RAPPORT D’INFORMATION FAIT au nom des délégués élus par le Sénat à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (1) sur les migrations et l’intégration : un défi pour l’Europe,
https://www.senat.fr/rap/r03-273/r03-2731.pdf
L’avenir démographique de l’Europe, transformer un défi en opportunité
http://ses.ens-lyon.fr/ses/fichiers/avenir-demographique-europe-commission-europeenne.pdf
Les traîtres de l’histoire de France
18 DÉCEMBRE 2013 | POLÉMIA
https://www.polemia.com/les-traitres-de-lhistoire-de-france/
Le rapport sur l’immigration : un négationnisme raciste anti-français
♦ Quand on lit ce rapport de « prétendus experts » qui devra servir de base à la réflexion gouvernementale, on a du mal à y croire. Cela ressemble à l’un de ces faux qui circulent sur internet et qui sont de l’intoxication. Pour le moment, cependant, personne n’a démenti la réalité du rapport, même si on peut estimer maintenant qu’il ira aux oubliettes.
On peut même penser qu’il sera fatal à Jean-Marc Ayrault et précipitera un remaniement gouvernemental. Car c’est le premier ministre qui a salué le sérieux de ce travail. Ce document confirme donc qu’ il y a en France des « experts », gens présentés comme faisant partie de l’» élite » qui sont des traîtres à l’ histoire et l’identité de leur pays, qui haïssent la France et les français au point de vouloir les faire disparaître. Ces négationnistes de l’histoire et de l’identité française devraient être poursuivis au nom des lois antiracistes qui devraient leur revenir comme un boomerang dans la figure.
En fait, ils veulent une France où les français soient réduits en dhimmitude par l’immigration arabo-musulmane. Ce grand remplacement de population annoncé par certains avec lucidité, ils ne veulent pas l’encadrer. Ils veulent lui donner tous les moyens de s’imposer et de prendre le pouvoir pour faire de notre pays un appendice du monde arabo-musulman. Cela ne peut s’expliquer que par la psychanalyse et une haine mortifère de soi, par une haine fondamentale de ce qu’a été la France et de ce qui doit l’être encore et à jamais, même en tenant compte des évolutions.
Thierry Thuot conseiller d’Etat et son rapport sur « La refondation des politiques d'intégration ».
Thierry Thuot conseiller d’Etat et son rapport sur « La refondation des politiques d’intégration ».
Ils se détestent tant qu’ils veulent disparaitre. Ils ont raison de se détester car ils sont vraiment le pire de ce qu’un pays peut produire. Un système politique qui produit de tels experts est condamné. Ce sont des « renégats », c’est à dire des non musulmans qui se mettent au service de l’islam et plus largement de l’étranger, mais de l’étranger identifié très largement à une religion.
C’est tellement gros que certains à l’Ump se demandent s’il ne s’agit pas tout simplement d’une manœuvre pour gonfler le score du Fn aux prochaines élections municipales et européennes. Ce texte sur l’intégration qui renonce à l’intégration est un rapport sur la dissolution de l’identité historique de la France. Ce sont les français, coupables de tout, qui doivent accepter la loi des migrants et des étrangers porteurs de notre avenir. C’est tellement abject qu’on se demande vraiment comment on peut fabriquer de tels experts et écouter ces négationnistes d’une histoire qui a donné au monde l’une des plus belles civilisations.
Porter le foulard, remplacer Racine, Corneille et Molière par l’étude de l’arabe dialectal ou du bambara, gommer Napoléon et étudier l’histoire de l’Afrique noire du moyen âge, ignorer Versailles, le Louvre, au profit d’un Kral zulu… ce n’est pas seulement valoriser l étranger, c’est nier le génie français.
Voila ce qu’en pense l’essayiste Malika Sorel qui exprime globalement l’ahurissement des intellectuels issus justement de l’immigration. « Ce rapport rompt avec l’intégration et propose un tournant majeur axé sur la conflictualité. Il veut bouleverser la société française et part du principe que la France est coupable et raciste et qu’il faut tout remettre en cause. Il prône une société multiculturelle alors que c’est un modèle conflictuel, où il n’y a pas de normes. Dans le détail, je reproche à ce rapport particulièrement trois points. D’abord, sa volonté de remettre en cause la suprématie de la langue française en voulant reconnaître “la place essentielle” de la langue parlée en famille. Ensuite, ce rapport vise à modifier le contenu des programmes d’histoire en voulant intensifier la transmission de l’histoire colonialiste et esclavagiste. Or, ce sont des thèmes qu’il faut replacer dans leur contexte. Ce rapport veut élever les enfants issus de l’immigration contre la France. Enfin, la proposition de supprimer la loi sur le voile est une provocation pure et simple. C’est très grave. Cette loi pacifie justement les écoles et fait qu’un enfant est considéré comme un élève, pas comme un religieux. »
Elle dit différemment la même chose que nous. Ce rapport est une honte et ses auteurs méritent le plus grand des mépris. On retiendra un nom, celui de l’homme qui porte ce rapport et en est fier apparemment : Thierry Tuot, conseiller d’Etat, celui qui a remis au gouvernement le rapport «La grande nation : pour une société inclusive», sur les politiques d’intégration depuis trente ans. Il y est ainsi suggéré de mettre en place un «titre de tolérance» pour régulariser par étapes une grande partie des sans-papiers inexcusables, ou encore d’apaiser les débats sur l’islam, notamment en arrêtant de s’appesantir sur le port du voile et d’enseigner l’identité arabo orientale de la France.
Au regard des réactions, cela n’ira donc sans doute pas plus loin qu’un ballon d’essai ou une provocation instrumentalisée, chacun jugera. Mais si le pouvoir allait un jour dans cette direction pour flatter « ses » électeurs et jouer avec une démocratie communautariste comme en Afrique par exemple, on rappellera aux experts du négationnisme de la France cette maxime : « qui sème le vent récolte la tempête »
Raoul Fougax
le 15/12/2013
Source : Metamag.fr
Voir aussi :
Malika Sorel-Sutter: «Une véritable police de la pensée»
Assimilation, intégration ou société « inclusive » ?
Démographie, immigration, intégration (1ère partie)
https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0111-demographie-immigration-integration-1ere-partie
rapport complet : https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-111-112-113-fr.pdf
29/09/2008
Ce texte a été rédigé avec le concours de Raimondo CAGIANO de AZEVEDO (Université La Sapienza, Rome).
Résumé : L'immigration constitue l'une des priorités de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne. A quelques jours du Conseil européen des 15 et 16 octobre prochains qui devrait aboutir à l'adoption du Pacte européen sur l'immigration et l'asile proposé par la France, Catherine Wihtol de Wenden propose une analyse des enjeux et des défis qui sous-tendent cette priorité de la PFUE.
Cette semaine, dans un premier texte, avec le concours de Raimondo Cagiano de Azevedo, elle brosse un tableau des tendances démographiques de l'Union européenne et de ses États membres.
Elle procédera ensuite à une analyse des réponses européennes en termes de migrations (6 octobre), et dressera enfin un bilan des expériences des politiques d'intégration menées au sein de l'Union européenne (13 octobre).
Introduction
L'évolution démographique des pays de l'Union européenne au sein d'un monde en mouvement est riche de conséquences sur sa place dans le monde. Beaucoup d'analystes " refusent de voir " le lien entre croissance économique et dynamisme démographique et ne cherchent donc pas à le vérifier. Pour compenser son déficit démographique, l'Union européenne va devoir ouvrir ses frontières à une forte immigration, pensée comme fruit d'un choix sélectif, et s'attacher à réussir l'intégration. Au cours de ces dernières années, l'Europe, qui peine à contrôler ses frontières, range l'immigration dans les questions sécuritaires et tente d'associer à cette tâche ses voisins du Sud, alors qu'elle est devenue l'une des plus grandes régions d'immigration du monde. Mais elle tarde à se reconnaître comme telle car elle a longtemps considéré l'immigration comme un phénomène provisoire et elle a ensuite donné la priorité à la sécurité sur les besoins de main d'œuvre et sur les impératifs d'inclusion sociale plutôt que de prendre en compte le vieillissement de sa population. La poursuite de l'arrivée clandestine de nouveaux arrivants est vécue comme une " invasion de pauvres " venant s'installer dans une Europe impuissante à protéger ses frontières. Tous les éléments parfois contradictoires qui lui sont posés par cette nouvelle donne (problème démographique, immigration nécessaire, intégration indispensable) nourrissent pourtant la conviction qu'il s'agit là d'un atout à saisir particulièrement important.
Quels liens peut-on faire entre tendances démographiques, besoin d'immigration et nécessité de vivre ensemble ? Les démographes s'accordent pour constater que l'Europe est entrée dans une phase de vieillissement démographique qui va s'accroître avec l'arrivée à l'âge de la retraite des " baby boomers " à l'horizon 2010. Aussi, l'immigration est-elle considérée à la fois comme un facteur de croissance démographique de l'Europe à l'horizon 2030 et comme une réponse aux besoins de main d'œuvre, tant dans des secteurs ne pouvant pas être délocalisés à l'étranger que dans ceux qui affrontent la concurrence mondialisée où les profils d'immigrés les plus recherchés peuvent apporter un élément de dynamisme économique et de créativité dans une concurrence mondialisée pour le recrutement des plus compétents. Mais l'immigration est surtout vécue comme un traumatisme dans la plupart des pays européens. L'idée qu'il faut trouver des solutions pour vivre ensemble, de façon plus harmonieuse et dans le respect des droits de l'Homme, avec une population étrangère qui bouge mais qui peut s'installer est encore assez peu partagée. Comment résoudre cet ensemble de paradoxes ?
Au moment de la présidence française de l'Union européenne, de la mise en œuvre du Pacte européen sur l'immigration et du lancement du projet d'Union pour la Méditerranée, il importe d'aller plus avant dans cet ensemble de questionnements liant démographie, immigration et intégration. Après avoir brossé un tableau des tendances démographiques de l'Union européenne (I), nous procéderons à une analyse des réponses européennes en termes de migrations (II), puis nous dresserons un bilan des expériences du " vivre ensemble " (III).
