samedi 9 décembre 2017

Islamisme et politique 07.12.2017

Jérusalem : pourquoi Donald Trump a pris une telle décision (07.12.2017)
Ceux qui disent «halte» aux migrants (08.12.2017)
A-t-on encore le droit d'aimer Autant en emporte le vent ? (08.12.2017)
En Thrace, la charia décroît mais fait toujours débat (07.12.2017)
Qatar: un métro et un tramway à 3 milliards d'euros pour la RATP et Keolis (07.12.2017)
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Jérusalem : pourquoi Donald Trump a pris une telle décision (07.12.2017)


Par Philippe Gélie
Mis à jour le 08/12/2017 à 15h03 | Publié le 07/12/2017 à 17h31
ANALYSE - Ses conseillers lui recommandaient la prudence, mais le président américain a écouté d'autres avis.
Correspondant à Washington
Entre le risque de déstabiliser le Proche-Orient et la certitude de plaire à ses supporteurs, Donald Trump n'a pas hésité. Ses conseillers à la sécurité nationale lui recommandaient la prudence, mais les leaders chrétiens évangéliques et de puissants donateurs le poussaient à tenir sa promesse électorale. En mars 2016, devant l'American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le principal lobby pro-israélien aux États-Unis, le candidat républicain avait déclaré: «Nous transférerons l'ambassade américaine dans la capitale éternelle du peuple juif.»
Plusieurs de ses prédécesseurs avaient pris le même engagement, pour ensuite le reporter à des temps meilleurs. Depuis vingt-deux ans, chaque président repoussait l'échéance tous les six mois en invoquant la sécurité nationale, conformément à une loi de 1995 largement approuvée par le Congrès. Pour Donald Trump, «il est très important de rompre avec le passé et de cocher une nouvelle case sur la liste de ses promesses tenues», explique son ami Chris Ruddy, PDG de Newsmax.
Une décision de politique intérieure
Les arguments invoqués dans son discours de mercredi sur la «reconnaissance d'une simple réalité» à Jérusalem, la nécessité de «rompre avec les stratégies inefficaces du passé» et la perspective d'un «bénéfice pour le processus de paix» servent d'habillage à une décision motivée avant tout par la politique intérieure. La preuve en est qu'en juin dernier, lorsque Trump avait une première fois actionné la «dispense» prévue dans la loi, l'un des rares à le lui avoir déconseillé était Steve Bannon, gardien de l'idéologie trumpienne. L'autre était Sheldon Adelson, magnat des casinos proche de Benyamin Nétanyahou, qui avait donné 21,5 millions de dollars à sa campagne.
Après avoir exigé la semaine dernière que ses collaborateurs trouvent une formule pour tenir sa promesse, le président n'a pas seulement téléphoné aux dirigeants de la région pour les prévenir. Il a tenu deux conférences téléphoniques avec des représentants religieux chrétiens et juifs, qui l'ont assuré de leur soutien résolu. L'un d'eux, Ralph Reed, fondateur de la très conservatrice Coalition Foi et Liberté, a publié un communiqué remerciant Trump de «renforcer la solidarité entre les États-Unis et le peuple d'Israël». Le courant évangélique, auquel appartiennent 40 % des chrétiens américains, voit la domination juive sur Jérusalem comme la réalisation d'une prophétie biblique devant hâter le retour du Messie.
 «Vous avez tenu parole!»
«La chrétienté croit que le Messie s'assoira un jour sur le trône de David, a écrit dans Haaretz l'activiste évangélique Laurie Cardozo-Moore. L'Amérique judéo-chrétienne dit à Israël: “On vous soutient!”» «Nous n'avons pas de plus grands amis aux États-Unis que les supporteurs chrétiens d'Israël», a déclaré Nétanyahou à Washington en juillet dernier. Jeudi, le Comité juif républicain a publié une pleine page de publicité dans le New York Times montrant Donald Trump au mur des Lamentations, avec pour légende: «Vous avez tenu parole !»
Pour les critiques, la décision sur Jérusalem marque aussi «une victoire de la politique intérieure et de l'ego personnel du président sur une politique étrangère raisonnable, estime Aaron David Miller, expert du Proche-Orient au Wilson Center et vétéran de six Administrations, républicaines et démocrates. Ce qui manque dans la décision de Donald Trump, c'est l'accomplissement d'un objectif de sécurité nationale ou de politique étrangère promouvant un intérêt américain quel qu'il soit.» Peter Beinart de The Atlantic ne cherche pas si loin: «Les conflits religieux, raciaux et ethniques sont essentiels à l'attrait de Trump, estime-t-il. Ses supporteurs comptent sur lui pour éloigner les barbares. S'il lui faut créer le danger, il le fera.»
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Correspondant à Washington
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Ceux qui disent «halte» aux migrants (08.12.2017)

Par Jean-Louis Tremblais
Mis à jour le 08/12/2017 à 16h11 | Publié le 08/12/2017 à 07h00
REPORTAGE - La frontière turco-bulgare, aux marches de l'Europe, est la nouvelle route utilisée par les passeurs de migrants. En Bulgarie, pour stopper cet afflux de clandestins, une unité de volontaires, encadrée par des vétérans de l'armée, s'organise pour faire le travail de la police.
De nos envoyés spéciaux Jean-Louis Tremblais (texte) et Jérôme Sessini (Magnum) pour le Figaro Magazine

Nous sommes quelque part dans le massif de la Strandja, au sud-est de la Bulgarie, non loin de la Turquie. Un relief montagneux (qui culmine à plus de 1000 mètres d'altitude) et un terrain accidenté, ponctué de thalwegs et de ruisseaux. La végétation, boisée et touffue, permet de se déplacer incognito, à condition de connaître les itinéraires forestiers et les chemins de traverse. C'est dans une clairière, autour d'un bivouac improvisé, que nous retrouvons les hommes de l'Union militaire Vassil Levski-BNO (Mouvement national bulgare) Chipka. Ils sont une cinquantaine, entre 15 et 50 ans, en tenue camouflée, cagoules, couteaux et machettes pour certains.
Au garde-à-vous, répartis en trois groupes et alignés comme à la revue. Penché sur une carte d'état-major au 1/50 000, leur commandant, Vladimir Rusev, sexagénaire au physique de catcheur, assigne des objectifs à ses adjoints, tout en fumant clope sur clope. Les ordres sont transmis. La colonne s'ébranle et disparaît dans la nature. Un passage de migrants a été signalé par des informateurs. But de la manœuvre: les repérer, les arrêter, et surtout les renvoyer en Turquie!
Supplanter l'État jugé défaillant
N'est-ce pas là le rôle dévolu à la police aux frontières? Car les membres de cette organisation, aussi étrange que cela puisse paraître, sont tous des bénévoles, y compris les cadres (généralement d'anciens officiers de l'armée ou de la police). Des civils qui se transforment en soldats, dépourvus d'armes à feu mais présentant tous les attributs de l'institution militaire, le temps d'un week-end ou d'une semaine. Réponse de Vladimir Rusev: «La nature a horreur du vide. La plupart des gens attendent tout de l'État. Mais, lorsque l'État est inapte ou absent, c'est aux citoyens de reprendre leur destin en main.
Suite aux printemps arabes et à la fermeture progressive de la route des Balkans, la Bulgarie est devenue le ventre mou de l'UE (Union européenne) (1). Les réseaux de passeurs, téléguidés par la mafia turque depuis Istanbul et bénéficiant de complicités locales, utilisent maintenant la Bulgarie - et notamment le massif de la Strandja - pour faire entrer les migrants clandestinement. Nous faisons simplement le travail que le gouvernement et Bruxelles devraient faire. Gratuitement, qui plus est, et sans rien gagner en retour! Au contraire, puisque tout est autofinancé: nourriture, équipement, carburant, équipement, matériel. Et nos seules rentrées d'argent proviennent des donations…»
Ils sont tous volontaires et bénévoles pour défendre leur frontière contre les passages clandestins de migrants en provenance de Turquie. - Crédits photo : Jrérome Sessini/Magnum pour le Figaro Magazine
Le pays le plus pauvre de l'Europe
Certes, Sofia a érigé, en 2014, une clôture de 3 mètres de hauteur et de 30 kilomètres de longueur afin de se protéger des incursions. Une barrière qui a ensuite été étendue à 146 kilomètres. Sauf que la frontière en couvre 260! Autrement dit, elle est tout sauf hermétique. Or, nous sommes ici sur le limes de l'Europe, en première ligne face à la pression migratoire. Le gouvernement bulgare en est conscient: 20 % du budget de l'Intérieur est consacré à la surveillance frontalière et la région vient d'être déclarée «site d'importance stratégique pour la sécurité nationale» par le Conseil des ministres.
Mais le pays le plus pauvre de l'UE (2) n'a pas les moyens d'assurer seul la fonction de sentinelle. Les supplications adressées à l'UE (dont une subvention de 160 millions d'euros pour la clôture) sont restées lettre morte. On s'est contenté d'envoyer des agents de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) peu motivés et peu concernés. Résultat: selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), les demandes d'asile ont explosé pour atteindre 20.000 en 2015 et 30.000 en 2016. Toujours en 2016, 13.000 sans-papiers ont été arrêtés, dont la moitié en tentant de quitter le pays via la Roumanie. Le but étant évidemment de rejoindre l'eldorado occidental, coûte que coûte.
«Nous sommes alors peut-être les chevaliers des temps modernes !»
Lachezar Mourdjev, l'avocat de l'organisation
L'expérience vécue et les statistiques montrent que ces migrants sont surtout originaires d'Afghanistan (46 % du total, d'après l'OIM), d'Irak, de Syrie, du Pakistan, du Bangladesh. «Il y a peu de familles, précise Vladimir Rusev. Ce sont principalement de jeunes célibataires, entraînés et agressifs, qui se réclament de l'islamisme radical. Ils ont séjourné au préalable en Turquie. C'est attesté par leurs vêtements et leurs documents. Il n'est pas rare qu'ils soient sous amphétamines et qu'on les saisisse en possession d'opium ou de cannabis. Ils se déplacent par groupes de plusieurs dizaines qui éclatent à la moindre alerte et s'éparpillent dans toutes les directions. Une technique bien rodée. Les interpellations sont parfois dangereuses: c'est pourquoi nos membres reçoivent tous une formation militaire et sont rompus au close-combat. Quand ils sont entre nos mains, on leur laisse le choix: soit ils acceptent d'être remis aux forces de l'ordre (et ils seront jugés pour franchissement illégal de frontières) ; soit ils refusent et on les raccompagne à la frontière.»
Et, lorsqu'il s'agit d'islam, le Bulgare devient nerveux, fébrile, voire rétif. Cinq siècles d'occupation ottomane et de dhimmitude (3) ne s'oublient pas facilement. Même si le pays héberge une importante communauté musulmane (11 % de la population), l'identité chrétienne est fièrement affichée, comme en témoigne l'immense croix de Selo Dimitrovche, non loin de Kapitan Andreevo, check-point routier avec la Turquie. Fichée sur le promontoire qui domine l'autoroute, elle fait office de message et de symbole auprès de tous ceux qui la croisent dans les parages.
D'ailleurs, les noms de baptême choisis par les fondateurs de notre unité de volontaires ne doivent rien au hasard. Vassil Levski, dit l'«apôtre de la liberté», est un héros national. Pour avoir coordonné le soulèvement général contre l'occupant, il fut capturé, torturé et pendu par les Turcs en 1873. Quant au mont Chipka, sis dans le Balkan central, ce fut le siège d'une bataille épique de la guerre russo-turque de 1877 pour la libération de la Bulgarie. Un mémorial construit en 1934 y rappelle le sacrifice des frères slaves et orthodoxes contre Süleyman Pacha…

Dans le massif de la Strandja, formation au close-combat pour les volontaires de l'Union militaire Vassil Levski-BNO Chipka. - Crédits photo : Jrérome Sessini/Magnum pour le Figaro Magazine
Un travailleur humanitaire se faisant appeler Kalachnikov
Vladimir Rusev assume volontiers ce double héritage, religieux et militaire. Lieutenant-colonel de réserve dans l'armée bulgare (il l'a quittée en 1984), passé par l'artillerie et les parachutistes, il dirige aujourd'hui une société de sécurité privée. Bien qu'il soit taiseux sinon secret sur son parcours, il admet être allé «prêter main-forte aux chrétiens menacés en Europe et ailleurs, après la chute du bloc de l'Est». Des pérégrinations mystérieuses qui l'auraient conduit en Tchétchénie ou chez les Serbes de Bosnie, à en croire certaines ONG fort critiques sur le personnage, accusé d'être à la solde de Moscou. Ce qu'il n'infirme ni ne confirme.
«Ce que j'ai fait relève de l'engagement humanitaire», affirme-t-il sans convaincre. A en juger par le respect que lui portent ses patibulaires camarades, il a dû faire autre chose que de porter des sacs de riz et de distribuer des rations alimentaires! Et nous n'avons personnellement jamais rencontré de travailleur humanitaire se faisant appeler Kalachnikov sur les réseaux sociaux, ainsi qu'il le fait…
«On confie les migrants aux forces de l'ordre ou on les ramène côté turc»
Lachezar Mourdjev, l'avocat de l'organisation
Son pedigree avéré ou fantasmé, la publicité régulière des activités de l'Union militaire Vassil Levski-BNO Chipka (relayées sur un site en bulgare et en anglais, avec force photos et vidéos) et le look de ses membres n'ont pas manqué d'éveiller la méfiance des associations de défense des droits de l'homme. «On nous a traités de tous les noms, raconte Lachezar Mourdjev, l'avocat de l'organisation. Milice fascisante, chasseurs de migrants, traqueurs d'humains: tout y est passé. Le Comité Helsinki bulgare pour les droits de l'homme a même demandé notre interdiction au parquet. Mais le dossier a été classé sans suite faute d'arguments et d'éléments probants. D'abord, nous sommes légalement enregistrés depuis 2014 avec un statut d'association[type loi de 1901 en France, ndlr].Ensuite, notre existence n'a rien de souterrain ni de séditieux. Nous ne sommes pas armés et notre action est connue de tous. Lorsque nous stoppons des migrants, ils sont bien traités, qu'on les confie aux forces de l'ordre ou qu'on les ramène côté turc. Quant au terme de milice, j'aimerais en rappeler l'étymologie: avant l'an mil, dans l'Europe chrétienne, on ne parlait pas de “chevalerie” mais de “militia”. Vu sous cet angle, nous sommes alors peut-être les chevaliers des temps modernes!»
Faire des émules en Europe

