mardi 6 mars 2018

Islamisme et politique (04.03.2018)

Le Louvre s'exporte à Téhéran en cinquante chefs-d'œuvre (06.03.2018)
Taxe sur l'acier : malgré la pression, Donald Trump tient bon (06.03.2018)
Un nouveau type de moteur ionique pourrait rendre les satellites «éternels» (06.03.2018)
François Baroin rejoint la banque Barclays (06.03.2018)
1983, l'année où l'immigration s'installa dans le débat public…  et où le FN perça (06.03.2018)
Antisémitisme sur Internet: le Crif déplore l'«insuffisance» de l'arsenal législatif français (06.03.2018)

Antisémitisme: en Allemagne, les réseaux sociaux encourent une lourde amende (06.03.2018)
Ovidie : «La pornographie sur Internet, c'est le far west!» (06.03.2018)
Donald Trump ne sait pas sur quel pied danser avec la Russie (06.03.2018)
Protectionnisme : et si Trump avait raison ? (05.03.2018)
L'Occident désarmé face à l'expansionnisme iranien (05.03.2018)
Dire que Matteo Salvini est d'extrême-droite est «un mensonge», selon Marine Le Pen (06.03.2018)
Bondy: un homme mis en examen pour meurtre après avoir écrasé un automobiliste (04.03.2018)
Syrie : Assad déterminé à poursuivre l'offensive dans la Ghouta (04.03.2018)
Iran: la France joue «en même temps» la fermeté et le commerce (05.03.2018)
Législatives en Italie : Matteo Salvini, un tribun aux ambitions débordantes (24.02.2018)
Molenbeek : un probable attentat déjoué après l'arrestation de 8 personnes (05.03.2018)
Au moins un tiers de la Ghouta orientale repris par l'armée syrienne (05.03.2018)
L'Île-de-France lance une campagne contre le harcèlement dans les transports (05.03.2018)
Les Québécois parlent français, pensent anglais et rêvent américain (02.03.2018)
Après la double attaque de Ouagadougou, l'enquête progresse (03.03.2018)
Natacha Polony : «Donnez-nous notre vin quotidien» (02.03.2018)
À Mayotte, la révolte gronde contre l'insécurité (04.03.2018)
Nouvelle-Calédonie : crispations autour du référendum (04.03.2018)
Jacques Julliard : «La langue française, notre patrie commune» (04.03.2018)
La République islamique d'Iran, entre la puissance et le doute (04.03.2018)
Les témoignages glaçants des enfants soldats de l'État islamique (02.03.2018)
Carlos défie à nouveau la justice : «La lutte armée n'est pas un choix, c'est une nécessité» (05.03.2018)
À Mayotte, Wauquiez attaque le gouvernement qui «abandonne l'île» (05.03.2018)
Syrie : Macron demande à Poutine de faire pression sur Damas (05.03.2018)
Syrie: un début d'aide humanitaire dans la Ghouta (05.03.2018)
Turquie : des Irakiens projetaient d'attaquer l'ambassade américaine (05.03.2018)
Un père jugé pour avoir enlevé sa fille de 2 ans avant de partir en Syrie (05.03.2018)
Bernard de La Villardière : «Une certaine caste médiatique disqualifie toute opinion divergente» (05.03.2018)
En vingt ans, un million de migrants sont arrivés sur les côtes d'Italie (05.03.2018)
Italie : extrême droite et populistes, majoritaires, se disputent le pouvoir (04.03.2018)
Le scrutin italien, nouvelle manifestation du séisme populiste qui secoue l'Europe (05.03.2018)
Dominique Reynié : «Le rapport désinvolte à la frontière est la faute historique des responsables européens» (05.03.2018)
Renaud Girard : «Néfaste reprise de la course aux armements» (05.03.2018)
Consentement sexuel: l'âge de 15 ans retenu par le gouvernement (02.03.2018)
Éric Zemmour : «Mai 68, la grande désintégration» (02.03.2018)


Le Louvre s'exporte à Téhéran en cinquante chefs-d'œuvre (06.03.2018)

  • Mis à jour le 06/03/2018 à 11:23 

  • Publié le 06/03/2018 à 11:03
Le Louvre s'exporte à Téhéran
Une exposition inédite au Musée national d'Iran regroupe une cinquantaine d’œuvres du Louvre. Un événement qui traduit la volonté de la France de renforcer les liens historiques qui l'unissent à l'Iran.
VIDÉO - Une exposition inédite s'ouvre au public ce mardi au Musée national d'Iran, dans le centre de la capitale. Elle comprend une sélection de trésors du musée français, acheminée depuis l'Hexagone en avion-cargo, dont un sphinx égyptien vieux de 2 400 ans ou un dessin de Rembrandt.
Il s'agit de la première exposition majeure d'un musée occidental en Iran depuis des années. Un sphinx égyptien de 2 400 ans, un buste de l'empereur romain Marc Aurèle, un dessin de Rembrandt ou un paysage du peintre français Corot: le Louvre dévoile à Téhéran une cinquantaine de «trésors» pour une exposition inédite. La Joconde, dont la question du prêt se repose depuis quelques semaines, n'est pas du voyage.
C'est la première fois qu'un grand musée occidental offre au public iranien une telle variété de chefs-d'œuvre. L'événement traduit la volonté de la France de renforcer les liens historiques qui l'unissent à l'Iran en dépit de la passe difficile que traversent les relations entre les deux pays, sur fond de dissensions relatives à des questions politiques et sécuritaires.
«Dans l'océan parfois tumultueux des relations internationales, la diplomatie culturelle est un phare que nous devons ensemble entretenir»
Jean-Yves Le Drian
L'exposition qui se tient au Musée national d'Iran, dans le centre de Téhéran, a été inaugurée lundi 5 mars en présence du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, et en l'absence de son homologue iranien Mohammad Javad Zarif dont la présence était attendue. Elle doit ouvrir ses portes au public ce mardi matin.
«Amener le Louvre aux Iraniens»
«Je constate la force du dialogue culturel qui rassemble la France et l'Iran et j'y crois beaucoup. Dans l'océan parfois tumultueux des relations internationales, la diplomatie culturelle est un phare que nous devons ensemble entretenir», a déclaré Jean-Yves Le Drian. «C'est aussi de politique étrangère qu'il s'agit tant la diplomatie culturelle joue un rôle central dans les liens que nous entretenons», a-t-il ajouté. Les pièces ont été acheminées de France en Iran par avion-cargo.
«L'idée était d'amener en quelque sorte le Louvre aux Iraniens, on a donc essayé de faire un choix qui est représentatif de l'ensemble du musée (...) avec des sculptures, des antiquités, des peintures, et sur une chronologie extrêmement large parce que nous présentons également dans la dernière salle des œuvres d'art contemporain et des œuvres entrées dans la collection assez récemment», a déclaré Judith Hénon, l'une des commissaires de l'exposition.

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Taxe sur l'acier : malgré la pression, Donald Trump tient bon (06.03.2018)

  • Mis à jour le 06/03/2018 à 17:02 

  • Publié le 06/03/2018 à 08:35
Trump veut imposer de fortes taxes sur l'acier et l'aluminium
Le président américain Donald Trump a annoncé jeudi 1er mars qu'il allait frapper de fortes taxes les importations d'acier et d'aluminium aux Etats-Unis, ajoutant qu'il ne blâmait pas la Chine mais que "certains devraient avoir honte".
Le président américain maintient son projet de taxer les importations d'aluminium et d'acier alors que les appels à renoncer se sont multipliés à l'international et au sein même du camp républicain. Les entreprises locales tirent aussi la sonnette d'alarme. Elles seront reçues à la Maison-Blanche jeudi.
Donald Trump ne reculera pas. Le président américain a fait savoir hier, en marge d'une réunion à la Maison Banche avec le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahu, qu'il n'entendait pas renoncer à son projet d'imposer des droits de douane de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium. Et ce, malgré la pluie de critiques qui s'est abattue sur lui depuis cette annonce. «Nous ne faisons pas machine arrière (...) Je ne crois pas que nous allons avoir une guerre commerciale», a-t-il affirmé, sans autre explication. Pourtant, la pression monte sur le président américain, aussi bien dans son pays qu'à l'international.
Les appels à renoncer au projet se sont notamment multipliés au sein même du camp républicain de Donald Trump. Plusieurs ténors sont montés au créneau, à commencer par le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan. L'État qu'il représente, le Wisconsin, risque d'être touché par les mesures de représailles envisagées par l'Union européenne qui a proposé de taxer les Harley-Davidson. Un autre représentant républicain, le député Kevin Brady, a appelé Donald Trump à ne pas nuire aux alliés des États-Unis.
De leurs côtés, les chefs d'entreprises qui utilisent de l'acier et de l'aluminium, notamment des constructeurs automobiles et des fabricants de canettes, ont demandé à être reçus par le président américain pour lui expliquer les répercussions négatives des droits de douane sur leur activité. Une réunion, organisée par Gary Cohn, le conseiller économique de la Maison blanche, doit avoir lieu jeudi.
Un projet potentiellement édulcoré
À l'international, la tension monte également. L'Union européenne s'est dite prête à protéger son industrie «avec force» et «rapidité» en cas de mesures protectionnistes américaines. «Le protectionnisme coûte très cher à tout le monde, mais si un pays introduit des mesures protectionnistes, l'Union européenne va protéger son industrie», a prévenu Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne. La Chine ou encore de l'Australie, le Mexique et surtout le Canada, premier fournisseur américain de ces deux métaux, ont également haussé le ton. Hier, le premier ministre canadien Justin Trudeau a appelé Donald Trump pour manifester «ses sérieuses préoccupations», a indiqué Ottawa. «Il a insisté sur le fait que des tarifs ne faciliteraient pas une entente sur l'Alena», l'accord de libre-échange actuellement en discussion en vue de sa révision. De son côté, le Mexique, par l'intermédiaire de son ministre de l'Economie, Ildefonso Guajardo, a menacé ce mardi de taxer les biens américains les plus «sensibles politiquement».
Donald Trump, farouche opposant à l'Alena, s'est d'ailleurs servi de la renégociation de cet accord pour mettre la pression sur le Canada et le Mexique. Il fait notamment miroiter aux deux pays des exemptions sur les droits de douane américains sur l'acier et l'aluminium s'ils acceptent de renégocier l'Aléna dans des termes plus favorables aux États-Unis. Jusqu'ici, il s'est vu opposer une fin de non-recevoir.
De source proche du débat à la Maison-Blanche, le président américain pourrait toutefois amender son projet initial pour tenir compte des inquiétudes qui se sont exprimées. Le flou demeure donc sur la date à laquelle il devrait annoncer l'entrée en vigueur de cette taxation et ses modalités. Les marchés, eux, semblent déjà ne plus y croire. Après avoir trébuché la semaine dernière à l'annonce du projet, ils se sont repris lundi. Et ce mardi matin, les marchés asiatiques poursuivaient leur remontée. Même chose pour les marchés européens qui redressaient la tête, mettant de côté leurs craintes sur le sujet.

Le traité transpacifique va être mis en place ... sans Washington
Donné pour mort il y a un an après le retrait des États-Unis, l'accord de libre-échange transpacifique renaît de ses cendres cette semaine et sera signé jeudi par 11 pays d'Amérique et d'Asie, un signal fort face aux tentations protectionnistes.
Le traité avait pourtant été promu par Washington, sous la présidence de Barack Obama, et signé en février 2016 après des années de négociations entre 12 pays ayant un accès sur le Pacifique: les États-Unis, l'Australie, Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam. L'accord prévoit une levée des barrières douanières et des barrières non-tarifaires, comme la mise en place de normes communes dans plusieurs secteurs d'activités, entre ces 11 pays rassemblant près de 500 millions de personnes.
Difficile toutefois de négliger le coup dur qu'a représenté le départ des États-Unis: le nouveau texte ne porte plus que sur 15 à 18% du PIB mondial. Conçu par Washington comme moyen de freiner l'influence croissante de la Chine dans le commerce mondial, le traité était ensuite devenu la bête noire de Trump, qui s'était inquiété du danger pour «les travailleurs américains».

Un nouveau type de moteur ionique pourrait rendre les satellites «éternels» (06.03.2018)

  • Publié le 06/03/2018 à 13:22
L'Agence spatiale européenne teste un prototype capable d'utiliser les molécules de l'atmosphère résiduelle, à 200 km d'altitude, pour fonctionner. Un carburant virtuellement inépuisable.
Ce serait une «première mondiale», assure l'Agence spatiale européenne (ESA) sur son site internet. Dans le cadre de son programme de recherche technologique, l'entreprise italienne Sitael a développé un moteur ionique capable d'utiliser l'air résiduel de la haute atmosphère comme carburant. Une source virtuellement inépuisable qui pourrait alimenter des satellites en orbite basse pendant de très longues années. Les applications dans le domaine de l'observation de la Terre ou pour les missions d'exploration du système solaire sont potentiellement très importantes.
À titre d'exemple, le satellite GOCE de l'ESA, chargé d'étudier le champ de gravité terrestre, volait au plus bas à 250 km d'altitude. Pour compenser les frottements de l'air et rehausser son orbite de temps à autre, il utilisait pour cela un moteur ionique «classique». Ce type de moteur utilise l'énergie solaire pour créer des ions (des atomes chargés électriquement) et les accélérer, ce qui lui confère alors sa poussée. Le satellite doit néanmoins fournir le gaz à ioniser, en l'occurrence du xénon. GOCE en avait emporté 40 kg à bord. Une fois ces réserves épuisées, au bout de cinq ans, la mission fut interrompue en 2013. S'il avait utilisé l'air atmosphérique, il aurait pu prolonger sa mission pendant des années!
De l'oxygène et de l'azote accélérés
Travailler avec l'air atmosphérique résiduel est complexe pour plusieurs raisons. Les atomes d'oxygène et d'azote sont plus légers et plus difficiles à ioniser que le xénon: ils offrent donc une poussée plus faible pour une dépense électrique plus élevée. De plus, un satellite file à 28.000 km/h environ à ce type d'altitude. Les molécules d'air ont tendance à rebondir plutôt qu'à se comprimer dans le collecteur. Les ingénieurs ont donc été obligés de mettre au point un design spécial et un système «d'allumage» électrique plus efficace.
Le nouvel engin a été testé dans une chambre à vide. D'abord avec un flux de xénon. Puis en apportant un mélange xénon-air. «Lorsque le panache de sortie du moteur est passé du bleu caractéristique du xénon au violet, nous savions que nous avions réussi», raconte Louis Walpot, de l'ESA.
À gauche le moteur ionique fonctionnant avec du xénon et à droite avec de l'air raréfié.
«Nous avons finalement rallumé le système à plusieurs reprises avec le seul carburant atmosphérique pour démontrer la faisabilité du concept», ajoute Louis Walpot. L'air était peu dense et envoyé à très haute vitesse pour simuler les conditions rencontrées pas un satellite volant à plus de 28.000 km/h à 200 km d'altitude. «Ce résultat montre que la propulsion électrique utilisant de l'air n'est plus du domaine de la théorie, mais qu'il s'agit bien d'un concept opérationnel tangible, prêt à être développé et pouvant servir un jour à définir des missions d'un genre nouveau.»
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François Baroin rejoint la banque Barclays (06.03.2018)

  • Publié le 06/03/2018 à 18:26
L'ancien ministre de l'Économie va conseiller la banque d'affaires britannique. Il guidera les acquéreurs internationaux en France.
Il avait prévenu à l'automne dernier qu'il souhaitait quitter le monde politique «partisan». Après 25 ans d'engagements, François Baroin va donc rejoindre, selon nos informations, le milieu de la finance. Il vient ainsi d'être nommé «external senior advisor» par la banque d'affaires Barclays à Paris. En d'autres termes, l'ancien ministre de l'Économie et des Finances de Nicolas Sarkozy exercera des missions de conseils auprès de la banque britannique, notamment très présente dans l'Hexagone dans les opérations de fusions et acquisitions. Il guidera les acquéreurs internationaux en France. Il est de tradition dans les banques anglo-saxonnes de faire appel à des conseillers extérieurs («senior advisor»), souvent beaucoup plus âgés que François Baroin (52 ans).
François Fillon a aussi rejoint le monde de la finance
Celui que l'on présente comme le fils spirituel de Jacques Chirac a pris ses distances avec la vie politique après la défaite de François Fillon à l'élection présidentielle et celle de son parti, Les Républicains, aux élections législatives. Mais, il continuera à être maire de Troyes (il a été élu à la tête de la ville à tout juste 30 ans) et président de l'Assemblée des maires de France. L'ancien sénateur donne aussi des cours à HEC Paris où il est professeur adjoint. Un établissement dans lequel il enseigne dans les domaines de la macro-économie, de la géopolitique et de la gestion de crise.
Le parcours de François Baroin n'est pas sans rappeler celui de François Fillonqui a rejoint il y a quelques mois la société d'investissement Tikehau Capital. Depuis l'élection présidentielle, de très nombreux hommes et femmes politique, de droite comme de gauche, ont quitté ce milieu et changé de vie.
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1983, l'année où l'immigration s'installa dans le débat public…  et où le FN perça (06.03.2018)

Par Jérôme Fourquet
Mis à jour le 06/03/2018 à 19h41 | Publié le 06/03/2018 à 19h21
ÉTUDES POLITIQUES - À trois jours du congrès du Front national, la Fondation Jean Jaurès publie une étude de Jérôme Fourquet établissant le lien entre mouvements sociaux, phénomènes culturels et crises internationales, qui en plaçant la question de l'immigration et de l'islam au premier rang de l'actualité, favorisèrent la percée électorale du parti de Jean-Marie Le Pen. Le Figaro la dévoile en exclusivité.
L'année où les immigrés sont devenus visibles...

1. Les grèves dans l'automobile
Dans un contexte de restructuration de la filière, l'industrie automobile, qui employait une importante main-d'œuvre immigrée, allait connaître des grèves dures et marquantes en 1982-1983. Le 22 avril 1982, une première grève éclatait à l'usine Citroën d'Aulnay-sous-Bois, suivie de trois autres usines Citroën à Levallois, Asnières et Saint-Ouen, puis d'une grève, le 1er juin, à l'usine Talbot de Poissy, qui donnera lieu à de violents affrontements. Les grèves reprendront ensuite au début de l'année 1983 chez Renault (Billancourt, Flins) puis de nouveau à Talbot-Poissy. Ces conflits sociaux très médiatisés constitueront un moment très important dans la visibilité de la population immigrée.
Les revendications prirent en effet également une dimension religieuse comme l'atteste la banderole qui ornait le site de Poissy pendant le conflit: «400 francs pour tous, 5e  semaine accolée aux congés, 30  minutes pour le ramadan, nous voulons être respectés!» Comme l'explique Vincent Gay, auteur de Grèves saintes ou grèves ouvrières?, le «problème musulman» dans les conflits de l'automobile, 1982-1983 (Revue Genèses 2015/1), les grévistes occupent les parkings, qui deviennent alors des lieux de prières pour les ouvriers musulmans. Ces scènes filmées par la télévision dévoilent ainsi les pratiques religieuses de ces travailleurs jusqu'alors cantonnées aux seuls ateliers. Selon la formule de Vincent Gay, on passe de la «peur du rouge à la peur du vert» avec le surgissement brutal de la question musulmane dans l'espace public.
Il faut aussi souligner le rôle du discours politique et médiatique sur ces événements. L'Expansion publie le 3 janvier 1983 un article intitulé «L'automobile otage de ses immigrés. Aulnay, Poissy, Flins, comment la CGT récupère la révolte des musulmans».Gaston Defferre, ministre de l'Intérieur socialiste, évoque sur Europe 1 le rôle «d'intégristes et de chiites» dans ces grèves. Pour le premier ministre Pierre Mauroy, «les principales difficultés sont posées par des travailleurs immigrés […] agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises».

- Crédits photo : Bernard CHARLON//GAMMA
«Lorsque des ouvriers prêtent serment sur le Coran, il y a des données qui sont extra-syndicales. Un certain nombre de gens sont intéressés à la déstabilisation politique ou sociale de notre pays parce que nous représentons trop de choses en matière de liberté et de pluralisme», fustige le ministre du Travail Jean Auroux. Thierry Le Luron évoquera ces événements dans un de ses célèbres sketchs: «Ma voiture, vous savez, celle qui est fabriquée en Afrique du Nord, à Aulnay-sous-Bois.» Alors que la France vivait encore dans l'idée que les travailleurs immigrés repartiraient un jour dans leur pays, ces mouvements ont fait prendre conscience que leur installation définitive était en cours.
2. La Marche des Beurs
La «Marche des Beurs», qui se déroule du 15 octobre au 3 décembre 1983, de Marseille à Paris, donnera une visibilité sans précédent à la «deuxième génération». Après des affrontements récurrents entre des jeunes de la cité des Minguettes à Vénissieux et la police, certains jeunes créent l'association SOS Avenir Minguettes et entament une grève de la faim pour protester contre la répression policière. Toumi Djaïda, président de l'association, sera blessé par la police le 20 juin 1983. À la suite de ces événements, l'idée germe parmi ces jeunes et certains de leurs soutiens dont Christian Delorme, le «curé des Minguettes», d'organiser une grande marche pacifique comme celles de Gandhi et de Martin Luther King.

Les «marcheurs pour l'égalite et contre le racisme» arrivent devant l'Assemblée Nationale le 02 décembre 1984 à Paris - Crédits photo : DOMINIQUE FAGET/AFP
Dans la nuit du 15 novembre 1983, deux semaines avant la fin de la Marche, un jeune Algérien, Habib Grimzi, est agressé par trois candidats à la Légion étrangère puis jeté du train Bordeaux-Vintimille. Au-delà des revendications sur les cartes de séjour et le droit de vote, les participants à cette Marche entendaient dénoncer les crimes racistes et les brutalités policières et plus largement réclamer une place pour les personnes issues de l'immigration dans la société française. François Mitterrand reçut une délégation de «marcheurs» et annonça la création d'une carte de séjour unique de 10 ans et le droit pour les étrangers aux élections locales. Le sommet de l'État signifiait ainsi qu'il avait pris acte de l'existence des revendications d'un public nouveau, qu'on allait baptiser les «Beurs».
3. Jeunes des cités et crise des banlieues

L'année 1983 allait également être marquée par différents événements ayant pour cadre les banlieues populaires mettant ainsi le projecteur sur la jeunesse immigrée vivant dans ces quartiers. Durant l'été 1983, le quartier des Minguettes à Vénissieux allait être secoué par des émeutes. Les scènes de rodéos avec des voitures volées ou incendiées de véhicules, et d'affrontements avec la police entraient en force dans les foyers français via la télévision qui couvrit largement ces événements.
Le 9 juillet 1983, alors qu'il jouait avec ses amis avec des pétards, le jeune Toufik Ouannès, 10 ans, était abattu à la Cité des 4000 à La  Courneuve par un voisin, agent de la RATP, excédé par le bruit. Ce fait divers eut un important retentissement dans le pays. François Mitterrand se rendit dans la cité et annonça une opération «prévention été 1983» dite aussi «anti-été chaud» avec notamment le financement d'activités sportives et de découvertes pour les jeunes. Dans les semaines qui suivront, Le Mondemultipliera les articles sur l'islam, les musulmans de France et la vie dans les grands ensembles, contribuant à lier dans les représentations collectives les questions d'immigration et d'insécurité.
À Tourcoing, via un minutieux et fastidieux travail de dépouillement de la presse locale (Nord-Eclair) sur la période courant de l'été 1982 à juin 1984, soit juste avant la percée du Front national dans cette ville populaire du Nord, Bernard Alidières a mis en lumière la forte prévalence des jeunes d'origine maghrébine dans la délinquance locale. Sur 57 articles évoquant cambriolages, vols à la tire, agressions, etc., et dans lesquels le nom de l'auteur du délit était mentionné, dans 40 cas il s'agissait d'une personne issue de l'immigration maghrébine. C'est au début des années 1980 qu'a été enregistrée la montée en puissance de la délinquance dans les quartiers populaires avec un rôle significatif joué par une frange de la jeunesse immigrée. Cette réalité nouvelle s'est invitée dans les représentations de la population française autour de cette année charnière de 1983.
4. Une visibilité culturelle
La visibilité croissante de la population maghrébine s'effectuera également sur le plan culturel en 1983. C'est l'année de la sortie du film Tchao Pantin, primé à Cannes, mettant en scène dans l'Est parisien populaire et interlope, un pompiste alcoolique représentant le prolétariat blanc, joué par Coluche, et un jeune dealer maghrébin, Youseff Bensoussan, joué par Richard Anconina. La même année, le chanteur Renaud écrit une chanson intitulée Deuxième génération, l'histoire de Slimane, jeune Beur de 15 ans vivant à La Courneuve et ayant passé «son CAP de délinquant». Renaud décrit cette jeunesse qui n'envisage pas de retourner au pays mais qui peine à trouver sa place dans cette France du début des années 1980. Symboliquement, cette chanson qui a pour cadre La Courneuve, met en scène le basculement démographique en train de s'opérer à cette époque dans les quartiers populaires où le poids de la population issue de l'immigration devient de plus en plus prégnant. C'est encore la même année que le jeune humoriste Smaïn apparaît dans le très populaire Petit Théâtre de Bouvard, sur Antenne 2. Dans un parterre de comédiens et chansonniers blancs, un jeune Maghrébin prenait soudainement place.
5. À l'international, l'émergence de la menace islamiste
Au cours de cette année 1983, différents événements mondiaux nourrissent des représentations anxiogènes vis-à-vis du monde arabe et musulman dans l'opinion française. L'Occident regarde avec stupéfaction le réveil religieux musulman déclenché par la révolution islamique en Iran en 1979 et la longue guerre Irak-Iran (1980-1988). La guerre au Liban allait prendre une intensité inédite en 1982 avec le siège de Beyrouth. Les récits et les images de combats politico-religieux alimentent l'idée d'une nouvelle guerre de religion entre chrétiens et musulmans. Le 23 octobre 1983, deux attentats simultanés tuèrent l'un 241 soldats américains et l'autre 58 parachutistes français dans la destruction de l'immeuble dit Drakkar. Revendiqué par l'Organisation du Jihad islamique, cet attentat signait l'émergence du péril islamiste intégriste. Il faut enfin mentionner l'intensification des combats au Tchad, avec l'opération «Manta», déclenchée durant l'été 1983 pour contrer la progression des troupes libyennes, puis, en décembre, «les émeutes du pain» en Tunisie, offrant l'image d'un monde arabo-musulman entré en ébullition.
... Et où le FN a enregistré ses premiers succès
1. Le coup de semonce de Dreux
C'est dans ce contexte que le Front national allait prendre son essor autour de la question de l'immigration. Monica Charlot rappelait dans un article pour laRevue française de science politique, que pour qu'un enjeu affecte le comportement électoral, trois conditions doivent être réunies: les électeurs doivent se sentir concernés par l'enjeu ; l'électorat doit être divisé sur l'enjeu ; les partis doivent prendre des positions différentes. Les deux premières conditions étaient remplies dès 1983. Jean-Marie Le Pen se chargea de faire advenir la troisième. Il expliqua ainsi sur Antenne 2, le 17 juin 1984, au soir de l'élection européenne: «Ce n'est pas moi qui ai créé le problème de l'immigration, mais je m'honore d'avoir été le premier à l'avoir posé devant l'opinion publique et avoir forcé chacun à prendre ses responsabilités sur ce sujet.»
C'est la méthode que l'un de ses lieutenants, Jean-Pierre Stirbois, appliquera à Dreux lors des élections municipales de 1983. À partir du début des années soixante, sous l'effet d'un développement industriel et de sa relative proximité avec la région parisienne, cette ville d'Eure-et-Loir allait connaître une mutation profonde avec la construction de quartiers de grands ensembles sur les plateaux Nord et Sud, la ville passant de 25.000 à 35.000 habitants en dix ans. Bon nombre de ces arrivants étaient des travailleurs immigrés et leur famille. On estime à 20 % environ le poids de cette population en 1983.
«Nous tenons à conserver une âme commune à tous les Drouais, anciens et nouveaux, aussi différents soient-ils d'âge, de situation et d'opinion»
Corinne Bouchoux
Dreux vécut donc dans les années qui précédèrent le scrutin municipal un phénomène de surgissement soudain d'une population immigrée importante dans le paysage local. Mais cette réalité demeura euphémisée dans le discours public et politique durant les années 1970. Dans L'immigration ou la «révélation» d'un enjeu. L'exemple de Dreux: les municipales de 1983 (Politix, 1990), Corinne Bouchoux explique que dans le bulletin municipal il était question que d'accueillir les «nouveaux Drouais». «Nous tenons à conserver une âme commune à tous les Drouais, anciens et nouveaux, aussi différents soient-ils d'âge, de situation et d'opinion», est-il écrit. Ni la question de l'immigration, ni celle de la diversité ethnique croissante ne sont explicitement mentionnées. L'ambiance et les thématiques abordées lors des deux campagnes municipales de 1983 (l'élection de mars puis l'élection partielle de septembre) seront toutes autres comme l'a écrit Françoise Gaspard, la maire socialiste sortante: «La campagne avait porté, en tout et pour tout, sur la présence des immigrés dans la ville.» Au premier tour du scrutin de septembre 1983, la liste FN de Jean-Pierre Stirbois récolta 16,7 % de voix, un premier coup de semonce.