I – L'Europe, peuple ou population ? [1]
Sur les quelque 495 millions d'habitants que compte l'Union européenne, ses 27 Etats membres se caractérisent par une très grande disparité quant à la taille de leurs populations respectives. Ils peuvent être classés en quatre groupes : les " grands pays " ayant une population supérieure à 50 millions d'habitants (Allemagne 82 millions, France 60 millions, Italie 57,8 millions, Royaume-Uni 57,5 millions), les pays ayant une population comprise entre 20 et 40 millions d'habitants (Espagne 39,8 millions, Pologne 38,7 millions, Roumanie 22,5 millions), les pays ayant une population se situant autour de 10 millions d'habitants (Pays-Bas 15,7 millions, Grèce 10,6 millions, République tchèque 10,3 millions, Belgique et Hongrie 10,2 millions, Portugal 10,1 millions, Suède 8,9 millions, Bulgarie 8,3 millions, Autriche 8,1 millions), les " petits pays " au regard de leur population, inférieure ou égale à 5 millions d'habitants (Slovaquie 5,4 millions, Danemark 5,3 millions, Finlande 5,2 millions, Lituanie 3,7 millions, Irlande 3,5 millions, Lettonie 2,3 millions, Slovénie, 2 millions, Estonie 1,5 million, Chypre 752 000, Luxembourg 420 000, Malte 389 000). De telles disparités pourraient cacher des tendances démographiques radicalement différentes. Il semble bien que ça ne soit pas le cas.
1) Vers la convergence des profils démographiques des Européens
Chaque population peut être décrite, d'un point de vue démographique, en termes de structure et de dynamiques naturelles et migratoires. Or, il semble que les diverses populations nationales tendent vers une population européenne relativement uniforme, caractérisée par un profil démographique commun. Nous considèrerons ici l'évolution des profils démographiques des États membres en comparant six groupes de pays, correspondant chacun à un certain stade d'évolution de l'Union : à 6, à 10, à 12, à 15, à 25 et à 27 (représenté par les symboles CE 6, CE 10, CE 12, CE 15, CE 25, CE 27). Pour décrire les profils démographiques des populations européennes, nous avons pris comme référence les indicateurs suivants : taux de natalité, taux de mortalité, taux de mortalité infantile, taux de fécondité totale, taux d'accroissement naturel, espérance de vie à la naissance par sexe. Pour chacun des 27 Etats membres, nous avons considéré les séries historiques de ces indicateurs (et éventuellement celles des données absolues de stocks et de flux dont ils dérivent pour les années comprises entre 1961, date de la 1ère conférence démographique européenne et 2004). Ces données sont celles de la Banque de données du Conseil de l'Europe (2006), complétée par celles d'Eurostat. Nous avons ainsi tracé les profils démographiques communs de l'Union européenne à ses différents stades d'adhésion. Dans le cas de la natalité, de la mortalité, de l'accroissement naturel et de la mortalité infantile, nous avons pu procéder en calculant les taux ramenés au niveau de la population européenne totale. Pour le taux de fécondité totale et l'espérance de vie à la naissance, il a fallu élaborer des données pour déterminer les composantes au niveau de la population européenne totale. Pour vérifier si les différentes populations européennes convergent effectivement vers un profil démographique commun, nous avons mesuré la variabilité interne pour chaque groupe de pays identifié par la date d'adhésion et pour chaque indicateur déterminé. Dans le cas des taux de natalité, de mortalité, d'accroissement naturel ou de mortalité infantile, nous avons pondéré les différences entre chaque taux et le taux moyen avec des poids proportionnels aux populations de chacun des pays. Ainsi, si l'on compare l'Union européenne, en 1961 et 2004, avant l'appartenance des pays à l'Union à ces différentes périodes, nous constatons que la convergence des profils démographiques est bien moindre dans le passé qu'actuellement et que le passage de 10 à 15, puis de 15 à 25, et enfin de 25 à 27 a d'abord marqué des disparités qui se sont estompées ensuite. C'est lorsque l'Europe était à 6 et à 10 que l'homogénéité des profils démographiques était la plus forte si l'on compare la convergence des critères de variabilité retenus.
L'analyse de l'évolution des profils démographiques des populations nationales suggère que celles-ci tendent, avec le temps, à marquer des comportements semblables. Ces affinités sont particulièrement nettes dans le cas de la natalité, de la fécondité totale et de la mortalité infantile. Du point de vue territorial, les similarités sont plus fortes dans le cas des regroupements formés par les populations des pays occidentaux (CE 6, CE 10, CE 12, CE 15). À l'intérieur des groupes CE 25 et CE 27 il y a des différences significatives entre les profils démographiques des populations occidentales et orientales, surtout en matière de mortalité. Mais certains signaux laissent présupposer que, dans l'avenir, les populations d'Europe centrale et orientale tendront à présenter des caractéristiques démographiques semblables à celles des populations occidentales (comme l'espérance de vie à la naissance, qui augmente après la crise des années 1990 suite à la chute du mur de Berlin). Sur la base de l'hypothèse de l'homogénéité interne propre à chacun des six groupes, nous avons tracé les profils démographiques communs pour chacun groupe. En général, ils semblent, avec le temps, se rapprocher les uns des autres, confirmant l'hypothèse de l'existence d'une évolution commune. C'est notamment le cas pour la natalité, la mortalité, l'accroissement naturel et la mortalité infantile. Pour ce qui est de la fécondité totale et de l'espérance de vie à la naissance par sexe, les profils communs qui correspondent à l'Europe centrale et orientale tendent à coïncider entre eux, se séparant plus ou moins nettement des deux profils communs associés à l'Europe élargie. Ce décrochage rend visible le retard entre les stades de transition démographique des deux blocs de populations, à l'Est et à l'Ouest de l'Europe, l'entrée de la Roumaine et de la Bulgarie dans l'Union européenne ayant encore accentué le décalage des profils démographiques à court terme. L'analyse des variables communes confirme que les divers groupes de populations nationales convergent vers un modèle démographique commun. La rapidité de convergence est plus élevée pour les composantes démographiques caractérisées par une faible variabilité territoriale (natalité, fécondité totale et mortalité infantile). Elle est plus faible pour les comportements qui présentent une plus grande différenciation géographique (mortalité générale et espérance de vie à la naissance). En général, la convergence est rapide pour les groupes formés par les populations occidentales, elle est plus lente dans le cas des groupes incluant les populations d'Europe orientale (CE 25, CE 27). Les différences entre les séries territoriales tendent à diminuer avec le temps, à l'exception de l'espérance de vie à la naissance, mais nous pouvons raisonnablement faire l'hypothèse que cette différence devrait se réduire dans un avenir proche.
Les profils démographiques communs, se référant à divers stades d'agrégation de l'Union, évoluent vers des modèles de populations à croissance zéro. La natalité décroît dans le temps, en se stabilisant dès les années 1990 à des niveaux moyens légèrement supérieurs à 10 pour mille. De la même façon, le taux de fécondité totale se réduit, à des valeurs au-dessous du niveau de substitution. À partir de la seconde moitié des années 1970, les taux moyens de mortalité tendent à diminuer graduellement. La mortalité infantile décroît constamment au cours du temps, autour de valeurs moyennes inférieures à 5 pour mille. Les profils communs convergent pour décrire une population caractérisée par un vieillissement croissant et par une espérance de vie moyenne élevée à la naissance. La convergence des parcours démographiques s'accompagne certainement de l'émergence de la dimension européenne des politiques sociales qui leur sont liées : la formation de couples et de nouveaux rapports intergénérationnels (dialogue parents/enfants plutôt que relations d'autorité et de respect), le vieillissement démographique avec la réforme des retraites, la distinction entre la mobilité interne et les migrations de voisinage avec la prise de conscience des problèmes d'intégration : autant de défis et de nouvelles frontières de l'État providence communautaire qui devraient caractériser de nouvelles politiques communes cohérentes avec les modèle social européen. La nouvelle population européenne qui se dessine après les bouleversements politiques dans l'est de l'Europe apparaît profondément différente de la somme des précédentes populations nationales, comme cela a été le cas dans l'Union européenne où un modèle de démographie plutôt uniforme s'est superposé de plus en plus aux précédentes caractéristiques nationales. Les populations de l'Europe, dans leur diversité, présentent de plus en plus de caractéristiques démographiques communes. L'homogénéité des comportements démographiques des Etats membres de l'Union européenne indique ainsi qu'une population européenne est née ; le processus d'adaptation des nouvelles populations d'Europe centrale et orientale est déjà commencé et il se poursuivra dans les prochaines années, confortant l'existence d'un peuple européen.
2) L'Europe et le monde : une lente prise de conscience [2]
À l'échelle mondiale, le décalage entre l'émergence de grands géants démographiques (Chine 1,293 milliard de personnes, Inde 1,007 milliard d'habitants, Indonésie 212 millions d'habitants) et le vieillissement démographique de l'Europe, de la Russie et du Japon crée de profondes lignes de fracture. D'un côté, se profilent les grands réservoirs démographiques du monde et de l'autre, des pays ou blocs de pays vieillissants, dont l'Europe. Au milieu du siècle, l'Inde dépassera 1,6 milliard d'habitants, le continent africain s'acheminera vers les 2 milliards prévus pour la fin du XXIème siècle tandis que la Chine commencera à voir sa population se stabiliser autour d'1,3 milliard à cause des effets de la politique de l'enfant unique. En 2000, un rapport du département de démographie des Nations unies sur les migrations de remplacement alertait déjà l'Europe sur cette nouvelle donne et sur les conséquences que l'Europe devrait en tirer dans son attitude à l'égard des flux migratoires. Dans un discours au Parlement européen en juillet 2004, le Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, disait que l'Europe ne pouvait plus se fermer à l'immigration et qu'elle devait devenir une terre d'immigration.
La mer Méditerranée constitue une illustration de ces lignes de fracture : sur sa rive sud, 50% de la population a moins de 25 ans et l'âge médian en Afrique est de 19 ans. Dès 2030, la planète atteindra 8 milliards d'habitants et l'Afrique aura dépassé, par sa population, la Chine et l'Inde dès 2030 pour atteindre 2 milliards d'habitants à la fin du siècle. Ce continent génère, chaque année, 20 à 25 millions de jeunes sur le marché du travail, avec un exode rural de 40% de jeunes au chômage qui s'acheminent vers de grandes villes comme Dakar (3 millions d'habitants).
