Céline Verzeletti, Secrétaire
Confédérale CGT, veut généraliser la grève pour intensifier la pression sur le
gouvernement : «Nous allons essayer de généraliser la mobilisation, et en ce
qui nous concerne, généraliser la grève, parce qu’à un moment donné, il va bien
falloir arriver à bloquer, et bloquer la production, ça peut aussi aider à faire
[…]
Le JDD publie en exclusivité une
vaste étude sur l’immigration en France, réalisée par l’Ifop en partenariat
avec la Fondation Jean-Jaurès et l’American Jewish Committee. Ce sondage révèle
un durcissement de l’opinion française à l’égard de l’accueil d’étrangers dans
le pays, même si un vif clivage gauche-droite persiste. Huit Français sur dix
considèrent que notre […]
Dans le chaos et au milieu des
gaz lacrymogène, la flamme du soldat inconnu est rallumée
Aujourd'hui s'est aussi déroulé
une manifestation avec les Indigènes de la République, des islamistes et des
élus de La France insoumise dont @Simonnet2
https://www.pscp.tv/w/1gqGvnPWOwzGB
Une vidéo postée sur Facebook
montre Stéphane Trompille, le député En Marche de la quatrième circonscription
de l’Ain en pleine altercation avec des Gilets jaunes, vendredi soir, au péage
d’Attignat.
Le député LREM de la 4ème
circonscription de l'Ain Stéphane #Trompille en état
d'ébriété face aux #giletsjaunes
d'#Attignat !
Bravo aux citoyens qui ont su garder leur sang froid ......
Bravo aux citoyens qui ont su garder leur sang froid ......
LA préfecture du Puy-en-Velay en
flamme
Tolle Demo gegen UN-Migrationspakt in Berlin mit knapp 5000 Teilnehmern,
tollen Rednern und dem @COMPACTMagazin
!#AfD #Poggenburg
Les incidents à Paris sont-ils
bénéfiques pour les gilets jaunes ?
(…) Interrogé sur la
revendication du pouvoir d’achat mise en avant par les gilets jaunes, Griveaux
a répondu : «On ne parle pas du pouvoir d’achat des gilets jaunes, on parle du
pouvoir d’achat des Français. Le pouvoir d’achat des Français, depuis le début
de l’année, il a pris 3%, parce que nous avons supprimé […]
La CGT a « beaucoup de
revendications communes » avec les « gilets jaunes », qui manifestent également
samedi, a déclaré Philippe Martinez. « Droit au travail et à un revenu de
remplacement pour tous les privés d’emploi », proclame la banderole en tête du cortège.
A Paris, plus d’un millier de manifestants se sont […]
En ce jour de Sainte-Barbe, les
pompiers de Cholet ont exprimé leur mécontentement. En cause, des problèmes
d’effectif. La cérémonie de la Sainte-Barbe a tourné court à Cholet ce samedi
1er décembre. Il est 10 h 30 à la caserne de Cholet, lorsque celle-ci doit
commencer. Des sapeurs pompiers tournent alors le dos aux élus, […]
Les migrants, comment en parler
aux enfants ? Enquête au salon du livre de Montreuil Des ombres dans la ville,
des images choquantes à la télévision, des discours politiques, des questions
qui surgissent à l’école, dans la rue, à la maison… Comment parler des migrants
aux enfants et aux ados ? Quel rôle le livre […]
Fdesouche est cité à 32:30 par
Daniel Schneidermann (et encore à 36:30 par Alain Finkielkraut). On entend dire
de tous côtés que l’époque que nous vivons a un air de déjà vu, un air d’entre
deux guerres et de montée du fascisme. Qu’en est-il réellement ? Répliques
aborde le sujet sans tabou. De nombreux livres […]
Un groupe de manifestants Gilets
Jaunes a réussi à défiler dans les Champs Élysées avec une banderole : «Macron,
arrête de nous prendre pour des cons !» – TF1, 20h Des pillards détruisent un
restaurant et une boutique d’optique et se servent. D’autres saccagent une
banque LCL et entrent dans les locaux. D’autres tentent d’entrer […]
Plusieurs axes autoroutiers sont
bloqués et des manifestations sont organisées dans toute la France. Alors que
des scènes de guérilla urbaine sont observées dans le centre de Paris ce
samedi, la mobilisation des Gilets jaunes se poursuit aussi en région, où plus
de 30000 d’entre eux ont été comptabilisés par les forces de l’ordre. Les […]
Le gouvernement danois de
centre-droit continue de durcir son orientation anti-réfugiés et il a
l’intention de loger à l’avenir sur une île les demandeurs d’asile déboutés
ainsi que les étrangers tombés dans la délinquance. Un centre pour personnes
tenues de quitter le pays doit être créé à partir de 2021 sur la petite île de
[…]
#LaurentNunez :
"C'est l'image que je veux retenir, des gens qui sont extrêmement violents
venus pour casser" #SoldatInconnu#GiletsJaunes #BFMTV #1erDecembre #ChampsElysees #ArcDeTriomphe #Paris #Marseillaise
Des «gilets jaunes» protègent la
flamme du soldat inconnu https://bit.ly/2rclIF2
FIGAROVOX.- Votre livre «Délivrez-nous
du bien», évoque le titre L’empire du Bien de Muray. Est-ce voulu? Natacha
POLONY.- Totalement. Philippe Muray faisait de l’anticipation mais aujourd’hui,
tout ce qu’il décrivait prend vie. C’est un étonnant cauchemar. Comme dans les
récits de Philippe Muray, des gens qui se croyaient jusqu’à présent à peu près
corrects, dans […]
Pour cette historienne des
mouvements sociaux, les «gilets jaunes» constituent un mouvement inédit dans sa
forme et le symptôme «préoccupant» d’un délitement du cadre politique français.
Quels sont les aspects inédits d’un mouvement comme celui des «gilets jaunes»
en France? Jusqu’alors, l’émergence d’un grand mouvement devait s’appuyer sur
des socles identifiés. À gauche, cela pouvait […]
Benoît Barret (Alliance) : « La lacrymo ça ne fait
pleurer que les policiers » « C’est pas un coup de gueule, c’est une
révolte » « On est au point de rupture »
Par Ex-Atlas le
02/12/2018
"Les collègues sont
usés." Le coup de gueule d'un policier "au point de la rupture"
après les violences à Paris.
En Afrique les femmes ont entre 4 et 5 fois plus de chances
d’être tuées par leur compagnon ou un membre de leur famille qu’en Europe.
Par Ex-Atlas le
02/12/2018
(…)
« Elles sont aussi celles qui ont le plus de probabilité d’être tuées par leur compagnon ou des membres de leur famille (…) ce qui fait du domicile l’endroit le plus dangereux pour une femme« , a-t-il souligné. « Le fait que les femmes continuent à être victimes de ce type de violences davantage que les hommes dénote un déséquilibre dans les rapports de pouvoir entre hommes et femmes dans la sphère domestique ».
« Elles sont aussi celles qui ont le plus de probabilité d’être tuées par leur compagnon ou des membres de leur famille (…) ce qui fait du domicile l’endroit le plus dangereux pour une femme« , a-t-il souligné. « Le fait que les femmes continuent à être victimes de ce type de violences davantage que les hommes dénote un déséquilibre dans les rapports de pouvoir entre hommes et femmes dans la sphère domestique ».
Selon les calculs du Bureau de
l’ONU, le taux global de femmes victimes d’homicide s’élève à 1,3
victime pour 100.000 femmes. En outre, l’Afrique et les Amériques sont les
régions du monde où les femmes ont le plus de risques d’être tuées par leur
compagnon ou un membre de leur famille. En Afrique, le taux s’élève à
3,2 victimes pour 100.000 femmes, dans les Amériques 1,6, en Océanie 1,3 et
en Asie 0,9. Le taux le plus bas est observé en Europe, où il s’élève à
0,7.
Selon le Bureau de l’ONU,
« aucun progrès tangible » pour combattre ce fléau n’a été fait ces
dernières années « en dépit de législations et de programmes développés
pour éradiquer les violences contre les femmes ».
(…)
(…)
Zemmour, Soral, Fassin… «Ces idéologues qui poussent à la
guerre civile»
Par perubu le
02/12/2018
Zemmour, Soral, Fassin…
Obsédés à des degrés divers par l’identité, ils renvoient chacun à son origine
ou à sa religion, divisant les Français.
Le marché du prêt-à-penser
réactionnaire et identitaire étant en pleine expansion, l’époque s’annonce
prospère pour ses petits boutiquiers ! Plus qu’une guerre civile, c’est une
bataille idéologique et culturelle qu’ils mènent sur le terrain, en sabotant le
débat public avec leurs bombes à fragmentation lente. Leurs poisons favoris :
la xénophobie, l’antisémitisme, l’homophobie, l’anticapitalisme, le
climatoscepticisme, le «décolonialisme», le suprémacisme, l’anarchie, l’islamisme,
le nationalisme… Bref, les bricoleurs de l’identité sont partout. A l’extrême
gauche ou à l’extrême droite, avec ou sans gilet jaune, avec ou sans religion,
ils errent dans le paysage politique comme des artificiers fous en quête
compulsive d’une mèche sociale à enflammer. Ils ne portent aucun projet
de société et ne veulent surtout pas le pouvoir. Leur seule obsession, c’est de
souffler sur les braises du conflit. […]
Créer des failles idéologiques.
Chaque camp se nourrit de ce qu’il prétend combattre et encourage le camp
adverse à se radicaliser. «Pour chaque livre d’Eric Zemmour vendu,
c’est un ami décolonial de Rokhaya Diallo qui naît, résume l’ancien député
socialiste Malek Boutih. Dans son délire identitaire, l’extrême
gauche détruit de l’intérieur les structures de la gauche avec des idées comme
le décolonialisme ou l’antiracisme raciste. Le même phénomène s’observe aussi
avec l’extrême droite, qui sape les forces conservatrices de la droite
traditionnelle.» La méthode est toujours la même : créer des failles idéologiques
dans l’espoir de les transformer en fossés, puis en gouffres. Les
autoentrepreneurs de l’identité profitent de la faiblesse structurelle des
syndicats et des partis politiques, ils se faufilent dans les manifestations
toujours prêtes à basculer dans la violence et savent utiliser mieux que
personne les réseaux sociaux pour attaquer, diviser et faire croire à un effet
de masse. […]
Gonesse (95) : la manifestation anti-dealers stoppée par…des
dealers, « on est chez nous, c’est notre quartier, le trafic c’est une
tradition »
Par Koba le
02/12/2018
Une manifestation était
organisée ce samedi au cœur du quartier de la Fauconnière. Objectif, prendre la
place des dealers au pied des immeubles. Raté.
(…) « On en a marre. Les
jeunes traînent au pied des immeubles de midi à 23 heures pour dealer. Ma
belle-fille ne veut plus que mes petits enfants, âgés de 16 ans et 20 ans,
viennent me voir sans être accompagnés car a elle peur qu’on leur propose de la
drogue… », s’indigne cette retraitée, l’une des rares locataires à
avoir osé défier ce samedi les trafiquants.
Elle n’a pas le temps de finir sa
phrase qu’une quinzaine de jeunes, capuches sur la tête, déboulent au pied de
l’immeuble. « On ne va pas se laisser faire, on est chez nous, c’est
notre quartier », lancent-ils avec agressivité. Le maire Jean-Pierre Blazy
va à leur contact. La discussion tourne court. Ils ne sont pas là pour discuter
mais pour récupérer le terrain qu’on leur a confisqué. En aparté, un jeune de
21 ans confie : « C’est une provocation. Nous, on est là tous les
jours. Le trafic, ici, c’est une tradition, ça dure depuis des années. Et il y
en aura toujours», lâche-t-il d’un ton désinvolte.
(…) Vers midi, le groupe de
jeunes qui a fait irruption repart. L’un d’eux gaze plusieurs personnes avec
une bombe au poivre. Un autre arrache la banderole installée sur la grille à
l’entrée de l’immeuble où était inscrit : « Elus et habitants occupent
le terrain ». La police intervient et forme un cordon de protection devant
la résidence. L’entrée de l’immeuble se transforme en camp retranché.
Malgré cette riposte contre la
manifestation, le maire (PS) Jean-Pierre Blazy refuse de parler d’échec.
Fabrice Epelboin (Sciences-Po) sur Fdesouche, les Gilets
Jaunes, la censure, les réseaux sociaux, les communautarismes…
Par Ex-Atlas le
02/12/2018
Interview publiée le 27 novembre
2018
Extrait sur Fdesouche à partir
de 4:00
Egalement à 16:30 :
« La seule
caractéristique commune qu’on peut voir pour l’instant c’est que la diversité
est totalement absente. C’est pas quelque chose qui a été relevé parce que
c’est un sujet tabou en France. Et derrière ça pointe le doigt sur l’extrême
uniformité ethnique du territoire, de l’occupation du territoire. Ce qui est un
sujet extrêmement tabou en France, qui est malgré tout au coeur de toutes les
conversations dans une partie grandissante de la nation française, et qu’il va
falloir regarder en face un jour ou l’autre mais aujourd’hui on ne peut pas se
saisir du problème vu que les statistiques ethniques sont interdites. »
Autre passage sur la censure
de certains sujets à partir de 19:30
Un remède contre l’effet de la
grenouille dans la casserole à partir de 25:55
Sur les communautarismes et comment
les puissances étrangères peuvent les exploiter à partir de 30:00
Mon analyse du phénomène #GiletsJaunes, de
l'usage politique de la censure en France et de sa disruption par Facebook... #Podcast https://soundcloud.com/vlan_podcast/vlan-68-les-gilets-jaunes-et …
Ils manifestent, représentent un
mouvement, font de la politique. Il est logique de se demander qui ils sont. Et
les réseaux sociaux sont un outil incontournable pour cela.
la catastrophe en cours est très
liée à cette incompréhension de la part des journalistes (et des politiques,
mais c'est une autre histoire). Ce n'est pas un mouvement, il n'a pas de
représentation possible.