Jérôme Fourquet (IFOP) - Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro
Un mois plus tard, une municipale partielle eut lieu à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), peu de temps donc après les grèves chez Citroën. La liste FN obtint 9,3 % des voix au premier tour. Dans cette ville détenue par le PC depuis 18 ans, la campagne, comme à Dreux, se concentra sur l'immigration dont il fallait, selon des tracts «inverser le courant… et d'abord expulser les immigrés, délinquants et criminels, ainsi que les clandestins (pour) donner la priorité d'emploi aux Français.» Le score de cette liste fut quasiment identique dans le canton Sud, plus résidentiel (9,1 %) que dans le canton Nord (9,6 %), plus populaire. Cela prouve que le FN sut capter un électorat interclassiste polarisé sur la question de l'enjeu émergent de l'immigration. Mais c'est dans le quartier Paul Éluard, jouxtant l'usine et comptant de nombreux logements sociaux où résidaient des immigrés et des familles françaises ouvrières, que le FN enregistra son meilleur score (11,2 %).
2. La percée des Européennes de 1984
Les événements de cette année 1983 et ses premiers succès électoraux allaient servir de tremplin au FN au moment de s'engager dans la campagne des européennes. Créditée de 4 % seulement dans les sondages Ifop en février en 1984, et de 6 % en mai, la liste conduite par Jean-Marie Le Pen allait obtenir 10,95 % dans les urnes le 17 juin. L'analyse des motivations de vote des électeurs du FN montre que les thématiques de l'insécurité et de l'immigration se placèrent en tête bien avant la question européenne qui était pourtant l'objet de ce scrutin et qui figurait en tête (avec le chômage) des sujets prioritaires pour l'ensemble des Français. L'électorat frontiste se distinguait donc du reste du corps électoral en affichant des préoccupations spécifiques et en pratiquant ce qu'on appelle un «vote sur enjeu». C'est sur le thème de l'immigration que l'écart avec la moyenne était le plus élevé, avec un différentiel de 20 points. Ainsi, dès son émergence dans le paysage politique, l'électorat frontiste s'est caractérisé par une marque de fabrique particulière, la très forte sensibilité à l'immigration. Plus de 30 ans plus tard, cet ADN spécifique est toujours en vigueur. Lors du premier tour de l'élection présidentielle de 2017, la lutte contre l'immigration clandestine se plaçait en tête des enjeux ayant déterminé le vote des électeurs de Marine Le Pen alors qu'il n'arrivait qu'en neuvième position auprès de l'ensemble des Français.
La géographie du vote frontiste en 1984 traduit également la polarisation originelle sur la question de l'immigration. Les départements du littoral méditerranéen, la façade est (de Rhône-Alpes à l'Alsace et la Lorraine) ainsi que l'Île-de-France se sont montrés les plus réceptifs au discours frontiste. Ces territoires correspondent à l'espace d'implantation de l'immigration extra-européenne. À l'inverse, la liste de Jean-Marie Le Pen obtient ses plus piètres scores dans le Massif central, en Bretagne ou dans les Pays de la Loire, régions très peu concernées par l'immigration. On remarque par ailleurs que l'itinéraire de la Marche des Beurs en 1983 s'est inscrit dans cette même France de l'Est.
La population historique de ces petits pavillons éprouve un sentiment d'encerclement vis-à-vis de ces barres d'immeubles qui ont poussé comme des champignons tout autour d'eux.
Si l'on se place au niveau d'un département comme l'Eure-et-Loir, on constate également une forte correspondance entre les foyers d'implantation du lepénisme et la présence immigrée. Lors des européennes de 1984, la liste franchit la barre de 15 % dans les trois cantons de Dreux ainsi que dans celui limitrophe d'Anet. Le score demeure élevé (entre 12 % et 15 % ) dans la première couronne de cantons autour de Dreux: Brézolles, Senonches, Châteauneuf-en-Thymerais.
On passe ensuite à un niveau de 9 à 12 % dans la partie centrale du département et les scores les plus faibles (entre 6 et 9 %) sont enregistrés dans les cantons les plus éloignés de Dreux et de son importante communauté immigrée (Authon-du-Perche, Cloyes-sur-le-Loir, Orgères-en-Beauce, etc.).
Si l'on descend au niveau des bureaux de vote de la ville de Dreux comme l'a fait Jean-Philippe Roy (Le Front national en région Centre. 1984-1992. L'Harmattan. 1993), on constate que ce n'est pas dans les quartiers du centre historique que le FN a enregistré ses meilleurs résultats mais dans les quartiers périphériques et populaires sur les plateaux nord et sud, lesquels concentrent la majeure partie de la population immigrée. Cette population est logée dans les HLM bâtis dans les années 1960 à proximité immédiate des cités-jardins, quartiers de petites maisons individuelles, construits dans l'entre-deux-guerres pour y loger une population ouvrière. La population historique de ces petits pavillons éprouve un sentiment d'encerclement vis-à-vis de ces barres d'immeubles qui ont poussé comme des champignons tout autour d'eux. La proximité voire la confrontation avec une population ethniquement différente provoque un choc culturel très violent attisant le vote FN.
Dès 1984, dans le cas emblématique de Dreux, on voit donc apparaître un «effet de lisière» qui aboutit à un survote important pour le FN dans les quartiers populaires et pavillonnaires jouxtant des quartiers de grands ensembles à forte population immigrée. Cet «effet de lisière» fonctionne toujours aujourd'hui comme nous l'avons par exemple montré dans le cas de villes comme Marseille, Perpignan ou Mulhouse.
Depuis trente-cinq ans maintenant, le rapport conflictuel à l'immigration constitue donc le carburant essentiel du vote en faveur du Front national. L'émergence électorale de cette force politique au cours des années 1983-1984 nous permet de dater assez précisément le moment où ce nouvel enjeu s'est imposé dans le débat public pour ne plus le quitter depuis. La rémanence dans le débat des questions de l'immigration, de l'intégration et désormais de la place de l'islam tout comme le maintien à un niveau élevé du vote FN peuvent certes s'analyser comme l'effet d'une instrumentalisation de ces thématiques par certains acteurs politiques.
Mais pour reprendre le terme employé par Jean-François Sirinelli, on peut aussi les voir comme les symptômes d'une autre révolution française, celle du basculement de la société française en une société multiculturelle. Les récentes élections en Allemagne, avec la percée de l'AfD, et en Italie, avec les performances de la Ligue, montrent que l'incidence forte des questions d'immigration sur le comportement électoral n'est pas une spécificité française.

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Antisémitisme sur Internet: le Crif déplore l'«insuffisance» de l'arsenal législatif français (06.03.2018)
Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 06/03/2018 à 22h18 | Publié le 06/03/2018 à 21h16
INTERVIEW - «À travers l'antisémitisme, c'est aussi la République que l'on vise», dénonce Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des insti­tutions juives de France (Crif).
LE FIGARO. - Pourquoi avez-vous décidé de distribuer à chaque participant du dîner du Crif une note explicative qui s'oppose au projet de réédition de certaines œuvres antisémites de Louis-Ferdinand Céline par Gallimard?
Francis KALIFAT. - Il ne s'agit pas d'une simple note mais d'une étude approfondie dans la collection des «Études du Crif». C'est une mise en perspective historique, avec une analyse détaillée et sans concession, qui porte sur la spécificité de l'antisémitisme de Céline, qui n'était pas un antisémite de salon mais bien un antisémite pro-hitlérien. Cette étude a été rédigée par deux excellents spécialistes, Pierre-André Taguieff et Annick Duraffour. À ce stade, il ne s'agit pas de s'opposer mais d'éclairer.
Ce projet de réédition est-il à exclure totalement, selon vous, ou bien admissible à certaines conditions, avec un contenu critique pour précisément combattre l'antisémitisme sur le terrain culturel?
Nous avons exprimé notre plus vive inquiétude face à ce projet de Gallimard. Pour le Crif, comme pour d'autres personnalités françaises, ces textes constituent, plus de 75 ans après leur publication originale, une insupportable incitation à la haine antisémite et raciste. Rien ne peut garantir qu'une réédition, malgré les précautions annoncées, ne fasse pas l'objet d'instrumentalisation et de récupération par ceux qui attisent l'antisémitisme dans la France d'aujourd'hui.
Plus globalement, la lutte contre l'antisémitisme peut-elle aller jusqu'à s'opposer à la liberté d'expression de l'édition?
En France, l'antisémitisme n'est pas une opinion mais un délit. Le nécessaire respect de la liberté d'expression se heurte à la non moins nécessaire protection des personnes visées par les menaces et violences antisémites.
Le contexte géopolitique de cette édition 2018 du dîner du Crif est également très tendu, notamment avec le statut de Jérusalem. Demanderez-vous au président Macron, lors de cette soirée, de faire évoluer la position française sur Jérusalem pour reconnaître cette ville comme capitale d'Israël, dans la foulée du président Trump?
Je l'ai demandé l'an dernier au président Hollande, tout comme mes prédécesseurs l'ont toujours fait lors des précédents dîners du Crif. Il s'agit simplement de la reconnaissance d'une réalité historique et politique.
Mais il y a aussi le contexte de la guerre en Syrie, les relations avec l'Iran, la tension à Gaza…
La situation dans la région est connue depuis longtemps. Ce qui est vraiment nouveau, c'est la présence iranienne en Syrie! Israël se trouve désormais face au Hamas à Gaza, au Hezbollah au Liban et à l'Iran en Syrie, qui entend s'y installer durablement. Il y a là un véritable danger quand on connaît la volonté, maintes fois exprimée, de l'Iran de détruire Israël. C'est une menace qui devrait inquiéter toutes les démocraties.
«Derrière ceux qui haïssent les Juifs, on retrouve souvent ceux qui haïssent la France et la République»
Francis Kalifat
Autre élément d'actualité de cette édition 2018, l'antisémitisme qui gagneles réseaux sociaux sur Internet: la France fait-elle suffisamment pour lutter contre ce phénomène?
L'arsenal législatif français est insuffisant pour lutter efficacement contre l'antisémitisme, de plus en plus répandu sur Internet, et contre celui qui avance, masqué par l'antisionisme. En janvier 2018, l'Allemagne a voté une loi sanctionnant très fortement les géants de l'Internet lorsqu'ils laissent diffuser des messages de haine antisémites ou racistes. La France pourrait aussi trouver le moyen d'agir en responsabilisant les diffuseurs. Pourquoi ne pas, par exemple, les assimiler à des éditeurs de presse papier? Ils seraient plus vigilants.
Par ailleurs, la France pourrait répondre favorablement à la sollicitation du Parlement européen qui demande aux États membres d'adopter et d'appliquer la définition opérationnelle de l'antisémitisme, utilisée par l'alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA) et qui donne le spectre complet de l'antisémitisme incluant l'antisionisme.
Vous voudriez qualifier juridiquement l'antisionisme en France?
Plusieurs pays européens - dont le Royaume-Uni et l'Allemagne - ont déjà répondu favorablement à cette recommandation européenne. Pourquoi pas la France? Cela ne ferait que renforcer le rôle de leader de notre pays dans le cadre de la lutte contre l'antisémitisme en Europe.
Comment la communauté juive en France réagit-elle à cet antisémitisme rampant?
Comme l'ensemble des Français, nous vivons dans l'inquiétude induite par la menace terroriste qui pèse sur notre pays, sentiment d'autant plus fort que nous savons que nous restons une cible privilégiée des terroristes. Et, plus particulièrement, les Français juifs sont partagés entre un sentiment d'insécurité pour les uns et une véritable insécurité pour les autres: ceux qui vivent dans ces quartiers populaires que l'on appelle «difficiles» et qui subissent un antisémitisme du quotidien qui les pousse à quitter les lieux où ils ont grandi.
Qu'est-ce que «l'antisémitisme du quotidien»?
Ce sont des regards suspicieux dans les cages d'escalier, des tags antisémites sur les boîtes aux lettres, sur les murs des synagogues, sur les devantures de magasins, parfois sur les vitres de leurs voitures, des lettres anonymes, etc. Ce sont aussi des agressions lâches: celle d'un petit garçon et d'une jeune fille à Sarcelles ou bien, dernièrement, cet adolescent à Montmagny. Tout cela crée un climat délétère qui pousse ces familles juives à un véritable exil intérieur et à un départ, lorsqu'elles le peuvent, vers des quartiers plus paisibles.
Mais qui est antisémite au quotidien?
Sans tomber dans l'essentialisation, force est de constater que plusieurs études, dont celle de Fondapol, témoignent d'un niveau élevé des préjugés antisémites chez les jeunes musulmans dans ces quartiers dits «difficiles». Il serait cependant tout aussi faux d'affirmer que l'ensemble de la communauté musulmane participe de cet antisémitisme que de nier qu'il y a, aujourd'hui, un antisémitisme spécifique issu du monde arabo-musulman.
Que reprochent ces jeunes musulmans aux Juifs?
D'un côté, ils reprennent à leur compte tous les poncifs antisémites «les Juifs dirigent le monde, les banques, la presse, ils détiennent tous les rouages du pays…» et font porter, sur les juifs, la responsabilité de leurs échecs et, de l'autre, ils font l'amalgame entre les Juifs et Israël, reportant sur eux leur haine de ce pays.
«Si le nombre d'actes antisémites baisse, l'intensification de la violence, elle, augmente fortement»
Francis Kalifat
Depuis quand cet antisémitisme du quotidien est-il passé de l'anecdotique au structurel?
Ce nouvel antisémitisme émerge, en septembre 2000, lorsque démarre au Proche-Orient la seconde Intifada. Nous sommes ainsi passés, en France, de moins d'une centaine d'actes antisémites par an jusqu'en 1999 à des pics pouvant aller jusqu'à 1 000 actes depuis 2000, mais sans jamais descendre en dessous de 300 par an. Si les racines idéologiques de cette haine des Juifs sont, bien entendu, plus anciennes, septembre 2000 a marqué une libération de la parole et des passages à l'acte antisémites.
Pourtant les chiffres officiels de 2017 sont en baisse…
Ils indiquent une baisse globale des actes racistes de 16 % en 2017. Mais la baisse des actes antisémites, avec - 7 %, est moins prononcée. De plus, si le nombre de ces actes baisse, l'intensification de la violence, elle, augmente fortement. Les Juifs représentent moins de 1 % de la population mais subissent à eux seuls près de 35 % de la totalité des actes racistes commis en France. Il y a donc un problème réel d'antisémitisme dans notre pays. Par ailleurs, face à la permanence de cet antisémitisme, certaines victimes renoncent souvent à déposer plainte, étant persuadées que cela ne changerait rien.
Considérez-vous que les chiffres du ministère de l'Intérieur seraient incomplets?
Non, car ils recensent les dépôts de plaintes en commissariat et oui car ils ne recensent pas la haine antisémite véhiculée sur Internet. J'ai donc décidé de créer un observatoire de la haine sur Internet. Ses premiers résultats devraient tomber mi-2018. Ils compléteront les chiffres actuels. Nous traiterons d'abord la haine antisémite puis, une fois le dispositif rodé, nous l'élargirons à toutes les haines: racisme, actes antimusulmans, homophobie… Et à la haine de la France.
Comment ne pas communautariser votre combat contre l'antisémitisme?
Nous refusons toute communautarisation de la société et demeurons très attachés à la laïcité telle que définie par la loi de 1905. Pourtant nous constatons qu'un cancer, l'antisémitisme, gangrène notre société. L'enjeu ne concerne pas seulement les Juifs français mais la République! Car à travers l'antisémitisme, c'est aussi la République que l'on vise. C'est l'universalisme républicain qui est menacé. Derrière ceux qui haïssent les Juifs, on retrouve souvent ceux qui haïssent la France et la République. Mon inquiétude est l'indifférence d'une trop grande partie de nos compatriotes qui considèrent encore que l'antisémitisme est l'affaire des Juifs. C'est un combat qui doit concerner tous les Français.

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Antisémitisme: en Allemagne, les réseaux sociaux encourent une lourde amende (06.03.2018)

Par David Philippot
Mis à jour le 06/03/2018 à 20h39 | Publié le 06/03/2018 à 19h10
En vertu d'une loi entrée en vigueur le 1er janvier dernier, les médias sociaux sont désormais mis en demeure d'effacer tout commentaire haineux, sous peine d'une amende «massue» de 50 millions d'euros.
L'effet fut radical et immédiat. Au début de l'année, le Congrès juif mondial a fait scanner la Toile, pendant une période d'observation de 3 semaines, pour comparer sur un an l'évolution du nombre de messages antisémites et révisionnistes. Dans la liste des 10 pays ciblés par l'enquête, l'Allemagne est le seul pays où l'antisémitisme a régressé (- 16 %) sur Internet alors qu'il a nettement progressé aux États-Unis (+ 34 % ) et en France (+ 2 %).
Lien de cause à effet? Le 1er janvier dernier entrait précisément en vigueur la «Netzwerkdurchsetzungsgesetz», nouvelle loi allemande sur les médias sociaux, plus communément appelée NetzDG. Les réseaux sociaux sont désormais mis en demeure d'effacer tout commentaire haineux, sous peine d'une amende «massue» de 50 millions d'euros. Les entreprises ont 24 heures pour nettoyer la Toile des insultes et menaces «flagrantes» mais disposent d'une semaine pour les «cas litigieux». L'utilisateur fautif, signalé en deux clics par un tiers qui se sent offensé par le contenu d'un message, voit s'afficher le motif: une infraction à l'article 130 du Code pénal qui réprime l'incitation à la haine raciale. Certains comptes, comme @DerFuehrer1 ou @Heilhitler ont été supprimés d'office, mais d'autres utilisateurs de Twitter peuvent voir leur compte suspendu temporairement, en guise d'avertissement.
Facebook, qui ­compte 30 millions d'utilisateurs dans le pays, s'est vu dans l'obligation de recruter 1200 personnes à temps plein pour contrôler les publications sur les pages en allemand
Facebook, YouTube ou encore Instagram, qui ont longtemps freiné des quatre fers contre toute législation «liberticide», font donc feu de tout bois depuis le début de l'année. «Dans le doute, ils préfèrent effacer le message plutôt que d'encourir le risque de l'amende», constate Michal Terhaag, avocat spécialisé en droit du numérique. Facebook, qui compte 30 millions d'utilisateurs dans le pays, s'est vu dans l'obligation de recruter 1200 personnes à temps plein pour contrôler les publications sur les pages en allemand. Sans toujours faire le détail entre les commentaires haineux et parodiques. La presse satirique et de boulevard s'est ainsi retrouvée au côté de l'extrême droite pour dénoncer une «loi qui attente à leur liberté d'expression». Le quotidien Bild n'a pas hésité à se présenter comme un «martyr de l'opinion», le parti d'extrême droite AfD stigmatisant, quant à lui, des «méthodes de la Stasi» et de «censure d'État».
Une expérience pionnière
Face aux attaques, le promoteur de cette loi, le ministre de la Justice Heiko Maas, rétorque que «chaque citoyen doit respecter la loi, dans la rue comme sur Internet». Une loi qu'il jugeait «utile et urgente», après le déferlement en Allemagne de commentaires racistes, consécutif à l'arrivée massive de réfugiés. À l'été 2018, soit six mois après l'entrée en application de cette loi, Facebook, Twitter et les autres devront fournir un rapport-bilan sur le nombre de messages supprimés et faisant état des motifs d'annulation. Une élue écologiste s'est déjà félicitée de voir que des posts, qui lui promettaient la décapitation, avaient enfin été effacés, après deux tentatives infructueuses l'an dernier. Cependant, certaines victimes de harcèlement numérique pointent aussi les insuffisances de la législation, au motif, par exemple, que la création d'un compte à l'étranger suffit pour échapper aux poursuites. Au niveau européen, la commissaire à la Justice de l'UE, Vera Jourova, regarde avec intérêt l'expérience pionnière menée par le gouvernement allemand. Une prise de bec les a opposés au mois de janvier, au motif que 100 % des messages signalés étaient effacés, constituant donc une atteinte à la liberté d'expression. Ce qui pose la question sur la formation, en particulier juridique, du personnel embauché par les entreprises pour surveiller le Net. Plutôt que la méthode répressive employée par l'Allemagne, la commissaire européenne Jourova reste partisane d'un code de bonne conduite négocié avec les entreprises du secteur.

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Ovidie : «La pornographie sur Internet, c'est le far west!» (06.03.2018)

Par Caroline Beyer
Mis à jour le 06/03/2018 à 18h09 | Publié le 06/03/2018 à 18h04
INTERVIEW - L'ancienne actrice de films X dénonce les ravages de l'industrie pornographique sur la jeunesse, notamment via des sites accessibles aux mineurs en toute illégalité.
Les violences sexistes et sexuelles seront bientôt encadrées par une loi. Une première discussion aura lieu ce mercredi en Conseil des ministres avant la présentation du texte fin mars. Dans À un clic du pire(Anne Carrière, février 2018), l'ancienne actrice de films X, Ovidie, alerte l'opinion sur l'exposition des mineurs à la pornographie. Depuis 2003, la jeune femme scrute, à travers documentaires et livres, l'industrie pornographique, la sexualité des jeunes filles, la prostitution et l'image de la femme dans la société.
Le Figaro. - Peut-on dire que la pornographie fait l'éducation sexuelle des enfants?
Ovidie. - Caricaturalement, il y a d'un côté des conservateurs en panique morale et de l'autre, les libertaires du sexe dans le déni total. La réalité est entre les deux. Ceux qui affirment que la pornographie n'a aucune influence sur nos pratiques sexuelles sont dans le déni. Sans même y songer, nous pouvons, en tant qu'adultes, adopter certains de ses codes. Que dire des enfants qui ont grandi avec? Évidemment, ils font le distinguo entre images pornographiques et réalité. Ils voient bien que leur petite copine n'est pas une blonde siliconée qui passe sa journée en porte-jarretelles. Il n'empêche.
«Les jeunes vont là où c'est gratuit. Et ce n'est pas le plus glorieux…»
Ovidie
Alimente-t-elle les violences sexistes et sexuelles?
Les jeunes vont là où c'est gratuit. Et ce n'est pas le plus glorieux… Cette pornographie «mainstream» véhicule toujours les mêmes représentations: celui qui a le phallus domine. Tout est donc basé sur la fellation et la pénétration, généralement anale et en groupe. Avec l'idée de laisser une trace sur le corps de la femme, comme s'il fallait ravager un champ. Les contenus étant gratuits, on assiste à une surenchère des pratiques. Ce qui me questionne le plus, c'est le fait que les vidéos «BDSM» (bondage, discipline, sado-masochisme) sont très regardées par les jeunes femmes, ces «digital natives» qui ont grandi avec le porno entre les mains. Je n'ai pas de théorie sur la question, mais cette génération est beaucoup plus prompte à intégrer des pratiques de soumission.
Comment mieux protéger les mineurs?
Il faut une approche factuelle. Aujourd'hui, c'est le far west. Les «tubes» existent depuis 2006, avec le lancement de YouPorn. Ils diffusent gratuitement des contenus pornographiques accessibles aux mineurs, en toute impunité. Pourtant, il existe une législation claire concernant les programmes interdits aux moins de 18 ans. Ces sites qui ne respectent pas la loi française devraient être géo-bloqués. Cela prendrait techniquement cinq minutes aux fournisseurs d'accès. Mais on laisse faire depuis plus de dix ans! Emmanuel Macron a exprimé la volonté de réguler, enfin, les contenus sur Internet.
Pourquoi la législation n'est-elle pas appliquée?
Dès que l'on parle de réglementation sur le Web, on est traité de liberticide. Mais ceux qui ne veulent pas de cette réglementation, ce sont avant tout les fournisseurs d'accès. Leur discours est totalement hypocrite: ils mettent en avant la responsabilité des parents et les outils de contrôle parental. C'est absurde! On sait que 70% du porno consommé par des mineurs l'est non pas sur l'ordinateur du salon, mais sur un téléphone portable.
«Il serait bon d'arrêter de culpabiliser les parents avec la pornographie. L'État doit prendre ses responsabilités»
Ovidie
Quel rôle peuvent jouer les parents?
Adolescente, j'aurais détesté que l'on me parle de sexualité. En tant que mère, je suis prête à répondre à toutes les questions, mais je ne veux pas m'immiscer sur le terrain du plaisir et du désir. C'est une question de pudeur. Il serait bon d'arrêter de culpabiliser les parents avec la pornographie. L'État doit prendre ses responsabilités.
Et l'école? Emmanuel Macron a annoncé pour la rentrée prochaine une sensibilisation des élèves et des parents.
Il existe une loi sur l'éducation à la sexualité à l'école qui n'est pas appliquée. Commençons par là. L'ensemble du personnel éducatif doit répondre aux questions très concrètes, et parfois très angoissantes, que se posent les adolescents. Mais ce n'est pas le prof de SVT qui va répondre à l'interrogation: «La sodomie, c'est obligatoire?» Il faut davantage d'intervenants extérieurs compétents.
Qu'avez-vous pensé du mouvement #balancetonporc?
Plus que «balance ton porc», j'ai été sensible à la campagne #metoo, lancée aux États-Unis. Cela a permis à des femmes blessées de prendre conscience qu'elles n'étaient pas seules, que c'était mondial et qu'elles ne l'avaient pas cherché. Beaucoup d'hommes ont pris acte. Certains sont tombés des nues. Nous avons eu aussi droit aux réactions des «masculinistes». Mais les hommes ne sont pas plus ou moins virils, ni plus ou moins sexistes! C'est juste que la société évolue et que le sexisme se manifeste différemment. En tant que femmes, nous ne sommes pas plus ou moins libérées.

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Donald Trump ne sait pas sur quel pied danser avec la Russie (06.03.2018)

Par Philippe Gélie
Mis à jour le 07/03/2018 à 05h51 | Publié le 06/03/2018 à 19h14
Le président américain, qui refuse de prendre acte d'une interférence russe lors de son élection, voit Moscou comme un concurrent avec lequel un degel reste possible.
Un parfum de guerre froide flotte sur la relation entre les États-Unis et la Russie. Course aux armements, espionnage, batailles de propagande, enquête politico-judiciaire, escarmouches sur des théâtres régionaux… Le gouvernement américain apparaît sur le pied de guerre face à Vladimir Poutine. Mais à sa tête, un homme fait exception: Donald Trump ne voit pas la Russie comme un agresseur, tout au plus un concurrent avec lequel un dégel reste possible. Cette dissidence au sommet crée une politique américaine schizophrénique, agressive sur certains fronts, passive sur d'autres.
Le 27 février dernier, lors d'une audition au Sénat, le sénateur démocrate Jack Reed a demandé au patron de l'agence de surveillance électronique NSA, l'amiral Mike Rogers, s'il avait reçu l'ordre de la Maison-Blanche de lancer une contre-offensive «à la source»des cyberattaques déclenchées contre le système électoral américain. «Non, je n'ai pas reçu cet ordre, a déclaré Rogers. Nous n'avons pas opté pour le même genre d'opérations que nous observons de la part des Russes. Ils n'ont pas payé un prix suffisant pour modifier leur comportement.»
«Les Russes ont dépassé le stade où ils pensaient que Trump pourrait faire avancer la relation bilatérale dans une nouvelle direction»
Thomas Graham, directeur de l'agence de consultants Kissinger Associates
Selon le directeur national du renseignement, Dan Coates, «les États-Unis sont attaqués» dans la perspective des législatives de novembre prochain. «Il n'y a aucun doute que Poutine voit l'opération (de 2016) comme un succès. Le coût est faible et c'est efficace pour semer la division. Cela ne va ni changer, ni s'arrêter.» La Maison-Blanche, ajoute-t-il, «dispose de tous les éléments pour arrêter une stratégie».
Mais le président se refuse à prendre acte d'une interférence russe, qu'il voit seulement comme un prétexte pour délégitimer sa victoire. Donald Trump est lui-même dans le viseur du procureur spécial Robert Mueller, qui enquête sur une possible collusion de sa campagne avec le Kremlin. Réagissant en justiciable, il met en doute les conclusions de ses agences de renseignements, comme les faits documentés par l'acte d'accusation de trente-sept pages inculpant treize citoyens russes. Quatre anciens membres de son entourage sont déjà mis en examen. Assiégée, son Administration ne sait sur quel pied danser.
La cellule du département d'État chargée de la contre-propagande n'a pas dépensé le premier dollar des 120 millions alloués par le Congrès pour faire pièce à Moscou - et aucun de ses vingt-trois analystes ne parle le russe. La Maison-Blanche a aussi laissé passer sans réagir fin janvier la date légale pour de nouvelles sanctions contre l'appareil de propagande russe.
Perplexité et ironie
Cette complaisance n'est pourtant pas payée de retour. La présentation par Poutine de nouveaux missiles nucléaires «invincibles», assortie d'un film d'animation simulant une attaque contre la Floride, où le président passe la plupart de ses week-ends, montre que «les Russes ont dépassé le stade où ils pensaient que Trump pourrait faire avancer la relation bilatérale dans une nouvelle direction», souligne Thomas Graham, directeur de l'agence de consultants Kissinger Associates. «Le Kremlin voit essentiellement cette administration comme une cause perdue, renchérit Andrew Weiss, vice-président du Carnegie Endowment for International Peace. Trump n'a que des choses aimables à dire à propos de Poutine tandis que son cabinet de sécurité nationale défend une vision classique de la Russie comme ennemie.» Pour Matthew Bunn, professeur à Harvard et directeur de Managing the Atom, les nouvelles armes «ne changent pas l'équilibre des forces mais élèvent le degré de tensions, ravivant le risque de dérapage militaire».
Outre une critique des déclarations «irresponsables» de Poutine par Trump, les réactions américaines vont de la perplexité à l'ironie. Un missile nucléaire hypersonique déjouant radars et systèmes de défense grâce à une vitesse cinq à dix fois supérieure à celle du son, une torpille nucléaire capable de traverser l'océan Pacifique… «La mise en scène de Poutine représente un mélange brouillon de théâtre, d'illusion et de vantardise», estime Tom Nichols, professeur de stratégie à l'École de guerre de la Navy.
«À quoi bon plaider pour une réponse plus musclée aux cyberattaques russes si l'on hésite à réagir à leurs nouvelles ambitions nucléaires et territoriales ?»
Mac Thornberry, président de la commission de la défense à la Chambre
Le Pentagone, selon sa porte-parole Dana White, «connaissait déjà» les armes évoquées par le président russe et «se tient prêt à défendre les États-Unis». Pourtant, la plupart des experts doutent que certaines innovations soient opérationnelles - ou même utiles. «L'arsenal russe est déjà assez puissant pour submerger les défenses antimissiles des États-Unis», note James Cameron, auteur d'un livre sur le sujet. Seuls 44 intercepteurs sont déployés en Alaska et en Californie, avec un taux de succès de 10 tests sur 18.
La prochaine doctrine de défense balistique doit transférer la priorité des États voyous aux menaces russe et chinoise. La Stratégie de sécurité nationale (NSS) publiée en décembre les désigne comme «puissances révisionnistes» cherchant à dominer leur région et à «défier l'influence et les intérêts des États-Unis». Plusieurs élus et think-tanks préconisent une relance du bouclier antimissile de la «guerre des étoiles» imaginé par Ronald Reagan. «À quoi bon plaider pour une réponse plus musclée aux cyberattaques russes si l'on hésite à réagir à leurs nouvelles ambitions nucléaires et territoriales?», s'insurge Mac Thornberry, président de la commission de la défense à la Chambre. L'Administration Trump vient d'accepter pour la première fois le principe de vendre des armes antichars aux Ukrainiens. Après les attaques chimiques à la Ghouta, Trump a demandé à son État-major des plans pour de nouvelles frappes de missiles contre les forces syriennes soutenues par Moscou.
Début février, la nouvelle posture nucléaire américaine a prôné le développement d'armes atomiques à portée limitée susceptibles d'être utilisées en cas d'attaques conventionnelles, terroristes ou électroniques d'une gravité «exceptionnelle». «Poutine ne fait que réagir de façon prévisible au renforcement de l'arsenal nucléaire et balistique américain», estime Lisbeth Gronlund, de l'Union des scientifiques inquiets. Contrairement à l'époque de la guerre froide, ni le chef du Kremlin ni celui de la Maison-Blanche ne semblent soucieux de prolonger le traité de réductions des armements New Start, qui expire en 2021.

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Protectionnisme : et si Trump avait raison ? (05.03.2018)
  • Par  Benjamin Masse-Stamberger 

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 19:58 

  • Publié le 05/03/2018 à 19:34
FIGAROVOX/TRIBUNE - Selon Benjamin Masse-Stamberger, Donald Trump n'est pas le premier à instaurer une forme de patriotisme économique pour son pays. La plupart des grandes puissances économiques le font déjà, y compris les États-Unis d'ailleurs, et elles ne s'en sortent que mieux.

Benjamin Masse-Stamberger est journaliste et essayiste. Ancien Grand reporter à l'Express, il est co-auteur notamment de Inévitable Protectionnisme (éd. Gallimard/Le Débat, 2011). Il tient le blog Basculements.

