mercredi 28 mars 2018

Islamisme et politique 23.03.2018

Attaques dans l'Aude : Daech vise une nouvelle fois le cœur de la France (23.03.2018)
Attaques dans l'Aude : Radouane Lakdim était fiché S depuis 2014 (23.03.2018)
Attentat de l'Aude : Arnaud Beltrame, le gendarme qui avait remplacé des otages, est mort (23.03.2018)
Beauvau a mis en place un plan pour faire face à une «tuerie planifiée» en province (23.03.2018)
Natacha Polony : «S comme sourates» (23.03.2018)
«Nous devons faire face à un terrorisme endogène, extrêmement diffus, difficile à anticiper» (23.03.2018)
Pascal Bruckner : « Le terrorisme islamiste reste, et pour longtemps, la menace majeure pour notre sécurité » (23.03.2018)

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Attaques dans l'Aude : Daech vise une nouvelle fois le cœur de la France (23.03.2018)
Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 24/03/2018 à 07h32 | Publié le 23/03/2018 à 21h04
INFOGRAPHIE - Quatre personnes ont été tuées dans l'Aude, vendredi, dans une série d'attaques revendiquées par l'État islamique. L'auteur des faits, connu pour délinquance, a été abattu.
Le scénario tant redouté, celui d'une attaque terroriste perpétrée dans une paisible petite ville de province, a semé l'effroi dans tout le pays. L'action, menée au cœur de l'Aude et revendiquée par l'État islamique, témoigne, s'il en était besoin, que la menace n'a jamais faibli même si le dernier attentat remonte à près de cinq mois avec l'assassinat au poignard et au cri d'«Allah Akbar» de deux jeunes femmes gare Saint-Charles à Marseille. Le raid sanglant qui vient d'endeuiller le pays et met à l'épreuve Emmanuel Macron s'est soldé, vendredi soir, par un bilan, toujours provisoire, d'au moins cinq morts - dont le terroriste - et une dizaine de blessés, dont un dans un état très grave.
Selon les derniers éléments de l'enquête, confiée par le parquet de Paris à la Sous-direction antiterroriste (Sdat), la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la PJ de Montpellier, l'équipée meurtrière, fulgurante, s'est déroulée en trois étapes. Le terroriste, Radouane Lakdim, né au Maroc en avril 1992, était connu pour des faits de petite délinquance. Condamné le 29 mai 2011 à un mois de prison avec sursis pour port d'arme prohibé, il exécute un bref séjour derrière les barreaux en août 2016 pour «usage de stupéfiants». «En raison de sa radicalisation et de ses liens avec la mouvance salafiste, il était fiché S depuis 2014, a révélé le procureur de la République de Paris, François Molins, qui s'est rendu à Trèbes dans l'après-midi. En 2016 et 2017, il a fait l'objet d'un suivi effectif des services de renseignement sans qu'aucun signe précurseur ne laisse présager un passage à l'acte». «Il a agi seul, avait déclaré peu avant sur place Gérard Collomb. Nous l'avions suivi et nous pensions qu'il n'y avait pas de radicalisation, mais il est passé à l'acte brusquement.» Rappelons, pour mémoire, que le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) recensait, le mois dernier, pas moins de 19.745 suspects. Le tueur de l'Aude figurait au nombre de ceux-là.
Demandes fantaisistes
À 10 h 13, Radouane Lakdim a d'abord volé une Opel Corsa de couleur blanche à Carcassonne, tuant son propriétaire et blessant par balles le conducteur, retrouvé gisant du côté de la cité des Aigles. «Il s'est ensuite rendu à la caserne du 3e RPMa et a attendu pendant quelques minutes des militaires avant de se raviser et de faire demi-tour en direction de la caserne des CRS», précise François Molins. Manifestement, Lakdim souhaitait cibler l'uniforme. Peu avant 11 heures, il ouvre le feu à six reprises sur quatre policiers de la CRS 53 rentrant d'un footing, touchant un des fonctionnaires à l'épaule. Par miracle, la balle est passée à trois centimètres du cœur. Un de ses collègues a poursuivi l'assaillant à pied pour relever le numéro de sa plaque d'immatriculation. Cette précieuse information a permis de faire le lien avec la prise d'otages du magasin Super U de Trèbes, situé à quinze kilomètres, sur le parking duquel le véhicule a été identifié.
Vers 11 h 15, Radouane Lakdim, armé d'un pistolet, a fait irruption en lançant «Allah Akbar!» dans le magasin où se trouvait alors une «cinquantaine de clients». Indiquant être « soldat de l'État islamique prêt à mourir pour la Syrie», il sollicite la «libération de frères» avant d'abattre le boucher du magasin ainsi qu'un client. Alors que les autres otages ont pu être libérés lors de négociations, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, arrivé parmi les premiers sur les lieux, a proposé, au péril de sa vie, de prendre la place d'une femme encore retenue sous la menace.
Il est donc resté l'ultime otage de Radouane Lakdim, «soldat de l'État islamique, qui a agi en réponse à l'appel à viser les pays membres de la coalition», comme l'a déclaré Amaq, l'agence de propagande de Daech, dans un communiqué partagé sur l'application Telegram. Mais la phase de négociation avec l'antenne locale du GIGN a fait long feu. L'islamiste, pointant son arme sur l'officier de 44 ans, demande un chargeur et menace de «tout faire sauter» en cas d'intervention. Puis, le duo retourne dans le funeste huis clos du magasin.
À 14 h 30, trois coups de feu y sont perçus, grâce à un téléphone laissé allumé sur une table par le militaire. Le preneur d'otages est tué au cours de l'assaut aussitôt donné par les hommes de l'antenne du GIGN de Toulouse. Outre deux gendarmes d'élite blessés, le lieutenant-colonel Beltrame a été retrouvé dans un état jugé «très sérieux». Officier adjoint du commandement de groupement de gendarmerie départementale de l'Aude, il a été héliporté vers l'hôpital de Carcassonne où son diagnostic vital est engagé. Samedi matin, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a annoncé qu'il avait succombé à ses blessures. Emmanuel Macron lui a rendu hommage, indiquant qu'il «était tombé en héros» et méritait «respect et admiration de la nation tout entière».
Dans la soirée, les enquêteurs s'employaient à retracer l'origine de l'arme mais aussi le parcours de Radouane Lakdim. La question était de savoir si ce petit voyou a pu être en lien direct avec des complices ayant sévi dans les zones de combat. En début de soirée, sa compagne était en garde à vue et une perquisition était en cours dans son quartier pour trouver le moindre élément susceptible d'éclairer sa funeste trajectoire.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 24/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Rédacteur en chef adjoint, spécialiste sécurité et renseignement
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Attaques dans l'Aude : Radouane Lakdim était fiché S depuis 2014 (23.03.2018)
Par Le figaro.fr et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 23/03/2018 à 22h13 | Publié le 23/03/2018 à 16h57
L'homme de 25 ans, fiché S depuis l'été 2014, était suivi par les services de renseignement depuis 2016, selon le procureur de la République de Paris, François Molins. Il avait été condamné à deux reprises, en 2011 et 2015, pour des faits de droit commun.
Le ministre de l'Intérieur a révélé le nom de l'auteur présumé des attaques terroristes de Trèbes et Carcassonne au cours desquelles trois personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées dont au moins deux grièvement, ce vendredi. Il s'agit de Radouane Lakdim, né le 11 avril 1992 à Taza au Maroc, et déjà connu des services de police pour des faits de trafic de stupéfiants. Le procureur de la République de Paris, François Molins, a indiqué dans une conférence de presse qu'il était fiché S «depuis 2014». Il a été tué lors d'un assaut mené par les gendarmes du GIGN.
Après avoir grièvement blessé par balles le conducteur d'une voiture et tué son passager, avant de s'emparer du véhicule, à Carcassonne, Radouane Lakdim a ouvert le feu sur quatre CRS qui effectuaient un jogging, blessant l'un d'eux, avant de pénétrer dans un supermarché à Trèbes où il a tué deux personnes et pris des otages, dont le colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame sur qui il a tiré à plusieurs reprises. Ce dernier était toujours entre la vie et la mort vendredi soir.
Surveillé un temps pour radicalisation