Difficile en 250 cars, plus de détails ici https://soundcloud.com/vlan_podcast/vlan-68-les-gilets-jaunes-et …
Difficile en 250 cars, plus de détails ici https://soundcloud.com/vlan_podcast/vlan-68-les-gilets-jaunes-et …
C'est à dire? Le soulèvement des cons, des
racistes, ds égoïstes etc?
c'est précisément parce qu'on les
traite de cons, de salauds et de racistes un peu trop vite, et ce depuis une
génération, qu'ils se sont réfugiés sur les internets, qu'ils rejettent
massivement les médias, et qu'ils sont largement majoritaires.
cf https://soundcloud.com/vlan_podcast/vlan-68-les-gilets-jaunes-et …
cf https://soundcloud.com/vlan_podcast/vlan-68-les-gilets-jaunes-et …
il n'y a pas de dialogue
possible, ce "mouvement" est un phénomène qui n'a pas dans son ADN d'interface
de négociation, de système de représentation ou de plateforme de revendication.
Comme Anonymous. Comme le Printemps arabe. Comme Occupy Wall Street. https://soundcloud.com/vlan_podcast/vlan-68-les-gilets-jaunes-et …
L’analyse de la liste des donateurs de Macron confirme
l’absence d’ancrage populaire du mouvement, pour Géraldine Woessner
Par Ex-Atlas le
02/12/2018
La liste des dons reçus par
Emmanuel Macron et En Marche pendant la présidentielle, que le JDD a consulté,
confirme l’absence d’ancrage populaire du mouvement.
(…)
(…)
Cet inventaire dessine une carte
des réseaux macronistes de la première heure aux disparités significatives,
qui ne dissipe pas – c’est peu dire – l’impression d’un président
choisi par la « France d’en haut ».
1,2% des dons ont rapporté 48%
de la somme totale
En effet, si des milliers de dons
modiques ont été récoltés, notamment via des paiements en ligne, le montant total
qu’ils ont constitué (1,7 million) apparaît marginal au regard des sommes
versées par quelques centaines de mécènes fortunés. Ainsi, 1,2% des dons –
c’est-à-dire 913 dons d’un montant égal ou supérieur à 5.000 euros – ont
rapporté 6,3 millions d’euros, soit 48% du total, pour un montant de don
moyen de 6.888 euros. Parmi eux, 663 dons au parti ont atteint le
plafond légal de 7.500 euros et rapporté 4,9 millions. La masse des
soutiens financiers au mouvement se concentre sur Paris et sa proche banlieue
(56% des dons) et quelques capitales étrangères (14%).
(…)
(…)
«Gilets jaunes» : «Ma compagnie a tiré plus de 1000 grenades
lacrymogènes», témoigne un CRS
INTERVIEW - Engagé toute la
journée de samedi autour des Champs-Élysées à Paris, un CRS témoigne de la
violence inédite atteinte par les émeutiers en marge de la troisième journée de
mobilisation des «gilets jaunes».
En 20 ans de carrière, Jessy
Castane n'a jamais vu ça. Brigadier-chef à à CRS 44 de Joigny (89) et délégué
UNSA, il a été mobilisé toute la journée de samedi pour intervenir face
aux émeutiers en marge de la troisième journée de mobilisation des «gilets
jaunes» à Paris. C'est la première fois qu'il a dû faire face à un tel
«déchaînement de violence», assure-t-il.
» LIRE AUSSI - «Gilets
jaunes»: Macron ne s'exprimera pas dimanche, des centaines d'arrestations à
Paris et en régions
LE FIGARO. - Comment
décririez-vous les affrontements qui se sont produits hier à Paris?
Jessy CASTANE.- Je
fais ce métier depuis plus de 20 ans et je n'ai jamais vu ça. On a atteint un
summum en matière de destructions. Ceux qui nous ont fait face hier n'étaient
pas là pour manifester, ils étaient là pour détruire et s'attaquer aux «flics».
Boulevard Victor Hugo et avenue Kléber, où nous intervenions avec ma compagnie,
les attaques contre nous étaient dignes d'une guérilla urbaine.
Quel était le profil de ceux
qui vous faisaient face?
Il y avait bien sûr du «Black
Block», mais beaucoup d'autres individus n'avaient pas des profils d'extrême
gauche ou d'extrême droite. C'était des manifestants, pour la plupart de
province, qui se sont radicalisés. Ils étaient équipés de masque à gaz et de
lunettes. J'en ai même vu avec des protections de football américain. Ils nous
canardaient avec des bombes agricoles, des mortiers, de l'acide, de la peinture
pour nous aveugler... Ils étaient particulièrement violents et déterminés. On
est intervenus sur deux bâtiments qu'ils avaient mis en feu, sans se préoccuper
de savoir s'il y avait des gens dedans.
En réponse, le dispositif des
forces de l'ordre était-il à la hauteur?
Le dispositif de filtrage mis en
place autour des Champs-Élysées était bon puisqu'aucun incident ne s'est
produit sur l'avenue. Ceux qui ont accepté d'ouvrir leurs sacs sont passés sans
problème et ont pu manifester de façon tout à fait pacifique.
Mais dans les rues adjacentes,
nous avons été confrontés à des groupes très mobiles qui cassaient tout ce
qu'ils trouvaient. Ma compagnie a tiré à elle seule plus de 1000 grenades
lacrymogènes, dont 250 tirs au fusil «multicoups» pour faire des tirs de
barrage. Nous avons aussi tiré une cinquantaine de grenades assourdissantes et
270 coups de «flash-ball». C'est une première pour ma compagnie. À tel point
que nous avons dû être ravitaillés en cours d'intervention.
Comment expliquer un tel
niveau de débordements?
Nous étions 26 compagnies de CRS
et 23 escadrons de gendarmes mobiles, ce qui est très important. Mais beaucoup
de nos effectifs étaient bloqués à la surveillance des bâtiments officiels:
l'Élysée, Matignon, l'Assemblée nationale... Nous sommes des forces «mobiles».
Et comme ce terme l'indique, nous n'avons pas vocation à monter la garde devant
des bâtiments.
Si tous les effectifs avaient été
mobilisés sur le rétablissement de l'ordre public, les débordements auraient
cessé plus rapidement. Il faut que les bâtiments soient protégés autrement
(pourquoi pas par des militaires), pour nous laisser faire notre boulot face
aux casseurs.
Dans quel état sont vos
collègues trois semaines après le début du mouvement des «gilets jaunes»?
Nous sommes tous épuisés. Hier,
on a pris à 4 heures du matin et on a terminé à 23h30. Ce matin, on a
recommencé dès cinq heures. À cet épuisement physique s'ajoute un épuisement
moral. Nous sommes confrontés à une vraie hausse de la violence contre les forces
de l'ordre. Avant les CRS étaient craints. Ce n'est plus le cas maintenant. On
est devenus des cibles privilégiées des casseurs. Ils nous visent car nous
sommes vus comme des symboles de l'État.
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Les Canadiens francophones sur la défensive
Le premier ministre de l'Ontario
multiplie les mesures vexatoires à l'encontre de cette minorité.
À Montréal
«Quelle perspective pour les
Franco-Ontariens sous Doug Ford?», se questionnait en une le quotidien Le
Devoir au moment de l'assermentation du premier ministre conservateur
l'été dernier. La réponse de l'intéressé est venue à la mi-novembre. Le
bouillonnant Doug, frère de Rob Ford, l'ex-maire de Toronto connu pour ses
frasques à la mairie de la Ville-Reine, a entamé une croisade contre la
minorité francophone de l'Ontario. Au menu, suppression de nombreux services en
français, du Commissariat aux langues officielles chargé de faire respecter les
droits des francophones et surtout
d'un projet d'université dans la langue de Molière. Ces humiliations
ont provoqué la démission de la seule députée franco-ontarienne du Parti
conservateur, Amanda Simard. Accueillie en héroïne par les 600.000
Franco-Ontariens (sur 13 millions d'habitants), elle a rejoint ce week-end
des milliers de manifestants aux quatre coins de la province.
Doug Ford caresse la fibre
francophobe de son électorat, dont la haine et les mesquineries à l'encontre
des francophones sont toujours tenaces. Lorsque Toronto «a changé l'horaire de
collecte de déchets, il y a deux ans, l'avis a été envoyé en anglais, en
tamoul, en mandarin, en italien, en tagalog, en portugais et en espagnol. Mais
pas en français», écrit le Journal de Montréal ce week-end.
Le bilinguisme du Canada n'est
plus qu'un mythe et la
situation du français hors Québec est critique. Lors de son dernier
recensement en 2016, l'institut national Statistique Canada a souligné: «On
observe un recul du français comme langue maternelle et comme langue d'usage à
la maison au Canada.» Entre 7 % et 10 % des habitants du Canada
anglais peuvent soutenir une conversation dans la langue de Molière. Deux
siècles et demi après la conquête britannique, les anglophones n'ont toujours
pas appris à parler français. L'anglais perd aussi du terrain au profit des
langues de l'immigration, multiculturalisme oblige.
Sujet éminemment politique, la
langue soulève les passions, notamment dans la Belle Province. L'écrivaine
québécoise Denise
Bombardier a récemment soulevé la fureur des francophones hors
Québec, lorsqu'elle a estimé que les Franco-Ontariens ne sont plus qu'une
«culture de survivance». Ces derniers ne constituent plus que 4 % de
l'électorat de Doug Ford. C'est là le drame. Lors d'une entrevue à Radio-Canada,
Denise Bombardier a déclaré : «Ce n'est pas les gens qui viennent de
l'Afghanistan et du Pakistan qui comprennent pourquoi vous parlez français. Ils
ne savent même pas pourquoi les gens parlent français.» Au quotidien, les
choses sont loin d'être simples. Si dans une réunion il y a dix francophones et
un anglophone, la réunion a lieu en anglais. Un renoncement culturel que
certains francophones appellent une mentalité de «colonisé».
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Québec hanté par ses craintes identitaires
À l'Ouest, les oligarques russes sont tombés en disgrâce
ENQUÊTE - Nombre de milliardaires
russes étaient venus en Occident légaliser leur fortune acquise durant les
privatisations de l'ère postsoviétique. Frappés par des sanctions, alors que
les tensions sont de plus en plus vives entre Vladimir Poutine et l'Union
européenne, ces oligarques envisagent désormais un retour au pays, sous
l'œil vigilant du Kremlin.
À Moscou
À l'entrée du chalet d'Oleg
Deripaska, situé à quinze minutes sur les hauteurs de Davos, des top models
souhaitent la bienvenue aux convives. Sur les tables, Dom Pérignon, caviar et
vodka. Sur scène, le crooner Enrique Iglesias et les Cosaques du Kouban, qui
dansent et chantent avec tant de ferveur que la police locale a maintes fois
reçu des plaintes du voisinage. En cette soirée de janvier 2018, le
milliardaire russe, qui se déhanche sur le dance floor, a dignement accueilli
ses invités du forum économique. Cette fête était la plus courue de la station
d'hiver suisse même si, de l'avis des habitués, son glamour n'atteint plus
celui des éditions précédentes. Mais en 2019, l'électricité lui sera quasiment
coupée. Selon le Financial Times, l'oligarque aurait été prié par
les organisateurs de Davos, sous pression de Washington, de ne pas mettre les
pieds au forum. La liste noire s'étendrait à Andreï Kostin, le patron de la
banque publique VTB, principal créditeur et actionnaire minoritaire du holding
de Deripaska, EN +, ainsi qu'à Viktor Vekselberg, le patron du conglomérat
Renova. Tous trois ont écopé de sanctions qui paralysent leurs transactions
financières. Oleg Deripaska est sommé par le Trésor américain de céder le
contrôle de ses deux principaux holdings, d'ici au 7 janvier. Vladimir
Poutine a accusé les organisateurs du forum de se «tirer une balle
dans le pied».
Devenus richissimes à la faveur
des privatisations bradées de l'ère postsoviétique, puis flamboyants dans les
années 2000, lors de l'arrivée de l'ancien chef du FSB au pouvoir, les
oligarques tombent en disgrâce en Occident, là même où ils exportèrent
leur fortune et acquirent une légitimité aujourd'hui effritée. Leur chute
médiatique - parfois financière - accompagne celle de leur protecteur et
censeur, un chef du Kremlin dont le taux de popularité en Europe ne dépasse pas
20 %. Roman Abramovitch, patron du pétrolier Evraz, et propriétaire du
club de football britannique de Chelsea, s'est ainsi vu refuser la prolongation
de son visa britannique par Londres, où il possède une somptueuse demeure dans
le quartier huppé de Kensington. Depuis l'affaire de l'empoisonnement de
Sergueï Skripal, la City, naguère très complaisante à leur égard, a lancé une
enquête visant 700 fortunes russes ayant investi avant 2015 dans le royaume, en
échange d'un passeport. Roman Abramovitch a sollicité un permis de résidence en
Suisse, dans la commune chic de Verbier - également refusé. La police helvète
le soupçonne de «contacts avec des organisations criminelles», allégations
qualifiées de «diffamatoires et dénuées de preuves» par son avocat suisse,
Daniel Glasl. De confession juive, l'homme d'affaires a obtenu en désespoir de
cause la citoyenneté israélienne, au titre de la loi du retour votée par la
Knesset en 1950.
