vendredi 9 novembre 2018

Islamisme et politique 08.11.2018







































































































































































Vichy n’était pas la France, c’était le gouvernement des élites
Une tribune de Guillaume Bigot autour du livre "L'Etat contre les Juifs" de Laurent Joly
 - 8 novembre 2018

Saluant la publication du brillant essai, L’Etat contre les Juifs, que publie l’historien Laurent Joly, Guillaume Bigot en conteste néanmoins une partie des thèses. Bloc de traîtrise, de bêtise et de haine, le régime antisémite de Vichy a cependant empêché, selon lui, une extermination totale des juifs français. 

Une brillante synthèse consacrée à la politique antisémite de Vichy vient de sortir : L’Etat contre les Juifs, signée de l’historien Laurent Joly. Ce travail d’une grande clarté permet à la France contemporaine de resituer précisément sur la fresque nationale cette tâche morale indélébile que fut Vichy. La resituer avec justesse, sans la minimiser mais sans non plus l’étendre à tout un peuple qui a subi le choix de ses dirigeants et à qui on n’a jamais demandé son avis. Ce n’est pas le moindre mérite du livre de Joly que de dénoncer cet amalgame permanent entre Vichy, la France et l’Allemagne. L’Etat contre les Juifs tord le cou à trois idées fausses.

Abject, l’antisémitisme français n’était pas nazi
La première, c’est que Vichy n’a jamais été comparable à l’Allemagne nazie. Cette conclusion saute d’autant plus aux yeux si l’on se place du point de vue des crimes antisémites. Certes, le régime de Vichy va, de son propre chef, édicter, le 3 octobre 1940, un statut des Israélites, faisant de nos compatriotes juifs des citoyens de seconde zone.
Il n’en reste pas moins que l’antisémitisme de Vichy différait fort de l’antisémitisme génocidaire des nazis. L’écrivain royaliste et résistant Bernanos poussera d’ailleurs un cri surréaliste à la Libération : « Le nazisme a déshonoré l’antisémitisme. » Joly écrit : « La tradition antisémite autochtone n’était pas assez puissante pour aboutir à l’adoption d’une loi raciale. »
Vichy n’était pas Berlin : jamais le port de l’étoile jaune ne sera imposé en zone libre.
L’Etat français n’est pas le Reich : même des antisémites virulents, comme Xavier Vallat (insultant Léon Blum à la Chambre, le 6 juin 1936 : « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un juif ».) ne veulent pas que l’on arrête les « juifs respectables » ! En novembre 1943, René Bousquet écrit à un officier SS : « Pour les services de police, (…) le fait d’être israélite ne constitue une présomption de responsabilité, ni en matière politique, ni en matière de droit commun. »
Le zèle administratif français facilite les rafles
L’Etat contre les Juifs montre aussi comment le zèle administratif français va grandement faciliter la tâche criminelle des Allemands. A l’été 1942, les hommes de Vichy, au nom d’une pathétique « reconquête administrative », disent en substance aux Allemands : « On vous donnera le nombre de juifs que vous voulez mais laissez-nous faire et épargnez les juifs français ». A l’été 1942, l’Etat français opère donc en effet un choix déshonorant et ignoble.
Joly montre ainsi comment Vichy a sacrifié les juifs apatrides sur l’autel de la collaboration. C’est exactement le même argument que l’on retrouve sous la plume de Zemmour et dont on ne comprend pas bien pourquoi Joly tient absolument à dire qu’il est en désaccord avec lui. Des Juifs français sont raflés au passage et, horreur dans l’horreur, abomination au carré, les enfants nés sur notre sol, donc français, sont également livrés.
Contrairement à Zemmour et à Joly, l’historien Pierre Vidal-Naquet, contestant l’évidence de cette ignoble troc écrivait : « Des mesures n’ayant affecté que des étrangers… si cela était vrai, le crime n’en serait pas moins éclatant ! » Vidal-Naquet a moralement raison mais mathématiquement tort. Car si Vichy n’avait pas existé, le sort des Juifs dans l’Hexagone aurait été pire, bien pire. En France, 90 % des Juifs français, 86 % des enfants juifs français et étrangers et 60 % des Juifs étrangers survivront à la guerre. Partout ailleurs, les nazis détruiront entre 50 et 90 % des communautés israélites.
Pour autant, Vichy n’a jamais été un moindre mal.
La France n’était pas Vichy
Sur 280 000 juifs recensés (sur 320 000) en 1941, il y aura tout de même 74 150 morts.
Vichy est un bloc de traîtrise, de bêtise et de haine qui a livré les apatrides, arrêté ses concitoyens juifs et fait couler le sang des résistants et des alliés.
En jouant à cette farce tragique d’une souveraineté à la botte, Vichy va libérer deux millions de soldats nazis qui auraient dû autrement occuper notre vaste pays et saborder notre flotte qui était, en 1940, la première du monde, devant la Royal Navy.
La deuxième démonstration irréfutable de Joly, c’est que la France n’était pas Vichy. En marge d’un projet de loi antisémite, le chef adjoint du cabinet civil de Pétain note : « Le pays n’est pas antisémite… On dira que c’est un asservissement devant l’Allemagne, le racisme n’est pas apprécié dans ce pays parce qu’il est allemand. »
Bien sûr, un antisémitisme bien de chez nous a existé mais que pesait-il ? Le Journal Au Pilori, tiré à 65 000 exemplaires, organise un concours en 1943 à propos des juifs intitulé « Où les fourrer? » La gagnante en est une habitante de Clichy qui propose de stériliser les juifs. 65 000 exemplaires, c’est à comparer, avec les quelque 1200 journaux résistants qui seront distribués à plus de 2 millions d’exemplaires.
La France n’était pas Vichy en témoigne encore les rapports des préfets qui atterrissent sur le bureau du vieux maréchal. Ces rapports sont sans appel : l’étoile jaune ne passe pas, les restrictions alimentaires ne passent pas, la poignée de main avec Hitler ne passe pas.
Une minorité de héros… et de salauds 
L’historien Henri Amouroux a raison : en juillet 1940, il y a bien 40 millions de pétainistes. Quelques mois plus tard, le 24 octobre, le soutien populaire s’effondre. C’est l’entrevue de Montoire. La France copine avec l’ennemi. Les Gaulois réfractaires ne l’acceptent pas. Vichy n’est pas la France… En témoigne le stoïcisme des populations civiles, notamment en Normandie, lourdement bombardée par les anglo-américains et qui réserve pourtant un accueil triomphal aux alliés qui débarquent en juin 44.
Certes, les héros furent peu nombreux. Mais les salauds aussi. Le sentiment dominant des Français, c’est la détestation du Boche qui pille et qui fusille. Quant au sort des Juifs, il est incompréhensible à la majorité. Le livre de Joly contient ce témoignage bouleversant d’une Française anonyme qui écrit à Pétain, en voyant passer des autocars chargés de femmes et d’enfants raflés : « Ce sont des charrettes de condamnés. »
La troisième leçon de vérité de ce livre, et sans doute la plus importante pour la France de 2018, c’est que les élites furent derrière Vichy et le peuple derrière la Résistance et les Alliés. Le principal mérite de Laurent Joly est sûrement de faire éclater la vérité sociologique de la Collaboration.
Qui étaient les collabos ? Les magistrats, les hauts fonctionnaires, les journalistes, les intellectuels et les pipoles… Comme c’est étrange. Le conseiller d’Etat Louis Canet, les hauts fonctionnaires Bousquet et Papon. Canet, Laval, Bousquet, trois petits marquis de bureau qui incarnent parfaitement un certain conformisme de classe.
Les petits marquis de la Collaboration
Écoutons Laurent Joly croquer le portrait de ces petits marquis : « Chez l’un comme l’autre, le franc-parler et le volontarisme affichés marquent une constante soumission aux forces dominantes du moment, sur fond d’égo hypertrophié et d’amour immodéré du pouvoir. »
Cynique, méprisante et vaniteuse, notre classe dirigeante a semble-t-il peu changé.
« Par ces temps de terreur, il est trop grave de faire connaître ses sentiments s’ils ne sont pas absolument conformistes », note l’avocat Maurice Garçon dans son Journal (1939-1945).
En d’autres termes qu’à l’époque, dans Paris occupé, existait un politiquement correct, socialement très marqué. Entre 1940 et 1944, la « France d’en haut » pariait sur Hitler. Or, aujourd’hui, les élites qui veulent brader la souveraineté veulent aussi charger les épaules du peuple français du fardeau de la culpabilité morale des classes dirigeantes d’hier ! Les couches, les CSP les plus représentées dans la défense des sans-papiers, dans la haine de Trump et du Brexit, dans l’apologie de la mondialisation et de l’UE… étaient surreprésentés dans la collaboration !
De là à penser que, pour nous faire avaler la monnaie unique et le renoncement au volontarisme et à la démocratie nationale, il fallait préalablement aligner la France sur l’Allemagne, il y a un pas que… l’on peut envisager !
Pourquoi déshonorer le peuple français ?
L’alignement moral a précédé et préparé l’alignement monétaire. L’Etat contre les Juifsdénonce en tous cas un révisionnisme grave qui veut à tous prix déshonorer le peuple français. Le révisionnisme de François Hollande dont le discours du 22 juillet 2012 ne comportait aucune allusion au contexte de l’occupation et au nazisme. Plus grave encore et toujours plus éloigné de la réalité historique, Emmanuel Macron, dans une allocution prononcée le 16 juillet 2017, ose dire que c’est la France seule qui est responsable de la mort des juifs. Plus d’Allemands donneurs d’ordre et même plus de génocide, que des Français antisémites. Édifiant. L’occupation allemande n’était pas un détail. Vichy n’a jamais été la France. La France n’est pas et ne sera jamais l’Allemagne !


