Le
chantier de la réforme de l'islam est lancé (29.08.2016)
Mis à jour le 29/08/2016 à 10h01 | Publié le 29/08/2016 à 07h39
Islam
de France : de nouvelles instances pour mieux organiser le culte (29.08.2016)
Consultations
au ministère de l'Intérieur sur l'islam de France (29.08.2016)
Rentrée
tendue pour l'islam de France (21.08.2016)
Jean-Pierre
Chevènement veut défendre une laïcité stricte (29.08.2016)
Opposé
à une loi anti-burkini, Cazeneuve appelle à «l'apaisement» (29.08.2016)
Le chantier de la réforme de
l'islam est lancé (29.08.2016)
Par Jean-Marie
Guénois
Mis à jour le 29/08/2016 à 21h31 | Publié le 29/08/2016 à 21h30
Mis à jour le 29/08/2016 à 21h31 | Publié le 29/08/2016 à 21h30
Bernard
Cazeneuve a entamé lundi une refondation importante de plusieurs structures
régissant la deuxième religion de France.
Jamais,
ne semble-t-il, les responsables du culte musulman en France n'ont franchi avec
une telle régularité l'imposant portail de fer du ministère de l'Intérieur,
Place Beauvau, à Paris, à deux pas du Palais de l'Élysée. L'actualité
dramatique de ces deux dernières années, liées à des attentats commis en
France, au nom de l'islam, a créé une sorte de crise permanente et il revient
au ministre de l'Intérieur, en l'occurrence Bernard Cazeneuve, également chargé
des Cultes, de gérer cette situation.
Lire la suite :
Il
a d'ailleurs qualifié cette actualité «d'urgente», lundi 29 août, au
terme d'une nouvelle journée de travail consacrée à l'islam parce
que la «France est en guerre contre le terrorisme. Elle est en guerre contre un
ennemi qui cherche à la diviser, à dresser les Français les uns contre les
autres, à fractionner le corps de la nation, à anémier la République». Ce qu'il
désigne comme «un piège mortel» dans lequel «nous ne devons pas tomber». Mais
le ministre en charge des Cultes a prévenu: «Ce combat contre l'islamisme
radical, nous ne devons, en aucun cas et en aucune façon, le mener contre les
musulmans de France qui sont dans leur immense majorité des républicains qui
n'aspirent qu'à vivre leur religion de façon digne et paisible. Ce combat
décisif pour la nation, nous devons au contraire le mener avec eux.»
À
côté des réunions régulières avec le Conseil français du culte musulman (CFCM),
de «l'instance de dialogue» entre l'État et la seconde religion de France qu'il
a créée, Bernard Cazeneuve préparait en fait dans la discrétion et depuis des
mois une réforme assez fondamentale de plusieurs structures régissant l'islam
en France qui a été annoncée le 29 août.
Cette
réforme touche quatre points fondamentaux de l'islam de France: la gouvernance
globale de cette religion en France, le financement de la construction de
nouveaux lieux de cultes, la formation des imams et la représentativité
publique des cadres et de l'élite de cette communauté.
Le
ministre a assigné aux différentes commissions d'experts chargées de la mise en
œuvre de cette réforme un calendrier précis
Le
ministre a assigné aux différentes commissions d'experts chargées de la mise en
œuvre de cette réforme un calendrier précis: ils doivent rendre leur copie pour
la fin décembre 2016, ce qui n'est pas anodin dans la perspective de
l'élection présidentielle de 2017. Mais il faudra des années pour évaluer si la
modification, par exemple introduite pour une formation «à la française» des
imams, réduira le nombre de prêcheurs radicaux (lire décryptage). Ou si la
traçabilité des flux financiers pour la construction des mosquées influera sur
leur ligne et enrayera l'influence salafiste.
