lundi 23 octobre 2017

Actualités islamisme et politique 17.10.2017

Pascal Gastineau: «La fronde des policiers des “stups” constitue une atteinte à l'État de droit » (18.10.2017)
«120 millions d'euros débloqués pour protéger les villes du terro­risme» (17.10.2017)
Baisse du niveau en maths : Cédric Villani appelé à la rescousse (18.10.2017)
Les mensonges en série de la mère des frères Merah (18.10.2017)
Madagascar, nouvelle terre de conquête des islamistes (19.10.2017)
Ivan Krastev : «La crise des migrants est le 11 Septembre de l'Europe» (19.10.2017)
Mineurs étrangers : Édouard Philippe promet de soulager les départements (19.10.2017)
Un détenu condamné à deux ans de prison pour avoir menacé Hollande et Valls (19.10.2017)
Suède : explosion devant un commissariat (18.10.2017)
Logements de colons : l'UE veut qu'Israël "reconsidère" ses projets (18.10.2017)
Treize attentats déjoués en France depuis le début de l'année (18.10.2017)
La loi antiterroriste définitivement adoptée (18.10.2017)
Immigration : ferme dans les mots, Macron est attendu sur les actes (18.10.2017)

Voir aussi :




Pascal Gastineau: «La fronde des policiers des “stups” constitue une atteinte à l'État de droit » (18.10.2017)



Mis à jour le 18/10/2017 à 09h55 | Publié le 17/10/2017 à 19h46

INTERVIEW - Pour le président de l'Association française des magistrats instructeurs, la réaction des policiers est ni plus ni moins qu'une grève des investigations, un acte de défiance et de résistance illégitime.

LE FIGARO. - A-t-on déjà assisté à pareille action?

Pascal GASTINEAU. - Ce mouvement est inédit. C'est la première fois que des policiers décident de façon collective de ne plus exécuter des commissions rogatoires qui leur sont adressées par des juges d'instruction. Il s'agit d'une réaction de défiance et de résistance illégitime à l'égard de l'institution judiciaire. Certes, les juges n'ont pas de pouvoir hiérarchique sur les enquêteurs, mais ces derniers doivent exécuter leurs directives. Ce mouvement est d'autant plus choquant que ces commissions rogatoires, qui contiennent ces directives et qui détaillent les missions à venir, sont l'expression d'une coopération intelligente et fructueuse entre enquêteurs et magistrats.

Concrètement, quelles sont les conséquences de ce mouvement?

Ce mardi matin, des magistrats ont été choqués de se voir retourner par courriel leur commission rogatoire. Des enquêteurs qui avaient été désignés par leur supérieur pour intervenir dans une affaire ont, de cette manière, fait savoir qu'ils ne feront rien. Clairement, ils font la grève des investigations. Cette fronde constitue une atteinte à l'État de droit. Il est à craindre que les premiers à profiter de cette situation soient les personnes mises en cause dans diverses affaires et visées par ces enquêtes.

«Il est à craindre que les premiers à profiter de cette situation soient les personnes mises en cause dans diverses affaires et visées par ces enquêtes»

Ce mouvement peut-il faire boule de neige?

Je ne le pense pas. À ce jour, il vise la dizaine de magistrats spécialisés dans les affaires de stupéfiants au sein de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Paris. Mais ce mouvement n'est pas avalisé par la hiérarchie policière. En conséquence, nous attendons que celle-ci réagisse. Nous attendons aussi une intervention du parquet.

Mais pouvez-vous comprendre néanmoins le message qui est adressé?

Les policiers invoquent l'incertitude et l'insécurité que provoque l'analyse fluctuante des juges sur leurs méthodes de travail, pourtant éprouvées. Certains magistrats vont légitimer leur manière d'agir, quand d'autres refuseraient, selon les policiers, de les valider et les condamneraient. Tout d'abord, il est inimaginable de penser que ces mises en examen, visant aujourd'hui des enquêteurs, soient prononcées aléatoirement, selon une doctrine fluctuante. La mise en examen vise des personnes et des faits précis qui sont reprochés. Ensuite, si ces mises en cause sont contestées, il existe des voies de recours. Il est choquant de voir que des fonctionnaires, dont le métier est de faire respecter la loi, décident de s'en affranchir. Au lieu d'utiliser des moyens légaux, ils engagent un bras de fer avec les juges en recourant à des moyens de pression choquants.

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«120 millions d'euros débloqués pour protéger les villes du terro­risme» (17.10.2017)


Mis à jour le 17/10/2017 à 20h57 | Publié le 17/10/2017 à 18h31

INTERVIEW - Le britannique Julian King est le commissaire européen à la Sécurité, chargé notamment de la lutte contre le terro­risme. Pour lui, « l'Europe ne doit pas remplacer les États membres, mais mieux les soutenir et les aider ».

LE FIGARO. - Pourquoi proposer ces nouvelles mesures antiterroristes?

Julian KING. - D'abord pour tirer les leçons de la série d'attaques terroristes que nous venons de vivre, de ce terrorisme «low-cost» où agissent des groupes organisés, comme celui de Barcelone, mais aussi de simples individus. Daech sera probablement défait. Cela signifiera la fin du califat, mais pas celle de l'État islamique, ou quel que soit son nom demain. Son idéologie progresse, car il a créé une «franchise terroriste» plus efficace qu'al-Qaida. Face à cette propagande, à ce terrorisme low-cost et individuel, il nous faut penser autrement.

Comment lutter contre cette «franchise»?

«L'idéologie de Daech pro­gresse, car il a créé une “franchise ­terroriste” plus efficace qu'al-Qaida.»

En renforçant d'abord la lutte contre la propagande, la radicalisation en ligne. L'Europe a un vrai rôle à jouer. Il faut coopérer avec les grands opérateurs, les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon), mais aussi avec les «petits». Nous sommes en relation avec une cinquantaine de plateformes, et il faut encore élargir cette coopération. On stoppe des dizaines de milliers de contenus, supprimés la plupart du temps. C'est trop peu et trop long. Il faudrait traiter des centaines de milliers de contenus, et les premières heures après la mise en ligne sont les plus importantes. Nous demandons aux opérateurs de supprimer les contenus de façon automatique. Si les discussions n'ont pas avancé fin 2017, nous pourrions légiférer en 2018. Sur un principe très simple: ces contenus sont illégaux sur le plan européen et sur le plan national. Aux opérateurs de faire leur devoir et de les supprimer sous peine de sanction.

