Belgique francophone.
le Chili, le Maroc et l'Égypte. Mais il y a plus désespérant: dans l'ensemble du monde, l'accès à la lecture progresse. Chacun des 50 pays testés a vu ses performances augmenter depuis le premier volet de l'enquête en 2001. Chacun des pays sauf deux: la France et la Belgique francophone.
On peut continuer à détourner le
regard. C'est d'ailleurs ce que font les responsables de ce massacre. Et l'on
entend les éternels arguments: les inégalités, les «nouveaux publics», les
écrans… Est-ce à dire que l'Angleterre, l'Allemagne ou même la Russie, arrivée
en tête du classement, ne connaîtraient ni les inégalités sociales, ni
l'immigration, ni l'appauvrissement langagier du spectacle télévisé? Et puis,
il y aurait l'horrible élitisme républicain, cette sale manie de ne concevoir
un système scolaire que pour les meilleurs, en triant par l'échec. Alors
précisons: les deux pays dont les élèves obtiennent les meilleurs résultats, la
Russie et Singapour, voient 25 % de leurs enfants atteindre le niveau
«avancé» du test, celui qui prouve que non seulement l'on déchiffre le texte
mais que l'on sait en comprendre toutes les subtilités. En France, ils ne sont
que 4 % à atteindre ce niveau. Ce qui signifie que même nos enfants de
milieux favorisés ne comprennent pas ce qu'ils lisent.
C'est tout un pays qui renonce
à l'espoir d'une reconquête économique autant qu'à ses idéaux démocratiques
d'émancipation par le savoir.
Qu'importe. Le véritable
idéologue ne se laisse jamais démonter par les démentis du réel. Claude
Lelièvre, historien officiel de l'école, auréolé de l'«objectivité» de
l'expert, précise donc que les élèves testés sont ceux qui ont «subi» les
programmes de 2008, institués par Xavier Darcos… en oubliant que la baisse de
niveau est constante depuis 2001. En oubliant également que les enseignants,
quels que soient les programmes, usent avec constance, aiguillonnés par des
inspecteurs aux pratiques de commissaires politiques, des mêmes méthodes dont on
peut admirer le succès. L'historien précise d'ailleurs son souci: que le
ministre ne vienne pas remettre en cause ces méthodes si brillantes et insister
encore sur les «fondamentaux». Son argument? Les compétences des élèves ne
reculent qu'un peu pour le déchiffrage alors qu'elles s'effondrent pour
la compréhension. Le problème serait donc «l'accès au sens», cette martingale au nom de laquelle on a orienté toutes les réformes depuis des décennies. Étrange conception, qui imagine qu'on puisse dissocier l'accès au sens d'un apprentissage rigoureux de la grammaire et de ses nuances. Mais peut-il y avoir un débat fructueux quand le seul impératif est de n'avoir pas l'air de «revenir en arrière», et qu'on est sommé pour cela de poursuivre sur la même voie?
la compréhension. Le problème serait donc «l'accès au sens», cette martingale au nom de laquelle on a orienté toutes les réformes depuis des décennies. Étrange conception, qui imagine qu'on puisse dissocier l'accès au sens d'un apprentissage rigoureux de la grammaire et de ses nuances. Mais peut-il y avoir un débat fructueux quand le seul impératif est de n'avoir pas l'air de «revenir en arrière», et qu'on est sommé pour cela de poursuivre sur la même voie?
Résumer encore le débat sur
l'école et ses méthodes à une gigantomachie du Progrès contre la Réaction ne
relève pas seulement du déni mais du crime contre ces 96 % d'élèves qui
échouent à comprendre un texte informatif.
À travers leur sacrifice, c'est tout un pays qui renonce à l'espoir d'une reconquête économique autant qu'à ses idéaux démocratiques d'émancipation par le savoir. Et ne parlons pas de ce rêve d'offrir au peuple dans son ensemble l'accès à son héritage, celui d'une littérature que même les enfants de la bourgeoisie ne liront plus. Alors, que le peuple sorte dans les rues, qu'il crie sa colère. En mémoire du grand Hugo qui lui appartient.
À travers leur sacrifice, c'est tout un pays qui renonce à l'espoir d'une reconquête économique autant qu'à ses idéaux démocratiques d'émancipation par le savoir. Et ne parlons pas de ce rêve d'offrir au peuple dans son ensemble l'accès à son héritage, celui d'une littérature que même les enfants de la bourgeoisie ne liront plus. Alors, que le peuple sorte dans les rues, qu'il crie sa colère. En mémoire du grand Hugo qui lui appartient.
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Le pape des coptes d'Égypte refuse de rencontrer le
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Le pape Tawadros II de l'Église
copte orthodoxe d'Égypte a annulé une rencontre avec le vice-président
américain prévue en décembre au Caire, pour protester contre la décision unilatérale
de Washington de déclarer Jérusalem capitale d'Israël, a annoncé samedi
l'Église.
La décision annoncée mercredi par
le président Donald Trump «a fait fi des sentiments de millions d'Arabes», a
jugé l'Église dans un communiqué, ajoutant avoir décidé de ne pas recevoir Mike
Pence au cours de sa visite en Égypte.
Le Figaro.fr avec AFP
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Jérusalem : la mise en garde de l'ancien chef du
renseignement intérieur israélien (08.12.2017)
INTERVIEW EXCLUSIVE - Pour Ami
Ayalon, ancien patron du Shin Beth, «Israël fait face à une situation explosive
après la décision de Trump».
Ancien patron du Shin Beth, les
services de renseignements intérieurs israéliens, Ami Ayalon est l'un des
promoteurs de l'initiative de paix People's Voice.
LE FIGARO. - Quelle est votre
réaction à la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale
d'Israël?
Ami AYALON. - D'un
côté, on peut dire que son
discours était très pragmatique. Il s'est gardé de définir les frontières
de Jérusalem, précisant qu'elles seraient déterminées à l'issue de négociations
et il a ajouté qu'il accepte le principe de deux États. Cela signifie que
Jérusalem sera le principal objet des pourparlers. Mais la réalité est que le
Proche-Orient est une région très particulière. Ce qui semble pragmatique et
rationnel ailleurs dans le monde est perçu très différemment ici, spécialement
à Jérusalem, où la
situation est explosive. D'ailleurs on assiste déjà à des irruptions de
violence.