«Leur but était d'abord de
légaliser leurs actifs en achetant des propriétés, des sociétés ou des clubs de
foot.»
Vladimir Gelman, professeur à
l'Université européenne de Saint-Pétersbourg
En France, le milliardaire et
sénateur daguestanais Suleyman Kerimov, 20e fortune de Russie, a été mis en
examen en novembre 2017 pour blanchiment de fraude fiscale en lien avec cinq
villas qu'il avait acheté sur le cap d'Antibes, avant d'être disculpé en mai
dernier. Son arrestation sur le tarmac de l'aéroport de Nice avait provoqué la
colère des autorités russes. À Monaco, c'est au tour du président du club de
football Dmitri Rybolovlev d'être mis en examen pour corruption. Moscou n'est
pas loin de voir dans ces affaires, pourtant totalement distinctes, le fruit
d'un harcèlement judiciaire concerté, exercé par les autorités françaises à
l'encontre de ses ressortissants. Enrichis par les privatisations sauvages des
années 1990, ces derniers avaient trouvé dans l'Occident un refuge pour cacher
leur fortune. «Leur but était d'abord de légaliser leurs actifs en achetant des
propriétés, des sociétés ou des clubs de foot. Et ils ont plutôt réussi»,
observe Vladimir Gelman, professeur à l'Université européenne de
Saint-Pétersbourg. En retour, cette manne a profité aux pays européens. En
échange d'investissements sur leur sol - respectivement 1,2 million et
2,5 millions d'euros -, Malte et Chypre ont offert la citoyenneté
européenne à un grand nombre de citoyens russes qui y ont souvent établi une
résidence fictive, tels Oleg Deripaska et Arcady Volozh, patron du moteur de
recherche Yandex. Au Royaume-Uni, cette somme s'élevait à 1 million de
livres. Autant de filières désormais placées sous surveillance européenne.
La chasse aux passeports
Selon Forbes, 35
oligarques sur une liste de 200 fortunes possèdent un double passeport, dont le
patron du pétrolier Novatek, Guennadi Timtchenko, et le financier Boris
Rotenberg, tous deux proches de Poutine et citoyens finlandais. De telles
opérations permettent en outre de sécuriser leurs droits de propriété, mieux
défendus devant des tribunaux européens que devant des prétoires russes,
constatent les avocats d'affaires. Le chef du Kremlin a toujours entretenu des
relations ambiguës à leur égard, les mettant en garde contre les fuites de
capitaux. «Si demain les Occidentaux décident de geler vos actifs, vous
avalerez la poussière des tribunaux», lançait Poutine en 2002, devant l'Union
russe des industriels, tout en approuvant secrètement leurs comportements. «À
l'époque, Poutine raisonnait comme un membre des services secrets. Il
considérait les oligarques comme des agents d'influence qu'il fallait envoyer
en Occident, tout comme l'Occident envoyait ses hommes en Russie», analyse la
sociologue Olga Krychtanovkaskaïa, proche de l'establishment russe. Ainsi, Oleg
Deripaska se retrouve-t-il impliqué dans l'enquête du procureur Mueller sur
l'ingérence dans l'élection présidentielle américaine. Selon le New
York Times, les agents du FBI auraient même tenté - en vain - de le
retourner. À Monaco, Dmitri Rybolovlev se retrouve au cœur d'un trafic
d'influence remontant au sommet de l'institution judiciaire et policière. Il
est aussi soupçonné de collusion avec Donald Trump, auquel il a acheté naguère
une de ses villas à Palm Beach pour 95 millions de dollars, un prix jugé
surévalué. En France, le milliardaire Guennadi Timtchenko, chevalier de la
Légion d'honneur, est devenu la figure prééminente de la relation économique
franco-russe, à travers son association avec Total dans l'usine de production
de gaz liquéfié à Yamal (Sibérie). Selon les médias russes, c'est une banque
liée à la compagnie Stroïtransgaz, propriété de Timtchenko, qui a accordé en
2014 un prêt de 9 millions d'euros au Front national. L'intéressé dément.
Après des années d'exil,
nombreux caressent l'idée de se refaire dans leur pays d'origine.
«Si, désormais, le but des
Occidentaux est de faire pression sur le Kremlin, les oligarques constituent la
cible idéale. Ils sont le maillon faible», dit Alexandre Lossev, directeur
général de la compagnie d'investissement Spoutnik. La plupart sont, à titres
divers, frappés par les sanctions occidentales qui remettent en cause leur
stratégie d'expansion européenne. Alicher Ousmanov, patron de Metalloinvest,
très présent dans les médias, a revendu, en août dernier à un Américain, ses
parts dans le club de football britannique d'Arsenal. Dès les premières
sanctions, les deux frères Rotenberg, très liés à Vladimir Poutine, ont cédé
leurs parts majoritaires du club finlandais de hockey sur glace à leur fils et neveu
Roman, par ailleurs vice-président de Gazprombank (les 49 % restants
appartiennent à Guennadi Timtchenko). Le père de Roman, Boris Rotenberg, a
récemment porté plainte contre quatre banques scandinaves qui ont bloqué ses
transactions. Il les accuse de discrimination à l'encontre d'un citoyen
européen - l'intéressé possède un passeport finlandais.
Après des années d'exil, nombreux
caressent l'idée de se refaire dans leur pays d'origine, souvent en échange
d'une promesse d'amnistie ou de l'octroi de contrats publics. En liant leur
fortune à des appels d'offres contrôlés par le Kremlin, comme la construction
du pont de Kertch qui relie la Russie à la Crimée, certains, comme Arkadi
Rotenberg, ont pris une longueur d'avance sur leurs homologues. En revanche,
Dmitri Rybolovlev, rentré pour un séjour en Russie au lendemain de ses déboires
judiciaires à Monaco, ne possède quasiment plus d'actifs dans son pays.
Inquiété sur la Côte d'Azur, Souleyman Kerimov s'est replié sur ses terres du
Daguestan où il vient de domicilier trois de ses entreprises. Le patron du
pétrolier Lukoil, Vaguit Alekperov, a annoncé son intention de limiter ses
acquisitions étrangères pour mieux se concentrer sur ses actifs russes. «Ils
sont partis en Occident à l'invitation de Poutine et maintenant qu'ils ont des
problèmes, ils se retournent naturellement vers l'État. Mais celui-ci ne sait
pas quoi faire d'eux et la population russe voit ceci d'un très mauvais œil»,
souligne la sociologue Olga Krychtanovkaskaïa. Le ministère de l'Industrie a
suggéré de réserver à des entreprises de Deripaska un contrat de
2 milliards de roubles (26 millions d'euros) portant sur la livraison
de véhicules blindés. Cette initiative a été aussitôt critiquée par le
vice-premier ministre, Dmitri Kozak. Le gouvernement a évoqué l'idée de créer
deux zones off-shore à Kaliningrad et Vladivostok susceptibles d'accueillir les
capitaux des oligarques. Un projet qui suscite beaucoup d'incrédulité. «En
Russie, il y a 145 millions d'habitants qui ont beaucoup plus besoin de
l'aide de l'État que les oligarques. Ceux-ci doivent se débrouiller eux-mêmes
car le business est une affaire privée », critique l'homme d'affaires
Konstantin Malofeev, également visé par les sanctions. Indésirables en
Occident, ces derniers ne peuvent pas davantage compter sur la générosité de
l'État, dont les ressources budgétaires se réduisent. Dans certains cercles du
pouvoir, on craint qu'à l'échéance de 2024, au-delà de laquelle Poutine n'a pas
renoncé à diriger son pays, les filleuls ne se retournent contre leur parrain…
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russes
Affaire Khashoggi : quelles conséquences
géopolitiques ?
DÉCRYPTAGE - La crise ouverte par
le meurtre du journaliste percute de plein fouet les ambitions diplomatiques de
l'Arabie saoudite et de son prince héritier.
L'onde de choc provoquée
par le
meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le 2 octobre dernier dans
l'enceinte du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul (Turquie), s'est
depuis propagée dans la région et au-delà.
À qui profite le crime?
La
Turquie est la principale gagnante de l'affaire Khashoggi, qui s'est
déroulée à Istanbul et dont les
détails ont été enregistrés par les services turcs. En les distillant
au public progressivement avec une grande habileté, le pouvoir turc a repris l'avantage
dans les luttes de pouvoir régionales. Il est revenu dans le jeu alors qu'il
était en perte de vitesse, affaibli par le coup d'État manqué de 2016 et par
une diplomatie erratique qui a éloigné certains de ses partenaires. Allié du
Qatar dans le conflit qui l'oppose à l'Arabie saoudite, aux Émirats Arabes Unis
et à l'Égypte, le président Recep Tayyip Erdogan a désormais un strapontin pour
attaquer cette alliance tripartite. Son ambition d'être un des leaders du monde
sunnite a trouvé un nouvel élan. Tentera-t-il de monnayer une sortie de crise
pour Riyad en échange d'une baisse du soutien saoudien aux rebelles kurdes du
nord de la Syrie? L'Iran chiite est l'autre vainqueur de l'affaire Khashoggi et
pourrait profiter, malgré les nouvelles sanctions américaines, de la
dégradation de l'image de l'Arabie saoudite. «L'Iran apparaît désormais aux
yeux de certains comme un partenaire moins toxique et plus raisonnable que
Riyad», commente Emile Hokayem, spécialiste du Moyen-Orient à l'Institut
international pour les études stratégiques (IISS) de Londres. Le pouvoir
iranien, qui accuse l'Arabie saoudite d'être le «créateur et le soutien
idéologique et financier des groupes terroristes comme al-Qaida et Daech», ne
peut que se féliciter que l'axe «anti-iranien» constitué par les États-Unis,
l'Arabie saoudite et Israël ait désormais un membre boiteux. Potentiellement,
deux autres pays, la Russie et la Chine, pourraient trouver quelques bénéfices
à cette sombre histoire. En cas de refroidissement des relations américano-saoudiennes,
Pékin et Moscou seront en embuscade pour remplir le vide laissé par le
désengagement de Washington avec l'Arabie saoudite, qui est déjà pour eux un
partenaire économique important.
» LIRE AUSSI - Alexandre
Adler: «Questions sur l'affaire Khashoggi»
Quelles conséquencessur la
guerre au Yémen?
C'est le secrétaire général de
l'ONU qui le dit: la
fin de la guerre au Yémenest peut-être pour bientôt. Antonio Guterres
espère des pourparlers de paix entre le gouvernement et la rébellion d'ici à la
fin de l'année. Et ce sont les pressions américaines et l'isolement des
Saoudiens qui
permettraient d'obtenir cette avancée. «Donald Trump est un meilleur
président que Barack Obama pour le Yémen. Étant proche de l'Arabie saoudite, il
peut exercer des contraintes sur Riyad et avoir une influence sur le Yémen»,
affirme un politologue yéménite au Forum sur la sécurité internationale de
Halifax, au Canada. Mais les choses sont loin d'être gagnées et pas seulement
parce que le processus de paix est mort plusieurs fois depuis le début de la
guerre. MBS a lié sa montée en puissance en Arabie saoudite à l'intervention
militaire au Yémen. La complexité de la crise et surtout sa dimension nationale
ne peuvent pas être oubliées.
» LIRE AUSSI - Les
victimes oubliées de la guerre du Yémen
La guerre civile au Yémen a
commencé en septembre 2014, bien avant l'intervention militaire de Riyad
et il n'y a aucune raison pour que le retrait de l'acteur saoudien la fasse
disparaître. «Il faut en outre prendre en compte les problématiques de sécurité
des Saoudiens au sérieux», rappelle Emile Hokayem. Si en Occident le débat autour
de la guerre au Yémen est lié aux questions relatives à la morale et aux droits
de l'homme, l'enjeu saoudien est surtout politique. «Les États-Unis, dont la
priorité était à l'époque l'accord sur le nucléaire, ont acquiescé à
l'intervention pour calmer l'anxiété de l'Arabie saoudite, qui considérait les
choix de Barack Obama comme une réorientation de la diplomatie américaine à ses
dépens», poursuit le spécialiste de l'IISS.
«L''Arabie saoudite est un
partenaire clé et le restera au niveau militaire»
Joe Dunford, le chef d'état-major
de l'armée américaine
Quel avenir pour la relation
américano-saoudienne?