Yémen : l'Arabie saoudite résiste aux objurgations de Washington
Par Georges Malbrunot
Publié le 07/11/2018 à 17h40
ANALYSE - Les Occidentaux doivent accentuer les pressions sur leurs clients alliés saoudo-émiriens pour que la mort de Jamal Khashoggi se traduise au moins par un allègement des souffrances au Yémen.
Affaibli par l'assassinat au retentissement mondial du journaliste dissident Jamal Khashoggi, le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman sera-t-il contraint de lâcher du lest dans la guerre qu'il a imprudemment déclenchée au Yémen, où ses forces et celles de ses alliés émiriens sont embourbées, depuis trois ans? On pouvait le penser lorsque, mercredi dernier, son parrain américain haussa le ton pour appeler à un cessez-le-feu sous trente jours entre belligérants de ce conflit lointain, où plusieurs dizaines de milliers de civils sont morts dans une quasi-indifférence.
Coup sur coup, le secrétaire d'État Mike Pompeo, et Jim Mattis, le patron du Pentagone, exigèrent un arrêt des bombardements saoudo-émiriens sur les positions de leurs ennemis, les rebelles houthistes soutenus par l'Iran, lesquels doivent cesser leurs tirs de missiles sur les territoires saoudien et émirien. Des appels aussitôt relayés par la Grande-Bretagne et la France, autres alliés de Riyad et d'Abu Dhabi, gênées par ce conflit, où l'Occident, après avoir défendu la morale en Syrie, se retrouve en porte-à-faux.
L'enfer d'Hodeïda
C'est hélas le scénario inverse qui se déroule. L'Arabie défie Washington. Depuis jeudi, des forces progouvernementales yéménites, appuyées militairement par l'Arabie et les Émirats arabes unis, mènent des opérations au sol pour encercler Hodeïda, tenue par les houthistes. Cette ville sur la mer Rouge est le principal théâtre d'un conflit qui a coupé le Yémen en deux. Les houthistes contrôlent son port - source de revenus importante - par lequel transitent 70 % de l'aide humanitaire, indispensable pour venir en aide à un pays, menacé par la famine, dont les infrastructures sanitaires sont délabrées. La coalition saoudo-émirienne veut tuer la «poule aux œufs d'or», avant de s'ouvrir la route de Sanaa, la capitale, aux mains des rebelles.
Sous la pression internationale, Saoudiens et Émiriens avaient cessé leurs frappes, cet été. Des réfugiés sont alors rentrés chez eux à Hodeïda, où, depuis quelques jours, ils vivent un enfer. Les progouvernementaux sont au flanc nord de la ville, tandis que leurs hélicoptères frappent des positions rebelles à l'intérieur. Dans Hodeïda, les insurgés circulent à moto, leurs lanceurs de roquettes à l'épaule. Ils ont creusé des tranchées, posé des mines. Des snipers ont pris position dans des immeubles et sur les toits des hôpitaux, cherchant à attirer leurs ennemis dans un piège. L'Unicef s'alarme: la vie de 59 enfants, dont 25 en soins intensifs, est menacée dans un hôpital de la ville, situé à moins d'un kilomètre de la ligne de front. En six jours, 200 combattants, de part et d'autre, sont morts, tandis que des dizaines de milliers de  civils sont terrés chez eux, prisonniers des violences.
Les Occidentaux ont hâte de s'extirper de ce «Vietnam» dans lequel leur adversaire iranien laisse son ennemi saoudien s'embourber
Il y a urgence à enrayer «un scénario apocalyptique», avertit Mark Lowcock, chef de la coordination humanitaire des Nations unies. Mais Mohammed Ben Salman et son allié émirien Mohammed Ben Zayed ne l'entendent pas ainsi. Ils tiennent à engranger des gains territoriaux avant des négociations. Et pas seulement autour d'Hodeïda, mais aussi autour de Sanaa, et même à Saada, dans le Nord, dans le fief des houthistes, eux aussi visés par cette offensive.
«Il n'y a pas d'issue militaire» à cette guerre, a pourtant rappelé la semaine dernière la ministre de la Défense, Florence Parly, d'ordinaire prudente face à nos alliés du Golfe. Les houthistes se sont préparés des mois durant à une guérilla urbaine. Après la calamiteuse affaire Khashoggi, les Américains sont également remontés contre Riyad. En France, l'assassinat de Khashoggi a relancé le débat sur les ventes d'armes à l'Arabie. Les Occidentaux ont hâte de s'extirper de ce «Vietnam» dans lequel leur adversaire iranien laisse son ennemi saoudien s'embourber. Mais à Téhéran non plus, où d'autres pressions, économiques celles-là, s'exercent, on n'est pas fermé à des négociations.
Depuis une semaine que le feu s'abat sur eux, les houthistes n'ont pas riposté en tirant des missiles sur l'Arabie. Les appels à la retenue des Nations unies sont entendus. Mais pour combien de temps? Les Occidentaux doivent accentuer les pressions sur leurs clients alliés saoudo-émiriens pour que la mort de Jamal Khashoggi se traduise au moins par un allègement des souffrances au Yémen.

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Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient
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Jean-François Colosimo : «Le Pakistan est une poudrière où l'islamisme fait la loi»