Après Nice, Berlin, Barcelone, vous insistez sur la protection des espaces publics…

La première des réponses à ces terroristes qui foncent dans la foule est de renforcer la protection des espaces publics. L'Europe y contribue, en relation avec les États membres, mais aussi avec les autorités régionales et municipales. Nous avons débloqué 20 millions d'euros d'ici à fin 2017 pour financer des équipements de protection (plots, barrières…) et 100 millions d'euros supplémentaires pour 2018. Nous pouvons aussi aider à la réalisation d'études, à l'échange des expériences de villes comme Londres ou Paris, à la création de réseaux d'experts. La lutte contre le terrorisme islamiste sera longue et il faut nous y préparer.

«Nous savons que l'organisation transfère actuellement des fonds à l'extérieur du califat pour financer le terrorisme»

Comment gêner l'État islamique dans sa préparation de l'«après Daech»?

En visant les financements. Nous savons que l'organisation transfère actuellement des fonds à l'extérieur du califat pour financer le terrorisme. Pas uniquement en Europe, mais aussi pour continuer la lutte ailleurs. La lutte contre le microfinancement est donc vitale. Les cellules de renseignement financier fonctionnent bien et la coopération entre les autorités nationales peut nous aider à mieux localiser les informations financières sur les individus suspects, où qu'ils se trouvent. Nous ferons des propositions supplémentaires d'ici à la fin 2017.

L'après-Daech, c'est aussi la question des «revenants»…

Les États membres de l'Union ont si­gnalé à Europol 8000 «revenants» potentiels, hommes, femmes et enfants, avec un lien en Europe.

Les États membres de l'Union ont signalé à Europol 8000 «revenants» potentiels, hommes, femmes et enfants, avec un lien en Europe (famille, amis, contacts). Au passage, la communication de ces données à Europol est un succès et aide à renforcer nos frontières extérieures. Cela dit, et je ne néglige pas la menace, il n'y aura probablement pas des milliers de revenants. Il y a des morts, des individus partent vers d'autres terres de djihad (Afghanistan, Asie du Sud-Est, Maghreb…), ce qui pose un autre problème. Mais l'Europe fera face au retour des «non-combattants», comme les femmes ou les enfants.

Qu'en est-il du Passenger Name Record, le fichier sur les passagers aériens dont on parle depuis tant d'années?

Sept États sont prêts. D'autres presque prêts. Dix sont en revanche un peu en retard, et nous les encourageons, quasi quotidiennement, à mettre en place les lois et les dispositifs pratiques, coûteux mais nécessaires. L'aide apportée par les États les plus avancés aux États les moins avancés peut être extrêmement utile. Les États membres doivent avoir transposé le textedans leur législation nationale d'ici à mai 2018.

Que pensez-vous des récentes propositions du président Macron sur l'Europe du terrorisme?

Sur le parquet européen, c'est une excellente proposition. Il faut d'abord renforcer le parquet tel qu'il existe. Mais je suis favorable à ce qu'il puisse aussi jouer un rôle contre le terrorisme.
Sur l'Académie européenne du renseignement, c'est aussi une bonne idée. Nous avons déjà un collège européen de police (Cepol), installé à Budapest. Les services de police disent que c'est très utile d'avoir un lieu de partage, où on peut échanger les savoir-faire, les méthodes. Si c'est la même idée sur le renseignement, il faut le faire.

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Rédacteur en chef adjoint, service Société

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Baisse du niveau en maths : Cédric Villani appelé à la rescousse (18.10.2017)


Mis à jour le 18/10/2017 à 19h54 | Publié le 18/10/2017 à 19h36

Devant les mauvais résultats des élèves français, le ministre de l'Éducation lance une réflexion chapeautée par le mathématicien, qui est aussi député LREM dans l'Essonne.

Après la lecture, les mathématiques. Le ministre de l'Éducation lance une réflexion chapeautée par le célèbre mathématicien français Cédric Villani, médaillé Fields et désormais député LREM dans l'Essonne. Avec des préalables clairs. À l'instar de la lecture, pour laquelle Jean-Michel Blanquer recommande des méthodes «de type syllabique et non globale», ce sont vers les pédagogies dites «explicites» qu'il penche, également, pour l'enseignement des mathématiques. Adepte de neurosciences, le ministre est largement séduit par la célèbre «méthode de Singapour», qui a placé le petit pays d'Asie au sommet du classement international Pisa 2016, en mathématiques et en sciences. Quand la France arrive en 26e  position. En quoi consiste-t-elle? «Un mélange de tout ce qui marche», des pédagogies traditionnelles à Maria Montessori, résument souvent les enseignants qui, en France, ont fait le choix de l'adopter dans leur classe. Le concept? Partir du concret et de la manipulation pour aller progressivement vers l'abstrait et former au raisonnement mathématique. Les élèves français ne butent-ils pas, précisément, sur la résolution de problèmes et la compréhension des situations mathématiques? Une situation démontrée par les études successives.

Outre Pisa qui porte sur les élèves de 15  ans, la dernière enquête Timm's, qui mesure les performances des élèves de CM1, a classé la France bonne dernière des pays européens, derrière Chypre. Un écolier français sur huit ne maîtrise pas les compétences élémentaires (contre un sur vingt en moyenne en Europe), alors même que le volume horaire dédié à la discipline est plus important dans l'Hexagone qu'ailleurs! Un constat alarmant qui interroge directement la pratique des enseignants.

Quelles pistes aujourd'hui pour permettre à la France de relever la tête dans cette discipline clé pour le pays? En septembre, le ministre Blanquer a annoncé vouloir avancer l'apprentissage des quatre opérations mathématiques au CP et CE1, comme le prévoit d'ailleurs la méthode de Singapour. Le but est, explique-t-il, d'«acquérir ces automatismes cognitifs très jeunes». Il se réfère une fois de plus aux neurosciences. Lesquelles constatent que «les nombres sont des intuitions primitives que notre architecture cérébrale rend inévitables», écrit Stanislas Dehaene, dans son ouvrage La Bosse des maths(Odile Jacob).

Dans certaines écoles, il n'est pas rare qu'un élève soit confronté, en fonction du maître de l'année, à différentes méthodes d'apprentissage de la soustraction…

Mais pour faire évoluer la pédagogie, il faudra se pencher sur les pratiques des enseignants. Et fixer un cap, en prenant soin de ne pas remettre en cause leur sacro-sainte «liberté pédagogique». Dans certaines écoles, il n'est pas rare qu'un élève soit confronté, en fonction du maître de l'année, à différentes méthodes d'apprentissage de la soustraction… Parmi les enseignants les plus anciens, beaucoup ont été formés aux pédagogies dites «implicites», selon lesquelles l'enfant doit «construire son propre savoir». Quant à l'actuelle formation des enseignants, elle est jugée insatisfaisante, car trop courte et déconnectée. Ajoutons à cela que l'écrasante majorité des professeurs des écoles (les deux tiers) ont suivi une formation littéraire et que le Capes de maths peine à attirer des candidats, et l'on comprend l'ampleur du problème. En France, alors que les mathématiques restent la discipline de sélection via la voie S, seuls 43 % de ces bacheliers poursuivent, dans le supérieur, des études scientifiques. Ils étaient 61 % il y a vingt ans. La France, pays des médailles Fields, aurait-elle perdu le goût des maths?