Haro sur Trump! Le président américain a une fois de plus attiré sur sa personne la meute des bien-pensants. L'hôte de la Maison Blanche a eu il est vrai une idée saugrenue: respecter l'une de ses principales promesses de campagne. Il va prendre des mesures de rétorsion à l'encontre des pays dont les pratiques commerciales déloyales nuisent à l'industrie américaine. À ses yeux, c'est le cas notamment dans le domaine de l'aluminium et de l'acier: Trump juge que certains pays - en particulier la Chine - subventionnent leurs exportations afin de gagner des parts de marché aux dépens des producteurs américains. Sans doute n'a-t-il pas tout à fait tort, puisque la production d'acier américain a chuté en dix ans de près de 100 millions à 82 millions de tonnes. Avec, à la clé, des centaines de milliers d'emplois de cols bleus perdus. Dans le même temps, les importations ont augmenté de plus de 50 %. Conséquence: le président américain a décidé d'imposer une taxe de 25 % sur l'acier importé - et de 10 % sur l'aluminium, pour des raisons similaires.
Que n'avait-il pas fait là? Avec l'objectivité qui les caractérise, les habituels experts se sont empressés de laminer le président américain, victime de son incapacité bien connue à se contrôler, ou même d'un de ses nombreux troubles mentaux. Des troubles qui conduisent à défendre les intérêts de ses mandants: on aimerait parfois que les dirigeants européens soient frappés par le même syndrome.
Le libre-échange ne profite qu'à ceux qui n'y croient pas.
Mais non: nos commentateurs préfèrent entonner le refrain habituel de la «tentation protectionniste», qui évite il est vrai de se pencher sur un sujet ô combien technique. Les arguments sont bien rodés: on va «pénaliser le consommateur», enclencher un «cercle vicieux», «favoriser les rentes de situation», etc... Les éléments de langage sont les mêmes depuis trois décennies. Et peu importe si entre-temps des millions d'emplois ont été détruits, les classes moyennes occidentales déclassées, et des pans entiers de l'industrie rayés de la carte. Pourquoi évoquer les sujets qui fâchent?
Tout l'édifice de la doxa libre-échangiste repose en fait sur un postulat parfaitement erroné: le commerce mondial s'appuierait sur un système de règles garantissant des échanges équitables et qui profitent à tous. Or ceci relève de la pure chimère: le libre-échange ne profite en fait… qu'à ceux qui n'y croient pas. Les pays qui réussissent dans la mondialisation sont généralement les plus protectionnistes: à commencer par la Chine, qui protège son marché de mille manières, en utilisant l'arme monétaire par exemple, ou encore par le biais des «normes», qui permettent d'exclure nombre d'entreprises étrangères du marché chinois. Les Américains eux-mêmes ont toujours défendu bec et ongles leurs entreprises et leurs emplois, ne serait-ce, entre autres dispositifs, que par le biais du «Buy American Act», adopté en 1933.
En fait, tous les pays pratiquent peu ou prou une certaine forme de protectionnisme. Le mois dernier, l'Inde a décidé d'augmenter les droits de douane sur une cinquantaine de produits. Sans provoquer la moindre vague. Même la France d'Emmanuel Macron s'y est mise: mi-février, Edouard Philippe a annoncé un élargissement du «décret Montebourg», qui permet de protéger les entreprises de secteurs stratégiques d'un rachat par un investisseur étranger.
En fait, tous les pays pratiquent peu ou prou une certaine forme de protectionnisme.
Bien sûr, Trump agit ici comme ailleurs à sa manière, fantasque et tonitruante. Le président américain a ainsi tweeté que les «guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner». De quoi décontenancer nos bonnes âmes robotisées, qui ont vite fait de ranimer le rituel «spectre des années Trente». Une manière toujours simple et commode de clore un débat. Pourtant, le but politique de Trump est atteint: faire du buzz autour de sa mesure, susciter des réactions et commentaires horrifiés, et souder ainsi sa base autour de lui. Une méthode qui a parfaitement réussi lors de l'élection présidentielle, alors que les mêmes commentateurs aujourd'hui éplorés lui promettaient une déroute en rase campagne.
Sur le plan économique, rien ne prouve non plus que les effets de la mesure seront négatifs: Trump n'a en fait nullement l'intention de déclencher une apocalypse commerciale, mais simplement de mettre en place un rapport de forces, pour obtenir un meilleur «deal» pour les entreprises américaines.
L'Histoire dira si la méthode fonctionne ou non. On aimerait simplement que nos décideurs européens déploient autant d'énergie et d'imagination pour défendre les ouvriers, agriculteurs et classes moyennes du Vieux Continent, qu'elles n'en trouvent pour trouver des punchlines, tweets et autres commentaires sarcastiques sur le président américain. À l'image de Jean-Claude Juncker, qui a prévenu les Américains qu'ils allaient «apprendre à nous connaître». Avant de brandir son sabre de bois pour menacer, en guise de rétorsion, de taxer les Jeans Levi's, les motos Harley Davidson et le Bourbon! Le patron de la commission européenne a solennellement prévenu: «Nous serons aussi stupides» que Donald Trump. On n'en doute pas.
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L'Occident désarmé face à l'expansionnisme iranien (05.03.2018)

Par Adrien Jaulmes
Mis à jour le 05/03/2018 à 20h43 | Publié le 05/03/2018 à 20h23
L'influence de la République islamique n'a cessé de croître dans une région dont les États-Unis se sont peu à peu désinvestis.
Envoyé spécial à Téhéran
Tout semble réussir à Téhéran en matière de politique étrangère. Quatre décennies après la révolution de 1979, l'Iran est devenu l'une des puissances dominantes du Moyen-Orient. Son ancien ennemi héréditaire, l'Irak, ramené au rang de vassal depuis la calamiteuse invasion américaine de 2003 a vu sa dépendance à l'égard de Téhéran encore accrue après la dure campagne de reconquête de son territoire sur Daech.
La Syrie, ancien allié stratégique est devenue un autre État client, son régime dépendant étroitement de l'Iran depuis le début de la guerre civile. Le Liban est, quant à lui, sous la domination politique et militaire du Hezbollah, pseudopode des gardiens de la révolution iranienne. Pour la première fois depuis l'empire sassanide au VIIe siècle, l'Iran est présent sur les rives de la Méditerranée, et Téhéran contrôle à présent une route terrestre entre son territoire et le Levant.
«Cette expansion est plus le produit des circonstances que d'une politique délibérée», affirme cependant Foad Izadi, professeur de relations internationales à l'université de Téhéran. Proche des conservateurs, cet universitaire exprime des vues largement partagées dans les cercles du pouvoir en Iran.
«L'Iran s'est généralement contenté d'occuper le vide laissé par les États-Unis»
Foad Izadi, professeur de relations internationales à l'université de Téhéran
«L'Iran s'est généralement contenté d'occuper le vide laissé par les États-Unis, explique-t-il. En Irak par exemple, les Américains ont renversé un régime qui nous était hostile, puis, incapables de gérer la situation qu'ils ont créée, en sont partis. C'est ce vide qui a créé l'espace dans lequel l'influence iranienne a pu s'exercer. Même chose en Syrie: c'est la guerre civile créée et alimentée par les États-Unis et d'autres pays occidentaux qui a obligé l'Iran à intervenir dans ce pays. On peut aussi dire la même chose du Yémen, où les Saoudiens ont dépensé des milliards de dollars à faire la guerre à ce pays où ils auraient pu facilement acheter la paix. Vous pouvez même inclure dans cette liste le Hezbollah, l'allié libanais de l'Iran: cette organisation a été créée en réaction à l'invasion israélienne de 1982.»
L'expansionnisme iranien n'a pourtant pas attendu cette aide involontaire occidentale pour se mettre en mouvement. L'idéologie révolutionnaire islamiste inventée par Khomeyni, qui donne au clergé chiite un rôle politique, en est le principe fondateur, ce qui explique qu'il remporte le plus de succès dans les pays où existe une communauté chiite.
Le sentiment d'être entouré d'ennemis
Ce messianisme se nourrit aussi d'idées d'extrême gauche anti-impérialistes, renforcé par l'antiaméricanisme quasi pathologique de la République islamique, ce qui lui vaut un certain nombre de relais à l'étranger. Il s'appuie enfin sur un puissant nationalisme iranien, teinté d'une certaine dose de paranoïa héritée d'une série d'invasions et d'interventions étrangères au cours du XXe siècle, dont le traumatisme reste vivace en Iran. Car, à l'instar des révolutions française ou russe avant elles, la révolution iranienne s'est identifiée très vite au nationalisme grâce aux agressions extérieures.
L'invasion lancée par l'Irak de Saddam Hussein en 1980, un an à peine après la révolution, et les huit ans de guerre qui l'ont suivie ont durablement imprégné les mentalités iraniennes, renforçant le sentiment iranien d'être entouré d'ennemis de toutes parts.
«Le soutien apporté à l'Irak par l'Arabie saoudite et les pays occidentaux a conduit l'Iran révolutionnaire à adopter un discours nationaliste»
Foad ­Izadi
«Le soutien apporté alors à l'Irak par l'Arabie saoudite et les pays occidentaux a conduit l'Iran révolutionnaire à adopter un discours nationaliste», dit Foad Izadi. «La nouvelle République islamique s'est identifiée à la cause nationale. Sans cette invasion, l'histoire aurait pu prendre un tour bien différent, et il n'est même pas certain que le gouvernement révolutionnaire aurait survécu sans cette guerre. En fait, depuis quarante ans, toutes les tentatives pour détruire la République islamique n'ont fait que la renforcer», ajoute-t-il.
Les succès iraniens restent pourtant fragiles: la présence militaire iranienne reste liée à des circonstances particulières. Les victoires remportées par Téhéran conduisent ses adversaires à se rapprocher, comme c'est le cas entre les États-Unis, les puissances arabes sunnites et Israël. Et enfin, Téhéran n'est pas à l'abri des erreurs de calcul que les séries de succès ont souvent tendance à favoriser. «Cette politique extérieure est aussi très coûteuse», reconnaît Foad Izadi. «L'Iran se porterait beaucoup mieux sans ces interventions extérieures. C'est ce qui me fait dire qu'il ne s'agit que d'une expansion accidentelle.»

À Téhéran, Le Drian se heurte à la fermeté des Iraniens
Le chef de la diplomatie française a déploré à demi-mot lundi l'intransigeance des Iraniens sur leur programme balistique et leur rôle dans les conflits régionaux en soulignant au terme d'une visite sous tension à Téhéran qu'il restait «encore beaucoup de travail à faire» sur ces deux dossiers brûlants.
Jean-Yves Le Drian, qui œuvre avec ses partenaires européens à sauver l'accord sur le nucléaire iranien de 2015 face à l'hostilité de Donald Trump, s'est entretenu avec Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême national de sécurité. Une entrevue avec Ali Larinjani, président du Parlement iranien, a été annulée. Le signe d'une relation toujours tendue entre Paris et Téhéran, malgré les démonstrations d'amitié lors de l'inauguration d'une exposition du Louvre au musée national d'Iran.

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Dire que Matteo Salvini est d'extrême-droite est «un mensonge», selon Marine Le Pen (06.03.2018)

  • Mis à jour le 06/03/2018 à 11:21 

  • Publié le 06/03/2018 à 10:10
LE SCAN POLITIQUE - Sur RTL, Marine Le Pen a défendu Matteo Salvini, dont le parti la Ligue du Nord rangé dans une coalition droite/extrême droite est arrivé en tête aux élections législatives dimanche en Italie.
«Un coup c'est extrême droite, parfois c'est populiste...» Marine Le Pen s'est montrée agacée mardi matin sur RTL. Ravie de voir La Ligue du Nord aux portes du pouvoir en Italie, la présidente du Front national a refusé de qualifier le parti - qui ressemble selon elle «fortement au Front national» - d'extrême droite. «Quand vous parlez de la Ligue comme un parti d'extrême droite, vous n'êtes pas dans un langage de vérité», s'est emportée Marine Le Pen. Selon la chef de file du FN, le parti italien est simplement «un mouvement qui s'oppose à l'Union européenne» et «qui souhaite que les aides sociales, la solidarité nationale s'effectue auprès des Italiens d'abord.» «Tout cela fait que la Ligue a enregistré une très grande victoire en Italie», a-t-elle estimé.
Un terme péjoratif
«Le fait qu'on accole au FN, à la Ligue ou au FPO autrichien le terme “extrême droite” me dérange car c'est un mensonge»
Marine Le Pen
Le terme «extrême droite» est-il si contrariant pour la présidente du Front national? «Le fait qu'on accole au FN, à la Ligue ou au FPO autrichien le terme “extrême droite” me dérange car c'est un mensonge», a-t-elle répliqué. «Ce terme est utilisé volontairement de manière péjorative pour écarter de la vie politique un certain nombre de mouvements qui dérangent le système et qui dérangent l'Union européenne», a raillé Marine Le Pen. Déjà en 2013, la présidente du Front national avait menacé d'attaquer en justice ceux qui utiliseraient ce qualificatif pour définir son parti.
Marine Le Pen et Matteo Salvini n'ont jamais caché leur sympathie mutuelle. Rapidement après les résultats, la présidente du Front national l'a félicité sur Twitter y voyant «une nouvelle étape du réveil des peuples». Quelques heures plus tard en conférence de presse, Matteo Salvini lui a rendu la pareil en la remerciant de son soutien.
Malgré leur bonne entente Marine Le Pen ne souhaite cependant pas influencer Matteo Salvini quant à une éventuelle alliance avec le Mouvement 5 étoiles pour gouverner. Pourtant à eux deux majoritaires, la Ligue a pour l'instant refusé toute alliance avec le parti populiste et lui aussi «eurosceptique». «Je ne suis pas là pour faire de l'ingérence dans la vie interne italienne, les partis politiques sont libres. Son parti va faire un choix, à mon avis il fera les bons choix pour l'Italie. Son objectif c'est que l'Italie aille mieux. Je ne vais pas commencer à donner des conseils à Matteo Salvini qui est un grand garçon», a commenté la présidente du FN.
Emmanuel Macron «a peur»
Marine Le Pen a en revanche ironisé sur la réaction d'Emmanuel Macron à l'annonce des résultats. Le chef de l'État avait expliqué «prendre note» tout en assurant continuer à «défendre cette Europe qui protège, cette Europe de l'ambition». «Emmanuel Macron est un peu blême, il a peur», s'est réjoui Marine Le Pen, le comparant à Matteo Renzi, le candidat du Parti démocrate balayé à l'issue des législatives : «C'est le Emmanuel Macron italien. (...) C'est un européiste convaincu. Il est pour la libre circulation, donc pour l'immigration massive, l'ultralibéralisme.»
»» À voir aussi: Marine Le Pen: «Je suis prête à laisser ma place mais je m'apprête à être réélue»

Marine Le Pen : « Je suis prête à laisser ma place mais je m'apprête à être réélue »
La présidente du Front national a démenti s'accrocher au pouvoir à la tête de son parti, ce mardi matin sur RTL. Alors que le congrès du FN approche et que le parti s'apprête à changer de nom, Marine Le Pen assure que son parti est démocratique
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Bondy: un homme mis en examen pour meurtre après avoir écrasé un automobiliste (04.03.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 04/03/2018 à 19:16 

  • Publié le 04/03/2018 à 19:15

Un homme de 29 ans qui a reconnu avoir écrasé un automobiliste après un différend, mercredi soir en Seine-Saint-Denis, a été mis en examen pour meurtre, a-t-on appris dimanche auprès du parquet de Bobigny.
La victime, âgée de 23 ans, circulait avec un ami dans la commune de Bondy peu après minuit, et était sortie de sa voiture pour "tambouriner" à la portière d'une Mercedes derrière eux, selon une source proche de l'enquête.
Le conducteur de la Mercedes aurait alors démarré et percuté le jeune homme, avant d'enclencher une marche arrière et de lui rouler dessus.
A l'arrivée de la police, le jeune homme était entre la vie et la mort. Son décès a été déclaré à l'hôpital deux heures plus tard.
Le conducteur de la Mercedes, inconnu des services de police, avait été arrêté jeudi, et a reconnu les faits.
Il a été placé en détention provisoire dimanche dans l'attente de la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) lundi, a précisé le parquet de Bobigny.

Syrie : Assad déterminé à poursuivre l'offensive dans la Ghouta (04.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 08:19 

  • Publié le 04/03/2018 à 16:11

Syrie: le régime sur plusieurs fronts dans la Ghouta
Le régime syrien a repris le contrôle de plus de 25% de l'enclave rebelle dans la Ghouta orientale, alors qu'il mène depuis plusieurs jours des combats au sol contre les insurgés, a annoncé dimanche l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.
VIDÉO - Aux bombardements qui ont débuté mi-février, s'ajoute depuis quelques jours une offensive terrestre de l'Armée syrienne et de ses alliés dans cette zone à la périphérie de Damas où ont été tués plus de 690 civils. Le point sur la situation ce dimanche 4 mars.
L'offensive contre la partie rebelle de la Ghouta orientale«doit se poursuivre», a prévenu dimanche le président syrien Bachar el-Assad, après deux semaines de bombardements meurtriers pour les civils et des combats au sol qui lui ont permis de reprendre plus du quart de l'enclave. «Il n'y a aucune contradiction entre la trêve et les combats», a estimé le président syrien lors d'une allocution retransmise à la télévision publique. Le régime a dit dimanche avoir «progressé sur plusieurs fronts». Soutenu par ses alliés russe et iranien, le pouvoir de Bachar el-Assad n'a jamais caché son intention de reconquérir ce dernier bastion rebelle aux portes de Damas, où 400.000 civils assiégés depuis 2013 vivent une grave crise humanitaire. Cartes à l'appui, faisons le point alors que la journée de dimanche a été marquée par une intense pression diplomatique venue de Londres, Washington et Paris.
● Une offensive terrestre décisive pour le régime de Damas
L'annonce de cette progression par une source militaire citée par l'agence officielle Sana est une première pour le régime syrien, qui n'avait jusqu'alors jamais reconnu l'offensive terrestre de son armée et des milices chiites parrainées par l'Iran. Dans les faits, depuis plusieurs jours, les forces du régime progressent dans l'enclave rebelle, depuis l'Est, moins urbanisé que l'Ouest. À la faveur de cette percée, le régime contrôle désormais 25% de l'enclave rebelle, a indiqué dimanche l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). «Les forces du régime poursuivent leur avancée» et sont désormais dans le centre de l'enclave, aux portes de la localité de Beit Sawa, d'après l'ONG. Les cartes du site collaboratif Syria Live Map permettent de mesurer l'étendue de cette offensive terrestre.


«La superficie de la Ghouta (rebelle) se rétrécit», a assuré samedi le quotidien prorégime Al-Watan, relatant la reconquête par le régime de plusieurs localités. L'armée a «progressé sur plusieurs» fronts, a annoncé dimanche une source militaire. L'enclave rebelle d'une centaine de kilomètres carrés représente un tiers de la vaste région agricole de la Ghouta orientale, qui . «Les terroristes goûteront à la défaite prochainement dans la Ghouta, comme ils l'ont connue à Alep», a déclaré samedi le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Ayman Soussane. Le scénario dans la Ghouta n'est effectivement pas sans rappeler celui de 2016 à Alep, où les rebelles avaient dû abandonner leurs quartiers après des bombardements et une offensive terrestre du régime et de son allié russe.
● Devant la crise humanitaire, un premier convoi d'aide attendu lundi
Avant l'offensive terrestre de ces derniers jours, le régime syrien avait lancé, le 18 février, une campagne aérienne de bombardements qui a tué plus de 650 civils selon l'OSDH. Selon l'organisation, la journée de dimanche aura de nouveaux fait 34 morts parmi les civils. Face à la crise humanitaire, une résolution réclamant un cessez-le-feu de 30 jours en Syrie a été votée le 22 février à l'unanimité des membres du conseil de sécurité de l'ONU, dont la Russie. Emmanuel Macron et le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, ont de nouveau exprimé samedi soir leur «grave préoccupation» et ont souligné leur «pleine détermination à faire appliquer par le régime syrien et ses alliés» cette résolution qui est pour l'instant restée sans effet.
D'après l'ONU, un premier convoi d'aides humanitaires devrait entrer lundi dans le dernier fief rebelle aux portes de Damas, dont les quelque 400.000 habitants subissent au quotidien de graves pénuries de nourriture et de médicaments. «Un convoi de 46 camions transportant des aides médicales et de la nourriture pour 27.500 personnes» devrait finalement se rendre lundi dans la Ghouta, a annoncé le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU. Au total, «70.000 personnes dans le besoin» doivent bénéficier de ces aides, et un deuxième convoi doit être envoyé jeudi.

Dimanche, la première ministre britannique Theresa May et le président américain Donald Trump ont accusé le régime syrien et la Russie de porter «la responsabilité écrasante de la souffrance humaine déchirante» dans la Ghouta orientale. Les États-Unis «condamnent l'offensive du régime» syrien, «soutenue par la Russie et l'Iran», a affirmé la Maison Blanche dans un communiqué. De son côté, Emmanuel Macron a demandé dimanche à son homologue iranien Hassan Rohani «d'exercer les pressions nécessaires» sur le régime syrien pour faire cesser les attaques contre la population.
Moscou a fait décréter mardi une trêve quotidienne de cinq heures, entre 07h00 et 12h00. Cette initiative, mollement suivie, a permis de faire baisser en intensité les bombardements qui n'ont toutefois pas disparu, en particulier en dehors des heures de «trêve». Dimanche, un correspondant de l'AFP a pu voir des centaines d'habitants, femmes et enfants, jetés sur les routes par les frappes sur la localité de Beit Sawa, emportant de maigres possessions sur des motos ou des camionnettes. Depuis samedi soir, des bombardements ont entraîné le départ de près de 2000 civils, fuyant des zones agricoles pour se réfugier dans l'ouest de l'enclave, a confirmé l'OSDH.
«De nombreuses familles sont sous les décombres, les secouristes sont débordés», a dit Abou Khalil à l'AFP fuyant Beit Sawa, portant dans ses bras une petite fille blessée. Dans les hôpitaux, les mêmes drames sont filmés au quotidien par les correspondants de l'AFP avec des enfants en pleurs, des blessés couverts de poussière, le crâne bandé. Les raids de samedi ont tué 18 civils, dont trois enfants, d'après l'OSDH. La source militaire citée par Sana a fait état de «préparatifs en cours pour faire parvenir des aides alimentaires aux civils».

● En face du régime, des rebelles islamistes
La Syrie est ravagée depuis 2011 par une guerre de plus en plus complexe qui a tué plus de 340.000 personnes. Au départ grandement fragilisé, le régime d'Assad est parvenu à reprendre la main grâce à l'appui militaire de la Russie qui est intervenu directement en septembre 2015. Après sa victoire à Alep au Nord en décembre 2016 et à Deir Ezzor à l'Est en novembre 2017, le pouvoir contrôle désormais plus de la moitié du territoire, et reste déterminé à reconquérir l'intégralité du pays. Au fil des ans, les groupes rebelles ont été dominés par des mouvements islamistes divers, pour certains proches des Frères musulmans, pour d'autres appartenant à des mouvances salafistes, voire djihadistes.
La Ghouta orientale n'échappe pas à ce mouvement. L'Est est contrôlé par Jaïch al-Islam (l'Armée de l'islam), un groupe salafiste parrainé par l'Arabie saoudite et le Qatar. Jaïch al-Islam a été accusé en 2015 de se servir des populations civiles comme de boucliers humains face aux bombardements du régime syrien. Dans son offensive terrestre, le régime de Damas se heurte depuis plusieurs jours à ces combattants salafistes, au nombre de 10.000 selon des estimations de l'AFP. «Dans l'est de l'enclave, il y a des combats entre les forces du régime et Jaïch al-Islam», confirme ce dimanche Rami Abdel Rahmane. Depuis le 25 février, les combats au sol ont tué 76 combattants des forces prorégime, et 43 rebelles de Jaich al-Islam, selon l'OSDH.
L'ouest de la Ghouta orientale est tenu par Faylaq al-Rahmane, un groupe islamiste plus modéré, dominé par les Frères musulmans et parrainé par le Qatar et la Turquie. Ses combattants seraient environ 8000, selon l'AFP. D'autres groupes salafistes, comme Ahrar al-Cham, ou djihadistes, comme Fateh al-Cham (ancien Front an-Nosra, qui fut la branche syrienne d'al-Qaida jusqu'en 2016), sont également présents, mais minoritaires. Le texte voté à l'ONU appelant à un cessez-le-feu ne concerne pas ces derniers, ce qui permet à la Russie de justifier la poursuite des combats. Les deux groupes rebelles principaux - Jaïch al-Islam et Faylaq al-Rahmane - ont dès lors annoncé qu'ils étaient prêts à «expulser» les combattants djihadistes, avec lesquels ils coopéraient jusqu'ici sporadiquement, tout en étant rivaux.
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Iran: la France joue «en même temps» la fermeté et le commerce (05.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 08:49 

  • Publiéle 05/03/2018 à 06:00
Jean-Yves Le Drian effectue une visite à Téhéran ce lundi. Paris va demander des gages à Téhéran sur son programme balistique tout en soutenant les entreprises françaises en Iran.
Mission d'équilibriste pour le chef de la diplomatie française. En visite ce lundi à Téhéran, où il sera reçu par le président de la République islamique Hassan Rohani, Jean-Yves Le Drian va tenir un langage de fermeté sur le programme de missiles balistiques iranien, le dossier nucléaire et la Syrie. Le contexte diplomatique est tendu dans la mesure où Donald Trump a posé un ultimatum. Il a menacé de sortir de l'accord international sur le nucléaire conclu en juillet 2015 le 12 mai si le régime des Mollah ne donne pas davantage de garanties sur son programme atomique et ses capacités militaires. Si les dossiers diplomatiques et géostratégiques occupent le devant de la scène, le commerce demeure un enjeu important en toile de fond.
Depuis l'accord sur le nucléaire, les entreprises occidentales ont opéré un retour sur ce marché prometteur de 80 millions d'habitants qui ont soif de consommation. Les grands groupes français ne sont pas en reste. Fin octobre 2017, les échanges commerciaux de la France avec l'Iran avaient doublé par rapport à 2016 selon les chiffres du Trésor. Les exportations avaient atteint 1,2 milliard d'euros, et les importations (surtout des hydrocarbures) 2 milliards d'euros. Total a signé un accord sur le gaz, Renault et PSA ont scellé des partenariats pour produire des voitures sur place. Airbus a décroché une commande de 100 appareils auprès d'Iran Air. Mais tout récemment, le «vendeur en chef» de l'avionneur européen, John Leahy (bientôt à la retraite) indiquait à Reuters que le calendrier risquait de glisser, en raison de problème de financement et de difficultés de pré-paiement de la part des Iraniens. Une complication qui touche - ou guette - la plupart des entreprises européennes faisant des affaires en Iran.
Bpifrance en première ligne
Les banques françaises rechignent toujours à financer les exportateurs français, par peur des sanctions américaines (l'amende infligée de 8,9 milliards de dollars à BNP Paribas en 2014 reste un souvenir cuisant) . Aussi depuis des mois Bpifrance négocie avec Téhéran pour pouvoir soutenir les entreprises hexagonales via un mécanisme de crédit export. Son directeur général Nicolas Dufourcq prépare un «véhicule dédié», dans lequel «il n'y a pas un dollar», précisait-il le mois dernier devant une commission parlementaire. L'absence de transaction en dollars est l'un des boucliers contre les sanctions extraterritoriales américaines.
«Les négociations avec la banque centrale iranienne sont bien avancées», affirme un proche du dossier. L'État français compte obtenir de Téhéran une «clause de sanction». Il s'agirait, en cas de retour de sanctions américaines, de permettre à un partenaire français de se retirer d'un contrat, sans pénalité. «Sans cette clause, difficile de convaincre certains exportateurs à venir ou revenir en Iran», commente ce spécialiste.
Liste noire sur le financement du terrorisme
Autre progrès à accomplir côté iranien que scrute la Direction générale du Trésor: l'amélioration de la transparence de son système bancaire. L'Iran travaille à sortir de la liste noire du Gafi (Groupe d'action financière, organisme intergouvernemental chargé de la lutte contre le blanchiment des capitaux) des pays finançant le terrorisme.
Bpifrance dont l'enveloppe de crédit à l'exportation (tous pays confondus) devrait être portée à 400 millions d'euros contre 186 millions d'euros en 2017 espère être opérationnel sur l'Iran, un dossier prioritaire, en mai-juin. Ceci dans l'hypothèse, jugée la plus probable, où les États-Unis ne dénoncent pas l'accord sur le nucléaire, quitte à prendre des sanctions ciblées liées au terrorisme et aux droits de l'homme. Ces discussions sur le soutien des entreprises françaises sont suivies de très près par l'Élysée. Emmanuel Macron est attendu en Iran autour du 23 avril.
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Législatives en Italie : Matteo Salvini, un tribun aux ambitions débordantes (24.02.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 12:31 

  • Publié le 24/02/2018 à 08:00
PORTRAIT - Le chef de la Ligue du Nord, allié au parti de Silvio Berlusconi, a réussi son pari de s'emparer de la droite italienne, dépassant à la surprise générale son allié.
Devenir le prochain président du Conseil italien: Matteo Salvini en rêve tout haut. Aujourd'hui, le quadragénaire n'a jamais été aussi proche de concrétiser cette ambition. «Nous avons le droit et le devoir de gouverner», revendique le dirigeant d'extrême droite au lendemanin des législatives. La coalition formée avec Forza Italia de Silvio Berlusconi et le petit parti Fratelli d'Italia, forte de 37% des voix selon les dernières estimations, ne semble pas en mesure de revendiquer la majorité absolue, lui permettant de former le futur gouvernement. À la surprise générale, Matteo Salvini a tout de même réussi un premier pari, devançant de quatre points le parti de son principal allié, Silvio Berlusconi. En vertu de l'accord scellé avec ce dernier, si les deux hommes ont les moyens de former un gouvernement, celui qui a obtenu le plus de voix désignera le futur président du Conseil.
Ces dernières semaines, le quadragénaire avait mené campagne tambour battant. À Milan, Matteo Salvini s'est offert une véritable démonstration de force devant les milliers de partisans réunis fin février piazza de Duomo. L'aria «Nessun dorma» de Puccini, minutieusement choisie ce jour-là pour son arrivée à la tribune, traduisait bien son état d'esprit: «Vincerò! Vincerò!» (Je vaincrai! Je vaincrai!). Il s'est même aventuré dans un Sud, longtemps honni, où ses apparitions sont souvent ponctuées par des incidents. Ses candidats étaient crédités dans les sondages d'un maigre 5 à 6% des suffrages dans la région. Car le chef de la Ligue n'a pas toujours ménagé les susceptibilités de ces électeurs. Certains se souviennent encore du chant raciste qu'il entonnait au cours d'une fête du parti en 2009: «Sens-moi cette puanteur, même les chiens s'enfuient, c'est que les Napolitains sont arrivés.»
«Salvini a clivé la Ligue. Il n'a pas compris que nous étions nés pour la question du Nord, et que c'était une folie d'aller dans le Sud.»
Umberto Bossi, ancien dirigeant et fondateur de la Ligue du Nord
À l'époque, la «Lega» est encore un parti régionaliste, réclamant l'indépendance de la «Padanie», qui s'étend de Milan jusqu'à Venise. Ce fils d'un dirigeant d'entreprise a fait sa carrière dans la formation, mettant de côté ses études d'histoire pour devenir, en 1993, le plus jeune conseiller municipal de Milan. Il en gravira progressivement les échelons. Il a travaillé comme journalistes dans deux organes proches du parti avant de se faire élire au Parlement européen en 2004. Il sait dès cette époque attirer l'attention sur lui en multipliant les déclarations sulfureuses. Sa proposition de réserver des sièges aux Italiens dans les transports en commun provoquera un tollé. Au point, fin 2013, de ravir les rênes du parti à l'historique Umberto Bossi, empêtré dans un scandale de corruption. Matteo Salvini hérite alors d'un parti aux abois après des années au pouvoir aux côtés de Silvio Berlusconi.
Élections en Italie: la droite et l'extrême droite en tête
La coalition de droite et d'extrême droite arrive en tête des législatives en Italie, dimanche 4 mars, mais l'incertitude reste entière sur qui gouvernera la troisième économie de la zone euro.
La Ligue, sous son impulsion, laisse quelque peu de côté la mythique Padanie pour prendre une envergure nationale. Il a symboliquement effacé la référence au «Nord» dans le nom de sa formation. Le parti réclame désormais une meilleure répartition des recettes fiscales avec le gouvernement central. «Salvini a clivé la Ligue. Il n'a pas compris que nous étions nés pour la question du Nord, et que c'était une folie d'aller dans le Sud», lui reprochera à ce sujet Umberto Bossi. Il imprime aussi des accents anti-immigration et anti-euro à sa formation. La stratégie est calquée sur celle du Front national. Les deux formations sont d'ailleurs alliées sur la scène européenne, leurs leaders n'hésitant pas à franchir les Alpes pour s'afficher ensemble, tout sourire.
«Les Italiens d'abord»
L'option s'est avéré payante. La Ligue, qui n'avait obtenu que 4% des suffrages lors des dernières législatives de 2013, a plus que quadruplé ce chiffre à environ 18% dimanche. L'immigration est en effet devenue un sujet majeur pour quelque 30% des électeurs, contre moins de 5% en 2013. Matteo Salvini en a fait son principal argument de campagne: «Les Italiens d'abord». Début février, il n'a pas hésité après l'attentat de Macerata, fusillade à caractère raciste, à dénoncer l'«invasion migratoire». Il a également promis que les migrants arrivés illégalement en Italie seraient renvoyés chez eux «en 15 minutes». Toutefois, il a dû mettre un peu d'eau dans son vin sur la question de l'euro, qui l'opposait à son allié Silvio Berlusconi. Après avoir longtemps tergiversé, il a dernièrement prôné une renégociation des traités plutôt qu'une sortie la monnaie commune.
Fort de son score, celui qui fêtera ses 45 ans vendredi a rappelé ce lundi devant la presse que sa formation devait désormais diriger la droite italienne. Matteo Salvini s'est aussi dit prêt à entamer des discussions avec tous les autres partis politiques tout en excluant l'idée une grande coalition de gouvernement. Même s'il parvenait à former un gouvernement, les amis d'aujourd'hui risquent de très vite se transformer en adversaires de demain. En coulisses, Salivini et Berlusconi ne se supportent pas. Les dirigeants de la coalition ne sont apparus qu'une fois ensemble à l'occasion d'une conférence de presse organisée tardivement pendant la campagne. Rien n'assure donc que l'ancien Cavaliere tiendra bien sa parole.
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Molenbeek : un probable attentat déjoué après l'arrestation de 8 personnes (05.03.2018)

  • Publié le 05/03/2018 à 12:21
Des perquisitions ont eu lieu dimanche après l'arrestation de huit personnes à Molenbeek, Grammont et Malines, en Belgique. Les enquêteurs soupçonnaient la préparation d'un attentat.
De fortes suspicions pesaient sur les personnes interpellées. Huit individus ont été arrêtés dimanche à Molenbeek. Sept perquisitions ont été réalisées dont quatre à Molenbeek, deux à Malines et une à Grammont, dans le cadre d'un «dossier terroriste», rapporte le quotidien belge La Dernière Heure. Aucune arme, ni substance explosive n'ont été retrouvées.
Les suspects ont été emmenés pour audition devant le juge d'instruction. Leur placement en détention ou non sera précisé avant la fin de la journée. Les perquisitions de ce dimanche ont eu lieu dans le cadre d'une enquête distincte de celles conduites à Bruxelles sur les attentats de novembre 2015 et mars 2016.
Quartier populaire bruxellois, Molenbeek a acquis la réputation de base arrière du djihadisme international. Plusieurs terroristes y ont séjourné, à l'instar de Medhi Nemmouche, l'assaillant du Thalys, mais aussi plusieurs suspects des attentats de Madrid. C'est aussi là que Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des attaques du 13 novembre à Paris, a été arrêté, le 18 mars 2016.