Par Eugénie Bastié
Publié le 06/11/2018 à 18h14
INTERVIEW - L'historien des idées et des religions Jean-François Colosimo * explique pourquoi le sort d'Asia Bibi déchaîne les passions des islamistes. Le blasphème tient une place centrale dans l'islam politique, en particulier dans un pays où la charia est au centre du système juridique.
LE FIGARO. - Comment comprendre l'acharnement des islamistes pakistanais à l'égard d'Asia Bibi?
Jean-François COLOSIMO. - L'Asie nous est, par définition, plus lointaine que le Proche-Orient. Elle ne constitue pas moins un épicentre des convulsions du monde musulman. Le Pakistan est une poudrière dotée du feu atomique où l'islamisme fait, au sens propre, la loi. Il ne tient pas que la rue, mais gangrène aussi l'éducation, l'armée, le gouvernement. Le premier ministre, Imran Khan, à l'allure si branchée et libérale, s'est fait élire, en août 2018, sur la promesse de renforcer la charia.
En mobilisant les foules contre l'arrêt de la Cour suprême qui a acquitté Asia Bibi, en appelant à l'assassinat des juges, à la mutinerie des soldats et des policiers, Khadim Hussain Rizvi, le chef du parti intégriste Tehreek-e-Labbaik Pakistan, a montré où est le vrai pouvoir. Dire non à la pression de l'opinion mondiale revient, pour les islamistes, à réarmer le djihad intérieur contre les minorités mécréantes et le djihad extérieur contre l'Occident impie. C'est que, depuis ses débuts, nationalisme et fondamentalisme font bon ménage dans la République islamique du Pakistan. Tout en posant au pays moderne et à l'alliée du monde libre, elle n'a cessé de jouer un double jeu au point d'avoir procuré une base arrière aux talibans et un refuge clandestin à Ben Laden.
Pourquoi la question du blasphème a-t-elle autant d'importance pour l'islam politique?
Ressort anthropologique à l'intersection entre le religieux et le politique, le blasphème permet de sacraliser l'unité transcendante du corps social en posant des interdits absolus dont la transgression se traduit par la mort physique ou civile. Ce qu'avait compris l'imam Khomeyni en s'emparant, dès 1989, de l'affaire Rushdie: réveiller l'Oumma pour qu'elle se purifie, qu'elle entre dans la lutte finale et convertisse le monde requiert de désigner l'ennemi. Or, pour l'islamisme, il est universel. Hors les soumis à la charia, il n'y a que des sacrilèges ou des apostats. La terreur en devient, sur un mode totalitaire, un devoir d'État.
Quelle est justement la place de la charia au Pakistan et jusqu'à quel point le régime est-il islamiste?
Ce sont les deux composantes essentielles de son code génétique. Le Pakistan naît du projet idéologique formulé par l'Indo-musulman Mohammed Iqbal au début du XXe siècle: l'islam, pour s'émanciper et s'imposer, doit se refonder sur sa force éminente qui est de disposer d'un corpus juridique organique fusionnant les ordres spirituel et temporel, à savoir la charia. Mais, pour qu'elle soit de plein exercice, il faut éradiquer toute mixité. L'opposition frontale des deux nations théorisée par son disciple, Ali Jinnah, conduit en 1947 à la partition de l'Inde, avec son cortège de massacres et d'exodes ethnico-religieux. Au même moment, Maulana Maududi, l'émule local de Hassan el-Banna, le fondateur des Frères musulmans, assigne à son parti, le Jamaat-i-Islami, la mission de transformer la nation nouvelle en «avant-garde de la révolution islamiste mondiale» vivant non seulement sous la charia, mais aussi par la charia et pour la charia.
«Dès sa création, le Pakistan revendique constitutionnellement la souveraineté d'Allah.»
Dès sa création, le Pakistan revendique constitutionnellement la souveraineté d'Allah. Le droit civil s'inspire de la Common Law du colonisateur britannique, mais à la condition qu'il ne contredise pas la loi coranique. Dans les faits, le régime militaire du général Zia ul-Haq entame, au tournant de 1980, une islamisation à marche forcée du pays qui se traduit, dans les tribunaux, par l'adoption des peines prévues par la charia, dont la lapidation par exemple pour la femme adultère. Ce double arsenal juridique permet ainsi de recourir soit à la diffamation, soit au blasphème pour exclure et réduire à néant toute différence jugée déviante.
Quel type d'islam caractérise le Pakistan?
Musulmans à 95 %, les Pakistanais sont sunnites à plus de 75 % et de tradition hanafite: dominante en Asie, en apparence libérale pour s'être édifiée dans un contexte culturel complexe, cette école juridique porte précisément une grande attention à l'endiguement des «Infidèles».
«Ces factions se montrent unanimes dès lors qu'il s'agit d'opprimer les 3 % d'hindous et de chrétiens.»
Trois courants majeurs divisent cette écrasante majorité sunnite: les ahl al-hadith, variante locale du salafisme, pour un cinquième ; les déobandis, littéralistes et rigoristes, pour un quart ; enfin, pour moitié, les barelvis qui se revendiquent du soufisme, lequel comporte certes des accents mystiques et piétistes mais consiste d'abord en un maillage serré et contraignant de la population par les confréries. Leurs rivalités internes sont sources de troubles récurrents redoublant la guerre civile latente, attentats terroristes à la clé, qui les opposent aux 15 à 20 % de chiites duodécimains, deuxièmes en nombre après l'Iran, et dont le bilan se monte à plusieurs milliers de morts sur ces vingt dernières années. C'est néanmoins l'islam politique qui cimente les factions sunnites: l'influence du wahhabisme saoudien est grandissante, mettant à profit la délégation massive de l'instruction primaire aux écoles coraniques que sont les madrasas. Ces factions se montrent par ailleurs unanimes dès lors qu'il s'agit d'opprimer les 3 % d'hindous et de chrétiens.
Quelle est la situation des chrétiens au Pakistan?
Celle de persécutés dont Asia Bibi n'est qu'un exemple. On pourrait citer, pour la seule année 2012, Rimsha Masih, adolescente d'une douzaine d'années, retardée mentale, condamnée à mort pour avoir, selon un imam de son quartier, brûlé des pages du Coran. Ou Ryan Brian Patras, âgé de 14 ans, accusé d'avoir blasphémé le Prophète par voie de texto et encourant à ce titre la peine capitale. Tous deux seront finalement frappés d'expatriation grâce à l'intervention du Saint-Siège. Aussi, la foule préfère-t-elle procéder par lynchage, le dernier cas en date étant celui, en 2015, de Nauman Masih, 14 ans, arrosé d'essence et brûlé vif par des passants car portant une croix.
Quant aux viols, rapts, conversions forcées et ventes comme esclaves que subissent les chrétiennes et qui demeurent impunis car couverts par le «Code d'honneur», on les estime à plusieurs centaines par an.
Enfin, les élites sont particulièrement visées: catholique de confession, membre du Parti du peuple pakistanais qui rassemble l'opposition laïque, nommé en 2008 ministre des Minorités religieuses, Shahbaz Bhatti est abattu de vingt-cinq balles, le 9 février 2011, pour avoir soutenu Asia Bibi.
Les pays occidentaux sont-ils à la hauteur pour aider cette minorité opprimée? Que pourraient-ils faire de plus?
Le pacte aveugle que l'Amérique a scellé avec l'islamisme sunnite contre le communisme continue, depuis le 11 septembre 2001, à produire ses effets délétères. La politique complaisante de Washington s'applique à Islamabad comme à Riyad. Bruxelles, Londres, Paris suivent et se plient selon une pathétique logique d'intérêts matériels à court terme. On isole l'Iran et on exonère Ben Salman. On souligne les massacres en Syrie, on élude les bombardements au Yémen. On finit par s'occuper d'Asia Bibi sous les projecteurs des médias, mais on jette un voile sur ses consœurs et compatriotes musulmanes comme chrétiennes tuées à coups de pierres. C'est notre hypocrisie et lâcheté qui laisse libre cours au mal.
* Auteur de nombreux ouvrages remarqués.

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L'Occident demande à la Chine de fermer ses camps d'internement pour musulmans