Aux États-Unis, dont la population de 284 millions en 2007 s'élèvera à 400 millions en 2050, un Américain sur 7 est hispanique contre un sur 6 de nos jours. La Californie absorbe actuellement 30% des immigrés. En 2050, les Anglo-américains ne représenteront plus que 53% de la population, selon le rapport 2007 du SOPEMI (OCDE).
Mais l'épicentre de la population est en Asie : en 2030, l'Inde et la Chine représenteront le tiers de l'humanité et en 2050 on comptera 1,3 milliard d'habitants en Chine et 1,6 milliard d'habitants en Inde, qui sera le pays le plus peuplé de la planète. Ces pays asiatiques sont prêts à faire d'énormes investissements en Afrique, ce qui crée une poussée migratoire chez les Africains privés d'emplois sur place par la main d'œuvre chinoise ou indienne amenée par les entreprises. La population mondiale devrait se stabiliser autour de 2030-2050 pour décroître ensuite, se stabilisant autour de 8 à 9 milliards d'habitants.
L'Europe ne semble pas avoir pris la mesure de ces changements tout en étant obligée de trouver une solution : il faut un dialogue et des processus de décision multilatéraux sur les migrations pour éviter l'exode des cerveaux venus du tiers monde et notamment d'Afrique et l'arrivée clandestine des 27 000 Sénégalais qui, en un an en 2006, ont atteint les îles Canaries. La libre circulation des hommes fait partie de ce dialogue. En 2030, on considérera peut-être les migrations comme une opportunité plus qu'une menace, car la compétition sera plus rude pour obtenir les travailleurs immigrés les plus recherchés. L'Allemagne est dans un état d'urgence démographique : elle risque de perdre, en 25 ans, de 4 à 7 millions d'habitants, un tiers des femmes n'ont pas d'enfant, et même 40% des femmes diplômées ; 3% des hommes se sont fait stériliser. Le poids du nazisme qui prônait la famille nombreuse, le système scolaire où les enfants sortent de l'école à 13 heures et la volonté des mères d'assumer pleinement leur rôle en étant à la maison pour leurs enfants concourent à ce comportement malthusien qui aura des conséquences graves sur les systèmes de retraites, mais aussi sur la diffusion de la culture allemande, voire sur la disparition du peuple allemand annoncée par les plus pessimistes vers 2300... Il faudrait 3,2 millions d'immigrés par an d'ici 2050 pour maintenir la pyramide des âges telle qu'elle est dorénavant. L'Italie et l'Espagne sont aussi dans une situation critique : entrées brutalement dans une société post-industrielle avancée, leur population se caractérise par la chute de la natalité, le vieillissement et l'augmentation des flux migratoires, bouleversant la politique sociale et économique sur la longue période. Là encore, l'existence de la population peut paraître en jeu. Umberto Eco ne disait-il pas, dans une conférence à l'UNESCO, qu'à ce rythme dans un siècle il n'y aurait plus d'Italiens.
Dans le cas français, malgré l'" exception française ", constituée par son dynamisme démographique et son taux de remplacement des générations avec près de deux enfants par femme (1,9) et 800 000 naissances par an, le vieillissement des générations ne manquera pas néanmoins de s'aggraver entre 2015 et 2030 : le passage à la retraite des générations du " baby boom " aura pour effet de créer un nombre d'inactifs supérieur à celui des actifs, parallèlement à l'accroissement du quatrième âge dû au rallongement de la durée de la vie. Il en résultera des pénuries de main d'œuvre, un moindre dynamisme économique et un besoin de métiers de soins aux personnes âgées (dits du " care ") lié au vieillissement. L'immigration deviendra donc le principal facteur de dynamisme démographique d'ici 30 ans [3]. Il y aura moins de naissances et plus de décès, alors que la France compte, à présent, 300 000 naissances de plus que de décès, ce qui ne durera pas. On atteindra un solde négatif quand le nombre des " baby boomers " arrivera en fin de vie. Même si l'immigration reste à un niveau modéré (100 000 entrées par an), elle sera le principal moteur de croissance de la population française. La seule incertitude est sur la date à laquelle cela se passera. L'immigration constitue actuellement 8% de la population sur près de 60 millions d'habitants en France métropolitaine. Elle en comptait 3% en 1911, 5% en 1945, 7,5% entre 1975 et 1999 et 8% en 2004. La croissance de la population est due actuellement pour un quart au solde migratoire alors que dans les autres pays européens, elle est due parfois pour les trois quarts à l'immigration. La population immigrée constitue en France 10% de la population d'âge actif. Les naissances de mères étrangères sont au nombre de 100 000 sur les 800 000 annuelles (12%) et en moyenne, chez les mères étrangères, l'on compte 3,3 enfants par femme. La croissance de la population n'est certes pas seulement due à l'immigration mais le rôle de celle-ci va s'accélérer dans les années à venir à cause du profil de la pyramide des âges. En 2030, la France comptera 67 millions d'habitants, mais un Français sur 2 aura plus de 50 ans et un Français sur 10 plus de 80 ans. Le vieillissement signifie une moindre croissance économique, un coût accru du quatrième âge. Le nombre de personnes actives pour un retraité était de 8 pour un retraité en 1945, de 2,5 en 2000 et devrait être de 0,8 en 2050.
La semaine prochaine, cette étude se poursuivra par une analyse des réponses européennes en termes de migrations.
Bibliographie
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Sophie Body-Gendrot, La peur détruira-t-elle la ville ?, Paris, Bourin Editeur, 2008.
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Raimondo Cagiano de Azevedo, Maria Rita Sebastiani, " Europe : people or population ? " Giornate di studio sulla Popolazione, VII edizione, Latina, 14-16 dicembre 2007.
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Jack Lang, Hervé Le Bras, Immigration positive, Paris, Odile Jacob, 2006.
" Migrations internationales. Chaînon manquant de la mondialisation ", Courrier de la Planète, N° 81-82, Juillet-décembre 2006.
Antoine Pécoud, Paul de Gutcheneire (eds), Migration without borders. Essays on the free movement of people, UNESCO/Berghahn Books, 2007.
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Patrick Weil, Liberté, égalité, discriminations, Paris, Grasset, 2008.
Catherine Wihtol de Wenden, Atlas des migrations dans le monde, Paris, Autrement, 2005.
Catherine Wihtol de Wenden, " L'Union européenne et les enjeux migratoires ", in Thierry Chopin et Michel Foucher (dir.), L'Etat de l'Union 2007. Rapport Schuman sur l'Europe, Paris, Fondation Robert Schuman, Ed. Lignes de repères, 2007.
[1] Raimondo Cagiano de Azevedo, Maria Rita Sebastiani, " Europe : people or population ? ", Giornate di Studio sulla Populazione, VII edizione, Latina, Facoltà di Economia, 14-16 febbraio 2007,
[2] Catherine Wihtol de Wenden, " Vers un big bang démographique ", in Mathieu Vidard, Abécédaire pour les curieux. Les têtes au carré, Auxerre, Sciences Humaines, Editions 2008.
[3] François Héran, Le temps des immigrés, Paris, Seuil, 2006
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Communication de la Commission. Livre vert. Face aux changements démographiques, une nouvelle solidarité entre générations
COM (2005) 94 final du 16/03/2005
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 06/04/2005
Examen : 04/11/2005 (délégation pour l'Union européenne)
Questions sociales et santé
Livre vert sur les changements démographiques
Texte E 2848 - COM (2005) 94 final
(Procédure écrite du 4 novembre 2005)
La Commission européenne a adopté en mars 2005 un Livre vert, intitulé : « Face aux changements démographiques, une nouvelle solidarité entre générations ». À partir du constat de la faiblesse de l'accroissement démographique naturel de l'Europe, notamment dans les nouveaux pays membres, le Livre vert avance trois tendances de fond : l'allongement continu de la durée de vie, l'accroissement des effectifs des générations âgées de plus de 60 ans du fait du vieillissement des « enfants du baby-boom » et enfin une faible natalité persistante.
1. Le défi d'une natalité faible
Les Européens ont une fécondité qui n'assure plus le renouvellement des générations : parmi les cinq États membres les plus peuplés, seules les populations britannique et française augmenteraient entre 2005 et 2050, respectivement de + 8 % et de + 9,6 %. Or, le Livre vert constate qu'il existe un écart significatif entre le nombre d'enfants que les européens désirent (2,3 en moyenne) et le nombre d'enfants qu'ils ont en réalité (1,5). Dans ce contexte, la Commission s'interroge sur une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, sur une répartition plus équilibrée des responsabilités entre hommes et femmes ou sur l'amélioration des structures et des services de gardes d'enfants.
2. La contribution possible de l'immigration
Le Livre vert évoque la possibilité pour l'immigration extra-européenne de compenser en partie la baisse de la population d'ici 2025 et s'interroge sur les politiques d'intégration des nouveaux migrants.
Cet aspect a déjà été soulevé par la Commission européenne dans son Livre vert sur « une approche communautaire de la gestion des migrations économiques » (texte E 2813). Robert Del Picchia a présenté à la délégation le 7 juin 2005 un rapport d'information sur la politique européenne d'immigration, dans lequel il indique que l'immigration ne constitue pas le « remède miracle » au vieillissement démographique, qu'il convient d'explorer d'autres voies, comme celles ouvertes par la stratégie de Lisbonne, et qu'enfin, cette approche ne tient pas suffisamment compte de la diversité de situation des États membres.
3. Une nouvelle solidarité entre générations
Alors que les jeunes rencontrent des difficultés importantes d'intégration, notamment dans le monde du travail, ils vont être amenés à prendre la relève de générations plus nombreuses. Le système éducatif sera donc confronté à un double mouvement : l'exigence d'élévation du niveau de formation et le besoin de parcours plus flexibles. Le Livre vert s'interroge dans ce contexte sur les moyens que pourraient développer les politiques communautaires pour réduire le risque de pauvreté et d'exclusion des jeunes, améliorer la qualité des systèmes de formation initiale et continue ou encore améliorer les transitions entre formation et vie professionnelle.
Par ailleurs, le Livre vert évoque l'adaptation de l'organisation du travail aux changements démographiques : faciliter l'intégration des jeunes couples, permettre aux plus âges de travailler davantage...