De la participation de quinze
terroristes saoudiens aux attentats du 11 septembre 2001 à l'affaire
Hariri puis à la détention des princes dans l'Hôtel Ritz Carlton
de Riyad en 2017, les alertes ont été nombreuses. L'affaire
Khashoggi sera-t-elle la goutte d'eau qui fait déborder le vase? La
réputation des Saoudiens a été profondément ternie, y compris dans le camp
républicain. «La confiance a profondément été altérée. Il est possible qu'à
terme, la relation stratégique avec l'Arabie saoudite soit remise en cause. En
dédramatisant, Donald Trump a tendu une perche aux démocrates, qui ne
manqueront pas d'agiter le dossier au Congrès. Avec la Russie, l'Arabie
saoudite pourrait même devenir un grand sujet de division dans le domaine de la
politique étrangère aux élections de 2020», commente Emile Hokayem. Pourtant,
les choses ne devraient sans doute pas évoluer dans l'immédiat. «L'émotion
finit toujours par retomber, en raison des intérêts stratégiques qui lient les
grandes puissances au royaume», commente un diplomate. En matière de défense,
les liens sont forts. «L'Arabie saoudite est un partenaire clé et le restera au
niveau militaire», affirme Joe Dunford, le chef d'état-major de l'armée
américaine au forum de Halifax. Il considère que Riyad a souvent eu «une
influence stabilisatrice dans la région». Le soutien logistique apporté par les
Américains à la coalition arabe en guerre contre la rébellion houthiste au
Yémen a un autre avantage. «Il permet de limiter les dégâts collatéraux des
bombardements saoudiens, qui sinon seraient bien plus importants», estime un
stratège français. À la diplomatie du business si chère à Trump s'ajoute son
obsession anti-iranienne, qui à elle seule justifie la poursuite de l'alliance
avec l'Arabie saoudite, jugée «inébranlable» par le président.
Le
G20 a signé le grand retour international du prince saoudien. MBS a
multiplié sourires et accolades dans l'espoir de normaliser ses relations avec
ceux de ses partenaires qui s'inquiètent de son attitude. En Europe, Angela
Merkel est la seule à avoir stoppé les ventes d'armes à Riyad. Si
Emmanuel Macron a accueilli fraîchement MBS à Buenos Aires, la France
rappelle que l'Arabie saoudite est un pays stratégique dans la géopolitique
mondiale. «La gravité des menaces et le sens des responsabilités expliquent la
prudence dont les diplomaties occidentales font preuve à l'égard de Riyad, le
devenir de l'Arabie saoudite conditionnant en partie les évolutions
régionales», commente le géostratège Jean-Sylvestre Mongrenier dans
sa chronique au Huffington Post.
«Mais au-delà, le principal enseignement
de l'affaire, c'est que les Saoudiens sont mauvais. Mauvais en communication,
en stratégie, en action militaire. Ils n'ont pas des comportements d'hommes
d'État»
Un stratège français
Quels sont les enseignements
sur l'Arabie Saoudite?
«L'affaire Khashoggi? C'est un
fait divers qui a pris des proportions incroyables sur le plan diplomatique
mais qui restera un fait divers si
MBS demeure le prince héritier», affirme un expert du Golfe au forum de
Halifax. Les dérives du prince ont prouvé que, malgré ses promesses, le pays
n'a pas rompu avec les habitudes des dictatures arabes. «Mais au-delà, le
principal enseignement de l'affaire, c'est que les Saoudiens sont mauvais.
Mauvais en communication, en stratégie, en action militaire. Ils n'ont pas des
comportements d'hommes d'État», s'inquiète un stratège français. Orchestrée par
MBS, la guerre au Yémen s'enlise. Sa décision de prendre la tête d'un embargo
contre le Qatar, qu'il accuse de promotion du terrorisme, a plongé le Golfe
dans une crise diplomatique. La plupart de ses décisions ont entamé le crédit
de «stabilité» dont le royaume bénéficiait. En portant un coup très dur à sa
crédibilité sur la scène internationale, l'affaire Khashoggi a percuté de plein
fouet les ambitions diplomatiques du royaume et notamment son objectif
principal, l'endiguement de l'influence iranienne au Moyen-Orient. À court
terme, toute l'énergie de l'Arabie saoudite va être investie dans la réparation
des dégâts. Mais ceux qui espéraient la mise à l'écart de MBS pourraient bien
être déçus. Aucun signe dans ce sens n'est venu du roi. La plupart des experts
de la région considèrent qu'il n'existe aujourd'hui aucune alternative à MBS.
Vers la fin de l'ancien monde
international?
«Ce crime s'inscrit dans une
tendance générale, celle d'un monde dans lequel les pouvoirs autoritaires se
croient tout permis»
L'ancien ambassadeur Michel
Duclos dans une note pour l'Institut Montaigne
L'affaire Khashoggi confirme la
reconfiguration des rapports géopolitiques, l'effacement du monde occidental,
l'affirmation de plus en plus forte de nouvelles puissances sur la scène
internationale. «On observe la prise de distance et d'autonomie des acteurs
régionaux. Avant, les Saoudiens n'agissaient pas sans prévenir leurs alliés
occidentaux», commente un diplomate. Longtemps discrète et préférant les
coulisses à la scène, l'Arabie saoudite de MBS tente d'imprimer un nouveau
comportement dans les relations internationales. Mais la redistribution des
cartes concerne d'autres acteurs. La Turquie bien sûr, mais aussi la Russie qui
viole les lois internationales en attaquant son voisin ukrainien, Pékin dont le
comportement est de plus en plus agressif en mer de Chine. Ce n'est pas un
hasard si Vladimir Poutine, accusé d'être responsable de l'attaque
au novichok contre un ancien espion russe en Angleterre, et MBS
se sont chaleureusement serré la main au G20, en échangeant des regards
complices. Multilatéralisme, démocratie, libéralisme sont indirectement
les autres victimes de l'affaire Khashoggi, qui montre à quel point de nombreuses
puissances s'affranchissent de plus en plus ouvertement des règles et des
valeurs qui ont organisé le monde sous la houlette des États-Unis depuis la fin
de la Seconde Guerre mondiale. «Ce crime s'inscrit dans une tendance générale,
celle d'un monde dans lequel les pouvoirs autoritaires se croient tout permis.
La renonciation de l'Amérique à un discours de défense des valeurs libérales
ainsi que le reflux de l'Europe sur ce terrain encouragent les pires
pratiques», écrit l'ancien ambassadeur Michel Duclos dans une note pour
l'Institut Montaigne.
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preuves
Philippe Bas : « Nous attendons des explications
sur les choix qui ont été faits »
INTERVIEW - À la suite des
dernières manifestations des gilets jaunes qui ont plongé plusieurs villes de
France dans le chaos, le président de la commission des lois au Sénat
procèdera, mardi, à l'audition du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner
et du secrétaire d'Etat Laurent Nunez. Le sénateur LR de la Manche s'explique.
LE FIGARO. - Quelles réponses
urgentes attendez-vous de l'Intérieur?
Philippe BAS. -D'abord,
dans le cadre normal du contrôle parlementaire, nous souhaitons vérifier les
dispositions prises pour assurer la sécurité des manifestations et la
protection des personnes et des biens. Nous devons également demander au
ministre d'expliquer les initiatives envisagées pour éviter une répétition de
ces débordements et pour faire respecter l'autorité de l'Etat. La sécurité est
un art difficile. Il faut se garder de jugements trop hâtifs. Les agents
mobilisés ont fait preuve d'un très grand professionnalisme, d'un sang froid
remarquable et le bilan aurait pu être plus lourd. Mais nous attendons des
explications sur les choix qui ont été faits samedi, notamment à Paris.
Pourquoi a-t-on vu, dans une sorte de mécanique des fluides, des gens venant de
toutes les régions de France, repoussés vers des artères périphériques de l'Arc
de Triomphe? Comment certains manifestants minoritaires ont-ils pu se disperser
dans des rues adjacentes non sécurisées pour se livrer à des actes de vandalisme?
Dans la journée, cette manifestation est devenue ingérable en raison de cette
dispersion. Il faudra nous expliquer le bien fondé de ces choix.
Quel est votre sentiment face
aux manifestations des «gilets jaunes»?
Je suis très inquiet. Les Français
ont le sentiment de ne plus être représentés par ceux qu'ils délèguent à
l'Assemblée nationale et au gouvernement parce qu'une distance trop grande
s'est créée entre le pouvoir et le peuple. Les maires, les associations et les
partenaires sociaux ne se sentent ni écoutés, ni compris. Ce mécontentement,
très profond dans le pays, ne peut pas être ignoré parce qu'il est source de
graves dangers. Nous sommes entrés dans une forme de démocratie d'opinion. Le
devoir du gouvernement est d'entendre ce mécontentement et de lui apporter des
réponses en lui donnant des gages tangibles. L'ordre public, c'est d'abord du
dialogue. Et le dialogue ne peut pas consister simplement à dire aux gens:
«j'ai conscience des difficultés de votre existence» en s'arc-boutant pour ne
rien changer à la politique mise en oeuvre.
À qui la faute?
La première responsabilité de ce
qui se passe aujourd'hui en France revient à ceux qui n'ont pas su entendre le
désarroi et la souffrance de beaucoup de Français. Il est grand temps que le
pouvoir comprenne qu'il y a un grand risque pour lui à s'isoler et à s'enfermer
dans la technocratie.
Macron a-t-il une
responsabilité dans les dérives de ce mouvement?
Entre le président de la
République et le peuple, il n'y a plus d'interlocuteurs. Mais il n'est pas trop
tard pour prendre des décisions aptes à calmer le mécontentement. Si on laisse
faire la hausse de la taxation des carburants au 1er janvier, le mesure sera
ressentie comme une véritable provocation. Or, il ne s'agit pas d'une réforme
mais d'une taxation! Ce n'est pas la capacité de réforme qui est en cause mais
plutôt le sentiment que les Français sont à la peine. Ce n'est pas la
redistribution qui redonnera du pouvoir d'achat mais le travail. Pour y
parvenir, la politique économique doit commencer par la baisse des déficits.
C'est le préalable à toute baisse des prélèvements obligatoires.
Comment la droite peut-elle
s'impliquer pour sortir le pays de cette crise?
Il ne s'agit certainement pas
d'instrumentaliser le mécontentement. Il est important au contraire de relayer
les attentes de nos concitoyens et de proposer des méthodes. Le préalable est
de revenir sur les hausses de taxes pour déblayer le terrain et ouvrir des
discussions, non seulement avec les gilets jaunes mais aussi avec les partenaires
sociaux. Le sénat a voté le gel de ces taxes la semaine dernière. Que le
gouvernement se saisisse de ce vote pour que sa bonne volonté devienne
concrète. Le chef de l'Etat et le parlement disposent d'instruments pour que
les Français puissent exprimer leur attentes. Le référendum, proposé par le
président des Républicains, en fait partie. En tous les cas, si l'on veut agir
rapidement, des gestes d'apaisement immédiats sont nécessaires.
Craignez-vous un 4e acte des
gilets jaunes?
Chacun peut être inquiet.
Maintenant, nous sommes dûment prévenus sur les risques de ces manifestations
en cas de débordements.
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«Gilets jaunes»: la droite pointe le risque d'une «explosion
de la la société française»
Laurent Wauquiez, président LR,
est convaincu qu'un référendum permettrait de stopper «cet engrenage de colère
et de violence».
Moratoire sur les hausses
de taxes et retour urgent au dialogue. Après la journée
désastreuse de samedi, la droite n'avait pas cinquante messages à adresser au
gouvernement. Laurent Wauquiez, président des Républicains, a insisté sur
l'importance du rétablissement de l'ordre. Réitérant sa proposition de remettre
le débat sur les énergies entre les mains du peuple via un «référendum», le
président de la région Auvergne-Rhône-Alpes s'est ému des violences, notamment
dans sa région, au Puy-en-Velay, où la préfecture a été incendiée. «On est un
département calme. L'incendie de la préfecture et les scènes d'affrontements,
on n'avait jamais connu ça. Ce n'est pas la Haute-Loire» a-t-il déclaré
dimanche, en duplex sur TF1.
Associant ces événements à ceux
observés dans «bien d'autres départements», Laurent Wauquiez s'est fait l'écho
des provinces touchées «de plein fouet par l'augmentation des impôts et des
taxes». Selon lui, il y a aussi le «sentiment que cette France-là, le président
de la République ne la comprend pas». Wauquiez
est convaincu que seul un référendumpermettrait de stopper «cet
engrenage de colère et de violence». «Si on fait juste un moratoire, si on
arrête juste les taxes quelques mois, ça ne répondra pas», a-t-il prévenu.
Au
Sénat, Bruno Retailleau, président du groupe LR, pense que le gouvernement doit
répondre en «annulant»
la hausse prévue. «C'est le préalable à l'apaisement. Le
gouvernement ne réglera pas le problème sans prendre la mesure du ras-le-bol
fiscal et sans envoyer un signe très clair.» Le parlementaire craint d'ailleurs
le pire pour les années à venir et demande au gouvernement de «dire la vérité
sur les hausses de taxes prévues». «Les Français ne savent pas qu'un triplement
des taxes sur les carburants est programmé dans la trajectoire de la fiscalité
verte. C'est une bombe à retardement. Il y a de quoi faire exploser la société
française», insiste le sénateur LR de Vendée. Il prône également une loi contre
les casseurs.
Sentiment d'abandon
Si la droite sénatoriale a voté
le gel de la hausse des taxes sur les carburants, elle estime aussi que les
alertes lancées régulièrement par la chambre des territoires n'ont pas été
entendues par l'exécutif. Et
le dernier congrès des maires de France, fin novembre à Paris, est vu comme une
occasion manquée pour le gouvernement. «Ce congrès offrait une
opportunité de tendre la main à ceux qui ont gardé la confiance de la
population», regrette un sénateur.