Par Cyrille Pluyette
Mis à jour le 07/11/2018 à 10h29 | Publié le 07/11/2018 à 09h27
VIDÉO - Pékin a essuyé de vives critiques à l'ONU à propos du traitement infligé aux Ouïgours et Kazakhs du Xinjiang. La Chine a rejeté ces accusations.
Correspondant à Pékin
La Chine a fait face à un flot de critiques à l'ONU à propos de la situation des droits de l'homme sur son territoire. Mardi, plusieurs pays occidentaux, dont la France, l'Allemagne et les États-Unis, ont appelé Pékin à fermer ses camps d'internement dans la province du Xinjiang, où, selon des estimations d'experts, entre plusieurs centaines de milliers et un million de musulmans ont été envoyés depuis 2017. Sans surprise, la Chine a rejeté les accusations concernant de telles détentions massives, les jugeant «grandement éloignées de la réalité».
Pendant toute la matinée, la délégation officielle chinoise, dirigée par le vice-ministre des Affaires étrangères, Le Yucheng, a été mise sur le gril dans le cadre de l'Examen périodique universel (EPU), qui rend compte tous les cinq ans des éventuelles violations des droits de l'homme dans chaque État membre des Nations unies. Le cas de la Chine était passé en revue mardi.
Des ambassadeurs occidentaux se sont succédé pour fustiger une dégradation dans ce domaine depuis l'examen précédent. «Nous sommes alarmés par l'accentuation de la répression chinoise contre les Ouïgours, les Kazakhs et autre musulmans dans la région autonome ouïgour du Xinjiang», a déclaré Mark Cassayre, le chargé d'affaires américain. Les États-Unis demandent à la Chine «d'abolir toute forme de détention arbitraire, dont les camps d'internement du Xinjiang, et de libérer immédiatement les centaines, peut-être les millions d'individus détenus dans ces camps», a-t-il ajouté.
Pékin change de stratégie de communication
L'ambassadeur de France, François Rivasseau, a pour sa part demandé à Pékin de «mettre un terme à ses internements massifs dans des camps», «d'inviter la Haut commissaire aux droits de l'homme» de l'ONU, Michelle Bachelet, afin qu'elle puisse observer la situation sur place et de «garantir la liberté religieuse», notamment au Xinjiang et au Tibet.
En réponse, la Chine, par la voix de Le Yucheng, a fustigé «des accusations politiques venant de quelques pays pleins de préjugés». La délégation chinoise a repris l'argumentation développée récemment par le régime communiste, selon laquelle les mesures de sécurité prises au Xinjiang sont indispensables pour garantir la stabilité de la région, qui a connu ces dernières années des attentats attribués par Pékin à des séparatistes ou extrémistes ouïgours. Le Yucheng a ainsi réaffirmé que la mise en place de ces «centres éducatifs», constituait une «mesure préventive pour combattre le terrorisme». Mais Pékin a assuré que les libertés des 55 minorités ethniques du pays étaient préservées.
Les détenus subissent un véritable lavage de cerveau dans des lieux fermés comparés à des prisons : on les oblige à renoncer à leur identité religieuse, en les forçant à chanter les louanges du Parti.
La Chine, qui a longtemps nié l'existence des camps de «rééducation», a changé sa stratégie de communication depuis que la publication d'images satellites ou de documents officiels sur Internet en a confirmé l'existence. Le géant asiatique assure que ces lieux enseignant le chinois et donnant des leçons sur les lois du pays veillent au bien-être des «stagiaires» et que des «formations professionnelles» y sont dispensées à des personnes qui ont été «attirées» par des idées extrémistes. Mais d'anciens détenus décrivent une réalité bien différente. D'après eux, les détenus subissent un véritable lavage de cerveau dans des lieux fermés comparés à des prisons: on les oblige à renoncer à leur identité religieuse, en les forçant à chanter les louanges du Parti et à dénigrer leur propre culture.
Outre le Xinjiang, d'autres aspects du bilan des droits de l'homme en Chine ont été scrutés. Depuis l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping il y a 6 ans, la Chine a durci sa répression contre toutes les voix contestant son autorité ou s'écartant du discours officiel. En juillet 2017, le dissident et prix Nobel de la paix Liu Xiaobo est mort d'un cancer du foie, privé de liberté.
Manifestation de Tibétains et d'Ouïgours à Genève
La Chine a démenti toute répression des droits civils et, relativisant la conception occidentale des droits de l'homme, a mis en avant ses progrès dans la lutte contre la pauvreté. «Chaque pays peut choisir sa propre voie de développement et son modèle de protection des droits humains», a insisté Le Yucheng.
L'examen de la Chine «a mis en évidence le fossé qui sépare le point de vue de Pékin sur son bilan en matière de droits de l'homme et les tristes réalités vécues par les défenseurs des droits humains, les Tibétains et les Ouïgours détenus arbitrairement», a déploré John Fisher, directeur de l'ONG Human Rights Watch à Genève.
Pendant que se déroulait la réunion sur la Chine, plusieurs centaines de Tibétains et d'Ouïgours venus de plusieurs pays d'Europe ont manifesté devant le siège des Nations unies à Genève. «Stop au nettoyage ethnique chinois des Ouïgours» ou «le Tibet meurt, la Chine ment!», pouvait-on lire sur des pancartes.
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Dimitris Avramopoulos : «La crise migratoire menace le projet européen»
Par Tanguy Berthemet
Mis à jour le 07/11/2018 à 18h15 | Publié le 07/11/2018 à 17h07
INTERVIEW - Le commissaire européen a rencontré cette semaine le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.
Dimitris Avramopoulos est le commissaire européen aux Affaires intérieures, notamment chargé de la politique migratoire de l'UE. Membre du parti Nouvelle Démocratie, il a été ministre des Affaires étrangères en Grèce.
LE FIGARO. - Depuis la crise migratoire, la France a, en dépit de l'espace Schengen, rétabli les contrôles à plusieurs de ses frontières. Demandez-vous à Paris de les arrêter?
Dimitris AVRAMOPOULOS. - Je tiens avant tout à dire que l'on compte beaucoup sur la France pour gérer les migrations et pour renforcer encore davantage notre politique de sécurité. Sur les frontières intérieures, je comprends. La France a ses propres préoccupations sur la sécurité, comme l'Allemagne ou l'Autriche. Mais cette situation ne peut pas être permanente. Si l'espace Schengen, l'un des piliers de l'intégration européenne, est affaibli, ça sera le début de la fin de l'Europe. Au lieu de réintroduire les contrôles intérieurs, je propose de renforcer les contrôles policiers et la coopération.
Cependant, les divergences sont apparues lors du mini-sommet de l'UE de juin consacré à la question migratoire…
Nous avons déjà fait des pas en avant ces dernières années. Nous avons fondé l'Agence des gardes-frontières… En Grèce par exemple, 95 % des migrants qui parviennent à entrer dans le pays sont immédiatement enregistrés. C'est la même chose en Italie.
«L'immigration est devenue le sujet favori des populistes et il est très facile de jouer avec des sentiments antimigrants»
Dimitris Avramopoulos
Lors de ce sommet, il a été décidé de travailler à la réforme du règlement de Dublin (qui régit les demandes d'asile dans l'UE). Où en est-on?
Dublin tel que nous l'avons connu est mort. Le règlement est vivant sur le papier mais, en réalité, il n'est plus adapté. Il nous faut un nouveau Dublin, plus équilibré et plus juste. Mais pour le moment, il y a des pays qui ne sont pas favorables à cette réforme pour des raisons de politique intérieure. L'immigration est devenue le sujet favori des populistes et il est très facile de jouer avec des sentiments antimigrants. Quand les élections seront passées, je suis certain que tous ces pays se rendront compte de l'importance de réformer le système d'asile. Car, si on ne le fait pas, l'Europe sera très vulnérable. Ce phénomène de migrations ne va pas s'arrêter.
Mais comment rassurer les opinions face à ce phénomène quand l'Europe semble en difficulté?
C'est très facile de critiquer l'Europe. C'est vous, moi, nous tous, l'Europe! Elle est composée d'États membres. La Commission a pour rôle de coordonner et proposer. Nous sommes tous responsables du projet européen, qui est aujourd'hui en danger à cause de l'immigration. Beaucoup pensaient que ce serait la crise économique qui le mettrait en danger, mais en fait, c'est la crise migratoire et la sécurité. Ces sujets sont exploités par des forces populistes qui partout menacent directement les fondations de la démocratie européenne.
Le gouvernement italien a-t-il totalement tort quand il dit que l'Europe l'a laissé seul face au problème des migrants?
Il y a des points soulevés par M. Salvini dont il faut tenir compte. Il faut renforcer plus encore nos frontières communes, par exemple, et nous comptons sur l'Italie pour cela. Mais dire que l'Europe n'a pas soutenu l'Italie n'est pas vrai. Nous avons soutenu l'Italie politiquement, logistiquement et financièrement. Depuis 2015, année terrible, la Commission a débloqué 202 millions d'euros d'aide d'urgence et 654 millions déjà alloués à l'Italie pour la période 2014-2020. Nous n'avons jamais laissé l'Italie seule.
Aujourd'hui c'est l'Espagne qui est en première ligne…
Les réseaux trouvent facilement des techniques pour contourner les obstacles. Ils ont effectivement ouvert une autre filière via l'Espagne. Si on avait, dans la Méditerranée, adopté une politique commune, en partageant les responsabilités, on aurait pu l'éviter.
«Le mot “solidarité” a la même définition dans tous les dictionnaires européens»
Dimitris Avramopoulos
Qui n'a pas joué le jeu?
La Hongrie, par exemple, n'accepte pas sa part dans la politique que nous avons tous ensemble adoptée il y a quatre ans. Et d'autres États. Récemment, on a vu un changement. Les Autrichiens ont proposé le concept de solidarité obligatoire pour débloquer les discussions sur la réforme de Dublin.
Mais quelle est la proposition de la Commission?
Elle est très claire. Il faut partager la responsabilité et la solidarité. Il n'y a pas de solidarité à la carte. Ça, tous les pays doivent le comprendre. Le mot «solidarité» a la même définition dans tous les dictionnaires européens. Il faut que l'on partage le poids et les conséquences du phénomène migratoire. Certains États ont montré un grand degré d'irresponsabilité.
Le renvoi des migrants refoulés ne fonctionne pas. Pour éviter qu'ils entrent, l'UE a tenté de promouvoir des plateformes d'accueil dans des pays limitrophes. Où en est-on?
L'un de nos objectifs est d'augmenter le nombre de retours de ceux qui n'ont pas le droit d'être en Europe. Ceux qui ont le droit à être réfugiés politiques seront accueillis, mais pour les autres, il faut qu'ils le sachent, la voie illégale est fermée. Pour les plateformes, connaissez-vous un pays qui est prêt à collaborer à ce projet? Non. Dès le début, je n'étais pas optimiste. Donc aujourd'hui ce dossier est fermé.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 08/11/2018.
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Éric Zemmour : «Qui sème la faiblesse récolte la violence»