D'un point de vue politique,
notre premier ministre se réjouit d'avoir remporté un succès. La vraie question
est de savoir ce qu'il se passera ensuite. Les prochaines heures seront
déterminantes. Notre situation est analogue à celle d'un grand malade du
cancer. Les médecins ont essayé toutes sortes de traitements sans succès. Le
patient lui-même n'est pas sûr qu'il ait envie d'être soigné. Soudain un
médecin décide de lui donner un grand coup sur la tête, pour lui faire
comprendre à quel point sa situation est désespérée. Cela aidera-t-il? Je ne le
crois pas. Ça ne favorisera pas la reprise du dialogue entre Israéliens et
Palestiniens.
L'Amérique est-elle encore un
«médiateur impartial»?
Je ne sais pas si elle a été
perçue comme un médiateur impartial en dehors d'Israël ces dernières années.
Mais elle est en train de perdre cette position aux yeux du monde arabe, des
pays riverains et bien entendu des Palestiniens.
La solution de deux États
est-elle encore viable?
Toutes les autres solutions
aboutiront à deux options. L'une serait une situation à la syrienne de violence
militaire continue entraînant beaucoup de morts. En Syrie ils ont commencé à
s'entre-tuer pour un conflit portant sur des problèmes mineurs et ils ont fini
avec un demi-million de morts. L'autre est un modèle d'Apartheid à la
sud-africaine. Ces solutions ne sont pas viables. Elles n'offriront pas à
Israël ce à quoi il aspire: un État démocratique du peuple juif vivant en
sécurité. Pour sauvegarder cette idée très complexe d'une démocratie juive, la
seule option est de parvenir à une solution de deux États vivant côte à côte en
paix. Il n'existe pas d'alternative. Pour y parvenir, ce n'est pas un processus
linéaire. La dynamique dépend de la volonté des deux peuples.
Est-ce possible avec Donald
Trump à la Maison-Blanche? Il a tiré un trait sur les travaux de ses
prédécesseurs…
Toute option qui ne se fonderait
pas sur les paramètres gravés dans la résolution 242 du Conseil de sécurité de
l'ONU est vouée à l'échec. L'initiative saoudienne, les paramètres Clinton, les
paramètres Bush et Obama, l'initiative de Genève… toutes ces pistes sont très
proches et sont parvenues aux mêmes conclusions (la création aux côtés d'Israël
d'un État palestinien dans les frontières de 1967, ayant sa capitale à
Jérusalem-Est, NDLR). Celui qui pense qu'on peut créer deux États sans
respecter ces paramètres ne sait pas de quoi il parle. Et il provoquera
beaucoup de violence et de dégâts.
Redoutez-vous un nouveau
soulèvement palestinien?
Les prochaines heures sont
cruciales à cet égard. Mais les
soulèvements exigent beaucoup d'énergie et je ne sais pas si ce niveau
d'énergie existe chez les Palestiniens. Parfois nous sommes capables de percevoir
cette énergie, parfois non. Parfois elle est le résultat d'une réponse
israélienne disproportionnée à des violences. Beaucoup dépendra de la sagesse
des deux côtés. Pas seulement du côté du gouvernement israélien et de
l'Autorité palestinienne. La principale force politique aujourd'hui se trouve
dans la rue. Sa réaction chez les Palestiniens et en Israël sera déterminante.
Le Hamas appelle à une
nouvelle intifada. Faut-il prendre cette menace au sérieux?
Politiquement le soutien au Hamas
est assez faible en Cisjordanie et probablement aussi à Gaza. Mais lorsqu'on
parle d'intifada il
ne s'agit pas de violences organisées. L'intifada est un soulèvement populaire.
Et la question n'est pas de savoir si le Hamas, ou Mahmoud Abbas, est fort ou
faible. L'état d'esprit de la rue palestinienne est le principal facteur.
D'après ce que je sais, plus de 75 % des Palestiniens pensent que la
violence est la seule façon de se débarrasser de l'occupation israélienne.
La société israélienne
est-elle prête à accepter un État palestinien?
Cette idée a rassemblé un fort
soutien à une époque. Mais il faut tristement admettre que c'était durant la
seconde intifada. Pour qu'elle rassemble de nouveau des soutiens je redoute que
nous soyons obligés de souffrir encore. Lorsque des centaines d'Israéliens et
de Palestiniens mouraient dans les rues, les deux sociétés étaient prêtes à signer
n'importe quel bout de papier leur offrant un avenir meilleur. Les gens
devraient prendre conscience que nous n'allons nulle part et que nous sommes en
train de perdre notre identité en tant que démocratie juive. Nous ne serons pas
en sécurité tant que nos voisins auront le sentiment de vivre sous occupation.
Quel est l'impact régional de
la décision de Trump? Il voulait créer un front uni entre sunnites face à
l'Iran, l'inverse est en train de se produire…
Cela fait un an que j'essaie de
comprendre ce
que cherche réellement Trump. Le problème israélo-palestinien n'est pas le
principal conflit au Moyen-Orient. Les dirigeants arabes se fichent totalement
de la question palestinienne. Et les Palestiniens ont compris qu'ils sont
seuls. Mais le problème est que les dirigeants arabes ont perdu beaucoup de
pouvoir et ne contrôlent pas la rue. Au Caire, à Amman, à La Mecque
ou en Turquie, les gens ne soutiendront aucune action contre l'Iran avant
d'avoir vu des avancées sur le dossier palestinien.
L'idée de créer un axe sunnite
pragmatique est essentielle. Nous devons faire barrage au radicalisme, à la
violence, au terrorisme. Obtenir des progrès pour les Palestiniens est un
préalable incontournable pour la création de toute coalition au Moyen-Orient.
Je me demande pourquoi aux États-Unis le président et son entourage sont
incapables de le voir. De son côté, l'Europe doit comprendre que le pragmatisme
et la réduction de la violence dans notre région sont dans son intérêt. La
violence au Moyen-Orient est en train de changer le visage de l'Europe.
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comment, en une déclaration, Trump a uni les musulmans divisés
Jérusalem : comment, en une déclaration, Trump a uni les
musulmans divisés (07.12.2017)
DÉCRYPTAGE - En reconnaissant
Jérusalem comme capitale d'Israël, le président américain a fait tomber les
clivages sunnites-chiites.