Pour certains élus de droite, le
phénomène des «gilets jaunes» est l'expression «par procuration» d'un sentiment
d'abandon persistant et croissant chez les Français.
«Le gouvernement ne réglera
pas le problème sans prendre la mesure du ras-le-bol fiscal et sans envoyer un
signe très clair»
Bruno Retailleau, président du
groupe LR au Sénat
Valérie
Pécresse, présidente LR du conseil régional d'Île-de-France, s'est dit
à la fois «choquée et indignée» par les saccages au cœur de Paris. Elle estime
que le mouvement des «gilets jaunes» s'est retrouvé «gangrené par ceux qui
viennent tout casser». Inquiète face aux conséquences de ces événements sur
l'économie et le tourisme, elle veut réunir au plus vite tous les acteurs
concernés, du commerce, de la restauration et de l'hôtellerie.
Au lendemain des violences
parisiennes, quatre maires d'arrondissement ont demandé audience au ministre de
l'Intérieur ainsi qu'un fonds d'urgence pour les commerçants victimes de
dégâts. Jean-François Legaret (Ier arrondissement), Jeanne d'Hautesserre
(VIIIe), Danièle Giazzi (XVIe) et Geoffroy Boulard (XVIIe) ont jugé «déplorable
et inadmissible de ne pas avoir été écoutés suffisamment en amont» alors qu'ils
avaient «alerté» le préfet de police sur la nécessité d'élargir le périmètre de
sécurité, au-delà de la place de l'Étoile et des Champs-Élysées.
Au «manque d'écoute» du ministre
de l'Intérieur, Christophe Castaner, s'est ajoutée, selon eux, une absence de
mesures adaptées alors que «tout le monde était pourtant conscient» des enjeux,
ont déploré les maires LR d'arrondissement de Paris.
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«Gilets jaunes» : la dissolution, seule solution pour Marine
Le Pen
La présidente du Rassemblement
national sera reçue à Matignon par Édouard Philippe ces prochains jours, comme
tous les autres chefs de parti.
De la crise sociale à la crise
politique. Dans les rangs du Rassemblement national, c'est avec la plus grande
précaution que l'on observe les mutations du mouvement des «gilets jaunes».
Cette nébuleuse, dopée par un sentiment de ras-le-bol fiscal et d'injustice
sociale, a obtenu «dès la première heure du premier jour» le soutien de Marine
Le Pen. Des encouragements logiques venant de l'ancienne candidate à la
présidentielle qui croit reconnaître dans les cortèges fluorescents nombre de
ses électeurs. Reste que si le parti à la flamme partage les raisons de la
colère, il n'en redoute pas moins les expressions les plus violentes.
Dans l'entourage de Marine Le
Pen, on se félicite d'avoir conservé, malgré des contestations en interne,
cette «ligne sociale» qui permet de coller
aujourd'hui aux revendications des «gilets jaunes». On n'en oublie pas
moins la longue culture d'ordre et d'intransigeance à toute forme de
délinquance sur laquelle s'est bâti le parti. La synthèse entre ces deux
«piliers» devient pourtant des plus délicate suite aux débordements observés ce
week-end à Paris, Tours, Marseille, Dijon comme au Puy-en-Velay. Une situation
qui a poussé Marine Le Pen, au lendemain des échauffourées, à dessiner sur
le plateau de «Dimanche en politique», sur France 3, un scénario, selon elle,
susceptible de conduire à une sortie de la crise. Scénario, qu'elle compte bien
présenter à Édouard Philippe lorsqu'elle sera reçue à Matignon, à l'image de
tous les autres chefs de parti, ces prochains jours.
«Il faut que tous les Français
soient représentés. Si tel n'est pas le cas, il y a une rupture dans le
principe fondamental du consentement à l'impôt»
Marine Le Pen
Marine Le Pen a ainsi réclamé à
l'exécutif l'organisation d'«un moratoire sur l'intégralité des taxes» qui
frappe les carburants, comme «une baisse des prix du gaz et de l'électricité.»
Décelant dans cette grogne sociale la conséquence directe d'un manque de
représentativité des Français à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen a
également réitéré ses vœux d'une dissolution. Les nouveaux députés devant,
selon elle, être désormais élus à la proportionnelle. «Il faut que tous les Français
soient représentés. Si tel n'est pas le cas, il y a une rupture dans le
principe fondamental du consentement à l'impôt», a-t-elle justifié.
Condamnant sans ambiguïté les
violences du week-end, la députée du Pas-de-Calais n'a cependant reconnu dans les
rixes que le fait de «groupuscules d'extrême gauche, les mêmes qui ont semé la
dévastation le 1er mai ou lors des manifestations précédentes.» Des
«casseurs», auxquels
elle oppose «la belle image des “gilets jaunes” qui ont protégé la flamme du
soldat inconnu en chantant “La Marseillaise”». Une vision manichéenne, comme en
réponse aux accusations du ministre de l'Intérieur, qui pointait la semaine
dernière les auteurs de violences comme des «séditieux d'ultradroite ayant
répondu à l'appel de Marine Le Pen.» Suspectant «une volonté du pouvoir
politique de laisser dégénérer» la situation, Marine Le Pen veut croire qu'il
n'est pas trop tard, six mois avant les européennes, pour faire préférer aux
«gilets jaunes», les urnes à la rue.
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jaunes»: l'hypothèse de l'état d'urgence pas retenue à ce stade
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Tartakowsky: «Les ‘'gilets jaunes'' révèlent une totale inadéquation entre
l'offre et la demande politiques»
«Gilets jaunes»: François Ruffin joue la surenchère
Pour le député Insoumis de la
Somme, la responsabilité du président de la République est pleinement engagée
après le troisième samedi de mobilisation des «gilets jaunes».
«Il va terminer comme Kennedy… Si
je le croise tant pis je monterai en prison… Vous voyez la croix sur le
terre-plein? Il va finir pareil…» Dimanche à quelques pas du palais du chef de
l'État, François
Ruffin, le député Insoumis de la Somme, est venu rapporter à Emmanuel
Macron tout le mal que les Français pensent de lui. Ou plutôt: ce que les
Français du
mouvement des «gilets jaunes», rencontrés ces derniers jours dans sa
circonscription, lui ont dit. «Des intérimaires, des retraités paisibles, des
habitants ordinaires», tient-il à préciser. Un message très court mais d'une
rare violence.
«C'est lui le président de la
République qui depuis 18 mois déchire la République, c'est lui qui, avec
son arrogance, déchire la France, c'est lui qui met notre pays à feu et à sang»
François Ruffin
«Je viens rapporter l'état
d'esprit de mes concitoyens», argumente Ruffin, se voulant simple porte-parole.
Chacun de ses messages est vu ou transmis sur les réseaux sociaux des centaines
de milliers de fois. «De
la colère on est passés à la rage»,
assure-t-il, considérant que «l'orgueil du président de la République, sa surdité,
son obstination, son absence de concession sont une machine à haine». Si Ruffin
glisse au milieu d'une phrase que «la violence ne mène à rien», expliquant
qu'il s'est «appliqué à la tempérer, à argumenter, à modérer», il se dit
persuadé que toute la faute repose sur Macron. «C'est lui le président de la
République qui depuis 18 mois déchire la République, c'est lui qui, avec
son arrogance, déchire la France, c'est lui qui met notre pays à feu et à
sang.»
«Macron démission»: la seule
solution pour ce député qui a débordé Jean-Luc Mélenchon dans son domaine de
prédilection, l'opposition radicale au chef de l'État. «C'est le mot d'ordre
entonné partout.» «Que disent les Français que j'ai rencontrés?, rapporte-t-il
encore. Que Monsieur Emmanuel Macron doit maintenant partir (…) avant de rendre
notre pays fou de rage, complètement fou. Qu'il doit partir pour ramener la
paix sociale, la concorde nationale.» Après cette déclaration de trois minutes
derrière le Théâtre Marigny, entouré de quelques médias et surveillé par les
forces de l'ordre, il a replié sa feuille en papier et s'est dit à la
disposition des médias dans les jours qui viennent.
Un «État en miettes»
«Jour historique. En France,
l'insurrection citoyenne fait trembler le monde du fric»
Jean-Luc Mélenchon sur twitter
À
la tête du groupe parlementaire des Insoumis,Jean-Luc Mélenchon s'était
félicité la veille de la mobilisation des «gilets jaunes». «Jour historique,
avait-il twitté depuis Marseille. En France, l'insurrection citoyenne fait
trembler le monde du fric.» Une déclaration lancée alors même que
les débordements étaient déjà bien engagés.
Quelques heures plus tard, le
leader des Insoumis voyait un «État en miettes» moquant ceux qui «essaient de
vider la mer des colères avec des matraques». Le lendemain sur BFMTV, le député
des Bouches-du-Rhône a proposé au chef de l'État de «dissoudre l'Assemblée
nationale». Mais s'est défendu de tout appel à la violence: «J'ai toujours été contre
les violences. Je l'ai toujours dit et écrit.» Alors que les communistes ont
annoncé dès vendredi leur intention de déposer à l'Assemblée une motion de
censure contre le gouvernement, Mélenchon a appelé les groupes parlementaires à
s'y associer. Avec en ligne de mire, l'espoir de «nouvelles élections
législatives».
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Journaliste politique, en charge
du PS, des écologistes et de la gauche radicale. Un peu de collectivités
locales aussi.
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«Gilets jaunes»: quels leviers politiques pour sortir de la
crise?
CONTRE-POINT - Face à une
défiance devenue incontrôlable, beaucoup pressent Emmanuel Macron de prendre
une initiative de nature politique.
À crise devenue politique, issue
politique? Renoncer à la taxe
écologique: de tous bords, Emmanuel Macron est prié de faire ce
geste minimum pour apaiser les «gilets jaunes» et les Français qui les soutiennent.
Mais face à une défiance devenue incontrôlable, beaucoup le pressent de prendre
une initiative de nature politique. Trois leviers sont d'ordre
institutionnel: la
dissolution, que réclame Marine Le Pen ; le
référendum, que propose Laurent Wauquiez ; la démission,
qu'exige François Rufin. Tous sont persuadés que l'impopularité du chef de
l'État dans les sondages conduirait mécaniquement à sa condamnation dans les
urnes. En matière de dissolution, on se souvient de
«l'expérimentation hasardeuse» de Jacques Chirac en 1997. Le général de Gaulle
aussi avait choisi cette option après Mai
68 et avait bénéficié d'une vague d'une ampleur inégalée. Mais,
déstabilisé par la contestation estudiantine, il avait gardé l'appui d'une
«majorité silencieuse» qui avait envoyé un message d'ordre clair. Macron est
privé de cette assise. Une dissolution relèverait du suicide politique. Le
référendum bute sur la nature de la question posée: la seule taxe sur
l'essence? La politique menée dans son ensemble? Difficile de refonder une
légitimité, ou de la solder, sur une unique question. Quant à la démission,
arme suprême et ultime, il n'est pas surprenant qu'elle soit brandie par ceux
qui n'ont finalement jamais admis l'élection d'Emmanuel Macron.
«Gilets
jaunes» : Emmanuel Macron s'est rendu sous l'Arc de Triomphe -
Regarder sur Figaro Live
Reste, sur le plan
institutionnel, une quatrième hypothèse: un changement de premier
ministre. La
posture de fermeté d'Édouard Philippe est parfois présentée comme une des
causes du durcissement des «gilets jaunes».Mais ce scénario semble
émaner principalement de députés LaREM avec qui les relations se sont
détériorées. Philippe écarté, on voit mal quelle personnalité aurait la capacité
de rassembler. En chargeant son premier ministre de recevoir les chefs de
parti, Macron a tordu le cou à ce scénario d'autant plus illusoire que c'est
sur la personne même du président de la République que la colère se
concentre. Un changement de «fusible» n'apporterait aucune garantie de rebond.
Surtout, ces quatre leviers relèvent d'un Meccano institutionnel étranger au
mal-être réel exprimé par les Français en matière de pouvoir d'achat,
de conditions de vie, de prise en considération. Donc ils
n'apporteraient aucune garantie d'apaisement ou de rebond.
D'autres propositions de sortie
de crise s'accordent davantage à la nature de la contestation. Laurent
Berger (CFDT) parle d'un «Grenelle du pouvoir de vie», Olivier Faure (PS),
d'«États généraux du pouvoir d'achat». L'idée de mettre autour de la table le
plus grand nombre d'acteurs possible serait de fait un moyen à la fois de
sortir du face- à-face devenu trop tendu entre Macron et les Français et
de donner un minimum de crédibilité à toute proposition qui serait
automatiquement rejetée si elle émanait du seul exécutif. La réunion de tous
les chefs de parti participe de cet élargissement, préalable à
toute sortie de crise. C'est en effet plus par l'humilité des liens renoués que
par l'éclat d'un coup politique que Macron s'en sortira.
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Éditorial : «Urgence nationale»
Mis à jour le 02/12/2018 à 22h11 |
Publié le 02/12/2018 à 21h25
Par Alexis Brézet
Mais comment a-t-on pu en arriver
là? Comment, partant d'une (trop) banale augmentation des taxes sur les
carburants, en sommes-nous venus à ces scènes terrifiantes de saccages et de
pillages, à cet hallucinant spectacle de chaos et de désolation? Paris en feu,
l'Arc de triomphe profané par une bande de vandales posant en toute impunité
sur leurs selfies. Au-delà des dommages matériels, qui n'ont pas touché que la
capitale, loin de là, la journée du 1er décembre restera pour la nation
une blessure collective. Face à cette explosion de violences inexcusables - et
dont le président de la République a fort justement dit qu'aucune cause ne
saurait la justifier -, tout un pays a eu le sentiment d'assister à la faillite
de l'État.