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Les mensonges en série de la mère des frères Merah (18.10.2017)



Mis à jour le 18/10/2017 à 21h44 | Publié le 18/10/2017 à 20h02

VIDÉO - Appelée à témoigner ce mercredi au procès de son fils, Zoulikha Aziri assure qu'Abdelkader est allé en Égypte «en vacances» et ne parlait «jamais» d'islam radical à la maison.
Interrogée pendant deux heures fastidieuses par le président, Zoulikha Aziri n'a probablement jamais livré une réponse qui corresponde à la vérité. Mais que peut-on attendre de la mère de Mohamed Merah, le tueur islamiste de Toulouse, et de son frère Abdelkader, au procès de ce dernier pour complicité?

La vie de Mme Aziri a déjà été largement évoquée, puisque sa biographie recoupe celle de ses enfants. On sait que, née en Algérie et arrivée en France en 1981, très peu éduquée, elle a subi les violences de son mari puis de ses trois fils - Abdelghani, Abdelkader et Mohamed. Que le premier a renié sa famille, que le troisième est mort, bref, qu'il ne lui reste plus qu'un garçon. On sait que sa Livebox permettant d'accéder à Internet a été utilisée -mais pas par elle - début mars 2012 dans le cadre de la préparation du premier crime, afin de contacter la victime, le soldat Imad Ibn Ziaten. Qu'elle a su que Mohamed Merah avait séjourné au Pakistan, et qu'Abdelkader était allé parfaire sa connaissance du Coran en Égypte, à l'instigation des têtes pensantes des réseaux djihadistes toulousains: Olivier Corel, les frères Clain et Sabri Essid.

«Tous mes médecins sont juifs»

Que nous dit Zoulikha Aziri? Qu'elle n'a jamais été battue par quiconque. Que c'est elle qui a suggéré à l'accusé d'aller «en vacances» en Égypte, pays où elle n'a jamais mis les pieds et qu'elle a choisi «comme ça». Que pour elle, Olivier Corel, connu par les services antiterroristes comme l'«émir blanc» et claquemuré dans sa ferme d'Artigat, dans le Gers, est «le vieux qui vendait des moutons, on allait en acheter chez lui». Que, certes, son fils Abdelkader, tyran domestique après le divorce de ses parents, lui avait interdit de ramener «un copain» à la maison, mais «il avait raison». Qu'alors que de multiples témoignages le dépeignent comme obnubilé par l'islam radical dès 2006, «il n'en parlait jamais». Le dossier établit que l'accusé a été endoctriné par la bande Corel-Clain, mais elle affirme: «C'est moi qui ai appris la religion à mes enfants.»

« C'est la mère d'un accusé et la mère d'un mort. Entre la justice et son fils, elle a choisi son fils »
Me Dupond-Moretti, avocat d'Abdelkader Merah

Au sujet des vidéos de décapitation que Mohamed Merah avait montrées à un jeune du quartier, traumatisé, la mère s'insurge: «Mon fils m'a dit que c'est lui qui avait demandé à les voir.» Quant à la connexion Internet réalisée via son installation, elle jure que ce soir-là, ni Mohamed ni Abdelkader n'ont utilisé sa box. Le climat antisémite, enfin, dans lequel baignait la famille, selon des témoignages concordants? «Tous mes médecins sont juifs», lance le témoin, qui ajoute que, selon elle, son fils cadet était «fou». Zoulikha Aziri déclare: «Je condamne ses crimes.» Dans la salle, aucun des proches des victimes n'en croit un traître mot.

«C'est la mère d'un accusé et la mère d'un mort. Entre la justice et son fils, elle a choisi son fils», tonne Me Dupond-Moretti, avocat d'Abdelkader Merah, opposant Camus à ses confrères de la partie civile qui bousculent le témoin. Tollé dans la salle. Le frère d'un des militaires assassinés quitte les lieux, dans un flot de larmes et de colère. Le président, dépassé, suspend. Le service d'ordre est renforcé. À quoi d'autre fallait-il s'attendre?

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Madagascar, nouvelle terre de conquête des islamistes (19.10.2017)



Mis à jour le 19/10/2017 à 20h20 | Publié le 19/10/2017 à 19h34

REPORTAGE - Dans l'île majoritairement chrétienne depuis le XIXe siècle, musulmans modérés et acteurs économiques ne cachent pas leur inquiétude face à la propagation sourde de l'islamisme. Ils sont consternés par les progrès du salafisme dans les Comores voisines.
Envoyé spécial à Vohipeno

- Crédits photo : Service infographie Figaro

À première vue, Vohipeno est une pauvre mais charmante bourgade rurale fleurie de bougainvilliers et qui sent bon le clou de girofle, principale production de cette côte sud-est de Madagascar. On la découvre en empruntant vers le sud, de Manakara vers Fort-Dauphin, la route nationale 12, dont les bornes kilométriques rouge et blanc n'ont pas changé depuis l'époque de la colonie française.

Sans électricité, parfois ombragées de palmiers ou de ravenalas («arbres du voyageur», sortes d'éventails géants), les maisons sont toutes en bois, frustes façades délavées par les intempéries. Soudain, en descendant vers la mer, on tombe sur le minaret blanc d'une mosquée défraîchie, auquel est accolé un immeuble tout neuf de béton gris, dans lequel disparaît en nous voyant une furtive silhouette en abaya noire. C'est, à côté de la mosquée de Vatomasina («de la Pierre sacrée»), payée par la Libye de Kadhafi en 1990, la toute nouvelle «École islamique de la réussite». Propre, le bâtiment surplombe de loin un terrain de football municipal poussiéreux, bordé de boutiques branlantes, où des garçons en guenilles, rigolards, slaloment, entre les détritus, derrière un ballon à moitié dégonflé.

Mais, en ce mardi après-midi, il y a des enfants de Vohipeno qui s'amusent moins. Ils sont quarante-cinq garçonnets, de 7 à 14 ans, dans leurs djellabas crasseuses, le bonnet de prière sur la tête, assis en tailleur à même le sol de la grande salle sombre du rez-de-chaussée de l'école islamique, à réciter sans fin, d'une voix étale, des versets du Coran. L'exercice se fait en arabe ou en ourdou, deux langues qu'ils ne comprennent pas. Cela rappelle les madrasas pour garçons pauvres qu'on trouve au Pakistan sur la route entre Islamabad et Peshawar - écoles de lavage de cerveau, d'où sortiront beaucoup de djihadistes. Il n'y a aucune fille dans ces classes coraniques.