Les questions les plus nouvelles concernent les « seniors » et les personnes très âgées. Les « seniors » seront plus actifs et auront souvent un niveau de vie plus élevé qu'actuellement : le Livre vert s'interroge en conséquence sur l'âge légal de départ à la retraite, sur le cumul entre salaire et pension ou sur la mobilité des retraités entre États membres. Le nombre des personnes très âgées (plus de 80 ans) devrait doubler entre 2005 et 2030 et la répartition de la prise en charge de la dépendance de ces personnes entre familles, services sociaux et institutions deviendra une question encore plus importante.
En conclusion, le Livre vert indique que l'Europe devrait poursuivre trois priorités essentielles : retrouver le chemin de la croissance démographique, veiller à un équilibre entre les générations et inventer des transitions nouvelles entre les âges.
* * *
La première question posée par le Livre vert est la suivante : « estimez-vous que le niveau européen soit pertinent pour ouvrir une réflexion sur les évolutions démographiques et la gestion de leurs conséquences ? ». Face aux changements démographiques importants que les sociétés européennes connaissent, il semble naturel que les États membres échangent des informations et discutent des meilleures pratiques. Pour autant, à la fois du fait de traditions historiques et de situations nationales divergentes, le niveau des États, des collectivités locales ou des partenaires sociaux semble le plus pertinent pour traiter l'ensemble des questions soulevées par ce Livre vert.
En conclusion, la délégation a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'intervenir plus avant sur ce document de simple consultation.
https://www.senat.fr/ue/pac/E2848.html
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Le défi démographique : mythes et réalités
https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/le-defi-demographique-myhtes-et-realites.pdf
MIGRATION ET DÉVELOPPEMENT
A. L'ENJEU EUROPÉEN : COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE OU DÉLOCALISATION ?
M. Jean-Pierre GARSON, OCDE, Chef de la Division des économies non membres et des migrations internationales remercie les organisateurs du colloque et relève que celui-ci se tient à la veille de la publication par l'OCDE de son rapport annuel, intitulé «Les tendances des migrations internationales». Ce travail est publié dans un contexte de regain d'intérêt pour les questions migratoires, en Europe et au-delà.
La situation est très contrastée en Europe. L'Europe du Nord a des traditions migratoires anciennes, qui remontent au marché nordique; elle est aussi concernée par des flux de réfugiés. Longtemps pays d'émigration, les pays de l'Europe du Sud, Espagne, Italie, Grèce, Portugal, sont devenus des pays d'immigration. France, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas sont de leur côté confrontés à des flux migratoires importants et à un pourcentage non négligeable de clandestins. La forteresse Europe n'existe décidément pas. Il faut aussi préciser que dans le même temps, la vieille Europe souffre de pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs.
Du point de vue de la démographie, la situation est elle aussi contrastée. Elle n'est pas aussi catastrophique en France ou en Suède qu'en Italie et en Espagne. Mais il apparaît clairement, à la lecture du rapport des Nations Unies de 2000 que les apports migratoires resteront limités et ne permettront pas de faire face au vieillissement de la population européenne, sauf à recourir à des flux sans commune mesure avec ce que connaît le continent aujourd'hui. Cela supposerait aussi que tous les immigrés restent, ou qu'on peut vider de leur main d'oeuvre les pays à fort taux de fécondité comme le Maroc ou la Turquie. Il faut en effet tenir compte du retour, de la baisse tendancielle à moyen et long terme du taux de fécondité des populations immigrées et surtout de l'intégration. On ne peut promouvoir une politique sélective d'immigration sans une politique d'intégration.
Différentes solutions ont été mises en place pour pallier les pénuries constatées de main-d'oeuvre: la green card à l'allemande, ciblée sur un secteur particulier (en l'espèce l'informatique) qui n'a cependant pas eu les résultats escomptés; la solution française, plus souple, qui laisse une grande latitude au niveau local; la labour shortage list à la britannique enfin. Ces dispositifs apportent de la souplesse au marché du travail, étant entendu qu'ils peuvent jouer dans les deux sens: quand le besoin est là, on ouvre; quand il disparaît, on ferme. C'est ce qui s'est passé il y a peu aux États-Unis: et sont restés sur le carreau la moitié des informaticiens immigrés embauchés dans le cadre des programmes particuliers ...
Il est clair qu'on ne règlera pas les problèmes du marché du travail par un recours à l'immigration, du moins tant que le taux de chômage avoisinera les 10% - c'est-à-dire 20% chez les jeunes, 30% à 40% dans certaines communautés étrangères en France, en Suède ou en Belgique. Dans une telle situation, le recours à l'immigration fait le lit du populisme et des extrêmes. Mieux vaut favoriser l'intégration des deuxième et troisième générations par l'éducation, la formation et l'emploi que, par exemple, mener une politique généralisée de quotas qui ne tiendrait compte ni des besoins, ni des conditions d'intégration. On s'en remettait, dans le passé, à de la main-d'oeuvre bon marché; il en va différemment avec les migrants qualifiés, compte tenu de la compétition entre pays développés pour les attirer. L'important est alors de développer des politiques structurelles, en matière de recherche, par exemple.
M. Michel GEVREY, Membre du Conseil économique et social (CES), rapporteur sur «Les défis de l'immigration future» relève d'abord l'ambiguïté du mot «intégration»: tout étranger qui vient en France n'aspire pas à s'intégrer ou à être intégré, par exemple les saisonniers ou les étudiants.
La France a réussi à intégrer dans les années 1960 des flux importants d'étrangers de culture éloignée de la sienne; les nouveaux ou futurs migrants, venant par exemple des pays de l'est européen, lui sont plus proches de par leur niveau de qualification, leur connaissance de la langue ou leurs valeurs. Il faut dès lors redéfinir ce qu'on entend, au cas par cas, par «intégration». Car celle-ci ne se décrète pas, c'est un processus d'autant plus long que le niveau d'instruction et de formation des migrants est bas; ce handicap social par rapport aux nationaux doit être compensé. L'intégration dépend en outre fortement de l'environnement de l'immigré, un environnement qui peut être marqué par l'exclusion ou le repli sur soi. Le pays d'accueil a besoin d'apprendre ce que sont, ce que font les immigrés et percevoir ce qu'ils peuvent apporter au développement national. Nombre de discriminations sont le résultat de réponses insuffisantes en termes d'éducation, de logement, de travail, de loisirs, de citoyenneté.
Le CES estime que le recours à une immigration maîtrisée, organisée, peut contribuer à la croissance économique, à l'emploi, voire au financement des systèmes de retraites et de protection sociale, non en concurrence ou en substitution des politiques familiales ou d'incitation à l'emploi des plus âgés, mais en complémentarité. Le CES relève le contexte nouveau, marqué par la mondialisation des échanges et l'élargissement des espaces régionaux multinationaux, marqué aussi par le risque, en France comme en Europe, de pénuries de compétences. Une relance ciblée de la politique d'immigration pourrait dès lors s'imposer. Après 2005, de nombreux métiers connaîtront des difficultés de recrutement, aggravées par la désaffection des jeunes générations pour certains d'entre eux - métiers peu qualifiés, emplois de service, bâtiment, travaux agricoles... Comme cette tendance se reflétera dans la plupart des pays développés, on peut s'attendre à une concurrence de plus en plus vive pour attirer une main-d'oeuvre complémentaire, jeune et productive, issue des pays d'émigration: les pays qui auront le moins anticipé seront d'autant plus pénalisés que les flux migratoires s'inscrivent dans la durée et dans des traditions: ils ne peuvent être créés ex nihilo sans inconvénient.
Le contexte démographique en France est marqué par un allongement de la durée de vie et une élévation de l'âge moyen de la population totale. Le taux de natalité se maintient en outre au dessus de 2,1, ce qui assure le renouvellement des générations. M. Héran, de l'INED., note que «la France est le seul grand pays d'Europe qui pourra maintenir les effectifs de sa population d'âge actif sur le demi-siècle qui vient. Elle atteindra cet objectif si sa fécondité reste voisine du seuil de remplacement et si elle continue d'accueillir des immigrants au rythme d'environ 120 000 par an en migration nette».
Les flux et soldes migratoires en France ont beaucoup varié depuis 1955. Ils ont atteint une moyenne annuelle de 180 000 jusqu'en 1973, puis ont chuté à 50 000 entre 1974 et 2001, soit un total sur 47 ans d'environ 4 880 000 personnes, ce qui représente encore une moyenne de 103 800 personnes par an. Pour l'avenir, le CES, comme M. Héran, estime les flux moyens annuels à environ 120 000 à 140 000.
La fécondité des femmes en France demeure la plus élevée d'Europe avec celle de l'Irlande. La tendance au vieillissement des autres populations est donc, de ce point de vue, plus élevée. Un certain nombre de pays européens, tels l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suède, l'Italie, l'Espagne et le Portugal compensent par un recours accrû à l'immigration. A l'inverse, la France est devenu le pays d'Europe avec le plus faible solde migratoire: 0,8 % en 2000 et 0,7% sur la période 1995-1999, contre 1,8 dans l'Union européenne (2,5 en Allemagne, 2,1 en Italie, 1,1 en Espagne, 2,0 au Royaume-Uni et 4,3 en Irlande). Alors que les soldes migratoires représentent depuis 1990 les deux tiers de l'accroissement de la population de l'Union européenne, ils n'en représentent qu'un cinquième en France. La croissance démographique de l'Europe occidentale est ainsi de plus en plus conditionnée par l'immigration: en Allemagne, en Suède, en Belgique, en Italie, tout l'accroissement de la population peut être attribué à l'immigration du fait des faibles taux de fécondité.
L'orateur évoque enfin les délocalisations, qu'on oppose souvent au besoin d'immigration. Ce phénomène recouvre les transferts d'entreprises et la sous-traitance; il s'explique par la mondialisation, la recherche de la productivité et du moindre coût de main-d'oeuvre et n'est qu'exceptionnellement fondé sur une volonté de développement du pays hôte. Il est, dans certains cas, accompagné de formes d'exploitation humaine, comme le travail des enfants. Il affecte davantage les emplois qualifiés que les autres - voir la sous-traitance informatique en Inde.