Il
faudra en revanche seulement quelques mois pour savoir si l'invitation faite,
lundi, par le ministre à élargir le tour de table aux 41 intellectuels, hommes
de science ou de culture, de religion musulmane, qui avaient lancé un appel au
cœur de l'été, dans le JDD, pour venir à la rescousse de l'islam de France,
portera ses fruits. Car la réussite de la greffe de cette élite, habituée à
l'efficacité du monde des affaires, n'est pas évidente dans ce monde feutré du
religieux. Celui qui est en le porte-parole, Hakim El Karoui, a ainsi estimé en
sortant de la réunion lundi que le choix de Jean-Pierre
Chevènement pour présider la fondation n'était pas «idéal», ce qui
aurait déjà pu conduire ce groupe «à claquer la porte». Mais «ils préfèrent
rester malgré la présence de Jean-Pierre Chevènement qui est pour le moins une
maladresse» en ayant obtenu lors de la rencontre avec le ministre que le
président de la Fondation ne reste «pas plus d'un an» et plusieurs sièges dans
«l'association cultuelle 1905 qui est le cœur du sujet» parce que c'est elle
qui «va recevoir l'argent et qui va financer les mosquées et la formation des
imams».
Cet
ancien conseiller du premier ministre Jean-Pierre Raffarin est par ailleurs
sorti du langage convenu des responsables religieux pour dresser un portrait
peu flatteur de l'islam de France qui «doit aller au-delà des divisions d'une
communauté musulmane qui n'existe pas, qui n'a aucun sentiment d'appartenance,
qui n'a aucune communauté d'intérêt et qui jusqu'à présent a démontré son
incapacité à travailler ensemble».
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Islam de France : de
nouvelles instances pour mieux organiser le culte (29.08.2016)
Par Jean-Marie
Guénois
Mis à jour le 29/08/2016 à 19h20 | Publié le 29/08/2016 à 19h16
Mis à jour le 29/08/2016 à 19h20 | Publié le 29/08/2016 à 19h16
Les
consultations entamées lundi doivent permettre de mettre en oeuvre une
structure plus solide pour l'islam de France qui reposera sur trois
institutions.
● Une
nouvelle fondation
La
Fondation pour les œuvres de l'islam, créée
en 2005 par Dominique de Villepin, destinée à contrôler les flux
financiers participant à la construction des mosquées, va être dissoute. Son
capital, consigné à la Caisse des dépôts - environ un million d'euros qui
furent donnés à l'époque par Serge Dassault, propriétaire du Figaro-,
va être transféré dans une nouvelle Fondation pour l'islam de France. Mais son
objet ne sera plus le financement des mosquées, car une fondation reconnue
d'utilité publique n'a, en fait, pas le droit de financer directement des
cultes. La nouvelle fondation va donc piloter un certain nombre d'initiatives
dans les domaines éducatif, social et culturel visant à diffuser la
connaissance approfondie d'un islam modéré. Elle sera conduite par un conseil
d'administration composé de 11 représentants - présidé
pour son lancement par Jean-Pierre Chevènement - dont trois hauts
fonctionnaires appartenant aux ministères de l'Intérieur, de l'Éducation
nationale et de la Culture, ainsi que cinq personnalités qualifiées,
musulmanes. Le budget devrait assez vite atteindre 5 millions d'euros.
Le
modèle en vue est celui des fondations déjà existantes - Fondation
Notre-Dame ; Fondation pour le judaïsme, Fondation pour le protestantisme
- qui n'entrent pas directement dans le financement des cultes mais participent
à des œuvres culturelles avec des budgets annuels avoisinant les
20 millions d'euros chacune. À titre indicatif, si chaque organisation
musulmane a aujourd'hui son budget propre, le Conseil français du culte
musulman (CFCM) n'a actuellement pas les moyens de se payer une secrétaire à
temps plein…
● Une
nouvelle association cultuelle
Là
aussi, le modèle est inspiré de la gestion des autres cultes, dont le judaïsme
et l'Église catholique, qui bénéficient, au niveau national, d'une structure
associative cultuelle, loi de 1905, apte à financer le culte religieux en toute
conformité avec la loi et la laïcité françaises. Un groupe de travail a été
lancé, ce lundi, par le ministère de l'Intérieur, pour préparer les statuts de
cette nouvelle entité, mais son rôle consistera à rechercher des financements
privés pour les affecter à la construction de lieux de culte mais aussi au
financement de la formation des imams. Si le recours à une taxe sur la viande
halal est exclu, les opérateurs de cette filière alimentaire seront toutefois
sollicités pour abonder, à titre volontaire, le budget de cette association,
dont la hauteur n'est pas encore définie. L'association pourra également participer
à des projets pilotés par la Fondation pour l'islam de France et les deux
institutions travailleront en étroite collaboration.