Ces garçonnets sont tous des pensionnaires gratuits, confiés en garde par leurs familles, trop pauvres pour subvenir à leurs besoins. Certains sont même venus directement de la rue, où ils mendiaient. «Pour qu'un gosse se convertisse et devienne musulman pour la vie, c'est très simple chez nous. Il suffit qu'il vienne ici, qu'il prenne une douche, et qu'il prononce ensuite la chahada», explique d'une voix douce Nadeem Dolip, Mauricien à la longue barbe noire d'une trentaine d'années, qui dirige la nouvelle institution. La chahada est l'attestation qu'Allah est le seul Dieu qui soit et que Mahomet est son messager.

«Bien sûr que les femmes sont techniquement capables de conduire une voiture ; mais c'est la liberté qui leur est ainsi donnée qui pose problème. Car les femmes ne savent pas bien gérer leur liberté...»
Nadeem Dolip

De la mosquée de Montfermeil à la madrasa de Vohipeno

Nadeem est un vrai missionnaire de l'islam, car il n'est pas d'ici. Mais il a appris la langue malgache. «Pour moi, les choses sont simples. Je suis un serviteur de la Vérité. C'est ma vie. Et il n'y a de vérité que dans le Coran!», dit-il, les yeux brillants d'une sorte de flamme intérieure. Originaire de l'île Maurice, Nadeem est parti faire ses études supérieures en France, et finira par passer une licence de physique des matériaux à Reims. Il fréquente aussi la mosquée de Montfermeil. Il épouse une Kabyle, dont il aura deux filles. Mais le mariage finit par capoter, et il quitte la France amer. Pourquoi jette-t-il alors son dévolu sur ce coin perdu de Madagascar, quels réseaux emprunte-t-il? Mystère… Mais Nadeem n'a pas conservé un bon souvenir du principe d'égalité hommes-femmes que s'efforce de poursuivre la République française. Pour lui, les femmes sont «complémentaires de l'homme ; elles ne sont pas égales à l'homme». Ce jeune directeur de madrasa ne comprend pas la récente décision saoudienne d'autoriser les femmes à conduire: «Bien sûr que les femmes sont techniquement capables de conduire une voiture ; mais c'est la liberté qui leur est ainsi donnée qui pose problème. Car les femmes ne savent pas bien gérer leur liberté…»

En nous enfonçant davantage dans les faubourgs de Vohipeno, nous tombons sur le 4 × 4 Toyota flambant neuf - offert par l'Unicef - du directeur régional de l'Éducation nationale. Homme rond et affable, Henrilys Rakotounarivo est en tournée d'inspection. Il a pour mission de contrôler le contenu de l'enseignement de ces écoles islamiques qui, depuis une dizaine d'années, ont poussé comme champignons après la pluie. Son prédécesseur, Onesi Ratsituvahana, a été limogé l'année dernière, pour avoir programmé, sans autorisation ministérielle, un voyage en Arabie saoudite afin d'y trouver des financements pour les écoles coraniques. Cet incident avait fini par alerter le ministre à Tananarive. Après enquête, il ordonna, en avril 2017, la fermeture de 14 écoles islamiques à travers la Grande île, en raison de l'inanité de leur enseignement général.

«Les prêcheurs islamistes se servent de la pauvreté des populations pour gagner des ouailles»
Henrilys Rakotounarivo

«Les prêcheurs islamistes se servent de la pauvreté des populations pour gagner des ouailles», confie Henrilys. «Ils tablent sur l'accessibilité de leurs écoles: quasi-gratuité et pas de niveau scolaire minimum requis. En échange, ils ne demandent que la conversion à l'islam des élèves. Le port du voile est obligatoire pour les écolières». À Madagascar, les écoles confessionnelles chrétiennes n'exigent pas le baptême pour enrôler les enfants, mais leurs écolages sont supérieurs. Leurs résultats scolaires aussi. Dans la région, leur succès au brevet dépasse un taux de 90 %, tandis que les écoles musulmanes plafonnent à 20-30 %.

En mai 2017, une délégation d'Américains a séjourné à Vohipeno, pour contrôler «l'utilité des infrastructures scolaires subventionnées par l'Unicef». Des agents de la CIA s'étaient-ils glissés dans la délégation américaine? Mystère. Mais ce qui est sûr, c'est qu'elle est venue avec des drones. Le grand journal malgacheL'Express avait titré: «Les Écoles coraniques sous la surveillance des Américains».

Le jeune maire de Vohipeno est musulman, ce qui n'est pas étonnant car la ville est le siège d'une communauté musulmane très ancienne, issue des commerçants venus de Zanzibar. Son parcours est intéressant: il naît dans un milieu paysan et catholique très pauvre ; à l'école, il est très bon élève ; sa famille se saigne aux quatre veines pour lui payer ses études jusqu'au baccalauréat ; mais elle ne peut pas aller au-delà. C'est alors qu'une proposition saoudienne arrive à point nommé: billet d'avion offert, quatre ans d'études entièrement gratuites, en pension complète. En échange bien sûr d'une conversion à l'islam… La deuxième destination des étudiants malgaches partant étudier à l'étranger est devenue l'Arabie saoudite - toujours loin derrière la France.

«À cause de la corruption, ils laissent entrer n'importe qui dans le pays»
Un hôtelier de Manakara

Rencontrée dans la brousse, une infirmière malgache d'une soixantaine d'années, en tournée au volant de sa jeep, accepte de nous décrire la situation, sous couvert d'anonymat: «Il y a dix ans, vous ne voyiez pas ici une seule femme voilée. Il y en a partout aujourd'hui. Elles reçoivent des subsides en échange du port du voile. Quant aux mosquées sauvages, plus d'une centaine sont apparues dans le district!»

Cette flambée d'un islam intégriste, financé par des organisations implantées dans le Golfe ou dans le sous-continent indien - très loin du tolérant islam syncrétique malgache traditionnel remontant au XIIIe siècle et représentant 6 % de la population -, va jusqu'à inquiéter Mohamed Zubaïr, l'imam de la mosquée traditionnelle de Manakara. Il a été accusé d'être un mauvais musulman par une nouvelle mosquée concurrente, pour avoir, lors d'une fête de charité, distribué de la nourriture à des musulmans et des chrétiens confondus, sans faire de distinction. «Ce sont des takfiristes! Ils jugent apostats tous ceux qui ne pensent pas comme eux! Ils sont sous l'influence de prêcheurs venus du Pakistan, ils construisent des mosquées et des madrasas partout, sans autorisation du gouvernement…», s'exclame l'imam, dont l'épouse n'est pas voilée.