Vladimir Rusev, commandant de l'Union militaire Vassil Levski-BNO Chipka - Crédits photo : Jrérome Sessini/Magnum pour le Figaro Magazine
En tout cas, les autorités semblent fort bien s'en accommoder - pour l'instant. L'Union militaire Vassil Levski-BNO Chipka revendique 45.000 adhérents (chiffre invérifiable), dont 500 seraient mobilisés en permanence sur la frontière. Et Vladimir Rusev ne compte pas s'arrêter là. Il souhaite même faire des émules dans le reste de l'Europe .
«J'ai débuté des négociations avec les interlocuteurs pertinents afin de pouvoir récupérer des bases et des camps désaffectés de l'armée. Ce serait idéal pour l'entraînement. Pas seulement pour les Bulgares. Tous les Européens, patriotes et résistants, y seraient les bienvenus. Nous avons déjà des demandes par internet qui viennent de pays voisins (comme la Serbie, la Hongrie ou la Roumanie) mais aussi de l'ouest du continent (Allemagne, Autriche ou France). Avec la disparition du service militaire dans la plupart des nations de l'UE, la jeunesse ne sait plus rien du métier des armes, de la discipline, de l'autorité ou de l'autodéfense et s'en remet à des professionnels. C'est paradoxal et inquiétant car la menace djihadiste n'a jamais été aussi forte.»
«Nous pouvons vraiment jouer un rôle de rempart»
Présents à ses côtés, deux observateurs roumains acquiescent. Ils ont fait le voyage de Bucarest pour étudier la possibilité d'importer une telle structure dans leur pays. L'un d'eux, qui a servi cinq ans dans la Légion étrangère, nous explique: «En Roumanie, les migrants viennent de Bulgarie (quitte à se noyer dans le Danube, ce qui est fréquent) ou directement de Turquie, par la mer Noire, dans des canots de fortune,lorsque la météo s'y prête. Une fois en Bulgarie ou en Roumanie, c'est ce que les Européens de l'Ouest ne comprennent pas, ils ont un pied dans l'UE. Nous autres, Roumains ou Bulgares, nous voulons et nous pouvons vraiment jouer un rôle de rempart. Toutes les initiatives sont bonnes dans ce domaine.»
Situées au carrefour des invasions historiques et sur une ligne de fracture civilisationnelle, la Roumanie et la Bulgarie sont dans le même état d'esprit que le groupe de Visegrád (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), lequel refuse la politique migratoire de l'UE, et en particulier la répartition par quotas imposée par Angela Merkel. Un quarteron de réfractaires dont la philosophie a été résumée par le Premier ministre hongrois, Victor Orbán, lors d'une visite ici même en 2016: «C'est à la frontière bulgaro-turque que va se décider l'avenir de l'Europe.» Visiblement, certains l'ont compris…
(1) La Bulgarie est membre de l'UE depuis 2007, mais n'appartient pas à l'espace Schengen de libre circulation des individus.
(2) Le salaire minimum y est de 235 € et le PIB par habitant deux fois moindre que la moyenne européenne.
(3) Occupée à partir de 1396, la Bulgarie a acquis une autonomie relative en 1878 (traité de San Stefano), mais une indépendance complète, seulement en 1908. Sous l'Empire ottoman, le statut de dhimmi faisait du non-musulman un citoyen de seconde zone, avec des droits limités.
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A-t-on encore le droit d'aimer Autant en emporte le vent ? (08.12.2017)

Par Geoffroy Caillet
Mis à jour le 08/12/2017 à 14h48 | Publié le 08/12/2017 à 12h55
LE FIGARO HISTOIRE - Du roman de Margaret Mitchell au film de Victor Fleming, Autant en emporte le vent s'est imposé comme la plus flamboyante apologie de la cause sudiste. Doit-il pour autant être voué aux gémonies, comme l'a laissé entendre cet été la décision d'un cinéma de Memphis de bannir sa projection ? Décryptage.


- Crédits photo : Figaro
Guerre de Sécession: la véritable histoire, 132 pages, 8,90€, en kiosque jeudi 30 novembre et disponible sur le Figaro Store.


- Crédits photo : Figaro
C'est l'œuvre jumelle par excellence, de celles dont on ne sait plus, l'âge venu, si on l'a abordée par le livre ou par le film. À quatre-vingts ans de distance, l'étoile d'Autant en emporte le vent n'a rien perdu de son éclat et il y a fort à parier que la grande fresque du Sud américain restera, pour longtemps encore, une pierre angulaire de la littérature romanesque et d'un certain cinéma hollywoodien. À moins que la décision de l'Orpheum ne sonne le signal d'un opprobre général. Au mois d'août dernier, sur fond de chasse aux monuments confédérés, ce cinéma de Memphis décidait en effet d'interrompre la coutume de projeter le film chaque année depuis trente-quatre ans.
Le roman d'une vie
La raison fournie au New York Times par Brett Batterson, le président de l'Orpheum Theatre Group, a tout l'air d'une répudiation en bonne et due forme: «En tant qu'organisation dont la mission est de divertir, d'éduquer et d'éclairer les communautés qu'elle sert, l'Orpheum ne pouvait montrer un film insensible à un grand pan de sa population locale.» En l'occurrence les Noirs américains, censément heurtés par la présentation que le film de Victor Fleming fait des esclaves de la famille O'Hara. On verra ce qu'il faut en penser, mais remarquons d'emblée qu'«insensible» n'est certainement pas le mot, tant Autant en emporte le vent prend au contraire le parti de montrer la sollicitude parfaite des maîtres pour leurs esclaves. Quant à interdire l'un des romans les plus lus au monde, il n'en est pas encore question. Les autodafés n'ont définitivement pas bonne presse.

Margaret Mitchell. - Crédits photo : www.bridgemanimages.com/www.bridgemanimages.com
De la jeune femme qui publia en 1936 son unique roman, prix Pulitzer l'année suivante, on sait généralement peu de choses. Margaret Mitchell était née avec le siècle à Atlanta, d'une vieille famille de Géorgie aux racines écossaises et irlandaises: un père avocat, un grand-père négociant et l'autre entrepreneur, anciens combattants dans l'armée confédérée, une grand-mère maternelle fille d'un planteur de coton. C'est elle qui a fourni maints traits au personnage de Scarlett O'Hara. Journaliste à l'Atlanta Journal Magazinedepuis 1922, Margaret Mitchell se casse la cheville et abandonne le métier. Mais pas la plume. Encouragée par son mari à meubler sa convalescence, elle se lance alors dans l'œuvre de sa vie, Autant en emporte le vent (Gone with the Wind), à laquelle elle consacre presque dix ans de travail. Le succès planétaire de ce roman-fleuve (1 million d'exemplaires vendus dans les six mois suivant sa publication) ne la change en rien. Elle continue de vivre dans sa ville natale, où un banal accident de circulation la fauche, un jour de 1949. Le manuscrit d'un court roman écrit à 16 ans, Lost Laysen (un triangle amoureux dans le Pacifique Sud, qui annonce celui d'Autant en emporte le vent), a été retrouvé et publié en 1996. Mais pour la postérité, Margaret Mitchell restera la femme d'un seul livre: une fresque humaine sur fond historique, nourrie des récits qui avaient bercé son enfance.
Le vent de l'histoire
En 1861, Scarlett O'Hara coule des jours heureux sur la propriété familiale de Tara. Belle et égoïste, elle collectionne les prétendants mais n'a d'yeux que pour Ashley Wilkes, aussi rangé et raisonnable qu'elle est frondeuse et passionnée. Lorsqu'elle apprend qu'Ashley est sur le point d'épouser la douce Melanie Hamilton, elle fait l'objet des moqueries de Rhett Butler, un séducteur cynique, et, de dépit, se marie avec le frère de sa rivale. Or la guerre éclate et Scarlett se retrouve veuve. Réfugiée à Atlanta, elle échappe grâce à Rhett à l'incendie de la ville par le général Sherman, puis retourne à Tara, qu'elle trouve dévasté par les Yankees. Pleine de courage et d'orgueil, elle rebâtit le domaine avec Melanie, avant de revenir à Atlanta où elle se marie encore, cette fois par intérêt. De nouveau veuve, elle se résout à épouser Rhett, mais la mésentente est constante entre ces deux esprits libres. Lorsque Melanie meurt, Ashley est écrasé de chagrin. Rhett abandonne alors Scarlett, qui décide de se vouer à Tara, sa seule famille.
Dès juillet 1936, le producteur David O. Selznick avait acheté les droits d'adaptation à Margaret Mitchell pour 50.000 dollars et s'était lancé dans ce qui serait l'aventure d'une vie. Si The New York Times du 5 juillet 1936 décrivait le roman comme «le meilleur jamais écrit sur la guerre de Sécession», son pari n'était pas dénué de risques. La plaie de la guerre était encore vive et les histoires d'amour guère susceptibles de se mêler à l'odeur de la poudre. À Louis B. Mayer, patron de la Metro-Goldwyn-Mayer et beau-père de David O. Selznick, son associé Irving Thalberg avait même dit: «Laisse tomber, Louis. Aucun film sur la guerre de Sécession n'a jamais rapporté un sou.» Mort en septembre 1936, Thalberg n'aura pas eu le temps de constater l'inanité de sa prophétie. Ni a fortiori d'apprendre que le film est toujours, en 2017, le plus gros succès mondial de l'histoire, inflation prise en compte.
En 1936, la frénésie sudiste s'empare de l'Amérique entière. À New York, la première du film est un événement mondain hors norme, qui attire des foules immenses et tout le gratin de la ville
La suite appartient aux anthologies du cinéma. Trois années d'écriture sont nécessaires pour mettre en chantier la production, adapter les quelque mille pages du roman, sélectionner les acteurs: Clark Gable en Rhett Butler (alors sous contrat avec la MGM et «prêté» par Louis B. Mayer, finalement rallié au projet), Olivia de Havilland en Melanie, et surtout la Britannique Vivien Leigh en Scarlett, dont le casting international avait donné lieu à l'audition de 1400 jeunes femmes. Le tournage lui-même tient du récit mythologique: le réalisateur George Cukor est licencié par Selznick, remplacé par Victor Fleming, lequel tombe malade. Sam Wood prend la suite. Retour de Fleming. De la musique aux costumes, Selznick décide tout, choisit tout, organise surtout le formidable battage médiatique qui fait de la première, le 15 décembre 1939 à Atlanta, un événement jamais vu, «le plus grand qui soit arrivé dans le Sud de toute ma vie», écrira Jimmy Carter, alors âgé de 15 ans.
Près de 300.000 personnes et quatre heures de projection plus tard, le triomphe est total. De monument littéraire, Autant en emporte le vent est devenu un monstre cinématographique, bientôt récompensé par dix oscars. La frénésie sudiste s'empare de l'Amérique entière. À New York, la première est un événement mondain hors norme, qui attire non seulement des foules immenses mais tout le gratin de la ville. Les industriels flairent le filon, et le style sudiste déferle du Nord au Sud: des grands magasins ornent leurs espaces d'exposition selon l'architecture géorgienne, la presse magazine donne des conseils pour décorer sa maison comme celle de Scarlett, des copies de ses robes sont exportées dans le monde entier et des biscuits vendus comme «délices du Sud».
La seule chose qui dure
Comprendre comment la plus grande fresque jamais composée à la gloire du Sud a pu susciter une telle passion dans l'Amérique et le monde entier revient d'abord à rendre hommage à son éblouissant style visuel, qui doit autant à la qualité des décors de William Cameron Menzies et des costumes de Walter Plunkett qu'à la flamboyance du Technicolor. Alors tout nouveau, le procédé popularisé l'année précédente par Les Aventures de Robin des Bois y déploie une époustouflante richesse chromatique, toujours à la limite de la saturation, pour appuyer l'opulence de l'aristocratie géorgienne comme les sentiments exaltés de Scarlett. Par la grâce de la trichromie, le film de Fleming est une avalanche de velours vert émeraude et de pommettes rouges de passion, de blancs logis et de parcs peuplés de paons immaculés, de couchers de soleil pourpre et de flammes d'apocalypse - celles de l'incendie d'Atlanta.