Rendre
transparents les fonds étrangers
L'idée
maîtresse est de rendre
transparents les fonds étrangers parce qu'il apparaît à beaucoup
de responsables musulmans qu'ils seront difficiles à supprimer, en particulier
ceux qui arrivent d'Algérie, du Maroc ou d'Arabie Saoudite. Ces mêmes
responsables indiquaient lundi que «80 % des lieux de cultes musulmans
sont financés par les fidèles eux-mêmes» et que la question des fonds étrangers
ne touche que la construction de très grandes mosquées dans les plus grosses
villes de France. Pour assurer cette «transparence», Bernard Cazeneuve propose
le recours au statut d'association loi 1905 qui impose des comptes certifiés et
donc vérifiables par l'administration. Deux cents lieux de culte et mosquées
musulmans sont actuellement à l'état de projet dans le pays.
● Une
nouvelle représentation nationale
Les
réformes annoncées lundi par le ministère de l'Intérieur ouvrent également, de
façon implicite, la question de la représentation nationale de l'islam de
France. Le Conseil français du culte musulman, créé en 2005 et dont les membres
sont élus par les musulmans dans les mosquées, continue de jouer un rôle
central, mais le gouvernement a le souci d'ouvrir la gouvernance à d'autres
acteurs musulmans, issus du monde de l'entreprise mais aussi de la culture.
C'est
ainsi qu'une partie des 41 intellectuels musulmans qui ont signé un appel
public au cœur de l'été ont été invités lundi à la table du ministre, plusieurs
étant pressentis pour siéger dans la fondation ou dans l'association cultuelle
nationale.
Tahar
Ben Jelloun parmi les membres de la fondation
Au
sein de la Fondation pour l'islam de France siégeront un président, trois
représentants de l'État et cinq «personnalités qualifiées» de confession ou de
culture musulmane. Aux côtés de Jean-Pierre Chevènement seront notamment
présents le Prix Goncourt Tahar Ben Jelloun, l'islamologue réformateur Ghaleb
Bencheikh, le recteur de la mosquée de Lyon Kamel Kabtane et l'entrepreneur
Najoua Arduini-Elatfani, figure de la société civile musulmane.
Le
conseil d'administration de la fondation comprendra en outre le président du
Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech - membre de
droit - et deux membres désignés par le «comité des donateurs» de cette
structure. Un «conseil d'orientation» d'une vingtaine de membres, très ouvert
sur la société civile musulmane, sera chargé de repérer les projets à soutenir.
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Consultations au ministère
de l'Intérieur sur l'islam de France (29.08.2016)
Par Jean-Marie
Guénois
Mis à jour le 29/08/2016 à 13h32 | Publié le 29/08/2016 à 02h16
Mis à jour le 29/08/2016 à 13h32 | Publié le 29/08/2016 à 02h16
Le
ministère de l'Intérieur, chargé des cultes, veut huiler les rouages plutôt
grippés de l'islam de France. Bernard Cazeneuve organise, ce lundi 29 août, une
journée de travail au plus haut niveau pour désensabler un vieux serpent de mer
: le financement des mosquées et la formation des imams.