Une position stratégique

Lorsqu'on se rend dans cette mosquée controversée, on tombe, à l'issue de la prière de l'après-midi, sur une majorité de Pakistanais et d'Indiens, à la barbe très longue, fraîchement arrivés dans la Grande Île sur des vols Turkish Airlines. Ils ne parlent que l'ourdou, et un peu d'anglais. Ils disent être affiliés au Djamaat Tabligh, un mouvement de proclamation du Coran par la marche à pied et le voyage, et n'apprécier que la prédication pacifique…

À Madagascar, île majoritairement chrétienne depuis le XIXe siècle, les entrepreneurs des secteurs touristique et agroalimentaire ne cachent pas leur inquiétude face à la propagation sourde de l'islamisme chez eux. Ils sont consternés par les progrès du salafisme dans l'archipel voisin des Comores. Ils s'interrogent sur le sens de la prolifération des mosquées et madrasas sauvages, aussi bien sur la côte sud-est que celle du nord-ouest, entre Diégo Suarez et Mahajanga. Sous couvert d'anonymat, ils critiquent le «laxisme et l'inconscience» de l'administration du président actuel Hery Rajaonarimampianina. «À cause de la corruption, ils laissent entrer n'importe qui dans le pays», se plaint un hôtelier de Manakara. «Le jour où ils découvriront dans la brousse ou la montagne des camps d'entraînement pour djihadistes, il sera trop tard!»

Territoire grand comme la France et la Belgique réunies mais peuplée de 23 millions d'habitants - avec seulement 15 % de foyers jouissant de l'électricité -, l'île de Madagascar est une proie rêvée pour les groupuscules islamistes, pour trois raisons: la pauvreté extrême de sa population, la faiblesse chronique de son État, sa position stratégique entre l'Afrique et le sous-continent indien. Les Américains ne s'y sont pas trompés, qui ont construit, jouxtant l'aéroport international d'Ivato, une immense ambassade ultramoderne, truffée d'antennes. Très discrètement, sans le claironner le moins du monde, ils ont mis la Grande île sous surveillance…

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Chroniqueur chargé des questions internationales

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Ivan Krastev : «La crise des migrants est le 11 Septembre de l'Europe» (19.10.2017)



Par Isabelle Lasserre
Mis à jour le 19/10/2017 à 10h19 | Publié le 19/10/2017 à 10h16

INTERVIEW - Pour le politologue bulgare, cette crise marque un tournant dans la dynamique du projet européen. Elle sera au cœur du Conseil européen qui s'ouvre ce jeudi.

Intellectuel très influent en Europe de l'Est et dans les pays anglo-saxons, le politologue bulgare Ivan Krastev dirige le Center for Liberal Strategies à Sofia. Il est membre de l'Institut des sciences humaines de Vienne en Autriche, où il réside. Il vient de publier en français un essai remarquable, Le Destin de l'Europe (Éditions Premier Parallèle, octobre 2017).

LE FIGARO. - L'Europe risque-t-elle de se désintégrer?

Ivan KRASTEV. - Il y a cinq ans, personne n'aurait posé cette question, tant l'Union européenne paraissait une chose naturelle, un acquis allant de soi. Nul ne sait quelles seront les conséquences du Brexit et du référendum de Catalogne, mais, d'ores et déjà, on ne peut plus parler de l'Europe de la même manière qu'avant. Le retour des États nations ne constitue pourtant pas une alternative. Combien d'entre eux, en effet, survivraient à une désintégration de l'Europe? Je pense au contraire que le projet européen peut survivre et gagner en légitimité. Mais il faut accepter le fait que la nature du débat européen a profondément changé, que nous n'avons plus affaire à la même UE.


Le principal défi de l'Europe, dites-vous, est la crise des migrants…

Oui. La crise des migrants, c'est le 11 Septembre de l'Union européenne. Ce jour de 2001, tout a basculé pour les États-Unis. Non parce que les attentats ont fait 3000 morts. Mais parce qu'en une minute, l'Amérique a découvert sa vulnérabilité. Les migrants produisent le même effet à l'Europe. Ce n'est pas leur nombre qui déstabilise le continent, mais le fait qu'ils représentent la révolution du XXIe siècle. Dans les années 1980, les migrants qui gagnaient l'Europe étaient souvent contraints de fuir leur pays pour des raisons de sécurité. Aujourd'hui, ils viennent parce qu'ils veulent une vie meilleure et qu'ils savent, grâce à la mondialisation, qu'en Europe on vit mieux. Ils préfèrent changer de pays plutôt que changer de gouvernement. C'est beaucoup plus facile: il suffit d'un téléphone mobile et d'un peu de courage… C'est en cela que les migrations sont un phénomène révolutionnaire.

«La révolution migratoire a entraîné l'apparition de majorités menacées, qui représentent désormais une force politique majeure en Europe. Ces majorités craignent que les étrangers envahissent leur pays et mettent en péril leur mode de vie»

Quelles sont les conséquences de cette crise sur l'Union?

La crise actuelle de l'UE est généralement attribuée aux vices fondamentaux de son architecture institutionnelle ou au déficit démocratique qui l'afflige. Je crois au contraire qu'il faut reconnaître lucidement que la crise migratoire a spectaculairement changé la nature de la politique démocratique au niveau national et que nous assistons en Europe à une rébellion de l'électorat contre les élites méritocratiques. La révolution migratoire recèle en elle sa contre-révolution potentielle, car elle a entraîné l'apparition de majorités menacées, qui représentent désormais une force politique majeure en Europe. Ces majorités menacées craignent que les étrangers envahissent leur pays et mettent en péril leur mode de vie. La crise migratoire provoque une panique morale parmi les populations qui ont peur du terrorisme, s'angoissent de changements si grands et si brutaux et ont le sentiment que la situation a échappé à tout contrôle. À l'âge de la migration, la démocratie a commencé à fonctionner comme un instrument d'exclusion et non d'inclusion. La crise migratoire remet profondément en cause les idées de démocratie, de tolérance et de progrès ainsi que les principes libéraux qui constituent notre paysage idéologique. Elle est un tournant dans la dynamique politique du projet européen.

Comment expliquez-vous la division provoquée par la crise des migrants entre l'est et l'ouest de l'Europe?

«Les pays de l'Est n'ont jamais été des puissances coloniales. Non seulement ils ne connaissent par “l'autre”. Mais ils n'ont vis-à-vis des pays d'Afrique et du Moyen-Orient aucun sentiment de culpabilité»

C'est la première fois que cette division revient depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement du communisme. Les pays de l'Est ressentent une sorte de panique démographique. Après la chute de l'URSS, leurs habitants étaient massivement partis à l'ouest. La Bulgarie a perdu par exemple deux millions de personnes. Résultat: ceux qui restent sont considérés comme des perdants. Ils sont souvent âgés et se demandent si la société dans laquelle ils vivent va survivre. Ils ont peur d'une «disparition ethnique». Et puis, les pays de l'Est n'ont jamais été des puissances coloniales. Non seulement ils ne connaissent par «l'autre». Mais ils n'ont vis-à-vis des pays d'Afrique et du Moyen-Orient aucun sentiment de culpabilité. Ils se considèrent en outre eux-mêmes comme des victimes, celles de la guerre froide. Mais au-delà, tous les pays occidentaux ont leur «est», leurs zones dans lesquelles des populations se sentent abandonnées. C'est le paradoxe de la globalisation. Nous vivons dans un monde de plus en plus connecté mais de moins en moins universel.