De notre correspondante à
Istanbul
Depuis son élection, Donald Trump
n'a cessé d'alimenter les tensions sunno-chiites, œuvrant parallèlement en
faveur d'un rapprochement avec Riyad et d'un isolement de la République
islamique d'Iran. Mais en l'espace d'une déclaration, aussi historique que
provocatrice, sur la
reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, il est soudainement
parvenu à unir le monde musulman habituellement si divisé.
» LIRE AUSSI - Jérusalem: pourquoi Donald Trump a pris une telle
décision
De Téhéran à Riyad, en passant
par Ankara, la réaction a été unanime: on ne saurait toucher au sacro-saint
statut d'al-Qods. Considérant cette décision comme une menace pour le processus
de paix, le
chef de l'État turc Recep Tayyip Erdogan a estimé ce jeudi qu'elle
mettait «le
monde, et spécialement la région, dans un cercle de feu». Dès
l'annonce, la veille, de son homologue américain, il avait déjà lancé, en tant
que président en exercice de l'Organisation de la coopération islamique (qui
regroupe 57 pays musulmans), une invitation pour un sommet extraordinaire à
Istanbul, mercredi 13 décembre. «Oh Trump, que fais-tu? Quelle est ton
approche? Les responsables politiques doivent œuvrer pour la paix, pas pour le
chaos», avait-il déclaré. Ce sommet doit «permettre aux pays musulmans d'agir
de façon unifiée et coordonnée à tous ces développements», précise le
porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin.
«Les responsables politiques
doivent œuvrer pour la paix, pas pour le chaos»
Recep Tayyip Erdogan
Le gouvernement de Jordanie, pays
gardien des lieux saints musulmans à Jérusalem, a de son côté dénoncé «une
violation du droit international». Le premier ministre libanais Saad Hariri
«rejette et dénonce cette décision et annonce aujourd'hui sa plus totale
solidarité avec le peuple palestinien». Même son de cloche au Maghreb, où le
roi du Maroc a tenu à réitérer «la solidarité forte et constante du Royaume
avec le peuple palestinien frère dans la défense de sa cause juste et de ses
droits légitimes, notamment en ce qui concerne le statut d'al-Qods», lors d'un
entretien avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. La
présidence syrienne estime, elle, que «l'avenir de Jérusalem n'est pas
déterminé par un État ou un président, mais par son histoire, sa volonté et la
détermination de ceux qui sont loyaux à la cause palestinienne».
Riyad dénonce une décision
«injustifiée et irresponsable»
Les Saoudiens, pour leur part,
ont soudain mis de côté leur politesse à l'égard de Washington. Alors
que les relations américano-saoudiennes s'étaient nettement réchauffées depuis
l'élection du candidat républicain, Riyad exprime dans un communiqué du palais
royal «de profonds regrets après la décision du président américain de reconnaître
Jérusalem», en précisant «l'avoir déjà mis en garde contre les graves
conséquences que peut avoir cette décision injustifiée et irresponsable». «Il
s'agit d'un recul dans les efforts en faveur du processus de paix et d'une
violation de la position américaine historique de neutralité sur Jérusalem»,
ajoute le texte, en soulignant que la décision de Donald Trump «va à l'encontre
des droits historiques des Palestiniens à Jérusalem».
Le jeu des groupes extrémistes
Dans une région déjà en
ébullition, les experts craignent aussi que les
propos de Trump ne fassent le jeu des groupes extrémistes sunnites qui
pourraient s'en servir d'outil de propagande, de radicalisation et de
mobilisation auprès des populations vulnérables. Mais cette déclaration risque
aussi d'encourager les milices chiites à prendre pour cibles les troupes
américaines, notamment en Irak.
Quant à l'Iran chiite, dont la
réaction était attendue, elle ne ménage pas ses propos en prévenant, à l'instar
de ses alliées du Hamas palestinien, qu'elle provoquera une «nouvelle
intifada». Dénonçant «une provocation et une décision insensée de la part des
États-Unis», le ministère iranien des Affaires étrangères estime que
l'initiative de Trump ne va que «pousser à des comportements plus radicaux, à
davantage de colère et de violence». Le message est clair pour ceux qui gardent
en mémoire le fameux «axe de la résistance» qui, de Téhéran au Hamas
palestinien, en passant par la Syrie, avait soudé la rue arabo-musulmane, après
la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah libanais. Une mobilisation qui
était même parvenue, ironie de l'histoire, à faire du président Ahmadinejad,
pourtant si peu aimé de la jeunesse iranienne, le héros improbable de la rue
égyptienne ou encore jordanienne.
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Jean- Pierre Chevènement : «La montée du nationalisme
corse est le résultat des démissions de tous les gouvernements» (08.12.2017)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Pour
l'ancien ministre de l'Intérieur, la République n'a pas, en Corse, «de
concession à faire à l'ethnicisme».
Les nationalistes corses sont
arrivés largement en tête lors du premier tour des élections territoriales sur
l'Ile de Beauté. Comment expliquez-vous ce résultat?
Je ne suis nullement surpris par
le résultat des élections en Corse. La montée du nationalisme corse est le
résultat de démissions successives de tous les gouvernements de droite et de
gauche depuis une quarantaine d'années. C'est Valéry Giscard d'Estaing qui a
créé l'université de Corte qui est devenue la matrice et le fief du
nationalisme corse. La gauche a accordé à la Corse son premier statut et si ce
n'avait été l'intervention du conseil constitutionnel, elle aurait reconnu la
notion de «peuple corse». J'ai moi-même quitté le gouvernement pour ne pas
entériner un transfert de pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse. C'était en
l'an 2000 et pourtant j'avais accepté que, contre tous les engagements
antérieurs, le gouvernement abandonne la renonciation préalable à la violence
qu'il exigeait des nationalistes. C'est ainsi que s'est ouvert le processus dit
de «Matignon». Je fais également observer que l'Etat français s'est assis sur
le référendum de 2003. Les Corses avaient pourtant rejeté la fusion des deux
départements. Ils voulaient garder un découpage territorial qui les rapprochait
de la France continentale et n'acceptaient pas d'être transformés en territoire
d'Outre-mer bis avec une collectivité unique. Le législateur, sous le précédent
Président de la République, a fait fi des résultats de ce référendum. En 2003,
toutes les forces politiques de droite et de gauche, ainsi que les nationalistes,
voulaient la collectivité unique. Ne s'y opposaient que les radicaux de gauche,
le PCF et moi-même. Les électeurs corses nous ont alors donné raison mais, en
2014, le Parlement leur a imposé la collectivité unique. Beau déni de
démocratie!