Par Eric Zemmour
Publié le 07/11/2018 à 17h07
CHRONIQUE - Trois textes politiques du grand écrivain russe Alexandre Soljenitsyne. Pour mieux comprendre les révolutions française et russe. Loin des lieux communs progressistes.
Alexandre Soljenitsyne est mort il y a dix ans. Les polémiques autour de son nom se sont apaisées. Il n'y a plus assez de communistes pour aboyer aux mollets de l'«agent de la CIA» ; les «nouveaux philosophes» d'antan et libéraux de toujours n'osent plus le traiter de «réactionnaire», voire d'«antisémite». Le rebelle controversé de jadis est devenu une statue du Commandeur. Quand son éditeur français a la bonne idée d'exhumer deux grands textes politiques, rédigés depuis son exil américain, quelques années avant la chute du mur de Berlin, il place en ouverture un court préambule intitulé «Vivre sans mentir», sorte de vade-mecum de survie spirituelle dans un régime totalitaire: «La clef de la libération est le refus de participer personnellement au mensonge. […] Nous ne sommes pas mûrs pour aller sur la place publique et proclamer à grands cris la vérité, et dire tout haut ce que nous pensons tout bas. Ce n'est pas pour nous, cela fait peur, mais refusons au moins de dire ce que nous ne pensons pas.»
On songe alors que nos régimes démocratiques d'aujourd'hui ressemblent de plus en plus aux régimes totalitaires d'autrefois, mais nous n'avons pas le temps de nous y attarder que le traducteur et préfacier du grand homme, Georges Nivat, nous explique que toute révolution est un «algorithme, celui du mensonge, du petit mensonge qui devient grand. […] Mensonge et révolution sont liés.» D'où le titre du recueil.
On lit. Et on relit certaines pages, séduits par la clarté virile du style sans effet de l'auteur, et étonné de ne pas y trouver la dénonciation du mensonge annoncée. Soljenitsyne n'est pas historien, mais il est mieux: il vit l'histoire de l'intérieur. Aucune des grandes réflexions sur la Révolution française - celles de Tocqueville, Thiers ou Taine - ne lui est inconnue. Les deux textes - le premier sur la seule révolution de février 1917, l'autre qui compare les deux révolutions de 1917 et de 1789 - font la paire.
La conclusion s'impose d'elle-même: ce n'est pas le mensonge qui a provoqué la chute des deux monarchies, mais la faiblesse des deux derniers rois. Nicolas II et Louis XVI étaient de bons chrétiens qui aimaient leur famille plus que le pouvoir, et ne voulaient pas faire couler le sang de leur peuple. Ces vertus chrétiennes et humanistes en faisaient de fort braves hommes et d'excellents pères de famille ; mais de détestables rois. Sans le citer, Soljenitsyne retrouve la leçon que professait déjà Richelieu dans son testament: les vertus privées font le plus souvent les malheurs publics. Ce qu'il dit de Nicolas II convient en tout point à Louis XVI: «Toutes les décisions […] procédaient chez le tsar de son attachement à la paix, qualité éminente pour un chrétien, fatale chez le dirigeant d'un grand empire. […] La dynastie s'est suicidée pour ne pas provoquer une effusion de sang, ou une guerre civile. Pour en provoquer une pire, plus longue, sans le drapeau unifiant au trône.»
La faiblesse coupable de ces rois tenait à leur caractère ; mais plus encore à l'environnement idéologique dans lequel ils ont baigné. Au contraire des libéraux et de tous les progressistes, Soljenitsyne ne fait pas de distinguo entre la «bonne» révolution (1789 et février 1917) et la «mauvaise» (1793 et octobre 1917). Il est même plus sévère avec les premières qu'avec les secondes ; avec les libéraux qu'avec les «terroristes» jacobins ou bolcheviques. Il a bien compris que c'est l'idéologie libérale, ce qu'il appelle le «Champ libéral-radical», qui a désarmé les monarques et les élites autour d'eux: «Durant cent ans, le Champ avait irradié si puissamment que la conscience nationale en lui s'était étiolée (“patriotisme primaire”), et la couche instruite avait cessé de prendre en considération les intérêts de l'existence nationale. Le sentiment national avait été rejeté par l'intelligentsia et négligé au sommet. C'est ainsi que nous avons pris le chemin de la catastrophe.»
«Ces troubles nous sont envoyés parce que le peuple a oublié Dieu.»
Ce libéralisme antinational des élites avait été préparé de longue date - au siècle des Lumières pour la France et depuis le coup de main manqué des décembristes, en 1825, pour la Russie, par le travail de sape des intellectuels, des écrivains, des philosophes libéraux. Soljenitsyne reprend l'analyse de Tocqueville et de Taine: ce ne sont pas les difficultés économiques, sociales, voire militaires, qui ont «mûri la révolution, mais […] l'acharnement des intellectuels pendant des dizaines d'années, que le pouvoir n'a jamais pu surmonter». Et de reprendre sans hésitation le jugement définitif des paysans russes qui fera hurler tous nos beaux esprits de Paris ou de Saint-Pétersbourg: «Ces troubles nous sont envoyés parce que le peuple a oublié Dieu.»
« La Terreur de Robespierre a les jambes courtes »
L'implacable diagnostic posé, on peut nuancer: si la parenté est frappante entre Girondins et Cadets, entre Danton et son groupe et les leaders SR (socialistes-révolutionnaires), sans oublier bien sûr les Jacobins de Robespierre et les bolcheviks de Lénine, Soljenitsyne n'est pas dupe de sa propre comparaison: «La Terreur de Robespierre a les jambes courtes» à côté de celle de Lénine: il n'a pas de force armée à sa dévotion ; respecte les formes parlementaires et surtout la propriété privée. Robespierre est un «patriote», Lénine se proclame «anti-patriote». Soljenitsyne ne tombe pas dans le panneau dans lequel se précipiteront tous ses prétendus héritiers: il ne compare ni Robespierre à Lénine, ni Bonaparte à Staline. Il est un vrai réactionnaire, pas un libéral. Tous ses ennuis en Occident viendront de cette différence. Il a compris qu'une révolution commence lentement et finit fort: «La révolution est toujours une inflammation pathologique et une catastrophe.» Il a compris que pendant que l'est de l'Europe subissait le totalitarisme communiste, l'ouest du continent connaissait lui aussi une nouvelle révolution qui détruisait toute tradition, toute racine, tout patriotisme, toute spiritualité, avec la même alliance objective des libéraux qui désarment et des terroristes totalitaires qui détruisent.
«Dans toute révolution se répète la même erreur, nous prévient-il, craindre non pas ce qui va suivre, mais la restauration.» Comprenne qui pourra. Qui voudra.
Révolution et mensonge, Alexandre Soljenitsyne, Éd. Fayard, 183 pages, 20 euros.
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Journaliste, chroniqueur
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Encore raté, les Américains aiment toujours Trump
A mi-mandat, il est bien moins affaibli que ne l'espéraient les médias
 - 8 novembre 2018

Malgré l’opposition frontale de la plupart des médias, Donald Trump a fait mieux que limiter les dégâts lors des élections de mi-mandat: si la Chambre des représentants penche, comme attendu, du côté démocrate, les Républicains renforcent, eux, leur majorité au Sénat. 