Au moins un tiers de la Ghouta orientale repris par l'armée syrienne (05.03.2018)

  • Publié le 05/03/2018 à 11:12
L'armée syrienne a repris plus d'un tiers de la région rebelle située aux portes de Damas. Au moins 14 civils ont été tués dans de nouveaux raids, alors qu'un convoi humanitaire de l'ONU doit être affrété dans la journée.
Depuis le 18 février, la région fait l'objet d'intense bombardements d'artillerie et aériens. Ce lundi, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a indiqué que l'armée syrienne et ses alliés ont repris plus d'un tiers de la Ghouta orientale, située à l'est de Damas. Bachar el-Assad a lancé une offensive terrestre contre l'enclave rebelle il y a maintenant une semaine. Au moins 14 civils ont été tués dans de nouveaux raids du régime dans la localité de Hammouriyé, où des barils d'explosifs ont été largués. «Il y a eu lundi matin des frappes aériennes et des tirs de roquettes sur plusieurs secteurs de la Ghouta», a rapporté Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH. Ces nouveaux raids portent à 709 civils le bilan des morts depuis le 18 février.
Les Nations unies ont annoncé dimanche avoir obtenu l'autorisation d'affréter un convoi humanitaire à destination de l'enclave rebelle qui abrite quelque 400.000 personnes. Selon un journaliste de Reuters, un autre convoi affrété par le Croissant-Rouge arabe syrien est arrivé lundi matin à un point de passage permettant l'accès à la Ghouta orientale. Il était accompagné d'autocars vides acheminés par le gouvernement pour

organiser l'évacuation des civils qui souhaitent quitter l'enclave. En revanche, le convoi des Nations unies, formé de 46 camions transportant des médicaments, de la nourriture et des fournitures alimentaires, n'était pas encore arrivé, a précisé le journaliste.
Selon un responsable de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 70% des fournitures embarquées dans les camions ont été retirées lors de l'inspection faite par les militaires syriens. «Toutes les trousses d'urgence, le matériel chirurgical, le matériel de dialyse et l'insuline ont été confisqués par sécurité», a-t-il déclaré. Au total, «70.000 personnes dans le besoin» doivent bénéficier de ces aides. Un deuxième convoi doit être envoyé jeudi. La Ghouta orientale n'a pas été ravitaillée depuis le 14 février lorsqu'un petit convoi avait permis d'apporter une aide pour environ 7200 personnes.
Dimanche, la Russie, qui soutient militairement le régime de Bachar el-Assad, a imposé un cessez-le-feu quotidien de plusieurs heures sur la zone rebelle située à l'est de Damas. Malgré cette initiative, le pouvoir syrien a annoncé qu'il entendait poursuivre l'offensive en cours, estimant qu'il n'y a «aucune contradiction entre la trêve et les combats». «La majorité de la population dans la Ghouta orientale veut sortir de l'étreinte du terrorisme, a souligné Bachar el-Assad, dans des déclarations retransmises à la télévision publique. . L'opération doit se poursuivre, parallèlement à la possibilité donnée aux civils de rejoindre les territoires» du régime.
La même journée, Emmanuel Macron a demandé au président iranien, Hassan Rohani, d'exercer «les pressions nécessaires» sur le régime syrien afin de faire cesser les attaques contre les habitants de la Ghouta orientale. Il s'agit d'ailleurs de la mission du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, en déplacement ce lundi à Téhéran. Ce dernier va tenter d'obtenir que Téhéran fasse pression sur son allié syrien afin qu'il laisse parvenir l'aide humanitaire de l'ONU aux portes de Damas.
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L'Île-de-France lance une campagne contre le harcèlement dans les transports (05.03.2018)

  • Publié le 05/03/2018 à 12:42
Des milliers d'affiches vont être installées dans les transports en commun franciliens pour «responsabiliser les usagers» contre le harcèlement. Cette campagne s'accompagne aussi du début de l'expérimentation des arrêts à la demande dans les bus à partir de 22 heures, en Seine-et-Marne et en Seine-Saint-Denis.
Les transports en commun sont un lieu à risque pour les femmes. En 2016, une étude de la Faut révélait que 87% des usagères déclarent y avoir déjà été victimes de harcèlements sexistes ou sexuels, d'agressions sexuelles ou encore de viols. Pour lutter contre ce phénomène, la région francilienne, Île-de-France Mobilités, la RATP et la SNCF lancent ce lundi une campagne de lutte contre le harcèlement. «43% des violences graves contre les femmes sont commises, non pas dans la rue mais dans les transports», a expliqué la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, sur France Inter, précisant que cette campagne «est censée libérer la parole».
Des milliers d'affiches vont être installées pour sensibiliser et responsabiliser tous les usagers des transports en commun. On peut y voir trois femmes tenant une barre de métro. Derrière elle, un animal, soit un ours, soit un requin, ou encore un loup, à l'aspect menaçant. «Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel. Victimes ou témoins, donnez l'alerte!», peut-on aussi lire sur les affiches. «L'idée, c'est de pousser à agir, car il y a actuellement une sous-déclaration. Hommes et femmes doivent tous se sentir concernés», explique Valérie Pécresse dans une interview à 20 minutes . Au total, ce sont près de 4100 affiches qui seront installées sur le réseaux RATP et SNCF Transilien et 4750 dans les bus de la RATP.
La campagne a pour objectif de sensibiliser les voyageurs et de les responsabiliser face aux situations de harcèlement. Plusieurs outils sont mis à leur disposition pour les signaler: le numéro d'alerte 31.17, le SMS 31.177, l'application 31.17, les bornes d'appel ou encore les agents présents dans les transports. Le numéro d'appel est d'ailleurs de plus en plus utilisé, selon Le Parisien, qui explique que 47.000 appels ont été passés entre janvier et octobre 2017 contre 15.000 appels en 2015. «Lors d'une alerte au 3117 ou au 31.177, la victime ou le témoin est mis en relation avec l'un des 45 agents qui se relaient 24h/24, 7j/7. Après analyse et localisation de la victime ou du témoin, les équipes de sûreté les plus proches se rendent sur place», précise SNCF Transilien sur son compte Twitter.
L'arrêt à la demande des bus expérimenté
Outre cette campagne de sensibilisation, ce lundi marque également le début de l'expérimentation de l'arrêt à la demande dans les bus à partir de 22 heures. «Elle va se faire sur une dizaine de lignes de bus en Seine-Saint-Denis et en Seine-et-Marne. La phase de test va durer un peu plus de six mois. À l'issue de celle-ci, nous regarderons si ce service est en adéquation avec les besoins des usagers, s'il permet un respect du temps de parcours pour le bus», explique une source à Île-de-France Mobilités contactée par Le Figaro. Cette solution, qui existe déjà aux États-Unis et au Canada, est également testée à Bordeaux actuellement. Elle a pour objectif de réduire le temps de parcours à pied pour les voyageurs circulant en soirée. «Ce sont les élus du conseil d'administration, et notamment Valérie Pécresse, qui décideront si l'arrêt à la demande a pour vocation de s'étendre», précise cette même source.
Ce nouveau plan de lutte contre le harcèlement sexuel a été salué par Marlène Shiappa. La secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes a indiqué que «ces actions viennent compléter efficacement l'action menée par le gouvernement». Et de préciser: «Les collectivités qui ont la compétence transports ont un rôle majeur à jouer dans l'abaissement du seuil de tolérance de la société au harcèlement de rue en général et dans les transports en particulier, objectif que nous devons atteindre collectivement».
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Les Québécois parlent français, pensent anglais et rêvent américain (02.03.2018)

  • Publié le 02/03/2018 à 12:52
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Qui sont les Québécois ? Jean-Marc Léger les connaît par cœur, et jusqu'au plus intime de ce qu'ils sont. Ce président d'un institut de sondage a révélé dans un livre les sept traits identitaires qui font de son peuple «un peuple unique au monde».

Jean-Marc Léger est économiste et président de Léger, une firme de sondage, de recherche et de stratégie marketing. Il a publié Le Code Québec (éd. de l'Homme, 2016), ouvrage dans lequel ce spécialiste de l'opinion dresse le portrait contrasté des Québécois.

Avec Le Code Québec, vous avez voulu dresser le portrait des Québécois. Comment cette idée vous est-elle venue?
Le peuple du Québec a connu beaucoup d'adversité au cours de ses 400 années d'existence et personne n'avait vraiment établi le portrait de notre collectivité depuis au moins une quarantaine d'années. Étant à la tête du plus grand institut de sondages à propriété canadienne, nous avons accès à une quantité d'information, dans tous les secteurs d'activité, sur la vie des habitants de la «belle province».
Comment avez-vous procédé?
Nous avons réalisé une série de sondages et utilisé une nouvelle méthode de sémiométrie pour définir les différences culturelles. Essentiellement, nous constatons que les mots utilisés portent une charge émotive forte qui nous permet de structurer le système de valeurs des gens. Sur les 400 mots testés, 115 mots différenciaient les Francophones du Québec des Anglophones du reste du Canada. En procédant à des analyses multivariées plus complexes, notre modèle a mathématiquement regroupé ces mots en sept groupes distinctifs représentant les sept différences fondamentales.
Quels grands enseignements tirez-vous de votre enquête? Quelles sont les spécificités des Québécois?
Nous sommes de plus en plus nord-américains et de moins en moins français.
Nous retenons 7 différences fondamentales. Les Québécois ont une JOIE DE VIVRE unique, une attitude très CONSENSUELLE, n'aiment pas prendre position et sont DÉTACHÉS, ils s'auto-VICTIMISENT facilement, ils ont un comportement VILLAGEOIS, ils ont une CRÉATIVITÉ hors du commun et sont des êtres très FIERS de leur différence.
En 1978, Jacques Bouchard publiait déjà Les 36 cordes sensibles des Québécois d'après leurs six racines vitales… En quoi les Québécois ont-ils changé depuis?
Sur les 36 cordes sensibles, 18 ont disparu. Nous ne souffrons plus du complexe d'infériorité, nous avons perdu cette simplicité, nous avons rejeté la religion, nous sommes moins habiles manuellement et plus détachés du patrimoine culturel. Nous sommes de plus en plus nord-américains et de moins en moins français.
Votre livre montre que les Québécois se reconnaissent majoritairement dans la racine nord-américaine, mais seulement de manière minoritaire dans la racine française. Les Québécois sont-ils en voie de déracinement et d'américanisation?
Les deux tiers d'entre nous s'identifient davantage à la culture américaine et anglaise qu'à la culture française. Nous ne sommes pas des Français qui vivent en Amérique, mais plutôt des Nord-Américains qui parlent français. Et la tendance n'est pas non plus favorable. Si les baby boomers s'identifient encore majoritairement à la culture française, les milléniaux s'identifient majoritairement à la culture américaine. Nous ne sommes plus ce que nous étions.
En 1995, le projet d'indépendance fut rejeté par seulement 50,5 % des Québécois. Un tel résultat des souverainistes serait-il possible aujourd'hui?
Le projet souverainiste est encore appuyé par 36 % de la population québécoise, dont 45 % des francophones. Par contre, le Parti québécois porteur de ce projet obtient les pires scores de son histoire avec moins de 25 % des voix. Les piliers de l'indépendance sous les leaders René Lévesque et Jacques Parizeau n'existent plus aujourd'hui. Leur projet était bâti autour de la protection de la langue française, le contrôle de l'État québécois par les francophones et la haine des Anglais. Ces enjeux ne sont plus d'actualité. Les jeunes sont plus ambitieux, plus capitalistes, plus entrepreneuriaux et plus ouverts sur le monde. Le mouvement souverainiste n'a pas réussi à les convaincre que leur sort serait meilleur dans un pays du Québec. On dit que si le Québec n'a jamais vraiment trouvé sa place dans le Canada, il la trouve de plus en plus dans le monde.
Nous vivons dans une société très atomisée ou tout le monde se connaît.
Les Québécois continuent cependant à se définir comme villageois. Qu'est-ce que cela signifie?
Un peu comme la France, avec ses 35 000 communes, soit le plus haut taux par habitant d'Europe, le Québec avec ses 1 112 villes et villages a le plus haut taux par habitant au Canada. L'Ontario par exemple n'a que 444 villes et villages. Le village est la cause et la conséquence. Nous vivons dans une société très atomisée ou tout le monde se connaît. Cela crée une société plus solidaire ou l'entraide et le consensus font partie de nos gènes. Mais cela a créé une société plus frileuse, où l'étranger est perçu comme une menace. C'est l'un des héritages de nos relations avec les 55 communautés amérindiennes du Québec. On dit chez nous que le Québec est «une société tissée serrée». En somme, les Québécois sont des Français… heureux.
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Après la double attaque de Ouagadougou, l'enquête progresse (03.03.2018)

  • Mis à jour le 04/03/2018 à 20:10 

  • Publié le 03/03/2018 à 21:37
Attentats de Ouagadougou, le jour d'après : «C'était la désolation totale»
Au lendemain des attaques qui ont visé l'ambassade de France au Burkina Faso et l'État-major général des armées de Ouagadougou, la population locale est encore sous le choc.
Un djihadiste soupçonné d'avoir joué un rôle-clé dans la double attaque de vendredi a été entendu ce dimanche par la justice du Burkina Faso, qui soupçonne des complicités dans l'armée. Le Groupe pour le soutien de l'islam et des musulmans (GSIM) a revendiqué l'attentat, affirmant avoir agi en représailles à une opération française au Mali.
L'enquête sur la double attaque de Ouagadougou progressait ce dimanche: un djihadiste présumé soupçonné d'avoir joué un rôle-clé était entendu par la justice du Burkina Faso, qui soupçonne des complicités dans l'armée.
Samedi soir, le Groupe pour le soutien de l'islam et des musulmans (GSIM) avait revendiqué l'attentat, déclarant qu'il avait été commis en représailles d'une opération des troupes françaises au Mali durant laquelle l'un de leur chef, Mohamed Hacen al Ancari est mort. Le 15 février dernier, une vingtaine de djihadistes présumés avaient été «tués ou capturés», selon l'état-major français, lors d'une opération aérienne et au sol visant ce groupe, à proximité de la frontière avec l'Algérie.
L'homme dont la nationalité n'a pas été révélée a été arrêté vendredi dans les heures qui ont suivi les attaques coordonnées contre l'état-major des armées burkinabè et l'ambassade de France à Ouagadougou, a déclaré à l'AFP une source gouvernementale. Cet homme pourrait même être «un cerveau» de l'opération, a-t-on ajouté.

D'autres assaillants «djihadistes ont peut-être pu s'enfuir» après l'attaque de l'état-major, situé dans le quartier très fréquenté du grand marché de Ouagadougou, selon la source gouvernementale. Les autorités ont de «très forts soupçons» qu'il y ait «des infiltrés dans l'armée» qui ont renseigné les djihadistes pour l'attaque de l'état-major, a ajouté la source burkinabè. En effet, l'explosion de la voiture piégée qui a précédé l'assaut a totalement détruit une salle de réunion, située en façade du bâtiment, où devait se tenir une réunion de l'état-major de la force antijihadiste du G5 Sahel. La réunion avait été changée de salle au dernier moment, évitant un carnage.
«Connaissance des habitudes» de l'état major
«Ils avaient une connaissance des habitudes et pratiques courantes au sein de l'état-major, ce qui explique la facilité avec laquelle ils ont accédé au sein de l'état-major par son accès de service, situé au dos de l'entrée principale», avait expliqué samedi une autre source gouvernementale. Les enquêteurs se demandent si l'attaque contre l'ambassade de France n'était pas une «diversion» avant l'attaque contre l'état-major. Située dans la zone des ambassades, la représentation française est très bien protégée. La tentative s'est d'ailleurs soldée par la mort des quatre djihadistes qui n'ont pas pu pénétrer dans l'enceinte diplomatique, a aussi expliqué la source gouvernementale.
Toutefois, dans sa revendication, le GSIM a dit avoir agi «en réponse à la mort de plusieurs de ses dirigeants dans un raid de l'armée française dans le nord du Mali il y a deux semaines». Le dernier bilan des attaques de vendredi fait état de sept morts parmi les forces de l'ordre burkinabè et plus de 80 blessés, ainsi que de neuf djihadistes tués, selon la première source gouvernementale. L'un des hommes tués avait été compté à tort dans un bilan précédent parmi les forces de l'ordre parce qu'il portait un treillis militaire. Il s'agissait en réalité d'un djihadiste, dont plusieurs étaient en uniforme, a précisé cette source. Un procureur et quatre enquêteurs français étaient attendus ce dimanche à Ouagadougou pour participer à l'enquête sur la double attaque de vendredi, a par ailleurs indiqué la source.
L'activité reprenait normalement ce dimanche dans la capitale burkinabè, mais, signe de l'extrême tension qui persiste, deux incidents armés se sont produits, dont l'un a fait un mort. Vers 02h00 heures du matin (locales et GMT), une voiture avec trois hommes à bord a tenté sans succès de forcer un barrage dans la zone de la présidence du Burkina Faso, en périphérie de Ouagadougou, selon une deuxième source gouvernementale. Deux hommes ont réussi à s'enfuir, le troisième a été arrêté par des membres de la sécurité présidentielle qui tenaient le barrage, à environ 1,5 kilomètre du palais présidentiel. L'homme arrêté a été abattu deux heures plus tard après avoir tenté de s'emparer de l'arme d'un de ses gardiens, selon cette même source. Les forces de l'ordre ratissaient la zone dimanche. Cet incident est apparemment sans lien avec l'attaque djihadiste, selon une source sécuritaire, car les hommes n'avaient pas d'armes. Autre incident dimanche matin, des soldats ont effectué des tirs de sommation contre des passants qui voulaient franchir une barrière dans la zone de l'état-major, toujours totalement bouclée.
«On a tous peur»

Le GSIM est issu d'une alliance formée en mars 2017par plusieurs mouvements islamistes armés du Mali, dont Ansar Dine, Al Mourabitoune et l'Emirat du Sahara, une émanation d'al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Dirigé par le Touareg malien Iyad Ag Ghaly, chef Ansar Dine, le GSIM avait déjà revendiqué l'attaque qui a coûté la vie à deux militaires français et blessé un troisième le 21 février dans le nord-est du Mali, une zone frontalière du Niger réputée servir de refuge à des groupes djihadistes.
Le groupe En juillet dernier, ils avaient diffusé une vidéo montrant six otages, dont l'humanitaire française, âgée de 75 ans, Sophie Pétronin, enlevée en décembre 2016 à Gao (Mali). Sa famille a d'ailleurs été reçue ce samedi au Quai d'Orsay.
C'est la troisième fois en deux ans que la capitale du Burkina-Faso est la cible d'attaques visant des lieux fréquentés par les Occidentaux. Dix-neuf personnes avaient été tuées dans un café le 13 août 2017, dans un attentat non revendiqué. Et le 15 janvier 2016, 30 personnes, dont six Canadiens et cinq Européens, avaient été tuées lors d'une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Dans la population, la nervosité restait palpable dimanche. «La paix soit au Burkina Faso. En tout cas nous les croyants, nous allons prier beaucoup pour que les terroristes ne viennent plus au Burkina Faso», a déclaré une commerçante, Suzane Kouama. Bouri Sawadogo, étudiant, souhaite «que ça s'arrête, parce que, à l'allure ou ça va, franchement, on a tous peur». «Notre Etat Major, c'est le coeur de Ouagadougou, le coeur du Burkina Faso qui fut attaqué», dit-il.
(avec agences)
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Natacha Polony : «Donnez-nous notre vin quotidien» (02.03.2018)
Par Natacha Polony
Publié le 02/03/2018 à 19h19
FIGAROVOX/CHRONIQUE - En témoignant de son attachement pour le vin, Emmanuel Macron a rendu un hommage à nos artisans, à nos paysages, à notre histoire.
Il est sans doute des critères essentiels pour juger de l'action du président de la République: sa capacité à imposer une défense européenne qui ne soit pas inféodée aux États-Unis, sa mise en œuvre d'une politique industrielle qui protège non seulement les fleurons français, ceux qu'une gestion calamiteuse et un mépris de l'État-nation ont offerts sur un plateau à des grands groupes étrangers qui se contenteront d'en capter les savoir-faire, mais également les PME soumises à une concurrence déloyale permise par le libre-échange… Dans tous ces domaines, les faits ont bien du mal à rejoindre le lyrisme des discours. Mais il est un élément qui sera compté au crédit du Président. Quelques mots, sans doute bien anodins aux yeux des énarques du Trésor, et pourtant majeurs, tantils constituent une défense et illustration de la civilisation française dans ce qu'elle a d'irréductible à l'esprit comptable de l'hygiénisme contemporain.
«Moi, je bois du vin midi et soir. Je crois beaucoup à la formule de Georges Pompidou: n'emmerdez pas les Français.» Ainsi Emmanuel Macron a-t-il répondu à ceux qui lui demandaient s'il faudrait un nouvel amendement pour durcir la loi Évin. Mots incroyables. Pour la première fois depuis des années, un président de la République ose réhabiliter la consommation quotidienne et raisonnable de vin. Mieux, il l'a fait pour répondre à sa ministre de la Santé, qui reprenait l'antienne des nouveaux combattants du Bien, pour qui toute consommation de vin est à mettre sur le compte d'une déviance malsaine.
Dresser les citoyens
Bien sûr, ce ne sont plus les dames patronnesses du XIXe siècle fustigeant les penchants coupables de l'ouvrier, mais il y a quelque chose d'effroyablement condescendant, et, pour tout dire, inquisitorial, dans cette façon de désigner le «premier verre de vin» comme premier pas vers le cancer. Inquisitorial car tout cela s'édicte au nom du Bien. Les blouses blanches ont remplacé les dames patronnesses, les comptes de la Sécurité sociale sont le nouvel objectif, et non plus la morale bourgeoise, mais le processus est le même. Pour la meilleure des causes, lutter contre la souffrance et les maladies, limiter les méfaits d'un alcoolisme dont nul ne pourrait dire qu'il n'est pas un fléau, ceux qui savent entendent rééduquer les pauvres âmes errantes et faibles. Non pas informer les citoyens pour leur permettre de choisir les risques qu'ils entendent assumer, mais les dresser à adopter le comportement «vertueux».
Le vin de France, par son ancrage dans les terroirs, a toujours résisté à l'industrialisation réclamée par les tenants du marché
C'est bien ainsi qu'il faut entendre les remarques de la ministre de la Santé: «L'industrie du vin laisse croire que le vin est différent des autres alcools. En termes de santé publique, c'est exactement la même chose de boire du vin, de la bière, de la vodka ou du whisky. […] On a laissé penser à la population française que le vin […] apporterait des bienfaits que n'apporteraient pas les autres alcools. C'est faux scientifiquement, le vin est un alcool comme un autre.»Agnès Buzyn se réclame de la «science», non seulement pour nier les données scientifiques sur les antioxydants contenus dans certains vins, mais surtout pour masquer la manipulation des mots. Parler d'«industrie» à propos du vin est une insulte à tous ces artisans qui constituent l'immense majorité des producteurs de vin en France, justement parce que le vin de France, par son ancrage dans les terroirs, a toujours résisté à l'industrialisation réclamée par les tenants du marché et de l'alignement sur les critères anglo-saxons.
Davantage qu'un vecteur d'alcoolisation
Mais surtout, le vin n'est pas un «alcool».Il est une boisson de table contenant de l'alcool, et pour cela à boire avec pondération et intelligence. Mais il est avant tout une boisson culturelle, porteuse de toute la mémoire historique et géographique de la France. Et c'est justement quand on le réduit à n'être qu'un «alcool» qu'on le condamne à n'être qu'un vecteur d'alcoolisation. C'est en niant sa dimension culturelle, alimentaire et agricole, qu'on en fait un danger pour la santé et la sécurité.
L'Académie du vin de France, assemblée des plus grands seigneurs de la vigne française, ceux dont les domaines produisent des flacons qui incarnent la France autant que Versailles ou Victor Hugo, a réagi par un texte publié dans ces colonnes. Il est rarissime - trop sans doute - que ces gens discrets s'expriment. Ils se sont enfin souvenus des statuts de cette académie fondée en 1933 par Curnonsky, «Prince des gastronomes», pour «la défense des vins de France et l'éducation à leur connaissance». Le travail de transmission voulu par Curnonsky fut hélas abandonné. Il est pourtant le seul à pouvoir répondre, par la connaissance, à la nouvelle bigoterie qui entend, au nom du Bien, priver les citoyens, non seulement de leur libre arbitre, mais, ce qui va de pair, de leur mémoire.
Nul ne sait quelle France Emmanuel Macron laissera dans quatre ans. Mais il a par, ces quelques mots, et peut-être malgré lui, rendu hommage à ce pays qui résiste à l'uniformisation des marchés et à la réduction du monde à des nombres, à ces citoyens émancipés parce que porteurs d'une histoire et d'un patrimoine, à ce qui fait que la France est belle.

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À Mayotte, la révolte gronde contre l'insécurité (04.03.2018)

Par Christine Ducros
Mis à jour le 04/03/2018 à 18h32 | Publié le 04/03/2018 à 18h17
Le département de l'océan Indien est secoué depuis le 20 février par un mouvement de contestation populaire mené par une intersyndicale mahoraise.
Ce lundi, Laurent Wauquiez entame une visite de trois jours sur l'île de Mayotte. Il doit rencontrer les syndicats des forces de l'ordre, visiter le quartier Kawéni en présence d'Elad Chakrina, candidat LR à l'élection législative partielle qui se déroulera les 18 et 25 mars. Il se rendra dans un centre hospitalier et tiendra un meeting aux côtés du candidat LR. Wauquiez arrive en plein conflit entre les élus locaux et le gouvernement. Motif? L'insécurité dans l'île.
Ce lundi, les mairies seront fermées pour protester contre la montée de la délinquance. Une décision annoncée à l'issue d'une réunion tenue ce week-end entre le préfet et les maires des 17 communes de l'île. Ces derniers ont remis au représentant de l'État une motion «pour dire le mécontentement des Mahorais». Le département de l'océan Indien est secoué depuis le 20 février par un mouvement de contestation populaire mené par une intersyndicale mahoraise. À la suite d'éclats de violence récurrents aux abords et à l'intérieur d'établissements scolaires, les manifestations succèdent à des opérations escargot, opération «île morte», blocage de la liaison maritime entre Grande-Terre et Petite-Terre et barrages érigés sur les axes routiers.
Immigration clandestine
Le «clash» entre les maires et le préfet «marque le franchissement d'un nouveau palier dans la grave crise que traverse le 101e département français», a déclaré le député Mansour Kamardine (LR), en appelant à «la venue du ministre de l'Intérieur dans les meilleurs délais».
Le préfet de Mayotte a communiqué autour d'une ébauche du plan de sécurisation des établissements scolaires récemment annoncé par la ministre des Outre-mer, Annick Girardin. «Les Mahorais ont très mal pris que le préfet n'ait pas les moyens de les sécuriser mais qu'il ait les moyens de sécuriser le service des migrations et de l'intégration», a réagi Anchya Bamana, le maire de Sada, faisant référence à la mise en sécurité de ce service par les forces de l'ordre depuis de violentes bousculades entre manifestants et forces de l'ordre. Mayotte subit une forte pression migratoire des îles voisines des Comores, dont la plus proche n'est qu'à 70 kilomètres de ses côtes.
En 2015, 19.000 personnes ont été reconduites à la frontière à Mayotte. Une partie des manifestants estime que la délinquance sur l'île est liée à l'immigration clandestine. Mais, pour les antennes locales de la CGT Educ'action et de la FSU, il s'agit «de dérives, d'amalgames et de stigmatisations». Anchya Bamana a averti que, si le mouvement se poursuivait, «les mairies ne prendraient pas le risque d'organiser la législative partielle» provoquée par l'annulation de l'élection en juin 2017 de Ramlati Ali (LREM) après un recours déposé par le candidat LR Elad Chakrina.

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Nouvelle-Calédonie : crispations autour du référendum (04.03.2018)

Par Marcelo Wesfreid
Mis à jour le 05/03/2018 à 17h42 | Publié le 04/03/2018 à 18h57
Trois mois après le satisfecit des élus calédoniens sur la «méthode Philippe», de nouvelles divergences politiques font craindre la tenue d'un scrutin sous tension. Le président sera sur place début mai.
Un vent mauvais souffle sur le Caillou. À huit mois du référendum d'autodétermination, le retard pris dans le processus d'organisation du scrutin commence à alimenter bien des débats, dans cet archipel de 270.000 habitants, marqué par une quasi-guerre civile dans les années 1980. Ni la date précise, ni le libellé de la question ne sont encore connus. Si un consensus semble se dégager autour d'une consultation le 4 novembre 2018, aucune décision officielle n'a été prise. «Rien n'a bougé», note le rapporteur LR de la mission d'information parlementaire sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, Christian Jacob, de retour d'un déplacement dans le Pacifique Sud. «Il y a de l'inquiétude partout. Ce manque de visibilité bloque la machine économique et les investissements.»
«Le président de la République n'a quasiment aucun relais sur place et ne connaît guère les gens»
Un connaisseur du dossier
Plus grave, les crispations s'exacerbent entre indépendantistes et loyalistes. Des membres du groupe de travail mis en place par Édouard Philippe, lors de sa visite sur place en décembre dernier, ont claqué la porte. Un signe préoccupant pour une instance censée «dessiner le chemin du vivre-ensemble pendant et après la consultation». Preuve qu'il y a urgence à remettre le processus sur les rails, le premier ministre a pris la parole, ce lundi, dans le quotidien Les Nouvelles calédoniennes. D'abord, en assurant tout le monde de l'irréversibilité du processus. «La situation ne peut pas s'enliser, assure le premier ministre dans son interview au quotidien de l'archipel. La consultation sur l'accession à la pleine souveraineté se tiendra. Elle est prévue par un texte de niveau constitutionnel et elle est très largement écrite dans la loi organique portant statut de la Nouvelle-Calédonie.»
Ce projet de loi sera examiné cette semaine, en commission des lois de l'Assemblée nationale. Ensuite, dans son propos, Édouard Philippe clame haut et fort que l'exécutif ne jouera pas un camp contre l'autre. «Le gouvernement ne s'engagera pas dans la campagne pour l'une ou l'autre des réponses à la question qui sera posée lors de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté: cela ne signifie pas qu'il se désintéresse du résultat de la consultation, insiste le premier ministre. Bien au contraire. Mais les moyens de l'État, qui sont massifs, ne peuvent pas être mobilisés pour influer sur le sens d'une consultation.»
Poussée de l'insécurité urbaine
En clair: Édouard Philippe désavoue les recommandations de la mission parlementaire sur la Nouvelle-Calédonie. Son président, Manuel Valls, et son rapporteur, Christian Jacob, plaident pour que l'exécutif rende public son souhait de voir la Nouvelle-Calédonie rester dans la République. «Imagine-t-on un référendum en métropole où le gouvernement dirait “Je n'ai pas d'avis”?», grince Christian Jacob. Manuel Valls a même fait polémique en prenant position devant le Congrès en faveur d'une Calédonie dans le giron français (lire interview), provoquant l'ire des indépendantistes.
«Imagine-t-on un référendum en métropole où le gouvernement dirait “Je n'ai pas d'avis”?»
Christian Jacob
Chaque prise de parole se révèle inflammable. La Nouvelle-Calédonie est le dossier miné par excellence. Des violences passées, encore vives dans la mémoire collective ; des dossiers majeurs en suspens (Code minier, citoyenneté, accès au foncier…) et une situation politique fragile. D'un côté, les indépendantistes craignent l'échec en novembre et s'interrogent sur leur stratégie et leur capacité à mobiliser les Kanaks. De l'autre, les loyalistes sont très divisés. Le FN a fait une poussée spectaculaire à la présidentielle. Quant à la droite, majoritaire, elle est en proie à des conflits entre leaders. «Le président de la République n'a quasiment aucun relais sur place et ne connaît guère les gens. Or, dans ces sujets, c'est la connaissance des interlocuteurs qui est déterminante», analyse un bon connaisseur. À la présidentielle, il n'a convaincu que 12 % des citoyens au premier tour. Il faut dire que ses propos en Algérie sur la colonisation comme «crime contre l'humanité» avaient été très mal perçus par les non-indépendantistes…
Le chef de l'État est attendu pour la première fois sur l'archipel, début mai. Son message sera donc suivi de près, par une opinion publique de plus en plus inquiète devant les incertitudes institutionnelles (deux autres référendums sont théoriquement prévus, dans le cadre des accords de Nouméa de 1998, si l'option de l'indépendance est repoussée en novembre 2018) et préoccupée par un phénomène qui pèse sur le climat général: la poussée de l'insécurité urbaine, qui fait la une des journaux (attaques de supérettes, vols de voitures, agressions de forces de l'ordre…). Une nouveauté dans un territoire naguère préservé.
Face à ces actes, souvent commis par des mineurs, les autorités usent avec parcimonie de la force, dans la crainte du dérapage qui pourrait enflammer la société calédonienne. Le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Richard Lizurey, vient d'ailleurs de passer plusieurs jours sur le Caillou.