Marine Le Pen, avec un
programme qui se revendiquait souverainiste, est arrivée en tête au premier
tour des présidentielles en Corse. Le vote nationaliste est-il un vote
anti-France ou au contraire un signal d'alarme civilisationnel envoyé au
continent?
Il s'agit d'abord d'un rejet des
clans qu'ils soient de gauche ou de droite. La gauche dominait le Nord avec la
dynastie Giacobbi et Paul Giacobbi sur le destin duquel je ne vais pas
épiloguer (ndlr: il a été condamné à trois ans de prison ferme pour
détournement de fonds publics). Au Sud et à droite, c'est le clan Rocca Serra
qui régnait depuis 1962. Ces clans ont fait l'objet d'un réflexe «dégagiste»
qui s'est traduit aux présidentielles par un vote Marine Le Pen. Il faut
observer que moins d'un quart des électeurs corses inscrits ont voté pour les
listes nationalistes. Le taux d'abstention, qui s'élève à près de 50%, est
massif. Nous allons voir ce que nous verrons, mais moi qui connait les oiseaux,
je conseille au gouvernement une grande vigilance. Je ne pense pas qu'on puisse
satisfaire la revendication de la co-officialité de la langue corse. Cela
voudrait dire une politique d'exclusion à l'égard de tous les continentaux. Je
l'ai observé quand j'étais ministre de l'Education nationale lorsque tous les
agrégés et certifiés d'origine continentale ont été renvoyés dans leur «douar»
d'origine. Je pense qu'on a accordé aux nationalistes tout ce qu'ils
demandaient en matière d'aménagement du territoire. Les Corses se plaignent de
la spéculation, mais ce sont les élus locaux, soumis aux pressions que nous
savons, qui octroient les permis de construire. En Corse, on n'est pas libre de
s'exprimer. Déroger à la doxa ou aux oukases nationalistes, c'est prendre le
risque de passer un mauvais quart d'heure. Il faut maintenant tenir compte du
résultat de l'élection. Je suis un démocrate, mais je n'augure rien de bon de
ce qui suivra. C'est pourquoi j'attends du gouvernement de la République
française qu'il reste ferme sur ses principes: la République n'a pas de
concessions à faire à l' «ethnicisme». D'autant que ce type de revendication
peut se révéler contagieux.
La situation est-elle
comparable à celle de la Catalogne?
Ce qui se passe en Corse, on
l'observe ailleurs en Europe. C'est un mouvement de fond qui vient de loin.
Après la réunification allemande, il y a eu la dissociation sanglante de la
Yougoslavie et celle plus pacifique de la Tchécoslovaquie. Celle aussi de
l'ancienne Union soviétique avec l'avènement d'une quinzaine de Républiques
indépendantes. Cela a produit quantité de problèmes nés du découpage arbitraire
des frontières. Il y a désormais en Europe occidentale le cas de la Catalogne
qui est le plus emblématique, mais qui est assez comparable à ce qu'on observe
en Belgique avec le mouvement flamand ou en Italie du Nord avec les Lombards.
Ce sont des revendications qui rejettent l'idée de citoyenneté. Les Flamands ne
veulent pas de la citoyenneté belge, les Catalans ne veulent pas de la
citoyenneté espagnole, les Corses ne veulent pas de la citoyenneté française.
Ces mouvements sont aussi en général des mouvements de revendications de riches
qui considèrent que, favorisés par la géographie, la démographie et l'économie,
ils paient trop d'impôt à l'Etat. Ce n'est pas le cas de la Corse où les
transferts se font dans le sens inverse. Il y a des sommes massives transférées
chaque année de la France continentale vers la Corse: environ deux milliards
d'euros. C'est la limite de la revendication nationaliste. Ils en sont
conscients. C'est pourquoi, ils ne réclament pas l'indépendance immédiate.
S'agit-il également d'un
réflexe identitaire lié à la globalisation et son corollaire, le
multiculturalisme?
La nation à la française a
toujours été multiethnique et pluri-religieuse depuis l'édit de Nantes et la
Révolution française. Elle n'a jamais été multiculturelle. Il y a une culture
française encore très largement diffusée par l'école de la République. L'idée
de «charia zone» qui prévaut en Grande-Bretagne n'a rien d'équivalent en
France, malgré la dérive de certains quartiers que la République a le devoir de
combattre. Le communautarisme n'est pas reconnu en France car il s'oppose à la
conception de l'Etat républicain où la loi est la même pour tous. Il n'y a pas
de mariage sous l'empire d'une religion qui prévaudrait sur le mariage civil.
Cela on peut l'observer en Grande-Bretagne où les chiffres donnés par le
rapport Casey, notamment sur le nombre de femmes excisées, sont absolument
terrifiants. Madame May a pris conscience de cette dérive comme l'avait fait
Madame Merkel qui a imposé, en Allemagne, le concept de «culture dominante
(Leitkultur)»: on exige désormais que les migrants qui viennent s'installer
apprennent préalablement l'allemand avant de recevoir leur titre de séjour.
En suite à votre démission du
gouvernement sur la question Corse, vous aviez fait une campagne centrée sur la
défense du modèle français centralisé, universaliste et laïque. Pressentiez les
fractures françaises et européennes?
C'est clair, je défendais l'Etat
républicain. Ma campagne était une critique de la mondialisation financière
incontrôlée. Je critiquais aussi les modalités de la construction européenne.
Je suis toujours sur la même ligne critique par rapport à la manière dont les
décisions se prennent. Le président Macron veut redresser tout cela et construire
une «Europe qui protège». Mais il mesure déjà toutes les difficultés qui se
présentent notamment en Allemagne où il y a eu tout de même une incontestable
poussée réactionnaire avec l'AfD, avec les libéraux qui sont des ultras et avec
le poids que représente la CSU au sein même de la CDU. Il faudra tenir compte
de ces réalités.
L'Union européenne a-t-elle
encouragé les revendications régionalistes?
Le concept d'«Europe des régions»
a flatté les régionalismes et par conséquent les tendances séparatistes.