Radouane Lakdim - Crédits photo : HANDOUT/AFP
François Molins a brièvement détaillé le parcours de ce jeune délinquant de 26 ans. Français d'origine marocaine, il vivait avec sa famille dans la cité Ozanam, un quartier populaire situé à quelques centaines de mètres de la cité de Carcassonne et tout proche d'une caserne de policiers. Il a été condamné à deux reprises, en 2011 et 2015, pour des faits de droit commun, et incarcéré pendant un mois en août 2016 à la maison d'arrêt de Carcassonne pour infraction de port d'arme prohibé, usage de stupéfiants et refus d'obtempérer. Par ailleurs, il a fait l'objet d'un suivi effectif par les services de renseignement en 2016-2017, suivi «qui n'a permis de mettre en évidence aucun signe précurseur d'un éventuel passage à l'acte terroriste», a précisé le procureur.
Il s'agissait d'«un solitaire qui est passé à l'acte brusquement», a expliqué pour sa part le ministre de l'Intérieur. Le terroriste a crié «Allah Akbar» et s'est revendiqué de l'État islamique. Il sollicitait notamment la libération de «frères» et s'est dit prêt à mourir pour la Syrie. Il aurait agi seul, selon Gérard Collomb, bien qu'une personne de son entourage ait été placée en garde à vue dans la soirée.
Durant la prise d'otages, il aurait téléphoné à sa mère, laquelle a appelé ses soeurs, qui se sont alors rendues sur les lieux, d'après une source proche de l'enquête.
L‘organisation terroriste a revendiqué les trois attaques de Carcassonne et Trèbes, selon un communiqué de l'agence de propagande de Daech, Amaq, sans fournir de preuve. «L'homme qui a mené l'attaque de Trèbes dans le sud de la France est un soldat de l'État islamique, qui a agi en réponse à l'appel» de l'organisation «à viser les pays membres de la coalition» internationale anti-EI.
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Attentat de l'Aude : Arnaud Beltrame, le gendarme qui avait remplacé des otages, est mort (23.03.2018)
Par Yohan Blavignat et AFP agenceMis à jour le 24/03/2018 à 08h34 | Publié le 23/03/2018 à 16h09
VIDÉO - Le lieutenant-colonel du groupement local de gendarmerie de l'Aude, âgé de 45 ans, a succombé à ses blessures dans la nuit de vendredi à samedi. Il avait négocié avec le terroriste pour prendre la place des otages dans le Super U de Trèbes. Emmanuel Macron a déclaré que l'officier méritait «respect et admiration de la nation tout entière».
Il s'était livré au ravisseur en échange de la libération des otages: le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame a succombé à ses blessures dans la nuit de vendredi à samedi, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. «Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame nous a quittés. Mort pour la patrie. Jamais la France n'oubliera son héroïsme, sa bravoure, son sacrifice. Le cœur lourd, j'adresse le soutien du pays tout entier à sa famille, ses proches et ses compagnons de la @Gendarmerie de l'Aude», écrit le ministre dans un Tweet.
Le chef de l'État a salué «le courage, le sang-froid et l'abnégation exceptionnels» d'Arnaud Beltrame. «Au cœur de l'action, le lieutenant-colonel Beltrame [...] a illustré les vertus militaires d'une manière éclatante, qui mérite respect et admiration de la nation tout entière», a ajouté dans un communiqué Emmanuel Macron, appelant «chaque Français à honorer la mémoire» du disparu.
De son côté, le directeur général de la gendarmerie nationale a exprimé sa «très vive émotion». Le général Richard Lizuret a souhaité «rendre solennellement hommage à l'héroïsme de notre camarade» et «s'incliner devant le courage, le sens du sacrifice et l'exemplarité de cet offficier qui a donné sa vie pour la liberté des otages». Il a ajouté que les drapeaux et étendards de la gerndarmerie seraient mis en berne ce samedi.
Blessé grièvement par le terroriste
Le militaire avait fait preuve d'héroïsme pendant la prise d'otages de Trèbes et luttait contre la mort, vendredi soir, après avoir été blessé par balles par l'assaillant. Il «a sauvé des vies et fait honneur à son arme et notre pays», avait salué vendredi Emmanuel Macron en rendant un hommage appuyé à son «courage». François Molins, le procureur de la République de Paris, avait souligné, un peu plus tard dans la soirée, «l'héroïsme du gendarme qui, au péril de sa vie, a fait le choix de prendre la place des otages».
Alors que le terroriste venait d'abattre deux personnes dans le Super U de Trèbes, «le lieutenant-colonel a pris la place des otages au terme de négociations avec l'auteur des faits», avait précisé François Molins. Le procureur avait expliqué que l'assaillant avait ensuite ouvert le feu à plusieurs reprises sur le gendarme, le blessant grièvement.
Le gendarme «avait laissé son téléphone ouvert sur la table (...) et c'est lorsque nous avons entendu les coups de feu que le GIGN est intervenu» et a abattu l'auteur de l'attaque, qui se réclamait du groupe djihadiste État islamique, avait détaillé le ministre de l'Intérieur. Le ministre avait également souligné «un acte d'héroïsme comme en sont coutumiers les gendarmes, les policiers qui s'engagent au service de la nation».
Chef de la compagnie d'Avranches dans la Manche
Né à Etampes, dans l'Essonne, Arnaud Beltrame était marié et n'avait pas d'enfant. Après Saint-Cyr et l'École des officiers de la Gendarmerie nationale, il a d'abord été nommé dans un peloton de véhicules blindés à Satory (de 2002 à 2006), puis a rejoint le premier régiment d'infanterie (RI) de la Garde républicaine (en charge de la protection du président de la République), jusqu'en 2010.
De 2010 à 2014, il a été chef de la compagnie d'Avranches dans la Manche, puis officier d'état major auprès du ministère de l'Écologie et du Développement durable à Paris de 2014 à 2017. Il a accédé au rang de lieutenant-colonel en 2016. Le 1er août 2017, il est devenu officier adjoint de commandement (OAC) au groupement de gendarmerie de l'Aude.
Arnaud Beltrame est décoré de l'ordre national du Mérite. En décembre 2017, il avait participé à un exercice simulant une tuerie de masse dans un supermarché de la région, selon le quotidien régional La Dépêche du Midi. Les forces de l'ordre procèdent régulièrement à ce type d'entraînement pour améliorer leur mode d'intervention en cas d'attentat.
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Beauvau a mis en place un plan pour faire face à une «tuerie planifiée» en province (23.03.2018)
Par Jean Chichizola et Christophe CornevinPublié le 23/03/2018 à 20h03
VIDÉO - Dès février 2016, le ministère de l'Intérieur avait exigé qu'il y ait des «forces d'intervention rapide» à 20 minutes maximum de distance de n'importe quel point du pays afin de riposter à une attaque.
Un attentat commis dans le supermarché d'une petite ville de province… Tel était le scénario d'un exercice «attentat/tuerie de masse» réalisé en décembre dernier à Carcassonne. Une soixantaine de gendarmes du peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) avaient été mobilisés avec vingt pompiers du service départemental d'incendie et de secours, sans oublier les services de la préfecture de l'Aude. Cet exercice en temps réel visait notamment à vérifier la parfaite coordination entre les différents services.
De tels exercices sont très régulièrement organisés depuis des années, dans l'Aude comme partout en France. Comme l'ont démontré les attentats et les tentatives d'attentat de ces dernières années, le terrorisme islamiste peut en effet frapper au cœur de la province au moins autant qu'en région parisienne ou dans les grandes villes de l'Hexagone. Un constat dressé dès le 20 décembre 2014, avant la série d'attaques de 2015-2016, quand un islamiste attaque des policiers du commissariat de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) à l'arme blanche, faisant trois blessés avant d'être tué. Le 26 juin 2015, c'est à Saint-Quentin-Fallavier, petite bourgade de l'Isère, que le terrorisme frappe. Un chauffeur-livreur radicalisé tente de faire exploser un site industriel classé Seveso après avoir décapité son employeur et exhibé la tête à côté d'un drapeau de l'État islamique. Un an plus tard, le père Hamel, prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray, petite commune de Normandie, non loin de Rouen, est égorgé par deux terroristes, qui blessent également un fidèle. De l'Indre-et-Loire à l'Isère, de la Seine-Maritime à l'Aude, la «France profonde» n'a donc jamais été à l'abri des attaques. Et les autorités ont pris en compte la menace au fil des années.
Un schéma national d'intervention
Dès février 2016, conscient d'un péril «plus élevé que jamais», Bernard Cazeneuve a «insisté sur le fait que cette menace pèse sur l'ensemble du territoire national, et non seulement en région parisienne». Considérant alors que chaque «Français doit pouvoir bénéficier du même niveau de sécurité, où qu'il vive sur le territoire national», l'hôte de la Place Beauvau avait exigé qu'il y ait des «forces d'intervention rapide» à 20 minutes maximum de distance de n'importe quel point du pays afin de riposter à une attaque. Les bases d'un inédit schéma national d'intervention, mis en œuvre ce vendredi pour stopper la tuerie de Redouane Lakdim dans l'Aude, sont donc posées depuis plus d'un an.
«Cette menace pèse sur l'ensemble du territoire national, et non seulement en région parisienne»
Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, en 2016
Le principe était de «durcir», sans attendre, un maillon plus que jamais stratégique de la chaîne de sécurité, celui des brigades anticriminalité (BAC) de la police nationale et des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG). Dans sa version «Sabre», dont il existe 150 unités à travers le pays, le peloton est entraîné à faire face à une «situation de tuerie planifiée». Les sous-officiers qui en font partie, tous triés sur le volet, sont équipés de lourds boucliers de type «sarcophage» dernière génération et de protections balistiques résistant au calibre de guerre. Comme leur homologue de la BAC, ils ont été dotés de fusils d'assaut allemands HK G36, capables de traverser des gilets pare-balles semblables à ceux que portaient Merah, Coulibaly ou encore les frères Kouachi. Arrivés en précurseurs, ils doivent tenir en attendant l'arrivée des unités d'élites du Raid ou du GIGN.
Soucieux de mieux repérer les comportements à risque en zone rurale, les services de renseignements ont aussi mis les bouchées doubles. Au sein de la sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO), les gendarmes ont ainsi développé une chaîne de 550 militaires spécialisés dans le traitement du renseignement. En outre, les militaires ont armé au profit du renseignement territorial 75 antennes dans les endroits les plus reculés du territoire. Mission? Trier et raffiner les milliers de «signaux de faible intensité» glanés par les brigades.

En juin 2016, un radicalisé menaçant arrêté à Carcassonne
Il y a moins de deux ans, l'Aude avait connu une première alerte terroriste dans des circonstances qui soulignaient déjà le risque de passage à l'acte d'une mouvance «endogène». Le 13 juin 2016, vers 21 heures, les policiers de  la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avaient interpellé  un homme de 22 ans en gare  de Carcassonne. Une petite masse  et un couteau étaient trouvés en  sa possession. En garde à vue, l'homme, originaire de Lunel (Hérault) connu  pour être un foyer de l'islam radical, avait déclaré qu'il voulait s'en prendre à des membres des forces de l'ordre et égorger des touristes, tout particulièrement «américains et russes». Mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste,  le suspect avait un profil de marginal, à la psychologie perturbée. Il s'était converti à l'islam en 2014 avant de se radicaliser sur Internet. Reconnaissant son soutien  à l'État islamique, il faisait l'objet d'une fiche S et avait été assigné à résidence dans le cadre de l'état d'urgence en février 2016. La DGSI avait été alertée  par ses appels à tuer «des mécréants» émis sur la Toile.