Le changement de politique migratoire de l'Allemagne peut-il selon vous réduire ces fractures?
La politique migratoire va sans doute faire l'objet de plus de consensus dans les années qui viennent, avec le renforcement annoncé du contrôle des frontières de l'Europe. Mais il ne faut pas s'attendre à voir s'effacer la différence entre l'Est et l'Ouest. L'Europe orientale reproche deux choses à l'Allemagne. Sur la forme, elle rejette la manière autoritaire avec laquelle Berlin a imposé sa politique migratoire, forçant les autres pays à obéir. Sur le fond, elle récuse le discours consistant à vanter les avantages et les mérites des sociétés multiculturelles. Il n'est pas possible d'affirmer que le multiculturalisme n'apporte que des choses positives et de nier les problèmes qui lui sont liés, comme l'insécurité ou l'inquiétude de ceux qui voient leur environnement se transformer jusqu'à leur devenir étranger, y compris au niveau de la langue. Le modèle multiculturel est diabolisé par les populistes et idéalisé par la gauche. Il faut sortir de ce débat d'idéologues.

L'ambition européenne d'Emmanuel Macron vous paraît-elle porteuse d'espoir?

En elle-même, l'élection de Macron a déjà changé des choses, dans le sens où jusque-là on ne pensait pas qu'il soit possible de gagner cette élection en faisant campagne sur l'Europe! Mais les nuages s'annoncent déjà. Le résultat des élections allemandes a restreint la marge de manœuvre d'Angela Merkel. Emmanuel Macron considère que l'Europe doit avoir un cœur et une périphérie et il fait parfois preuve d'arrogance. Le ton de la conversation importe parfois autant que les idées et les pays d'Europe de l'Est ne veulent pas être traités comme des citoyens de seconde zone. Emmanuel Macron est pressé mais il lui faudra de la patience avec les petits pays d'Europe orientale. Si on perd patience, on perd l'Europe. La Catalogne en est l'exemple type. Tous les arguments sont du côté de Mariano Rajoy mais son impatience a aggravé la crise. Si le «moment Macron» a spectaculairement changé l'état d'esprit général en Europe, il n'a pas encore résolu les grands problèmes de l'Union. La crise migratoire a alimenté les peurs des sociétés est-européennes tout en faisant naître, à l'Ouest, une forte hostilité envers l'Europe de l'Est.

 Journaliste
Grand reporter au service étranger du Figaro

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Mineurs étrangers : Édouard Philippe promet de soulager les départements (19.10.2017)



Mis à jour le 19/10/2017 à 11h12 | Publié le 19/10/2017 à 11h06

LE SCAN POLITIQUE - À la veille de son déplacement à Marseille devant le congrès des présidents de départements, le premier ministre a voulu rassurer.

Invité ce jeudi de l'émission Territoires d'infos sur Public Sénat et Sud radio, le premier ministre, Edouard Philippe a tenté de déminer le sujet polémique de la prise en charge par les départements des mineurs étrangers isolés dont le chiffre serait passé de 13.000 en 2016 à plus de 25000 aujourd'hui. C'est Dominique Bussereau, président LR de l'Assemblée des départements de France (ADF) et président du conseil départemental de Charente Maritime qui avait tiré la sonnette d'alarme dans le Figaro en estimant le coût à un milliard d'euros par an pour les départements.

Les présidents des départements, qui ne savent comment gérer le phénomène, entendent dire leur impuissance au premier ministre lors de son déplacement devant leur Assemblée réunie jeudi et vendredi à Marseille. Edouard Philippe leur a donc d'ores et déjà promis une «solution conforme à leurs souhaits». «Nous devons nous engager pour contrôler mieux les flux migratoires, à l'origine, dans ces pays d'origines et aux frontières.»

«JIl faut que nous permettions aux départements de se concentrer sur ce qui relève explicitement de leurs compétences et que l'Etat prenne à sa charge des choses qui relèvent de compétences plus régaliennes. Par exemple, c'est à l'Etat que revient la capacité de décider notamment de la majorité ou de la minorité» de ces jeunes étrangers arrivés en France». Et d'annoncer: «Je dirai les conditions dans lesquelles nous voulons mettre en oeuvre ces mesures». Pour le premier ministre, «la bonne façon de régler le problème, ce n'est pas simplement de faire du bonneteau financier sur le thème +vous faisiez ça, on va financer ça, on va mettre un tube+ (...) mais de dire comment on fait pratiquement».

Discussions à venir sur le RSA

Autre sujet de tension entre les départements et le gouvernement: le financement des allocations individuelles de solidarité, en particulier du RSA, qui pèsent de plus en plus lourdement sur les finances départementales. «On a entendu des positions assez contradictoires sur le sujet» affirme-t-il. «Mais après beaucoup de discussions, j'observe que la position majoritaire et officielle de l'ADF c'est de ne pas vouloir la recentralisation du RSA». Là encore, Edouard Philippe a dit avoir fait part de sa «disponibilité» avec les élus sur le dossier. «J'ai bon espoir que nous arrivions à une solution», a-t-il dit.

En pleine discussion budgétaire au Parlement, le premier ministre a bien sûr été interrogé sur la réforme contestée de l'ISF. «Je n'ai aucun doute sur le fait que c'est assez peu populaire. Si la seule chose qui m'importait c'était la popularité, je ne serai pas parti sur cette mesure» a-t-il observé. Cette réforme, «je l'assume, comme j'assume toutes les autres mesures de ce budget» martèle Edouard Philippe, agacé par les propos de François Hollande sur la politique du gouvernement: «J'ai observé qu'il formulait des critiques acerbes et acides sur la politique française depuis l'étranger. Quand je suis à l'étranger, je m'interdis tout commentaire sur la politique nationale. Si François Hollande voulait être critique sur la fiscalité, sur les mesures qui sont prises par ce gouvernement, il aurait pu peut-être faire preuve d'une forme d'humilité.»