Aujourd'hui, l'Union européenne fait marche arrière car les traités sont
clairs. L'article 4 qui est commun aux deux traités dit que l'Union européenne
est constituée par les États membres et qu'elle garantit à ces derniers leur
intégrité territoriale. La promotion inconsidérée de l' «Europe des régions»
est sans doute derrière nous. Cependant, en France, la réforme des régions
s'est faite, en 2014, pour faire plaisir à Bruxelles qui demandait des
«réformes structurelles». Lesquelles? On ne savait pas très bien. Le
gouvernement Valls a donc fait des grandes régions qui sont beaucoup trop
grandes et difficiles à administrer avec des préfets de région qui ne savent
plus où donner de la tête, qui ont une multitude de dossiers qui s'empilent sur
leur bureau. Les administrations de l'Etat sont désormais éclatées: ici vous
avez le préfet de région, là le conseil régional, ailleurs le rectorat, un peu
plus loin la direction de l'équipement et de l'environnement. Tout cela n'est
tout de même pas très sain du point de vue de la cohérence qui doit faire
prévaloir l'administration de l'Etat!
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 09/12/2017. Accédez à sa version PDF
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Paul-François Paoli : «Corse, la victoire du pathos
identitaire» (08.12.2017)
TRIBUNE - Pour l'essayiste*, la
victoire des nationalistes relève plus d'un désir d'identité face à l'«insécurité
culturelle» que d'un véritable souhait d'indépendance.
Il convient de ne pas se tromper
sur le sens de la victoire des nationalistes en Corse, qui sera sans doute
avalisée par le second tour de ces élections. Cette victoire est moins celle
d'un nationalisme de rupture, version catalane, que d'un désir de
reconnaissance identitaire exprimé en particulier par la jeunesse insulaire,
qui se reconnaît dans la personnalité de Gilles Simeoni, le maire de Bastia.
Celui-ci jouit d'une crédibilité qui dépasse largement la sphère de sa
sensibilité politique, et ce n'est pas un idéologue.
Mais commençons par un double
constat. En Corse, la gauche n'existe pratiquement plus et le macronisme parle
une langue étrangère: celle d'un nomadisme branché et déraciné. La Corse n'est
plus dans la République si l'on entend par République un principe d'unité
indivisible qui voguerait dans un ciel serein. Il s'agit là d'un changement
profond, à notre avis irréversible, qui en dit autant sur l'usure d'un certain
jacobinisme français que sur la Corse elle-même. Les discours solennels de
Valls et les éructations de Mélenchon, ces frères ennemis du jacobinisme, se
heurtent en Corse à une fin de non-recevoir polie. Les Corses insulaires, qui
ne représentent pas tous les Corses, tant s'en faut, parlent une seule langue:
celle du pathos identitaire.
» LIRE AUSSI - Éric Zemmour: «Et si les
Corses étaient moins nationalistes ou autonomistes qu'identitaires?»
Pour les Corses le
vivre-ensemble n'est pas un slogan : ils le pratiquent entre eux
On se demande où sont passés les
votes en faveur de Marine Le Pen qui arrivait en tête du premier tour de
la présidentielle. Un certain nombre d'entre eux s'est réfugié dans
l'abstention mais on ne peut exclure que d'autres se soient reportés sur les
nationalistes. À certains égards, rien ne ressemble plus à un électeur
nationaliste corse qu'un électeur du FN. Ils ont en commun la hantise de
l'islam et de l'immigration et le refus instinctif du multiculturalisme des
élites boboïsées.
Pour les Corses le vivre-ensemble
n'est pas un slogan: ils le pratiquent entre eux. Ce que veulent les Corses,
c'est l'entre-soi, ce qui est compréhensible car il s'agit d'une communauté
très restreinte qui se diluerait dans la «société ouverte» qu'appellent de
leurs vœux macronistes et libéraux. La Corse n'est pas un open space. Pour
autant, et c'est ici qu'est le paradoxe: les Corses ne veulent pas de
l'indépendance.
» LIRE AUSSI - Les mutations du nationalisme
corse
En lui-même le projet
indépendantiste n'a pas de consistance. Si les nationalistes revendiquent la
co-officialité de la langue corse avec la langue française, c'est qu'ils
admettent, implicitement, que la Corse est française
La victoire nationaliste est
moins celle du «peuple corse» que celle de l'ambiguïté. Il faudra beaucoup de
talent rhétorique à Jean Guy Talamoni pour nous convaincre que l'indépendance,
qui est toujours pour demain - c'est le cas depuis quarante ans -, est
compatible avec l'idée d'inscrire la reconnaissance du peuple corse dans la
Constitution française. Talamoni est un homme cultivé qui connaît le syllogisme
d'Aristote. On ne peut soutenir que A est identique à B si A et B se
contredisent. En réalité la victoire des nationalistes est d'abord celle d'un
affect.
Moult Corses qui, jadis,
s'identifiaient à la France parce qu'elle donnait des emplois et du prestige,
ne s'identifient plus qu'à la Corse, qui est un refuge face à l'insécurité
culturelle engendrée par la mondialisation. En lui-même le projet
indépendantiste n'a pas de consistance. Si les nationalistes revendiquent la
co-officialité de la langue corse avec la langue française, c'est qu'ils
admettent, implicitement, que la Corse est française. La langue que les Corses
parlent et écrivent à l'unanimité est le français, ce n'est pas le corse.
Politiquement, la droite française en recomposition doit tenir compte de cette
nouvelle donne. Le vivre-ensemble n'est pas une affaire de valeurs. C'est une
communauté de destin historique fondée sur une culture commune: de Brest à
Bastia en passant par Pointe-à-Pitre, cette culture commune est le français.
*Auteur de «Le Roman de la
Corse», Éditions du Rocher, 2012
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ou autonomistes qu'identitaires?» (08.12.2017)
CHRONIQUE - Au contraire de la
Catalogne, la Corse est plus pauvre que le reste du pays et dépend largement de
la solidarité nationale. Mais un peuple peut accepter délibérément un sacrifice
matériel s'il croit son identité en jeu.
Ils vont gagner. Ils ont gagné.
Les «natios», comme on les appelle, sont
sûrs d'être les prochains patrons de l'assemblée territoriale de Corse. Le
second tour n'est qu'une formalité. Mieux qu'une victoire, un
triomphe. Mieux qu'un triomphe, une revanche. Oublié, le préfet Erignac,
exécuté il y a vingt ans. Oubliées, les conférences de presse d'encagoulés.