Scarlett (Vivien Leigh) sur la propriété familiale de Tara. - Crédits photo : Rue des Archives/©Rue des Archives/BCA
Film de studio par excellence, Autant en emporte le vent exploite toutes les ressources du cinéma pour ressusciter aux yeux du spectateur le décor radieux d'un monde emporté par le vent (de l'histoire), comme le clame le titre. Les paysages des riches domaines de Géorgie sont rehaussés, voire entièrement constitués, de peintures sur verre: autant de tableaux au sens propre du terme que les planteurs, O'Hara en tête, admirent depuis les perrons à colonnade de leurs demeures seigneuriales. Couverts de kilomètres de tapis écarlates, les escaliers monumentaux bruissent continûment du froufrou des robes à crinoline. Les chambres, les salons, les bibliothèques, les boudoirs regorgent de meubles de prix, de portraits à la Winterhalter, de lourdes tentures, de lustres de cristal palpitant. Soixante-dix ans après la chute du Sud, le film faisait revivre et sublimait à la fois les atours d'un mode de vie sans équivalent: celui du luxe à la campagne, dont la société américaine urbaine des années 1930 avait perdu le souvenir et dont la postérité ne peut même plus imaginer la possibilité.
Mais Autant en emporte le vent ne serait guère plus qu'un écrin vide sans l'héroïne imaginée par Margaret Mitchell et campée à l'écran par Vivien Leigh. À elle seule, Scarlett O'Hara incarne ce Sud aristocratique mais surtout héroïque, qui porte haut sa valeur suprême: «La terre, la seule chose qui compte, la seule qui dure», comme le lui a enseigné son père. La survie de Tara, dévasté par des Yankees indifférents au caractère sacré de la terre, est à la fois la métaphore et la condition de sa propre survie. Car l'originalité du roman de Margaret Mitchell tient au fait d'avoir doté son héroïne d'une force vitale inédite, qui transcende l'amour, ravalé à un simple ressort romanesque. «Vous tirez votre force de la terre rouge de Tara, Scarlett. Vous en êtes pétrie et elle est pétrie de vous», lui dit Rhett Butler. À rebours du genre, ce n'est pas l'amour mais la guerre et la défense du sol familial qui sont l'instrument de son passage à l'âge adulte.
À une histoire écrite par les vainqueurs, «Autant en emporte le vent» substitue une histoire écrite par les vaincus, mais du point de vue de leur élite
Sous ce rapport, on comprend mieux, malgré l'absence notable de happy end, le succès qu'une Amérique en pleine crise économique et sociale réserva au livre de Margaret Mitchell et au film de Fleming. En dépeignant une héroïne passée de l'abondance à la disette, puis une crise historique et personnelle surmontée, ils lui offraient à la fois un modèle auquel s'identifier et un exutoire à ses difficultés. Par là, la cause du Sud devenait celle de toute l'Amérique et, après la guerre, le relèvement final de Scarlett, abandonnée par Rhett Butler mais déterminée à vouer sa vie à Tara, pouvait sembler prophétiser la résurrection du pays entier et le début de son hégémonie. «Je jure devant Dieu que je ne me laisserai jamais abattre! Je jure devant Dieu que je ne connaîtrai plus jamais la faim!»: le serment de Scarlett avait été tenu par tout un peuple. Cultivée à l'envi par les sphères politiques et culturelles américaines, la résilience nationale doit beaucoup à Autant en emporte le vent. Le phénomène fut plus éloquent encore dans l'Europe traumatisée de l'après-guerre, qui le découvrit alors qu'elle pansait encore ses plaies (le film fut distribué en 1945 en Belgique et en 1950 en France).
La gloire des vaincus
En associant ainsi nostalgie romantique d'un monde disparu, mysticisme de la terre et thème de la résurrection, l'œuvre se faisait le meilleur agent publicitaire du mouvement de la «cause perdue», né au lendemain de la guerre de Sécession, jusqu'à devenir la pierre angulaire de l'historiographie apologiste du Sud. À une histoire écrite par les vainqueurs, Autant en emporte le vent substitue une histoire écrite par les vaincus, mais du point de vue de leur élite. Sous la plume de Margaret Mitchell comme devant la caméra de Fleming, le Sud n'est rien d'autre qu'un paradis terrestre, convoité et violé par un envahisseur diabolique. Comment donc ne pas pleurer sur son sort, résumé par l'exclamation douloureuse d'Ashley: «Que peut-il advenir de pauvres bougres dont la civilisation s'effondre?»
Le film fait défiler les épisodes marquants de la guerre, de l'engagement des jeunes hommes à l'arrivée de Sherman (annoncé comme un cavalier de l'Apocalypse par un titre d'épouvante sur fond de flammes: «Sherman!»), de l'incendie d'Atlanta aux jours éprouvants de la Reconstruction. Les nordistes venus s'établir dans le Sud après la guerre sont décrits comme la onzième plaie d'Égypte («arriva un autre envahisseur, plus cruel et vicieux qu'aucun de ceux qu'ils avaient combattus: le Carpetbagger»). Et si Scarlett s'empresse, elle aussi, de faire des affaires avec les Yankees, animée d'une absence totale de scrupules et d'un amour immodéré de l'argent, il faut d'abord y voir la corruption du Sud par les fausses valeurs nordistes.

Scarlett O'Hara (Vivien Leigh) et Rhett Buttler (Clark Gable) fuyant l'incendie d'Atlanta. - Crédits photo : Rue des Archives/©Rue des Archives/Snap Photo
L'oscar de Mamma
Mais la représentation la plus partiale d'Autant en emporte le vent concerne, on le sait, la question de l'esclavage. L'œuvre en donne une vision soigneusement idéale, dans laquelle les esclaves partagent en tout point les motivations et les intérêts de leurs maîtres. Attachés à la glèbe, ils communient avec eux à la même mystique d'une terre qui n'est pas la leur. Ils font si bien partie de la famille O'Hara qu'ils restent à Tara comme domestiques après l'abolition. Dans le film au moins, rien ne transparaît jamais de leur statut, si ce n'est lorsque Scarlett, exaspérée par la sottise de la jeune Prissy, menace de la «fouetter jusqu'au sang», rappelant inopinément le droit du propriétaire sur son esclave.
Mamma est d'abord une autorité morale et c'est à elle qu'est confié le soin de proclamer la foi indubitable du film en une seule humanité, en dépit de sa vision lénifiante de l'esclavage.
C'est au fameux personnage de Mamma que revient d'assumer ce rôle de l'esclave idéale de maîtres modèles. Elle a vu naître Scarlett, s'est chargée de son éducation et la gourmande comme sa propre fille. Devenue citoyenne, elle vote sans surprise comme ses patrons et traite de «canailles» les «mauvais Noirs», suspects de sympathies nordistes, à qui elle ordonne: «Vous allez voter, et voter comme nous autres.» Quoique largement stéréotypée (le «Ma'm Scarlett» de la version française est resté célèbre), elle est la seule à échapper à la représentation à la limite de l'idiotie qui caractérise les autres esclaves. Car Mamma est d'abord une autorité morale et c'est à elle qu'est confié le soin de proclamer la foi indubitable d'Autant en emporte le vent en une seule humanité, en dépit de sa vision lénifiante de l'esclavage. «Qu'il soit noir ou banc, je n'ai jamais vu un homme adorer autant son enfant», déclare-t-elle ainsi au spectacle de Rhett Butler effondré après la mort de sa fille.
Dès 1936, des voix s'élevèrent dans la presse de gauche américaine pour dénoncer le «suprémacisme» porté par le roman de Margaret Mitchell et, trois ans plus tard, par le film de Fleming, malgré les précautions de Selznick (qui substitua par exemple un Blanc au Noir qui agresse Scarlett dans sa voiture à cheval). Il y a pourtant loin entre sa représentation des Noirs et celle de l'autre grand film sur la guerre de Sécession, Naissance d'une nation (1915), de David W. Griffith. Le film fondateur du cinéma hollywoodien y montrait des Noirs dévoyés et alcooliques, et présentait le Ku Klux Klan comme une solution légitime pour rétablir l'ordre après le chaos de la Reconstruction. Il provoqua des émeutes et ne fut diffusé en Europe qu'en 1921, dans une version censurée, par égard pour les troupes coloniales qui avaient participé à la Première Guerre mondiale.
Le sort du film sera-t-il de devenir l'otage du communautarisme moderne et de ses intérêts divergents ?
Quoi qu'il en soit, l'ambiguïté de la réception d'Autant en emporte le vent en pleine ségrégation héritée de la guerre se manifesta à travers l'oscar qui récompensa Hattie McDaniel pour son rôle de Mamma: à cause des lois raciales, l'actrice n'avait pas été autorisée à assister à la première du film en décembre 1939, et elle dut s'asseoir à part de l'équipe du film lors de la cérémonie des oscars qui la distingua en février 1940. Il n'en reste pas moins que cet oscar était le premier de l'histoire de Hollywood à être décerné à un Noir et que cet événement était le fait d'une œuvre apologétique du «monde d'hier». Difficile dès lors de soutenir, comme le directeur de l'Orpheum de Memphis, qu'Autant en emporte le vent leur serait «insensible».
Le sort du film sera-t-il de devenir l'otage du communautarisme moderne et de ses intérêts divergents? Menacé du purgatoire par une mémoire exacerbée de la guerre de Sécession, il pourrait en être sauvé par les mouvements féministes, qui voient invariablement un modèle en Scarlett depuis les années 1960. Ce portrait de femme fière, rebelle, maîtresse de son destin et animée d'un idéal qui lui permet d'échapper à un modèle jugé dégradant pour la femme, a en effet de quoi les séduire, jusque dans ses contradictions (du début à la fin, ses amours sont pathétiques ; éprise d'Ashley comme une adolescente, elle se marie trois fois sans amour et ne manifeste qu'un instinct maternel limité).

Scarlett O'Hara (Vivien Leigh) et Rhett Buttler (Clark Gable). - Crédits photo : Rue des Archives/Rue des Archives/DILTZ
Quatre-vingts ans plus tard, on mesure surtout la distance entre la destinée d'Autant en emporte le vent et les intentions de Margaret Mitchell, telles qu'elle les résumait dans une interview radiodiffusée le 3 juillet 1936: «Le livre n'est pas exactement un livre sur la guerre, pas plus qu'un roman historique. Il parle des effets de la guerre de Sécession sur une série de personnages qui habitaient Atlanta à cette époque (…). Bien sûr, je serais heureuse si les gens se disaient que le livre raconte véritablement l'histoire de tout le Sud. Mais ce n'est pas le genre de livre que j'ai essayé d'écrire. C'est un livre sur la Géorgie et les Géorgiens - particulièrement les Géorgiens du Nord.» Mais c'est probablement à cette distance que s'évaluent les chefs-d'œuvre.

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Guerre de Sécession: la véritable histoire, 132 pages, 8,90€, en kiosque jeudi 30 novembre et disponible sur le Figaro Store.
Rédacteur en chef du Figaro Histoire
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En Thrace, la charia décroît mais fait toujours débat (07.12.2017)