Après ce désastre national, la priorité
des priorités, évidemment, ne peut être qu'au rétablissement de l'ordre
républicain. Même si l'on doit saluer le courage, l'abnégation et le sang-froid
dont ont fait preuve policiers et gendarmes, force est de constater que le
dispositif policier mis en place par le ministre de l'Intérieur, à Paris
notamment, a été gravement mis en échec. Les enquêtes, parlementaires ou
administratives, qui ne manqueront pas d'être diligentées nous diront peut-être
pourquoi. En attendant, il importe avant tout d'éviter que ces scènes de
quasi-guerre civile se reproduisent samedi prochain. Sans faiblesse ni
demi-mesures, les autorités doivent assurer la sécurité des personnes et des
biens ; c'est la base du contrat passé entre l'État et les citoyens. Tous
les moyens juridiques, matériels et humains - y compris la proclamation de
l'état d'urgence si preuve était faite qu'elle peut s'avérer utile - doivent
être mis en œuvre sans délai afin que cesse l'intolérable.
La deuxième priorité - car le
rétablissement de l'ordre public ne saurait être qu'un préalable - est de
répondre à la colère des «gilets jaunes» afin d'apaiser cette révolte qui fait
courir de graves risques à l'équilibre politique et social du pays. Jusqu'ici,
leur détermination a résisté à tout ; quant au soutien dont ils
bénéficient dans l'opinion, ni les tentatives de culpabilisation de «la France
qui fume des clopes et qui roule au diesel» ni les essais de diabolisation
visant la «peste brune» n'en sont venus à bout. Aujourd'hui, derrière les
violences urbaines, la fronde des «gilets jaunes» est là, plus virulente que
jamais. On voudrait pouvoir distinguer radicalement les choses, mais la réalité
est plus complexe: il y a des casseurs «professionnels», il y a aussi des
«gilets jaunes» qui cassent. Le Puy-en-Velay, pour ne prendre que cet exemple,
ne saurait passer pour un repaire d'anarchistes ou d'identitaires…
Apaiser la révolte? On n'y
arrivera pas à grands coups de «pédagogie» (comme si les «gilets jaunes»
étaient des cancres incapables de rien comprendre), ni par la grâce de cette
«conférence territoriale sur les mobilités» étalée sur trois mois que propose,
sans rire, Benjamin Griveaux. Pour résoudre la crise, il faut renouer - tout de
suite - le dialogue, et, pour renouer le dialogue, il faudra bien, par quelque
bout que l'on prenne la chose, concéder aux «gilets jaunes» un trophée
symbolique.
Chacun le sait, l'évidence crève
les yeux: Emmanuel Macron doit d'urgence reporter, suspendre, annuler (peu
importe le mot) les hausses de taxes qui ont mis le feu aux poudres. Revenir
non pas sur une réforme (il n'y a rien de réformateur à augmenter, comme tant
d'autres avant soi, les impôts) mais sur un prélèvement. L'opposition l'en
conjure ; ses amis l'en pressent de plus en plus ouvertement ; ne pas
les entendre serait confondre constance et obstination, et donner le sentiment
d'un orgueil mal placé. Maintenant, il faut aller vite: plus le temps passe,
plus le prix à payer pour rétablir le calme sera élevé. Et plus la capacité du
gouvernement à mener demain la moindre (vraie) réforme sera entamée.
On dira - avec Christophe
Castaner - qu'un moratoire sur les hausses de taxes ne suffira pas à ramener la
paix dans les esprits, que les revendications des «gilets jaunes», dont
certaines sont proprement abracadabrantesques, vont désormais bien au-delà. Ce
n'est sans doute pas faux, mais c'est dire aussi que le malaise sur lequel
prospère la révolte est si profond qu'aucune annonce politique ne saurait à
elle seule le résorber. La réconciliation nationale sera une œuvre de longue
haleine. C'est la troisième priorité.
Réconciliation, car, en vérité,
c'est bien un affrontement grave qui s'installe partout dans les démocraties
occidentales. De bons esprits (Christophe Guilluy, David Goodhart, Thomas
Frank) l'avaient prophétisé dans le désert depuis des années ; nul ne peut
plus contester aujourd'hui sa réalité. Dans les profondeurs de cette double
fracture - géographique et sociologique - qui structure aujourd'hui le paysage
de nos démocraties mijotent tous les ingrédients d'une nouvelle lutte des
classes qui met à rude épreuve la cohésion des nations.
Par un paradoxe qui n'est
qu'apparent, c'est sous le principat d'un président élu sur un projet de
bienveillance et de dépassement des clivages que cette opposition nouvelle aura
été portée chez nous à incandescence. C'est sans doute que le vieux clivage
droite-gauche, à côté de tant de défauts, avait aussi quelques qualités: en
récusant la froide logique des intérêts, il permettait au pays de s'affranchir
en partie des affrontements de classe. De droite ou de gauche, c'était toujours
la même France, tandis qu'aujourd'hui, entre la «France des métropoles» et la
«France périphérique» se dessine en pointillé l'affrontement de deux
sociologies, deux modes de vie, deux univers culturels radicalement étrangers.
Pour combler ce fossé qui se
creuse, il n'est à l'évidence pas de réponse univoque. L'angoisse du grand
déclassement qui frappe les classes moyennes, tout autant que les classes
populaires, est économique, bien sûr, mais aussi culturelle et identitaire.
Elle appelle des gouvernants des réponses sonnantes et trébuchantes, des
réponses politiques et symboliques, et aussi ce je-ne-sais-quoi qui ne coûte
rien et qui s'appelle le respect.
Il y a urgence à agir. Ordre
républicain, apaisement social, réconciliation nationale: ce triple objectif, à
court, moyen et long terme, devrait mobiliser l'ensemble des forces politiques.
Si nous ne voulons pas que la colère des peuples, qui a produit Trump, le
Brexit, Salvini et tant d'autres tempêtes politiques, ne finisse, chez nous
aussi, par tout emporter.
Jacques Julliard : «Le Mai 68 des classes moyennes»
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Si Emmanuel
Macron paie son hostilité aux corps intermédiaires, les « gilets
jaunes » ne peuvent prétendre se soustraire aux règles qui régulent les
conflits sociaux en France depuis plus d'un siècle, argumente l'historien et
essayiste.
Une finalité sans fin
Tout ça pour ça! D'ici peu, la
baisse du brut aidant, le carburant ne coûtera pas plus cher, peut-être moins,
qu'à la veille du mouvement des «gilets jaunes». Mais les choses sont ainsi.
Qu'il affecte les classes moyennes ou la classe ouvrière, le mécontentement en
France n'a jamais de cause expresse, seulement des prétextes, ou mieux des
déclencheurs. Voilà pourquoi il déborde si facilement les classes sociales qui
lui ont donné naissance pour s'étendre à certaines couches populaires. La vie
sociale ressemble au jeu du furet où il ne s'agit pas de courir après la balle
mais de rechercher où elle se trouve. Dans les pays rationnels, l'ordre de
succession des facteurs, lorsd'un mouvement social, est le suivant:
mécontentement-revendication-conflit-solution. Mais au «pays de Descartes»
(sic), l'ordre est plutôt: mécontentement-conflit-revendication-solution. Vous
voulez savoir pourquoi je descends dans la rue? Je vous le dirai quand je le
saurai moi-même, après avoir arpenté la chaussée. Allez comprendre.
Ainsi, savez-vous pourquoi les
«gilets jaunes» occupent les carrefours? Pour moi, pas vraiment. Pour eux,
guère davantage. On ne nous entend pas, disent-ils - que ne parlent-ils
clairement! Ce n'est pas faire preuve d'indulgence excessive à l'égard du
gouvernement que de constater qu'il ne sait à qui parler, et pas davantage de
quoi. Quand un pays soutient à 80 % la taxe carbone et à 80 % aussi
ceux qui en demandent la suppression, gouverner relève de l'acrobatie ou de la
prestidigitation.
«On ne sait toujours pas, à
l'heure où j'écris, de quoi cette grève aura été le nom.»
Jacques Julliard
Examinez les grands conflits du
passé, des grèves de 1936 à celles de 1968: le principal objet du débat était
de savoir de quoi l'on allait débattre. Après, les choses vont assez vite et se
dénouent en quelques heures. C'est seulement quand tout est fini que les
grévistes comprennent vraiment pourquoi ils se sont mis en grève, et les
patrons pourquoi ils ont cédé sur autre chose. Comme l'œuvre d'art chez Kant,
le conflit social est en France une finalité sans fin, c'est-à-dire la
recherche de quelque chose que l'on ignore mais dont on attend une
satisfaction. Voilà pourquoi il est si difficile en France, comme l'avait jadis
reconnu Maurice Thorez, de terminer une grève, ou encore, nous venons de le
voir, de lever l'occupation d'un rond-point.
On ne sait toujours pas, à
l'heure où j'écris, de quoi cette grève aura été le nom. Une jacquerie contre
la hausse des taxes sur l'essence, ou pour une augmentation des salaires,
voirepour le rétablissement de l'ISF? Ou peut-être pour rien du tout,ou pour
tout cela ensemble.
L'épiphanie des classes
moyennes
Ne nous le dissimulons pas: si
dur à vivre pour les acteurs que soit un mouvement social, si exigeant parfois
pour le porte-monnaie, il est aussi une grande parenthèse d'autonomie
personnelle, d'autoaffirmation, et par conséquent de jubilation. Dès le début,
ce n'est pas seulement de ne pas être écoutés que se plaignaient les «gilets
jaunes», c'est de ne pas être reconnus. C'est d'être ceux dont on ne parlait
jamais, contrairement aux riches, mais aussi aux pauvres. Trop modestes pour
susciter l'envie, à la différence des premiers ; trop à l'aise pour
susciter la compassion, à l'inverse des seconds.
Les voilà enfin sur le devant de
la scène. Ils «passent à la télévision». L'ingénieuse invention des «gilets
jaunes» leur donne la dignité d'acteurs de l'histoire à part entière. Ils sont
les héros de cet animal fabuleux des temps modernes que l'on nomme
l'automobile. On les a vus s'acharner contre tout ce qui limite le bon plaisir
de cette chevalerie mécanique: les panneaux de signalisation, les péages et
leurs barrières, les radars et leurs limitations de vitesse. Ce n'est pas parce
qu'ils sont pressés qu'ils détestent le 80 à l'heure: c'est parce qu'ils voient
là comme une atteinte à leur souveraineté. Au-delà de son utilité sociale,
l'automobile est aux classes moyennes ce que l'avion est aux classes
supérieures et la moto aux jeunes. Après tout, pourquoi les classes moyennes
n'auraient-elles pas enfin, en occupant les carrefours routiers, l'équivalent
de ce qu'ont ressenti les ouvriers quand, en juin 36, ils ont occupé les
usines, quand, en 68, les étudiants ont occupé les facs, leur revanche sociale,
ou même, si l'on veut, leur moment historique? Ne sont-elles pas fondées à
penser que, tandis qu'à l'ordinaire elles gravitent autour de la mécanique
sociale, aujourd'hui, pour quelques jours au moins, c'est toute la mécanique
sociale qui gravite autour d'elles?
Qu'en restera-t-il? Rien
peut-être. Après tout, le mouvement de Mai 68, dont toute la tonalité était
gauchiste, a été couronné le mois suivant par les élections les plus à droite
que la France avait connue depuis la Chambre bleu horizon de janvier 1919.
Dans un mois, cela fera juste cent ans… En attendant, le mouvement des «gilets
jaunes», pour beaucoup de gens qui n'avaient jamais manifesté de leur vie,
restera une parenthèse dans la monotonie des jours.
La montée aux extrêmes
Faute d'objectif précis, la grève
ou le blocage prennent toujours plus ou moins en France la forme d'une remise
en question de l'ordre établi. Commencer une grève, c'est ouvrir la boîte de
Pandore, sans savoir ce qu'il en sortira. Le plus souvent, une grève de grande
ampleur est dirigée contre l'ordre patronal, contre l'ordre gouvernemental,
mais aussi plus discrètement contre l'ordre syndical lui-même. On y voit
souvent les chefs du mouvement courir après les troupes, comme après un cheval
fou que l'on cherche à rattraper par la bride.
D'où l'inflation verbale qui est
toujours de mise. Une perte de 1 % du salaire, voire la simple stagnation,
est immédiatement qualifiée de plongée dans la misère. On a entendu des «gilets
jaunes» affirmer que l'onne peut plus se soigner en France, alors que c'est
justement le paysoù tout le monde a droit à des soins. On demandera la
démissiondu président de la République, du gouvernement, la dissolutionde
l'Assemblée nationale. Et après? Comme disait Napoléon:«On s'engage, et l'on
voit après…»
Cette traditionnelle montée aux
extrêmes ne relève pas seulementde l'amplification méridionale ou de l'art de
demander le plus pour obtenir le moins. Elle traduit la conviction, toujours
prête à s'exprimer,que l'ordre social est injuste.