Donald Trump est une personnalité particulièrement clivante. Mais c’est bien son parcours, sa philosophie générale et sa conception de l’action politique qui ont fait apparaître au grand jour un clivage planétaire préexistant, qu’il n’a pas créé mais simplement catalysé. L’acharnement hystérique des médias, du show-biz, de la bienpensance sociétale urbaine, d’une partie de la finance, du clan Clinton contre Donald Trump ont été vains. Les élections de mi-mandat, du 6 novembre dernier, aux Etats-Unis ont encore décanté la scission de la société américaine entre deux conceptions du monde et de l’homme.
Ils ont pourtant tout tenté…
Si Donald Trump va devoir s’attendre à de nouvelles tracasseries de la part d’une Chambre des représentants qui, lui étant désormais défavorable, multipliera les enquêtes à son sujet et sur son administration, freinant un peu son action, le dernier mot sera, comme la Constitution américaine le prévoit, au Sénat qui, à la fin décide de tout, y compris des nominations des juges fédéraux et de la Cour suprême. Or, les Républicains tendance Trump y seront désormais plus majoritaires que prévu. Débarrassé de sa caste patricienne, le « Grand old party », étonnamment devenu populaire ou populiste, sera trumpiste. Et les Démocrates vont s’enfermer dans l’acrimonie sociétale (leur partition habituelle et seule possibilité), suivis en cela par une partie des médias.
Le sénateur du petit Vermont Bernie Sanders, à peine réélu, a déjà donné le « la » : une charge violente contre le président, ce « menteur pathologique » aux « politiques racistes ». Rien sur le fond et les sujets majeurs de l’économie, de la fiscalité, de l’emploi, de l’immigration. Or les médias (principalement le New York Times et CNN) ont perdu leurs paris électoraux et politiques douteux et n’ont pas gagné celui des « midterms ». Leur mauvaise foi a été constante et sidérante : ils ont inventé des faux scandales, rêvé de destitution, raillé toute la famille présidentielle et s’en sont même pris au jeune fils timide, Barron Trump, 12 ans. L’évolution phraséologique des Démocrates va probablement se gauchiser et se communautariser. Comme en France. On ne parlera plus des Etats-Unis, de l’intérêt national, de l’emploi, de la paix mais des femmes, des noirs ou des latinos, de l’écologie, des gays et lesbiennes. Ces Démocrates-là discréditeront leur parti et leur stratégie de gêne maximum au président à la Chambre des représentants pourrait contribuer à la réélection de Donald Trump en 2020.
Vulgaire mais efficace
Mais voilà, ce président hors norme, sans doute vulgaire et imprévisible, habitué des spectacles de télé, des matchs de catch et des explications houleuses avec les corps de métier sur ses chantiers immobiliers, capable d’auto dérision et d’aveux sur sa jeunesse scabreuse, ce macho assumé, à l’ancienne, a tout réussi… Sur le plan politique : se faire élire, placer ses gens dans tous les postes importants et à la Cour suprême. Et, dans la nuit de mardi à mercredi, il a limité les dégâts aux élections de mi-mandat que la plupart des sondeurs prédisaient ravageuses pour lui. Sur le plan du commerce international, il a mis fin aux accords transpacifiques, mis au pas l’Europe, la Corée du Sud, a renégocié le Tafta en tordant les bras du Mexique puis du Canada, et s’est fait procureur contre le multilatéralisme défendu par Emmanuel Macron et Jean-Claude Junker. Car, pour Donald Trump, le multilatéralisme oblige les nations à faire ce que leurs peuples ne veulent pas… Bientôt, inexorablement, la Chine sera contrainte de renégocier ses politiques : monétaire, sur-exportatrice, de propriété intellectuelle. Il est imaginable qu’elle devra aussi revoir son attitude sur les droits de l’homme (des millions de prisonniers politiques) et réduire son arrogante expansion géostratégique et militaire.
En politique étrangère, Donald Trump a réalisé un étonnant déblocage historique en Corée du Nord, pays jusque-là tenu par la Chine dans une situation de menace larvée pesant sur l’Asie. Il a mis l’Iran dans une situation économique, et donc politique, fragile car il ne veut pas que le régime islamiste des mollahs dispose de la bombe atomique. Il a aussi mis en application une très vieille décision du Congrès de 1995 : transférer l’ambassade américaine en Israël à Jérusalem, tout en laissant entendre que si les Palestiniens devenaient une entité politique pacifique ils pourraient implanter leur capitale à Jérusalem Est… Il a également relancé l’industrie américaine en abaissant les impôts, instaurant des droits de douanes sur les importations déloyales (de Corée, de Chine et, un temps, d’Europe), ce qui a encouragé la relocalisation des productions. Il a lancé d’énormes commandes militaires ou des grands chantiers. Il a traqué le travail au noir des clandestins et l’immigration économique sauvage, au point que le taux de chômage est descendu très bas (3,9 %). Certes il a déchiré l’accord de Paris sur le climat ; et l’état de santé des citoyens américains, notamment celui des plus pauvres, n’est pas bon.
Donald Trump, révélateur des maux de la planète
Quoi qu’il en soit, après son succès relatif aux élections de mi-mandat, il convient à présent de se demander ce que va faire Donald Trump pendant les deux ans qui vont suivre. C’est très facile : Donald Trump écrit et dit ce qu’il fera, puis il le fait. Il sera d’autant plus encouragé à le faire que ses conceptions politiques et économiques trouvent des échos partout dans le monde : en Russie, au Brésil, en Europe (Royaume Uni, Italie, Pologne…) et même en Afrique. Ces conceptions se résument en quelques maîtres mots : l’intérêt national avant tout ; l’action énergique sur le réel ; la négociation carotte-bâton sur tout. En somme, du gros bon sens musclé.
En ce qui concerne l’économie, les résultats des Etats-Unis ne seront confirmés que si l’industrie est capable de compenser la chute des importations depuis la Chine. Et si le déficit budgétaire est corrélativement diminué par l’augmentation du PIB dû à cette relance, à la fois par l’offre et par la demande. L’enjeu est non seulement interne mais international car la politique offensive de l’administration Trump contre la mondialisation et l’OMC est si brutale que cette dernière peut disparaître en tant que telle. Par-delà, c’est toute une conception des relations internationales, dite multilatéraliste, qui est soudain remise en cause. Avec des effets collatéraux attendus sur la politique intérieure chinoise et sur les fondations fissurées du système bruxellois.
Une autre question majeure devient désormais centrale : la question démographique et donc migratoire. Quand Donald Trump est né, la planète comptait deux milliards d’habitants ; elle en supporte dorénavant plus de sept. Les vagues migratoires incontrôlées, les atteintes à l’environnement en sont les conséquences directes, ainsi que des guerres et des tensions interethniques et religieuses dramatiques.
Enfin, sur les plans géostratégique et militaire, Donald Trump veut en finir avec la guerre froide et donc avec l’outil coûteux qui avait été édifié pour y faire face dans le contexte des années 50 : l’OTAN. Il voudra probablement faire un nouveau Yalta avec Poutine, pacifier la question ukrainienne (il a, par sa femme et son fils, un tropisme slave), transférer le coût de fonctionnement de l’OTAN à ses alliés européens et, avec la récupération de ce budget improductif, redonner une avance technologique à l’armée américaine, ce qui relancera au passage son industrie militaire.
Avec ses excès et ses foucades, Donald Trump est un révélateur des maux de la planète. Et il y apporte ses solutions : la liberté des nations. Ces solutions marchent aux Etats-Unis. Et cela va contraindre nos falots politiciens à s’adapter au monde nouveau qui vient. Ou à remballer leur camelote idéologique, et partir.