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Jacques Julliard : «La langue française, notre patrie commune» (04.03.2018)

Par Jacques Julliard
Mis à jour le 05/03/2018 à 13h04 | Publié le 04/03/2018 à 19h43
FIGAROVOX/CHRONIQUE - L'historien et essayiste explique pourquoi notre pays accorde une place éminente à sa langue. IL souligne aussi un paradoxe : de grands écrivains chrétiens se sont imposés au premier rang de la littérature française à mesure que le pays s'éloignait de son héritage chrétien.
J'aime beaucoup le titre, de facture très péguyste, que Jean-Michel Delacomptée a donné à l'essai brillant et stimulant qu'il publie ces jours-ci chez Fayard: Notre langue française.
À la façon dont Péguy titrait «notre jeunesse», «notre patrie», ou encore «la République, notre royaume de France». Car nous avons tant besoin d'un «nous», au moment où tant de «je» minuscules et suffisants se parent des oripeaux de la modernité. Et ce nous fraternel, ce nous existentiel, qui nous est aussi nécessaire que l'air, le pain et le vin, où le trouver, nous autres Français, ailleurs que dans notre langue et notre littérature?
Philosophie littéraire
Car notre langue et notre littérature, c'est tout un. Cet ensemble indissociable, que des Trissotins de la modernité, des Turlupins de la pédagogie avaient entrepris de désintégrer à l'École, se confond en réalité avec notre volonté de demeurer un être collectif.
Il m'est arrivé d'être sévère, et même injuste, envers de bons esprits comme Philippe Meirieu ou François Dubet, dont je vois aujourd'hui, si je lis bien entre leurs lignes, qu'ils ont viré leur cuti. Maintenant que le pire est passé,
du moins je l'espère, Blanquer aidant, je réalise que dans le fond je ne leur reprochais qu'une seule chose, à travers les réformes à la noix de notre École, celle d'en avoir expulsé nos écrivains et banni la notion même de littérature, au nom d'une conception purement instrumentaliste du langage. Et si le meilleur remède à la radicalisation n'était pas Fleury-Mérogis mais La Fontaine?
Car notre littérature est une composante essentielle de la volonté des Français de former une nation, et non de demeurer à l'état d'ensemble inconstitué de peuples désunis. Nous sommes le seul pays au monde où les plus grands philosophes sont d'abord des écrivains. Ce n'est pas remettre en cause le génie de Descartes, le plus français des philosophes, ni celui de Bergson, le plus littéraire d'entre eux, que de faire ce constat: les deux plus grands philosophes français sont de purs écrivains, c'est Pascal et c'est Rousseau. Tous deux disent
du reste la même chose: que le plus grand problème philosophique, c'est la Chute, c'est-à-dire le Mal dont l'homme ne se relève, pour l'un que grâce au Contrat social, et pour l'autre que dans L'Imitation de Jésus-Christ.
Notre code linguistique
Que l'on me permette un trait personnel. Je venais, en 1981, de passer six mois à l'Institute
for Advanced Studies de Princeton, un lieu béni des dieux, une Thélème intellectuelle, comme seuls les Américains, en ce qu'ils ont de meilleur, ont le secret. J'avais eu le privilège d'y fréquenter chaque jour des esprits aussi éminents que mon cher Albert Hirschman et son épouse Sarah, le philosophe Michael Walzer, Clifford Geertz le grand anthropologue, André Weil, l'illustre mathématicien, frère de Simone, et même George Kennan, le théoricien de la doctrine du containment de l'Union soviétique. C'est dire le bonheur d'un tel séjour, assorti d'une longue et laborieuse immersion dans la langue anglaise, qui m'a toujours résisté. Au retour,
je fis escale à Mirabel, l'aéroport de Montréal. Tout à coup, j'entendis les annonces du haut-parleur en français, en excellent français. Mes deux valises me tombèrent des mains et, de saisissement, je me mis à pleurer comme un veau, planté les bras ballants au milieu de l'aéroport. Je saisis alors cette vérité que le quotidien nous cache: notre langue est notre code. Et même notre code génétique.
Éloge de la dictée
Un mot encore à propos de l'École. On en a depuis des décennies sinon banni du moins réduit à l'extrême la dictée comme un exercice idiot, indigne de nos chères têtes blondes et brunes. Idiot toi-même, comme on dirait dans la cour de récré. Il n'y a rien de plus intelligent, de plus formateur, de plus distrayant que la dictée. Notamment sous la forme de recopiage solitaire d'un grand écrivain. Retranscrire lentement, patiemment, méditativement une page de Chateaubriand, de Nerval, de Colette, c'est s'en approprier les tournures, le lexique, les mots et les choses.
«Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées.Et mes vaisseaux chantants se nomment les années»
Apollinaire
Qui disait que l'orthographe ou la conjugaison sont faits de détails trop minutieux, trop illogiques pour retenir l'attention de jeunes esprits, un peu distraits, un peu turbulents, et occupés d'autre chose? Vraiment? Les mêmes que l'on répute incapables d'écrire une phrase sans deux ou trois fautes sont à même de reproduire des lignes entières de signes arbitraires, incohérents, sans lien entre eux, comme on les voit dans les adresses mail de leur ordinateur.
On s'émerveille de l'infaillibilité graphique des plus petits des enfants, quand il s'agit de communiquer avec un copain ou une copine. Question de motivation et d'attention. L'attention, «cette prière naturelle que l'on adresse à la vérité pour qu'elle vous éclaire» (Malebranche), l'attention, priez-la, et la langue française sera sauvée. L'orthographe, c'est aussi la politesse de la langue, et il faut apprendre la politesse aux enfants tout autant qu'aux adultes.
De la musique avant toute chose
J'entends dire aussi que si la langue française se laisse si souvent violenter, et damer le pion par le globish english, c'est qu'au milieu de tant de qualités de clarté et d'élégance lui fait défaut cette musicalité que l'on accorde avec raison à l'italien, et que pour cela elle manque de cette évidence orale qui s'impose comme un refrain ou une comptine.
C'est faux, totalement faux. La langue française n'est prosaïque que lorsqu'on en exclut les poètes. Si je pense à Racine, Lamartine, Verlaine et Apollinaire, quatre des très grands musiciens de notre langue, j'entends de la musique à l'état pur. Phèdre:
«Ariane, ma sœur, de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée!»
J'en conclus qu'il faut défendre chez nous le e muet comme un des droits de l'homme.
Du second, ces vers tirés de Milly:
«Efface ce séjour, ô Dieu, de ma paupière,
Ou rends-le-moi semblable à celui d'autrefois,
Quand la maison vibrait comme un grand cœur de pierre
De tous ces cœurs joyeux qui battaient sous ses toits!»
Contre cette cité moderne aussi gaie que des barres de HLM, comment se passer de littérature ? Avec Claudel et avec Bernanos, nous avons l'équivalent français d'Eschyle et de Dostoïevski et nous feignons de l'ignorer
Les sonorités, les cadences: si on lisait plus souvent Lamartine à haute voix, il se relèverait de l'oubli injuste dans lequel il est tombé. De Verlaine, on n'a que l'embarras du choix:
 «Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.»
D'Apollinaire, enfin:
«Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées.
Et mes vaisseaux chantants se nomment les années.»
Quand je vous disais qu'il faut défendre le e muet comme la grotte de Lascaux ou l'abbaye de Sénanque…
Littérature et politique
Romain Gary raconte, dans La Promesse de l'aube, que sa mère lituanienne lui disait: «Mon petit, il faut aimer la France parce qu'elle a fait de Victor Hugo un président de la République.» Littéralement, c'est inexact. Symboliquement, c'est profondément vrai. Pour être un président à la hauteur des attentes des Français, notamment des Français de gauche, il faut avoir quelque chose de Victor Hugo. On ne demande pas à la chancelière allemande d'être Goethe ou Schiller, ni à Theresa May de parler comme Byron ou Shelley. En France, c'est différent. Ce qui a le plus manqué à Michel Rocard, c'est le souffle poétique. Et à François Hollande, donc! Grattez bien: derrière les reproches, souvent injustes, faits à Hollande, il y avait une déception lyrique. Inversement, enlevez à Mélenchon son sens de la période, ses accents, ses finales, vous le condamnez au score de Besancenot.
Je ne parviens pas à trouver cela dérisoire. Après deux présidents qui traitaient la langue française comme Harvey Weinstein traitait les jeunes actrices, Emmanuel Macron a compris cela.
Jean-Michel Delacomptée vante justement chez Macron «le sens des liaisons impeccables, l'accord parfait des participes passés, l'emploi romanesque du passé simple, le respect constant de l'ordre syntaxique, la précision millimétrée des mots, l'absence de cafouillage sur les pronoms relatifs… ou à l'inverse, l'expression triviale qui le rapproche de tout un chacun…».
Et, ajoute-t-il, les Français sont heureux d'être respectés à travers leur langue. Comme de Gaulle, «d'autant plus éminent qu'il s'exprimait en propriétaire indiscuté de sa parole».
Christianisme et littérature
Il faudrait aussi sortir du malentendu dans lequel le stupide laïcisme de la critique littéraire au XXe siècle nous a plongés. S'il est un lieu où la laïcité, que l'on néglige trop aujourd'hui là où elle est nécessaire, n'a vraiment que faire, c'est bien la langue et la littérature. C'est un fait paradoxal mais incontestable, notre littérature, au moins dans ses sommets, est devenue chrétienne à mesure que les Français se convertissaient à l'incroyance. Delacomptée, encore lui,  résolument athée et jamais baptisé», souligne justement ce que notre langue doit à la religion chrétienne, à la Bible et à ses figures.
Et de citer encore Péguy: «C'est du même mouvement profond, d'un seul mouvement que ce peuple ne croit plus à la République et qu'il ne croit plus à Dieu. Une même stérilité dessèche la cité politique et la cité chrétienne. C'est proprement la cité moderne» (Notre jeunesse).
Contre cette cité moderne aussi gaie que des barres de HLM, comment se passer de littérature? Avec Claudel et avec Bernanos, nous avons l'équivalent français d'Eschyle et de Dostoïevski, nullement inférieurs à leurs modèles, et nous feignons de l'ignorer. Et surtout, comment passer sous silence leur apport unique à la langue, ce  «style étourdissant, celui de Bernanos que plus personne n'approche, dont on n'imagine même pas qu'un pareil style pût exister» (Delacomptée)? Il faudrait se demander pourquoi le sentiment religieux, expulsé de la Cité moderne, s'est réfugié dans l'œuvre et dans l'écriture de quelques-uns. Encore n'ai-je rien dit de la littérature pamphlétaire où, après Pascal et Chateaubriand, ce sont Veuillot, Léon Bloy, à nouveau Péguy et Bernanos, puis Maurice Clavel qui ont brillé d'un éclat sans pareil… Littérature de résistance, de résistance au monde moderne, synonyme de prosaïsme et de dérisoire.
Voilà, la messe est dite, si je puis parler ainsi.
Une question politique
«Ma patrie, c'est la langue française», disait Albert Camus. Nous avons plus que jamais besoin de ce patriotisme linguistique et littéraire, qui est au génie français ce que le patriotisme constitutionnel est à la philosophie politique d'Habermas. Il faut se féliciter que les 72 propositions du député LREM Aurélien Taché, destinées à faciliter l'intégration des étrangers arrivant en France, portent principalement sur l'apprentissage de la langue française. Les Allemands l'ont compris avant nous, qui consacrent à celui de l'allemand pour les nouveaux arrivants un temps et un budget considérables. C'est là un point sur lequel unitaires et communautaires devraient pouvoir aisément se mettre d'accord.
J'ai pour finir une pensée pour Jean d'Ormesson, avec lequel j'avais, au printemps dernier, formé le projet d'adresser à tous les candidats à la présidentielle une sorte de programme minimum de défense et illustration de la langue française. Faute d'avoir convaincu suffisamment de signataires, ce projet n'a pas abouti. Mais le besoin demeure. Ce qui est en cause, ici, c'est moins la rue que la publicité et la télévision, ces assassins du français. La bataille pour la langue française est aujourd'hui la meilleure manière pour les intellectuels de servir la République.

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La République islamique d'Iran, entre la puissance et le doute (04.03.2018)



Par Adrien Jaulmes
Mis à jour le 05/03/2018 à 14h05 | Publié le 04/03/2018 à 22h21
ENQUÊTE - Le régime paraît solidement installé et a remporté des succès militaires et diplomatiques hors de ses frontières. Mais les récentes manifestations et diverses contestations, telles celles de femmes enlevant leur voile dans les rues de Téhéran, ont décontenancé autorités et dignitaires d'une République islamique qui a fêté son 39e anniversaire cette année.
De notre envoyé spécial à Téhéran, Dizin et Machhad,
Le centre de Téhéran est fermé à la circulation, et la foule remplit la grande avenue Azadi (Liberté). Comme tous les 11 février, la République islamique fête l'anniversaire de la révolution iranienne de 1979. Le métro est gratuit, et les gens sortent des stations par groupes compacts. Des haut-parleurs jouent à plein volume des chants patriotiques. Les rues sont pavoisées de drapeaux iraniens et des portraits des deux guides suprêmes de la République islamique: l'ayatollah Khomeyni, le fondateur, et Khamenei, son successeur. Des enfants jouent avec des ballons en plastique aux couleurs iraniennes: orange, blanc et vert. Les mères en tchador noir tiennent les plus petits par la main. Un stand distribue gratuitement un jeu vidéo où le héros doit détruire des bases nucléaires que les Américains essayent d'installer au Moyen-Orient. Un autre est décoré de caricatures de Donald Trump. Sur la chaussée ont été déroulées de longues bandes de matière plastique imprimées aux couleurs des drapeaux israélien et américain, que les passants peuvent ainsi fouler aux pieds. Trente-neuf ans après sa révolution, l'Iran reste crispé dans son antiaméricanisme, presque autant que les États-Unis restent presque maladivement obsédés par le régime clérical qu'elle a porté au pouvoir.
Le pari de la relance économique
La foule converge vers le monument de la place Azadi, arc de triomphe de marbre blanc mêlant le modernisme et le style perse, construit par le chah dans les années 1970. Les haut-parleurs diffusent un discours de Hassan Rohani, le président iranien. Élu en 2013, puis réélu en 2017 sur un programme, si ce n'est réformateur, du moins plus pragmatique que celui de son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad, il a misé sur la relance de l'économie après la levée des sanctions internationales depuis l'accord sur le gel du programme nucléaire iranien conclu en 2015. Il rappelle les récents succès des interventions extérieures iraniennes. L'Iran et ses alliés ont été victorieux de l'État islamique en Irak (avec le concours crucial des Américains) et contre la rébellion syrienne soulevée contre le régime de Bachar el-Assad (avec l'appui des Russes). «L'an dernier, nous avons aidé le peuple irakien et le peuple syrien à se libérer du terrorisme, dit Rohani. Nous négocions pour la paix et la stabilité dans la région. Nous nous sommes heurtés une nouvelle fois aux États-Unis, qui ont voulu de nouveau se mêler de nos affaires. Mais nous leur avons résisté. Ils ont tenté de comploter contre nous, mais le Conseil de sécurité de l'ONU ne les a pas suivis.»
Puis le président iranien mentionne l'accord sur le programme nucléaire, que Trump menace de ne pas reconduire s'il n'est pas unilatéralement renégocié. «Nous respecterons l'accord nucléaire aussi longtemps que les autres signataires le respecteront, dit Rohani. S'ils décident d'en sortir, ce sera à leurs dépens.» Mais la foule n'écoute que d'une oreille distraite. Il fait beau, et les quelques jours de congé ainsi que les pluies récentes ont chassé le nuage jaunâtre de pollution qui d'habitude étouffe Téhéran, l'une des trois plus grandes villes du Moyen-Orient, et l'une des plus polluées au monde.
Des flambées de colère
Le 39e anniversaire de la révolution se déroule sans ferveur particulière. En apparence, la République islamique iranienne n'a jamais été aussi solide. Outre ses succès extérieurs, le régime est solidement installé en Iran. Pourtant, l'assurance des dirigeants iraniens a été ébranlée ces derniers mois par plusieurs événements imprévus. Le premier a été une vague inédite de manifestations qui a secoué le pays pendant quelques semaines entre la fin du mois de décembre et le début du mois de janvier. Parti de Machhad, la deuxième ville d'Iran, le mouvement s'est étendu rapidement à travers tout le pays. D'abord motivée par des raisons économiques, sans revendications précises, cette flambée de colère n'a pas rassemblé des foules, mais a pris par surprise les autorités, décontenancées par l'origine populaire des manifestants et l'absence de mot d'ordre, mais surtout par la rapidité à laquelle ils se sont répandus. Le régime s'est vite ressaisi. Internet a été suspendu pendant plusieurs jours, les réseaux sociaux et messageries cryptées utilisées par les manifestants comme Telegram ou les réseaux privés virtuels (VPN) ont été désactivés, pendant que les forces de sécurité réprimaient les manifestations. Avec une vingtaine de morts et plusieurs milliers d'arrestations, la répression est cependant restée relativement limitée.

En décembre 2017, à Téhéran lors d'une manifestation étudiante. - Crédits photo : AP/AP
Selon le général Ali Jafari, commandant les gardiens de la révolution, le mouvement n'a pas mobilisé plus de quelques dizaines de milliers de manifestants. «Le soutien de Trump aux manifestants a peut-être porté un coup à leur soulèvement, tant sa personnalité constitue un repoussoir jusque chez les plus farouches opposants au régime», dit un homme d'affaires étranger, bon connaisseur du pays. Reste que l'alerte a été chaude pour les autorités iraniennes. «C'était un tremblement de terre pour elles: le mouvement s'est déclenché dans des villes très conservatrices, comme Machhad, Qom et Ispahan, qui sont normalement des soutiens du régime, qui plus est dans des catégories sociales populaires qui lui sont normalement plutôt acquises, dit l'homme d'affaires. Il ne faut pas surinterpréter cet événement: le régime a montré qu'il savait maintenir son contrôle, et qu'il n'avait pas perdu la volonté d'employer la force si nécessaire. Mais ces manifestations ont révélé des fragilités structurelles considérables et grandissantes, devant lesquelles le régime est paralysé, notamment en raison de sa structure même. Le système iranien, qui comprend plusieurs centres de pouvoir, le Guide, le président, les gardiens de la révolution, et différentes factions au sein du régime, se trouve en situation de blocage.»
«L'anti-occidentalisme n'existe que dans les discours officiels. Dans la population, c'est très peu répandu. Même s'ils sont très nationalistes.»
Amir Nikpey, philosophe franco-iranien et chercheur à l'université Shahid-Behesthi
Presque simultanément s'est développé un autre type de contestation au centre même de Téhéran, où des femmes défient régulièrement la loi sur le port obligatoire du voile. Cet autre mouvement a commencé le 27 décembre dernier, quand une Iranienne d'une trentaine d'années, Vida Movahed, monte sur une armoire électrique en pleine avenue Enqelab (l'avenue de la Révolution), l'une des grandes artères qui traversent la ville d'est en ouest, en cheveux, brandissant son voile au bout d'un bâton. Son arrestation et sa détention n'ont pas découragé d'autres femmes de reproduire son geste. Depuis le mouvement reste symbolique, mais ne faiblit pas. À ce jour, une trentaine de femmes sont montées à leur tour sur des armoires électriques pour reproduire ce geste. Totalement marginal dans un pays de 80 millions d'habitants, ce mouvement rend cependant le régime nerveux. Les autorités ont fait poser un couvercle en pente sur les armoires électriques de Téhéran afin d'empêcher les «filles d'Enqelab», comme ces manifestantes ont été baptisées sur les réseaux sociaux, de les utiliser comme tribune, comme si la mesure allait suffire.
Une société décalée de la politique
Le port obligatoire du voile, l'une des lois les plus symboliques de la République islamique, n'est pas contesté par la grande majorité des Iraniennes. Mais le soutien à la loi semble s'éroder. Un sondage réalisé en 2014, mais récemment publié, indique que même chez des Iraniens favorables à son port, près de 49 % sont opposés à ce qu'il soit rendu obligatoire.
Comme bien d'autres aspects de la société iranienne, la question du voile est un phénomène complexe. Elle comporte une forte dimension sociale: dans le sud de Téhéran et les quartiers populaires, le tchador noir traditionnel qui enveloppe le corps reste de rigueur. Dans le nord de la ville, les femmes élégantes le remplacent par un foulard et un manteau court qui épouse la silhouette plus qu'il ne la cache. Car le port de ce vêtement est à géométrie variable, et sert de baromètre dans le jeu opaque et subtil entre les Iraniens et leur gouvernement. Depuis la fin de l'année 2017, la police de Téhéran avait décriminalisé les infractions au code vestimentaire, les contrevenantes ne risquant plus qu'une amende et un rappel à l'ordre. Cette mansuétude peut néanmoins s'achever si le mouvement d'Enqelab prend de l'ampleur.
«En Iran, rien n'est autorisé mais tout est permis», ironise un jeune Iranien dans une télécabine de la station de ski de Dizine. Cette station de sports d'hiver à près de  3000 mètres d'altitude, dans le massif de l'Elborz, située à quelques heures de Téhéran, est l'un des lieux de villégiature favoris d'une bourgeoisie iranienne occidentalisée. Fondée dans les années 1960 par le chah, grand amateur de sports d'hiver, la station est aujourd'hui gérée par une société appartenant aux gardiens de la révolution. Au départ des pistes veillent les portraits tutélaires de Khomeyni et de Khamenei, mais une fois dans les remontées mécaniques, les voiles et les bonnets s'enlèvent parfois et l'on échappe à la surveillance continuelle des Bassidjis, la milice des gardiens de la révolution chargée de faire respecter les lois islamiques.

La station de ski de Dizin, l'une des plus populaires du pays, fief de la bourgeoisie iranienne occidentalisée, est gérée par les gardiens de la révolution. - Crédits photo : Fatemeh Bahrami/Anadolu Agency
Le contentieux avec les États-Unis
«Le processus de sécularisation de la société iranienne est en route, dit Amir Nikpey, philosophe franco-iranien et chercheur à l'université Shahid-Behesthi, ancien élève de Cornelius Castoriadis. Les croyants sont majoritaires en Iran, mais cela ne signifie pourtant pas qu'ils sont en faveur d'un État religieux. C'est aussi le cas de l'anti-occidentalisme: il n'existe que dans les discours officiels. Dans la population, c'est très peu répandu. Même s'ils sont très nationalistes, les Iraniens sont plutôt tournés vers l'Occident.»
Dans les luxueux centres commerciaux du nord de Téhéran, le voile est réduit à son expression la plus symbolique. Dans l'entrée du centre Palladium, deux jeunes femmes à la chevelure à peine couverte par un foulard accroché sur l'arrière de la tête à leur chignon, vêtues de longs manteaux très moulants, font la promotion d'un coupé BMW flambant neuf. Dans les galeries au sol de marbre, des vitrines sont pleines de montres de prix et de bijoux. Un magasin propose un stylo Mont-Blanc en série limitée «John Fitzgerald Kennedy».
L'Iran continue de faire de l'opposition aux États-Unis la pierre de voûte de sa politique étrangère, quitte à nier l'évidence quand les deux pays se retrouvent dans le même camp dans la guerre contre l'État islamique en Irak
Avenue Taleghani, au centre de Téhéran, les États-Unis sont aussi mis en scène, mais de façon un peu différente. Les longs murs d'enceinte de l'ancienne ambassade américaine sont décorés de fresques de propagande célèbres auprès des touristes et des journalistes, mais que les passants ne voient même plus tant elles font partie du paysage: une statue de la Liberté avec une tête de mort, des portraits de l'ayatollah Khomeyni et autres slogans antiaméricains. Sur l'immeuble d'en face sont énumérés les crimes supposés commis par les États-Unis à travers l'histoire, depuis les bombardements de Dresde et de Hiroshima jusqu'à la guerre civile en Syrie et la création de Daech, en passant par l'introduction du virus de la syphilis au Guatemala, l'assaut contre la secte davidienne de Waco au Texas et le démembrement de l'ex-Yougoslavie. Les locaux de l'ambassade sont devenus un musée de l'espionnage, géré par les gardiens de la révolution. La prise d'assaut du bâtiment par un groupe organisé sous le nom d'Étudiants musulmans dans la voie de l'imam, le 4 novembre 1979, avec la longue prise d'otages de 52 diplomates américains, a été l'un des événements fondateurs de la 
République islamique.

Dans le musée, les couloirs poussiéreux montrent les vieux appareils des années 1970, ordinateurs, téléscripteurs et appareils de codage, alignés dans des vitrines avec des slogans anti-impérialistes. Dans une salle isolée, trois mannequins montrent les conversations secrètes menées par les diplomates américains dans une chambre insonorisée. Dans des vitrines, des livres rassemblant la correspondance diplomatique saisie à cette époque, patiemment reconstituée à partir des fragments récupérés dans les machines à broyer de l'ambassade, dénoncent la duplicité américaine.
Presque quatre décennies plus tard, les relations entre l'Iran et les États-Unis restent marquées par cet événement dramatique. L'Iran continue de faire de l'opposition aux États-Unis la pierre de voûte de sa politique étrangère, quitte à nier l'évidence quand les deux pays se retrouvent dans le même camp, comme l'an dernier dans la guerre contre l'État islamique en Irak, où les Américains soutenaient les forces encadrées par Téhéran. Pour Washington, le régime des mollahs reste le symbole d'un traumatisme toujours vivace. Les premières sanctions américaines datent de cette époque, et les menaces de Donald Trump de revenir sur l'accord de gel du nucléaire de 2015 ne surgissent pas de nulle part.
Le complexe religio-économique
Curieuse survivance du passé dans une mégapole sillonnée d'autoroutes, le bazar de Téhéran reste au cœur de la vie économique. Les produits alimentaires ont été déplacés vers la périphérie de la ville, mais les biens de consommation continuent de transiter par le bazar. Ce vaste centre commercial est une ville dans la ville, avec ses ruelles qui s'enroulent comme dans un labyrinthe. Sous les passages couverts éclairés par les néons, on y vend du tissu et des céréales, de la camelote chinoise et des sacs à main, des vêtements de sport et des jouets, de la quincaillerie et des biscuits, des matelas et des épices, des couvertures synthétiques, des serviettes éponge, des produits pharmaceutiques. C'est un monde ancien, peuplé de portefaix qui sillonnent les ruelles avec leurs chariots, mais aussi une plaque tournante tout à fait moderne, baromètre de l'économie iranienne.
«Encore aujourd'hui, le bazar inspire confiance. Une société qui n'est pas présente dans le bazar ne sera pas prise au sérieux», dit Mojtaba, négociant en fruits secs, l'un des principaux produits d'exportation iraniens après les hydrocarbures. Malgré une levée partielle des sanctions économiques internationales depuis la signature de l'accord sur le nucléaire en 2015, l'économie iranienne reste mise au ban du système bancaire international. «Tout notre commerce extérieur passe par des transferts financiers réalisés à Dubaï, explique Mojtaba. La levée des sanctions nous aiderait beaucoup.»
De grandes entreprises occidentales, comme les constructeurs automobiles français Peugeot et Renault ou le groupe pétrolier Total, ont signé récemment d'importants contrats avec l'Iran. Mais les menaces de Donald Trump de revenir sur l'accord n'ont pas aidé à rétablir la confiance et de nombreux groupes étrangers craignent de faire l'objet de mesures de rétorsion de la part des États-Unis.
L'opacité du capitalisme religieux
Une autre particularité de l'économie iranienne est le poids occupé par les fondations religieuses, les Bonyad. À l'origine destinés à venir en aide aux pauvres, ces organismes non gouvernementaux sont aujourd'hui de puissants groupes industriels et financiers. Ce capitalisme religieux représente la face cachée de l'économie iranienne. Son poids est évalué à environ 20 % du produit intérieur brut iranien, mais selon certaines estimations il pourrait atteindre 40 %. Ces fondations, qui ne répondent qu'au Guide suprême, fonctionnent de façon largement opaque. Elles sont aussi exemptées d'impôts.
L'une des plus riches et des plus puissantes Bonyads est basée à Machhad, la deuxième ville d'Iran, dans l'est du pays. Astan Qods Razavi gère le mausolée de l'imam Reza, le huitième imam chiite, et le seul inhumé en Iran. Le mausolée occupe un vaste espace au milieu de la ville. Plus grand que le Vatican, recevant plus de 25 millions de pèlerins par an, soit presque autant que La Mecque, ce complexe est un vaste ensemble de cours et de salles souterraines surmontées de minarets et de coupoles. Le soir, l'ensemble est illuminé comme une plate-forme de forage pétrolière. Au centre du mausolée, en sous-sol, sous les plafonds recouverts de miroirs scintillants, les fidèles viennent embrasser la grille d'argent qui entoure le tombeau de l'imam. Dans les vastes cours, une armée d'employés déroulent trois fois par jour des centaines de tapis de prière, apportés par des chariots tirés par des voitures électriques. Le mausolée reste ouvert jour et nuit, sept jours sur sept. «Le complexe emploie 2000 personnes, auxquelles s'ajoutent 36.000 volontaires, qui guident et assistent les visiteurs», dit Hussein Saberi, l'un des porte-paroles de la fondation.
Le mausolée n'est pas seulement le plus important pèlerinage d'Iran. Astan Qods Razavi possède aussi un empire industriel et financier, des terres agricoles et des fermes d'élevage, des usines textiles et pharmaceutiques, des compagnies de transport, des cimenteries et des mines. Ses activités vont du tissage de tapis à l'élevage d'esturgeons pour le caviar. Cette fondation possède une université, trois musées, et les trois quarts des terrains sur lesquels est bâtie Machhad. Son président, Ebrahim Raissi, ancien procureur de Téhéran, membre de l'Assemblée des experts, ce conseil religieux chargé notamment de la désignation du Guide, est une des figures du camp des ultraconservateurs. Candidat à l'élection présidentielle de 2017, il a été battu par Hassan Rohani, le président sortant. Son beau-père, l'ayatollah Ahmed Alamolhoda, dirige la prière du vendredi à Machhad, et est un critique virulent de la politique de Rohani. Il a interdit la tenue de concerts à Machhad, et ses positions le placent sur une ligne dure de la scène politique iranienne.
«Un régime au service d'une nomenklatura»
Selon la rumeur publique, ces deux personnages auraient été à l'origine des manifestations de décembre, ou du moins les auraient-ils encouragées discrètement, afin d'embarrasser le président Rohani. C'est ce qui s'appelle jouer avec le feu. Les slogans des manifestants n'ont pas tardé à inclure les puissantes institutions religieuses parmi les cibles de leur colère. La publication du budget fin 2017 avait pour la première fois dévoilé en partie les sommes attribués à des institutions religieuses. «Le régime est de plus en plus vu comme fonctionnant d'abord au service d'une nomenklatura plutôt que dans l'intérêt de la population», dit l'homme d'affaires.
Place Azadi, à Téhéran, le président Rohani a conclu son discours d'anniversaire de la révolution par un message de rassemblement. «Dans le train de la révolution, il y avait beaucoup de passagers ; beaucoup en sont descendus. Certains volontairement, mais un grand nombre l'a été de force. Le temps est venu de faire à nouveau monter tout le monde à bord, car nous sommes un seul peuple.»