L'orateur conclut en attirant l'attention sur quatre situations lourdes d'injustice: la double discrimination dont sont souvent victimes les femmes de l'immigration, en tant que femmes et en tant qu'immigrées; la situation préoccupante des mineurs isolés, proies faciles de la criminalité; celle des Roms, qui ne sont, par exemple, pas reconnus comme authentiquement roumains par la Roumanie alors qu'ils sont originaires de ce pays - ce qui relativise la portée des accords récents passés avec la France; enfin, l'immigration dans les DOM-TOM, porteuse de risques de déstabilisation, particulièrement en Guyane et à Mayotte.
https://www.senat.fr/rap/r03-273/r03-2739.html
https://www.senat.fr/rap/r03-273/r03-2731.pdf
L’avenir démographique de l’Europe, transformer un défi en opportunité
http://ses.ens-lyon.fr/ses/fichiers/avenir-demographique-europe-commission-europeenne.pdf
Les traîtres de l’histoire de France
18 DÉCEMBRE 2013 | POLÉMIA
https://www.polemia.com/les-traitres-de-lhistoire-de-france/
Le rapport sur l’immigration : un négationnisme raciste anti-français
♦ Quand on lit ce rapport de « prétendus experts » qui devra servir de base à la réflexion gouvernementale, on a du mal à y croire. Cela ressemble à l’un de ces faux qui circulent sur internet et qui sont de l’intoxication. Pour le moment, cependant, personne n’a démenti la réalité du rapport, même si on peut estimer maintenant qu’il ira aux oubliettes.
On peut même penser qu’il sera fatal à Jean-Marc Ayrault et précipitera un remaniement gouvernemental. Car c’est le premier ministre qui a salué le sérieux de ce travail. Ce document confirme donc qu’ il y a en France des « experts », gens présentés comme faisant partie de l’» élite » qui sont des traîtres à l’ histoire et l’identité de leur pays, qui haïssent la France et les français au point de vouloir les faire disparaître. Ces négationnistes de l’histoire et de l’identité française devraient être poursuivis au nom des lois antiracistes qui devraient leur revenir comme un boomerang dans la figure.
En fait, ils veulent une France où les français soient réduits en dhimmitude par l’immigration arabo-musulmane. Ce grand remplacement de population annoncé par certains avec lucidité, ils ne veulent pas l’encadrer. Ils veulent lui donner tous les moyens de s’imposer et de prendre le pouvoir pour faire de notre pays un appendice du monde arabo-musulman. Cela ne peut s’expliquer que par la psychanalyse et une haine mortifère de soi, par une haine fondamentale de ce qu’a été la France et de ce qui doit l’être encore et à jamais, même en tenant compte des évolutions.
Thierry Thuot conseiller d’Etat et son rapport sur « La refondation des politiques d'intégration ».
Thierry Thuot conseiller d’Etat et son rapport sur « La refondation des politiques d’intégration ».
Ils se détestent tant qu’ils veulent disparaitre. Ils ont raison de se détester car ils sont vraiment le pire de ce qu’un pays peut produire. Un système politique qui produit de tels experts est condamné. Ce sont des « renégats », c’est à dire des non musulmans qui se mettent au service de l’islam et plus largement de l’étranger, mais de l’étranger identifié très largement à une religion.
C’est tellement gros que certains à l’Ump se demandent s’il ne s’agit pas tout simplement d’une manœuvre pour gonfler le score du Fn aux prochaines élections municipales et européennes. Ce texte sur l’intégration qui renonce à l’intégration est un rapport sur la dissolution de l’identité historique de la France. Ce sont les français, coupables de tout, qui doivent accepter la loi des migrants et des étrangers porteurs de notre avenir. C’est tellement abject qu’on se demande vraiment comment on peut fabriquer de tels experts et écouter ces négationnistes d’une histoire qui a donné au monde l’une des plus belles civilisations.
Porter le foulard, remplacer Racine, Corneille et Molière par l’étude de l’arabe dialectal ou du bambara, gommer Napoléon et étudier l’histoire de l’Afrique noire du moyen âge, ignorer Versailles, le Louvre, au profit d’un Kral zulu… ce n’est pas seulement valoriser l étranger, c’est nier le génie français.
Voila ce qu’en pense l’essayiste Malika Sorel qui exprime globalement l’ahurissement des intellectuels issus justement de l’immigration. « Ce rapport rompt avec l’intégration et propose un tournant majeur axé sur la conflictualité. Il veut bouleverser la société française et part du principe que la France est coupable et raciste et qu’il faut tout remettre en cause. Il prône une société multiculturelle alors que c’est un modèle conflictuel, où il n’y a pas de normes. Dans le détail, je reproche à ce rapport particulièrement trois points. D’abord, sa volonté de remettre en cause la suprématie de la langue française en voulant reconnaître “la place essentielle” de la langue parlée en famille. Ensuite, ce rapport vise à modifier le contenu des programmes d’histoire en voulant intensifier la transmission de l’histoire colonialiste et esclavagiste. Or, ce sont des thèmes qu’il faut replacer dans leur contexte. Ce rapport veut élever les enfants issus de l’immigration contre la France. Enfin, la proposition de supprimer la loi sur le voile est une provocation pure et simple. C’est très grave. Cette loi pacifie justement les écoles et fait qu’un enfant est considéré comme un élève, pas comme un religieux. »
Elle dit différemment la même chose que nous. Ce rapport est une honte et ses auteurs méritent le plus grand des mépris. On retiendra un nom, celui de l’homme qui porte ce rapport et en est fier apparemment : Thierry Tuot, conseiller d’Etat, celui qui a remis au gouvernement le rapport «La grande nation : pour une société inclusive», sur les politiques d’intégration depuis trente ans. Il y est ainsi suggéré de mettre en place un «titre de tolérance» pour régulariser par étapes une grande partie des sans-papiers inexcusables, ou encore d’apaiser les débats sur l’islam, notamment en arrêtant de s’appesantir sur le port du voile et d’enseigner l’identité arabo orientale de la France.
Au regard des réactions, cela n’ira donc sans doute pas plus loin qu’un ballon d’essai ou une provocation instrumentalisée, chacun jugera. Mais si le pouvoir allait un jour dans cette direction pour flatter « ses » électeurs et jouer avec une démocratie communautariste comme en Afrique par exemple, on rappellera aux experts du négationnisme de la France cette maxime : « qui sème le vent récolte la tempête »
Raoul Fougax
le 15/12/2013
Source : Metamag.fr
Voir aussi :
Malika Sorel-Sutter: «Une véritable police de la pensée»
Assimilation, intégration ou société « inclusive » ?
Démographie, immigration, intégration (1ère partie)
https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0111-demographie-immigration-integration-1ere-partie
rapport complet : https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-111-112-113-fr.pdf
29/09/2008
Ce texte a été rédigé avec le concours de Raimondo CAGIANO de AZEVEDO (Université La Sapienza, Rome).
Résumé : L'immigration constitue l'une des priorités de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne. A quelques jours du Conseil européen des 15 et 16 octobre prochains qui devrait aboutir à l'adoption du Pacte européen sur l'immigration et l'asile proposé par la France, Catherine Wihtol de Wenden propose une analyse des enjeux et des défis qui sous-tendent cette priorité de la PFUE.
Cette semaine, dans un premier texte, avec le concours de Raimondo Cagiano de Azevedo, elle brosse un tableau des tendances démographiques de l'Union européenne et de ses États membres.
Elle procédera ensuite à une analyse des réponses européennes en termes de migrations (6 octobre), et dressera enfin un bilan des expériences des politiques d'intégration menées au sein de l'Union européenne (13 octobre).
Introduction
L'évolution démographique des pays de l'Union européenne au sein d'un monde en mouvement est riche de conséquences sur sa place dans le monde. Beaucoup d'analystes " refusent de voir " le lien entre croissance économique et dynamisme démographique et ne cherchent donc pas à le vérifier. Pour compenser son déficit démographique, l'Union européenne va devoir ouvrir ses frontières à une forte immigration, pensée comme fruit d'un choix sélectif, et s'attacher à réussir l'intégration. Au cours de ces dernières années, l'Europe, qui peine à contrôler ses frontières, range l'immigration dans les questions sécuritaires et tente d'associer à cette tâche ses voisins du Sud, alors qu'elle est devenue l'une des plus grandes régions d'immigration du monde. Mais elle tarde à se reconnaître comme telle car elle a longtemps considéré l'immigration comme un phénomène provisoire et elle a ensuite donné la priorité à la sécurité sur les besoins de main d'œuvre et sur les impératifs d'inclusion sociale plutôt que de prendre en compte le vieillissement de sa population. La poursuite de l'arrivée clandestine de nouveaux arrivants est vécue comme une " invasion de pauvres " venant s'installer dans une Europe impuissante à protéger ses frontières. Tous les éléments parfois contradictoires qui lui sont posés par cette nouvelle donne (problème démographique, immigration nécessaire, intégration indispensable) nourrissent pourtant la conviction qu'il s'agit là d'un atout à saisir particulièrement important.
Quels liens peut-on faire entre tendances démographiques, besoin d'immigration et nécessité de vivre ensemble ? Les démographes s'accordent pour constater que l'Europe est entrée dans une phase de vieillissement démographique qui va s'accroître avec l'arrivée à l'âge de la retraite des " baby boomers " à l'horizon 2010. Aussi, l'immigration est-elle considérée à la fois comme un facteur de croissance démographique de l'Europe à l'horizon 2030 et comme une réponse aux besoins de main d'œuvre, tant dans des secteurs ne pouvant pas être délocalisés à l'étranger que dans ceux qui affrontent la concurrence mondialisée où les profils d'immigrés les plus recherchés peuvent apporter un élément de dynamisme économique et de créativité dans une concurrence mondialisée pour le recrutement des plus compétents. Mais l'immigration est surtout vécue comme un traumatisme dans la plupart des pays européens. L'idée qu'il faut trouver des solutions pour vivre ensemble, de façon plus harmonieuse et dans le respect des droits de l'Homme, avec une population étrangère qui bouge mais qui peut s'installer est encore assez peu partagée. Comment résoudre cet ensemble de paradoxes ?