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Natacha Polony : «S comme sourates» (23.03.2018)
Par Natacha Polony
Publié le 23/03/2018 à 20h49
CHRONIQUE - La prise d'otages de Trèbes relance les mêmes polémiques qu'après chaque attentat. Contre la menace de la radicalisation, toutes les Task Force élyséennes demeureront impuissantes tant qu'elles ne seront pas articulées à un combat idéologique et à un réarmement moral du pays.
C'est une sorte de signal faible, un léger bruit de fond, qui à intervalles réguliers se transforme en fracas. Et tout à coup l'on se souvient. Nous sommes sous la menace permanente. Mais le fonctionnement médiatique en séquences hypertrophiées et frénétiques organise notre amnésie et nous incite à ne surtout pas agir, une fois l'émotion retombée. Le 1er octobre 2017, deux jeunes filles avaient été assassinées par un Tunisien en situation irrégulière à la gare Saint-Charles à Marseille. Qui se souvient de Laura et Mauranne, victimes d'un homme qui n'aurait jamais dû se trouver en liberté sur le territoire français? Aujourd'hui, les commentaires sont les mêmes, emprunts de fatalisme. On parle à nouveau «terrorisme low-cost», on s'interroge: un illuminé? Un terroriste formé? Mais avons-nous un tant soit peu progressé dans la lutte contre cette gangrène?
Le preneur d'otages de Trèbes s'est revendiqué de l'État islamique, demandant même à être reconnu comme un combattant, avant de réclamer la libération de Salah Abdeslam. Une fois de plus, le terroriste a d'abord ciblé des représentants des forces de l'ordre, des hommes incarnant l'État et la Nation. Cet homme était d'origine marocaine, déjà condamné pour délinquance. L'homme était «suivi», mais «nous pensions qu'il n'y avait pas de radicalisation», a précisé Gérard Collomb. Ce qui ouvre des polémiques sans fin. Les mêmes qu'à chaque attentat: peut-on repérer les processus de radicalisation? Contre une menace aussi diffuse, toutes les Task Force élyséennes demeureront dramatiquement impuissantes tant qu'elles ne seront pas articulées à un combat idéologique et à un réarmement moral du pays.
Salah Abdeslam, seul survivant des terroristes du 13 novembre, avait utilisé son procès belge comme une tribune. «Je constate que les musulmans sont jugés impitoyablement. Il n'y a pas de présomption d'innocence. (…) Jugez-moi, faites de moi ce que vous voulez. Je n'ai pas peur de vous, de vos alliés ou de vos associés. Je place ma confiance en Allah, mon seigneur.» Les mots qu'il avait lancés à la juge avant de se murer dans le silence étaient adressés à une jeunesse musulmane chez qui il voulait susciter un réflexe victimaire. Le message, visiblement, a été entendu. Et ce d'autant plus facilement que ce même message est martelé, jour après jour, par toutes sortes d'associations et de défenseurs plus ou moins bénévoles de minorités essentialisées et transformées en damnées de la terre, opprimées par les «dominants» et les tenants d'une culture commune.
Comment, pour les autres, répondre à ce chantage permanent des intégristes selon lequel il n'y aurait de religion que littéraliste, et qu'un musulman « modéré » serait un peu moins musulman ?
Nous nous heurtons à la conjonction de plusieurs phénomènes. Les revendications identitaires soutenues par les gentils idéologues du multiculturalisme, concentré de ressentiment social et de narcissisme contemporain, arrivent à point nommé pour servir les intérêts d'un islam politique qui, lui, mène un combat de long terme: celui d'une conquête culturelle - et, dans certains quartiers, spatiale - des pays européens. Face à cela, l'immense majorité des musulmans, qui aspire à vivre sa foi dans un cadre pacifique et républicain, est prise en otage. Elle refuse à raison tout amalgame avec une idéologie mortifère, mais sans pouvoir empêcher ses enfants d'adhérer à une vision de plus en plus littéraliste de sa religion. Une étude de l'Institut Montaigne l'a montré: 28 % des musulmans, en France, estiment que la charia prévaut sur la loi de la République. Comment, pour les autres, répondre à ce chantage permanent des intégristes selon lequel il n'y aurait de religion que littéraliste, et qu'un musulman «modéré» serait un peu moins musulman?
Il appartient aux sociétés européennes d'enfin comprendre l'enjeu, et de réaffirmer leur modèle de civilisation, fait de sécularisation de la société et de valeurs d'émancipation. Mais il appartient à l'Islam d'opérer une réforme de l'ampleur de Vatican II, pour enfin nettoyer le Coran de tous les éléments qui peuvent permettre aux intégristes de se présenter comme les seuls véritables musulmans, pour enfin rendre obsolètes les sourates issues des périodes guerrières, qui prescrivent la violence et la mort, l'éradication des «mécréants». Le catholicisme n'a accepté le pluralisme, puis la laïcité, que sous les coups de boutoir des penseurs, des artistes, de tous ceux qui ont avec courage contestésa dimension totalisante. Ce qui signifie que, peu à peu, la peur a changé de camp. Elle doit le faire à nouveau. Et cela ne sera rendu possible que par le retour d'un débat intellectuel sur l'Islam, tel qu'il a longtemps existé. Sinon, toutes les fiches S du monde ne serviront à rien.
Il est sans doute regrettable que la voix du président de la République ne se soit pas fait entendre sur ces questions et que les seuls messages envoyés par lui aient été les nominations dans diverses instances des promoteurs de l'idéologie victimaire qui tend à minimiser le danger de cet islamisme du quotidien. C'est retarder d'autant le moment où tous les Français, de quelque religion que ce soit, se lèveront ensemble pour affirmer leur identité et leurs valeurs communes.

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Journaliste

«Nous devons faire face à un terrorisme endogène, extrêmement diffus, difficile à anticiper» (23.03.2018)

Par Paul Sugy
Mis à jour le 24/03/2018 à 08h25 | Publié le 23/03/2018 à 17h14
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Après l'attenta mené vendredi dans l'Aude, le président du Centre d'analyse du terrorisme Jean-Charles Brisard rappelle que la menace terroriste est toujours aussi actuelle malgré l'avancée de la coalition contre Daech.

Jean-Charles Brisard est président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT).