Voilà
donc réunis, place Beauvau, dans les austères locaux du ministère de
l'intérieur, toute la journée de lundi, une cinquantaine de personnalités pour
une opération à haut risque politique et technique. En 2005, un certain
Dominique de Villepin, qui succédait à Nicolas Sarkozy au ministère de
l'intérieur, avait créé une «Fondation pour les œuvres de l'islam». Elle devait
réguler, en les contrôlant, les flux financiers venus de l'étranger qui entrent
dans le financement des grandes mosquées françaises. L'annonce fut une
réussite. L'échec fut total.
Mais les attentats à répétition perpétrés en France et la
lutte contre la radicalisation de jeunes musulmans a poussé tant
le ministère de l'intérieur que les responsables du Conseil français du Culte
Musulman (CFCM), à rouvrir ce dossier d'une délicate complexité juridique. Ils
estiment notamment que le contrôle potentiel des finances de l'islam de France
est l'un des leviers de lutte contre les terroristes islamiques.
Deuxième
religion de France
Devraient
donc être annoncées, ce lundi, la dissolution de la «Fondation pour les œuvres
de l'islam» et la création d'une nouvelle «Fondation pour l'islam de France».
Son objet ne sera plus le financement du culte. Elle devient une institution
d'accompagnement et de soutien de l'Etat à la deuxième religion de France, soit
une sorte de cogestion qui ne dirait pas son nom. Un «pont entre la République
et les musulmans de France» assure
Bernard Cazeneuve dans une interview à La
Croix ce
29 août.
La
fondation devra œuvrer sur le plan culturel -et non pas cultuel- à la promotion
d'un islam modéré, made in France en quelque sorte. En diffusant, notamment à
l'université, dans l'enseignement mais aussi au sein du monde musulman, une
connaissance approfondie de cette religion. L'idée maitresse est de ne plus
laisser aux seuls salafistes, le monopole de l'initiation grand public à la
religion ou la définition de la «bonne» façon de le pratiquer.
Jean-Pierre
Chevènement, 71 ans, qui
a été pressenti pour présider la nouvelle Fondationet qui sera au
ministère de l'intérieur aujourd'hui (dont il eut autrefois la charge) observe:
«Le défi, c'est de faire en sorte qu'il y ait un islam républicain. Ce n'est
pas évident. Je crois que c'est possible.»
«J'ai
fait connaître ma position vis-à-vis des financements étrangers: j'y suis
opposé. Il y a des ressources en France»
Jean-Pierre
Chevènement
En
revanche, le contrôle du financement de la construction des mosquées, mais
aussi celui de la formation des imams -dont l'objectif est
qu'ils soient tous formés en France- seront spécifiquement confié à une
«association cultuelle» nationale, nouvellement créée, elle aussi.
Jean-Pierre
Chevènement explique à l'AFP l'articulation entre la Fondation et
l'Association: «Cette fondation, qu'il faudra reconnaître d'utilité publique,
doit respecter le principe de la laïcité. Son objet est donc profane: elle sera
en charge de questions sociales, culturelles et éducatives. Dans la formation
des imams, elle ne traitera que des aspects civiques, juridiques. Tout ce qui
est religieux est hors de son champ. C'est pourquoi on va lui adosser une
association cultuelle -loi de 1905- qui aura pour mission ce qui a trait à la
formation religieuse ou au financement de la construction de lieux de culte».
Il précise à ce propos: «J'ai fait connaître ma position vis-à-vis des
financements étrangers: j'y suis opposé. Il y a des ressources en
France».
Avant
de procéder à ces annonces lundi après-midi, et de lancer la nouvelle structure
de façon officielle, le ministère de l'Intérieur va donc croiser, au cours de
plusieurs séances ce lundi, une large palette de personnalités musulmanes
qualifiées -pas forcément choisies pour leurs engagements religieux- des élus
concernés et des experts. Anouar Kibech, président du Conseil Français du Culte
Musulman (CFCM), la structure pivot de ce nouvel ensemble, se montre très
optimiste: «On va repartir sur une dynamique positive, cet épisode va mettre
fin à la séquence nauséabonde du burkini».