Oubliés, les attentats, les liens entre nationalistes et mafieux. Les mallettes
de billets aussi, distribuées par le ministère de l'Intérieur pour acheter la
paix. C'était il y a cent ans, il y a mille ans. Les terroristes d'hier ont
déposé les armes. Les nationalistes sont devenus autonomistes. La France est un
pays merveilleux où un simple changement de nom fait croire que tout a changé.
«La Corse est un enfant de la République» nous dit, bienveillant, Christophe
Castaner, le patron d'En Marche. Mais on ne sait pas de quelle République
il parle. Est-ce encore un enfant de la France? Gilles Simeoni, lui, réclame
toujours la reconnaissance du peuple corse. Si les mots ont un sens,
l'existence d'un peuple corse attesterait que les Corses ne font pas partie du
peuple français. Or, la République française est le régime que s'est donné le
peuple français. Il n'a qu'une seule langue, le français. Et Simeoni exige
qu'on enseigne le corse aux petits enfants de l'île de Beauté. Qu'on le parle
dans l'administration et dans les prétoires, en contradiction de la vieille
ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539. Il veut des compétences législatives,
éducatives.
Il y a quelques mois, le même
Simeoni expliquait benoîtement que la Corse était dans la situation des trois
départements d'Algérie la veille de l'indépendance. S'il n'ose plus cette
comparaison hasardeuse, c'est qu'entre-temps, la Catalogne a ridiculisé l'idéal
indépendantiste. Alors, Simeoni, malin, change de cheval: sa Corse autonome n'a
rien à voir avec la Catalogne, et tout avec la Sardaigne. Mais la Sardaigne a
le statut que la Catalogne avait il y a vingt ans.
Les mêmes Corses qui votent
pour les nationalistes aux élections régionales donnent la première place à
Marine le Pen lors de la présidentielle
A Paris, on se rassure comme on
peut. On se dit qu'au contraire de la Catalogne, la Corse est plus pauvre que
le reste du pays ; et qu'elle dépend largement de la solidarité de cette
nation dont elle ne pourrait se détacher. Les esprits trop rationnels devraient
se méfier. L'économisme rend myope. Comme nous l'a montré le vote sur le
Brexit, un peuple peut accepter délibérément un sacrifice matériel s'il croit
son identité en jeu.
Or, les mêmes Corses qui votent
pour les nationalistes aux élections régionales donnent la première place à
Marine le Pen lors de la présidentielle. Cette contradiction apparente a une
cohérence cachée: la défense de l'identité corse et française contre un islam
qui tend à imposer, dans l'espace public, ses codes et ses mœurs, comme l'ont
prouvé les altercations violentes de l'été 2016 sur les plages corses autour du
burkini. Quand le patron de la Région réclame de pouvoir donner la priorité
d'embauche ou de logement aux Corses, il défend une préférence nationale qui ne
dit pas son nom. La victoire promise à Simeoni et ses «natios» n'est donc pas
un vote nationaliste ni autonomiste, mais identitaire. Mais personne - ni le
pouvoir, ni les nationalistes, ni même les grands médias - n'ont intérêt à ce
que cette réalité soit dite.
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Des « équipes mobiles laïcité » aideront les
enseignants (08.12.2017)
Composées de juristes, d'experts
disciplinaires et de psychologues, ces unités, installées dans chaque académie,
doivent répondre aux cas de revendications religieuses et communautaires à
l'école.
À la veille de la journée
nationale de la laïcité, samedi 9 décembre, c'est sur l'école que le
gouvernement a choisi de miser. Emmanuel Macron devrait s'exprimer plus
largement sur le sujet en janvier.
Comme un avant-goût, le ministre
de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a pris la parole vendredi soir
après le Conseil des ministres pour préciser les contours d'une «cellule
laïcité» qu'il entend créer au sein du ministère de l'Éducation nationale.
Composée de juristes et d'experts disciplinaires, des psychologues, notamment,
celle-ci répondra aux cas complexes de revendications religieuses et
communautaires se présentant via les rectorats. Ce comité des Sages «définira
par ailleurs les règles et réponses à apporter à chaque situation concrète», a
expliqué Jean-Michel Blanquer vendredi soir.
«Loi du silence»
«Aucun professeur ne doit se
sentir seul. Il doit pouvoir signaler ces situations à son chef
d'établissement, il doit exister une unité des adultes au sein de
l'établissement pour regarder en face ce type de phénomène et y réagir de façon
appropriée. Mais si une certaine impuissance se manifeste localement,
l'ensemble de l'institution se mobilisera», avait déjà précisé le ministre de
l'éducation nationale cet automne à L'Express.
Un ex-principal de collèges
sensibles de Marseille, Bernard Ravet, avait relancé le débat début septembre
en dénonçant, dans un livre intitulé Principal de collège ou imam de la
République, la «loi du silence» qu'il dit avoir affrontée face à «l'emprise» de
l'islamisme.
«Comment réagir face à ces
élèves qui contestent la théorie de Darwin, réclament des repas sans porc,
veulent faire le ramadan de plus en plus jeune?»
Depuis une quinzaine d'années,
des «équipes mobiles de sécurité» présentes dans les rectorats sont prêtes à
intervenir dans les établissements à la demande des proviseurs et principaux.
Composées d'anciens policiers, conseillers principaux d'éducation, éducateurs
sportifs ou encore anciens enseignants, ces brigades se concentrent surtout sur
les problèmes de sécurité. Elles seront désormais épaulées, dans chaque
Académie, par des équipes mobiles laïcité «entièrement dédiées, pouvant
intervenir à la fois en travail de prévention et en réponse si une entrave aux
valeurs de la laïcité se produit», explique-t-on au ministère. Jean-Michel
Blanquer qui doit se déplacer ce samedi, au lycée Samuel-de-Champlain de
Chennevières-sur-Marne, organisateur depuis trois ans d'une semaine de la
laïcité, installera, à cette occasion, la première unité de ce type.
Autant de nouvelles mesures qui
permettront d'épauler les centaines de «référents laïcité» créés
dans les établissements scolaires par l'ex-ministre de l'Éducation, Najat
Vallaud-Belkacem, il y a deux ans. Plus d'un millier de référents avaient
été formés pour aider leurs collègues à promouvoir la laïcité à l'école et à
déminer les situations délicates: comment réagir face à ces élèves qui refusent
de disséquer un cœur de porc en cours de biologie? Face à ceux qui contestent
la théorie de Darwin, réclament des repas sans porc, veulent faire le ramadan
parfois très jeune? Que répondre à ces parents qui
refusent que leurs filles aillent à la piscine parce qu'elles vont
devoir «se dénuder»? Dans quelle mesure peut-on accepter l'abaya, la robe
musulmane longue, parfois portée par les jeunes filles?