À la veille de la Révolution,
écrit Tocqueville, «il n'y eut pasde contribuable lésé par l'inégalitédes
tailles qui ne s'échauffât à l'idéeque tous les hommes doivent être
égaux ; pas de petit propriétaire dévasté par les lapins du gentilhomme
son voisin qui ne se plût à entendre dire que tous les privilèges indistinctement
étaient condamnés par la raison».
Ce moment où «toutes les passions
publiques se transformenten philosophie» laisse présager que la Révolution
n'est pas loin ; en France, à chaque émotion populaire, nous sommes à la
veille de la Révolution. C'est pourquoi on en compte tanten France, et s'il
n'en est pas davantage, c'est que, pour citer encore Tocqueville, «une nation
fatiguée de longs débats consent volontiers qu'on la dupe, pourvu qu'on la
repose».
Oui, la France est ce pays où la
Révolution paraît à toutes les classes de la société comme un préambule
nécessaire à quelque réforme que ce soit, et commeles révolutions sont tout de
même des choses coûteuses, on finit par renoncer aux réformes et à se résigner
au conservatisme. D'où il ressort que la fréquence du risque révolutionnaire
est chez nous la meilleure garantie du maintien de l'ordre conservateur.
Macron et les corps constitués
Ce qui donne au mouvement des
«gilets jaunes» une allure insolite, c'est que s'en sont trouvés absents les
deux grands acteurs habituels de la scène sociale: les patrons et les ouvriers.
Et cela pour la même raison ; à savoir que ni les uns ni les autresne
peuvent franchement approuver ni désapprouver cette insurrection des classes
moyennes. Les premiers parce qu'ils paient beaucoup d'impôts ; les seconds
parce qu'ils n'en paient guère. On avait déjà connu semblable situation dans
les années 50, avecle mouvement Poujade. Est-ce parce que celui-ci était
excessivement personnalisé que les mutins d'aujourd'hui sont si hostiles à toute
représentation?
Il n'importe, l'absence des
syndicats ouvriers, fût-ce parla parole, dans un mouvement social de pareille
ampleur n'est pas un bon signe. Elle suggère que repliés surla défense corporatiste
de leurs adhérents, ils ont renoncé à exprimer un point de vue général surla
situation sociale du pays, à plus forte raison sur son gouvernement. Seule la
CFDT, par la voix de son secrétaire général, Laurent Berger,a fait exception,
parce qu'elle estla seule à n'avoir pas complètement renoncé à toute ambition
nationale. Une confrontation générale sur les conditions de la transition
énergétique était en effet la bonne méthode pour mettre tous les Français
devant leurs responsabilités et replacer la révolte des «gilets jaunes» dans le
cadre d'une politique sociale d'ensemble.
L'absence des syndicats
professionnels, mais aussi des partis politiques eux-mêmes, doit amener à
réfléchir sur le déclin des grandes organisations constitutivesde la
démocratie.
Dans un livre classique sur «la
démocratie et l'organisation des partis politiques» (1), le sociologue
d'origine russe Moisei Ostrogorski avait montré dès 1902 quela
professionnalisation croissantedes partis classiques et l'élaborationde leurs
programmes en dehorsde toute participation populaire,en un mot leur
bureaucratisation, avait, à terme, pour conséquencele déclin de ceux-ci et leur
remplacement par des partis temporaires à objet unique. Nous y sommes.
L'organisation temporaire, aux contours mal définis, connue sous le nom de
«gilets jaunes» correspond parfaitement à la prédiction d'Ostrogorski. Les
«bonnets rouges» bretons, nés en 2013 en réactionà l'écotaxe, les avaient
précédésdans cette voie. La défiance croissante à l'égard du parti idéologique
professionnel et du syndicat de même type laisse présager la multiplicationà
l'avenir de ces formations éruptives et sans lendemains.
Ce que l'on sait d'Emmanuel
Macron et de sa structure mentale porte à penser qu'il se réjouit fortde cette
évolution. Il déteste, on s'en aperçoit un peu plus chaque jour, les corps
intermédiaires, les formations constituées capables de le suivredans la durée
et de lui tenir tête.
Ces problèmes, nous venons, avec
cette triste journée de samedi dernier, de les toucher du doigt. Quelle que
soit la suite des événements, elle restera une honte pour les classes moyennes
dans leur volonté d'être tenues pour des interlocuteurs responsables. Leur
incapacitéà s'organiser, à faire régner l'ordredans leurs propres rangs, à
formuler des revendications, et à désigner des représentants pour les porter,
c'estle degré zéro de l'intelligence sociale.
Avec les conséquences inévitables
que cela entraîne. Si vous ne savezpas ce que vous voulez, vous ne l'aurez
sûrement pas. Si vous ne pouvez pas désigner un chef dans vos rangs, d'autres
viendront de l'extérieurpour vous asservir. Nous voici dans l'anarchie
petite-bourgeoise, avecson cortège de casseurs, de pilleurs,de politiciens et
de démagogues d'extrême droite et d'extrême gauche. Ces classes moyennes qui ne
cessentde se plaindre d'être méprisées - leur idéal dirait-on, n'est ni la
démocratie ni la dictature, c'est la lacrymocratie! - ont-elles conscience
qu'elles sont en train de mériter ce qu'elles dénoncent?
Imagine-t-on un instant les
ouvriers français, fiers des valeurs de La Marseillaise et de L'Internationale,
laisser souiller et saccager l'Arcde triomphe? Pour moins que cela, jadis,
c'est à balles réelles qu'ils étaient accueillis, par le représentant par
excellence de l'ordre bourgeois,c'est-à-dire Thiers!
Je cherche en vain dansle
mouvement actuel la solidarité,la générosité, la fraternité, qui existaient
chez les étudiants et les ouvriers.C'est un peu lugubre: on a ratéle légendaire
de Mai 68 et parfois frôléla chienlit de février 34. On se croit Robin des
Bois, et les spectateursne voient que des Gribouille.
Jacques Julliard, éditorialiste
de l'hebdomadaire Marianne.
(1) Trad. française: «La
Démocratie et les partis politiques» (Seuil 1979,coll. «Point»).
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«Gilets jaunes» : vu de l'étranger, un air de «guerre civile»
VIDÉOS - Les médias britanniques,
notamment, ont diffusé en boucle les images des affrontements dans les avenues
de Paris, samedi.
Les images des affrontements
de samedi dans les rues de Paris ont suscité une certaine stupeur
à l'étranger, où l'on a soudain eu l'impression que la France renouait au
XXIe siècle avec son passé révolutionnaire. «Il y a une atmosphère de
guerre civile», écrit la correspondante du magazine américain Time,
en citant un porte-parole autoproclamé du mouvement des «gilets jaunes».
Emmanuel Macron, explique la journaliste, «est perçu dans l'esprit de beaucoup
de gens comme un riche je-sais-tout persuadé d'avoir toujours raison».
«La version moderne d'une
révolte des paysans et des ouvriers contre un président de plus en plus
contesté pour son attitude distante et monarchique»
Extrait du «New York Times»
Le New York Times a
qualifié les événements de «la crise la plus sérieuse traversée par le
gouvernement Macron». «Même si elles ont été principalement commises par des
vandales qui se sont amalgamés au mouvement, les violences de samedi ont été
très symboliques. Cette version moderne d'une révolte des paysans et des
ouvriers contre un président de plus en plus contesté pour son attitude
distante et monarchique a transformé les plus riches avenues et les sites les
plus célèbres du pays en véritables zones de guerre», écrit le correspondant à
Paris du journal américain.
Le Washington Post avait
quant à lui choisi de couvrir les manifestations des «gilets jaunes» à
Besançon, expliquant à ses lecteurs que le mouvement était aussi celui de la
province contre la capitale.
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jaunes»: «Ma compagnie a tiré plus de 1000 grenades lacrymogènes», témoigne un
CRS
Les médias britanniques ont
diffusés eux aussi en boucle les images des affrontements dans les avenues de
Paris, l'Arc de triomphe noyé dans les gaz lacrymogènes et le visage vandalisé
de la statue de Marianne dans la galerie du monument. La BBC et plusieurs
autres chaînes britanniques ont dit que l'état
d'urgence pourrait être décrété. Le quotidien populaire The Daily
Mail affirme même que «l'armée se tient prête pour réprimer» le
mouvement des «yellow vests».
«Scènes de guerre civile»
Le quotidien allemand Frankfurter
Allgemeine Zeitung a aussi qualifié les événements de samedi à Paris
de «scènes de guerre civile» et se demande si «la France va de nouveau décréter
l'état d'urgence». Le journal allemand a cité la fermeture des Galeries
Lafayette samedi par crainte des émeutiers comme un exemple des conséquences
probables de ces événements sur l'économie française.
Pour la chaîne de télévision
panarabe al-Jazeera, les manifestations de Paris ont été «infiltrées par des
éléments violents d'extrême droite et d'extrême gauche».
Toujours prompte à souligner les
problèmes des pays occidentaux, et à leur renvoyer leurs critiques, la chaîne
russe d'information Russia Today a mis l'accent ce week-end sur la brutalité de
la police française face aux manifestants, expliquant comment plusieurs de ses
journalistes avaient été blessés par les policiers et citant abondamment la
version de Jean-Luc Mélenchon selon laquelle les manifestants
«pacifiques» auraient été «victimes de l'acharnement» de la police sur la place
de l'Étoile.
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«Gilets jaunes»: des questions sur le dispositif de sécurité
à Paris
VIDÉO - Au lendemain d'une
nouvelle journée de mobilisation, marquée par des scènes de chaos dans la
capitale, les mesures prises pour empêcher les casseurs de s'infiltrer sur les
Champs-Élysées sont remises en cause.
Fallait-il «cadenasser» une
partie de l'Ouest parisien?
«Scènes de chaos avenues
Mac-Mahon et des Ternes. Inacceptable et tristement prévisible: dégradations du
mobilier urbain, incendie… J'avais demandé un périmètre élargi aux quartiers
voisins de l'Étoile au préfet de police». Samedi, le maire LR du XVIIe
arrondissement, Geoffroy Boulard, lançait la polémique: les autorités
auraient-elles dû, ou pu, «cadenasser» non seulement les Champs-Élysées mais
au-delà une partie de l'Ouest parisien? Une source officielle fait observer que
le gouvernement tenait à permettre à ceux qui le voulaient de manifester sur
les Champs-Élysées. Au
vu des zones touchées par les émeutes de samedi soir - de Bastille à Rivoli en
passant par Haussmann, bien au-delà de l'Étoile et de ses environs -,
il aurait de toute façon fallu «cadenasser» une bonne partie de la capitale. Ce
qui, techniquement, paraît irréalisable. Sans compter le risque que, en faisant
de l'Ouest une forteresse, l'Est soit livré aux casseurs.
Des «gilets jaunes» ont-ils
été empêchés de se rendre sur les Champs-Élysées?
Dans la journée de samedi, de
nombreux journalistes, dont plusieurs reporters du Figaro, ont
rencontré des «gilets jaunes» pacifiques, parfois âgés, leur expliquant qu'ils
n'avaient pu accéder aux Champs-Élysées et qu'ils avaient été de facto rejetés
du côté des manifestants violents. En clair, que le «filtrage» mis en place par
les forces de l'ordre avait cessé d'être opérant. Une affirmation que conteste
une source gouvernementale, qui souligne que le filtrage a bien fonctionné,
quand il était possible, et que plusieurs centaines de «gilets jaunes» ont bien
eu accès aux Champs-Élysées. Elle ajoute que les 24 points d'accès mis en place
par les
forces de l'ordre ont en revanche été attaqués dès 9 heures du matin par
des casseurs masqués et casqués.
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CRS
Pourquoi les forces de l'ordre
ont-elles été débordées?
Samedi, les forces de l'ordre ont
parfois donné l'impression de «courir» après des casseurs très mobiles. Manque
d'effectifs? Dans la soirée, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner,
soulignait: «Tous les moyens de la police, de la gendarmerie et de la sécurité
civile sont mobilisés.» Difficile donc d'aller au-delà des 4600 policiers et
gendarmes mobilisés à Paris sous peine de laisser la province démunie. Selon
l'Élysée, Emmanuel
Macron a demandé dimanche au ministère de l'Intérieur de mener «une
réflexion sur la nécessité éventuelle d'une adaptation du dispositif du
maintien de l'ordre dans les jours à venir».
Les tactiques des forces de l'ordre et celles des casseurs expliquent aussi
cette impression de «débordement». Côté policier, la priorité donnée, au
détriment parfois des biens matériels, à la protection des personnes est
clairement assumée. Même si, selon une source policière, les forces de l'ordre
ont fait face à une «violence inouïe» visant aussi les pompiers. Le préfet de
police a parlé dimanche de violences «d'une gravité sans précédent». Côté
émeutiers, leur rapidité d'action, ravageant une avenue en quelques dizaines de
minutes, et leurs attaques dans plusieurs points de la capitale dans des sites
peu adaptés au maintien de l'ordre, ont encore compliqué la tâche des policiers
et des gendarmes. Des syndicats de police proposent des solutions: état
d'urgence et «renfort de l'armée pour garder les lieux institutionnels» pour
Alliance-police nationale, et interdiction des prochaines manifestations pour
l'Unsa-police.
Qui sont les casseurs?