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Rentrée tendue pour l'islam
de France (21.08.2016)
Par Jean-Marie
Guénois
Publié le 21/08/2016 à 20h23
Publié le 21/08/2016 à 20h23
Face
aux réformes en cours, les responsables musulmans craignent la
« récupération politique ».
Il
n'y a pas de médaille d'or chez les victimes du terrorisme islamiste. Encore
moins chez les morts. Qu'ils soient juifs, chrétiens, musulmans, athées, tous
ont payé le prix du sang innocent. De Montauban au Bataclan, de Nice à
Saint-Étienne-du-Rouvray. Mais à elle seule, l'une des victimes de cette longue
liste, Jacques Hamel, a déclenché comme un séisme. L'assassinat, si symbolique,
de ce prêtre, le 26 juillet, a résonné comme un coup de tonnerre dans ce
rouge été.
En
son nom, le 31 juillet, quarante et un intellectuels, chefs d'entreprise,
médecins, lançaient un appel sans précédent à réagir fermement - en tant que
musulmans français - contre cette violence. En son nom, Bernard Cazeneuve,
annonçait le 1er août un nouveau train de mesures pour contrer la
radicalisation de certains musulmans. Il avait été appuyé, la veille, par le
premier ministre. En son nom, le
président de la République, François Hollande, prit rendez-vous avec le pape
François, qu'il rencontra au Vatican le 17 août. Et en cette
rentrée 2016, le dossier islam demeure donc, et plus que jamais, un sujet à
très haute tension en France.
«Raidissement»
de l'opinion
Un
sondage Ifop publié le 13 août démontre une inquiétude croissante: quand
33 % des catholiques pratiquants estimaient en février 2015 que
«l'islam est une menace», 45 % partagent cette affirmation début
août 2016, juste après le meurtre du père Jacques Hamel. Cet assassinat,
analyse Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop, «constitue
un véritable choc dans la population et a fortiori chez les catholiques». Cet
expert constate un «raidissement» de l'opinion et voit «le climat se tendre».
Les
responsables musulmans sont désemparés. «J'ai peur que les choses ne se
retournent contre les musulmans, confie Kamel Kabtane, le recteur de la grande
mosquée de Lyon, en particulier quand on voit ce qui se passe en Corse.» Lui
qui est allé avec d'autres musulmans à l'église le dimanche qui a suivi
l'égorgement du père Hamel se félicite de la «fantastique mobilisation» d'alors
contre «l'amalgame entretenu par certains entre islam et violence». Mais il
considère «urgent, en cette rentrée, de sortir des slogans pour contrer l'image
négative de l'islam, de se poser vraiment pour faire baisser la tension en
reprenant les choses selon une vision de long terme».
À
Bordeaux, son confrère Tareq Oubrou déplore lui aussi que ce «dossier sensible»
de l'islam qui demande «de l'apaisement, de la durée et de la profondeur» soit
abordé selon «une stratégie politicienne qui opère dans l'urgence». Il fustige
«la récupération politique à court terme qui profite inconsciemment ou
consciemment du terrorisme». Résultat: «Cette rentrée est marquée par une
confusion totale du politique, du religieux, de la question de l'identité, de
la question sociale, de l'immigration… Les gens n'y comprennent plus rien.»
«Cette
rentrée est marquée par une confusion totale du politique, du religieux, de la
question de l'identité, de la question sociale, de l'immigration… Les gens n'y
comprennent plus rien»
Tareq
Oubrou, imam de Bordeaux
Dans
ce cadre «politicien», le dossier qui agace le plus est celui de la relance de
la «fondation pour l'islam de France». François Hollande a annoncé le
3 août qu'elle
pourrait être confiée à Jean-Pierre Chevènement avec un vaste
cahier des charges. Il vise, entre autres, à lutter contre la radicalisation en
intervenant notamment sur le volet laïque de la formation des imams mais
surtout sur les flux financiers des constructions de mosquées.