Par Alexia Kefalas
Mis à jour le 07/12/2017 à 20h28 | Publié le 07/12/2017 à 19h28
Le président turc Erdogan est en visite en Grèce où vit une importante communauté musulmane.
En Thrace
On se sent souvent épié en se promenant dans les ruelles quasi désertes des villages agricoles de Miki ou de Molivoia en Thrace, région située au nord-est de la Grèce. Alors que les cheminées envoient une fumée noirâtre, des regards furtifs s'effacent derrière de rideaux. Devant leurs fenêtres, des femmes, issues de la minorité musulmane de la région, qui obéissent à la charia, la loi islamique. Le spectacle détonne en 2017 dans un pays européen comme la Grèce et alors que ces citoyens disposent de la nationalité hellène. Ce phénomène décroît cependant et depuis quelques années, ces femmes sortent de chez elles. Outre leurs tâches ménagères, elles participent aux travaux agricoles, en coupant du bois par exemple, mais se taisent quand elles croisent des inconnus.
«Les femmes ne sont pas toutes voilées et les jeunes filles affluent à l'université »
Ozan Ahmetoglou, journaliste au Gündem
Ces villages, interdits d'accès jusqu'au milieu des années 1980, évoluent constamment. Vers midi, il n'est pas rare de voir des jeunes filles, vêtues de tabliers et de foulards colorés se diriger, livres en main, vers la bibliothèque. Au café, un transistor crache des informations en turc. Des hommes, - frappés par la paupérisation de la région productrice de tabac - conversent. D'autres lisent le journal communautaire, le Gündem gazete.
Ozan Ahmetoglou, journaliste au Gündem, considère que les mœurs de la minorité ont beaucoup évolué. «Nombre de familles vivent dans les villes de Xanthi ou Komotini à présent, où l'application de la charia n'est pas aussi stricte qu'au Moyen-Orient. Certes, nous conservons des préceptes comme ne pas manger de porc et nous avons deux muftis par ville. Mais les femmes ne sont pas toutes voilées et les jeunes filles affluent à l'université», dit-il.
«Il faut que la Thrace suive l'exemple de Mayotte qui a abrogé la charia en 2010»
Me Giannis Kitsakis
La minorité musulmane de Thrace compte quelque 100.000 personnes depuis 1923, quand la Grèce et la Turquie ont procédé à un échange des populations. La plupart sont turcs de souche, mais il y a aussi des Pomaques (Slaves) et des Roms. «Nous sommes l'exemple d'une cohabitation pacifique avec les Grecs orthodoxes. Les églises et les mosquées se côtoient dans toute la région et il n'y a pas d'incident», avance Gulbeyaz Karahasan. Cette avocate de 39 ans, emblème de la modernité, ne porte ni tenue traditionnelle, ni voile, «malgré les remarques désagréables faites au début», note-t-elle. Elle s'est mariée à la mairie et pas devant le mufti, et s'engage auprès de la minorité religieuse. «Je fréquente les mêmes salons de beauté, les mêmes supermarchés que les Grecs orthodoxes», précise-t-elle.
Lors de sa dernière visite en Thrace, le 14 novembre, Alexis Tsipras, le premier ministre grec, avait annoncé vouloir rendre la charia facultative. «Le texte est prêt et nous l'avons déposé à la Vouli (le Parlement). Les débats vont bientôt commencer, confie Giorgos Kalantzis, secrétaire général du ministère grec de l'Éducation. C'est la minorité qui demande d'avoir ce choix.» Mais pour Me Giannis Kitsakis, le gouvernement aurait dû l'abolir. «Son application, même facultative, bafoue les droits des femmes et des enfants, ouvre la voie à de lourdes discriminations et n'a aucune raison de s'appliquer à des citoyens grecs. Il est inadmissible que certains Grecs, sous prétexte de leur religion, ne bénéficient pas des mêmes libertés», s'insurge-t-il. Cet avocat défend les droits de Hatice Molla Salih, dont le défunt mari avait décidé, avant sa mort, de s'abstenir de la charia et a contracté un testament public chez le notaire. «Or la famille du défunt a dénoncé ce document au motif que la charia n'autorise pas le testament. Il était donc nul à leurs yeux. Mais le pire est que la Cour de cassation leur a donné raison en invalidant le testament au motif que la loi grecque affirme que la charia s'applique à tous les musulmans!» Me Kitsakis a saisi la Cour de justice de l'Union européenne et espère bien que le jugement marquera le début de la fin de la charia en Grèce. «Il faut que la Thrace suive l'exemple de Mayotte qui a abrogé la charia en 2010», conclut-il. Le débat ne fait que commencer, les nationalistes grecs dénonçant la visite de Recep Tayyip Erdogan comme un signe d'encouragement à la pratique de la charia.

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Alexia Kefalas
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Qatar: un métro et un tramway à 3 milliards d'euros pour la RATP et Keolis (07.12.2017)
Par Valérie Collet
Mis à jour le 07/12/2017 à 22h41 | Publié le 07/12/2017 à 19h56
Il s'agit d'un contrat majeur dans les transports publics de cette région du monde.
Le Qatar a finalement choisi le drapeau tricolore pour l'exploitation et la maintenance du métro automatique de Doha et du tramway de Lusail, ville nouvelle située à 15 kilomètres au nord de la capitale dont la construction devrait coûter 45 milliards de dollars.
L'appel d'offres a été remporté par un trio composé d'une société qatarienne, Hamad Group, à laquelle RATP Dev et Keolis - la filiale de la SNCF - sont associées. Il s'agit d'un contrat majeur dans les transports publics de cette région du monde. D'abord par son montant - 3 milliards d'euros -, sa durée - vingt ans - et, surtout, par son ampleur.
« Il s'agira du plus beau réseau de transport collectif souterrain et aérien du Moyen-Orient »
Guillaume Pepy, président du directoire du groupe SNCF.
«Il s'agira du plus beau réseau de transport collectif souterrain et aérien du Moyen-Orient», a déclaré au Figaro Guillaume Pepy, président du directoire du groupe SNCF.
Qatar Rail, l'opérateur de transport public de l'émirat, a en effet choisi de partir d'une feuille blanche pour bâtir un réseau de transport urbain à Doha et dans la ville de Lusail, qui doit accueillir 240. 000 habitants. Le futur métro de Doha comptera 75 kilomètres de lignes, 37 stations réparties sur trois lignes. Le réseau de tramway s'étendra sur 18 kilomètres, quatre lignes, 25 stations. Surtout, la moitié de la ligne sera souterraine.
C'est une véritable consécration pour les deux entreprises françaises qui revendiquent chacune la place de numéro un mondial dans le métro automatique. Réunies pour la première fois dans un consortium, elles peuvent cette fois revendiquer ce titre sans être contredites. Le trio - regroupé dans une société commune, RKH Qitarat - l'a emporté face à des poids lourds mondiaux du transport urbain: l'allemand Deutsche Bahn, le groupe de Hongkong MTR, le britannique Serco et un autre français, Transdev, filiale de la Caisse des dépôts, avec lequel RATP Dev a créé une entreprise conjointe en Asie.
Un réseau routier saturé
Dans les trois ans qui suivront la mise en service, le métro de Doha devrait accueillir 650. 000 passagers chaque jour et le tramway de Lusail, environ 150. 000 personnes. C'est un constructeur français, Alstom, qui fournira les rames de tramway. En revanche, les rames de métro seront fabriquées par le japonais Mitsubishi mais la signalisation sera signée Thales.
«C'est un projet structurant pour ville de Doha et pour le pays, souligne Bernard Tabary, directeur international de Keolis. Nous allons exploiter un métro automatique sans conducteur, un domaine dans lequel la France a un vrai savoir-faire, expérimenté dans l'Hexagone et à l'étranger. C'est très rassurant pour notre client, qui souhaite que ce projet démarre à temps.»
Le calendrier est serré: la première tranche du métro de Doha doit être mise en service en octobre 2018 et le tramway, deux mois plus tard.
Le Qatar a deux échéances en tête: la Coupe du monde de football en 2022. En effet, les matchs d'ouverture et de clôture se dérouleront à Lusail. Le deuxième objectif est la réalisation du plan stratégique du royaume baptisé, Qatar Vision 2030. L'émirat s'est fixé une feuille de route pour devenir une référence en créant des «smart cities», ces villes intelligentes connectées et respectueuses de l'environnement. Or, à l'heure actuelle, Doha, dominée par l'utilisation des voitures individuelles, se distingue surtout par la saturation de ses routes.

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Un étrange dinosaure «nageur» au cou de cygne et aux griffes de raptor (07.12.2017)

  • Mis à jour le 08/12/2017 à 10:01 

  • Publié le 07/12/2017 à 18:13
VIDÉO - Halszkaraptor escuilliei est le premier dinosaure semi-amphibie jamais découvert. Son étude à Grenoble sous les rayons X du synchrotron européen ESRF a révélé son physique étonnant.
C'est un tel mélange de caractéristiques propres à différents dinosaures théropodes (carnivores qui marchent sur deux pattes), aux oiseaux et aux reptiles, que les chercheurs ont tout d'abord eu tendance à y voir un faux. Il ressemble à un oiseau (mais n'a jamais volé), possède un cou de cygne, une tête de canard, des bras en forme de nageoires, une «griffe tueuse» au pied en forme de faucille comme les Velociraptors, mais aussi des caractéristiques de reptiles... En bref du jamais vu, qui a fait dire aux chercheurs «qu'il ressemblait à un extraterrestre».
Découvert dans le désert de Gobi, en Mongolie, le squelette du petit prédateur, baptisé Halszkaraptor escuilliei est complet et remarquablement préservé, en dépit de ses 75 millions d'années. Il mesurait environ 1m20 et devait avoir 2-3 ans, donc, sans être juvénile, n'avait pas atteint sa taille adulte. Encore partiellement enchâssé dans un bloc de roche, il vient de se mettre à nu grâce aux examens aux rayons X menés au synchrotron européen de Grenoble (ESRF). Une reproduction en trois dimensions a pu être réalisée. Et beaucoup d'éléments non visibles, comme ses dents, ont pu être examinés (travaux publiés dans la revue Nature ).
«En collaboration avec les chercheurs qui avaient mené la première étude de ce fossile, nous avons mobilisé toute l'équipe de paléontologues de l'ESRF pour imager puis étudier l'anatomie complète de Halzka», explique Paul Tafforeau, l'un des paléontologues de l'ESRF. «C'est le spécimen pour lequel le plus grand nombre d'expériences, une dizaine en 6 mois, ont été faites sur un seul fossile».
Après avoir été volé (voir ci-dessous), il a subi quelques transformations mineures, avec quelques endroits consolidés avec du plâtre. Mais l'ensemble est bien d'un seul tenant. Non seulement le fossile n'est pas un faux, mais il appartient à une nouvelle espèce, un nouveau genre et une nouvelle famille. «Oui, c'est vrai que la première fois que je l'ai examiné, je me suis interrogé sur son authenticité», reconnaît Andrea Cau, paléontologue au musée géologique Giovanni Capelini à Bologne (Italie), premier signataire des travaux. «Il possède une mosaïque étrange de caractères qui rendent sa place dans les classifications traditionnelles difficile à déterminer».
Capable de courir sur terre
Il faut dire qu'il représente le premier dinosaure semi-amphibie. Il était capable de se déplacer sur terre et dans l'eau. «Il était sans nul doute capable de courir très efficacement sur terre, contrairement au canard», note Paul Tafforeau. «Il courrait à la façon d'une autruche, en se tenant assez droit». Il pouvait aussi se déplacer dans l'eau, comme les pingouins (à ne pas confondre avec les manchots), en utilisant son long cou pour chercher de la nourriture ou pour pêcher en embuscade en le détendant rapidement pour attraper un poisson. «L'analyse a démontré que de nombreuses dents, dont aucun n'est visible à l'extérieur, sont toujours présentes dans les mâchoires», note Vincent Beyrand, de l'ESRF. «Nous avons également identifié un système neuro-vasculaire à l'intérieur du museau, qui ressemble beaucoup à celui des crocodiles modernes. Ce qui suggère que Halszka était un prédateur aquatique».
Et pour la suite? «Des transformations sont en cours sur nos installations», se réjouit Paul Tafforeau. «Nous pourrons très vite analyser des pièces beaucoup plus grosses. Avec Halszka, le bloc fossile fait environ 60 cm sur 25. Nous étions à notre limite».

Un fossile à l'histoire mouvementée

Le nom de Halszkaraptor escuilliei a été composé avec «Halszka», en mémoire de Halszka Osmólska (1930-2008), paléontologue polonaise spécialiste des fossiles de Mongolie qui a décrit la première espèce d'halszkaraptorine; «raptor» est le latin pour «voleur» et désigne le groupe de dinosaure auquel il appartient. Et «escuilliei» fait référence à François Escuillié, un paléontologue français. «Le nom d'espèce est dédié à François Escuillié, pour son rôle dans la première reconnaissance de l'importance de ce fossile et pour ses efforts pour le retour du fossile en Mongolie», a expliqué Khishigjav Tsogtbaatar de l'Institut de Paléontologie et de Géologie d'Oulan-Bator, l'un des signataires des travaux.
Le fossile d'Halszka avait été volé par des pilleurs de fossiles, très actifs dans le désert de Gobi, ossements que l'on retrouve par exemple sur E-Bay. Repéré dans des collections privées en Europe par le paléontologue François Escuillié, directeur d'Eldonia, une société française privée spécialisée dans la paléontologie (vente de fossiles et de reproductions), il avait été racheté puis offert aux scientifiques mongols, avec l'aide de Pascal Godefroit, paléontologue de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.
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Découverte du plus ancien trou noir de l'univers, un formidable colosse (07.12.2017)