A l’école, la violence contre les profs ne vient pas que des élèves
Elle est aussi le fait de l'Education nationale envers les professeurs
 - 8 novembre 2018
Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer en visite dans un collège de Laval, le 3 septembre 2018. ©LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

On parle enfin de la violence dont sont victimes les professeurs de la part de certains élèves. C’est bien, mais ces derniers ne sont pas les seuls à faire pression sur le personnel des écoles…

Education, la parole se libère. C’est formidable. Il y a quelques mois nous sortions du déni sur l’antisémitisme et depuis, ça va beaucoup mieux. Tous les espoirs sont donc permis d’une action efficace une fois les geysers émotionnels retombés. Tous les enseignants devraient vraisemblablement bientôt trouver dans leur boîte mail académique, une vidéo de leur ministre, qui, le regard profond et habité plongé droit dans le leur, affirmera qu’il leur fait confiance et les soutient. Que peut-il faire d’autre ? Un homme seul, ou presque, peut-t-il parvenir à changer une culture d’entreprise ? Nous voici au cœur du problème : ce sont autant les politiques successives que les pratiques managériales en vigueur dans l’Education nationale qui l’ont amenée à ce degré de délabrement. Et en matière de culture d’entreprise dévastatrice, le monde de la maternelle et de l’élémentaire, le plus silencieux, est un cas d’école.
Donne-moi ta main… et prends la mienne
Bien sûr, ici comme dans le secondaire, il y a cette omerta face aux faits de violence dont les journaux se font largement l’écho ces jours-ci, avec les mêmes origines : pression de la hiérarchie, peur du jugement des collègues, autocensure, adhésion de certains à l’idéologie de l’excuse et même peur physique des représailles. Mais il y a bien plus : en raison de l’organisation des écoles, les occasions de maltraitance envers les enseignants sont démultipliées et ne viennent pas uniquement de la part d’élèves turbulents ou agressifs, mais aussi de leur hiérarchie.
Pour comprendre la situation, il faut savoir qu’un directeur n’est pas, comme un proviseur ou un principal de collège, un chef d’établissement. Il n’a donc aucun pouvoir hiérarchique sur les membres de son équipe, il n’est que l’un d’entre eux et assume souvent un temps de classe en plus de sa fonction de direction. Il ne dispose d’aucune aide administrative, puisqu’en ces temps de vaches maigres, les rares contrats aidés ont été supprimés à la rentrée 2017, au motif que, selon le ministère « des actions sont menées pour alléger les tâches administratives des directeurs. Le recours à l’informatique y contribue » (Réponse ministérielle à Dimitri Houbron, député LREM du Nord)L’intégralité des consignes ministérielles doit donc être absorbée par le directeur et les enseignants.
C’est cette spécificité qui va permettre de maximiser l’impact de deux techniques  de management dévastatrices, maniées avec art par la hiérarchie : l’injonction paradoxale et le principe de l’avalanche.
Va à droite et en même temps à gauche
L’injonction paradoxale consiste à transmettre deux obligations ou injonctions contradictoires, qui, s’interdisant mutuellement, induisent une impossibilité logique à les exécuter. Les exemples foisonnent. Exiger que l’on aille ouvrir un portail, situé à l’autre bout de l’école, à tout parent emmenant son enfant en retard, tout en interdisant de laisser sa classe sans surveillance. Demander d’organiser des cachettes pour le confinement en cas d’attaque terroriste mais exiger l’approbation du texte qui explique où elles se trouvent en conseil d’école, devant des parents élus dont on ignore si, investis d’une mission de transmission, ils ne diffuseront pas l’information via les outils numériques. Donner la consigne de s’entraîner aux évacuations incendie, mais ne pas former les enseignants au maniement des extincteurs. Prévoir dans les textes un coin-parents ouvert à tous, même à ceux éventuellement fichés S et faire respecter le plan Vigipirate…
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas…
A cela s’ajoute le principe pervers de l’avalanche. Les cadres de l’institution sont parfaitement conscients que bien des missions demandées au personnel des écoles sont irréalisables. Leur souci est donc double : assurer malgré tout la transmission de l’ordre qui vient d’en haut mais éviter qu’une question embarrassante ne remonte, où que parfois, un outil utile à sa défense ne tombe aux mains d’un fonctionnaire et qu’il n’en fasse usage. L’avalanche est alors la solution. Il faut avoir, une fois, ouvert un courrier venant d’une inspection académique pour prendre la mesure de la perversité de l’acte : multiples pièces jointes, contenant des liens, ouvrant sur d’autres liens. Erratum. Envoi différé de pièces complémentaires. Désinhibée par l’absence de frais de port, l’administration se lâche. Tout est bon pour submerger le destinataire et lui faire endosser toutes les responsabilités en douce : il est informé, il sait. S’il faillit, c’est qu’il n’a pas accompli correctement la mission dont on l’avait chargé, il est donc le seul fautif car nul n’est censé ignorer la parole de la hiérarchie.
Enseignants sans défense
C’est aussi grâce à cette méthode que les cadres sont parvenus, jusqu’à ce jour, à priver les enseignants d’un important moyen de défense : le C.H.S.C.T. et le registre santé et sécurité au travail. Les missions du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (C.H.S.C.T.) sont de contribuer à la protection de la santé physique et mentale, à la sécurité des salariés, à la prévention, à l’amélioration des conditions de travail et d’assurer une veille sur l’observation des prescriptions légales prises dans ce domaine par l’employeur. Le registre santé et sécurité permet à tout personnel ou usager de signaler une situation qu’il considère comme anormale ou dangereuse, il assure la traçabilité de la prise en compte du problème, conserve l’historique et permet éventuellement sa remontée au C.H.S.C.T..
La place des incidents recensés par le hashtag #PasDeVague est avant tout dans ces registres dont la plupart des professeurs des écoles ignorent l’existence. Tout comme l’est celle de tous les faits qui sont de nature à mettre en danger la santé physique et mentale du personnel : agressions et violences des élèves ou des parents, agressivité verbale répétée d’un inspecteur, manque de personnel formé aux gestes de premiers secours, risques psychosociaux liés aux mauvaises conditions de travail, inadaptation des locaux à la mise en œuvre du Plan particulier de Mise en Sécurité face aux risques d’intempérie ou d’intrusion… L’Education nationale n’a pas su ou voulu mener une campagne volontariste concernant l’accès à ce moyen d’institutionnalisation de la demande d’aide face aux difficultés. Les syndicats, englués dans une culture de la cogestion, n’ont pas su se saisir de cet outil dont leurs homologues des grandes entreprises, plus combatifs et innovants dans les moyens de lutte,  font usage depuis longtemps.
Des paroles et des actes ?
L’effet lampe torche du hashtag #PasDeVague ne doit pas rejeter dans l’obscurité qui règne en dehors du halo, le fait que la violence n’est  pas seulement celle des élèves mais aussi celle de l’institution qui refuse de donner les moyens d’agir et de se protéger à son personnel et le bâillonne. L’action de Jean-Michel Blanquer ne sera complète et crédible que si, au-delà de sa volonté de rétablir l’ordre dans les établissements, il manifeste, par des actions concrètes, celle de redonner la parole sur leurs difficultés aux enseignants.  L’instauration d’une médecine du travail et la mise en fonctionnement effective d’outils institutionnels de dialogue tels que le C.H.S.C.T. seraient un minimum.
Enfin, une rupture dans l’usage dévastateur de la communication et des éléments de langage à double tranchant serait aussi un signe fort. Le ministre ne peut ignorer que les visites Potemkine dans des établissements soigneusement sélectionnés par ses équipes ont autant vocation à redorer le blason de l’Education nationale qu’à faire la leçon à l’ensemble de la profession. Cette méthode du « Regardez, eux ils y arrivent », déconnectée de toute analyse d’une réussite qui n’est peut-être due qu’à des paramètres conjoncturellement favorables, relevant de l’exception, est, elle aussi, destructrice. Tout comme l’est l’insidieuse injonction du slogan ministériel « école de la confiance » qui comporte sa part de « Ne trahissez pas celle que je mets en vous » et de « Débrouillez-vous, je ne veux rien savoir ».
Il y a donc beaucoup à faire. Au fil des décennies, management pathogène et plan de communication sont venus s’ajouter à une gestion comptable de l’Education nationale. Le hashtag #PasDeVague est une soupape éphémère et les solutions proposées par Jean-Michel Blanquer, contraint par un contexte gouvernemental très « start up nation », se limitent à la question de la violence des élèves. Mais ne soyons pas dupes, le mal est plus profond.