«On
marche sut la tête»
Kamel
Kabtane fut le trésorier de la première version de la Fondation pour les œuvres
de l'islam, créée précisément en 2005 par Dominique de Villepin pour contrôler
le financement de la construction des mosquées. Lui se «félicite» de cette
«relance» mais reste prudent depuis ce premier échec: «Il ne faudra pas
reproduire l'erreur fondamentale d'alors, qui consista à faire un outil non pas
au service de la communauté musulmane mais au service des fédérations
musulmanes et de leurs responsables. On s'était contenté de transposer le
Conseil français du culte musulman et ses tensions au sein de la fondation.»
L'imam
de Bordeaux, Tareq Oubrou, est beaucoup plus circonspect: «On ne voit pas bien
quel sera l'objet de cette fondation car la question du financement des
mosquées est typiquement un faux problème: ce ne sont pas les murs des mosquées
qui sont intégristes! On veut créer de nouvelles structures alors que nous
avons un droit très bien ficelé en France permettant un contrôle sur les
associations qui pilotent les mosquées, c'est-à-dire là où se trouve problème.
Encore faudrait-il mettre en œuvre le droit déjà existant. On marche sur la
tête.»
«C'est
tromper l'opinion publique que de laisser penser que le problème de la
radicalisation va se régler par le financement des mosquées»
Amar
Lasfar, président de l'UOIF
Même
critique du côté d'Amar Lasfar, président de l'UOIF (Union des organisations
islamiques de France): «C'est tromper l'opinion publique que de laisser penser
que le problème de la radicalisation va se régler par le financement des
mosquées. 98 % du financement actuel des lieux de culte musulmans est
franco-français car ce sont les fidèles qui mettent la main à la poche pour les
construire. Ce financement est transparent. La question ne se pose que pour
quelques très grandes mosquées. La multiplication des structures pour gérer
l'islam ne règle pas le problème. C'est aussi comme cela que l'on crée de la
radicalité.» Ce responsable de la fédération la plus puissante de l'islam de
France, proche des Frères musulmans, conclut à propos de la présidence de la
fondation: «J'aurais préféré voir une personnalité musulmane à ce poste, car il
s'agit de l'islam. Nous sommes les premiers concernés. Il faudrait nous faire
confiance et que l'on arrête de nous suspecter.»
L'islam
de France est donc une maison à la fois complexe et susceptible qui traverse à
nouveau une crise profonde. Il va donc falloir beaucoup de tact à Bernard
Cazeneuve, ministre de l'Intérieur et des Cultes, pour rendre crédible chez les
musulmans et dans l'opinion toute nouvelle mesure. Annoncée dans la
précipitation du traumatisme de l'assassinat du père Hamel, cette réforme de la
«fondation pour l'islam» - préparée en réalité depuis de longs mois par le
ministère de l'Intérieur - doit maintenant sortir du flou pour calmer les
critiques qui fusent de toutes parts depuis un mois. Une mise au point
gouvernementale devrait donc avoir lieu d'ici très peu de temps.
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Jean-Pierre Chevènement veut
défendre une laïcité stricte (29.08.2016)
Par Mathilde
Siraud
Mis à jour le 29/08/2016 à 18h10 | Publié le 29/08/2016 à 11h04
Mis à jour le 29/08/2016 à 18h10 | Publié le 29/08/2016 à 11h04
LE
SCAN POLITIQUE/VIDÉO - L'ancien ministre va prendre la tête de la Fondation
pour l'islam de France, malgré ses propos controversés après avoir conseillé la
«discrétion» aux musulmans. L'ex-socialiste maintient ses propos et affiche la
même fermeté sur le burkini.
Ses
premières déclarations avait provoqué un tollé. Jean-Pierre Chevènement,
l'ancien ministre de l'Intérieur qui va diriger la Fondation pour l'islam de
France, avait
conseillé début août aux musulmans de rester discrets dans l'espace public.
«Tous les citoyens doivent faire l'effort de recourir à la ‘raison naturelle'»,
avait-il dit.