L'hommage vibrant à Juppé

Enfin, Édouard Philippe retrouvera son ancien mentor Alain Juppé vendredi à Bordeaux, à l'occasion d'un déplacement sur le thème du logement a clamé son amour pour Alain Juppé. «Je le connais depuis longtemps, je l'aime profondément. J'aime travailler avec lui. J'ai travaillé pour lui. Je ne l'ai pas fait en disant qu'il fallait que ça se fasse. Je l'ai fait parce que j'ai aimé ça. Parce que j'ai aimé travailler avec lui, parce qu'il a cette intelligence, ce sens de l'Etat, cette bienveillance teintée de distance parfois. J'ai une immense affection pour lui. Je n'ai jamais confié le contenu de nos réflexions. Il est la plus belle chose qui me soit arrivée en politique».

En revanche, le premier ministre ne se montre guère disert sur la procédure d'exclusion en cours contre lui chez les Républicains. «Je ne sais pas si ça me touche. Vous parlez de mon exclusion d'un parti que j'ai fondé. Avant que le parti Les Républicains s'appelle comme cela, il s'appelait l'UMP. Son premier président, c'était Alain Juppé et j'étais son directeur général donc j'ai consacré deux années et demie de ma vie à en organiser les rouages pour faire en sorte qu'elles fonctionnent.»

Interrogé sur ses premiers mois dans «l'enfer de Matignon», le premier ministre a relativisé l'ampleur de sa tâche. «Je ne crois pas au terme d'enfer. C'est une mission exigeante, difficile. Je ne crois pas qu'elle soit plus difficile que ce que font des millions de Français qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler», tranche-t-il.

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Rédactrice en chef du Figaro.fr, spécialisée dans les questions de société, d'éducation et de politique

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Un détenu condamné à deux ans de prison pour avoir menacé Hollande et Valls (19.10.2017)


Mis à jour le 19/10/2017 à 19h13 | Publié le 19/10/2017 à 19h10

Un détenu a été condamné jeudi par le TGI d'Alençon à deux années de prison pour avoir proféré des menaces de mort l'an dernier contre l'ancien président François Hollande et son premier ministre Manuel Valls.

"Ça te coûtera au bas mot la vie d'un de tes enfants, Thomas", avait notamment fait dire, par l'intermédiaire de son épouse, le détenu lors d'un appel téléphonique à l'Elysée.

"Je ne suis pas un clown, je vais m'en prendre à Valls, à sa famille", avait aussi menacé Mohamed Doumbia, détenu aux moments des faits à la prison de Condé-sur-Sarthe, près d'Alençon.

L'affaire avait été examinée par la cellule antiterroriste du parquet de Paris, qui craignait de possibles complicités extérieures.

M. Doumbia avait aussi proféré des menaces orales envers des surveillants pénitentiaires en ces termes : "Je vais te faire abattre à la Kalachnikov" et "je compte vous faire ouvrir la gorge d'un bout à l'autre". La sécurité du domicile des surveillants menacés avait été renforcée.

Transféré depuis dans un autre centre pénitencier, le détenu avait refusé de se présenter au tribunal en juin, puis d'être jugé par vidéo en septembre 2017. Il a été jugé jeudi en son absence. Outre les deux années de prison supplémentaires, il a été condamné à verser 1.500 euros de dommages et intérêts à un surveillant.

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Suède : explosion devant un commissariat (18.10.2017)



Mis à jour le 18/10/2017 à 12h14 | Publié le 18/10/2017 à 12h13

Une puissante explosion a soufflé dans la nuit de mardi à mercredi l'entrée et une partie de la façade du commissariat de Helsingborg, dans le sud de la Suède, une attaque probablement liée au "grand banditisme" selon les autorités. La déflagration s'est produite peu après minuit ce mercredi dans le centre de cette ville portuaire de 100.000 habitants.

Le premier ministre social démocrate Stefan Löfven a dénoncé une "attaque contre notre démocratie" qui appelle à "intensifier la lutte contre la grande délinquance". L'explosion, entendue dans un rayon de 20 kilomètres, n'a pas fait de blessés mais les dégâts matériels sont importants: l'entrée du commissariat a été entièrement détruite et des dizaines de fenêtres ont été soufflées.

Des sources policières citées par le quotidien Aftonbladet évoquent une charge de plusieurs kilos. Le chef de la police locale, Patric Heimbrand, a également avancé au cours d'une conférence de presse ce mercredi à Helsingborg la piste "des milieux criminels" au sein desquels le travail policier suscite de "l'irritation".

L'utilisation d'explosifs est une signature récurrente de la criminalité organisée en Suède, en particulier dans le sud du pays où règlements de compte et actes d'intimidation sont presque quotidiens entre trafiquants de drogue. Policiers et magistrats sont eux aussi régulièrement visés.

Logements de colons : l'UE veut qu'Israël "reconsidère" ses projets (18.10.2017)



Mis à jour le 18/10/2017 à 15h24 | Publié le 18/10/2017 à 15h20

L'Union européenne a réclamé aujourd'hui qu'Israël "reconsidère" ses récentes décisions relançant la colonisation en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est annexée, en rappelant que celle-ci est "illégale au regard du droit international et sape la viabilité d'une solution à deux Etats". "Cette semaine, les autorités israéliennes ont fait avancer des projets, appels à projets et permis pour des milliers d'unités de colonisation en Cisjordanie, y compris au coeur d'Hébron où c'est une première depuis 2002", a indiqué dans un communiqué une porte-parole de l'UE pour les Affaires étrangères.

"Nous avons également vu des informations sur le démarrage des travaux de construction de la première nouvelle colonie en 20 ans, Amihai, et que des travaux préparatoires au sol étaient initiés dans la zone sensible de Givat Hamatos à Jérusalem-Est, où de nouvelles constructions de colonies mettraient gravement en danger la continuité et la viabilité d'un futur Etat palestinien", s'est-elle inquiétée.

"L'Union européenne a demandé des clarifications aux autorités israéliennes et fait savoir qu'elle s'attendait à ce qu'elles reconsidèrent ces décisions, qui portent préjudice aux efforts en cours pour entamer des négociations de paix sérieuses", a ajouté cette porte-parole. Réitérant la position de l'Union, elle a affirmé: "Toute activité de colonisation est illégale au regard du droit international, et sape la viabilité d'une solution à deux Etats ainsi que la perspective d'une paix durable".


Israël a décidé aujourd'hui de faire avancer la construction d'au total 1.292 logements en Cisjordanie, territoire occupé depuis 50 ans par l'armée israélienne, dans une nouvelle poussée de la colonisation de la part du gouvernement de Benyamin Nétanyahou. L'administration civile israélienne, qui fait office de gouvernement en Cisjordanie, devait approuver d'autres projets mercredi, portant le nombre d'habitations concernées à plus de 2.000, selon l'ONG la Paix maintenant. Lundi, elle avait approuvé la construction de 31 logements pour colons à Hébron, où la coexistence de quelques centaines de juifs et de dizaines de milliers de Palestiniens est une source de tensions et de violences permanentes.