FIGAROVOX.- Que sait-on du profil de Redouane Lakdim, qui a tiré sur des CRS avant de prendre en otage des civils en se retranchant dans un supermarché?
Jean-Charles BRISARD.- Le profil de ce jihadiste est assez classique, et ressemble à celui de nombreux autres terroristes coupables d'actes similaires sur notre sol depuis 2014. Il s'agit d'un individu qui aurait, selon les premiers éléments dont nous disposons, agi seul, et qui était connu des services de renseignement: il était fiché au FSPRT, le Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.
Il avait en outre été condamné à de la prison, notamment pour port d'armes. Pour autant, le renseignement ne s'attendait pas à ce qu'il passe à l'acte.
Que dire aussi du mode opératoire, et en particulier du fait que des forces de l'ordre aient été une nouvelle fois prises pour cibles?
Les forces de l'ordre constituent 67 % des personnes visées par des actes de violence terroristes sur notre sol.
Là encore, nous sommes frappés par la ressemblance avec d'autres faits similaires qui ont pu se produire dans un passé récent. En réalité, on observe un certain mimétisme dans le mode opératoire de l'assaillant, qui s'est certainement inspiré de ce que d'autres jihadistes ont pu commettre avant lui. Les forces de l'ordre sont en effet, une nouvelle fois, prises pour cible par un islamiste radicalisé: selon une étude du Centre d'Analyse du Terrorisme, ils constituent 67 % des personnes visées par des actes de violence terroristes sur notre sol.
Enfin, l'assaillant s'est une nouvelle fois retranché pour en finir avec les forces de l'ordre, se condamnant à une mort certaine pour faire face, comme les terroristes du Bataclan avant lui. On retrouve la marque caractéristique de nombreux attentats commis au nom de Daech en France depuis 2014.
Ce nouvel attentat, qui survient alors que la France n'avait plus été touchée par le jihadisme depuis le mois d'octobre, réactive-t-il la crainte d'une menace jihadiste que l'on croyait moins sérieuse à mesure que l'offensive contre Daech connaissait des victoires sur le terrain?
À proprement parler, la menace n'avait jamais disparu ni même ne s'était atténuée. On n'observe pas de corrélation entre les défaites de l'État islamiques contre les forces de la coalition, et un éventuel ralentissement de l'activité des filières jihadistes sur notre territoire. Il faut rappeler que de nombreux attentats ont été déjoués en France par nos services de renseignement.
Mais nous devons faire face à un terrorisme endogène, extrêmement diffus, parfois très difficile à anticiper. Et même si les vecteurs de la propagande jihadiste et les prêcheurs de Daech sont de plus en plus désorganisés à mesure que la coalition s'avance vers une victoire définitive contre l'État islamique, il reste encore de très nombreux relais de cette idéologie, qui sont susceptibles de précipiter la radicalisation d'individus sur notre propre sol.
Quelle réaction attendez-vous de la part de l'exécutif, qui fait face aujourd'hui à l'acte terroriste le plus important depuis l'accession à la présidence d'Emmanuel Macron, et au treizième attentat meurtrier en France depuis 2015?
Comme je l'ai dit, l'exécutif se retrouve à affronter une menace diffuse, mais qui prouve encore à quel point elle est présente et tenace. Il est clair que nous devons poursuivre l'amélioration de nos outils de prévention de la radicalisation. Pour cela, nous devons aller à rebours d'une culture de la centralisation, qui a consisté depuis les années 80 à confier la majeure partie des responsabilités à l'État en matière de lutte contre le terrorisme. Il faut au contraire donner aux communes, et avec elles à de nombreux acteurs locaux: associatifs, sociaux, etc. les moyens de connaître et de prévenir le passage à l'acte de personnes radicalisées. L'idée serait d'établir un maillage territorial fort de nombreux relais locaux, qui serait plus efficace pour détecter une menace dont je rappelle qu'elle est extraordinairement dispersée, prête à frapper en n'importe quel endroit du territoire, y compris sur une petite commune rurale comme à Trèbes, dans l'Aude, ce matin.
Il faut établir un maillage territorial de vigilance et de prévention de la radicalisation.
En 2016, vous écriviez dans les colonnes de FigaroVox que la lutte contre le jihadisme n'exige pas tant de créer des lois d'exception que d'appliquer celles qui constituent déjà notre arsenal législatif. Diriez-vous encore la même chose aujourd'hui?
Oui, car je pense que nous pouvons encore aller plus loin dans notre application de la loi. Nous avons déjà de nombreuses dispositions qui nous permettent de lutter contre la radicalisation. Mais il faut du temps, par exemple pour que les juridictions utilisent les outils qui sont à leur portée pour prévenir le passage à l'acte des «revenants», ces jihadistes français partis en Syrie ou en Irak combattre et se former auprès des islamistes. La moyenne aujourd'hui des peines prononcées contre ces «revenants» est de seulement 7 ans de prison ; quant aux peines effectivement appliquées, elle n'est que de 4 ans! C'est effrayant, quand on imagine que ces jihadistes français seront remis en liberté et donc susceptibles de passer à l'acte en 2022.
Justement, les prisons ne sont-elles pas l'un des facteurs aujourd'hui du problème de la radicalisation? On y entre pour des faits de droit commun, et on en ressort parfois terroriste…
En effet, et il faut le dire, les prisons sont trop souvent des incubateurs de la radicalisation.
On constate que les moyens mis en œuvre par l'État sont loin de suffire, aujourd'hui encore, pour faire face à un phénomène de radicalisation de masse dans les établissements pénitentiaires. La mise en place en avril dernier d'un bureau central du renseignement pénitentiaire est une première avancée, mais ce renseignement est aujourd'hui largement sous-doté et nécessite des moyens humains et financiers bien plus importants pour mener à bien sa mission, qui est de prévenir la contagion de l'idéologie des jihadistes en milieu carcéral.
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Pascal Bruckner : « Le terrorisme islamiste reste, et pour longtemps, la menace majeure pour notre sécurité » (23.03.2018)
Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 23/03/2018 à 23h22 | Publié le 23/03/2018 à 20h04
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le philosophe et essayiste réagit à l'attentat de Carcassonne et de Trèbes. Il y voit la persistance d'une menace islamiste sur notre territoire.
LE FIGARO. - Vendredi matin, un terroriste islamiste a tué deux personnes lors d'une prise d'otages dans un supermarché de Trèbes. Plus tôt, il avait tué un homme et blessé un policier à Carcassonne…
Pascal BRUCKNER. - Daech n'est pas mort. C'est une grenade à fragmentation qui continue à frapper longtemps après le décès prononcé. Certes, il a perdu Raqqa et Mossoul, mais reste vivant dans le cœur et l'esprit de très nombreux radicaux. Il est possible que nous connaissions encore pendant dix ou 20 ans des attentats commis en son nom. Le fait que l'attaque se soit déroulée près de Carcassonne prouve qu'il n'y a pas une parcelle du territoire à l'abri du terrorisme. Les djihadistes ne sont pas des jacobins, ce sont des opportunistes qui tuent partout où ils le peuvent. Et même dans un supermarché de l'Aude. Leur but reste de désorganiser la société en semant la panique dans la population. L'ouvrage La Gestion de la barbarie, le «Mein Kampf» des djihadistes, publié en 2004 sur Internet, détaille cette stratégie de la terreur. Il faut aussi noter que le djihadiste a visé un boucher à l'intérieur du supermarché. Est-ce le hasard ou la volonté de frapper des infidèles qui ne mangent pas halal? On peut toujours le supposer sans en avoir la certitude.
«Les “revenants” sont des bombes vivantes chargées de haine qui vont essayer de faire payer aux citoyens français l'échec de leur guerre en Syrie et en Irak»
L'homme de 26 ans était franco-marocain, connu des services de police pour trafic de stupéfiants, condamné pour port d'arme.
C'est consternant. On se souvient que toute une partie de la classe politique avait hurlé quand l'État d'urgence avait été instauré par Hollande puis pérennisé par Macron en disant que c'était un sacrifice de nos libertés. Il faut croire que dans les deux cas nous ne sommes pas allés assez loin. Il est anormal et épouvantable que cet homme ait pu continuer à se promener sur le territoire alors qu'il avait été condamné et qu'il était surveillé. Il va falloir que la justice réponde de ce manquement inquiétant. Il faudra peut-être envisager un volet législatif avec notamment le rétablissement de la double peine. Au-delà de ce cas, la France ne peut pas garder sur son sol des étrangers condamnés. Cela pose aussi le problème des «revenants». Ce sont des bombes vivantes chargées de haine qui vont essayer de faire payer aux citoyens français l'échec de leur guerre en Syrie et en Irak. On ne peut pas se le permettre. À ce sujet, l'une des phrases les plus pertinentes que j'aie entendues est celle de Florence Parly, notre ministre de la Défense: «Il serait préférable qu'ils périssent sur le terrain.»
Après l'assassinat de deux jeunes filles à Marseille l'année dernière, c'est le deuxième attentat majeur depuis l'élection d'Emmanuel Macron. La lutte sera-t-elle longue?
Le terrorisme islamiste n'est pas derrière nous, il reste, et pour longtemps, la menace majeure pour notre sécurité. Derrière Daech, il y a toujours al-Qaidaet ses différentes nébuleuses, et Daech, telle une multinationale du crime, essaime en Afghanistan, en Indonésie, dans le Sinaï (Égypte)et dans beaucoup d'autres pays. L'islamisme ne peut pas mourir. La seule chose qui pourrait l'assécher, c'est une réforme théologique de l'islam qui tarde à venir, si elle arrive jamais. Le problème n'est pas seulement économique, politique ou militaire, il est d'abord culturel. Nous ne pouvons pas réformer l'islam à la place des musulmans. Jusqu'à ce que cette transformation éventuelle ait lieu, il faudra continuer à vivre sous la protection de la police, de l'armée. La menace terroriste restera une épée de Damoclès suspendue au-dessus de toutes les générations du XXIe siècle.
«Le terrorisme et l'intégrisme sont des frères jumeaux qui s'épaulent et agissent par des moyens différents»
Vous avez cosigné avec une centaine d'intellectuels, il y a quelques jours, une tribune publiée par Le Figaro pour mettre en garde contre le séparatisme islamiste. Faites-vous un lien entre ce séparatisme et la violence terroriste?
Aussi bien les salafistes que les Frères musulmans ont compris que la conquête religieuse devait se faire par la prédication et le prêche plutôt que par les bombes. Cependant, le terrorisme et l'intégrisme sont des frères jumeaux qui s'épaulent et agissent par des moyens différents. Les terroristes tuent et font jurisprudence. Ils permettent aux intégristes de dire, «vous voyez si vous n'obéissez pas à nos demandes, abolition des lois sur le voile, statut séparé pour les femmes, cantines halal à l'école, vous aurez des attentats.» Il y a une forme de porosité et de continuité entre les uns et les autres. Il sera aussi intéressant de voir comment des organisations comme l'UOIF (l'Union des organisations islamiques de France) et le CCIF (Comité contre l'islamophobie en France), qui dénoncent «le racisme d'État», vont réagir à cet attentat. Est-ce qu'ils vont expliquer qu'on montre l'islam du doigt? Vont-ils utiliser ce raisonnement tout à fait révisionniste qui sous-entend qu'il n'y a aucun lien entre l'islam et l'islamisme? Les terroristes se revendiquent pourtant bien de l'islam et du Coran. Il ne faut pas oublier qu'al-Azhar, qui est la «Sorbonne» de l'islam sunnite, a attendu la fin de l'année 2014 pour condamner Daech…
L'islam de France est pluriel, l'État doit résolument éviter de choisir les organisations les plus opposées aux valeurs de la République. À cet égard, j'espère que la langue de Benjamin Griveaux a fourché lorsqu'il a jugé notre tribune stigmatisante. Car nous ne confondons pas les musulmans de France avec les organisations séparatistes qui prétendent les représenter. Griveaux a peut-être mal lu la tribune. Il faudrait lui renvoyer pour qu'il comprenne que notre action et celle de son gouvernement sont parallèles, pas antagonistes.
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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Éditorial : «Terrorisme du quotidien» (23.03.2018)
Par Vincent Tremolet de Villers
Publié le 23/03/2018 à 19h59
Par Vincent Trémolet de Villers
Ils sont morts, au volant de leur voiture ou en faisant leurs courses. Blessés grièvement pour avoir fait un footing ou s'être héroïquement porté otage volontaire. Victimes arbitraires d'un «soldat du califat», d'un terroriste du quotidien. Depuis résonnent les sirènes de police, les déclarations officielles, les indignations sincères, les promesses vigoureuses. La figure du criminel se précise et, comme à chaque fois, il était repéré, condamné, surveillé, «radicalisé». Les esprits attachés au bon sens pensent que ce cauchemar aurait pu être évité mais bientôt des experts viendront leur rappeler qu'il faudra nous habituer. La vie reprendra son cours de grèves de cheminots en plan prioritaire contre l'«outrage sexiste» (une mission supplémentaire pour les policiers du quotidien). Et puis, on oubliera…
Il ne faut pas oublier. Depuis l'équipée barbare de Mohamed Merah, ils sont près de 250 victimes - soldats, enfants devant leur école, journalistes, dessinateurs, gendarmes, policiers, prêtre… - à être tombés sous les balles, les bombes, les coups de couteau des fous d'Allah. Un bilan effroyable qui hante notre inconscient et illustre à chaque attentat le désarroi de ceux qui nous gouvernent. Les policiers, les services de renseignements qui jour et nuit risquent leur vie pour protéger la nôtre n'ont rien à se reprocher, mais la justice? «La machine judiciaire doit impérativement se repenser face au défi djihadiste», répète Gilles Kepel. Mais le souci exclusif des droits individuels que protègent nos hautes juridictions annihile, en vérité, toute velléité. La volonté politique? Elle est erratique. Le défi est considérable car la route du djihad croise désormais celle de l'immigration, de la délinquance, de ces îlots où prospère dans nos banlieues, nos villes, nos provinces une contre-société salafiste. Un nœud complexe et explosif que l'on préfère, trop souvent, ne pas regarder.
L'habitude est l'autre nom du renoncement. Elle n'empêche pas la peur dans les transports, à l'école, au cinéma, dans les supermarchés: partout. Elle n'empêche pas les drames. Le terrorisme islamiste n'est pas un cataclysme, une catastrophe naturelle. C'est un phénomène politique et religieux dont on connaît les causes. Ne pas s'y attaquer, résolument, c'est accepter le devenir barbare d'un pays civilisé.

