Le 3 octobre à 09:15, heure convenue pour la passation de pouvoirs, Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, attendait son successeur désigné par le président, Edouard Philippe, Premier ministre. Celui-ci arriva avec exactement 19 minutes de retard. Raison valable, ou signe de mépris ?
Les journalistes et les adjoints de Collomb présents comprirent très vite que l’ambiance ne serait pas des meilleures ! Collomb accueillit néanmoins le Premier ministre avec courtoisie, mais celui-ci avait son air des mauvais-jours. Pas de sourire, poignée de mains glaciale, lèvres serrées et regard sombre dès que Collomb prit la parole.
Gérard Collomb a d’abord piégé l’Élysée
La raison n’a pas été donnée par la presse, excepté Le Parisien : « L’Élysée n’a bien sûr pas appris par la presse le changement de ministre mais le fait que la passation de pouvoir serait ainsi organisée devant les caméras… » Car Gérard Collomb a bel et bien piégé l’Élysée qui avait demandé que la passation de pouvoir entre le ministre démissionnaire et le chef du gouvernement se déroule dans un « quasi huis-clos » (info confirmée par le Ministère de l’Intérieur). Philippe est quand même venu au show médiatique organisé par Collomb, car ne pas venir eût pu créer un clash politique alors que le mot d’ordre était de minimiser l’événement, « Il n’y a pas de crise politique » avait décrété Macron.
Collomb prend donc la parole en commençant par se féliciter de laisser un ministère« apaisé » alors que la Police était en révolte quand il était arrivé pour succéder à Matthias Fekl, lequel est retombé dans l’oubli le plus total depuis. Quelques banalités de bon aloi en amuse-gueules, puis Collomb sonne la charge contre le bilan de Macron, mais sans jamais citer son nom. Douze minutes de férocité condensée, sans notes, sans papier, le bilan catastrophique de l’état de la France après 18 mois de macronisme est donné d’un ton calme. Il faut toujours se méfier des vieux qu’on a humiliés et dont on s’est servi sans scrupule pour mener une politique qu’ils n’approuvaient pas.
Il faut comprendre Collomb. Il est inscrit au PS depuis un demi-siècle, mais n’est pas vraiment marxiste. Il est social-démocrate. C’est pour cela qu’il s’était rallié à Macron il y a deux ans, et avait rallié à Macron l’aile sociale-démocrate du parti socialiste. Il croyait que Macron allait vraiment améliorer les choses. Macron les a aggravées et le tableau qu’en fait Collomb est glaçant !
De toute évidence, il en a gros sur le cœur de ne pas avoir réussi à se faire entendre depuis qu’il occupe ses fonctions. Et il se venge. On comprend l’énervement de Philippe qui trépignait de rage de ne pouvoir faire taire Collomb !
Collomb n’a traité que deux sujets : l’état de la France et le fonctionnement de l’administration.
L’état de la France est déplorable par manque d’autorité de l’État
Sur le premier, Bruneau Retailleau du Mouvement Pour la France se dit « stupéfié » : « Très peu de gens ont relevé le discours apocalyptique qu’il a tenu, lui, premier flic de France sur le départ. Il a dit : ‘en France, il y a un séparatisme. Il y a des quartiers qui sont sous la loi des narcotrafiquants et des islamistes. Aujourd’hui, les Français vivent côte à côte ; demain, ils pourraient vivre face à face’… »
« C’est comme si Gérard Collomb annonçait une guerre civile » (Retailleau sur Europe 1).
Collomb n’a pas dit que ça, il a dit aussi qu’il n’y a plus d’autorité de l’État. Et puis, il faut bien faire le constat que Macron n’a plus de réserve de compétences pour les postes importants, car si Philippe doublonne sur les deux postes ministériels les plus importants de la République, c’est que si Macron est déjà contraint de mettre un Ferrand à l’Écologie, il n’a personne pour l’Intérieur. Castaner ? Darmanin ? – Grandes gueules, mais pas beaucoup de tête. De plus Macron veut un « obéissant », car dans le pouvoir jupitérien, tout remonte à l’Élysée. Aucune initiative n’est permise, surtout pas celle qui aurait consisté à reprendre les quartiers perdus rue par rue, immeuble après immeuble, saisir les armes et les stocks de drogue, stopper tous les trafics, surtout ceux d’êtres humains. Le président a des copains bronzés dans ces quartiers et ce n’est pas parce qu’ils ont commis quelques « bêtises » comme tirer à la Kalach sur des concurrents, égorger quelques infidèles… Vous comprenez ? Un bon sermon paternaliste de tonton Macron et ils rentreront dans le droit chemin.