Au moment de la présidence française de l'Union européenne, de la mise en œuvre du Pacte européen sur l'immigration et du lancement du projet d'Union pour la Méditerranée, il importe d'aller plus avant dans cet ensemble de questionnements liant démographie, immigration et intégration. Après avoir brossé un tableau des tendances démographiques de l'Union européenne (I), nous procéderons à une analyse des réponses européennes en termes de migrations (II), puis nous dresserons un bilan des expériences du " vivre ensemble " (III).
I – L'Europe, peuple ou population ? [1]
Sur les quelque 495 millions d'habitants que compte l'Union européenne, ses 27 Etats membres se caractérisent par une très grande disparité quant à la taille de leurs populations respectives. Ils peuvent être classés en quatre groupes : les " grands pays " ayant une population supérieure à 50 millions d'habitants (Allemagne 82 millions, France 60 millions, Italie 57,8 millions, Royaume-Uni 57,5 millions), les pays ayant une population comprise entre 20 et 40 millions d'habitants (Espagne 39,8 millions, Pologne 38,7 millions, Roumanie 22,5 millions), les pays ayant une population se situant autour de 10 millions d'habitants (Pays-Bas 15,7 millions, Grèce 10,6 millions, République tchèque 10,3 millions, Belgique et Hongrie 10,2 millions, Portugal 10,1 millions, Suède 8,9 millions, Bulgarie 8,3 millions, Autriche 8,1 millions), les " petits pays " au regard de leur population, inférieure ou égale à 5 millions d'habitants (Slovaquie 5,4 millions, Danemark 5,3 millions, Finlande 5,2 millions, Lituanie 3,7 millions, Irlande 3,5 millions, Lettonie 2,3 millions, Slovénie, 2 millions, Estonie 1,5 million, Chypre 752 000, Luxembourg 420 000, Malte 389 000). De telles disparités pourraient cacher des tendances démographiques radicalement différentes. Il semble bien que ça ne soit pas le cas.
1) Vers la convergence des profils démographiques des Européens
Chaque population peut être décrite, d'un point de vue démographique, en termes de structure et de dynamiques naturelles et migratoires. Or, il semble que les diverses populations nationales tendent vers une population européenne relativement uniforme, caractérisée par un profil démographique commun. Nous considèrerons ici l'évolution des profils démographiques des États membres en comparant six groupes de pays, correspondant chacun à un certain stade d'évolution de l'Union : à 6, à 10, à 12, à 15, à 25 et à 27 (représenté par les symboles CE 6, CE 10, CE 12, CE 15, CE 25, CE 27). Pour décrire les profils démographiques des populations européennes, nous avons pris comme référence les indicateurs suivants : taux de natalité, taux de mortalité, taux de mortalité infantile, taux de fécondité totale, taux d'accroissement naturel, espérance de vie à la naissance par sexe. Pour chacun des 27 Etats membres, nous avons considéré les séries historiques de ces indicateurs (et éventuellement celles des données absolues de stocks et de flux dont ils dérivent pour les années comprises entre 1961, date de la 1ère conférence démographique européenne et 2004). Ces données sont celles de la Banque de données du Conseil de l'Europe (2006), complétée par celles d'Eurostat. Nous avons ainsi tracé les profils démographiques communs de l'Union européenne à ses différents stades d'adhésion. Dans le cas de la natalité, de la mortalité, de l'accroissement naturel et de la mortalité infantile, nous avons pu procéder en calculant les taux ramenés au niveau de la population européenne totale. Pour le taux de fécondité totale et l'espérance de vie à la naissance, il a fallu élaborer des données pour déterminer les composantes au niveau de la population européenne totale. Pour vérifier si les différentes populations européennes convergent effectivement vers un profil démographique commun, nous avons mesuré la variabilité interne pour chaque groupe de pays identifié par la date d'adhésion et pour chaque indicateur déterminé. Dans le cas des taux de natalité, de mortalité, d'accroissement naturel ou de mortalité infantile, nous avons pondéré les différences entre chaque taux et le taux moyen avec des poids proportionnels aux populations de chacun des pays. Ainsi, si l'on compare l'Union européenne, en 1961 et 2004, avant l'appartenance des pays à l'Union à ces différentes périodes, nous constatons que la convergence des profils démographiques est bien moindre dans le passé qu'actuellement et que le passage de 10 à 15, puis de 15 à 25, et enfin de 25 à 27 a d'abord marqué des disparités qui se sont estompées ensuite. C'est lorsque l'Europe était à 6 et à 10 que l'homogénéité des profils démographiques était la plus forte si l'on compare la convergence des critères de variabilité retenus.
L'analyse de l'évolution des profils démographiques des populations nationales suggère que celles-ci tendent, avec le temps, à marquer des comportements semblables. Ces affinités sont particulièrement nettes dans le cas de la natalité, de la fécondité totale et de la mortalité infantile. Du point de vue territorial, les similarités sont plus fortes dans le cas des regroupements formés par les populations des pays occidentaux (CE 6, CE 10, CE 12, CE 15). À l'intérieur des groupes CE 25 et CE 27 il y a des différences significatives entre les profils démographiques des populations occidentales et orientales, surtout en matière de mortalité. Mais certains signaux laissent présupposer que, dans l'avenir, les populations d'Europe centrale et orientale tendront à présenter des caractéristiques démographiques semblables à celles des populations occidentales (comme l'espérance de vie à la naissance, qui augmente après la crise des années 1990 suite à la chute du mur de Berlin). Sur la base de l'hypothèse de l'homogénéité interne propre à chacun des six groupes, nous avons tracé les profils démographiques communs pour chacun groupe. En général, ils semblent, avec le temps, se rapprocher les uns des autres, confirmant l'hypothèse de l'existence d'une évolution commune. C'est notamment le cas pour la natalité, la mortalité, l'accroissement naturel et la mortalité infantile. Pour ce qui est de la fécondité totale et de l'espérance de vie à la naissance par sexe, les profils communs qui correspondent à l'Europe centrale et orientale tendent à coïncider entre eux, se séparant plus ou moins nettement des deux profils communs associés à l'Europe élargie. Ce décrochage rend visible le retard entre les stades de transition démographique des deux blocs de populations, à l'Est et à l'Ouest de l'Europe, l'entrée de la Roumaine et de la Bulgarie dans l'Union européenne ayant encore accentué le décalage des profils démographiques à court terme. L'analyse des variables communes confirme que les divers groupes de populations nationales convergent vers un modèle démographique commun. La rapidité de convergence est plus élevée pour les composantes démographiques caractérisées par une faible variabilité territoriale (natalité, fécondité totale et mortalité infantile). Elle est plus faible pour les comportements qui présentent une plus grande différenciation géographique (mortalité générale et espérance de vie à la naissance). En général, la convergence est rapide pour les groupes formés par les populations occidentales, elle est plus lente dans le cas des groupes incluant les populations d'Europe orientale (CE 25, CE 27). Les différences entre les séries territoriales tendent à diminuer avec le temps, à l'exception de l'espérance de vie à la naissance, mais nous pouvons raisonnablement faire l'hypothèse que cette différence devrait se réduire dans un avenir proche.
Les profils démographiques communs, se référant à divers stades d'agrégation de l'Union, évoluent vers des modèles de populations à croissance zéro. La natalité décroît dans le temps, en se stabilisant dès les années 1990 à des niveaux moyens légèrement supérieurs à 10 pour mille. De la même façon, le taux de fécondité totale se réduit, à des valeurs au-dessous du niveau de substitution. À partir de la seconde moitié des années 1970, les taux moyens de mortalité tendent à diminuer graduellement. La mortalité infantile décroît constamment au cours du temps, autour de valeurs moyennes inférieures à 5 pour mille. Les profils communs convergent pour décrire une population caractérisée par un vieillissement croissant et par une espérance de vie moyenne élevée à la naissance. La convergence des parcours démographiques s'accompagne certainement de l'émergence de la dimension européenne des politiques sociales qui leur sont liées : la formation de couples et de nouveaux rapports intergénérationnels (dialogue parents/enfants plutôt que relations d'autorité et de respect), le vieillissement démographique avec la réforme des retraites, la distinction entre la mobilité interne et les migrations de voisinage avec la prise de conscience des problèmes d'intégration : autant de défis et de nouvelles frontières de l'État providence communautaire qui devraient caractériser de nouvelles politiques communes cohérentes avec les modèle social européen. La nouvelle population européenne qui se dessine après les bouleversements politiques dans l'est de l'Europe apparaît profondément différente de la somme des précédentes populations nationales, comme cela a été le cas dans l'Union européenne où un modèle de démographie plutôt uniforme s'est superposé de plus en plus aux précédentes caractéristiques nationales. Les populations de l'Europe, dans leur diversité, présentent de plus en plus de caractéristiques démographiques communes. L'homogénéité des comportements démographiques des Etats membres de l'Union européenne indique ainsi qu'une population européenne est née ; le processus d'adaptation des nouvelles populations d'Europe centrale et orientale est déjà commencé et il se poursuivra dans les prochaines années, confortant l'existence d'un peuple européen.
2) L'Europe et le monde : une lente prise de conscience [2]
À l'échelle mondiale, le décalage entre l'émergence de grands géants démographiques (Chine 1,293 milliard de personnes, Inde 1,007 milliard d'habitants, Indonésie 212 millions d'habitants) et le vieillissement démographique de l'Europe, de la Russie et du Japon crée de profondes lignes de fracture. D'un côté, se profilent les grands réservoirs démographiques du monde et de l'autre, des pays ou blocs de pays vieillissants, dont l'Europe. Au milieu du siècle, l'Inde dépassera 1,6 milliard d'habitants, le continent africain s'acheminera vers les 2 milliards prévus pour la fin du XXIème siècle tandis que la Chine commencera à voir sa population se stabiliser autour d'1,3 milliard à cause des effets de la politique de l'enfant unique. En 2000, un rapport du département de démographie des Nations unies sur les migrations de remplacement alertait déjà l'Europe sur cette nouvelle donne et sur les conséquences que l'Europe devrait en tirer dans son attitude à l'égard des flux migratoires. Dans un discours au Parlement européen en juillet 2004, le Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, disait que l'Europe ne pouvait plus se fermer à l'immigration et qu'elle devait devenir une terre d'immigration.