L'éditorial du Figaro Magazine : «La République perdue» (23.03.2018)
Par Guillaume Roquette
Publié le 23/03/2018 à 08h00
Selon Guillaume Roquette, après des années de déni, nos gouvernements actuels ne peuvent plus ignorer la montée de l'islamisme dans les banlieues.
Longtemps, on n'a pas voulu les entendre. Ceux qui décrivaient courageusement l'émergence d'une contre-société, où la loi de la charia s'était substituée à celle de la République, étaient marginalisés, dénigrés, stigmatisés. Au nom du vivre-ensemble et d'une laïcité apaisée, on préférait renvoyer les Finkielkraut, Zemmour et autres Rioufol à leurs supposées «phobies», parce que la réalité dérangeait trop.
Aujourd'hui, on ne peut plus la nier. Dans Le Figaro de cette semaine, cent intellectuels de tout bord dénoncent à l'unisson un totalitarisme islamiste qui s'érige en victime de l'intolérance pour mieux faire sécession avec la communauté nationale, instaurant un apartheid d'un nouveau genre. Le constat étant - enfin - partagé, c'est maintenant aux politiques d'agir.
Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron se bat avec vigueur contre le terrorisme islamique. Depuis le drame de Nice, à l'été 2016, la France est parvenue à déjouer avant qu'il ne soit trop tard toutes les tentatives d'attentats de masse ; on n'en sera jamais assez reconnaissant à nos forces de sécurité. Mais pendant ce temps, le séparatisme communautaire progresse chaque jour, dans l'indifférence des pouvoirs publics. Pourtant, notre société n'est pas seulement défiée par la violence djihadiste, elle est d'abordminée de l'intérieur par la véritable partition que l'on observe au quotidien dans les territoires perdus de la République.
Les islamistes organisent la sécession avec la communauté nationale
Face à cette réalité, le pouvoir est comme une poule devant un couteau. Il bombarde les médias de «discours sur la politique de la ville» (Macron) ou de «plan national de prévention de la radicalisation» (Philippe) qui sont aussi incontestables dans leurs intentions que dépourvus de portée pratique. Qui peut croire qu'on combattra l'islamisation des banlieues avec un «conseil des villes» qui se réunit une fois par trimestre à l'Elysée (surtout avec des membres aussi contestés que l'humoriste Yassine Belattar), ou en «mobilisant l'expertise de la recherche-action dans l'évaluation de la prévention de la radicalisation pour capitaliser les expériences locales et répertorier les bonnes pratiques» (sic), comme s'y engage sans rire le plan du Premier ministre? Mais soyons honnêtes: les prédécesseurs de nos gouvernants actuels n'ont pas fait mieux. Au pouvoir, la droite a regardé ailleurs, tandis que la gauche, elle, baissait carrément pavillon. On se souvient, et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, autorisant les mères voilées à accompagner les sorties scolaires.
Régulièrement, Le Figaro Magazine décrit l'islamisation des banlieues. En 2016, notre couverture consacrée à la ville de Saint-Denis, «Molenbeek-sur-Seine», nous avait valu des menaces de poursuites en diffamation par la municipalité. Nous les attendons toujours… Et pour cause: nous ne faisions que décrire la réalité. Cette semaine, nous vous plongeons dans la vie quotidienne d'une autre ville de banlieue parisienne où communautarisme et délinquance font meilleur ménage que jamais. Mais où est passée la République?
Directeur de la rédaction du Figaro Magazine
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Une équipe de faucons à la tête de la  diplomatie américaine (23.03.2018)

Par Philippe Gélie
Mis à jour le 23/03/2018 à 19h28 | Publié le 23/03/2018 à 19h26
Donald Trump a annoncé la nomination de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité nationale, un nationaliste convaincu des vertus de « l'Amérique d'abord ».
Correspondant à Washington
Une fois de plus, Donald Trump a surpris son entourage - et l'intéressé lui-même - en annonçant jeudi soir la nomination de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité nationale. Pas tant sur le fond que dans la forme. Depuis quelques semaines, le président américain manifeste une audace renouvelée, convaincu qu'il maîtrise désormais les instruments du pouvoir et n'a plus besoin d'être «cadré».
Ancien ambassadeur de George Bush à l'ONU, devenu commentateur de la politique étrangère sur Fox News, Bolton, 69 ans, était régulièrement invité à converser avec le président dans le Bureau ovale, y compris ce jeudi. «J'ai été pris de court par la nouvelle», a-t-il admis dans la soirée sur la chaîne conservatrice. Pressenti pour diverses fonctions à la Maison-Blanche et au département d'État depuis le début de la présidence Trump, il avait été systématiquement écarté, pour partie en raison de ses positions extrémistes, mais aussi à cause de son «look», qui ne plaisait guère au président.
John Bolton est associé aux néoconservateurs de l'époque Bush à cause de son interventionnisme et de son penchant pour les guerres préventives
Le moustachu a surmonté cet obstacle en apparaissant régulièrement sur Fox News pour applaudir aux décisions de Trump. Un ancien responsable du département d'État, entendu par le Sénat lors de la confirmation avortée de Bolton pour son poste à l'ONU en 2005, l'avait décrit comme un «kiss-up, kick-down», obséquieux avec ses supérieurs et brutal avec ses subordonnés. Associé aux néoconservateurs de l'époque Bush à cause de son interventionnisme et de son penchant pour les guerres préventives, notamment l'invasion de l'Irak, John Bolton est surtout un nationaliste convaincu des vertus de «l'Amérique d'abord». Il devrait être en phase avec le nouveau secrétaire d'État, Mike Pompeo, faucon du Tea Party qui dirigeait jusqu'ici la CIA. Tous deux sont de virulents critiques de l'accord nucléaire passé en 2015 avec l'Iran.
Sous leurs encouragements, les chances que Trump suive son inclination personnelle et le dénonce lors de la prochaine échéance devant le Congrès, le 12 mai, «sont passées de 70 % avec Pompeo à quasiment 100 % avec le nouveau tandem», constate à chaud un diplomate. Les deux hommes sont également partisans d'une confrontation directe avec le leader nord-coréen, diplomatique d'abord - via le sommet attendu entre Trump et Kim Jong-un -, plus musclée en cas d'échec. Ils ne cachent pas leurs doutes sur un désarmement pacifique du «royaume ermite», mais estiment que la démarche de Trump «l'empêchera de jouer la montre».
Les « adultes dans la pièce », ces « quelques hommes qui nous séparent du chaos », sont écartés l'un après l'autre au profit de politiques qui partagent les « instincts » de Trump
Avec les départs en chaîne du conseiller économique Gary Cohn, du secrétaire d'État Rex Tillerson et du conseiller à la sécurité nationale H. R. McMaster, les «adultes dans la pièce», ces «quelques hommes qui nous séparent du chaos», comme l'avait déclaré le sénateur républicain Bob Corker, sont écartés l'un après l'autre au profit de politiques qui partagent les «instincts» de Trump, souvent pour des raisons plus idéologiques que lui. Ces hommes d'affaires et généraux s'étaient révélés relativement modérés, opposés au retrait de l'accord de Paris sur le climat, au déplacement de l'ambassade américaine à Jérusalem, au reniement de l'accord avec l'Iran et à l'imposition de tarifs douaniers à la Chine. Ils pensaient «comme l'establishment», se plaignait Trump. Ils vont être remplacés par des radicaux pour lesquels la puissance américaine n'a pas à tolérer les entraves des règles internationales, même celles qu'elle a créées. Bolton s'était rendu célèbre avec une tirade sur l'inutilité de l'ONU, à laquelle «on pourrait supprimer dix étages sans voir la différence» - une opinion partagée par Trump.
En principe, le rôle de conseiller à la sécurité nationale consiste à offrir au président une synthèse des différents points de vue exprimés dans son Administration, débouchant sur une politique consensuelle - au moins au sein de sa propre équipe. Ce n'est pas trop le style de Bolton, dont les opinions arrêtées ne souffrent guère de discussion. Cela inquiète déjà John Kelly, le secrétaire général de la présidence, qui a tenté de dissuader Trump de l'embaucher. Kelly aurait aussi voulu attendre pour annoncer d'un coup les remplaçants du secrétaire aux Anciens combattants, David Shulkin, et du secrétaire au Logement, Ben Carson, discrédités par des dépenses somptuaires dans leurs ministères. Il estimait qu'un remaniement plus large aurait projeté une image d'ordre et d'organisation. Il a été court-circuité par le président pour une raison peu claire, qui pourrait être liée à la longue interview accordée jeudi soir à CNN par une ancienne playmate, Karen McDougal, sur leur liaison de neuf mois en 2006, au début de son mariage avec Melania.
«Ne vous méprenez pas, c'est la mise sur pied d'un cabinet de guerre»
Kelly Magsamen, vice-présidente du Center for American Progress
Après à peine plus d'un an à la Maison-Blanche, le général H. R. McMaster quittera ses fonctions en bon soldat le 9 avril, «pour le bien du pays». Le courant n'était jamais vraiment passé avec Trump, qui lui reprochait un ton donneur de leçons en géopolitique. À 55 ans, ce soldat bardé de médailles aurait pu briguer un retour dans l'armée lui garantissant une quatrième étoile. Il a préféré prendre sa retraite plutôt que de se retrouver sous l'autorité hiérarchique du secrétaire à la Défense, James Mattis, avec lequel il entretenait aussi des relations tendues. McMaster s'était fait recadrer par le président le mois dernier pour avoir déclaré lors d'une conférence à Munich qu'avec l'inculpation de treize Russes, la preuve de l'intervention du Kremlin dans la présidentielle de 2016 était «irrécusable». Mardi, une fuite a révélé que Trump avait ignoré les recommandations de son conseil de sécurité en téléphonant à Vladimir Poutine pour le féliciter. À l'évidence, le départ de McMaster, qui était déjà sur la table, en a été accéléré.
Après quatorze mois à la Maison-Blanche, Donald Trump estime avoir dépassé le stade où il devait s'embarrasser de modérateurs ou de contradicteurs. John Kelly, gardien de l'ordre à la Maison-Blanche, serait lui-même sur la sellette. James Mattis se voit de plus en plus isolé au Pentagone. «Je suis près d'avoir le cabinet que je veux», a déclaré Trump après l'éviction de Tillerson. Sa nouvelle équipe relève davantage de la droite dure que du «populisme», qui apparaît de plus en plus comme un faux nez. «Ne vous méprenez pas, a tweeté Kelly Magsamen, vice-présidente du Center for American Progress: c'est la mise sur pied d'un cabinet de guerre.»