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Migrants à Paris : le sordide «trottoir des 40.000»
(08.12.2017)
REPORTAGE - À Paris, des
centaines de demandeurs d'asile piétinent devant un centre engorgé. Les
riverains sont à bout.
Le quartier se réveille
doucement, mais eux sont déjà debout, pressés les uns contre les autres, derrière
des barrières métalliques, sur un trottoir jonché de détritus. Une masse
compacte de plus d'une centaine de migrants, transis de froid, qui s'agrippent,
se poussent, s'invectivent, de manière à se rapprocher de l'entrée de la
Plateforme d'accueil des demandeurs d'asile (Pada), au 127, bd de la Villette,
dans le Xe arrondissement. «Le trottoir des 40.000», l'ont baptisé les
riverains. Car depuis près de deux ans, ils ont compté que 40.000 personnes
avaient dormi, parfois plusieurs nuits d'affilée, sur une centaine de mètres de
ce boulevard. Aujourd'hui, ces habitants sont «à bout». Le 18 décembre,
ils attendent «les élus de tous bords» pour signer leur pétition. «Sans un
engagement clair sur la fermeture du système avant le 1er janvier», ont-ils
écrit au président de la République, ils entameront une grève de la faim.
«Je ne pensais pas que ce
serait si difficile ! Tous ces gens qui se battent pour une meilleure place… on
dirait des animaux»
Mahdi, un Syrien de 47 ans
Étape indispensable pour les
demandeurs d'asile primo-arrivants isolés, cet unique centre - un autre existe
à Paris pour les familles -, géré par France Terre d'asile, délivre, chaque
matin, un certain nombre de rendez-vous, pour l'examen de leur dossier, dans
l'une des huit préfectures d'Île-de-France. Mais, devant l'afflux de migrants,
il est perpétuellement engorgé. Sous le métro aérien, des grilles empêchent
désormais l'installation de campements de fortune… et la traversée des
riverains. Des migrants ont planté leur tente un peu plus loin, le long du
canal Saint-Martin. Pour être dans les premiers, certains arrivent devant le
127 dès la veille au soir et dorment sur place.
Il est 7 h 30, un
camion de police vient de se garer devant la Pada, mais cela n'empêche pas les
hommes de s'empoigner. «Je ne pensais pas que ce serait si difficile!, souffle
Mahdi, un Syrien de 47 ans. Tous ces gens qui se battent pour une meilleure
place… on dirait des animaux.» Quatre ou cinq femmes se trouvent parmi la
foule, accrochées à leur baluchon. «Il y a trop de garçons, et les Afghans, ils
font des problèmes!, affirme Bachar, un jeune Somalien venu apporter du thé.
Hier soir, une Soudanaise a vomi ; elle n'en pouvait plus d'être malmenée.
Tout ça dans une odeur épouvantable, car certains ne se sont pas lavés depuis
des jours.» Une altercation et quelques coups de poing plus tard, les barrières
glissent, des migrants se prennent les pieds dedans, en entraînant d'autres
dans leur chute. «Du calme!», crie un policier. «On est là tous les jours de
7 heures à 23 heures, pour s'assurer qu'ils ne se battent pas,
explique-t-il. Si on peut éviter les gaz, on évite, car il y a les femmes
enceintes, les riverains…»
«Plusieurs habitants sont en
dépression, certains ont bradé leur appartement»
Pierre Vuarin, porte-parole du
collectif des « habitants associés »
«Situation indigne»
Les riverains, justement, «n'en
peuvent plus». Forcée de marcher sur la chaussée, puisque les trottoirs sont
perpétuellement occupés, Anne-Marie a plusieurs fois failli être renversée par
une voiture. «Un voisin a été brûlé lors d'une opération de gazage, un autre n'a
pas trouvé d'infirmière qui accepte de venir chez lui, témoigne Pierre Vuarin,
porte-parole du collectif des «habitants associés». Parfois, le trottoir est
complètement imbibé d'urine. Et le nettoyage, c'est pas tous les jours!
Plusieurs habitants sont en dépression, certains ont bradé leur appartement».
«Des commerçants ont dit
qu'ils allaient acheter un fusil ; qu'ils s'en fichaient d'aller en prison, car
c'était ça ou la clé sous la porte…»
Marie, une riveraine
Salarié de la Batscop, une
entreprise toute proche, Philippe Michielin renchérit: «Cela devient invivable.
Le matin, on doit enjamber les matelas devant notre porte. On ne peut plus
recevoir de clients. Deux de nos collaborateurs, des Blacks, se font
régulièrement interpeller. Et le pire, c'est que ça radicalise la population.»
Lors des réunions du collectif, s'inquiète Marie, «des commerçants ont dit
qu'ils allaient acheter un fusil ; qu'ils s'en fichaient d'aller en
prison, car c'était ça ou la clé sous la porte…» Brahim Saidoun n'en est pas là.
Mais le patron du café L'imprévu, en face de la Pada, s'alarme de voir son
chiffre d'affaires baisser: «de moins en moins de monde vient déjeuner»,
déplore-t-il.
«Cela devient invivable. Le
matin, on doit enjamber les matelas devant notre porte. On ne peut plus
recevoir de clients. Et le pire, c'est que ça radicalise la population»
Philippe Michielin, salarié d‘une
entreprise proche du site
Lorsque, ce matin-là à
9 heures, le directeur de la Pada et ses employés arrivent, c'est à peine
s'ils peuvent se frayer un chemin vers l'entrée. «Reculez, personne ne sera
pris aujourd'hui!», crie un salarié. Un jeune Éthiopien lui saute dessus: «Ça
fait trois jours que j'attends ici, trois nuits pour rien!» Au siège de France
Terre d'asile, le directeur général, Pierre Henry, commente: «Nous n'avons pas
la responsabilité de l'ordre public sur la voie publique! C'est le boulot de la
police de réguler la file d'attente. La situation dans la rue est indigne. Mais
nous, on est fier d'avoir permis, en 2017, à 15.000 personnes d'accéder à leurs
droits.»