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Les témoignages glaçants des enfants soldats de l'État islamique (02.03.2018)
Par Nadjet Cherigui et Noël QuiduMis à jour le 02/03/2018 à 13h42 | Publié le 02/03/2018 à 07h30
EXCLUSIF - À Erbil, dans le Kurdistan irakien, des adolescents ont combattu au côté de Daech et sont détenus dans des centres de réhabilitation et de déradicalisation. Nous avons rencontré ces jeunes, endoctrinés et formés à tuer les mécréants et qui, bientôt, seront libres.
De nos envoyés spéciaux Nadjet Cherigui (texte) et Noël Quidu (photos) à Erbil, au Kurdistan irakien
Cerné de hauts grillages et de solides barbelés, le terrain de foot est investi par des adolescents rigolards. Ils multiplient les passes mais aussi les cris de joie ou de mauvaise humeur en fonction de la trajectoire de la balle. Ils sont une cinquantaine de jeunes au visage poupin et arborent des maillots floqués des noms des stars du ballon rond: Messi, Ronaldo, Ronaldinho… Par terre, des gilets identiques sont marqués d'autres numéros, ceux de leurs matricules de prisonniers. Ces adolescents sont incarcérés à Erbil, au Kurdistan irakien, dans une ancienne prison transformée en centre de détention et de réhabilitation pour mineurs.

Dans le centre de détention pour mineurs d'Erbil, sur les 460 jeunes incarcérés, un peu plus de 300 ont combattu au côté de Daech. - Crédits photo : Noel Quidu
A la faveur de la mi-temps, ils évoquent avec insouciance les raisons de leur incarcération. «On est tous des Daech!», lancent-ils en chœur, un brin amusés. Derrière l'apparente innocence de ces visages juvéniles, les regards reflètent des âmes abîmées, les mots racontent l'horreur: l'engagement de ces enfants devenus soldats sous le giron noir de l'Etat islamique. Les exactions. La torture. Les décapitations. Leur reddition après la chute de Mossoul.
«Nous sommes entassés à plus de 30 par cellule, il y a la gale et la nourriture est infecte.» Pas un mot de regret, sauf celui d'être enfermé. Enfants ou bourreaux? Coupables ou victimes? La question se pose aujourd'hui aux autorités kurdes et irakiennes. Elles ont annoncé, en février dernier, détenir 4000 djihadistes dont des Européens, avec un certain nombre de Français, et des mineurs. L'Irak doit en effet faire face, après trois années de guerre contre Daech, au devenir des combattants étrangers, mais aussi de ces milliers d'enfants recrutés par l'Etat islamique.
Diman Mohamed Bayiz, directrice du centre de détention juvénile, confie son désarroi. «Ces enfants soldats sont un nouveau phénomène pour nous. Ils sont arrivés massivement dès le mois d'août 2017 après la chute de Mossoul. Ils se sont sauvés et ont été arrêtés par les forces kurdes. Nous avons toujours connu l'extrémisme en Irak mais nous n'étions pas préparés à de tels profils en si grand nombre.» Dans ce centre, dont la capacité d'accueil est de 120 détenus, près de 460 prisonniers s'entassent ; 309 sont d'anciens membres de Daech. «Nous sommes débordés, déplore la directrice. Cependant, nous nous efforçons d'apporter de l'aide à ces enfants manipulés, en commençant par les traiter comme des êtres humains.» Au sein de la prison pour mineurs, les détenus répartis en fonction de leur degré de dangerosité intègrent, grâce à l'appui de diverses ONG, un programme de réhabilitation: avec une formation aux métiers de plombier, de coiffeur ou d'électricien, ils préparent leur retour au sein de cette société qu'ils ont combattue.

Centre de détention pour djihadistes, mais aussi de réhabilitation: les détenus ont accès à de nombreuses activités et reçoivent régulièrement les visites de leurs proches. - Crédits photo : Noel Quidu
Dans son large fauteuil en cuir, Shwan Saber Mustafa s'étrangle. Fonctionnaire au sein de cette prison, il est aussi activiste pour les droits des détenus et membre de Public Aid Organization (PAO), une ONG locale. «Notre pays n'est pas à la hauteur de la menace. Nous avons besoin de moyens pour réhabiliter ces jeunes. Si ces enfants sont des victimes, ils sont aussi très dangereux. Ces programmes, encore insuffisants, ne sont possibles que grâce à l'aide des ONG. La guerre contre l'Etat islamique semble finie mais ce n'est en réalité qu'un début. La région compte près de 4000 mosquées, et la radicalisation des esprits s'accentue. Le pire est à venir car Daech est dans les têtes. Notre seule arme pour le contrer c'est l'éducation.»
A l'intérieur de la prison, le bruit métallique des lourdes portes s'ouvrant ou se refermant et celui des clés dans les serrures rythment la routine des prisonniers et de leurs gardiens. Les histoires, elles aussi, se succèdent et se ressemblent. Ils sont jeunes, ils se sont engagés, ils ont combattu. Ont-ils tué? La réponse est toujours négative et les condamnations des exactions de l'Etat islamique se font mécaniques et dans des termes étrangement similaires. Ahmed, Karim et Mahmoud, arrêtés, armés, à quelques mois de leur majorité par les Kurdes, clament leur innocence. Ils évoquent des malentendus ou des erreurs d'identité. Pour la kalachnikov en bandoulière, ils n'avancent aucune explication si ce n'est un sourire en coin presque incontrôlé. Condamnés, ils attendent leur sortie de prison dans quelques mois.

Galvanisé par l'idée de mourir en martyr, Mezel a combattu pour Daech jusqu'à la chute de Mossoul, l'été 2017. - Crédits photo : Noel Quidu
Adel a, comme ses codétenus, soufflé ses 18 bougies derrière les barreaux du centre de détention. Sa tenue aux couleurs du PSG est décontractée. Son état de tension extrême imprègne la cellule. Son tee-shirt et son jogging retroussé laissent apparaître les stigmates d'une adolescence broyée au combat. Adel a le regard franc, le verbe affirmé et la dignité d'assumer son jeune passé déjà bien lourd.
Arrêté en juillet 2016 à Hawija, il s'est rendu aux peshmergas kurdes pour ne pas tomber entre les mains, plus incertaines, de l'armée irakienne. Adel s'est engagé dès l'âge de 15 ans au sein de l'armée de l'Etat islamique et ne plaide aucune excuse. «Je les ai rejoints pour leurs idées. A la mosquée, on me répétait que la charia et Abou Bakr al-Baghdadi étaient les voies à suivre. Mon père est commerçant et possède de nombreuses propriétés. J'allais à l'école et je n'avais aucun problème. Beaucoup de jeunes étaient, comme moi, fascinés par les hommes de l'Etat islamique. Ils m'ont donné un uniforme, une kalachnikov. J'ai appris à manier les explosifs, les armes, à me battre. J'ai vu beaucoup d'exécutions, de décapitations et de tortures. Des homosexuels étaient jetés du haut des immeubles.»

Après six mois de prison, Basir a retrouvé la liberté. Officiellement déradicalisé, le jeune homme refuse de serrer la main aux femmes et d'écouter de la musique. - Crédits photo : Noel Quidu
Adel raconte sans détours son statut de petit caïd dans les rues d'Hawija. «On était les rois. Les filles étaient à nos pieds!» Des mots lâchés trop vite. Le jeune homme se ravise pour éviter le sujet des marchés aux esclaves. «Il y avait bien des épouses à vendre à Mossoul. Mais elles étaient surtout destinées aux cadres de Daech. Avec ma solde de 50 dollars par mois de l'Etat islamique, je n'avais pas les moyens d'acheter une femme.» Adel, condamné à un an et trois mois de prison, sortira très bientôt.
Basir, 17 ans est apprenti dans un garage d'Erbil. Il vient tout juste d'être libéré après six mois de détention. Le garçon, trop bavard sur les réseaux sociaux, n'a pas eu le temps de rejoindre l'EI. «Je ne faisais que les défendre, minimise-t-il, car la charia est la base de l'islam.» L'adolescent évoque mollement le programme de réhabilitation dispensé au centre. «C'était plus des mots que des actes. Il y avait des gens et des imams pour me parler… c'est tout.» A sa sortie, Basir a été suivi pendant trois mois par des travailleurs sociaux. Considéré comme déradicalisé, l'adolescent refuse de serrer la main aux femmes ou d'écouter toute musique.

Les quatre fils de Moshein ont été enlevés par l'organisation de l'Etat islamique en 2014. Enrôlés de force, ces Yézidis ont été convertis à l'islam sous la menace, puis entrainés et conditionnés pour tuer les leurs, mais aussi les «kouffars». - Crédits photo : Noel Quidu
Les interdits, les coups, la violence, l'obscurantisme et l'intégrisme, Nouri, Farhan, Ibrahim et Nashet, les quatre fils de Moshein, les ont bien trop subis. Originaire de Sinjar, cette famille yézidie a trouvé refuge dans un camp près de Dohuk dans le nord de l'Irak. Les enfants ont été enlevés pour devenir des lionceaux du califat. Farhan, le plus âgé, n'avait que 13 ans à l'époque.
«Ils nous ont emmenés dans un camp d'entraînement près de Mossoul. Nous étions terrorisés. Nouri, le plus jeune de mes frères, avait 9 ans. Ils nous ont obligés à dire la chahada (profession de foi pour l'islam, NDLR) pour nous convertir à l'islam. Ils nous ont imposé des cours de Coran, des entraînements physiques et le maniement des armes. Ils voulaient nous envoyer sur le front et ne cessaient de répéter qu'il fallait tuer les nôtres et tous les kouffars. Nous étions terrorisés.»
Après des mois de mauvais traitements et de lavage de cerveau, l'aîné parvient à s'enfuir avec ses frères. Revenus de l'enfer, les enfants présentent des signes de traumatisme: cauchemars, angoisses, insomnies, troubles du comportement.
«Le plus jeune mime des exécutions. Ces monstres ont détruit notre famille. Notre pays ne fait rien. On retrouve des membres de Daech dans les camps aux côtés des victimes. Notre fille Dalal est toujours entre leurs mains depuis quatre ans.» Moshein, le père serre la photo d'une beauté aux yeux d'émeraude. «Ils veulent 24.000 dollars pour sa liberté. J'ai proposé de prendre sa place, mais ils refusent. Nous avons demandé un visa australien pour quitter définitivement ce pays mais Dalal est encore avec ces animaux.»
Ces quatre sœurs issues d'une famille yézidie ont été enlevées en 2014. Les deux plus âgées ont servi d'esclaves sexuelles aux hommes de l'Etat islamique, puis préparées par leurs geôliers à combattre «l'ennemi». - Crédits photo : Noel Quidu
Dans la tente voisine, Hala et Samia ont connu le même sort que Dalal. Enlevées à Sinjar en 2014, elles ont été vendues à plusieurs reprises à des djihadistes pour servir d'esclaves sexuelles. Elles ont été battues et violées pendant trois ans ; leurs geôliers les ont ensuite préparées à mourir pour la cause dès la chute de Mossoul à l'été 2017. «Ils nous ont forcées à suivre des entraînements, se souviennent les deux sœurs. Nous avions une kalachnikov, une grenade et une ceinture d'explosifs pour tuer l'ennemi. Ils m'ont appris à me servir d'une ceinture explosive, explique Hala d'une voix blanche, dépourvue d'émotion. J'étais prête à mourir et me sacrifier, si seulement j'avais pu emmener dans ma mort un maximum de djihadistes. Je n'ai pas eu à le faire. Nous avons réussi à nous enfuir et retrouver ce qu'il reste de notre famille.»

La prière du vendredi dans le camp de Barka. Les histoires se suivent et se ressemblent. Des milliers de personnes ont trouvé refuge ici, après avoir fui les exactions des soldats de Daesh à Mossoul.- Crédits photo : Noel Quidu
Converties de force, les deux sœurs n'ont jamais renié leurs origines yézidies si détestées par les hommes en noir de l'Etat islamique. Mais, aujourd'hui, la haine a changé de camp. Minorités dans ce pays musulman, Hala et Samia confient leur peur et le rejet de cette religion. «Il y a beaucoup demusulmans dans le camp. L'appel à la prière me terrorise. Je ne vois pas comment nous pourrons vivre paisiblement aux côtés de ces intégristes après ces horreurs.»

Mustapha était sur le front en première ligne avec des combattants français: pour lui, ce sont les plus cruels et déterminés. - Crédits photo : Noel Quidu
Dans une salle d'interrogatoire du très bunkerisé QG de l'antiterrorisme à Erbil, Mustafa, 17 ans assis sur une chaise en plastique, n'ose pas lever son regard apeuré. Cet adolescent s'est pourtant engagé volontairement au sein de l'armée du califat et se disait prêt à mourir pour la cause.
«Les hommes de Daech m'ont proposé de commettre un attentat suicide. J'ai refusé. Ils n'ont pas insisté. Il y avait beaucoup de candidats. Je voulais mourir au combat les armes à la main. J'ai eu une formation en trois étapes: la charia, l'entraînement physique, puis le tir. Ils m'ont donné une kalachnikov et 50 dollars par mois. J'ai combattu pendant six mois en première ligne à Mossoul. Sur le front, j'ai rencontré beaucoup d'étrangers. Les Français sont les plus durs. Ils sont plus cruels. Ils n'hésitent pas. Ils ne doutent pas. Moi, après avoir vu autant de morts et de massacres, j'ai flanché et j'ai eu peur.»
Mustafa lâche du bout des lèvres des regrets tout comme son frère d'armes, Mezel, 18 ans, arrêté lui aussi lors de la chute de Mossoul à l'été 2017, après avoir combattu jusqu'au bout. «J'étais sûr de mourir en martyr et d'aller au paradis pour avoir les 72 vierges.» Son regard sombre et dur ne cille pas malgré le silence pesant dans la pièce et les regards perplexes. Le militaire chargé de la surveillance dissipe nos doutes. «Ces jeunes sont convaincus de ces arguments.» Aguerri à la technique de la taqiya (la dissimulation et le mensonge prônés par les djihadistes pour tromper l'ennemi), ce membre de l'antiterrorisme ne croit en revanche pas aux regrets. «Ils répètent tous la même chose. Ils sont toujours dangereux.»
Mezel, Mustafa et les autres assurent être repentis. Ils aspirent à changer de vie, quitter l'Irak pour rejoindre dès leur sortie de prison, la Turquie, puis… l'Europe, terminus de leur endoctrinement.
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Carlos défie à nouveau la justice : «La lutte armée n'est pas un choix, c'est une nécessité» (05.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 20:34 

  • Publié le 05/03/2018 à 06:00
Déjà condamné trois fois à perpétuité pour plusieurs attentats commis en France, cette figure du terrorisme international des années 1970 et 1980 est jugé en appel jusqu'au 16 mars pour l'attentat du Drugstor Publicis en 1974. Deux personnes avaient été tuées et 34 blessées.

«La lutte armée n'est pas un choix, c'est une nécessité»: au premier jour de son procès en appel pour l'attentat meurtrier du Drugstore Publicis à Paris en 1974, le Vénézuélien Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos, s'est campé en «révolutionnaire professionnel». Mais le «Chacal», 68 ans, qui affronte son dernier procès, a harangué une salle à moitié vide. Il voulait une audience filmée, pour constituer une «mémoire vivante» des procès historiques, mais la justice a refusé, estimant que l'intérêt pour la figure du terrorisme «anti-impérialiste» des années 1970-80 s'était «fortement amenuisée» ces dernières années.
En mars 2017, Carlos avait été condamné, pour la troisième fois, à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir lancé une grenade dans la galerie marchande du grand magasin parisien, faisant deux morts et 34 blessés. Un crime qu'il nie avoir commis, lui qui a «tellement tué» pour «la résistance palestinienne». Souriant, col roulé et costume noir, il a levé le poing droit en entrant dans le box des accusés, avant de se présenter, comme à son habitude, comme un «révolutionnaire professionnel». Il comparaît pour deux semaines devant une cour d'assises spéciale, uniquement composée de magistrats professionnels, en charge des crimes terroristes.
À peine ouvert, le procès a débuté par une attaque de la défense: Me Isabelle Coutant-Peyre, qu'il a épousée religieusement en prison, dénonce «l'illégalité de la cour d'assises spéciale» et demande, en vain, «le renvoi du procès» jusqu'à ce que son client ait accès à son dossier et à son ordinateur, dont il a été privé depuis son transfert pour la durée de l'audience à la maison d'arrêt de Fresnes, en région parisienne. L'avocat général fait savoir qu'il a demandé à ce que le dossier soit remis à Carlos, qui «remercie». L'après-midi a été consacrée au rappel des faits et à la personnalité de l'accusé.
«La violence s'impose»
Carlos décrit une enfance dans une famille vénézuélienne aisée, un père marxiste, qui appelle son aîné Ilich et les cadets Vladimir et Lénine. Puis, l'engagement communiste et très vite la lutte armée, dans des camps en Jordanie puis en Europe, au service du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). «On ne fait pas un jour le choix de la violence, elle s'impose. Les bombardements israéliens ont fait de moi un militant de la cause palestinienne», explique-t-il. «Personne n'a exécuté plus de personnes que moi pour la cause. À mon âge, je me demande comment j'ai réussi à m'en sortir», ajoute Carlos, incarcéré en France depuis son arrestation en 1994 au Soudan.
Il a déjà été condamné deux fois à la peine maximale par la justice française, pour trois meurtres en 1975 et pour quatre attentats à l'explosif (11 morts et 191 blessés) en 1982 et 1983. L'avocat général veut des exemples de ses crimes. Reconnaît-il les meurtres de deux policiers et d'un informateur libanais en 1975 à Paris? «Mais oui», répond Carlos. L'affaire du Drugstore est la dernière pour laquelle il doit être jugé. A l'issue du premier procès, la cour avait estimé que «tous les éléments accumulés durant l'enquête» convergeaient vers le Vénézuélien.
Prise d'otages, grenades volées et entretien coupable

Ce procès ravive le spectre des «années de plomb», quand l'Europe était la cible d'attentats anti-impérialistes menés au nom de la cause palestinienne. En France, cette fin d'été 1974 en est la triste illustration. Ce jour-là, à 17h10, un homme a jeté une grenade depuis le restaurant en mezzanine du Drugstore vers la galerie marchande en contrebas, à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de Rennes. Bilan: deux morts et des dizaines de blessés, dont quatre enfants. L'enceinte visée n'a pas été choisie au hasard. Elle est la propriété de Marcel Bleustein-Blanchet, d'origine juive. Mais ce n'est pas la seule explication car cette attaque s'inscrit dans un contexte d'«Internationale terroriste» motivée par une idéologie marxiste et propalestinienne.
Deux mois plus tôt, en juillet 1974, un émissaire nippon de l'«Armée rouge japonaise», une section formée par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) - dont Carlos se présente volontiers comme l'ancien «responsable militaire» -, est arrêté à l'aéroport d'Orly par la police française. Afin d'obtenir sa libération, le FPLP décide d'organiser une prise d'otages à l'ambassade de France à La Haye, aux Pays-Bas. Trois commandos de l'«Armée rouge japonaise» se portent volontaires». Le 13 septembre, les trois révolutionnaires nippons pénètrent dans les locaux de la représentation diplomatique. La prise d'otages durera quatre jours. C'est au beau milieu de cette opération que l'attentat du Drugstore Publicis a lieu dans le but de faire pression sur l'État français. Finalement, le surlendemain, la prise d'otages prend fin aux Pays-Bas. Les personnes retenues ont été libérées, et les ravisseurs ont obtenu le droit de s'enfuir à bord d'un Boeing 707 long-courrier en possession de 300.000 dollars.

Toutefois, aucun témoin n'a jamais pu identifier l'homme qui a jeté la grenade à Paris. L'accusation repose donc essentiellement sur l'engin explosif - qui faisait partie d'un lot volé sur une base américaine en Allemagne par la bande à Baader en 1972 et dont d'autres ont été retrouvés dans l'appartement de sa maîtresse -, sur les connexions entre la prise d'otages de La Haye et l'attaque du Drugstore et les dires de Carlos lui-même et de ses anciens compagnons. L'un des plus anciens complices du terroriste, l'Allemand Hans Joachim Klein, l'a directement accusé. «Le Chacal» se serait vanté de son acte auprès de lui. Par ailleurs, Ramirez Sanchez aurait également revendiqué le crime dans un entretien accordé au journal pro-irakien Al-Watan al-Arabi, traduit et repris par Le Figaro Magazine en décembre 1979: «À 5 heures, j'envoyai deux grenades dans le drugstore Saint-Germain. Deux personnes furent tuées et trente autres blessées.» Carlos a toujours nié avoir répondu aux questions d'un quelconque journaliste. Mais, coïncidence, l'un des autres attentats pour lesquels il a été condamné visait, en 1982, les locaux parisiens d'Al-Watan, rue Marbeuf.
Du mythe «Carlos» à son arrestation
Lors du procès en première instance en mars 2017, les avocats de Carlos avaient dénoncé la «paléontologie judiciaire» que représentait cette affaire. La procédure a été d'une longueur inhabituelle. En 1983, la première décision dans cette enquête a pris la forme d'un non-lieu. À l'époque, la justice française doute de l'existence de ce fameux «Carlos». Mais, en 1994, le terroriste est arrêté dans des conditions rocambolesques à Khartoum, au Soudan, par la Direction de la surveillance du territoire (DST). Lâché par la Syrie où il résidait depuis 1985 dans un quartier résidentiel de Damas avec son épouse et leur enfant, le terroriste a trouvé refuge au Soudan où il exerce dans les services secrets sous le nom de «Cheikh Hissene».
La DST en est informée, et parvient à le faire enlever sur ordre direct du ministre de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua, sans mandat d'extradition et avec le soutien du gouvernement soudanais. Sa capture a eu lieu pendant qu'il était endormi pour une chirurgie plastique qui visait à cacher son identité. Carlos est alors ramené en France dans un avion militaire et incarcéré à la prison de la Santé.
Le spectre des «années de plomb» devant la justice
Son premier procès débutera en 1997. Il comparaît alors pour l'assassinat de deux inspecteurs de la DST et de leur informateur libanais à Paris, le 27 juin 1975. Il est reconnu coupable et condamné à la prison à perpétuité. Mais un nouveau non-lieu est prononcé lors de son procès pour l'attentat du Drugstore en 1999, à défaut de charges suffisantes. À la suite de pourvois du parquet et d'associations, un supplément d'information est demandé. En 2014, une juge d'instruction renvoie Carlos devant une cour d'assises spécialement composée pour cet attentat. Il faut attendre 2017 pour le procès et le verdict.
«Je suis un héros de la résistance palestinienne et je suis le seul survivant des cadres professionnels en Europe parce que moi, je tirais avant»
Carlos
Entre-temps, en 2011, Carlos est à nouveau jugé pour quatre attentats à la bombe commis entre 1982 et 1983: dans le train Paris-Toulouse (5 morts, 77 blessés), devant le siège parisien du journal Al-Watan al-Arabi(un mort, 63 blessés), dans le TGV près de Tain-l'Hermitage et à la gare Saint-Charles de Marseille (5 morts, 50 blessés). Toutes ces attaques, revendiquées par le «groupe Carlos» qu'il a fondé quelques années auparavant, étaient destinées à obtenir la libération de son bras droit, Bruno Bréguet, et de sa compagne, arrêtés en février 1982 à Paris avec plusieurs kilos d'explosifs. Ces derniers préparaient un attentat devant l'ambassade d'un émirat arabe que Carlos voulait faire chanter. Là encore, Ilich Ramirez Sanchez est condamné à la perpétuité.
La défense, qui va plaider l'acquittement, veut «décortiquer» les témoignages contradictoires ou approximatifs d'un ancien compagnon d'armes de Carlos, d'une ex-compagne ou d'un avocat. Pour les victimes, «le premier procès avait un sens, cela leur a permis d'être reconnu, de témoigner», a expliqué le président de l'Association française des victimes du terrorisme (AfVT), Guillaume Denoix de Saint-Marc. Quarante-quatre ans après les faits, ils n'attendent désormais qu'une chose, «la confirmation de la condamnation».

À Mayotte, Wauquiez attaque le gouvernement qui «abandonne l'île» (05.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 15:27 

  • Publié le 05/03/2018 à 14:47

REPORTAGE - Pour son premier déplacement hors de la métropole en tant que patron de parti, le président des Républicains a estimé que ce territoire avait «le droit aux mêmes conditions de sécurité que tous les autres».
De notre envoyée spéciale à Mayotte
Il a décidé de prendre du champ. Alors que l'île de Mayotte est secouée depuis le 20 février par un mouvement de contestation populaire contre l'insécurité, Laurent Wauquiez est arrivé lundi dans ce département français de l'Océan indien. C'est la première fois que le président des Républicains se rend à Mayotte. C'est aussi son premier déplacement hors de la métropole comme patron du parti. Une visite de trois jours, après La Réunion ce week-end, qui survient après la fameuse séquence des «enregistrements», et d'une baisse dans les sondages. Sur place, l'accueil est chaleureux, avec remise des traditionnels colliers de jasmin et demandes de selfies. Pas question de revenir sur l'épisode de la mi-février: Laurent Wauquiez est venu parler «du fond».
Entouré du député LR Mansour Kamardine et du candidat LR aux législatives partielles Elad Chakrina, Laurent Wauquiez est «venu comprendre ce qui est en train de se passer dans cette île de Mayotte» et pas simplement «faire clic clac», insiste-t-il. «Je suis venu défendre la parole de l'île de Mayotte. Cette élection est l'occasion pour les Mahorais de se faire entendre», indique le patron de LR alors qu'une législative partielle est prévue les 18 et 25 mars. L'élection de la députée LREM Ramlati Ali a été annulée par le Conseil constitutionnel après un recours déposé par le candidat LR Elad Chakrina. Mais les maires de île n'entendent pas, dans le contexte actuel «prendre le risque d'organiser» la législative partielle. «Aujourd'hui Mayotte est abandonné par le gouvernement dans une situation qui n'est plus acceptable pour les Mahorais, aucun autre département de France n'accepterait ce qui se passe ici», dénonce Laurent Wauquiez en visant l'immigration clandestine à Mayotte en provenance des Comores notamment. «C'est comme si en France y avait 20 millions de clandestins. Qui pourrait accepter ça?», illustre Laurent Wauquiez. «Pour moi la République doit assurer l'autorité et l'ordre. Ce qui est en train de se détricoter ici, c'est cette promesse de la République française», s'offusque le patron de LR, fortement applaudi par les Mahorais qui l'entourent à l'aéroport.
La grand-mère de Wauquiez lui a «toujours dit “Trace ton chemin et ne te retourne pas”»
Alors que la ministre de l'Outre-mer, Annick Girardin, a expliqué qu'elle viendrait sur l'île un fois l'élection passée qui l'oblige «à une certaine réserve», Laurent Wauquiez prend le contre-pied. «Moi je suis sur le terrain», fait-il remarquer, «ma place à moi elle n'est pas à Paris, elle est aux côtés des Mahorais quand ça ne va pas bien pour comprendre», fait-il valoir. «Je ne comprends pas que le gouvernement et Emmanuel Macron tournent le dos ainsi et abandonnent l'île de Mayotte», avance encore le président de LR en déplorant l'abandon d'un territoire français par l'exécutif. «Pour moi ce qui n'est pas acceptable c'est qu'on ait des ministres qui nous disent on ne vient pas. On ne vient pas pourquoi? Parce qu'il y a une élection? Mais l'insécurité, elle, elle ne s'est pas arrêtée. La problématique de l'immigration clandestine elle ne s'est pas arrêtée pendant la campagne. Le sujet pour moi c'est que le gouvernement agisse», rétorque-t-il déplorant le traitement politique de l'île par l'exécutif.
Fin février, Annick Girardin avait annoncé une série «de mesures déterminées» pour améliorer la sécurité, parmi lesquelles l'envoi de gendarmes supplémentaires et la création d'une zone de sécurité prioritaire. Pas assez selon Laurent Wauquiez qui à Mayotte dénonce des «mesurettes» et réclame «des vraies réponses». Le sentiment qu'on a c'est que la France n'assure plus ses devoirs et la République ici démissionne», soutient-il. «Mayotte c'est un département français et bien ce département français il a le droit aux mêmes conditions de sécurité que tous les autres», martèle encore Laurent Wauquiez.
Un message qu'il a repris aux côtés de l'ancien sénateur mahorais, Marcel Henry, «figure historique qui nous rappelle que Mayotte a choisi la France», explique Laurent Wauquiez. Avant de lui demander quelques conseils. «Qu'est ce qu'il faut faire pour lutter contre l'insécurité?», l'interroge Laurent Wauquiez. «Il faut fermer la maternité de Mamoudzou à tout prix sinon Mayotte aura perdu son identité mahoraise», s'inquiète l'ancien parlementaire. Et Marcel Henry de féliciter Laurent Wauquiez pour son discours «ferme», en lui souhaitant «bon courage avec ses soi-disant coéquipiers». Une allusion à la séquence politique du mois de février. «Le politiquement correct ce n'est pas ma spécialité», rit le patron de LR. Avant de conclure: «Ma grand-mère m'a toujours dit “trace ton chemin et ne te retourne pas”».

Syrie : Macron demande à Poutine de faire pression sur Damas (05.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 20:41 

  • Publié le 05/03/2018 à 11:12
Le chef de l'État a appelé, ce lundi, son homologue russe à «prendre des mesures réelles et concrètes» pour que le régime de Bachar el-Assad «accepte sans ambiguïté» une trêve dans l'enclave rebelle de la Ghouta orientale, où au moins 44 civils ont été tués dans de nouveaux raids ces dernières 24 heures.
Depuis le 18 février, la région fait l'objet d'intense bombardements d'artillerie et aériens. Ce lundi, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a indiqué que l'armée syrienne et ses alliés avaient repris plus d'un tiers de la Ghouta orientale, située à l'est de Damas. Bachar el-Assad a lancé une offensive terrestre contre l'enclave rebelle il y a maintenant une semaine. Au moins 44 civils ont été tués dans de nouveaux raids du régime ce lundi, notamment dans la localité de Hammouriyé, où des barils d'explosifs ont été largués. «Il y a eu ce matin des frappes aériennes et des tirs de roquettes sur plusieurs secteurs de la Ghouta», a rapporté Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH. Ces nouveaux raids portent à 739 civils le bilan des morts depuis le 18 février, selon le décompte de l'ONG.