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Trump, président impérial et télévisuel, règne d'une main de fer sur la Maison-Blanche (23.03.2018)
Par Philippe Gélie
Mis à jour le 23/03/2018 à 19h45 | Publié le 23/03/2018 à 19h14
ENQUÊTE - Égocentrique, impulsif, soupe-au-lait, sûr de ses instincts, le président américain n'est pas un patron facile. Une trentaine de hauts responsables ont déjà quitté son équipe, une rotation de trois à cinq fois plus élevée que sous ses prédécesseurs.
Correspondant à Washington
«Bienvenue dans le studio!» Ainsi Donald Trump a-t-il accueilli les journalistes, le 10 janvier dernier dans la salle du Conseil des ministres, à l'amorce de la première réunion de cabinet de l'année. Avec tout autre que lui, le lapsus aurait surpris. Dans son cas, la formule était sans doute délibérée -elle figure d'ailleurs dans le compte rendu officiel de la Maison-Blanche. La tradition veut que les médias puissent brièvement prendre des photos et recueillir quelques mots du président au début des réunions, avant d'être promptement reconduits à la porte. Mais, à plusieurs reprises, Trump a laissé les caméras tourner et les journalistes assister aux débats pendant vingt minutes, parfois le double.
Trump passe des heures au téléphone avec ses contacts personnels, leur confiant ses états d'âme, sollicitant leur avis sur ce qui l'occupe
Par inclination naturelle ou par calcul, sa Maison-Blanche est devenue une maison de verre. Tout ce qui s'y passe finit par se savoir. Les incessantes rumeurs qui en sortent sont quasiment toujours confirmées, à plus ou moins brève échéance. Le président les déplore -quand il ne les orchestre pas lui-même. Au début de son mandat, ulcéré par les «fuites» imputées à ses collaborateurs, il leur a fait signer des accords de confidentialité très contraignants, les réduisant au silence sans limite de temps, sous peine de sanctions financières élevées. Cela n'a rien changé au flot de confidences et de révélations émanant de son Administration.
Trump ne tweete pas seulement à tort et à travers. Il passe des heures au téléphone avec ses contacts personnels, leur confiant ses états d'âme, sollicitant leur avis sur ce qui l'occupe, testant auprès d'eux des idées qui ne tardent pas à se retrouver dans les médias. En décembre, il avait délibérément fait «fuiter» par ses proches le départ imminent de Rex Tillerson. D'un tweet, il avait ensuite provisoirement suspendu l'humiliation publique du chef de la diplomatie: «Info bidon! Il ne part pas (c'est moi qui décide au final).» Jusqu'à cet autre tweet du 13 mars au matin, posté sans avoir averti l'évincé: «Mike Pompeo sera notre nouveau secrétaire d'État. […] Merci à Rex Tillerson pour son service
«Dieu m'a puni»
Pour ceux qui travaillent «à son service», Donald Trump n'est pas un patron facile. Égocentrique, impulsif, soupe-au-lait, mais impérieux et sûr de ses instincts, il attend une loyauté indéfectible au milieu des tempêtes, des polémiques et des scandales. Cette exigence suscite la méfiance de l'establishment -et la curiosité du procureur spécial, Robert Mueller, sur son respect des institutions. Si ses collaborateurs ont des états d'âme, leurs jours dans son équipe sont comptés. Le conseiller économique, Gary Cohn, avait failli partir l'été dernier, après les commentaires de Trump sur les incidents racistes de Charlottesville. Il a finalement pris la porte le 6 mars en raison de son opposition aux tarifs douaniers.
À ses collaborateurs et ministres, il est vivement déconseillé de le contredire en public ou de lui faire de l'ombre dans les médias
Une trentaine de hauts responsables ont déjà quitté le gouvernement et la présidence, une rotation de trois à cinq fois plus élevée que sous ses prédécesseurs. Le départ du général H.R. McMaster, conseiller à la sécurité nationale, auquel le chef suprême reproche sa condescendance, s'inscrit dans «le final en apothéose de la saison un», dit un proche du président. John Kelly pourrait suivre: opposé à la nomination de John Bolton, il a récemment confié à des journalistes, à propos de son rôle de secrétaire général de la Maison-Blanche: «Dieu m'a puni.» Tillerson avait scellé son sort en traitant Trump d'«abruti» après une réunion au Pentagone en juillet -et surtout en esquivant par la suite toutes les occasions de démentir son propos.
Si le boss a peu de patience pour les maladresses de ceux qui le représentent, le moindre soupçon de trahison est rédhibitoire. À ses collaborateurs et ministres, il est vivement déconseillé de le contredire en public ou de lui faire de l'ombre dans les médias. La bonne façon d'approcher ce président est plutôt de flatter ses penchants naturels: «Il faut sans arrêt le caresser dans le sens du poil et lui répéter combien il est brillant, raconte Barbara Res, à qui il avait confié la construction de la Trump Tower dans les années 1980. Il pense toujours en savoir plus que tout le monde et il n'aime rien tant qu'apparaître imprévisible. Donc c'est facile: il suffit de lui soumettre des idées un peu provocantes et de faire comme si elles venaient de lui.»
L'œil rivé sur le petit écran
Les apparences comptent pour cette présidence qui se regarde en permanence dans le miroir de la télévision. Dès la période de transition, Trump a choisi ses ministres et ses conseillers comme un casting. «Il pense qu'il faut avoir le physique de l'emploi pour être crédible», explique son biographe Michael D'Antonio. L'opinion qu'il a de ses collaborateurs dépend en grande partie de leurs prestations télévisées. Betsy DeVos, secrétaire à l'Éducation, vient de subir une brutale décote en étalant ses lacunes dans l'émission de CBS «60 Minutes». John Bolton, prochain conseiller à la sécurité nationale, avait d'abord vu le poste lui échapper parce que, d'après Steve Bannon, Trump trouvait sa moustache «ringarde». Mais il est revenu dans les bonnes grâces du téléspectateur en chef grâce à ses fréquentes interventions sur Fox News, où «il est bon».
Le président a fait installer deux postes supplémentaires dans sa chambre à coucher pour pouvoir suivre trois programmes en même temps
Aux yeux du président, les personnalités médiatiques bénéficient d'une présomption de compétence. En remaniant son cabinet, il vient d'embaucher Larry Kudlow, un de ses vieux amis qui commentait l'économie sur CNBC, et de promouvoir Heather Nauert, ancienne présentatrice de Fox News, de porte-parole à sous-secrétaire d'État pour la diplomatie publique. Il envisage de remplacer David Shulkin, le secrétaire aux Anciens combattants, par Pete Hegseth, coanimateur de «Fox and Friends» le week-end sur Fox News.
Le président passe une grande partie de ses journées un œil sur le petit écran, allumé sans le son, mais avec sous-titres, dans la pièce où il se trouve. L'influence qu'ont sur lui les programmes du matin, en particulier «Fox and Friends», se reflète dans ses tweets. Il a fait installer deux postes supplémentaires dans sa chambre à coucher pour pouvoir suivre trois programmes en même temps, ainsi qu'un écran géant dans la salle à manger privée qui jouxte le Bureau ovale, équipé d'un «super TiVo» qui enregistre tout. Personne à part lui n'a le droit de toucher à la télécommande.
«Une machine à faire de l'audience»
Avant même d'entamer son mandat il y a quatorze mois, Donald Trump avait prévenu ses collaborateurs: ils devraient aborder chaque journée de sa présidence comme un épisode de série télé. Avec des rebondissements, de l'action et des «victoires». «Il appelle John Kelly dix fois par jour et à toute heure pour savoir ce qu'il y a à son agenda, qui il va recevoir demain, quel décret il va signer et dans quel décorum», raconte un assistant. Le 45e président des États-Unis continue à se définir comme «une machine à faire de l'audience». La plupart du temps, il est son propre scénariste, via un tweet ou une déclaration imprévue.
«Il recherche en permanence les gros titres, à dominer le cycle d'infos»
Chris Ruddy, PDG de Newsmax et ami de Donald Trump
«Il recherche en permanence les gros titres, à dominer le cycle d'infos», s'amuse son ami Chris Ruddy, PDG de Newsmax. Cela n'a pas changé depuis l'époque où il était promoteur immobilier et appelait les tabloïds new-yorkais sous divers pseudonymes pour vanter les exploits de… Donald Trump. Les journalistes ne mettaient pas longtemps à reconnaître sa voix derrière les «John Miller» ou «John Barron». Mais en 2004, il change de dimension: un rôle sur mesure dans «The Apprentice» va façonner son image publique et démultiplier sa renommée en une décennie. Le play-boy new-yorkais se métamorphose en PDG infaillible et impitoyable.
La réalité est moins héroïque. Il suffit de voir comment l'acteur de téléréalité, qui a bâti son image sur une formule cinglante -«Vous êtes viré!»-, répugne à assumer la sale besogne dans la vraie vie. James Comey, l'ancien directeur du FBI, a appris son limogeage à la télévision, alors qu'il visitait ses troupes à Los Angeles. Reince Priebus, le premier chief of staff, a compris son sort quand, au retour d'un déplacement, il s'est retrouvé tout seul dans une limousine officielle qui n'a pas suivi le cortège présidentiel. En tournée en Afrique, Tillerson a été prévenu par John Kelly qu'il pourrait bientôt «avoir un tweet», formule cryptique que l'intéressé, dépourvu de compte Twitter, n'a pas prise pour ce qu'elle était -une condamnation sans appel.
Un penchant pour les dirigeants autoritaires
Donald Trump est entré à la Maison-Blanche avec une conception impériale du pouvoir: l'homme le plus puissant du monde devait pouvoir faire ce que bon lui semble, disposer de ses subordonnés et être obéi par tous. Il avait été impressionné dans sa jeunesse par Meade Esposito, un démocrate de la vieille école qui régna sur Brooklyn pendant un quart de siècle, cigare au bec et batte de baseball sous le bureau. Les mœurs dans le milieu de l'immobilier new-yorkais ne sont pas les plus légalistes qui soient, ce qui peut expliquer son penchant pour les dirigeants autoritaires.
«J'aime le conflit. J'aime avoir des gens avec des points de vue différents. Ensuite je décide»
Donald Trump
Les déconvenues de sa première année dans la capitale de l'establishment l'ont instruit sur la capacité de résistance du Congrès, dont il croyait vassaliser les élus, et l'indépendance du pouvoir judiciaire, qui a bloqué nombre de ses initiatives. «Je ne travaille pas pour vous», lui a dit le sénateur du Tennessee, Bob Corker, lors d'une discussion sur l'immigration. «Ne me coupez pas la parole», l'a sèchement recadré Mitch McConnell, le chef de sa majorité, au cours d'un exposé sur l'assurance-maladie. Depuis, son conseiller pour les affaires législatives, Marc Short, lui fournit des petites fiches pour l'aider à amadouer les parlementaires.
«J'aime le conflit, assure Trump. J'aime avoir des gens avec des points de vue différents. Ensuite je décide. Mais j'aime assister (au conflit) et je pense que c'est la meilleure façon de procéder.» Sebastian Gorka, un ultranationaliste qui a servi à la Maison-Blanche du temps de Bannon, affirme que la clef pour comprendre Trump est un passage de L'Art du deal où l'ancien promoteur préconise de négocier sans foi ni loi, en gardant toujours l'option de se dédire. «Il ne changera jamais, prévient Jared Kushner, son gendre et conseiller. Il pliera la présidence à ses méthodes -ou la brisera.»