Bernard
Cazeneuve a confirmé ce lundi matin dans La Croix sa nomination à la tête de cette
institution longtemps restée en échec. «Il connaît bien le monde musulman et
son attachement à la laïcité est incontestable», écrit le ministre au sujet de
son prédecesseur, qu'il considère comme «un grand républicain».
Interrogé
sur France Inter, l'ancien président du Mouvement républicain et citoyen a
clarifié sa vision sur l'islam. «L'islam de France doit être autonome dans ses
sources de financement et dans sa pensée», a-t-il dit. «Il y a 1,4 million de
musulmans en France, pour la plupart français, il faut faire France à nouveau,
créer les conditions qui font qu'ils se reconnaîtront pleinement dans la
communauté nationale.» Ainsi, la polémique suscitée par ses propos sur la
«discrétion» des musulmans était pour lui injustifiée. «Ce conseil s'adresse
dans mon esprit à toutes les religions en vertu de la laïcité», a appuyé
Jean-Pierre Chevènement.
«Il
y a une tendance de fond qui est la montée du fondamentalisme religieux»
Jean-Pierre
Chevènement
Sur
la question du burkini, qui divise les politiques y compris au sein même du
gouvernement, l'ancien sénateur du Territoire de Belfort estime qu'il y a une
«confusion».«On parle d'un problème de laïcité là où il n'y en a pas vraiment.
La plage est un espace public. Tout ce que la loi n'interdit pas est permis,
les moeurs sont libres», a-t-il d'abord minimisé. Avant d'ajouter: «Mais il y a
un problème qui est celui de l'intégration. Toutes les vagues successives de
l'immigration ont fait un effort pour coïncider avec les us et coutumes du pays
d'accueil». «Je ne suis pas pour le communautarisme, je veux des principes
communs, je suis pour le combat d'idées, l'égalité hommes-femmes.»
Jean-Pierre
Chevènement a ainsi estimé que le burkini posait problème, défendant une
laïcité stricte comme Manuel Valls. «Il vise à définir une place de la femme
subordonnée à celle des hommes dans la société. On peut le tolérer mais on peut
ne pas l'approuver», a commenté le futur président de la Fondation pour l'islam
de France, pointant du doigt «la montée du fondamentalisme religieux».»
L'immense majorité des femmes ne peuvent plus sortir dans la rue sans être
voilée. Il est de mon devoir de rappeler qu'une certaine discrétion est
souhaitable.»
Proche
de la mouvance souverainiste, l'ancien ministre combat depuis longtemps le
communautarisme. L'année dernière, il
affichait ses convergences avec le président du parti Debout la France,
le député Nicolas Dupont-Aignan.
Des
élus de Seine-Saint-Denis veulent la démission de Chevènement
-
Crédits photo : JACQUES DEMARTHON/AFP
Ses
propos n'en finissent pas de susciter l'indignation. Après s'être attiré les
foudres de son propre camp en invitant les musulmans à faire preuve de
«discrétion», Jean-Pierre Chevènement essuie à nouveau des tirs nourris en
provenance de sa gauche. En cause, le fait qu'il ait regretté que, sur les «135
nationalités présentes à Saint-Denis», l'une ait «quasiment disparu» (la
Française, ndlr). «Je demande à François Hollande et Bernard Cazeneuve de
renoncer à sa nomination», a ainsi exhorté le président PS du conseil
départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, selon qui le
souverainiste «a multiplié les confusions et les dérapages». Idem pour le
député PS du département Mathieu Hanotin qui, auprès du Lab d'Europe 1, s'est dit «scandalisé à
double-titre». «D'une, sa rhétorique paternaliste et colonialiste (...). De
deux, ses propos scandaleux et racistes sur Saint-Denis. Il fait une confusion
mentale entre être Français et être blanc. La ligne rouge a été franchie. Il
faut que le président renonce le plus vite à nommer cette personne»,
exhorte-t-il.