Les Nations unies ont annoncé dimanche avoir obtenu l'autorisation d'affréter un convoi humanitaire à destination de l'enclave qui abrite quelque 400.000 personnes. Selon un journaliste de Reuters, un autre convoi affrété par le Croissant-Rouge arabe syrien est entré lundi matin. Il était accompagné d'autocars vides acheminés par le gouvernement pour organiser l'évacuation des civils qui souhaitent quitter l'enclave. Un responsable des Nations unies qui accompagnait le convoi a marqué son mécontentement d'entendre des tirs d'artillerie près du point de passage, malgré les promesses faites.
Selon un responsable de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 70% des fournitures embarquées dans les camions ont été retirées lors de l'inspection faite par les militaires syriens. «Toutes les trousses d'urgence, le matériel chirurgical, le matériel de dialyse et l'insuline ont été confisqués par sécurité», a-t-il déclaré. Au total, «70.000 personnes dans le besoin» doivent bénéficier de ces aides. Lundi soir, le convoi d'aide s'est retiré avant la fin de sa mission, selon l'ONU. Un deuxième convoi doit être envoyé jeudi. La Ghouta orientale n'a pas été ravitaillée depuis le 14 février lorsqu'un petit convoi avait permis d'apporter une aide pour environ 7200 personnes.
Macron veut des «mesures réelles»
Dimanche, la Russie, qui soutient militairement le régime de Bachar el-Assad, a imposé un cessez-le-feu quotidien de plusieurs heures sur la zone rebelle située à l'est de Damas. Malgré cette initiative, le pouvoir syrien a annoncé qu'il entendait poursuivre l'offensive en cours, estimant qu'il n'y a «aucune contradiction entre la trêve et les combats». «La majorité de la population dans la Ghouta orientale veut sortir de l'étreinte du terrorisme, a souligné Bachar el-Assad, dans des déclarations retransmises à la télévision publique. . L'opération doit se poursuivre, parallèlement à la possibilité donnée aux civils de rejoindre les territoires» du régime. Les forces gouvernementales seraient sur le point de couper en deux l'enclave rebelle.
Ce lundi, Emmanuel Macron, s'est entretenu par téléphone avec Vladimir Poutine. Il a appelé son homologue russe à «prendre des mesures réelles et concrètes» pour que le régime syrien «accepte sans ambiguïté» une trêve dans la Ghouta orientale. Le président a également demandé à la Russie de «démontrer la pleine crédibilité de ses engagements» alors «qu'aucune évacuation des blessés et malades n'a été à ce stade autorisée par le régime» de Bachar el-Assad, peut-on lire dans un communiqué de l'Élysée.
Dimanche, le chef de l'État avait demandé au président iranien, Hassan Rohani, d'exercer «les pressions nécessaires» sur le régime syrien afin de faire cesser les attaques. Il s'agit d'ailleurs de la mission du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, en déplacement ce lundi à Téhéran. Ce dernier va tenter d'obtenir que Téhéran fasse pression sur son allié syrien afin qu'il laisse parvenir l'aide humanitaire de l'ONU aux portes de Damas.
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Syrie: un début d'aide humanitaire dans la Ghouta (05.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 05/03/2018 à 21h22 | Publié le 05/03/2018 à 18h11
En parallèle, le régime syrien, appuyé par la Russie et l'Iran, avance dans sa reconquête de l'enclave rebelle aux portes de Damas.
Un premier convoi d'aide humanitaire est entré lundi dans le fief rebelle de la Ghouta orientale, près de Damas, cible depuis vingt jours d'une offensive meurtrière du régime, qui a causé la mort de 720 civils, selon l'Organisation syrienne des droits de l'homme (OSDH).
Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, ce convoi a acheminé des aides médicales et de la nourriture pour 27.500 personnes dans le besoin, habitant Douma, la principale ville de cette région aux mains des insurgés anti-Assad. Affrété par l'ONU, le Croissant-Rouge syrien et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), il a toutefois dû se retirer en début de soirée, neuf heures après le début de sa mission, sans avoir pu livrer toute sa cargaison, alors que la ville restait soumise à d'intenses bombardements. «Il faudrait beaucoup plus qu'un convoi pour satisfaire aux besoins», confiait au Figaroun représentant du CICR.
L'acheminement d'aide humanitaire à 400.000 personnes vivant dans la Ghouta orientale est prévu par la résolution 2401, votée il y a dix jours par le Conseil de sécurité de l'ONU, de même que l'entrée en vigueur d'une trêve de trente jours qui prévoyait l'évacuation des blessés. Mais jusqu'à maintenant, Damas n'avait pas donné son accord à l'acheminement d'une telle aide. Les dernières à être parvenues aux habitants remontent à mi-février. Après plus de deux semaines d'intenses bombardements et plus de quatre ans de siège de la Ghouta, les besoins humanitaires sont immenses. Mais il faudra plusieurs jours pour que de nouveaux convois puissent obtenir les autorisations nécessaires délivrées par Damas, prévient une source humanitaire.
Dimanche, malgré les appels lancés par de nombreux dirigeants internationaux, Bachar el-Assad a annoncé que l'opération militaire allait se poursuivre.
Cette première aide arrive alors que le régime syrien mène une offensive terrestre qui lui a permis de reconquérir un tiers environ des 100 km2 de la Ghouta orientale. Dimanche, malgré les appels lancés par de nombreux dirigeants internationaux, Bachar el-Assad a annoncé que l'opération militaire allait se poursuivre. Damas cherche à couper en deux l'enclave rebelle pour séparer le nord, où se trouve Douma, du secteur sud. À Douma, le groupe rebelle dominant, l'Armée de l'Islam, d'inspiration salafiste proche de l'Arabie saoudite, est partie prenante des négociations parrainées par la Russie à Astana. Ce qui n'est pas le cas dans le sud de la Ghouta, dominée par Faylaq al-Rahman, proche des Frères musulmans et du Qatar.
Ces derniers jours, les forces loyalistes ont progressé rapidement dans des zones agricoles, moins peuplées, de l'est de la Ghouta. Avec la trêve quotidienne de cinq heures, instaurée il y a une semaine par Moscou, les bombardements du régime ont baissé en intensité, mais raids aériens et tirs d'artillerie se poursuivent, selon l'OSDH. Lundi, au moins 44 civils ont encore été tués dans des frappes visant plusieurs secteurs de la Ghouta, notamment la localité de Hamouriya, où dix personnes ont péri dans le largage de barils d'explosifs, selon l'OSDH.
Pour faire cesser cette «catastrophe humanitaire», Emmanuel Macron multiplie les appels téléphoniques. Il a eu trois fois au cours du week-end le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et a appelé dimanche les présidents iranien, Hassan Rohani, et turc, Recep Tayyip Erdogan, avant de s'entretenir lundi avec Vladimir Poutine, pour la seconde fois en une semaine. Des appels restés pour l'instant lettre morte.

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Turquie : des Irakiens projetaient d'attaquer l'ambassade américaine (05.03.2018)

  • Publié le 05/03/2018 à 16:27
Quatre Irakiens ont été arrêtés ce lundi par les forces de sécurité turques. Les suspects seraient tous liés à État islamique.
Quatre hommes ont été arrêtés dans la ville de Samsun sur la mer Noire dans le nord de la Turquie lors d'un coup de filet mené à la suite d'une alerte de sécurité décrétée la veille par l'ambassade américaine, qui est restée fermée ce lundi. Selon les médias, les quatre suspects qui projetaient d'attaquer l'ambassade américaine à Ankara, sont liés au groupe djihadiste État islamique (EI). Des documents numériques trouvés en leur possession ont été saisis.
Risque d'attentat
L'ambassade américaine en Turquie, visée par un attentat suicide en 2013, avait annoncé dimanche qu'elle serait fermée ce lundi au public en raison d'une «alerte de sécurité». Ce même jour, le gouvernorat d'Ankara a publié un communiqué annonçant la mise en place de mesures de sécurité renforcées à la suite de renseignements fournis par les Américains sur un risque d'attentat. À la suite de cette alerte, les autorités turques ont renforcé les mesures de sécurité à Ankara et procédé à un coup de filet contre des militants présumés de EI. Douze personnes ont ainsi été arrêtées dans la capitale et des mandats d'arrêt ont été émis pour huit autres dans le cadre d'une enquête visant l'EI. Selon l'agence étatique Anadolu, les personnes arrêtées sont de «nationalité étrangère», travaillaient au recrutement de combattants pour l'EI et avaient des contacts avec «les zones de combat».
La Turquie a été visée ces dernières années par plusieurs attentats meurtriers, attribués ou revendiqués à la fois par des militants kurdes et l'EI. La Turquie a été pendant des années le principal point de passage vers la Syrie des étrangers, notamment occidentaux, souhaitant rejoindre des groupes djihadistes, dont l'EI. Longtemps accusée de ne pas faire assez pour lutter contre la montée en puissance de l'EI et de fermer les yeux sur ces passages, la Turquie, à la suite des attaques sur son sol, a fermé sa frontière avec la Syrie et a multiplié les arrestations et expulsions de djihadistes étrangers présumés. Le porte-parole du gouvernement Bekir Bozdag a affirmé que plus de 4000 membres de l'EI, dont 1858 étrangers, avaient été arrêtés par les autorités turques depuis 2011.
Par ailleurs, les relations entre Washington et Ankara se sont tendues ces derniers mois, la Turquie reprochant notamment aux États-Unis d'armer la principale milice kurde de Syrie, les Unités de protection du peuple (YPG), contre laquelle Ankara a lancé une offensive dans l'enclave d'Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie. La Turquie considère les YPG comme une entité terroriste. Washington appelle pour sa part Ankara à se focaliser sur la lutte contre l'EI.
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Un père jugé pour avoir enlevé sa fille de 2 ans avant de partir en Syrie (05.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 19:54 

  • Publié le 05/03/2018 à 11:06

Hamza Mandhouj est jugé lundi et mardi à Paris et risque jusqu'à 10 ans de prison. Il avait enlevé sa fille le 14 octobre 2013 et l'avait emmenée avec lui en Syrie, où il avait rejoint le Front al-Nosra.
Son visage était apparu dans de nombreux médias courant 2014. Désespérée, Mériam Rhaiem, 26 ans, racontait aux journalistes que son ex-mari radicalisé s'était enfui en Syrie avec leur fille de 2 ans, Assia. Quatre ans plus tard, Hamza Mandhouj, ce père aujourd'hui âgé de 29 ans, comparaît devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour association de malfaiteurs à visée terroriste, soustraction d'enfant par ascendant et obtention frauduleuse de documents administratifs. Il risque jusqu'à 10 ans de prison.
L'affaire avait fait grand bruit à l'époque, quand Mériam Rhaiem, la mère de la fillette, avait mobilisé la presse et interpellé à de nombreuses reprises les autorités pour que sa fille soit rapatriée en France. Son cauchemar avait commencé le 14 octobre 2013 lorsque son ex-mari Hamza Mandhouj, qui avait la garde de l'enfant ce jour-là, ne lui avait pas ramené la petite Assia. À la place, le jeune homme de 24 ans était parti en Turquie, avec la fillette, à qui il avait fait refaire un passeport, sans prévenir son ex-épouse. Meriam Rhaiem, séparée du père depuis juillet 2012, avait aussitôt tenté de porter plainte pour soustraction de mineur. Mais le divorce n'étant pas prononcé, elle avait dû attendre 5 jours avant que sa plainte soit enregistrée. Ce délai avait laissé le temps à Hamza Mandhouj de quitter le territoire sans encombre.
«Destituée» de son rôle de mère
Depuis la Turquie, ce dernier avait plusieurs fois appelé son ex-femme en lui demandant de les rejoindre, ce qu'elle a toujours refusé de faire. Puis, le 24 décembre 2013, cet homme originaire de l'Ain passe la frontière turco-syrienne en voiture, 48 heures après le lancement d'un mandat d'arrêt international à son encontre. Il rejoint alors les rangs du Front al-Nosra, groupe djihadiste en lutte contre le régime de Bachar el-Assad. Selon son avocate Me Sarah Mauger-Poliak, il y avait rejoint son frère, Mohamed Ali, au sein du groupe d'Omar Diaby, alias Omar Omsen, le tristement célèbre recruteur niçois de djihadistes.
Pendant ce temps, Meriam Rhaiem vit un enfer. Son ex-mari s'amuse à lui rapporter de fausses nouvelles, tantôt en lui disant qu'Assia va bien, tantôt en lui annonçant qu'elle est morte. Elle reçoit aussi des menaces par SMS de la part de djihadistes qui déclarent l'avoir «destitué de son rôle de mère» et n'a plus le droit de parler à sa fille. Hamza Mandhouj «m'a dit qu'il ne voulait pas ramener Assia en France et qu'il préférait qu'elle meure en martyr», avait-elle aussi raconté à la presse, la gorge nouée. Dans un entretien accordé à RFI, Hamza Mandhouj avait déclaré en avril 2014 qu'«Assia n'était pas en otage. Dans la religion, il y a ce qu'on appelle la ‘hijra'. C'est l'obligation pour tout musulman de ne pas vivre dans un pays non musulman. Donc moi, j'ai pris ma fille pour la ‘hijra'».
Accusé d'être un recruteur
Malgré les mises en garde des autorités françaises, Meriam Rhaiem s'était finalement rendue fin août 2014 avec son frère en Turquie, son ex-mari lui ayant donné rendez-vous là-bas. Elle l'avait rencontré dans un hôtel à Hatay, près de la frontière syrienne. À cette occasion, celui-ci avait été interpellé par les autorités turques et la jeune femme avait pu récupérer son enfant, après plus de dix mois de séparation. De retour en France le 3 septembre 2014, toutes deux avaient été accueillies par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, sur la base aérienne de Villacoublay.
Hamza Mandhouj, expulsé par les Turcs fin octobre 2014 et mis en examen en France dans la foulée, a reconnu avoir emmené la fillette en Syrie. «Aujourd'hui, il le regrette», explique au Figaro son avocate Me Sarah Mauger-Poliak. «C'est moi qui suis sorti de Syrie pour remettre ma fille à sa mère», avait-il insisté lors d'une audience de procédure par visioconférence cet hiver. Au cours de l'enquête, il a affirmé ne pas avoir combattu mais avoir été chargé de la distribution des vivres et des vêtements au sein du groupe djihadiste, dont il a aussi été le trésorier. Marié à deux femmes sur place, il sera également jugé pour avoir encouragé plusieurs jeunes filles à venir en Syrie.
Le dossier est en grande partie constituée de centaines d'heures d'écoute et des échanges téléphoniques qui ont eu lieu entre le prévenu et son ex-femme. Son avocate compte mettre en avant «un contexte familial difficile». «En rejoignant son frère, son objectif était de reconstituer une cellule familiale éclatée», explique Me Mauger-Poliak, considérant que son client n'est «ni dangereux, ni un fanatique religieux».
«Assia a gardé en mémoire les bruits d'avion qu'elle a longtemps associés aux bombardements
Me Gabriel Versini-Bullara, avocat de Mériam Rhaiem
Contacté par Le Figaro, l'avocat de Mériam Rhaiem affirme que sa cliente est à la fois «imbibée de sérénité et empreinte d'effroi». «De sérénité parce qu'après ces deux jours d'audience, elle pourra faire le deuil de cette triste affaire qui l'a grandement affectée. Mais d'effroi aussi, parce qu'elle s'interroge sur l'après», commente Me Gabriel Versini-Bullara. «À un moment ou un autre, cet homme va légitimement ressortir de prison. Comment va-t-il réagir par rapport à son enfant et son ex-femme? Sera-t-il dans la vengeance, l'indifférence?»
Mériam Rhaiem est toujours surveillante dans un collège de Lyon. Aujourd'hui âgée de 6 ans, sa fille Assia «est une petite fille de France comme tant d'autres, décrit Me Versini-Bullara. Elle va à l'école, a des amis, se sent bien et est pétillante de vie». De ces 10 mois passés en Turquie et en Syrie, elle n'aurait gardé que peu de souvenirs. «Elle a gardé en mémoire les bruits d'avion qu'elle a longtemps associés aux bombardements», ajoute l'avocat, qui précise que la mère et son enfant sont suivies psychologiquement depuis plusieurs années. «Aujourd'hui, ma cliente n'est pas dans un esprit de vengeance. Elle veut simplement savoir ce qu'il s'est passé là-bas et que justice soit rendue».
Selon les autorités françaises, environ 1700 Français sont partis rejoindre les zones djihadistes irako-syriennes à partir de 2013. Selon des chiffres officiels publiés le 23 février, 680 adultes et plus de 500 enfants se trouvent toujours sur place.
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Bernard de La Villardière : «Une certaine caste médiatique disqualifie toute opinion divergente» (05.03.2018)
  • Par  Bernard de La Villardière 

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 18:24 

  • Publié le 05/03/2018 à 14:50
Bernard de La Villardière : Après la polémique sur le voile, il persiste et signe
Ce week-end, Bernard de La Villardière était l’invité des Terriens du dimanche sur C8. Face à Thierry Ardisson, le présentateur d’Enquête exclusive a maintenu ses propos sur le voile qui avaient fait polémique dans Touche pas à mon poste.
FIGAROVOX/TRIBUNE - Bernard de La Villardière revient sur le «clash» qui l'a opposé sur C8 aux chroniqueurs de l'émission de Cyril Hanouna. Il regrette l'impossibilité d'aborder certaines questions dans un débat médiatique qui tourne à vide. Il venait pourtant parler de femmes qui se battent pour leurs droits au Sud de la Méditerranée.

Bernard de La Villardière est journaliste à M6 et producteur pour sa société audiovisuelle, Ligne de Front. Il a récemment publié L'homme qui marche (éd. Calmann-Lévy, 2016).

“Il y a des arènes dans lesquelles il ne faut pas consentir à combattre” me disait ma grand-mère bouddhiste. Je tente de respecter cette maxime. J'étais bien conscient, avant de m'installer l'autre jour sur le plateau de l'émission de Cyril Hanouna sur C8 «Touche Pas à Mon Poste» (TPMP), que je violais cette consigne. Cette invitation est en fait un traquenard mûrement préparé. Je sais pourtant que, comme le catoblépas, la société médiatique dévore ses propres membres pour satisfaire son goût du spectacle et nourrir le buzz.
Mais je suis ce soir-là en service commandé afin de promouvoir un film sur les forces françaises en Guyane. Produit par ma société, Ligne de Front, il est diffusé juste après TPMP. Je pense donc que je vais être bien traité par le grand Mamamouchi du PAF. Je tombe de haut. En quelques minutes, des chroniqueurs presque unanimes vont offrir un florilège des méthodes de diabolisation et d'instrumentalisation qui permettent à une certaine caste de disqualifier toute opinion différente de la leur. Je déclare que de mon point de vue, le hijab est une régression. On m'accuse de vouloir l'interdire, ce qui n'est pas mon propos. J'évoque la situation des femmes de l'autre côté de la Méditerranée et en Iran. J'évoque les écrivains Boualem Sansal et Salman Rushdie ainsi que les Algériens et les Tunisiens qui nous lancent chaque jour des appels à la vigilance face à la montée du fondamentalisme musulman en Europe. On me soupçonne alors de vouloir faire diversion et on me somme de revenir en France. Les images n'étant jamais tout à fait innocentes, on a bien pris soin de mettre dans le public une jeune fille voilée. Pendant que j'exprime mes réserves sur le hijab, c'est elle que l'on filme. L'affaire est entendue: je suis au mieux un homme dépourvu d'élégance, au pire un salaud.
Pendant ce temps, ailleurs et notamment au sud de la Méditerranée, des hommes et des femmes se battent pour que les sociétés musulmanes progressent vers l'égalité entre les sexes.
Ma naïveté est heureusement contrebalancée par ma petite expérience de la comédie télévisuelle. Face aux attaques, je m'attache à répondre par des faits. Je parle fort pour tenter de couvrir les bruits de la meute et les huées d'un public aux ordres d'un chauffeur de salle. Je ne me laisse pas déstabiliser par la manœuvre consistant à me faire passer pour un macho refusant d'écouter une femme.
Je ne suis évidemment pas le premier à faire les frais de ces shows où la vacuité intellectuelle le dispute au conformisme sous prétexte de compassion et d'ouverture d'esprit. Pendant ce temps, ailleurs et notamment au sud de la Méditerranée, des hommes et des femmes se battent pour que les sociétés musulmanes retrouvent le sens de l'altérité et progressent vers l'égalité entre les sexes.
Je ne regarde jamais le talk-show de Monsieur Hanouna. J'ai ainsi découvert l'autre jour que sa petite bande avait demandé ma tête à la direction de M6 au motif que j'étais atteint d' «islamophobie», cette maladie imaginaire mise au point dans les officines de la propagande islamiste. “M6 doit-elle virer Bernard de La Villardière?” Les porte-flingues de Monsieur Hanouna en avaient doctement devisé il y a quelques semaines. La réponse est évidemment induite dans la question.
J'ai reçu un grand nombre de messages de soutien émanant de mes confrères après mon passage chez TPMP. Les réseaux sociaux ont été largement en ma faveur, déplorant cette tentative de lynchage et cette manière de confisquer le débat. Le buzz a d'ailleurs été si négatif pour l'image de l'émission que C8 a supprimé le replay. J'y vois le signe rassurant que l'opinion publique ne s'en laisse plus compter. Elle découvre que l'islamisme avance par la technique du grignotage, en détournant nos valeurs de tolérance et d'ouverture pour mettre en place sa société idéale ; une société fermée qui installe un apartheid entre les hommes et les femmes, entre l'islam et les autres communautés, qu'elles soient religieuses ou athées.
Faut-il ne laisser au jeune public de TPMP que le choix entre le fondamentalisme et l'empire du vide ?
Les Français - et notamment les Français musulmans - sont de moins en moins dupes de ces manipulations. Celles-ci reçoivent hélas le soutien constant de Monsieur Hanouna et de sa camarilla. Ils adoptent une posture qui les place dans le camp de la bienveillance. Du moins le croient-ils. Si leur sottise teintée de vulgarité ne mérite que des haussements d'épaules, leur ignorance fait assurément des dégâts. Faut-il ne laisser au jeune public de TPMP que le choix entre le fondamentalisme et l'empire du vide? Je ne suis pas de ceux qui ont regretté le Canal Plus des années 1990-2015. L'esprit de dérision et le parti-pris idéologique chassaient tout sens de la nuance, faisant le lit de ce que l'on a appelé le “politiquement correct”. Mais doit-on se satisfaire des risques d'une autre hégémonie? Celle de la bêtise triomphante et de l'esprit de soumission?
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En vingt ans, un million de migrants sont arrivés sur les côtes d'Italie (05.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 18:41 

  • Publié le 05/03/2018 à 18:28
INFOGRAPHIES - L'immigration a été au cœur des élections législatives en Italie qui se sont tenues ce dimanche. À cette occasion, Le Figaro revient en graphiques sur les chiffres des flux migratoires dans la péninsule. Sur le million de migrants qui ont traversé la Méditerranée depuis 1997, les trois quarts l'ont fait depuis 2010.
L'immigration a été l'un des sujets les plus discutés des élections législatives italiennes de dimanche. Deux partis qui souhaitaient réduire les flux migratoires ont obtenu des scores importants, le Mouvement 5 étoiles, qualifié de populiste, et la Ligue (ancienne Ligue du Nord), parti d'extrême droite appartenant à la coalition menée par Silvio Berlusconi, dont le parti Forza Italia est arrivé derrière.
La question de l'immigration est depuis plusieurs années au cœur de la vie politique italienne, surtout depuis l'augmentation du nombre de migrants qui accostent sur les côtes italiennes dans des embarcations de fortune. Ces derniers sont nommés migrants «sbarcati» (qui débarquent par bateau) en italien, pour les distinguer de l'immigration traditionnelle. Ces flux migratoires venus notamment d'Afrique subsaharienne sont importants depuis les Printemps arabes, la Libye devenant après la chute de Kadhafi en 2011 le lieu de passage privilégié par les réseaux de passeurs. En graphiques, revenons sur les chiffres de l'immigration en Italie, au cœur des débats lors de ces élections.
● Depuis le début du siècle, la proportion d'étrangers a fortement progressé en Italie
Avec l'élargissement progressif des frontières de l'Union européenne au cours des années 1990 puis 2000, l'immigration légale a fortement progressé en Italie, notamment depuis la Roumanie, qui représente la première communauté étrangère (1,1 million) représentée dans la péninsule. Il y avait fin 2016 un peu plus de 5 millions d'étrangers vivant en Italie, soit 8,29% de la population (contre 8,9% en France). Ce chiffre est en forte progression depuis le début du siècle: ils n'étaient qu'un 1,3 million en 2002, selon le ministère italien de l'Intérieur.
Parmi les pays d'origine les plus représentés, figurent, derrière la Roumanie, le Maroc, l'Albanie et la Chine. L'immigration venue d'Europe de l'Est et d'Asie a tendance à augmenter tandis que celle du Maghreb diminue.
Cette immigration concerne aussi bien les personnes obtenant un titre de séjour que les enfants étrangers naissant en Italie. Contrairement à la France, le droit du sol n'y est pas reconnu. En 2017, un projet de loi allant dans ce sens, porté par le centre gauche au pouvoir, a été reporté sur fond de contexte politique tendu sur la question migratoire. Ces chiffres ne concernent en revanche ni l'immigration illégale, ni, logiquement, les étrangers qui obtiennent la nationalité italienne. Ces derniers ont vu leur nombre croître considérablement à la même période. 12.260 ont été naturalisés en 2002, contre plus de 200.000 en 2016, soit un peu plus d'un million de personnes sur l'ensemble de cette période.
● L'immigration depuis la mer, une question polémique en Italie
L'immigration illégale est par nature difficilement quantifiable. En mai 2008, le Boston Globe estimait à 670.000 le nombre d'immigrés illégaux en Italie. Or, depuis cette date, les flux migratoires qui empruntent la Méditerranée ont fortement augmenté, la Libye devenant le lieu de transit privilégié pour les réseaux de passeurs. De la fin des années 1990 à 2010, les flux de «migranti scarbati» étaient relativement stables, entre 20 et 30 mille chaque année. À partir de 2011, ils vont considérablement augmenter pour atteindre181.436 en 2016, chiffre le plus élevé jamais enregistré.
Ces flux migratoires illégaux sont aussi la cause d'un drame humanitaire sans précédent: 5143 migrants ont perdu la vie en Méditerranée en 2016 en tentant de rejoindre l'Europe. À l'été 2017, le gouvernement italien a donc décidé un nouveau plan de lutte contre l'immigration illégale, soutenant les garde-côtes libyens pour lutter contre les réseaux de passeurs. Les flux ont fortement baissé en 2017 (119.310) de même que le nombre de morts (3116) sans revenir néanmoins au niveau d'avant 2011. Au total, en vingt ans, plus d'un million de migrants ont accosté sur les côtes italiennes, dont 750.000 depuis 2010.
Beaucoup d'entre eux ne souhaitent pas rester en Italie, mais rejoindre d'autres pays de l'Union européenne, comme l'Allemagne, la France ou le Royaume-Uni. C'est ainsi que le gouvernement français a dès juin 2015 rétabli officiellement des contrôles aux frontières, notamment à Vintimille, près de Nice, où les flux migratoires ne se tarissent pas. En avril 2017, 2880 centre d'accueil, répartis majoritairement en Sicile et en Lombardie, accueillaient 176.460 migrants.
C'est dans ce contexte migratoire que se sont tenu les élections italiennes ce dimanche. Si le Mouvement 5 étoiles souhaite réduire l'immigration, son jeune dirigeant, Luigi Di Maio, a adopté une stratégie de «normalisation» et a donc évité toute polémique sur le sujet. En revanche, à droite, Forza Italia de Silvio Berlusconi et plus encore la Ligue de Matteo Salvini ont choisi de mettre en avant ce thème. Le leader de l'ancienne Ligue du Nord a ainsi promis d'expulser 100.000 migrants par an au cours de ses cinq années de mandat s'il devait accèder au pouvoir.
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Italie : extrême droite et populistes, majoritaires, se disputent le pouvoir (04.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 20:26 

  • Publié le 04/03/2018 à 18:06
Élections en Italie: la droite et l'extrême droite en tête
La coalition de droite et d'extrême droite arrive en tête des législatives en Italie, dimanche 4 mars, mais l'incertitude reste entière sur qui gouvernera la troisième économie de la zone euro.
VIDÉO - Plus de 46 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour les élections législatives du 4 mars. Si la coalition de droite formée autour de Forza Italia de Silvio Berlusconi et de la Ligue du Nord de Matteo Salvini est donnée en tête, celle-ci est loin d'être certaine de pouvoir gouverner.
Le Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste) et la Ligue (extrême droite), désormais majoritaires après les législatives de dimanche en Italie, ont chacun revendiqué le pouvoir lundi, tout en excluant une alliance «eurosceptique» entre eux. Aucun des trois blocs n'ayant obtenu une majorité absolue au Parlement, ce choc électoral pour l'Italie comme pour l'Europe ouvre une phase d'incertitude politique qui pourrait durer des mois dans la troisième économie de la zone euro.
Avec un vote marqué à la fois par le rejet des partis traditionnels, l'exaspération face au marasme économique et les tensions autour des migrants et de l'Union européenne, l'Italie s'inscrit dans la lignée du Brexit, de la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis et de la poussée de l'extrême droite ailleurs en Europe. «Pour la première fois en Europe, les forces antisystème l'emportent», a résumé l'éditorialiste du quotidien La Stampa. La coalition de droite est arrivée en tête avec 37% des voix, selon des résultats portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote. Mais en son sein, c'est la Ligue, formation eurosceptique et anti-immigration de Matteo Salvini, proche du Front national (FN) français, qui a largement devancé le parti de Silvio Berlusconi (17,4% contre 14%) et revendique désormais la direction du gouvernement.
«Droit et devoir de gouverner»
«L'engagement a été pris au sein de la coalition: qui l'emporte peut gouverner», a lancé Matteo Salvini, avant de se rendre dans l'après-midi chez le magnat des médias de 81 ans. La coalition «est le vainqueur politique de ces élections. Après cinq ans, elle représente la première force politique du pays» et doit pouvoir appliquer son programme, des baisses d'impôts à la lutte contre l'immigration, a ensuite fait valoir Silvio Berlusconi dans un communiqué. Mais le milliardaire ne s'est pas explicitement rangé derrière Matteo Salvini, appelant seulement à «renforcer la coalition qui devra obtenir le mandat de gouverner l'Italie».
Cette perspective est cependant mise à mal par la percée historique du Mouvement 5 Etoiles (M5S), qui devient le premier parti du pays avec un score de 32,6%, après une campagne dirigée contre la corruption et la «caste» politique italienne. «Nous avons la responsabilité de donner un gouvernement» à l'Italie, a assuré à la presse son chef de file, Luigi Di Maio, 31 ans. «Nous sommes une force politique qui représente toute la nation, du Val d'Aoste à la Sicile».
Alors que le M5S a toujours refusé toute alliance, il s'est dit prêt «à discuter avec toutes les forces politiques» sur les thèmes de son programme: pauvreté et gaspillage, immigration et sécurité, emploi et développement. Matteo Salvini a lui aussi assuré qu'il parlerait «avec tout le monde» mais exclu toute «majorité étrange» avec le M5S. À l'étranger, Marine Le Pen, présidente du FN, a adressé ses «chaleureuses félicitations» à Matteo Salvini, tandis que le porte-drapeau du Brexit Nigel Farage a félicité ses «collègues» du M5S. Le président français Emmanuel Macron a pour sa part expliqué ce résultat par la «forte pression migratoire» pesant sur l'Italie, qui s'est sentie seule face aux près de 700.000 migrants débarqués depuis 2013. La chancelière allemande Angela Merkel, elle-même fragilisée en partie par cette pression, a appelé à la formation rapide d'une équipe dirigeante «pour le bien de l'Italie mais aussi de notre Europe commune».
Matteo Renzi renonce
À Bruxelles, la Commission européenne s'est dite «confiante» dans la possibilité de former un gouvernement stable. Mais la possibilité d'une éventuelle grande coalition à l'Allemande, sur laquelle misaient les responsables européens, s'éloigne avec la déroute du Parti démocrate (PD, centre gauche) de Matteo Renzi, qui recueille juste 18,7% des voix, très loin des 40% obtenus aux élections européennes de 2014. C'est d'ailleurs l'ensemble de la gauche qui boit la tasse: les frondeurs de Liberi e uguali (libres et égaux) sont à peine au-dessus de 3%.
Lundi soir, Matteo Renzi a annoncé qu'il quittait la direction du PD après cette défaite «claire et évidente» et a convoqué un congrès dans les prochaines semaines pour élire une nouvelle direction. Il a promis que le PD ne s'allierait avec «aucune forme d'extrémisme» et ne serait pas «la béquille d'un gouvernement antisystème». Lui-même préfère être dans l'opposition et promet de se contenter de son nouveau rôle de sénateur de Florence.
À la Bourse de Milan, les marchés financiers ont gardé une relative sérénité et clôturé sur un léger recul de 0,4%, même si les valeurs bancaires et Mediaset, l'empire médiatique de Silvio Berlusconi, ont passé une mauvaise journée. Il appartiendra désormais au président italien, Sergio Mattarella, de démêler l'écheveau dans les prochaines semaines. Ses consultations politiques officielles ne s'ouvriront cependant qu'après l'élection des présidents des deux chambres, en principe le 23 mars.
Élections italiennes : le vote de Silvio Berlusconi interrompu par une Femen
L'ancien Premier ministre et président du mouvement populiste "Forza italia" venait voter dimanche matin à Milan. Mais avant de déposer son bulletin dans l'urne, une Femen a fait irruption seins nus en criant "Berlusconi, vous êtes périmé."

