En pleine offensive sur la Goutha, le
directeur général de l'Œuvre d'Orient s'interroge sur un discours officiel qui
passe sous silence la complexité extrême sur le terrain.
Cela fait désormais sept années que la Syrie martyrisée est
en guerre. Les horreurs de cette tragédie sont bien connues: morts, blessés,
déplacés, réfugiés, ainsi que les villes détruites, une économie à bout de
souffle, la fragilisation considérable des structures sociales de base. Les
chrétiens de Syrie partagent les souffrances de la population dans
son ensemble, mais ils voient de surcroît leur communauté menacée en tant que
telle, malgré un début de retour et un effort de reconstruction.
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Les chrétiens de Syrie veulent des réponses
Ils entendent l'information occidentale condamnant
l'attitude du gouvernement syrien, les
bombardements des quartiers urbains, les prisons surchargées, les
services secrets, etc. Mais ils aimeraient des réponses à leurs questions.
Est-il vrai qu'avant le début de la crise les slogans des Frères musulmans étaient:
«Les Alaouites au cimetière, les chrétiens au Liban»? Est-il vrai que, lors des
premières manifestations considérées comme pacifiques, des armes étaient
entassées dans certaines mosquées? Est-il vrai que les rebelles, en
particulier dans
la Ghouta orientale, ont retenu la population civile comme bouclier
humain, exécutant sommairement ceux qui essayaient de fuir, tandis que des
missiles étaient tirés vers la ville de Damas, en particulier sur les écoles
chrétiennes? Est-il vrai que, durant les premières années de crise, les
combattants djihadistes, les armes, les munitions, le
pétrole et le coton vendus par Daech ont transité librement par la
Turquie? De quels soutiens ont bénéficié les groupes proches de Daech mais
aussi d'al-Qaida? Qui leur a livré des armes? Quelle est la situation des
prisonniers et de la justice dans les zones rebelles, même en dehors des
territoires de Daech? Est-ce que vraiment les Kurdes syriens représentent un
danger pour la Turquie, au point de justifier l'entrée de l'armée turque en
Syrie et en Irak? Est-il vrai que l'Observatoire syrien des droits de l'homme,
considéré par beaucoup comme source exclusive d'information, est cofinancé par
le Qatar?
Chacun se sent autorisé à intervenir selon ses intérêts
Je sais qu'en relayant ces questions on m'accusera de
prendre parti pour un camp, alors que je souhaite seulement exposer la
complexité extrême sur le terrain. Je m'y attends, j'y suis prêt. Pourtant,
parce que prêtre et français - et donc non syrien -, je considère que
je n'ai pas à m'immiscer dans la politique syrienne. Non que je n'aurais rien à
dire, mais parce qu'il faut donner priorité à ce qui peut favoriser la paix.
Parce qu'aujourd'hui la Syrie devient le terrain d'un jeu guerrier où chacun se
sent autorisé à intervenir selon ses intérêts: l'Iran, la Russie, les pays du
Golfe, les États-Unis, l'Europe, le Hezbollah. La Syrie et ses habitants ont le
droit d'être entendus sur leur avenir.
Les rebelles doivent avoir le courage des concessions
Les chancelleries occidentales, il y a sept ans, ont misé sur
la chute rapide du président Assad, sur le ralliement de la Russie au point de
vue occidental, à la capacité des rebelles de former un gouvernement
alternatif, laïque et démocratique. Sept ans plus tard, la réalité est tout
autre ; il faudrait donc réévaluer les actions diplomatiques possibles.
Les rebelles doivent avoir le courage des concessions. Le
gouvernement de Syrie ne doit pas se limiter à la victoire militaire. Il doit
s'interroger sur les conditions de l'avenir et de la paix en Syrie.
La Syrie a besoin de prophètes qui lui redonnent confiance
et espérance.
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