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Opposé à une loi
anti-burkini, Cazeneuve appelle à «l'apaisement» (29.08.2016)
Par Mathilde
Siraud
Mis à jour le 29/08/2016 à 10h01 | Publié le 29/08/2016 à 07h39
Le
ministre de l'Intérieur reçoit lundi les membres du Conseil français du culte
musulman. Dans un entretien à La Croix, il dit vouloir «réussir la
construction d'un islam de France dans le respect des valeurs de la
République».
Toute
la journée à Beauvau, une cinquantaine de personnalités vont être reçues pour
une réunion de travail sur l'islam de France. Dans un contexte
marqué par la menace terroriste et la polémique sur le burkini qui crispe le
pays depuis un mois, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve annonce
dans La Croix vouloir «réussir la construction d'un
islam de France dans les respects des valeurs de la République». «La France a
plus que jamais besoin d'une relation apaisée avec les musulmans», appuie-t-il,
estimant que l'adhésion aux valeurs républicaines devaient «transcender» toutes
les autres. Il présente une série d'annonces et d'engagements.
-
Fondation pour l'islam de France
La
Fondation pour l'islam de France, que
Jean-Pierre Chevènement va présider, va être officiellement lancée. Le
ministre en trace les contours. Cette institution «aura vocation à soutenir des
projets, dans les domaines de l'éducation, de la culture, de l'engagement des
jeunes, elle pourra prendre en charge la formation profane des imams, le
développement de la recherche en islamologie». Pour Bernard Cazeneuve, la
nomination de Jean-Pierre Chevènement a sa tête est un choix cohérent. «Il
connaît bien le monde musulman et son attachement à la laïcité est
incontestable.» Après lui, «d'autres personnalités» notamment de confession
musulmane pourront en prendre la tête.
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Formation des imams
Bernard
Cazeneuve veut éradiquer le «système des imams ‘détachés'» par des pays
étrangers. En plus de la Fondation pour l'islam de France, une association
cultuelle dirigée par des représentants musulmans va voir le jour, pour
s'occuper du financement des mosquées et de la formation théologique des imams.
Une «contribution» des acteurs de la filière halal sera mise en place et des
nouveaux départements d'islamologie seront créés dans les universités pour que
les imams bénéficient d'une formation universitaire «avec un très haut niveau
d'exigence scientifique dans les matières profanes».
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Lutte contre la radicalisation
Le
ministre rappelle son engagement pour procéder à l'expulsion du territoire des
étrangers qui tiennent un discours radical. Il a dressé son bilan en la
matière: 80 arrêtés d'expulsion pris depuis 2012, 15 expulsions depuis début
2016, dont 6 en août. Une vingtaine de mosquées ont été fermées.
- Burkini
Sur
cette question, Bernard Cazeneuve appelle à «l'apaisement» pour «éviter les
troubles à l'ordre public et conforter le vivre-ensemble». «Une loi serait
inconstitutionnelle, inefficace, et de nature à scusciter des antagonismes et
d'irréparables tensions», considère-t-il. «Je crois davantage à la force de ce
dialogue qu'à la stratégie dangereuse de la division, qui finirait par faire
divorcer la France et la République». Au
contraire du premier ministre Manuel Valls, l'hôte de Beauvau se dit
également opposé à l'extension de l'interdiction du port du voile et considère
l'arsenal législatif suffisant. «La laïcité est d'autant plus ferme qu'elle est
apaisante, elle est d'autant plus faible qu'elle est stigmatisante», dit-il,
comme une réponse aux propos jugés parfois radicaux du premier ministre mais
aussi à la gauche tenante du respect des libertés individuelles. Le responsable
socialiste a ensuite déploré les «surenchères» liées à la primaire à droite. La
gauche «doit être intraitable avec le communautarisme, le salafisme, ces enfermements
qui éloignent de la République et ignorent des combats essentiels pour la
tolérance et l'égalité entre les hommes et les femmes». «La sagesse c'est pas
une mollesse, elle est une force», conclut le ministre, qui se refuse à «parler
aux instincts».
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