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Le scrutin italien, nouvelle manifestation du séisme populiste qui secoue l'Europe (05.03.2018)

Par Laure Mandeville
Mis à jour le 05/03/2018 à 18h50 | Publié le 05/03/2018 à 18h27
DÉCRYPTAGE - Après le Brexit, les incertitudes allemandes et le coup de massue des élections autrichiennes et italiennes, la situation devient corsée pour les ambitieux projets européens d'Emmanuel Macron.
L'Europe est en révolution politique. Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. À travers le continent, souffle un vent de révolte populaire puissant et persistant, qui, depuis le tremblement de terre du Brexit, s'emploie à chaque nouveau scrutin, à mettre les partis de gouvernement traditionnels en déroute. La victoire éclatante du mouvement antisystème 5 étoiles, formation surgie il y a une dizaine d'années qui, avec 31 % des suffrages, vient de s'imposer en Italie comme la première force politique du pays, est la nouvelle traduction de cet avis de gros temps. Ce résultat, couplé avec la percée spectaculaire de la Ligue lombarde de Matteo Salvini, qui arrache 18 % des suffrages, devançant son supposé allié Forza Italia de 4 points, résume la révolution copernicienne en cours: désormais en Europe, ce sont les formations eurosceptiques, nationalistes et anti-immigration qui ont la faveur d'un électorat pris de panique identitaire.
Silvio Berlusconi, qui croyait pouvoir revenir sur le devant de la scène en surfant sur la déroute du parti démocrate de Matteo Renzi, se retrouve humilié et réduit à jouer les partenaires juniors d'une éventuelle coalition de la droite et de l'extrême droite. Lui aussi incarne le passé, dans un contexte de bouleversement tectonique qui donne la part belle aux partis antisystèmes. Le moteur du changement n'a plus rien à voir avec lui, et tout avec le thème du rejet du multiculturalisme et du «diktat» de Bruxelles, devenus le nouveau repoussoir.
La même mécanique partout en Europe
De ce point de vue, la continuité est évidente avec les humeurs que l'on retrouve partout en Europe, de la Grande-Bretagne aux Pays-Bas, en passant par les pays d'Europe centrale, comme la Hongrie de Victor Orban, la Pologne du parti Droit et Justice, la Tchéquie de Milos Zeman et bien sûr l'Autriche de Sebastian Kurz.
«La grande migration de 2015 a été le 11 Septembre de l'Europe», commentait récemment dans les colonnes du Figaro le politologue Ivan Krastev. Cet intellectuel bulgare, grand connaisseur de la culture centre-européenne, croyait sur ce point déceler un hiatus entre une Europe centrale prise de panique démographique, et hostile au modèle multiculturel ouest-européen, et une Europe occidentale plus ouverte sur l'étranger. Mais, si l'on fait abstraction des divergences entre élites de l'Est et de l'Ouest, la question migratoire et identitaire semble en réalité de moins en moins diviser les deux parties de l'Europe.
Un coup de massue
En France, pays où Emmanuel Macron a triomphé, et qui est du coup présenté comme le contrepoint de la vague populiste, Marine Le Pen a tout de même réuni 33 % des suffrages au printemps dernier, et une majorité de Français soutiennent aujourd'hui les projets présidentiels macroniens de durcissement du contrôle de l'immigration. Même en Allemagne, longtemps vue comme «l'exception» par excellence, en raison d'un passé nazi qui y avait disqualifié tout débat sur l'identité nationale, les forces populistes d'extrême droite de l'AfD pointent le nez, tandis que les partis traditionnels sont entrés dans une crise durable et profonde, qui projette une ombre inquiétante sur le dernier mandat d'Angela Merkel, que sa politique migratoire généreuse jusqu'à l'inconscience, a discréditée.
«Je prends note que dans le monde où nous vivons, on peut défendre de belles idées mais on ne peut pas les défendre en faisant abstraction de la brutalité du contexte»
Emmanuel Macron
Entre les incertitudes allemandes et le coup de massue des élections italiennes, le moins que l'on puisse dire est que la situation devient corsée pour les ambitieux projets européens qu'Emmanuel Macron avait ébauchés dans les premiers mois de sa présidence. Isolé sur sa vision partiellement supranationale de l'Europe, malgré les promesses de Merkel de reprendre l'initiative avec lui, il va devoir nuancer son discours.
Depuis quelques semaines, les représentants des pays d'Europe centrale disent ressentir d'ailleurs chez lui le désir de rechercher un compromis réaliste avec le camp d'une «Europe forte des nations fortes», mené par le jeune chancelier Sebastian Kurz. «Je prends note que dans le monde où nous vivons, on peut défendre de belles idées mais on ne peut pas les défendre en faisant abstraction de la brutalité du contexte. L'Italie a indéniablement souffert dans le contexte d'une très forte pression migratoire», a d'ailleurs réagi lundi le président français, qui appelle à défendre «une Europe qui protège». Dans sa bouche et en cet instant politique et géopolitique, le thème de la protection est loin d'être anodin.

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Dominique Reynié : «Le rapport désinvolte à la frontière est la faute historique des responsables européens» (05.03.2018)

Par Vincent Tremolet de Villers
Publié le 05/03/2018 à 19h33
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le directeur de la Fondapol* analyse les résultats du scrutin italien de dimanche. Il y voit l'extension de ce qu'il appelle le «populisme patrimonial», c'est-à-dire l'exploitation politique de la crainte de perdre son patrimoine matériel et immatériel. La seule façon pour l'Union européenne de répondre efficacement à cette demande de protection passe par la réaffirmation de frontières communes.
LE FIGARO. - Si les élections italiennes ne dégagent pas pour le moment de majorité de gouvernement, elles sont le révélateur d'un phénomène qui touche toute l'Europe. Comment expliquer cette percée populiste?
Dominique REYNIÉ. - Nous ne pouvons plus nous étonner d'un tel scrutin. À son tour, l'Italie rejoint le grand mouvement de protestation électorale qui ne cesse de prospérer depuis maintenant de nombreuses années. Les Européens n'acceptent plus ce régime de globalisation absolue auquel ils sont soumis, à la fois sur le plan économique, par l'intensification de la concurrence, et sur le plan culturel, par les effets de l'immigration. J'ai qualifié de «crise patrimoniale» cette crainte désormais répandue de perdre à la fois son patrimoine matériel, ou son niveau de vie, et son patrimoine immatériel, ou son style de vie (Populismes: la pente fatale, Plon, 2011, et Les Nouveaux Populismes, Fayard/Pluriel, 2013). Des entrepreneurs politiques ont su prendre en charge ces inquiétudes auxquelles les partis jusqu'ici dominants n'ont apporté aucune réponse, refusant en particulier l'importance symbolique, affective et psychologique du patrimoine immatériel. D'abord exprimé dans quelques pays, les Pays-Bas, la France ou la Suède, le populisme patrimonial s'étend désormais à l'Europe entière. Aucune réponse, sinon une obstination publique ou bien à ignorer cette protestation ou bien à la discréditer. Un trop grand nombre de responsables politiques ou médiatiques ou d'universitaires ont tenté d'opposer un barrage à cette réalité, peut-être pour éviter des révisions que l'on pressent déchirantes.
Ivan Krastev dit que la crise des migrants de 2015 a été «le 11 Septembre de l'Europe». Diriez-vous que l'immigration est la première cause de la percée de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles?
«Le succès de la Ligue est d'abord le résultat d'une réorientation stratégique pensée et voulue par son leader, Matteo Salvini»
Le succès de la Ligue est d'abord le résultat d'une réorientation stratégique pensée et voulue par son leader, Matteo Salvini, troquant le régionalisme anti-italien du fondateur Umberto Bossi pour un discours nationalisé, nationaliste et antieuropéen, à l'image du Front national. Cette conversion a permis à la Ligue, qui n'est plus la Ligue du Nord, de tirer profit de la crise migratoire de 2015. Les causes du succès du M5S semblent différentes, plus déterminées par le niveau du chômage, notamment chez les jeunes. Comme souvent, Ivan Krastev a raison de souligner l'importance de la crise migratoire de 2015. Elle a bien constitué un tremblement de terre pour les démocraties européennes. En revanche, elle prend sa place dans une série qui commence avec, de fait, le 11 septembre 2001. Je date pour ma part de cet événement les premières manifestations de ce que j'appelle le «populisme patrimonial», dont les Pays-Bas sont les premiers à faire l'expérience, avec Pim Fortuyn. Dans ce nouveau discours, l'hostilité à l'islam prend le pas sur l'hostilité à l'étranger et les valeurs libérales sont intégrées au patrimoine à défendre.
Y a-t-il une recherche, notamment de la part des jeunes Européens, d'un leadership autoritaire?
Une demande d'autorité est enregistrée chez une partie significative des Européens. L'étude menée en 2017 dans 26 pays par la Fondation pour l'innovation politique (Où va la démocratie?, Plon) montre que l'option d'un régime autoritaire suscite une forte adhésion dans l'ensemble de l'Union européenne (34 %), beaucoup plus marquée dans les pays de l'Europe centrale et orientale (46 %) que dans ceux de l'ancienne Europe de l'Ouest (26 %), parmi lesquels cependant l'Italie se distingue par un niveau très élevé (41 %). Les nouvelles générations ne sont pas insensibles au thème du pouvoir fort. Les données montrent une distance croissante avec les principes et les institutions démocratiques que l'on peut lire comme une critique du fonctionnement actuel, qui serait jugé insuffisamment démocratique. Mais on peut différemment y voir l'expression d'un désenchantement à l'égard de ce régime.
Que peut faire l'Union européenne, prise en étau entre les populismes de l'Est et de l'Ouest?
«Pour accueillir, il faut pouvoir ne pas accueillir. Affirmer et défendre ses frontières est devenue l'ardente nécessité des Européens»
Pour répondre, il faut savoir interpréter la disponibilité pour un mode plus autoritaire de gouvernement. S'agit-il d'une demande d'autoritarisme ou s'agit-il d'une demande d'efficacité de la puissance publique jugée trop souvent incapable de protéger les peuples dont elle a la charge? Les entrepreneurs en populisme se sont précipités pour offrir leurs services, promettant une internationale du Brexit, le retour à une souveraineté nationale supposée pleine et entière. Pourtant, jusqu'à présent, les Européens n'ont pas clairement exprimé le désir de quitter l'Union, à l'exception des Britanniques, et le spectacle qu'ils offrent ne milite pas en faveur d'une imitation, encore moins au sein de la zone euro. C'est un point clé: dans l'étude citée de la Fondation pour l'innovation politique, nous montrons que l'attachement à l'euro est sensiblement plus fort que l'attachement à l'Europe! Le modèle de l'Union voulu par les Européens est contenu dans ce résultat faussement paradoxal: les Européens attendent une Europe capable de protéger. Telle est la contrepartie que les peuples exigent d'un pouvoir européen reposant sur le consentement des gouvernés: protéger les peuples d'Europe, aider les États européens à protéger leur peuple, redimensionner leur puissance, pour faire face aux grandes entités qui dominent le monde nouveau - résister aux marchés financiers, lutter contre le terrorisme, répondre, faire front, face aux États-Unis, à la Chine, à la Russie, mais aussi face à Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft ou Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi et encore Netflix, Airbnb, Tesla et Uber…
Mais la démonstration de puissance publique passe avant tout par la reconnaissance, l'affirmation et la défense des frontières communes. Le rapport désinvolte à la frontière est la faute historique des responsables européens. Elle provoque une sécession politique: «On ne peut pas ouvrir les frontières sans fermer les frontières», écrivent Ulrich Beck et Edgar Grande (Pour un empire européen, Flammarion, 2007, p. 367). Pour accueillir, il faut pouvoir ne pas accueillir. Affirmer et défendre ses frontières est devenue l'ardente nécessité des Européens.
La social-démocratie est-elle condamnée?
«La social-démocratie est arrivée au terme de son histoire. Ce mode de gouvernement reposait sur une pluralité de paramètres qui ne sont plus. Les politiques de redistribution sont à bout de souffle»
La social-démocratie est arrivée au terme de son histoire. Ce mode de gouvernement reposait sur une pluralité de paramètres qui ne sont plus. Les politiques de redistribution sont à bout de souffle, en raison de leur ampleur comme des immenses conséquences du vieillissement démographique. Il n'y a plus de droits sociaux significatifs à inscrire dans un programme à vocation majoritaire ; le passage de sociétés relativement homogènes à des sociétés multiculturelles érode le soutien aux politiques sociales: désormais, la popularité du «chauvinisme social» défie la légitimité de l'État providence. La social-démocratie européenne a perdu ses conditions de possibilité et ce n'est pas une bonne nouvelle pour les démocraties. Les partis protestataires sont en train de s'imposer comme l'unique alternative, face à des coalitions droite-gauche qui, pour être de bon sens, n'en sont pas moins nécessairement l'ultime étape de l'alternance avant le passage à la rupture.
* Professeur des universités à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l'innovation politique.

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Renaud Girard : «Néfaste reprise de la course aux armements» (05.03.2018)

Par Renaud Girard
Mis à jour le 05/03/2018 à 19h51 | Publié le 05/03/2018 à 19h08
CHRONIQUE - Poutine a espéré un moment qu'un dialogue d'égal à égal avec les États-Unis allait être possible avec Trump ; puis il a dû déchanter en raison de la position du Congrès, démocrates et républicains confondus.
Sommes-nous en train de revenir à la sombre époque du docteur Folamour? Les Américains et les Russes cherchent-ils à se rejouer leur bras de fer nucléaire des années de Guerre froide, qui culmina lors de la si dangereuse crise des missiles de Cuba de 1962?
Nous avions déjà eu une petite alerte avec la publication, par le Pentagone, le 2 février 2018, de sa nouvelle «posture» nucléaire. Les Américains cherchent à diversifier la gamme de leur arsenal nucléaire. Ils veulent promouvoir leurs armes nucléaires de faible puissance, quitte à réduire pour cela le nombre de leurs têtes stratégiques à forte puissance - le tout dans le respect du traité New START de 2010, qui limite à 1550 le nombre total autorisé de têtes nucléaires en Amérique comme en Russie. Cette démarche, qui revient à envisager une guerre nucléaire localisée qui ne soit pas une apocalypse finale, avait fait pousser des cris d'orfraie aux stratèges russes et chinois. Ils avaient fustigé le «bellicisme» de Washington. Les Américains avaient récusé cette accusation, soulignant que l'amélioration de la qualité de leur «riposte graduée» n'avait qu'un seul but: une meilleure protection défensive de leurs alliés européens et asiatiques.
Et maintenant vient d'arriver de Moscou la plus grosse alerte d'une possible reprise d'une course aux armements nucléaires - qu'on avait, apparemment trop tôt, reléguée aux poubelles de l'Histoire. Près de la moitié du discours solennel devant la Douma de Vladimir Poutine du 1er mars 2018 fut en effet consacrée aux questions de défense, afin de vanter les succès du complexe militaro-industriel russe. Vidéos à l'appui, le président a notamment présenté un nouveau type de missile de croisière à tête nucléaire, qu'il a décrit comme «quasiment impossible à détecter» et «invincible face à tous les systèmes existants et futurs de défense antiaérienne». Il a présenté trois autres types d'armes, dont toutes les cibles potentielles étaient… américaines.
Ce discours militariste de Poutine s'inscrit-il dans le contexte des prochaines élections présidentielles du 18 mars 2018, où il est candidat à un nouveau mandat de six ans ?
Ce discours militariste de Poutine s'inscrit-il dans le contexte des prochaines élections présidentielles du 18 mars 2018, où il est candidat à un nouveau mandat de six ans? Faute d'avoir réussi sur le plan économique, s'agit-il pour lui de se présenter aux électeurs en défenseur de la Sainte Russie face aux menaces venant de l'étranger?
Mais y a-t-il vraiment quelque part un Hitler américain concoctant secrètement un plan d'invasion de la Russie? L'OTAN, organisation militaire englobant des pays européens sous-armés et qui s'est montrée incapable de vaincre les talibans en Afghanistan, constitue-t-elle réellement une menace pour Moscou? Le danger réel à long terme ne provient-il pas plutôt des Chinois, pour qui la Sibérie, si peu peuplée, demeurera toujours une proie tentante?
«Malgré toutes les difficultés économiques et financières que nous avons rencontrées, la Russie est restée une grande nation nucléaire. Il y a vingt ans, personne ne nous prenait plus au sérieux. Personne ne nous écoutait. Eh bien, écoutez-nous maintenant!», a conclu le président de Russie devant ses parlementaires. C'est le passage le plus important du discours, car il témoigne d'une immense frustration de la Russie. Celle de ne pas pouvoir reprendre un dialogue d'égal à égal avec l'Amérique, comme du temps de l'URSS. Poutine a espéré un moment que cela allait être possible avec Trump ; puis il a dû déchanter en raison de la position du Congrès, démocrates et républicains confondus.
Paranoïa russe
Il existe une paranoïa russe - mélange de complexe obsidional et de complexe d'infériorité - que les parlementaires et les diplomates occidentaux n'ont jamais su prendre en compte. Les Occidentaux répondront que c'est Poutine qui a détruit le dialogue avec eux, par son annexion de la Crimée et son ingérence dans le Donbass ukrainien en 2014. Il répliquera - non sans argument historique en sa faveur - que Sébastopol est le port naturel de la flotte russe en mer Noire…
Entre l'Est et l'Ouest, nous sommes revenus à un dialogue de sourds, qui se traduit par cette néfaste exhibition de leurs moyens nucléaires par les uns et les autres. Dans cette affaire, aussi coûteuse que dangereuse, les torts sont partagés.
La paranoïa de la Russie n'est pas justifiée: il n'y a aucun plan occidental visant à l'assiéger. La désinvolture américaine est également coupable. En décembre 2001, alors que la Russie leur avait ouvert tous ses réseaux pour faciliter la guerre qu'ils commençaient en Afghanistan, les néoconservateurs dénoncèrent le traité ABM de 1972, chef-d'œuvre du réalisme kissingerien, qui interdisait les dispositifs antimissiles (dangereux car rompant l'équilibre de la terreur).
La planète n'a nul besoin de davantage d'armes nucléaires. Mais elle a un besoin criant de davantage de diplomatie.

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Consentement sexuel: l'âge de 15 ans retenu par le gouvernement (02.03.2018)

  • Mis à jour le 05/03/2018 à 19:05 

  • Publié le 02/03/2018 à 18:36
Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, présentera fin mars son projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes.
Une préadolescente de 11 ans peut-elle consentir à une relation sexuelle? C'est l'affaire qui avait relancé fin septembre le débat sur l'âge de consentement sexuel en France. Depuis, Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes, avait annoncé sa volonté d'établir une limite d'âge de 15 ans comme seuil de non-consentement à une relation sexuelle. C'est cet âge que le gouvernement a décidé de retenir pour figurer dans le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes, a annoncé Marlène Schiappa ce lundi. le texte sera présenté dans les prochaines semaines en conseil des ministres.
En novembre, le président de la République Emmanuel Macron s'était déjà exprimé dans ce sens, affirmant qu'il était, à titre personnel, pour un âge minimum de consentement fixé à 15 ans «par soucis de cohérence et de protection de mineurs». La ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn, interrogée en marge d'une journée consacrée aux violences faites aux enfants, avait déclaré à son tour qu'un seuil de 15 ans semblait «aujourd'hui consensuel». Elle avait également affirmé que le fait de fixer un âge légal permettrait «une prise de conscience collective et, à tout un chacun, de voir ce qui est légal ou illégal» et qui sera «le plus protecteur pour les enfants».
Un âge minimum de consentement qui fait débat
Ce seuil fixé à 15 ans ne fait toutefois pas l'unanimité. La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, s'était prononcée pour un seuil de 13 ans. Le procureur de la République de Paris, François Molins s'étair exprimé en ce sens dans un entretien au Parisien: «En matière de viol d'un majeur sur un mineur, ce seuil pourrait être fixé à 13 ans.» Et d'ajouter qu' «il y aurait ainsi une cohérence avec l'ordonnance de 1945 sur la protection des mineurs: 13 ans, c'est l'âge à partir duquel on est accessible à des sanctions pénales. Ce serait le seuil du discernement, en quelque sorte.»
Un rapport de l'Assemblée nationale récemment publié a, pour sa part, proposé une «solution graduée» avec deux seuils: 13 et 15 ans. Dans ce cas de figure, toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 13 ans serait qualifiée de non-consentie. Mais il s'agirait là d'une présomption simple, qui pourrait donner la possibilité à l'auteur des faits de démontrer qu'il n'y a pas eu contrainte, et donc présentant la personne mineure comme consentante.
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Éric Zemmour : «Mai 68, la grande désintégration» (02.03.2018)
Par Eric Zemmour
Publié le 02/03/2018 à 08h00
ANALYSE - Famille, autorité, héritage, nation : au-delà de son aspect festif, le mouvement de Mai 68 précipita, par la remise en cause des valeurs traditionnelles, la grande désagrégation des sociétés occidentales.
Maintenant on sait. On sait que Mai 68 n'était qu'une ruse de l'histoire. On sait que le marxisme emphatique des jeunes révolutionnaires n'était qu'une manière détournée de faire le jeu du marché. On a lu Régis Debray, dès 1978, et Luc Ferry, au milieu des années 1980. Avant eux, l'Américain Christopher Lasch, et tous les autres depuis. On sait que la «crise de civilisation» diagnostiquée alors par Georges Pompidou était surtout une mutation du capitalisme, qui passait d'un système fondé sur la production, l'industrie et l'épargne, à une économie basée sur la consommation, les services et la dette.
On sait que même la «grève générale», rêve séculaire de tous les syndicalistes, a été noyée sous les augmentations de salaires - bientôt dévorées par la dévaluation du franc et l'inflation - et le retour de l'essence dans les stations-service pour les départs du week-end de la Pentecôte.

«Jouissons sans entraves», l'un des slogans phare de Mai 68 s'est transformé en pulsion de consommation. - Crédits photo : GERARD AIME/RAPHO
On sait que le talent du slogan travaillé dans les ateliers de la Sorbonne s'est reconverti dans les agences de publicité. On sait que la libido des étudiants de Nanterre qui voulaient aller dans le dortoir des filles s'est transmuée en pulsion de consommation. On sait que leur universalisme utopique a fait le lit du marché mondial des capitaux et des marchandises.
On sait que leur antiracisme généreux a forgé dans l'ouest de l'Europe des sociétés multiculturelles où chacun suit sa coutume, ses racines, sa loi religieuse. On sait que l'austérité virile des militants maoïstes a été subvertie et vaincue par le féminisme hédoniste du MLF et des mouvements «gays».
Mai 68, ce fut farces et attrapes
On sait que Mai 68 a commencé avant mai 1968. A Vatican II, avec la chute de la pratique du catholicisme. Ou en cette même année 1965, avec la fin du baby-boom démographique. Ou en 1967, avec la légalisation de la pilule. Ou avec les émeutes raciales de Los Angeles ou les manifestations contre la guerre du Vietnam, ou l'émergence du «politically correct», la défense véhémente des minorités.
On sait que Mai 68 n'a pas été seulement français, mais occidental (Italie, Allemagne, Etats-Unis), et même européen (Prague) et même mondial (Mexique). On sait que Mai 68 a été cependant la voie française pour fermer le ban de l'histoire révolutionnaire du pays en faisant une ultime révolution pour rire. Une dernière révolution mais sans mort ou presque. Une révolution faite au nom du peuple par les fils de la bourgeoisie. Comme 1789 et 1848. Et, comme d'habitude, disait déjà Marx à propos de 1848, l'histoire se répète, la première fois en tragédie, et la seconde en farce.
Mai 68, ce fut farces et attrapes.
La destruction de la famille
Le général de Gaulle avait joué le rôle de Richelieu et celui de Louis XIV ; les rebelles de la Sorbonne jouèrent donc aux enragés de 1793. La cible était idéale. De Gaulle, c'était tout à la fois le dernier père avant les papas poussettes, le dernier chef avant les managers, la dernière incarnation de la nation avant la dissolution de la nation, le dernier homme avant les adolescents féminisés.
La cible était parfaite et peu importe qu'elle ait elle-même préparé le terrain, par de nombreuses mesures «émancipatrices», à ceux qui allaient le renverser. Sa mort, en 1970, était concomitante de la loi qui mettait un terme à la puissance paternelle dans la famille.

- Crédits photo : GERARD AIME/RAPHO
Balzac avait dit que la mort du roi sur la guillotine avait été la mort de tous les pères. L'histoire repassait les plats avec la mort de De Gaulle. Les pères n'étaient plus que des papas, et les papas, que des secondes mères. La famille patriarcale passait sous le règne du matriarcat, dont les hommes s'échappaient, par le corps (explosion du nombre des divorces ou des familles monoparentales) ou par l'esprit. L'égalitarisme révolutionnaire passait partout, entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les parents et les enfants, même entre les différentes sexualités. Il était interdit d'interdire. Tous égaux, tous sujets, tous dotés de droits.
On n'était plus une famille, avec un père, une mère et des enfants, mais «on faisait famille» avec des individus égaux en droits, aux sexualités diverses. La famille n'est plus le lieu de la transmission, d'un héritage culturel et matériel, mais le lieu de l'épanouissement des individus. C'est là où les nécessités du marché (devenir un consommateur) rejoignent les anciens fantasmes révolutionnaires (détruire la famille bourgeoise). Là où les libéraux s'allient aux libertaires. Là où les mouvements féministes s'allient aux mouvements homosexuels, devenus «gays». Là où les minorités sexuelles s'allient aux minorités ethniques. Avec un ennemi commun: le mâle blanc hétérosexuel occidental.
Mai 68 voit la remise en cause de toutes les identités
Un des slogans de Mai 68 était: tout est politique. Ils ne parlaient pas en l'air. Tout: famille, école, Eglise, parti, syndicat, sexe, nation, toutes les structures hiérarchiques et verticales seraient subverties et renversées. Mises à bas. Toutes les identités seraient remises en cause. Au nom de la liberté, on n'avait que des droits. Au nom de l'égalité, la société n'avait que des devoirs. Au nom du marché, on était un individu roi à qui il était interdit d'interdire. Mais, au nom de l'ancienne vulgate marxiste, nous sommes tous des «damnés de la terre» qui devront faire rendre gorge à notre ancien maître: le père, le prof, le patron, le prêtre, le ministre et, plus largement, l'homme, le blanc, le Français. La majorité est sommée de s'incliner et de se soumettre aux minorités.
La démocratie n'était plus le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, mais le pouvoir du juge, au nom du droit, pour les minorités
La redécouverte dans les années 1980 de Tocqueville, considéré comme un horrible aristocrate libéral par les révolutionnaires marxistes des années 1960, permettait de retourner l'antique malédiction des démocraties: puisque Tocqueville avait bien vu que le danger était la dictature des majorités sur les minorités, il fallait empêcher par tous les moyens cette tyrannie majoritaire. Au nom des droits de l'homme, on donna donc aux juges le moyen de contenir la moindre contrainte, la moindre «discrimination» de la moindre minorité. La démocratie n'était plus le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, mais le pouvoir du juge, au nom du droit, pour les minorités. Le résultat ne se fit pas attendre: au nom de la nouvelle religion des droits de l'homme, le principe sacré de «non-discrimination» affirmait la tyrannie du juge et des minorités. On appelait cela avec emphase «l'Etat de droit».
Les anciens révolutionnaires qui avaient retenu de Marx que le droit en général, et les droits de l'homme en particulier, n'était que l'arme de la bourgeoisie pour affermir son pouvoir et contenir les assauts du prolétariat, retournèrent leur veste avec maestria et devinrent les défenseurs les plus forcenés des droits de l'homme. C'était leur nouvelle religion séculière après le communisme. Après la défense du prolétariat, la défense des minorités. Après la lutte contre le capitalisme, la lutte conte le néocolonialisme. Après le communisme, l'antiracisme. Religion dont ils devinrent les nouveaux prêtres. La religion avait changé, mais les bûchers de l'Inquisition étaient allumés par les mêmes. Les fascistes d'avant étaient seulement devenus les racistes d'aujourd'hui.

Une des idoles de Mai 68: Mao Tsé-toung, qui, avec sa Révolution culturelle, vient d'envoyer à la mort des millions de Chinois. - Crédits photo : GILLES CARON
La victoire de l'existentialisme
La pensée conservatrice affirme depuis longtemps qu'une nation n'est qu'une famille de familles. Il était inéluctable que la désagrégation de l'une entraînât celle de l'autre. Le constructivisme né dans les cerveaux des théoriciens français - Deleuze, Guattari, Foucault - nous revenait auréolé de son passage dans les campus américains des années 1960. Rien n'était naturel, tout était social. Rien n'était biologique, tout était culturel. C'était la victoire absolue de l'existentialisme de Sartre. On ne naît pas femme, on le devient. Ou pas. On ne naît pas homme, on le devient. Ou pas. On ne naît pas français, on le devient. Ou plus.
Tous les instruments de l'assimilation - prénoms, vêtements, langue, école, histoire, culture, cuisine -, qui avaient permis l'intégration de générations d'immigrés venus de toute l'Europe, étaient rejetés au nom du respect des cultures et du prestige de la «diversité». Là encore, la conjonction très française de la liberté et de l'égalité, du libéralisme mais aussi de l'ancienne vulgate marxiste, faisait des ravages. Libres de suivre et d'imposer sa culture d'origine, sa tradition, sa religion, même si elle vient en contradiction avec la culture dominante de la France ; mais égaux, au nom du scrupuleux respect du principe de «non-discrimination».
La nation n'est plus qu'un territoire sans passé où cohabitent des communautés diverses, au nom d'un «vivre-ensemble» oxymorique
Cette double injonction est destructrice de la nation, qui n'est plus qu'un territoire sans passé où cohabitent des communautés diverses, au nom d'un «vivre-ensemble» oxymorique. Mais c'est bien l'objectif. Daniel Cohn-Bendit disait, bien des années après ses «exploits» de Mai 68: «Le peuple français n'existe pas ; et la notion même de peuple n'existe pas.» Le véritable héritage de Mai 68 est sans doute là, dans cette destruction voulue, pensée, imposée, des individus, des familles, des peuples, des nations. Ce nihilisme anarchisant s'épanouit au nom d'un universalisme totalitaire hérité du marxisme, marié avec le libéralisme de marché et qui n'a plus comme objectif de sacrifier la bourgeoisie sur l'autel du prolétariat, mais les peuples européens sur l'autel du métissage généralisé.
Mai 68 a gagné depuis longtemps. Les rebelles sont devenus le pouvoir
Mai 68 a gagné depuis longtemps. Les rebelles sont devenus le pouvoir. Un pouvoir qui se prétend toujours rebelle. Et qui traite toujours ses opposants de conservateurs. Alors que les conservateurs, ce sont eux. Mais la révolte gronde. Elle est disparate, éclatée, divisée. C'est le succès de la Manif pour tous, en 2013, contre le mariage homosexuel. C'est le réveil d'un catholicisme identitaire qui a compris le danger de l'islam. Mais c'est aussi, dans les banlieues, un patriarcat islamique souvent virulent, et parfois violent, porté par les «grands frères», qui se vit en opposition avec le féminisme de leur société d'accueil.
C'est même, sans qu'elles le comprennent elles-mêmes, la montée en puissance d'un néopuritanisme féministe qui, au nom des droits des femmes, remet en cause l'hédonisme libertin des anciens soixante-huitards, qu'ils soient producteurs de cinéma, photographes ou politiques. C'est enfin, à l'est de l'Europe, la coalition de peuples qui entendent bien sauvegarder tout à la fois leur cohérence nationale et leurs racines chrétiennes.
Toutes ces révoltes ne se valent pas. Elles sont même souvent antinomiques, et même adversaires. Elles sont toutes le produit de la désagrégation des sociétés occidentales depuis Mai 68, de toutes les identités, individuelles, familiales, religieuses, et nationales.
Sur les ruines de Mai 68, il faudra un jour reconstruire.
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