Treize attentats déjoués en France depuis le début de l'année (18.10.2017)


Mis à jour le 18/10/2017 à 16h05 | Publié le 18/10/2017 à 15h47
"Treize attentats ont été déjoués depuis le début de l'année", a déclaré Emmanuel Macron mercredi, lors d'un discours à l'Élysée face aux forces de l'ordre. "La première mission de l'État, c'est d'assurer la sécurité des citoyens et quand nous sommes défaillants sur cette mission, nous sommes moins audibles pour le reste", a-t-il ajouté. 

Le chef de l'État a par ailleurs annoncé un nouveau plan national contre la radicalisation pour le mois de décembre. 

Le président de la République a également précisé qu'il ne soumettrait pas lui-même au Conseil constitutionnel la nouvelle loi antiterroriste, qui doit se substituer à l'état d'urgence et doit être définitivement adoptée mercredi en fin d'après-midi. "Je ne défèrerai pas ce texte au Conseil constitutionnel. La qualité du travail a permis d'aboutir à une texte pleinement satisfaisant", a-t-il indiqué.


La loi antiterroriste définitivement adoptée (18.10.2017)


Mis à jour le 18/10/2017 à 16h27 | Publié le 18/10/2017 à 16h15

Le Parlement français a définitivement adopté aujourd'hui le projet de loi, présenté par Gérard Collombe, sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui vise notamment à remplacer au 1er novembre l'état d'urgence décrété après les attentats du 13 novembre 2015. Après l'Assemblée il y a quelques jours, le Sénat, où la droite est majoritaire, a entériné à son tour par 244 voix contre 22 le texte mis au point par une commission mixte paritaire (CMP) Assemblée-Sénat.


Comportant de nombreuses mesures prévues par l'état d'urgence, il est soutenu par les groupes La République en marche (LREM), MoDem, les Constructifs et - avec des réserves - par celui de la Nouvelle gauche (ex-PS) qui s'est majoritairement prononcé en sa faveur. Si le groupe Les Républicains (LR) du Sénat l'a voté, le groupe LR de l'Assemblée, qui le juge "insuffisant", les élus du Front national et, pour des raisons opposées, les groupes La France insoumise (LFI) et de la Gauche démocrate et républicaine (GDR, PC) ont voté contre. Tout comme nombre d'associations de défense des droits de l'Homme, ces groupes affirment que ce projet de loi est "inefficace" et "liberticide".


Ce texte transcrit dans le droit commun des dispositions de l'état d'urgence uniquement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, notamment en matière d'assignation à résidence, de perquisition et de contrôle des personnes. Il élargit le périmètre des contrôles dans les zones frontalières, aux abords des aéroports, des ports et gares et autorise les préfets à fermer provisoirement des lieux de culte. 

Le texte mis au point par la CMP supprime -à la demande du Sénat- l'obligation, initialement prévue, pour une personne soumise à une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, de déclarer les numéros d'abonnement et les identifiants techniques de l'ensemble de ses moyens de communication électronique. Le texte de la CMP élargit la "clause d'autodestruction", introduite par le Sénat, à l'ensemble des mesures inspirées de l'état d'urgence destinées à prévenir les actes de terrorisme. Ainsi, les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ou bien encore les visites domiciliaires et saisies revêtiront un caractère expérimental et prendront fin au 31 décembre 2020.

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Immigration : ferme dans les mots, Macron est attendu sur les actes (18.10.2017)



Mis à jour le 18/10/2017 à 20h30 | Publié le 18/10/2017 à 20h00

Le chef de l'État veut voir reconduits «de manière intraitable celles et ceux qui n'ont pas de titre». Mais où sont les objectifs chiffrés et les places de rétention adéquates ?

«Je ne peux pas expliquer aux classes moyennes françaises qu'on va héberger sans commencer à contrôler.» Cette phrase relative au traitement des demandeurs du statut de réfugié a été prononcée par Emmanuel Macron ce mercredi à l'Élysée devant un parterre de hauts responsables de la police, de la gendarmerie, de la préfectorale. Et elle en dit long sur sa volonté de séduire un électorat traditionnellement acquis à la droite. Certes, le président de la République n'a rien annoncé de vraiment neuf par rapport à ce qu'il martèle depuis quelques jours en matière d'immigration et d'intégration. Mais il l'a redit avec une force qui montre combien la pression migratoire qui s'exerce en Europe en général et en France en particulier demeure un sujet de préoccupation pour lui et ses équipes.

«Je ne peux pas expliquer aux classes moyennes françaises qu'on va héberger sans commencer à contrôler»
Emmanuel Macron

Il a d'ailleurs prévenu: «La pression migratoire ne cessera pas brutalement dans les semaines et les mois qui viennent.» «Tout en prenant notre part, nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde», a-t-il déclaré, faisant siens les propos de l'ancien premier ministre Michel Rocard qui avaient fait polémique en 1990. C'est pourquoi «je souhaite que nous retrouvions l'efficacité d'une politique de reconduite à la frontière» et que «nous reconduisions de manière intraitable celles et ceux qui n'ont pas de titre», a-t-il ajouté.

Le chef de l'État a rappelé qu'une circulaire avait été adressée aux préfets lundi, pour leur demander «de s'assurer que les procédures sont appliquées de manière ferme et rigoureuse» en matière d'éloignement. «Nous devons revoir l'organisation, les procédures, les moyens budgétaires et humains pour reconduire les étrangers en situation irrégulière» et «ce sera l'un des objectifs du projet de loi» attendu début 2018, a-t-il affirmé.

«Sortir de débats de posture stériles»

Selon lui, «plusieurs freins à l'éloignement seront levés» dans cette loi et «les discussions avec les pays d'accueil», qui ont déjà commencé, «produiront leurs effets dès le début de l'année prochaine», a-t-il promis. Mais «avant même toute modification législative», le président a souhaité que les délais administratifs et ceux de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) soient «drastiquement réduits» dans la procédure de demande d'asile.

Il a également appelé à «sortir de débats de posture stériles» avec d'un côté «les répressifs» qui «ne sont plus efficaces» et de l'autre «ceux qui protègent les étrangers», mais qui en fait «ne les protègent plus vraiment». De ce point de vue, il a réitéré une mise en garde lancée début septembre aux associations, affirmant qu'il n'accepterait «d'aucune» d'entre elles le comportement consistant «à protéger celles et ceux qui arrivent de tout formalisme administratif».

Le député Les Républicains Éric Ciotti s'interroge: «Au-delà de l'incantatoire, où sont les places en centre de rétention, les objectifs chiffrés de reconduite?» À l'entendre, le président promet beaucoup mais seul le bilan fera foi.

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Rédacteur en chef adjoint (sécurité intérieure, affaires judiciaires, immigration)

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