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Donald Trump : le «grand perturbateur»sur tous les fronts (23.03.2018)

Par Laure Mandeville
Publié le 23/03/2018 à 18h46
Après une année mouvementée, Trump reste persuadé que son approche imprévisible lui donne l'avantage.
Depuis qu'il est apparu le 15 juin 2015 sur l'escalator de la tour Trump pour lancer sa candidature fracassante à la présidence des États-Unis, Donald Trump s'est posé en perturbateur en chef de l'Amérique, cassant tous les codes du système et promettant de renverser la table de la politique.
Donald Trump s'est maintenu contre vents et marées dans sa position de transgresseur, s'employant à remplir une à une ses promesses de campagne
À des élites qui prônaient les bienfaits de la globalisation et du libre-échange, il a opposé les mérites d'un retour au nationalisme et au protectionnisme, pour protéger les ouvriers paupérisés et les industries américaines, proposant une renégociation systématique des accords de commerce au grand dam de ses alliés du Parti républicain. À ceux qui vantaient l'ouverture du pays à l'immigration et aux autres cultures, il a répondu par la remise à l'honneur de la notion de frontières, proposant - suggestion ô combien symbolique qui lui a valu maintes accusations de «fascisme» mais aussi une envolée au firmament des sondages - de construire un mur sur la frontière mexicaine. À ceux qui lui parlaient des responsabilités mondiales de l'Amérique, il a demandé ce qu'elle tirait de son statut de gendarme, suggérant qu'elle se «faisait avoir», et que les alliés devraient s'habituer au «donnant donnant» pour bénéficier des garanties de sécurité américaines.
Le plus remarquable est qu'une fois élu, loin de s'assagir, Donald Trump s'est maintenu contre vents et marées dans sa position de transgresseur, s'employant à remplir une à une ses promesses de campagne: remise en cause des visas en provenance de certains pays musulmans dits «à risque», sortie de l'accord climat, menace de décertification de l'accord avec l'Iran, dont Washington pourrait sortir, à moins d'une renégociation, sortie du traité de libre-échange asiatique et ouverture d'un gigantesque bras de fer sur le commerce susceptible de dégénérer en guerre des tarifs, y compris avec ses alliés européens. Sans oublier le déménagement de l'ambassade américaine à Jérusalem.
«Le président est en train de tester les limites de ses adversaires de manière délibérée»
Joshua Mitchell, professeur de théorie politique de l'université de Georgetown
Si Trump l'indomptable a pu incarner sans complexes la révolte populaire qui montait, puis lancer ses attaques contre le statu quo, c'est parce que cette approche rebelle colle à ses instincts profonds. Allergique aux politesses diplomatiques, le président a toujours été persuadé que les élites, engoncées dans les certitudes du politiquement correct ou trop excessivement attachées aux vaches sacrées du multilatéralisme, ne savaient plus défendre les intérêts du pays et avaient oublié les vertus du rapport de force.
Aujourd'hui, après une année mouvementée, cerné par les critiques et le chaos qu'il contribue à créer par ses manières iconoclastes, mais plus que jamais aux commandes, Trump reste persuadé que son approche atypique et imprévisible lui donne l'avantage en lui permettant d'ouvrir, à la hussarde, un grand marchandage sur tout ce qui auparavant paraissait coulé dans le marbre: alliances, règles du commerce mondial… «Il cherche à bouger le curseur et procède comme un sonar pour tâter le terrain. Cela s'exprime sur deux dossiers cruciaux d'actualité: celui du commerce avec la Chine et celui de la Corée du Nord, note le professeur de théorie politique de l'université de Georgetown Joshua Mitchell, qui estime que «le président est en train de tester les limites de ses adversaires de manière délibérée».
En annonçant des sanctions contre des produits chinois qui pourraient coûter 60 milliards de dollars à Pékin, dans le but de protester contre les mesures discriminatoires touchant la technologie américaine, «Trump rentre dans le dur de la négociation et met la Chine sur la défensive, car cette dernière a un besoin vital d'une croissance à 7 % pour acheter la paix sociale et est terrifiée à l'idée que les États-Unis puissent casser cette dynamique», affirme Mitchell. «Avez-vous remarqué que la riposte préliminaire chinoise menaçant de taxer une centaine de produits porterait sur des importations qui s'élèvent à seulement 3 milliards?», ajoute-t-il, persuadé que les Chinois feront tout pour éviter une guerre commerciale, «ce que comprend fort bien Trump». La question de la sécurité nationale et des transferts de technologie imposés par la Chine, qui pourraient d'ici à dix ans donner la prééminence stratégique à Pékin, est présente en arrière-plan dans les préoccupations de la Maison-Blanche, affirment des sources à Washington.
«Le risque d'une escalade existe, mais la nomination de John Bolton et de Mike Pompeo me paraît surtout viser à faire monter les enchères, en montrant que l'Amérique est prête à la manière forte»
Joshua Mitchell, professeur de théorie politique de l'université de Georgetown
Joshua Mitchell note que Trump s'est également comporté en maître de «la perturbation» dans le dossier longtemps gelé de la Corée du Nord, où il a accepté une rencontre avec Kim Jung-unaprès avoir pratiqué une politique de chantage à l'intervention, rappelant la théorie du «madman» nixonien (Retenez-moi ou je fais un malheur). Bien des analystes s'inquiètent des «conséquences inattendues» qui pourraient sortir de ce bras de fer au bord du gouffre, jugeant Trump impréparé aux chausse-trappes asiatiques, peu réceptif aux conseils et très isolé dans sa tour d'ivoire de la Maison-Blanche, alors que tous les spécialistes du dossier semblent avoir quitté le navire.
L'arrivée de John Bolton, un faucon partisan d'éventuelles frappes préventives, qui n'a jamais regretté son soutien à l'invasion de l'Irak, leur fait craindre un grave risque de fuite en avant. «Le risque d'une escalade existe, mais la nomination de John Bolton et de Mike Pompeo me paraît surtout viser à faire monter les enchères, en montrant que l'Amérique est prête à la manière forte, si nécessaire», tempère Josh Mitchell, persuadé que l'aventure irakienne a immunisé Trump contre les interventions irréfléchies. «Je ne pense nullement qu'il faille percevoir l'arrivée de Bolton comme une victoire de l'idéologie interventionniste des néoconservateurs, que Trump ne partage pas», dit-il, persuadé que le président va utiliser Bolton et Pompeo comme des armes de négociation dans une ère de confrontation dure avec la Chine, la Russie et la Corée du Nord. «Quand il n'en aura plus besoin, il s'en débarrassera. Car il ne se sent lié à personne, sauf à sa famille», conclut Mitchell.
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Néoconservateur, partisan des guerres préventives : cinq choses à savoir sur John Bolton (23.03.2018)
Par Le figaro.fr et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 23/03/2018 à 16h14 | Publié le 23/03/2018 à 14h00
FOCUS - L'homme à la moustache, partisan de la méthode forte contre la Corée du Nord et l'Iran, devient le nouveau conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. Ambassadeur à l'ONU sous George W. Bush, cet intervenant régulier sur Fox News n'est pas connu pour son sens aigu de la mesure.