  • Mis à jour le 08/12/2017 à 13:53 

  • Publié le 07/12/2017 à 18:17
L'existence même de ce mastodonte, 800 millions de fois la masse de notre Soleil, aussi tôt dans l'histoire de l'univers, est une énigme pour les astronomes.
Il est aussi gros que distant, et c'est une vraie surprise. Un trou noir hypermassif, de 800 millions de fois la masse de notre Soleil, dont la lumière a mis 13 milliards d'années pour parvenir jusqu'à nous, par une équipe internationale de chercheurs (travaux publiés dans Nature et The Astrophyscial Journal Letters). C'est un record de distance absolu pour un objet de ce type (le précédent record datait de 2011), mais aussi un record de poids pour un astre aussi lointain. «Il est au moins dix fois plus gros que le précédent trou noir supermassif détecté à ce type de distance», précise Bram Venemans, l'astronome de l'Institut Max Planck d'Astronomie situé à Heidelberg, en Allemagne, qui coordonne avec son collègue Fabian Walter la recherche de ce type d'objets dans les confins de l'univers visible depuis plusieurs années.
La découverte proprement dite est quant à elle à mettre au crédit des télescopes Magellan de l'observatoire de Las Campanas, au Chili, après une recherche systématique réalisée sur un très grand nombre d'étoiles avec le télescope spatial WISE de la Nasa. Le trou noir a ensuite fait l'objet de campagnes d'observation approfondies avec les réseaux de radiotélescopes VLA (Nouveau-Mexique) et NOEMA de l'Iram, situé dans les Alpes françaises. Ces derniers ont notamment réussi à détecter la galaxie au sein de laquelle se cachait le mastodonte (voir ci-dessous).
Ce dernier a été trahi par le repas gargantuesque qu'il est en train de dévorer. Un disque de matière s'effondre en effet en spirale dans la gueule de l'ogre cosmique. Or en tombant, cette matière s'échauffe et émet un rayonnement très intense, 40 mille milliards de fois plus lumineux que notre Soleil. Ce type de trou noir surpris en pleines agapes a un nom: c'est ce qu'on appelle un quasar. Ce sont parmi les objets les plus lumineux de l'univers. Il en existerait plusieurs dizaines à découvrir à de telles distances, d'après certaines estimations. Les satellites spatiaux européen Euclide et américain WFIRST en feront leur pain quotidien. Le futur successeur de Hubble, le James Webb Space Telescope (JWST), aussi.
La lumière émise par ce trou noir hypermassif a mis tellement de temps à nous parvenir (plus de 13 milliards d'années) que nous l‘observons tel qu'il était à une époque très reculée. En l'occurrence, 690 millions d'années seulement après le Big Bang, soit moins de 5% de l'âge de l'univers. Sa prime enfance en quelque sorte. «Nous avons été surpris de voir que le trou noir était aussi lourd», reconnaît Bram Venemans. «C'était vraiment inattendu et cela va nous donner des contraintes sur l'évolution de ce type d'objets dans un univers aussi jeune.»
Un embryon vorace de mille masses solaires?
Patrick Petitjean, astronome à l'Institut d'Astrophysique de Paris et spécialiste des quasars, explique qu'il faudrait un trou noir primordial d'un millier de masses solaires pour former un tel mastodonte dans le délai imparti par son jeune âge. Or on ne sait pas bien comment pourraient se former de tels objets dans l'univers actuel. Les trous noirs stellaires , qui se forment par l'effondrement d'étoiles massives en fin de vie ne pèsent tout au plus que quelques dizaines de masses solaires. «En ces temps très anciens, l'univers était plus dense», rappelle le chercheur. «D'énormes nuages de gaz s'effondraient peut-être d'un coup pour former directement ces gros trous noirs de quelques milliers de masses solaires.»
Ces «gros embryons» très voraces auraient alors happé les grandes quantités de matière environnante en un délai relativement court sur les échelles astronomiques pour devenir ces astres aussi obèses que gloutons. Mais ce scénario, aussi plausible soit-il, est encore loin d'être certain. C'est toute une histoire passionnante de la jeunesse de l'univers qui reste à écrire.

Une galaxie hôte riche en éléments lourds

Un mystère n'arrivant jamais seul, les observations de la galaxie-hôte au cœur de laquelle sévit ce lointain quasar ont surpris les astronomes. Ils y ont découvert des quantités considérables de poussières et de carbone, un élément considéré comme «lourd» en astronomie, c'est-à-dire plus complexe que l'hydrogène ou l'hélium formés au moment du Big Bang. «Les poussières aussi sont nécessairement formées d'éléments lourds», appuie Jan Martin Winters, astronome à l'Iram qui a réalisé ces observations à l'aide du réseau de radiotélescopes NOEMA situé sur le plateau de Bure.
Or, d'après nos connaissances, seules les explosions d'étoiles permettent de former ce type de composants. «En ces temps très reculés, plusieurs générations d'étoiles ont déjà dû se succéder», explique Jan Martin Winters. «Elles devaient néanmoins être très nombreuses, très massives et exploser au bout de quelques millions d'années seulement pour expliquer les gigantesques quantités de carbone et de poussières que nous détectons.» Une contrainte très importante à prendre en compte dans les futurs modèles d'évolution de notre univers.
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Natacha Polony: «Lecture, se révolter enfin !» (08.12.2017)

Par Natacha Polony
Mis à jour le 08/12/2017 à 20h09 | Publié le 08/12/2017 à 17h36
CHRONIQUE - Les mauvais résultats de l'étude Pirls sur les performances en lecture des écoliers français doivent pousser les idéologues à sortir du déni.
Le 1er juin 1885, près de deux millions de personnes se rassemblèrent à Paris pour accompagner le cercueil de Victor Hugo jusqu'au Panthéon. Le peuple accompagnait celui qui l'avait magnifié par ses mots et qui l'avait fait entrer dans la légende française à travers les figures de Gavroche et de Fantine. Le soir, il y eut bacchanale dans les rues de Paris, les prostituées ayant décidé de s'offrir gratuitement en hommage à la malheureuse héroïne des Misérables. Quelque cent trente ans plus tard, le peuple pleure un rocker issu de ses rangs, et dont les chansons ont accompagné plusieurs générations.
Le mariage de la culture de masse, avec son industrie du disque et du spectacle, et de la culture populaire, avec ces clubs de fans comme derniers lieux de sociabilité authentique. Entre-temps, la société de consommation, les écrans ont modifié les règles du jeu. Et ce n'est pas faire insulte à un chanteur devenu patrimoine national que de signaler cette différence.
On peut continuer à détourner le regard. C'est d'ailleurs ce que font les responsables de ce massacre
Mais cette actualité en a effacé une autre, essentielle pourtant. Mardi 5 décembre étaient publiés les résultats de l'enquête Pirls(Programme international de recherche en lecture scolaire). Et ces résultats devraient faire la une des journaux pendant plusieurs jours, susciter un débat national, des manifestations, des émeutes. Car ils constituent un scandale sans précédent.
Ces évaluations mesurent les performances en lecture des enfants au bout de quatre ans de scolarité obligatoire. Pour la France, donc, la fin du CM1. Or, sur 50 pays évalués, la France est 34e. Elle devance de peu
le Chili, le Maroc et l'Égypte. Mais il y a plus désespérant: dans l'ensemble du monde, l'accès à la lecture progresse. Chacun des 50 pays testés a vu ses performances augmenter depuis le premier volet de l'enquête en 2001. Chacun des pays sauf deux: la France et la Belgique francophone.
On peut continuer à détourner le regard. C'est d'ailleurs ce que font les responsables de ce massacre. Et l'on entend les éternels arguments: les inégalités, les «nouveaux publics», les écrans… Est-ce à dire que l'Angleterre, l'Allemagne ou même la Russie, arrivée en tête du classement, ne connaîtraient ni les inégalités sociales, ni l'immigration, ni l'appauvrissement langagier du spectacle télévisé? Et puis, il y aurait l'horrible élitisme républicain, cette sale manie de ne concevoir un système scolaire que pour les meilleurs, en triant par l'échec. Alors précisons: les deux pays dont les élèves obtiennent les meilleurs résultats, la Russie et Singapour, voient 25 % de leurs enfants atteindre le niveau «avancé» du test, celui qui prouve que non seulement l'on déchiffre le texte mais que l'on sait en comprendre toutes les subtilités. En France, ils ne sont que 4 % à atteindre ce niveau. Ce qui signifie que même nos enfants de milieux favorisés ne comprennent pas ce qu'ils lisent.
C'est tout un pays qui renonce à l'espoir d'une reconquête économique autant qu'à ses idéaux démocratiques d'émancipation par le savoir.
Qu'importe. Le véritable idéologue ne se laisse jamais démonter par les démentis du réel. Claude Lelièvre, historien officiel de l'école, auréolé de l'«objectivité» de l'expert, précise donc que les élèves testés sont ceux qui ont «subi» les programmes de 2008, institués par Xavier Darcos… en oubliant que la baisse de niveau est constante depuis 2001. En oubliant également que les enseignants, quels que soient les programmes, usent avec constance, aiguillonnés par des inspecteurs aux pratiques de commissaires politiques, des mêmes méthodes dont on peut admirer le succès. L'historien précise d'ailleurs son souci: que le ministre ne vienne pas remettre en cause ces méthodes si brillantes et insister encore sur les «fondamentaux». Son argument? Les compétences des élèves ne reculent qu'un peu pour le déchiffrage alors qu'elles s'effondrent pour
la compréhension. Le problème serait donc «l'accès au sens», cette martingale au nom de laquelle on a orienté toutes les réformes depuis des décennies. Étrange conception, qui imagine qu'on puisse dissocier l'accès au sens d'un apprentissage rigoureux de la grammaire et de ses nuances. Mais peut-il y avoir un débat fructueux quand le seul impératif est de n'avoir pas l'air de «revenir en arrière», et qu'on est sommé pour cela de poursuivre sur la même voie?
Résumer encore le débat sur l'école et ses méthodes à une gigantomachie du Progrès contre la Réaction ne relève pas seulement du déni mais du crime contre ces 96 % d'élèves qui échouent à comprendre un texte informatif.
À travers leur sacrifice, c'est tout un pays qui renonce à l'espoir d'une reconquête économique autant qu'à ses idéaux démocratiques d'émancipation par le savoir. Et ne parlons pas de ce rêve d'offrir au peuple dans son ensemble l'accès à son héritage, celui d'une littérature que même les enfants de la bourgeoisie ne liront plus. Alors, que le peuple sorte dans les rues, qu'il crie sa colère. En mémoire du grand Hugo qui lui appartient.

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Le pape des coptes d'Égypte refuse de rencontrer le vice-président américain (09.12.2017)

Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 09/12/2017 à 15h08 | Publié le 09/12/2017 à 14h38
Le pape Tawadros II de l'Église copte orthodoxe d'Égypte a annulé une rencontre avec le vice-président américain prévue en décembre au Caire, pour protester contre la décision unilatérale de Washington de déclarer Jérusalem capitale d'Israël, a annoncé samedi l'Église.
La décision annoncée mercredi par le président Donald Trump «a fait fi des sentiments de millions d'Arabes», a jugé l'Église dans un communiqué, ajoutant avoir décidé de ne pas recevoir Mike Pence au cours de sa visite en Égypte.
Le Figaro.fr avec AFP
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Jérusalem : la mise en garde de l'ancien chef du renseignement intérieur israélien (08.12.2017)

Par Patrick Saint-Paul
Mis à jour le 08/12/2017 à 19h56 | Publié le 08/12/2017 à 18h08
INTERVIEW EXCLUSIVE - Pour Ami Ayalon, ancien patron du Shin Beth, «Israël fait face à une situation explosive après la décision de Trump».
Ancien patron du Shin Beth, les services de renseignements intérieurs israéliens, Ami Ayalon est l'un des promoteurs de l'initiative de paix People's Voice.
LE FIGARO. - Quelle est votre réaction à la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d'Israël?
Ami AYALON. - D'un côté, on peut dire que son discours était très pragmatique. Il s'est gardé de définir les frontières de Jérusalem, précisant qu'elles seraient déterminées à l'issue de négociations et il a ajouté qu'il accepte le principe de deux États. Cela signifie que Jérusalem sera le principal objet des pourparlers. Mais la réalité est que le Proche-Orient est une région très particulière. Ce qui semble pragmatique et rationnel ailleurs dans le monde est perçu très différemment ici, spécialement à Jérusalem, où la situation est explosive. D'ailleurs on assiste déjà à des irruptions de violence.
D'un point de vue politique, notre premier ministre se réjouit d'avoir remporté un succès. La vraie question est de savoir ce qu'il se passera ensuite. Les prochaines heures seront déterminantes. Notre situation est analogue à celle d'un grand malade du cancer. Les médecins ont essayé toutes sortes de traitements sans succès. Le patient lui-même n'est pas sûr qu'il ait envie d'être soigné. Soudain un médecin décide de lui donner un grand coup sur la tête, pour lui faire comprendre à quel point sa situation est désespérée. Cela aidera-t-il? Je ne le crois pas. Ça ne favorisera pas la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens.
L'Amérique est-elle encore un «médiateur impartial»?
Je ne sais pas si elle a été perçue comme un médiateur impartial en dehors d'Israël ces dernières années. Mais elle est en train de perdre cette position aux yeux du monde arabe, des pays riverains et bien entendu des Palestiniens.
La solution de deux États est-elle encore viable?
Toutes les autres solutions aboutiront à deux options. L'une serait une situation à la syrienne de violence militaire continue entraînant beaucoup de morts. En Syrie ils ont commencé à s'entre-tuer pour un conflit portant sur des problèmes mineurs et ils ont fini avec un demi-million de morts. L'autre est un modèle d'Apartheid à la sud-africaine. Ces solutions ne sont pas viables. Elles n'offriront pas à Israël ce à quoi il aspire: un État démocratique du peuple juif vivant en sécurité. Pour sauvegarder cette idée très complexe d'une démocratie juive, la seule option est de parvenir à une solution de deux États vivant côte à côte en paix. Il n'existe pas d'alternative. Pour y parvenir, ce n'est pas un processus linéaire. La dynamique dépend de la volonté des deux peuples.
Est-ce possible avec Donald Trump à la Maison-Blanche? Il a tiré un trait sur les travaux de ses prédécesseurs…
Toute option qui ne se fonderait pas sur les paramètres gravés dans la résolution 242 du Conseil de sécurité de l'ONU est vouée à l'échec. L'initiative saoudienne, les paramètres Clinton, les paramètres Bush et Obama, l'initiative de Genève… toutes ces pistes sont très proches et sont parvenues aux mêmes conclusions (la création aux côtés d'Israël d'un État palestinien dans les frontières de 1967, ayant sa capitale à Jérusalem-Est, NDLR). Celui qui pense qu'on peut créer deux États sans respecter ces paramètres ne sait pas de quoi il parle. Et il provoquera beaucoup de violence et de dégâts.
Redoutez-vous un nouveau soulèvement palestinien?
Les prochaines heures sont cruciales à cet égard. Mais les soulèvements exigent beaucoup d'énergie et je ne sais pas si ce niveau d'énergie existe chez les Palestiniens. Parfois nous sommes capables de percevoir cette énergie, parfois non. Parfois elle est le résultat d'une réponse israélienne disproportionnée à des violences. Beaucoup dépendra de la sagesse des deux côtés. Pas seulement du côté du gouvernement israélien et de l'Autorité palestinienne. La principale force politique aujourd'hui se trouve dans la rue. Sa réaction chez les Palestiniens et en Israël sera déterminante.
Le Hamas appelle à une nouvelle intifada. Faut-il prendre cette menace au sérieux?
Politiquement le soutien au Hamas est assez faible en Cisjordanie et probablement aussi à Gaza. Mais lorsqu'on parle d'intifada il ne s'agit pas de violences organisées. L'intifada est un soulèvement populaire. Et la question n'est pas de savoir si le Hamas, ou Mahmoud Abbas, est fort ou faible. L'état d'esprit de la rue palestinienne est le principal facteur. D'après ce que je sais, plus de 75 % des Palestiniens pensent que la violence est la seule façon de se débarrasser de l'occupation israélienne.
La société israélienne est-elle prête à accepter un État palestinien?
Cette idée a rassemblé un fort soutien à une époque. Mais il faut tristement admettre que c'était durant la seconde intifada. Pour qu'elle rassemble de nouveau des soutiens je redoute que nous soyons obligés de souffrir encore. Lorsque des centaines d'Israéliens et de Palestiniens mouraient dans les rues, les deux sociétés étaient prêtes à signer n'importe quel bout de papier leur offrant un avenir meilleur. Les gens devraient prendre conscience que nous n'allons nulle part et que nous sommes en train de perdre notre identité en tant que démocratie juive. Nous ne serons pas en sécurité tant que nos voisins auront le sentiment de vivre sous occupation.
Quel est l'impact régional de la décision de Trump? Il voulait créer un front uni entre sunnites face à l'Iran, l'inverse est en train de se produire…
Cela fait un an que j'essaie de comprendre ce que cherche réellement Trump. Le problème israélo-palestinien n'est pas le principal conflit au Moyen-Orient. Les dirigeants arabes se fichent totalement de la question palestinienne. Et les Palestiniens ont compris qu'ils sont seuls. Mais le problème est que les dirigeants arabes ont perdu beaucoup de pouvoir et ne contrôlent pas la rue. Au Caire, à Amman, à La Mecque ou en Turquie, les gens ne soutiendront aucune action contre l'Iran avant d'avoir vu des avancées sur le dossier palestinien.
L'idée de créer un axe sunnite pragmatique est essentielle. Nous devons faire barrage au radicalisme, à la violence, au terrorisme. Obtenir des progrès pour les Palestiniens est un préalable incontournable pour la création de toute coalition au Moyen-Orient. Je me demande pourquoi aux États-Unis le président et son entourage sont incapables de le voir. De son côté, l'Europe doit comprendre que le pragmatisme et la réduction de la violence dans notre région sont dans son intérêt. La violence au Moyen-Orient est en train de changer le visage de l'Europe.