Trump, fort comme un éléphant - Le président Trump accroît sa mainmise sur le Sénat
 - 8 novembre 2018
Donald Trump. Sipa. Numéro de reportage : AP22268770_000112.

Malgré la conquête démocrate de la Chambre des représentants, le président Trump accroît sa mainmise sur le Sénat. Sa politique économique, à l’origine de l’embellie des bourses américaines, n’est donc plus menacée.

Sur le papier, le Parti républicain a subi une défaite relativement lourde à la Chambre des représentants, mardi soir. Depuis novembre 2016, les Républicains détenaient 241 sièges contre 194 sièges pour les Démocrates. En remportant 34 sièges et en n’en perdant qu’un seul (conformément à ce qu’avaient annoncé les instituts de sondage !), les Démocrates reprennent donc le contrôle de la Chambre avec 227 sièges, soit 9 de plus que la majorité de 218, contrôle qu’ils avaient perdu depuis les élections de mi-mandat de Barack Obama de novembre 2010 et qu’ils n’avaient jamais pu reprendre depuis lors.
Un Congrès traditionnellement républicain
En réalité, ces vingt-quatre dernières années, les Républicains auront contrôlé la Chambre pendant vingt ans. Les Démocrates n’ont eu la majorité à la Chambre que de novembre 2006 à novembre 2010. Cette période correspond aux élections de mi-mandat du second mandat de George W. Bush (ce dernier ayant été sanctionné par les électeurs en raison du fiasco de la guerre en Irak) et aux élections de novembre 2008 qui ont vu l’élection de Barack Obama. La gauche américaine vient donc de mettre un terme à huit années de contrôle Républicain de la chambre basse du Congrès.
A y regarder de plus près, les prédécesseurs de Donald Trump n’ont guère fait mieux. Traditionnellement, aux Etats-Unis, le parti qui remporte les élections présidentielle et législatives perd systématiquement les élections de mi-mandat. En moyenne, depuis le début du XIXe siècle, le parti au pouvoir a perdu 30 sièges à la Chambre et 6 sièges au Sénat. En dépit de son implication personnelle prégnante au cours de cette campagne électorale, Donald Trump n’aura pas réussi à créer la surprise en renversant l’histoire, tout au moins s’agissant de la Chambre des représentants, la perte de 33 sièges correspondant peu ou prou à la moyenne de ses prédécesseurs illustres.
Les Républicains confortés au Sénat
Concernant le Sénat, la performance fut au rendez-vous. Avec seulement un sénateur sortant perdu (dans le Nevada, où le candidat républicain fut un temps publiquement opposé à Donald Trump), 7 Sénateurs sortants réélus (dont notamment Martha McSally, ancienne Colonel de l’armée de l’Air, élue en Arizona et Ted Cruz au Texas au soir d’une bataille épique contre O’Rourke, une étoile montante Démocrate qui sera probablement l’un des prétendants à gauche pour la présidentielle de 2020) et surtout avec 4 Sénateurs élus contre des sénateurs démocrates sortants (dans le Dakota du Nord, en Floride, dans l’Indiana et dans le Missouri), le Parti républicain accroît sa majorité de 51 à 55 Sénateurs, contre 45 Sénateurs Démocrates. Dans la plupart de ces états clefs, la victoire s’est jouée à un fil. La gauche n’a pas été loin d’emporter également la majorité au Sénat. En tout état de cause, Donald Trump peut affirmer avec fierté que chacun des candidats qu’il est allé personnellement encourager en organisant des tonitruants MAGA Rallies(« Make America Great Again »), a finalement été élu. Depuis 1934, le parti du président nouvellement élu a augmenté seulement à quatre reprises le nombre de sénateurs aux élections de mi-mandat.
Du reste, il est assez rare que des élections de mi-mandat aboutissent à une majorité différente dans chacune des deux chambres du Congrès (« split verdict »). La dernière fois fut en 2010 lorsque le parti de Barack Obama perdit la majorité à la Chambre des Représentants et conserva de justesse la majorité au Sénat (en ayant perdu tout de même 6 Sénateurs !). Les électeurs ont donc renvoyé mardi soir une majorité démocrate à la Chambre mais ils ont refusé d’accorder cette majorité au Parti démocrate au Sénat, sans doute effrayés par le comportement des Sénateurs de gauche pendant les auditions du mois d’octobre dernier du candidat Brett Kavanaugh au poste de juge à la Cour suprême.
Aucune loi majeure ne sera adoptée 
D’un point de vue législatif, cette distorsion de majorité constitue la garantie qu’aucune loi majeure ne sera adoptée pendant les deux ans qui viennent, la Constitution prévoyant que les deux chambres doivent se mettre d’accord sur un texte commun (“Legislative Gridlock”). En tout état de cause, les commentateurs soulignent qu’il était bien plus important pour Donald Trump et les Républicains de conserver le Sénat plutôt que la Chambre dans la mesure où le Sénat seul approuve non seulement les traités internationaux mais aussi les nominations des membres du gouvernement, des juges fédéraux et des membres de la Cour suprême. Le président a déjà nommé 82 juges fédéraux depuis son élection et a remplacé 2 juges sortants de gauche à la Cour suprême, la majorité droite/gauche étant désormais établie à 5 contre 4 au sein de la Cour suprême ; les Démocrates prient tous les soirs que leurs 4 juges restent en bonne santé au cours des deux années à venir ! Donald Trump ne s’y était pas trompé puisqu’il a clairement axé sa propre campagne des deux dernières semaines autour du Sénat. Le président, qui a vu dans cette soirée électoral « un énorme succès » va donc pouvoir poursuivre à la fois la transformation profonde du tissu judiciaire américain entamée depuis janvier 2017 ainsi que son agenda international.
Pas de destitution en vue
Enfin, la droite a réussi à limiter les dégâts s’agissant de l’élection des gouverneurs. Avant l’élection de mardi soir, seuls 16 gouverneurs sur 50 étaient démocrates, ce qui était un record historique. Au lendemain de l’élection, où seulement 36 des 50 gouverneurs étaient en lice, la gauche a réussi à prendre 7 gouverneurs à la droite (dont le Kansas, à 100 voix près !). La gauche rééquilibre les comptes mais reste minoritaire et compte désormais 23 gouverneurs contre 27 gouverneurs de droite. La droite l’a notamment emporté en Floride, en Géorgie et dans l’Ohio, au soir de batailles très serrées contre des stars montantes du Parti démocrate ainsi que dans des états traditionnellement à gauche comme le Massachusetts, le New Hampshire ou le Vermont. Les victoires dans des Etats comme l’Ohio ou la Floride sont de bon augure en préparation de l’élection présidentielle de 2020, ces deux états étant traditionnellement cruciaux pour la victoire à la présidentielle.
La vague démocrate tant annoncée par les élites et les médias n’a donc pas déferlé lors de ces élections de mi-mandat, qui auront été les plus chères de l’histoire des Etats-Unis (5,2 milliards de dollars ont été dépensés au total par les deux camps). Lors de leur séance du lendemain, mercredi 7 novembre 2018, les marchés financiers ont d’ailleurs applaudi le fait que la gauche ne remporte pas les deux chambres du Congrès par des gains des indices de plus de 2 %. La droite ayant conservé et même renforcé sa majorité au Sénat, les marchés ont désormais l’assurance qu’une procédure de destitution (impeachment) n’aboutira pas contre le président. Il est aussi acquis que la réforme fiscale de Donald Trump – qui a été à l’origine de la montée de 35 % de la bourse de New York depuis son élection – ne sera pas remise en cause par le Congrès.



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