La mer Méditerranée constitue une illustration de ces lignes de fracture : sur sa rive sud, 50% de la population a moins de 25 ans et l'âge médian en Afrique est de 19 ans. Dès 2030, la planète atteindra 8 milliards d'habitants et l'Afrique aura dépassé, par sa population, la Chine et l'Inde dès 2030 pour atteindre 2 milliards d'habitants à la fin du siècle. Ce continent génère, chaque année, 20 à 25 millions de jeunes sur le marché du travail, avec un exode rural de 40% de jeunes au chômage qui s'acheminent vers de grandes villes comme Dakar (3 millions d'habitants).
Aux États-Unis, dont la population de 284 millions en 2007 s'élèvera à 400 millions en 2050, un Américain sur 7 est hispanique contre un sur 6 de nos jours. La Californie absorbe actuellement 30% des immigrés. En 2050, les Anglo-américains ne représenteront plus que 53% de la population, selon le rapport 2007 du SOPEMI (OCDE).
Mais l'épicentre de la population est en Asie : en 2030, l'Inde et la Chine représenteront le tiers de l'humanité et en 2050 on comptera 1,3 milliard d'habitants en Chine et 1,6 milliard d'habitants en Inde, qui sera le pays le plus peuplé de la planète. Ces pays asiatiques sont prêts à faire d'énormes investissements en Afrique, ce qui crée une poussée migratoire chez les Africains privés d'emplois sur place par la main d'œuvre chinoise ou indienne amenée par les entreprises. La population mondiale devrait se stabiliser autour de 2030-2050 pour décroître ensuite, se stabilisant autour de 8 à 9 milliards d'habitants.
L'Europe ne semble pas avoir pris la mesure de ces changements tout en étant obligée de trouver une solution : il faut un dialogue et des processus de décision multilatéraux sur les migrations pour éviter l'exode des cerveaux venus du tiers monde et notamment d'Afrique et l'arrivée clandestine des 27 000 Sénégalais qui, en un an en 2006, ont atteint les îles Canaries. La libre circulation des hommes fait partie de ce dialogue. En 2030, on considérera peut-être les migrations comme une opportunité plus qu'une menace, car la compétition sera plus rude pour obtenir les travailleurs immigrés les plus recherchés. L'Allemagne est dans un état d'urgence démographique : elle risque de perdre, en 25 ans, de 4 à 7 millions d'habitants, un tiers des femmes n'ont pas d'enfant, et même 40% des femmes diplômées ; 3% des hommes se sont fait stériliser. Le poids du nazisme qui prônait la famille nombreuse, le système scolaire où les enfants sortent de l'école à 13 heures et la volonté des mères d'assumer pleinement leur rôle en étant à la maison pour leurs enfants concourent à ce comportement malthusien qui aura des conséquences graves sur les systèmes de retraites, mais aussi sur la diffusion de la culture allemande, voire sur la disparition du peuple allemand annoncée par les plus pessimistes vers 2300... Il faudrait 3,2 millions d'immigrés par an d'ici 2050 pour maintenir la pyramide des âges telle qu'elle est dorénavant. L'Italie et l'Espagne sont aussi dans une situation critique : entrées brutalement dans une société post-industrielle avancée, leur population se caractérise par la chute de la natalité, le vieillissement et l'augmentation des flux migratoires, bouleversant la politique sociale et économique sur la longue période. Là encore, l'existence de la population peut paraître en jeu. Umberto Eco ne disait-il pas, dans une conférence à l'UNESCO, qu'à ce rythme dans un siècle il n'y aurait plus d'Italiens.
Dans le cas français, malgré l'" exception française ", constituée par son dynamisme démographique et son taux de remplacement des générations avec près de deux enfants par femme (1,9) et 800 000 naissances par an, le vieillissement des générations ne manquera pas néanmoins de s'aggraver entre 2015 et 2030 : le passage à la retraite des générations du " baby boom " aura pour effet de créer un nombre d'inactifs supérieur à celui des actifs, parallèlement à l'accroissement du quatrième âge dû au rallongement de la durée de la vie. Il en résultera des pénuries de main d'œuvre, un moindre dynamisme économique et un besoin de métiers de soins aux personnes âgées (dits du " care ") lié au vieillissement. L'immigration deviendra donc le principal facteur de dynamisme démographique d'ici 30 ans [3]. Il y aura moins de naissances et plus de décès, alors que la France compte, à présent, 300 000 naissances de plus que de décès, ce qui ne durera pas. On atteindra un solde négatif quand le nombre des " baby boomers " arrivera en fin de vie. Même si l'immigration reste à un niveau modéré (100 000 entrées par an), elle sera le principal moteur de croissance de la population française. La seule incertitude est sur la date à laquelle cela se passera. L'immigration constitue actuellement 8% de la population sur près de 60 millions d'habitants en France métropolitaine. Elle en comptait 3% en 1911, 5% en 1945, 7,5% entre 1975 et 1999 et 8% en 2004. La croissance de la population est due actuellement pour un quart au solde migratoire alors que dans les autres pays européens, elle est due parfois pour les trois quarts à l'immigration. La population immigrée constitue en France 10% de la population d'âge actif. Les naissances de mères étrangères sont au nombre de 100 000 sur les 800 000 annuelles (12%) et en moyenne, chez les mères étrangères, l'on compte 3,3 enfants par femme. La croissance de la population n'est certes pas seulement due à l'immigration mais le rôle de celle-ci va s'accélérer dans les années à venir à cause du profil de la pyramide des âges. En 2030, la France comptera 67 millions d'habitants, mais un Français sur 2 aura plus de 50 ans et un Français sur 10 plus de 80 ans. Le vieillissement signifie une moindre croissance économique, un coût accru du quatrième âge. Le nombre de personnes actives pour un retraité était de 8 pour un retraité en 1945, de 2,5 en 2000 et devrait être de 0,8 en 2050.
La semaine prochaine, cette étude se poursuivra par une analyse des réponses européennes en termes de migrations.
Bibliographie
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[1] Raimondo Cagiano de Azevedo, Maria Rita Sebastiani, " Europe : people or population ? ", Giornate di Studio sulla Populazione, VII edizione, Latina, Facoltà di Economia, 14-16 febbraio 2007,
[2] Catherine Wihtol de Wenden, " Vers un big bang démographique ", in Mathieu Vidard, Abécédaire pour les curieux. Les têtes au carré, Auxerre, Sciences Humaines, Editions 2008.
[3] François Héran, Le temps des immigrés, Paris, Seuil, 2006
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Communication de la Commission. Livre vert. Face aux changements démographiques, une nouvelle solidarité entre générations
COM (2005) 94 final du 16/03/2005
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 06/04/2005
Examen : 04/11/2005 (délégation pour l'Union européenne)
Questions sociales et santé
Livre vert sur les changements démographiques
Texte E 2848 - COM (2005) 94 final
(Procédure écrite du 4 novembre 2005)
La Commission européenne a adopté en mars 2005 un Livre vert, intitulé : « Face aux changements démographiques, une nouvelle solidarité entre générations ». À partir du constat de la faiblesse de l'accroissement démographique naturel de l'Europe, notamment dans les nouveaux pays membres, le Livre vert avance trois tendances de fond : l'allongement continu de la durée de vie, l'accroissement des effectifs des générations âgées de plus de 60 ans du fait du vieillissement des « enfants du baby-boom » et enfin une faible natalité persistante.
1. Le défi d'une natalité faible
Les Européens ont une fécondité qui n'assure plus le renouvellement des générations : parmi les cinq États membres les plus peuplés, seules les populations britannique et française augmenteraient entre 2005 et 2050, respectivement de + 8 % et de + 9,6 %. Or, le Livre vert constate qu'il existe un écart significatif entre le nombre d'enfants que les européens désirent (2,3 en moyenne) et le nombre d'enfants qu'ils ont en réalité (1,5). Dans ce contexte, la Commission s'interroge sur une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, sur une répartition plus équilibrée des responsabilités entre hommes et femmes ou sur l'amélioration des structures et des services de gardes d'enfants.
2. La contribution possible de l'immigration
Le Livre vert évoque la possibilité pour l'immigration extra-européenne de compenser en partie la baisse de la population d'ici 2025 et s'interroge sur les politiques d'intégration des nouveaux migrants.
Cet aspect a déjà été soulevé par la Commission européenne dans son Livre vert sur « une approche communautaire de la gestion des migrations économiques » (texte E 2813). Robert Del Picchia a présenté à la délégation le 7 juin 2005 un rapport d'information sur la politique européenne d'immigration, dans lequel il indique que l'immigration ne constitue pas le « remède miracle » au vieillissement démographique, qu'il convient d'explorer d'autres voies, comme celles ouvertes par la stratégie de Lisbonne, et qu'enfin, cette approche ne tient pas suffisamment compte de la diversité de situation des États membres.
3. Une nouvelle solidarité entre générations
Alors que les jeunes rencontrent des difficultés importantes d'intégration, notamment dans le monde du travail, ils vont être amenés à prendre la relève de générations plus nombreuses. Le système éducatif sera donc confronté à un double mouvement : l'exigence d'élévation du niveau de formation et le besoin de parcours plus flexibles. Le Livre vert s'interroge dans ce contexte sur les moyens que pourraient développer les politiques communautaires pour réduire le risque de pauvreté et d'exclusion des jeunes, améliorer la qualité des systèmes de formation initiale et continue ou encore améliorer les transitions entre formation et vie professionnelle.
Par ailleurs, le Livre vert évoque l'adaptation de l'organisation du travail aux changements démographiques : faciliter l'intégration des jeunes couples, permettre aux plus âges de travailler davantage...
Les questions les plus nouvelles concernent les « seniors » et les personnes très âgées. Les « seniors » seront plus actifs et auront souvent un niveau de vie plus élevé qu'actuellement : le Livre vert s'interroge en conséquence sur l'âge légal de départ à la retraite, sur le cumul entre salaire et pension ou sur la mobilité des retraités entre États membres. Le nombre des personnes très âgées (plus de 80 ans) devrait doubler entre 2005 et 2030 et la répartition de la prise en charge de la dépendance de ces personnes entre familles, services sociaux et institutions deviendra une question encore plus importante.