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Jérusalem : comment, en une déclaration, Trump a uni les musulmans divisés (07.12.2017)
Par Delphine Minoui
Mis à jour le 07/12/2017 à 19h02 | Publié le 07/12/2017 à 18h46
DÉCRYPTAGE - En reconnaissant Jérusalem comme capitale d'Israël, le président américain a fait tomber les clivages sunnites-chiites.
De notre correspondante à Istanbul
Depuis son élection, Donald Trump n'a cessé d'alimenter les tensions sunno-chiites, œuvrant parallèlement en faveur d'un rapprochement avec Riyad et d'un isolement de la République islamique d'Iran. Mais en l'espace d'une déclaration, aussi historique que provocatrice, sur la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, il est soudainement parvenu à unir le monde musulman habituellement si divisé.
De Téhéran à Riyad, en passant par Ankara, la réaction a été unanime: on ne saurait toucher au sacro-saint statut d'al-Qods. Considérant cette décision comme une menace pour le processus de paix, le chef de l'État turc Recep Tayyip Erdogan a estimé ce jeudi qu'elle mettait «le monde, et spécialement la région, dans un cercle de feu». Dès l'annonce, la veille, de son homologue américain, il avait déjà lancé, en tant que président en exercice de l'Organisation de la coopération islamique (qui regroupe 57 pays musulmans), une invitation pour un sommet extraordinaire à Istanbul, mercredi 13 décembre. «Oh Trump, que fais-tu? Quelle est ton approche? Les responsables politiques doivent œuvrer pour la paix, pas pour le chaos», avait-il déclaré. Ce sommet doit «permettre aux pays musulmans d'agir de façon unifiée et coordonnée à tous ces développements», précise le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin.
«Les responsables politiques doivent œuvrer pour la paix, pas pour le chaos»
Recep Tayyip Erdogan
Le gouvernement de Jordanie, pays gardien des lieux saints musulmans à Jérusalem, a de son côté dénoncé «une violation du droit international». Le premier ministre libanais Saad Hariri «rejette et dénonce cette décision et annonce aujourd'hui sa plus totale solidarité avec le peuple palestinien». Même son de cloche au Maghreb, où le roi du Maroc a tenu à réitérer «la solidarité forte et constante du Royaume avec le peuple palestinien frère dans la défense de sa cause juste et de ses droits légitimes, notamment en ce qui concerne le statut d'al-Qods», lors d'un entretien avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. La présidence syrienne estime, elle, que «l'avenir de Jérusalem n'est pas déterminé par un État ou un président, mais par son histoire, sa volonté et la détermination de ceux qui sont loyaux à la cause palestinienne».
Riyad dénonce une décision «injustifiée et irresponsable»
Les Saoudiens, pour leur part, ont soudain mis de côté leur politesse à l'égard de Washington. Alors que les relations américano-saoudiennes s'étaient nettement réchauffées depuis l'élection du candidat républicain, Riyad exprime dans un communiqué du palais royal «de profonds regrets après la décision du président américain de reconnaître Jérusalem», en précisant «l'avoir déjà mis en garde contre les graves conséquences que peut avoir cette décision injustifiée et irresponsable». «Il s'agit d'un recul dans les efforts en faveur du processus de paix et d'une violation de la position américaine historique de neutralité sur Jérusalem», ajoute le texte, en soulignant que la décision de Donald Trump «va à l'encontre des droits historiques des Palestiniens à Jérusalem».
Le jeu des groupes extrémistes
Dans une région déjà en ébullition, les experts craignent aussi que les propos de Trump ne fassent le jeu des groupes extrémistes sunnites qui pourraient s'en servir d'outil de propagande, de radicalisation et de mobilisation auprès des populations vulnérables. Mais cette déclaration risque aussi d'encourager les milices chiites à prendre pour cibles les troupes américaines, notamment en Irak.
Quant à l'Iran chiite, dont la réaction était attendue, elle ne ménage pas ses propos en prévenant, à l'instar de ses alliées du Hamas palestinien, qu'elle provoquera une «nouvelle intifada». Dénonçant «une provocation et une décision insensée de la part des États-Unis», le ministère iranien des Affaires étrangères estime que l'initiative de Trump ne va que «pousser à des comportements plus radicaux, à davantage de colère et de violence». Le message est clair pour ceux qui gardent en mémoire le fameux «axe de la résistance» qui, de Téhéran au Hamas palestinien, en passant par la Syrie, avait soudé la rue arabo-musulmane, après la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah libanais. Une mobilisation qui était même parvenue, ironie de l'histoire, à faire du président Ahmadinejad, pourtant si peu aimé de la jeunesse iranienne, le héros improbable de la rue égyptienne ou encore jordanienne.