«Avec les préfets de police,
de région, je partage le même constat. On n'est pas censé tolérer que se créent
des bidonvilles à Paris»
Alexandra Cordebard, maire du Xe
Les habitants ont écrit partout,
«au ministre de l'Intérieur, au préfet de Paris, à la Maire de Paris, aux élus
concernés, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration». «Mais
tout le monde se renvoie la balle, déplore Pierre Vuarin. Certains ont même
admis qu'“il ne fallait pas avoir un accueil attractif”».L'Élysee leur
a répondu que «le président a pris connaissance avec attention des difficultés
de cohabitation»… et renvoie sur le ministère de l'Intérieur. Maire du Xe,
Alexandra Cordebard rappelle qu'«un déménagement de la Pada avant la fin de
l'année avait été promis par l'État». «Avec les préfets de police, de région,
je partage le même constat, poursuit-elle. On n'est pas censé tolérer que se
créent des bidonvilles à Paris.» Dans l'entourage d'Anne
Hidalgo, on précise que «l'État a demandé à la mairie de Paris, et à
d'autres, de rechercher des sites». «On participe beaucoup à l'effort,
souligne-t-on, mais on espère qu'on n'est pas les seuls!» En attendant, les riverains
se désespèrent: «On a vu ce que donnait une Pada ; quel autre maire en
voudra maintenant?»
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Aung San Suu Kyi, la chute d'une idole planétaire
(08.12.2017)
Longtemps considérée come une
héroïne pour son opposition au pouvoir militaire en Birmanie, la Dame de
Rangoun est désormais critiquée pour son silence devant les massacres des
Rohingyas.
Peu de personnalités
contemporaines ont été aussi adulées ; aucune n'a été aussi vite détestée.
Voici encore quelques mois, Aung San Suu Kyi bénéficiait dans l'opinion
mondiale d'un statut comparable à celui du mahatma Gandhi et de Nelson Mandela.
Opposante historique à la junte birmane, la Dame de Rangoun était l'une de ces
icônes que les médias planétaires adorent adorer. Seule, longtemps recluse
comme une héroïne arthurienne dans sa maison au bord d'un lac de Rangoun où la
dictature l'avait placée en résidence surveillée, cette femme héroïque avait
refusé pendant des décennies toute compromission avec le pouvoir militaire. Le
prix Nobel de la paix vint en 1991 couronner cette Antigone birmane. Finalement
victorieuse aux élections de 2015, son entrée au gouvernement après des
décennies de lutte incarnait comme dans un conte moderne le triomphe ultime de
la démocratie sur la tyrannie.
Sa chute a été rapide. En
quelques mois, l'icône est tombée de son piédestal. Son silence devant les
massacres par l'armée birmane des Rohingyas, minorité musulmane persécutée
et expulsée par centaines de milliers vers le Bangladesh, a commencé par
surprendre ses laudateurs. Puis par les choquer. Quand Aung San Suu Kyi s'est
finalement décidée à évoquer le sujet, son manque d'empathie envers les
victimes et ses commentaires sibyllins sur les actions de l'armée birmane ont
achevé de retourner contre elle les consciences internationales. Aussi prompts
à détester qu'à adorer, les médias ont suivi. L'image pieuse qu'ils avaient
contribué à fabriquer a été déchirée avec une rage proportionnelle à leur
ferveur passée.
«Je ne suis qu'une femme
politique»
Aung San Suu Kyi
Ce reniement soudain n'est
inexplicable qu'en apparence. Un brillant et salutaire petit essai vient
rétablir dans leur contexte l'ascension et la chute de la Dame de Rangoun.
Correspondant du Monde en Asie depuis des années, Bruno Philip a rencontré à
plusieurs reprises Aung San Suu Kyi, y compris lorsqu'elle était en résidence
surveillée (le reporter signait dans le registre sous le nom de Marcel
Duchmol). Il n'a jamais été aveuglé par l'adulation délirante des médias
internationaux pour cette femme. Bon connaisseur de la Birmanie, Philip sait
que «The Lady» est une opposante un peu spéciale. Et qu'aussi cruelle qu'ait
été sa détention, elle a bénéficié d'un traitement plus enviable que celui
d'habitude réservé aux dissidents dans cette partie du monde. Fille du général
Aung San, le héros de l'indépendance birmane, collaborateur des Japonais avant
de passer in extremis dans le camp des Alliés puis assassiné par d'autres
militaires quelques mois avant l'indépendance, la dissidente est restée
intouchable malgré la détestation que lui voue la junte.
Son
caractère impérieux d'aristocrate de haute caste et ses tendances autoritaires
apparaissent aussi déjà à ceux qui la côtoient. D'autant qu'Aung San
Suu Kyi elle-même, souvent agacée par les adorateurs béats, répète les mises en
garde: «Je ne suis qu'une femme politique», leur dit-elle. Son cynisme et ses
silences deviennent alors plus explicables et sa vision politique plus
cohérente.
Au-delà d'un passionnant récit,
l'ouvrage de Bruno Philip, préfacé par le reporter Rémy Ourdan, dépasse
largement la seule question birmane pour servir de leçon d'humanité et de
politique. Dans un monde où l'émotion semble avoir remplacé toute réflexion, et
où les affaires internationales sont souvent lues à travers un prisme disnéyien
de gentils aux prises avec des méchants, «l'icône fracassée» vient rappeler
qu'il est toujours périlleux de projeter des visions fantasmées sur le monde
réel. Le pari historique d'Aung San Suu Kyi de s'allier avec la junte pour
tirer son pays de la misère et de l'isolement, quitte à détourner le regard sur
les aspects les plus déplaisants du pouvoir militaire, peut être jugé
moralement douteux. Il aurait moins surpris si l'on n'avait pas fait au
préalable une sainte laïque de cette femme politique aux nerfs d'acier, au cœur
sec et à la tête froide.
Aung San Suu Kyi. L'icône
fracassée, de Bruno Philip, Editions des Equateurs, 98 p., 12 €.
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coptes d'Égypte refuse de rencontrer le vice-président américain (09.12.2017)
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comment, en une déclaration, Trump a uni les musulmans divisés (07.12.2017)
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Chevènement : «La montée du nationalisme corse est le résultat des
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Paul-François
Paoli : «Corse, la victoire du pathos identitaire» (08.12.2017)
Éric Zemmour: «Et
si les Corses étaient moins nationalistes ou autonomistes qu'identitaires?»
(08.12.2017)
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Aung San Suu Kyi,
la chute d'une idole planétaire (08.12.2017)