L’État-énarque est incompétent et sans volonté
Après le discours apocalyptique sur l’état de la France, Collomb a continué sur l’État-énarque qui est supposé gouverner la France mais ne gouverne rien, sur l’action et les choix politiques actuels, ou plutôt sur l’inaction et l’absence de choix. Heureusement pour lui, Philippe était venu sans arme.
Le pays est au bord de l’explosion, et le gouvernement ne s’en rend pas compte, a dit en substance Collomb. Car il n’y a pas que les ghettos où règne la loi du plus fort, narcotrafiquants ou imams salafistes, il y a la gestion des migrants, « sérieux problème […] que l’on a transformé en situation ingérable ». Il a essayé d’attirer l’attention du chef de l’État. Il a eu en retour un de ces discours grandiloquents, creux et verbeux dont Macron a le secret, sur « un changement de méthode ».
Les ministères ne sont pas gérés (exception : la Défense)
On apprend ensuite que le budget du ministère de l’Intérieur, qui représente quand même plus de 19 milliards d’euros n’est absolument pas géré. Que personne n’est capable d’avoir une quelconque vision sur ce qu’il en est de l’évolution de la masse salariale, et qu’il n’y aucune comptabilité. Il y a cinq directions de l’informatique qui, chacune, travaille dans leur coin, sans aucune coordination avec les autres.
Et c’est pareil dans tout le pays, comme à l’Éducation Nationale, incapable de chiffrer le nombre de fonctionnaires qu’elle emploie. Les tableaux de bord les plus basiques qui permettraient de prendre des décisions n’existent pas. Selon les mots même de Gérard Collomb, l’État ne survit que par le dévouement des fonctionnaires qui s’échinent dans des conditions déplorables à remplir leurs tâches sur le terrain.
Ça travaille à la base, mais aux niveaux supérieurs : rien
Aux niveaux supérieurs – ceux que squattent les énarques – aucune idée de ce qu’il faudrait faire, aucune imagination, aucune capacité de décision, aucune volonté de réforme. Mais sur le terrain, « les préfets travaillent beaucoup » concède Collomb, mais peut-être seulement pour faire plaisir au préfet du Rhône…
« Les gens ont tout à fait raison de se plaindre de l’État et des politiques : que penser de personnages qui tiennent de grands discours sur la Révolution, sur la grandeur de la France… et qui, une fois arrivés au pouvoir, sont bien incapables de diriger leur petite affaire et laissent le mammouth se débrouiller tout seul ? » (Olivier Maurice, Boulevard Voltaire, commentaire du discours de Collomb).
Ce discours de Gérard Collomb fut un constat accablant sur l’amateurisme et l’incompétence qui président à l’Élysée, sous les lambris des ministères et sur l’héritage de quatre décennies d’inaction, de beaux discours et de brassage de vent.
Édouard Philippe le remercie en quatre mots secs, puis lui prend la main pour lui dire adieu, mais Gérard Collomb ne le regarde même pas et part sans se retourner !
« En même temps », Redouane Saïd venait d’être arrêté. Il se dissimulait depuis trois mois sous une burka. La loi interdisant le port de la burka a été votée en 2010, mais qui oserait vérifier l’identité d’une personne emburkanée ? Il ferait aussitôt l’objet de poursuites judiciaires. Cela illustre bien les nombreux dysfonctionnements de l’État en France.
Je dois maintenant faire un aveu : Gérard Collomb vient de faire un grand bond dans mon estime qui, avant, frôlait le zéro.
L’Imprécateur08/10/2018
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