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Jean- Pierre Chevènement : «La montée du nationalisme corse est le résultat des démissions de tous les gouvernements» (08.12.2017)
Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 08/12/2017 à 20h13 | Publié le 08/12/2017 à 17h21
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Pour l'ancien ministre de l'Intérieur, la République n'a pas, en Corse, «de concession à faire à l'ethnicisme».
Les nationalistes corses sont arrivés largement en tête lors du premier tour des élections territoriales sur l'Ile de Beauté. Comment expliquez-vous ce résultat?
Je ne suis nullement surpris par le résultat des élections en Corse. La montée du nationalisme corse est le résultat de démissions successives de tous les gouvernements de droite et de gauche depuis une quarantaine d'années. C'est Valéry Giscard d'Estaing qui a créé l'université de Corte qui est devenue la matrice et le fief du nationalisme corse. La gauche a accordé à la Corse son premier statut et si ce n'avait été l'intervention du conseil constitutionnel, elle aurait reconnu la notion de «peuple corse». J'ai moi-même quitté le gouvernement pour ne pas entériner un transfert de pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse. C'était en l'an 2000 et pourtant j'avais accepté que, contre tous les engagements antérieurs, le gouvernement abandonne la renonciation préalable à la violence qu'il exigeait des nationalistes. C'est ainsi que s'est ouvert le processus dit de «Matignon». Je fais également observer que l'Etat français s'est assis sur le référendum de 2003. Les Corses avaient pourtant rejeté la fusion des deux départements. Ils voulaient garder un découpage territorial qui les rapprochait de la France continentale et n'acceptaient pas d'être transformés en territoire d'Outre-mer bis avec une collectivité unique. Le législateur, sous le précédent Président de la République, a fait fi des résultats de ce référendum. En 2003, toutes les forces politiques de droite et de gauche, ainsi que les nationalistes, voulaient la collectivité unique. Ne s'y opposaient que les radicaux de gauche, le PCF et moi-même. Les électeurs corses nous ont alors donné raison mais, en 2014, le Parlement leur a imposé la collectivité unique. Beau déni de démocratie!
Marine Le Pen, avec un programme qui se revendiquait souverainiste, est arrivée en tête au premier tour des présidentielles en Corse. Le vote nationaliste est-il un vote anti-France ou au contraire un signal d'alarme civilisationnel envoyé au continent?
Il s'agit d'abord d'un rejet des clans qu'ils soient de gauche ou de droite. La gauche dominait le Nord avec la dynastie Giacobbi et Paul Giacobbi sur le destin duquel je ne vais pas épiloguer (ndlr: il a été condamné à trois ans de prison ferme pour détournement de fonds publics). Au Sud et à droite, c'est le clan Rocca Serra qui régnait depuis 1962. Ces clans ont fait l'objet d'un réflexe «dégagiste» qui s'est traduit aux présidentielles par un vote Marine Le Pen. Il faut observer que moins d'un quart des électeurs corses inscrits ont voté pour les listes nationalistes. Le taux d'abstention, qui s'élève à près de 50%, est massif. Nous allons voir ce que nous verrons, mais moi qui connait les oiseaux, je conseille au gouvernement une grande vigilance. Je ne pense pas qu'on puisse satisfaire la revendication de la co-officialité de la langue corse. Cela voudrait dire une politique d'exclusion à l'égard de tous les continentaux. Je l'ai observé quand j'étais ministre de l'Education nationale lorsque tous les agrégés et certifiés d'origine continentale ont été renvoyés dans leur «douar» d'origine. Je pense qu'on a accordé aux nationalistes tout ce qu'ils demandaient en matière d'aménagement du territoire. Les Corses se plaignent de la spéculation, mais ce sont les élus locaux, soumis aux pressions que nous savons, qui octroient les permis de construire. En Corse, on n'est pas libre de s'exprimer. Déroger à la doxa ou aux oukases nationalistes, c'est prendre le risque de passer un mauvais quart d'heure. Il faut maintenant tenir compte du résultat de l'élection. Je suis un démocrate, mais je n'augure rien de bon de ce qui suivra. C'est pourquoi j'attends du gouvernement de la République française qu'il reste ferme sur ses principes: la République n'a pas de concessions à faire à l' «ethnicisme». D'autant que ce type de revendication peut se révéler contagieux.
La situation est-elle comparable à celle de la Catalogne?
Ce qui se passe en Corse, on l'observe ailleurs en Europe. C'est un mouvement de fond qui vient de loin. Après la réunification allemande, il y a eu la dissociation sanglante de la Yougoslavie et celle plus pacifique de la Tchécoslovaquie. Celle aussi de l'ancienne Union soviétique avec l'avènement d'une quinzaine de Républiques indépendantes. Cela a produit quantité de problèmes nés du découpage arbitraire des frontières. Il y a désormais en Europe occidentale le cas de la Catalogne qui est le plus emblématique, mais qui est assez comparable à ce qu'on observe en Belgique avec le mouvement flamand ou en Italie du Nord avec les Lombards. Ce sont des revendications qui rejettent l'idée de citoyenneté. Les Flamands ne veulent pas de la citoyenneté belge, les Catalans ne veulent pas de la citoyenneté espagnole, les Corses ne veulent pas de la citoyenneté française. Ces mouvements sont aussi en général des mouvements de revendications de riches qui considèrent que, favorisés par la géographie, la démographie et l'économie, ils paient trop d'impôt à l'Etat. Ce n'est pas le cas de la Corse où les transferts se font dans le sens inverse. Il y a des sommes massives transférées chaque année de la France continentale vers la Corse: environ deux milliards d'euros. C'est la limite de la revendication nationaliste. Ils en sont conscients. C'est pourquoi, ils ne réclament pas l'indépendance immédiate.
S'agit-il également d'un réflexe identitaire lié à la globalisation et son corollaire, le multiculturalisme?
La nation à la française a toujours été multiethnique et pluri-religieuse depuis l'édit de Nantes et la Révolution française. Elle n'a jamais été multiculturelle. Il y a une culture française encore très largement diffusée par l'école de la République. L'idée de «charia zone» qui prévaut en Grande-Bretagne n'a rien d'équivalent en France, malgré la dérive de certains quartiers que la République a le devoir de combattre. Le communautarisme n'est pas reconnu en France car il s'oppose à la conception de l'Etat républicain où la loi est la même pour tous. Il n'y a pas de mariage sous l'empire d'une religion qui prévaudrait sur le mariage civil. Cela on peut l'observer en Grande-Bretagne où les chiffres donnés par le rapport Casey, notamment sur le nombre de femmes excisées, sont absolument terrifiants. Madame May a pris conscience de cette dérive comme l'avait fait Madame Merkel qui a imposé, en Allemagne, le concept de «culture dominante (Leitkultur)»: on exige désormais que les migrants qui viennent s'installer apprennent préalablement l'allemand avant de recevoir leur titre de séjour.
En suite à votre démission du gouvernement sur la question Corse, vous aviez fait une campagne centrée sur la défense du modèle français centralisé, universaliste et laïque. Pressentiez les fractures françaises et européennes?
C'est clair, je défendais l'Etat républicain. Ma campagne était une critique de la mondialisation financière incontrôlée. Je critiquais aussi les modalités de la construction européenne. Je suis toujours sur la même ligne critique par rapport à la manière dont les décisions se prennent. Le président Macron veut redresser tout cela et construire une «Europe qui protège». Mais il mesure déjà toutes les difficultés qui se présentent notamment en Allemagne où il y a eu tout de même une incontestable poussée réactionnaire avec l'AfD, avec les libéraux qui sont des ultras et avec le poids que représente la CSU au sein même de la CDU. Il faudra tenir compte de ces réalités.
L'Union européenne a-t-elle encouragé les revendications régionalistes?
Le concept d'«Europe des régions» a flatté les régionalismes et par conséquent les tendances séparatistes. Aujourd'hui, l'Union européenne fait marche arrière car les traités sont clairs. L'article 4 qui est commun aux deux traités dit que l'Union européenne est constituée par les États membres et qu'elle garantit à ces derniers leur intégrité territoriale. La promotion inconsidérée de l' «Europe des régions» est sans doute derrière nous. Cependant, en France, la réforme des régions s'est faite, en 2014, pour faire plaisir à Bruxelles qui demandait des «réformes structurelles». Lesquelles? On ne savait pas très bien. Le gouvernement Valls a donc fait des grandes régions qui sont beaucoup trop grandes et difficiles à administrer avec des préfets de région qui ne savent plus où donner de la tête, qui ont une multitude de dossiers qui s'empilent sur leur bureau. Les administrations de l'Etat sont désormais éclatées: ici vous avez le préfet de région, là le conseil régional, ailleurs le rectorat, un peu plus loin la direction de l'équipement et de l'environnement. Tout cela n'est tout de même pas très sain du point de vue de la cohérence qui doit faire prévaloir l'administration de l'Etat!
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 09/12/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Paul-François Paoli : «Corse, la victoire du pathos identitaire» (08.12.2017)
Par Paul-François Paoli
Publié le 08/12/2017 à 16h42
TRIBUNE - Pour l'essayiste*, la victoire des nationalistes relève plus d'un désir d'identité face à l'«insécurité cultu­relle» que d'un véritable souhait d'indépendance.
Il convient de ne pas se tromper sur le sens de la victoire des nationalistes en Corse, qui sera sans doute avalisée par le second tour de ces élections. Cette victoire est moins celle d'un nationalisme de rupture, version catalane, que d'un désir de reconnaissance identitaire exprimé en particulier par la jeunesse insulaire, qui se reconnaît dans la personnalité de Gilles Simeoni, le maire de Bastia. Celui-ci jouit d'une crédibilité qui dépasse largement la sphère de sa sensibilité politique, et ce n'est pas un idéologue.
Mais commençons par un double constat. En Corse, la gauche n'existe pratiquement plus et le macronisme parle une langue étrangère: celle d'un nomadisme branché et déraciné. La Corse n'est plus dans la République si l'on entend par République un principe d'unité indivisible qui voguerait dans un ciel serein. Il s'agit là d'un changement profond, à notre avis irréversible, qui en dit autant sur l'usure d'un certain jacobinisme français que sur la Corse elle-même. Les discours solennels de Valls et les éructations de Mélenchon, ces frères ennemis du jacobinisme, se heurtent en Corse à une fin de non-recevoir polie. Les Corses insulaires, qui ne représentent pas tous les Corses, tant s'en faut, parlent une seule langue: celle du pathos identitaire.
Pour les Corses le vivre-ensemble n'est pas un slogan : ils le pratiquent entre eux
On se demande où sont passés les votes en faveur de Marine Le Pen qui arrivait en tête du premier tour de la présidentielle. Un certain nombre d'entre eux s'est réfugié dans l'abstention mais on ne peut exclure que d'autres se soient reportés sur les nationalistes. À certains égards, rien ne ressemble plus à un électeur nationaliste corse qu'un électeur du FN. Ils ont en commun la hantise de l'islam et de l'immigration et le refus instinctif du multiculturalisme des élites boboïsées.
Pour les Corses le vivre-ensemble n'est pas un slogan: ils le pratiquent entre eux. Ce que veulent les Corses, c'est l'entre-soi, ce qui est compréhensible car il s'agit d'une communauté très restreinte qui se diluerait dans la «société ouverte» qu'appellent de leurs vœux macronistes et libéraux. La Corse n'est pas un open space. Pour autant, et c'est ici qu'est le paradoxe: les Corses ne veulent pas de l'indépendance.
En lui-même le projet indépendantiste n'a pas de consistance. Si les nationalistes revendiquent la co-officialité de la langue corse avec la langue française, c'est qu'ils admettent, implicitement, que la Corse est française
La victoire nationaliste est moins celle du «peuple corse» que celle de l'ambiguïté. Il faudra beaucoup de talent rhétorique à Jean Guy Talamoni pour nous convaincre que l'indépendance, qui est toujours pour demain - c'est le cas depuis quarante ans -, est compatible avec l'idée d'inscrire la reconnaissance du peuple corse dans la Constitution française. Talamoni est un homme cultivé qui connaît le syllogisme d'Aristote. On ne peut soutenir que A est identique à B si A et B se contredisent. En réalité la victoire des nationalistes est d'abord celle d'un affect.
Moult Corses qui, jadis, s'identifiaient à la France parce qu'elle donnait des emplois et du prestige, ne s'identifient plus qu'à la Corse, qui est un refuge face à l'insécurité culturelle engendrée par la mondialisation. En lui-même le projet indépendantiste n'a pas de consistance. Si les nationalistes revendiquent la co-officialité de la langue corse avec la langue française, c'est qu'ils admettent, implicitement, que la Corse est française. La langue que les Corses parlent et écrivent à l'unanimité est le français, ce n'est pas le corse. Politiquement, la droite française en recomposition doit tenir compte de cette nouvelle donne. Le vivre-ensemble n'est pas une affaire de valeurs. C'est une communauté de destin historique fondée sur une culture commune: de Brest à Bastia en passant par Pointe-à-Pitre, cette culture commune est le français.
*Auteur de «Le Roman de la Corse», Éditions du Rocher, 2012

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Éric Zemmour: «Et si les Corses étaient moins nationalistes ou autonomistes qu'identitaires?» (08.12.2017)

Par Eric Zemmour
Publié le 08/12/2017 à 08h00
CHRONIQUE - Au contraire de la Catalogne, la Corse est plus pauvre que le reste du pays et dépend largement de la solidarité nationale. Mais un peuple peut accepter délibérément un sacrifice matériel s'il croit son identité en jeu.
Ils vont gagner. Ils ont gagné. Les «natios», comme on les appelle, sont sûrs d'être les prochains patrons de l'assemblée territoriale de Corse. Le second tour n'est qu'une formalité. Mieux qu'une victoire, un triomphe. Mieux qu'un triomphe, une revanche. Oublié, le préfet Erignac, exécuté il y a vingt ans. Oubliées, les conférences de presse d'encagoulés. Oubliés, les attentats, les liens entre nationalistes et mafieux. Les mallettes de billets aussi, distribuées par le ministère de l'Intérieur pour acheter la paix. C'était il y a cent ans, il y a mille ans. Les terroristes d'hier ont déposé les armes. Les nationalistes sont devenus autonomistes. La France est un pays merveilleux où un simple changement de nom fait croire que tout a changé. «La Corse est un enfant de la République» nous dit, bienveillant, Christophe Castaner, le patron d'En Marche. Mais on ne sait pas de quelle République il parle. Est-ce encore un enfant de la France? Gilles Simeoni, lui, réclame toujours la reconnaissance du peuple corse. Si les mots ont un sens, l'existence d'un peuple corse attesterait que les Corses ne font pas partie du peuple français. Or, la République française est le régime que s'est donné le peuple français. Il n'a qu'une seule langue, le français. Et Simeoni exige qu'on enseigne le corse aux petits enfants de l'île de Beauté. Qu'on le parle dans l'administration et dans les prétoires, en contradiction de la vieille ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539. Il veut des compétences législatives, éducatives.
Il y a quelques mois, le même Simeoni expliquait benoîtement que la Corse était dans la situation des trois départements d'Algérie la veille de l'indépendance. S'il n'ose plus cette comparaison hasardeuse, c'est qu'entre-temps, la Catalogne a ridiculisé l'idéal indépendantiste. Alors, Simeoni, malin, change de cheval: sa Corse autonome n'a rien à voir avec la Catalogne, et tout avec la Sardaigne. Mais la Sardaigne a le statut que la Catalogne avait il y a vingt ans.
Les mêmes Corses qui votent pour les nationalistes aux élections régionales donnent la première place à Marine le Pen lors de la présidentielle
A Paris, on se rassure comme on peut. On se dit qu'au contraire de la Catalogne, la Corse est plus pauvre que le reste du pays ; et qu'elle dépend largement de la solidarité de cette nation dont elle ne pourrait se détacher. Les esprits trop rationnels devraient se méfier. L'économisme rend myope. Comme nous l'a montré le vote sur le Brexit, un peuple peut accepter délibérément un sacrifice matériel s'il croit son identité en jeu.
Or, les mêmes Corses qui votent pour les nationalistes aux élections régionales donnent la première place à Marine le Pen lors de la présidentielle. Cette contradiction apparente a une cohérence cachée: la défense de l'identité corse et française contre un islam qui tend à imposer, dans l'espace public, ses codes et ses mœurs, comme l'ont prouvé les altercations violentes de l'été 2016 sur les plages corses autour du burkini. Quand le patron de la Région réclame de pouvoir donner la priorité d'embauche ou de logement aux Corses, il défend une préférence nationale qui ne dit pas son nom. La victoire promise à Simeoni et ses «natios» n'est donc pas un vote nationaliste ni autonomiste, mais identitaire. Mais personne - ni le pouvoir, ni les nationalistes, ni même les grands médias - n'ont intérêt à ce que cette réalité soit dite.
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Des « équipes mobiles laïcité » aideront les enseignants (08.12.2017)

Par Marie-Estelle Pech
Mis à jour le 08/12/2017 à 20h43 | Publié le 08/12/2017 à 19h39
Composées de juristes, d'experts disciplinaires et de psychologues, ces unités, installées dans chaque académie, doivent répondre aux cas de revendications religieuses et communautaires à l'école.
À la veille de la journée nationale de la laïcité, samedi 9 décembre, c'est sur l'école que le gouvernement a choisi de miser. Emmanuel Macron devrait s'exprimer plus largement sur le sujet en janvier.
Comme un avant-goût, le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a pris la parole vendredi soir après le Conseil des ministres pour préciser les contours d'une «cellule laïcité» qu'il entend créer au sein du ministère de l'Éducation nationale. Composée de juristes et d'experts disciplinaires, des psychologues, notamment, celle-ci répondra aux cas complexes de revendications religieuses et communautaires se présentant via les rectorats. Ce comité des Sages «définira par ailleurs les règles et réponses à apporter à chaque situation concrète», a expliqué Jean-Michel Blanquer vendredi soir.
«Loi du silence»
«Aucun professeur ne doit se sentir seul. Il doit pouvoir signaler ces situations à son chef d'établissement, il doit exister une unité des adultes au sein de l'établissement pour regarder en face ce type de phénomène et y réagir de façon appropriée. Mais si une certaine impuissance se manifeste localement, l'ensemble de l'institution se mobilisera», avait déjà précisé le ministre de l'éducation nationale cet automne à L'Express.
Un ex-principal de collèges sensibles de Marseille, Bernard Ravet, avait relancé le débat début septembre en dénonçant, dans un livre intitulé Principal de collège ou imam de la République, la «loi du silence» qu'il dit avoir affrontée face à «l'emprise» de l'islamisme.
«Comment réagir face à ces élèves qui contestent la théorie de Darwin, réclament des repas sans porc, veulent faire le ramadan de plus en plus jeune?»
Depuis une quinzaine d'années, des «équipes mobiles de sécurité» présentes dans les rectorats sont prêtes à intervenir dans les établissements à la demande des proviseurs et principaux. Composées d'anciens policiers, conseillers principaux d'éducation, éducateurs sportifs ou encore anciens enseignants, ces brigades se concentrent surtout sur les problèmes de sécurité. Elles seront désormais épaulées, dans chaque Académie, par des équipes mobiles laïcité «entièrement dédiées, pouvant intervenir à la fois en travail de prévention et en réponse si une entrave aux valeurs de la laïcité se produit», explique-t-on au ministère. Jean-Michel Blanquer qui doit se déplacer ce samedi, au lycée Samuel-de-Champlain de Chennevières-sur-Marne, organisateur depuis trois ans d'une semaine de la laïcité, installera, à cette occasion, la première unité de ce type.
Autant de nouvelles mesures qui permettront d'épauler les centaines de «référents laïcité» créés dans les établissements scolaires par l'ex-ministre de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, il y a deux ans. Plus d'un millier de référents avaient été formés pour aider leurs collègues à promouvoir la laïcité à l'école et à déminer les situations délicates: comment réagir face à ces élèves qui refusent de disséquer un cœur de porc en cours de biologie? Face à ceux qui contestent la théorie de Darwin, réclament des repas sans porc, veulent faire le ramadan parfois très jeune? Que répondre à ces parents qui refusent que leurs filles aillent à la piscine parce qu'elles vont devoir «se dénuder»? Dans quelle mesure peut-on accepter l'abaya, la robe musulmane longue, parfois portée par les jeunes filles?