En conclusion, le Livre vert indique que l'Europe devrait poursuivre trois priorités essentielles : retrouver le chemin de la croissance démographique, veiller à un équilibre entre les générations et inventer des transitions nouvelles entre les âges.
* * *
La première question posée par le Livre vert est la suivante : « estimez-vous que le niveau européen soit pertinent pour ouvrir une réflexion sur les évolutions démographiques et la gestion de leurs conséquences ? ». Face aux changements démographiques importants que les sociétés européennes connaissent, il semble naturel que les États membres échangent des informations et discutent des meilleures pratiques. Pour autant, à la fois du fait de traditions historiques et de situations nationales divergentes, le niveau des États, des collectivités locales ou des partenaires sociaux semble le plus pertinent pour traiter l'ensemble des questions soulevées par ce Livre vert.
En conclusion, la délégation a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'intervenir plus avant sur ce document de simple consultation.
https://www.senat.fr/ue/pac/E2848.html
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Le défi démographique : mythes et réalités
https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/le-defi-demographique-myhtes-et-realites.pdf
MIGRATION ET DÉVELOPPEMENT
A. L'ENJEU EUROPÉEN : COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE OU DÉLOCALISATION ?
M. Jean-Pierre GARSON, OCDE, Chef de la Division des économies non membres et des migrations internationales remercie les organisateurs du colloque et relève que celui-ci se tient à la veille de la publication par l'OCDE de son rapport annuel, intitulé «Les tendances des migrations internationales». Ce travail est publié dans un contexte de regain d'intérêt pour les questions migratoires, en Europe et au-delà.
La situation est très contrastée en Europe. L'Europe du Nord a des traditions migratoires anciennes, qui remontent au marché nordique; elle est aussi concernée par des flux de réfugiés. Longtemps pays d'émigration, les pays de l'Europe du Sud, Espagne, Italie, Grèce, Portugal, sont devenus des pays d'immigration. France, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas sont de leur côté confrontés à des flux migratoires importants et à un pourcentage non négligeable de clandestins. La forteresse Europe n'existe décidément pas. Il faut aussi préciser que dans le même temps, la vieille Europe souffre de pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs.
Du point de vue de la démographie, la situation est elle aussi contrastée. Elle n'est pas aussi catastrophique en France ou en Suède qu'en Italie et en Espagne. Mais il apparaît clairement, à la lecture du rapport des Nations Unies de 2000 que les apports migratoires resteront limités et ne permettront pas de faire face au vieillissement de la population européenne, sauf à recourir à des flux sans commune mesure avec ce que connaît le continent aujourd'hui. Cela supposerait aussi que tous les immigrés restent, ou qu'on peut vider de leur main d'oeuvre les pays à fort taux de fécondité comme le Maroc ou la Turquie. Il faut en effet tenir compte du retour, de la baisse tendancielle à moyen et long terme du taux de fécondité des populations immigrées et surtout de l'intégration. On ne peut promouvoir une politique sélective d'immigration sans une politique d'intégration.
Différentes solutions ont été mises en place pour pallier les pénuries constatées de main-d'oeuvre: la green card à l'allemande, ciblée sur un secteur particulier (en l'espèce l'informatique) qui n'a cependant pas eu les résultats escomptés; la solution française, plus souple, qui laisse une grande latitude au niveau local; la labour shortage list à la britannique enfin. Ces dispositifs apportent de la souplesse au marché du travail, étant entendu qu'ils peuvent jouer dans les deux sens: quand le besoin est là, on ouvre; quand il disparaît, on ferme. C'est ce qui s'est passé il y a peu aux États-Unis: et sont restés sur le carreau la moitié des informaticiens immigrés embauchés dans le cadre des programmes particuliers ...
Il est clair qu'on ne règlera pas les problèmes du marché du travail par un recours à l'immigration, du moins tant que le taux de chômage avoisinera les 10% - c'est-à-dire 20% chez les jeunes, 30% à 40% dans certaines communautés étrangères en France, en Suède ou en Belgique. Dans une telle situation, le recours à l'immigration fait le lit du populisme et des extrêmes. Mieux vaut favoriser l'intégration des deuxième et troisième générations par l'éducation, la formation et l'emploi que, par exemple, mener une politique généralisée de quotas qui ne tiendrait compte ni des besoins, ni des conditions d'intégration. On s'en remettait, dans le passé, à de la main-d'oeuvre bon marché; il en va différemment avec les migrants qualifiés, compte tenu de la compétition entre pays développés pour les attirer. L'important est alors de développer des politiques structurelles, en matière de recherche, par exemple.
M. Michel GEVREY, Membre du Conseil économique et social (CES), rapporteur sur «Les défis de l'immigration future» relève d'abord l'ambiguïté du mot «intégration»: tout étranger qui vient en France n'aspire pas à s'intégrer ou à être intégré, par exemple les saisonniers ou les étudiants.
La France a réussi à intégrer dans les années 1960 des flux importants d'étrangers de culture éloignée de la sienne; les nouveaux ou futurs migrants, venant par exemple des pays de l'est européen, lui sont plus proches de par leur niveau de qualification, leur connaissance de la langue ou leurs valeurs. Il faut dès lors redéfinir ce qu'on entend, au cas par cas, par «intégration». Car celle-ci ne se décrète pas, c'est un processus d'autant plus long que le niveau d'instruction et de formation des migrants est bas; ce handicap social par rapport aux nationaux doit être compensé. L'intégration dépend en outre fortement de l'environnement de l'immigré, un environnement qui peut être marqué par l'exclusion ou le repli sur soi. Le pays d'accueil a besoin d'apprendre ce que sont, ce que font les immigrés et percevoir ce qu'ils peuvent apporter au développement national. Nombre de discriminations sont le résultat de réponses insuffisantes en termes d'éducation, de logement, de travail, de loisirs, de citoyenneté.
Le CES estime que le recours à une immigration maîtrisée, organisée, peut contribuer à la croissance économique, à l'emploi, voire au financement des systèmes de retraites et de protection sociale, non en concurrence ou en substitution des politiques familiales ou d'incitation à l'emploi des plus âgés, mais en complémentarité. Le CES relève le contexte nouveau, marqué par la mondialisation des échanges et l'élargissement des espaces régionaux multinationaux, marqué aussi par le risque, en France comme en Europe, de pénuries de compétences. Une relance ciblée de la politique d'immigration pourrait dès lors s'imposer. Après 2005, de nombreux métiers connaîtront des difficultés de recrutement, aggravées par la désaffection des jeunes générations pour certains d'entre eux - métiers peu qualifiés, emplois de service, bâtiment, travaux agricoles... Comme cette tendance se reflétera dans la plupart des pays développés, on peut s'attendre à une concurrence de plus en plus vive pour attirer une main-d'oeuvre complémentaire, jeune et productive, issue des pays d'émigration: les pays qui auront le moins anticipé seront d'autant plus pénalisés que les flux migratoires s'inscrivent dans la durée et dans des traditions: ils ne peuvent être créés ex nihilo sans inconvénient.
Le contexte démographique en France est marqué par un allongement de la durée de vie et une élévation de l'âge moyen de la population totale. Le taux de natalité se maintient en outre au dessus de 2,1, ce qui assure le renouvellement des générations. M. Héran, de l'INED., note que «la France est le seul grand pays d'Europe qui pourra maintenir les effectifs de sa population d'âge actif sur le demi-siècle qui vient. Elle atteindra cet objectif si sa fécondité reste voisine du seuil de remplacement et si elle continue d'accueillir des immigrants au rythme d'environ 120 000 par an en migration nette».
Les flux et soldes migratoires en France ont beaucoup varié depuis 1955. Ils ont atteint une moyenne annuelle de 180 000 jusqu'en 1973, puis ont chuté à 50 000 entre 1974 et 2001, soit un total sur 47 ans d'environ 4 880 000 personnes, ce qui représente encore une moyenne de 103 800 personnes par an. Pour l'avenir, le CES, comme M. Héran, estime les flux moyens annuels à environ 120 000 à 140 000.
La fécondité des femmes en France demeure la plus élevée d'Europe avec celle de l'Irlande. La tendance au vieillissement des autres populations est donc, de ce point de vue, plus élevée. Un certain nombre de pays européens, tels l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suède, l'Italie, l'Espagne et le Portugal compensent par un recours accrû à l'immigration. A l'inverse, la France est devenu le pays d'Europe avec le plus faible solde migratoire: 0,8 % en 2000 et 0,7% sur la période 1995-1999, contre 1,8 dans l'Union européenne (2,5 en Allemagne, 2,1 en Italie, 1,1 en Espagne, 2,0 au Royaume-Uni et 4,3 en Irlande). Alors que les soldes migratoires représentent depuis 1990 les deux tiers de l'accroissement de la population de l'Union européenne, ils n'en représentent qu'un cinquième en France. La croissance démographique de l'Europe occidentale est ainsi de plus en plus conditionnée par l'immigration: en Allemagne, en Suède, en Belgique, en Italie, tout l'accroissement de la population peut être attribué à l'immigration du fait des faibles taux de fécondité.
L'orateur évoque enfin les délocalisations, qu'on oppose souvent au besoin d'immigration. Ce phénomène recouvre les transferts d'entreprises et la sous-traitance; il s'explique par la mondialisation, la recherche de la productivité et du moindre coût de main-d'oeuvre et n'est qu'exceptionnellement fondé sur une volonté de développement du pays hôte. Il est, dans certains cas, accompagné de formes d'exploitation humaine, comme le travail des enfants. Il affecte davantage les emplois qualifiés que les autres - voir la sous-traitance informatique en Inde.
L'orateur conclut en attirant l'attention sur quatre situations lourdes d'injustice: la double discrimination dont sont souvent victimes les femmes de l'immigration, en tant que femmes et en tant qu'immigrées; la situation préoccupante des mineurs isolés, proies faciles de la criminalité; celle des Roms, qui ne sont, par exemple, pas reconnus comme authentiquement roumains par la Roumanie alors qu'ils sont originaires de ce pays - ce qui relativise la portée des accords récents passés avec la France; enfin, l'immigration dans les DOM-TOM, porteuse de risques de déstabilisation, particulièrement en Guyane et à Mayotte.
https://www.senat.fr/rap/r03-273/r03-2739.html
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