C'est peut-être l'élément le plus
inquiétant dans les émeutes de samedi. Selon un spécialiste des questions de
sécurité, Paris a vu une «convergence» spontanée de violences nées au cours des
dernières décennies: aux «vrais» «gilets jaunes», héritiers de violences
observées depuis des années en marge de conflits sociaux (saccages de bâtiments
publics, prises d'otages, manifestations violentes) se sont joints des casseurs
«politiques», notamment de l'ultragauche, héritiers eux de la violence
déchaînée par les black blocs depuis les années 1990, mais aussi de
l'ultradroite. À noter que les casseurs, rompus à la dissimulation, sont par
définition plus difficiles à appréhender. Enfin, samedi en fin de journée, des
casseurs «de cités» sont apparus pour se livrer au pillage. Le profil des
gardés à vue témoigne de cette diversité: une majorité d'hommes, souvent intégrés,
et venant majoritairement de province, et de jeunes Franciliens, dont 33
mineurs, interpellés pour des pillages en seconde partie de journée.
Décréter l'état d'urgence
serait-il pertinent?
Pour l'heure, l'option ne semble
pas avoir été retenue par le chef de l'État. Politiquement, la mesure ne serait
pas neutre et, techniquement, son efficacité serait limitée. On voit mal
comment une interdiction de manifester ou d'hypothétiques assignations à
résidence, contestées devant la justice, pourraient régler la question. Par ailleurs,
de nombreuses dispositions de l'état d'urgence sont déjà inscrites dans la loi
du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le
terrorisme.
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LaREM se fissure sur les «gilets jaunes»
VIDÉO - Des divergences
apparaissent parmi les députés macronistes entre les partisans de la fermeté et
ceux qui demandent à l'exécutif des gestes pour calmer la fronde.
La majorité à l'épreuve du feu.
Pour la première fois depuis le début du quinquennat, les parlementaires La
République en marche (LaREM) sont confrontés à une crise politique sans
précédent, qui tend à se radicaliser au fil des semaines. Samedi,
dans les rangs du Pavillon Baltard (Nogent-sur-Marne) où se tenait le conseil
du parti, la colère des «gilets jaunes» était dans toutes les têtes.
Les élus se tenaient informés en direct de l'ampleur de la mobilisation dans
leur territoire. Les
images des débordements à Paris ont provoqué la stupeur. Ces
députés macronistes, majoritairement peu expérimentés, découvrent pour la
plupart la violence de l'impopularité, voire du rejet. Ils
sont, pour certains, pris pour cible à leur domicile ou sur le terrain,
sans savoir comment répondre à cette colère.
Deux catégories se dessinent au
sein du groupe LaREM: d'un côté, les partisans de la fermeté, qui ne veulent
rien lâcher aux manifestants et, de l'autre, ceux qui demandent à
l'exécutif des
gestes supplémentaires pour calmer la fronde. Ces derniers sont de
plus en plus nombreux. «La peur prend le pas sur tout, constate, las, une
députée macroniste. Même si la force du vent est forte, il faut trouver des
solutions qui ne doivent pas être celles de l'ancien monde.»
«On ne pourra pas jouer le
pourrissement. Il faut répondre précisément au problème du pouvoir d'achat, que
les “gilets jaunes” voient sur leur fiche de paie une véritable augmentation»
Sylvain Maillard, le député de
Paris
Le député de Paris Sylvain
Maillard a ajouté sa voix samedi à ces revendications, après une nouvelle
rencontre avec des «gilets jaunes». «Si on maintient le cap, il va y avoir des
manifestations partout, explique-t-il au Figaro. On ne pourra pas jouer le
pourrissement. Il faut répondre précisément au problème du pouvoir d'achat, que
les “gilets jaunes” voient sur leur fiche de paie une véritable augmentation.»
Pour Gilles
Le Gendre, président du groupe, les consultations territoriales voulues
par l'exécutif doivent s'accompagner «d'un changement radical dans la méthode».
«L'objectif est de réussir absolument cette grande concertation, qui doit être
la plus large possible et aboutir à des ajustements», plaide-t-il. Le chef de
file des députés LaREM reconnaît auprès du Figaro l'existence de «doutes» et
d'un «débat», mais nie toute apparition de «fissures».
«Il y a urgence à ouvrir le
dialogue et donner des solutions immédiates»
Émilie Cariou, députée de la
Meuse
Mardi, le mouvement des «gilets
jaunes» sera le seul thème à l'ordre du jour de la réunion de groupe
hebdomadaire, à l'Assemblée nationale, à laquelle assistera le
premier ministre. «Les violences d'hier sont inacceptables. Nous ne
pouvons laisser notre pays partir dans le chaos. Les députés LaREM ont fait
remonter les alertes et propositions, il faut que le premier ministre les
écoute. Il y a urgence à ouvrir le dialogue et donner des solutions
immédiates», a ainsi tweeté dimanche la députée macroniste de la Meuse,
Émilie Cariou. Car certains ont peu goûté ces derniers jours à
«l'inflexibilité» d'Édouard Philippe.
Plus inédit encore, pour la
première fois, des parlementaires mettent directement en cause le chef de
l'État. Le procès en arrogance, jusqu'ici limité à l'opposition, trouve un écho
au sein de la majorité. «Je nierai vous l'avoir dit mais voilà ce que je pense:
80 % du bordel des “gilets jaunes” est le résultat des petites phrases du chef
de l'État depuis six mois», déplore un député LaREM, plaçant «les Gaulois
réfractaires» ou «traverser la rue pour trouver un job» au Panthéon des erreurs
de ce début de quinquennat.
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Journaliste politique - Twitter:
@Mathilde_Sd - mail: msiraud@lefigaro.fr
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«Gilets jaunes»: une facture en milliards d'euros pour les
commerces
À Paris comme en province, les
fermetures forcées, les dégradations et les vols ont lourdement impacté le
chiffre d'affaires des commerçants lors de ce troisième samedi de mobilisation
des «gilets jaunes».
Vitrines brisées, magasins
pillés, boutiques fermées ou désertées par les clients, véhicules brûlés… la
facture de
ce troisième samedi de mobilisation des «gilets jaunes» s'annonce
lourde. Les assureurs réservent encore leur évaluation des sinistres. Mais chez
les commerçants, la perte de chiffre d'affaires se calcule en milliards
d'euros. «Certains achats pourront être reportés, comme les jouets, mais pas
les produits frais, explique Jacques
«L'année 2018 n'avait déjà pas
été bonne pour le commerce, cela ne va rien arranger»
Jacques Creyssel, délégué général
de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution
Creyssel, le délégué général de
la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), qui ne
cache pas son inquiétude. Lors d'un week-end comme celui-là, le chiffre
d'affaires global tourne autour de 15 milliards d'euros. Le recul des
ventes risque de dépasser 30 %.»
» LIRE AUSSI - Gilets
jaunes: le point de bascule?
«L'année 2018 n'avait déjà pas
été bonne pour le commerce, cela ne va rien arranger», ajoute-t-il. Selon lui,
le chômage technique se profile dans le secteur de la distribution, premier
employeur chez les jeunes, et les emplois de renfort prévus pour Noël sont
d'ores et déjà annulés. Tous attendent de la rencontre avec Bruno
Le Maire, ce lundi, des décisions fortes pour garantir la liberté
d'accès aux commerces.
Difficultés
d'approvisionnement
Samedi, des centaines de magasins
ont été fermés. Certains rencontrent désormais des difficultés
d'approvisionnement. La province n'a pas été épargnée par les scènes de
pillage. À Saint-Étienne, un centre commercial a été brûlé, un Casino dévasté.
Le gérant de ce magasin, Rabia Moucice, a même cru revivre des scènes de guerre
connues dans son pays d'origine, l'Irak. Il évalue à environ 100.000 euros
le montant des dégradations et vols commis dans son supermarché. Pour
Carrefour, les points de blocage et les actes de pillage se sont concentrés
dans le nord de la France, dans le Sud-Ouest et le Sud-Est.
«Notre clientèle est
essentiellement composée d'étrangers de passage. L'impact des images d'émeute
est lourd. Ils vont avoir peur de revenir à Paris»
Benjamin Cymerman, président du
comité du Faubourg Saint-Honoré
À
Paris, sans surprise, les boutiques des beaux quartiers ont été des cibles
choisies. Mais toutes n'ont pas connu le même sort. Celles situées
dans la «zone d'exclusion» - proches de l'Élysée - et donc interdites aux
passants, sont restées fermées et n'ont réalisé aucune vente pour le troisième
samedi consécutif. Hors de ce périmètre, certaines ont été victimes de saccage,
comme Chanel, rue Cambon. «Une quinzaine de boutiques ont été la cible de
casseurs, souligne Benjamin Cymerman, le président du comité du Faubourg
Saint-Honoré, qui regroupe 120 maisons de luxe au cœur de Paris. Notre
clientèle est essentiellement composée d'étrangers de passage. L'impact
des images d'émeute est lourd. Ils vont avoir peur de revenir à
Paris.» Les Champs-Élysées, eux, ont été épargnés. La célèbre avenue était
sécurisée, contrairement à la semaine dernière. «Mais nous avons perdu une
journée d'activité, rappelle Édouard Lefebvre, le directeur général du comité
Champs-Élysées. Soit près de 8 millions d'euros perdus.
En revanche, le boulevard
Haussmann, où les familles se pressent devant les vitrines de Noël, s'en tire
bien, même si les grandes enseignes ont dû baisser le rideau à 17 heures.
La journée de samedi a été «plutôt bonne», reconnaît-on dans les grands
magasins. Une oasis à deux pas des
gaz lacrymogènes.
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L'Allemagne, ce pays où l'enlèvement international d'enfant est légal
Par Jean Quatremer, BRUXELLES (UE), de notre correspondant — 2 décembre 2018 à 19:05 (mis à jour à 19:11)
Devant le Parlement européen de Strasbourg. Photo Vincent Kessler. Reuters
Le Parlement européen a voté jeudi une résolution ciblant Berlin qui n'applique pas le droit international pour les enfants nés d'une union entre un(e) Allemand(e) et un étranger.
L'Allemagne, ce pays où l'enlèvement international d'enfant est légal
Mieux vaut éviter d’avoir un enfant avec un(e) Allemand(e) si on n’est pas soi-même Allemand et/ou si l’on ne vit pas en Allemagne. Nulle germanophobie mal placée dans ce conseil, mais un simple constat : si la séparation tourne mal et que le parent allemand décide de repartir en Allemagne avec l’enfant (ou les enfants), la justice germanique, dont le bras armé est le tout-puissant Office d’aide sociale à l’enfance (Jugendamt), refusera qu’il quitte le sol allemand au nom de «l’intérêt supérieur de l’enfant». Or, Berlin viole ainsi le droit international (conventions de La Haye de 1980 sur l’enlèvement international d’enfants et de 1993 sur l'autorité parentale et le droit européen (règlement de 2003 en phase finale de révision et jurisprudence de la Cour de justice européenne).
Faute de statistiques, on ne connaît pas le nombre d’enfants ainsi enlevés à l’affection de l’un de leur parent depuis 1950, mais il se monte sans doute à plusieurs milliers voire dizaine de milliers. Cela fait une vingtaine d’années que les institutions communautaires, mais aussi la France, les unions franco-allemandes étant très nombreuses, essaient de traiter à l’amiable ces drames dont on ne soupçonne guère les ravages. En vain.
Le Parlement européen, saisi régulièrement par des pétitions de parents non allemands victimes d’un enlèvement international d’enfant, a décidé de hausser le ton contre l’Allemagne, puisque ce pays est le seul de l’Union à refuser d’appliquer le droit européen (l’Autriche, qui avait la même interprétation de l’intérêt de l’enfant, est rentrée dans le rang). Le 29 novembre, par 307 voix contre 211 et 112 abstentions, il a adopté une résolution ciblant uniquement Berlin, ce qui est sans précédent et montre l’agacement des eurodéputés.
Langue maternelle
La résolution décrit le système mis en place outre-Rhin pour refuser d’exécuter les décisions judiciaires européennes ordonnant le retour des enfants. Outre l’interprétation extensive, puisant sa source dans une loi du régime nazi, de l’intérêt de l’enfant qui est toujours de rester auprès de son parent allemand en Allemagne, même en cas de violence ou d’abus avéré contre le parent non allemand, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe estime que l’Allemagne n’a pas à exécuter une décision de justice européenne si l’enfant, même de moins de 3 ans, n’a pas été entendu par le juge… Surtout, le pouvoir du Jugendamt est proprement terrifiant : c’est lui qui recommande au juge la décision à prendre et peut décider de mesures temporaires (comme la tutelle) sans aucun appel possible. Il peut aussi s’opposer au droit de visite du parent non allemand, imposer sa présence lors des visites ou refuser que le parent non allemand parle dans sa langue maternelle à son enfant…
Cette volonté de placer l’Allemagne au-dessus de tout n’est pas exceptionnelle. Il est révélateur d’un comportement plus général de ce pays qui a le plus grand mal à respecter les normes qu’il souhaite que les autres appliquent. Au fond, c’est l’ancien ministre des Finances social-démocrate allemand, Hans Eichel, qui a vendu la mèche, en novembre 2003. Alors que ses collègues lui faisaient remarquer que Berlin avait violé le Pacte de stabilité et qu’il fallait donc qu’il accepte des sanctions, il a lâché devant les yeux sidérés de l’assemblée : «Mais enfin, le Pacte n’a jamais été conçu pour s’appliquer à l’Allemagne !»
Jean Quatremer BRUXELLES (UE), de notre correspondant
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