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Journaliste éducation pour le service société du Figaro.
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Migrants à Paris : le sordide «trottoir des 40.000» (08.12.2017)
Par Stéphane Kovacs
Mis à jour le 08/12/2017 à 20h27 | Publié le 08/12/2017 à 19h04
REPORTAGE - À Paris, des centaines de demandeurs d'asile piétinent devant un centre engorgé. Les riverains sont à bout.
Le quartier se réveille doucement, mais eux sont déjà debout, pressés les uns contre les autres, derrière des barrières métalliques, sur un trottoir jonché de détritus. Une masse compacte de plus d'une centaine de migrants, transis de froid, qui s'agrippent, se poussent, s'invectivent, de manière à se rapprocher de l'entrée de la Plateforme d'accueil des demandeurs d'asile (Pada), au 127, bd de la Villette, dans le Xe arrondissement. «Le trottoir des 40.000», l'ont baptisé les riverains. Car depuis près de deux ans, ils ont compté que 40.000 personnes avaient dormi, parfois plusieurs nuits d'affilée, sur une centaine de mètres de ce boulevard. Aujourd'hui, ces habitants sont «à bout». Le 18 décembre, ils attendent «les élus de tous bords» pour signer leur pétition. «Sans un engagement clair sur la fermeture du système avant le 1er janvier», ont-ils écrit au président de la République, ils entameront une grève de la faim.
«Je ne pensais pas que ce serait si difficile ! Tous ces gens qui se battent pour une meilleure place… on dirait des animaux»
Mahdi, un Syrien de 47 ans
Étape indispensable pour les demandeurs d'asile primo-arrivants isolés, cet unique centre - un autre existe à Paris pour les familles -, géré par France Terre d'asile, délivre, chaque matin, un certain nombre de rendez-vous, pour l'examen de leur dossier, dans l'une des huit préfectures d'Île-de-France. Mais, devant l'afflux de migrants, il est perpétuellement engorgé. Sous le métro aérien, des grilles empêchent désormais l'installation de campements de fortune… et la traversée des riverains. Des migrants ont planté leur tente un peu plus loin, le long du canal Saint-Martin. Pour être dans les premiers, certains arrivent devant le 127 dès la veille au soir et dorment sur place.
Il est 7 h 30, un camion de police vient de se garer devant la Pada, mais cela n'empêche pas les hommes de s'empoigner. «Je ne pensais pas que ce serait si difficile!, souffle Mahdi, un Syrien de 47 ans. Tous ces gens qui se battent pour une meilleure place… on dirait des animaux.» Quatre ou cinq femmes se trouvent parmi la foule, accrochées à leur baluchon. «Il y a trop de garçons, et les Afghans, ils font des problèmes!, affirme Bachar, un jeune Somalien venu apporter du thé. Hier soir, une Soudanaise a vomi ; elle n'en pouvait plus d'être malmenée. Tout ça dans une odeur épouvantable, car certains ne se sont pas lavés depuis des jours.» Une altercation et quelques coups de poing plus tard, les barrières glissent, des migrants se prennent les pieds dedans, en entraînant d'autres dans leur chute. «Du calme!», crie un policier. «On est là tous les jours de 7 heures à 23 heures, pour s'assurer qu'ils ne se battent pas, explique-t-il. Si on peut éviter les gaz, on évite, car il y a les femmes enceintes, les riverains…»
«Plusieurs habitants sont en dépression, certains ont bradé leur appartement»
Pierre Vuarin, porte-parole du collectif des « habitants associés »
«Situation indigne»
Les riverains, justement, «n'en peuvent plus». Forcée de marcher sur la chaussée, puisque les trottoirs sont perpétuellement occupés, Anne-Marie a plusieurs fois failli être renversée par une voiture. «Un voisin a été brûlé lors d'une opération de gazage, un autre n'a pas trouvé d'infirmière qui accepte de venir chez lui, témoigne Pierre Vuarin, porte-parole du collectif des «habitants associés». Parfois, le trottoir est complètement imbibé d'urine. Et le nettoyage, c'est pas tous les jours! Plusieurs habitants sont en dépression, certains ont bradé leur appartement».
«Des commerçants ont dit qu'ils allaient acheter un fusil ; qu'ils s'en fichaient d'aller en prison, car c'était ça ou la clé sous la porte…»
Marie, une riveraine
Salarié de la Batscop, une entreprise toute proche, Philippe Michielin renchérit: «Cela devient invivable. Le matin, on doit enjamber les matelas devant notre porte. On ne peut plus recevoir de clients. Deux de nos collaborateurs, des Blacks, se font régulièrement interpeller. Et le pire, c'est que ça radicalise la population.» Lors des réunions du collectif, s'inquiète Marie, «des commerçants ont dit qu'ils allaient acheter un fusil ; qu'ils s'en fichaient d'aller en prison, car c'était ça ou la clé sous la porte…» Brahim Saidoun n'en est pas là. Mais le patron du café L'imprévu, en face de la Pada, s'alarme de voir son chiffre d'affaires baisser: «de moins en moins de monde vient déjeuner», déplore-t-il.
«Cela devient invivable. Le matin, on doit enjamber les matelas devant notre porte. On ne peut plus recevoir de clients. Et le pire, c'est que ça radicalise la population»
Philippe Michielin, salarié d‘une entreprise proche du site
Lorsque, ce matin-là à 9 heures, le directeur de la Pada et ses employés arrivent, c'est à peine s'ils peuvent se frayer un chemin vers l'entrée. «Reculez, personne ne sera pris aujourd'hui!», crie un salarié. Un jeune Éthiopien lui saute dessus: «Ça fait trois jours que j'attends ici, trois nuits pour rien!» Au siège de France Terre d'asile, le directeur général, Pierre Henry, commente: «Nous n'avons pas la responsabilité de l'ordre public sur la voie publique! C'est le boulot de la police de réguler la file d'attente. La situation dans la rue est indigne. Mais nous, on est fier d'avoir permis, en 2017, à 15.000 personnes d'accéder à leurs droits.»
«Avec les préfets de police, de région, je partage le même constat. On n'est pas censé tolérer que se créent des bidonvilles à Paris»
Alexandra Cordebard, maire du Xe
Les habitants ont écrit partout, «au ministre de l'Intérieur, au préfet de Paris, à la Maire de Paris, aux élus concernés, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration». «Mais tout le monde se renvoie la balle, déplore Pierre Vuarin. Certains ont même admis qu'“il ne fallait pas avoir un accueil attractif”».L'Élysee leur a répondu que «le président a pris connaissance avec attention des difficultés de cohabitation»… et renvoie sur le ministère de l'Intérieur. Maire du Xe, Alexandra Cordebard rappelle qu'«un déménagement de la Pada avant la fin de l'année avait été promis par l'État». «Avec les préfets de police, de région, je partage le même constat, poursuit-elle. On n'est pas censé tolérer que se créent des bidonvilles à Paris.» Dans l'entourage d'Anne Hidalgo, on précise que «l'État a demandé à la mairie de Paris, et à d'autres, de rechercher des sites». «On participe beaucoup à l'effort, souligne-t-on, mais on espère qu'on n'est pas les seuls!» En attendant, les riverains se désespèrent: «On a vu ce que donnait une Pada ; quel autre maire en voudra maintenant?»

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Grand reporter, chargée des questions de société
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Aung San Suu Kyi, la chute d'une idole planétaire (08.12.2017)
Par Adrien Jaulmes
Mis à jour le 08/12/2017 à 09h04 | Publié le 08/12/2017 à 09h00
Longtemps considérée come une héroïne pour son opposition au pouvoir militaire en Birmanie, la Dame de Rangoun est désormais critiquée pour son silence devant les massacres des Rohingyas.
Peu de personnalités contemporaines ont été aussi adulées ; aucune n'a été aussi vite détestée. Voici encore quelques mois, Aung San Suu Kyi bénéficiait dans l'opinion mondiale d'un statut comparable à celui du mahatma Gandhi et de Nelson Mandela. Opposante historique à la junte birmane, la Dame de Rangoun était l'une de ces icônes que les médias planétaires adorent adorer. Seule, longtemps recluse comme une héroïne arthurienne dans sa maison au bord d'un lac de Rangoun où la dictature l'avait placée en résidence surveillée, cette femme héroïque avait refusé pendant des décennies toute compromission avec le pouvoir militaire. Le prix Nobel de la paix vint en 1991 couronner cette Antigone birmane. Finalement victorieuse aux élections de 2015, son entrée au gouvernement après des décennies de lutte incarnait comme dans un conte moderne le triomphe ultime de la démocratie sur la tyrannie.
Sa chute a été rapide. En quelques mois, l'icône est tombée de son piédestal. Son silence devant les massacres par l'armée birmane des Rohingyas, minorité musulmane persécutée et expulsée par centaines de milliers vers le Bangladesh, a commencé par surprendre ses laudateurs. Puis par les choquer. Quand Aung San Suu Kyi s'est finalement décidée à évoquer le sujet, son manque d'empathie envers les victimes et ses commentaires sibyllins sur les actions de l'armée birmane ont achevé de retourner contre elle les consciences internationales. Aussi prompts à détester qu'à adorer, les médias ont suivi. L'image pieuse qu'ils avaient contribué à fabriquer a été déchirée avec une rage proportionnelle à leur ferveur passée.
«Je ne suis qu'une femme politique»
Aung San Suu Kyi
Ce reniement soudain n'est inexplicable qu'en apparence. Un brillant et salutaire petit essai vient rétablir dans leur contexte l'ascension et la chute de la Dame de Rangoun. Correspondant du Monde en Asie depuis des années, Bruno Philip a rencontré à plusieurs reprises Aung San Suu Kyi, y compris lorsqu'elle était en résidence surveillée (le reporter signait dans le registre sous le nom de Marcel Duchmol). Il n'a jamais été aveuglé par l'adulation délirante des médias internationaux pour cette femme. Bon connaisseur de la Birmanie, Philip sait que «The Lady» est une opposante un peu spéciale. Et qu'aussi cruelle qu'ait été sa détention, elle a bénéficié d'un traitement plus enviable que celui d'habitude réservé aux dissidents dans cette partie du monde. Fille du général Aung San, le héros de l'indépendance birmane, collaborateur des Japonais avant de passer in extremis dans le camp des Alliés puis assassiné par d'autres militaires quelques mois avant l'indépendance, la dissidente est restée intouchable malgré la détestation que lui voue la junte.
Son caractère impérieux d'aristocrate de haute caste et ses tendances autoritaires apparaissent aussi déjà à ceux qui la côtoient. D'autant qu'Aung San Suu Kyi elle-même, souvent agacée par les adorateurs béats, répète les mises en garde: «Je ne suis qu'une femme politique», leur dit-elle. Son cynisme et ses silences deviennent alors plus explicables et sa vision politique plus cohérente.
Au-delà d'un passionnant récit, l'ouvrage de Bruno Philip, préfacé par le reporter Rémy Ourdan, dépasse largement la seule question birmane pour servir de leçon d'humanité et de politique. Dans un monde où l'émotion semble avoir remplacé toute réflexion, et où les affaires internationales sont souvent lues à travers un prisme disnéyien de gentils aux prises avec des méchants, «l'icône fracassée» vient rappeler qu'il est toujours périlleux de projeter des visions fantasmées sur le monde réel. Le pari historique d'Aung San Suu Kyi de s'allier avec la junte pour tirer son pays de la misère et de l'isolement, quitte à détourner le regard sur les aspects les plus déplaisants du pouvoir militaire, peut être jugé moralement douteux. Il aurait moins surpris si l'on n'avait pas fait au préalable une sainte laïque de cette femme politique aux nerfs d'acier, au cœur sec et à la tête froide.
Aung San Suu Kyi. L'icône fracassée, de Bruno Philip, Editions des Equateurs, 98 p., 12 €.
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