Le président américain Donald Trump a nommé ce jeudi le néoconservateur John Bolton, analyste de Fox News, au poste très influent de conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche. Après l'éphémère Michael Flynn, contraint à la démission moins de quatre semaines après l'investiture de Trump, et H.R. McMaster, il est le troisième conseiller à la sécurité nationale désigné par le président américain en l'espace de 14 mois.
Sa nomination intervient au moment d'aborder des négociations historiques avec la Corée du Nord et à l'approche d'une échéance cruciale sur l'avenir de l'accord sur nucléaire iranien dont cet ancien ambassadeur des États-Unis à l'ONU est un grand pourfendeur.
1/ Un néoconservateur historique, chroniqueur sur Fox News
Connu pour sa moustache, il l'est également pour son goût de la provocation et son style parfois abrasif. À 69 ans, John Bolton fut l'un des chefs de file des «faucons» - appellation donnée aux néoconservateurs américains - au sein de l'administration de George W. Bush. Il fut son ambassadeur aux Nations unies de 2005 à 2006. À cette occasion, le sénateur et futur vice-président démocrate, Joe Biden, estima que cette nomination revenait à faire entrer un «taureau dans un magasin de porcelaine».
Ces dernières années, John Bolton était devenu un commentateur régulier dans les médias. Il était notamment chroniqueur sur Fox News, s'exprimant notamment avec amabilité sur la politique étrangères conduite par Donald Trump. Ses opinions tranchées sont anciennes. Déjà, à 18 ans seulement, ce farouche opposant au communisme avait écrit une tribune dans son collège de McDonogh intitulée: «Pas de paix au Vietnam».
2/ Un fervent défenseur de la guerre en Irak
Fervent partisan du recours à la force sur la scène internationale, il n'est pas en accord avec le président septuagénaire sur tous les dossiers: sous la présidence de Bush, après les attentats du 11-Septembre, il avait été et continue d'être un infatigable défenseur de la guerre en Irak, que Donald Trump n'a eu de cesse de critiquer en campagne. Invité à réagir sur Fox News, John Bolton a déclaré: «J'ai mes opinions et j'aurai l'occasion de les présenter au président», défendant la nécessité pour le locataire de la Maison-Blanche d'avoir «un libre-échange d'idées» avec ses différents conseillers.
3/ Partisan d'une guerre préventive contre la Corée du Nord
Alors que la Maison-Blanche et le département d'État préparent un sommet historique et inédit entre Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, qui pourrait se tenir d'ici à la fin du mois de mai, la nomination de John Bolton apparaît clivante. Ces dernières années, John Bolton prônait une ligne dure sur la nécessité d'empêcher la Corée du Nord de se doter de la bombe atomique. «Bolton milite de longue date pour une action militaire préventive contre la Corée du Nord, et sa désignation au poste de conseiller à la sécurité nationale est un signal fort signifiant que le président Trump reste ouvert à cette option», analyse Abraham Denmark, chargé de l'Asie de l'Est au département d'État sous la présidence de Barack Obama. «Il faut aussi nous attendre à une approche plus conflictuelle de la Chine. Une guerre commerciale pourrait n'être que le début d'une compétition géopolitique plus large», ajoute-t-il.
4/ Pourfendeur de l'accord sur le nucléaire iranien
Ce remaniement intervient aussi alors que le président américain a donné jusqu'au 12 mai à l'Allemagne, à la France et à la Grande-Bretagne, les trois puissances européennes signataires de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, pour réviser ce texte, «le pire» des accords selon lui. «L'accord nucléaire iranien a été une erreur stratégique en 2015. Cet accord doit être abrogé et l'Amérique doit façonner une nouvelle réalité qui reflète les actes du régime iranien», tweetait Bolton le 29 janvier.
Cet ancien responsable du contrôle des armes au département d'État a également estimé que les États-Unis devraient se préparer à apporter leur soutien à l'opposition iranienne si cette dernière faisait appel à une aide extérieure. «Bolton soutient [aussi] de longue date l'idée d'un changement de régime en Corée du Nord et de liens plus étroits avec Taïwan. Attachez vos ceintures de sécurité», conseille Bonnie Glaser, spécialiste de l'Asie au Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) de Washington.
5/ Un problème de moustache, selon la presse américaine
«Donald Trump n'aimera pas sa moustache. Je ne connais personne qui soit réellement proche de Donald et qui porte une moustache», a déclaré un proche de Donald Trump au Washington Post. Déjà, l'ancien conseiller du président américain, Steeve Banon, aurait déclaré que «la moustache de Bolton était un problème», car jugée «ringarde» par le président, si l'on en croit le livre de Michael Wolff, Le Feu et la fureurDonald Trump aurait en revanche été conquis par les prestations de John Bolton sur Fox News.
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Le mystérieux squelette d'Atacama n'est pas extraterrestre (23.03.2018)
Par Tristan Vey
Mis à jour le 23/03/2018 à 20h16 | Publié le 23/03/2018 à 16h57
Des chercheurs ont pu analyser l'ADN prélevé sur ces restes découverts en 2003 dans le désert chilien. Il s'agit d'un fœtus de petite fille qui présente de nombreuses mutations génétiques.
Les scientifiques sont formels: le minuscule squelette momifié d'une dizaine de centimètres découvert dans le désert d'Atacama, au Chili, en 2003, n'est pas extraterrestre. Ces restes sont bel et bien humains, comme cela avait déjà été annoncé en 2013, en dépit de leur taille étonnante et de nombreuses autres étrangetés: un crâne allongé, dix paires de côtes au lieu de douze, des os développés comme ceux d'un enfant de six ans (au niveau des genoux notamment) ou des dents déjà formées.
Il s'agirait d'un fœtus de petite fille, vraisemblablement mort-née ou décédée peu après sa naissance, précise aujourd'hui l'équipe de chercheurs emmenée par Garry Nolan, professeur de microbiologie et d'immunologie à l'université de Stanford, en Californie. Les analyses génétiques détaillées réalisées après un prélèvement de moelle osseuse en 2012 viennent d'être publiées jeudi dans la revue Genome Research .

L'étrange squelette momifié d'Atacama ne mesure qu'une dizaine de centimètres. - Crédits photo : HO/AFP
Les chercheurs ont identifié une cinquantaine de mutations qui pourraient être à l'origine de cette apparence étrange. Certaines sont situées sur des gènes impliqués dans le nanisme ou dans des pathologies telles que la scoliose ou l'absence d'une paire de côte (mais pas deux, cela n'avait encore jamais été observé auparavant). Elles seraient probablement responsables de ce développement osseux très accéléré même si les chercheurs ne sont pas encore capables d'expliquer clairement le processus exact.
Les analyses publiées aujourd'hui lui permettent par ailleurs d'assurer que ces gènes sont vraisemblablement d'origine chilienne. Elle présente aussi des traces d'ADN européen et asiatique qui sont probablement le fruit de migrations récentes. La bonne conservation du matériel génétique laisse penser que ces restes n'ont que quelques dizaines d'années, 500 ans grand maximum.
Surnommé «Ata», le squelette avait été retrouvé derrière une église d'un village abandonné dans le désert d'Atacama. Il était glissé dans une pochette en cuir. Son histoire n'est pas très claire ensuite. Il s'est retrouvé entre les mains d'un collectionneur espagnol et fut repéré par des documentaristes réalisant un film sur les aliens... C'est à ce moment que Garry Nolan réussit à obtenir le droit de prélever de l'ADN pour tenter de déterminer s'il s'agissait de restes humains ou non.
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À Duma, l'enfer syrien sous terre (23.03.2018)
Par Delphine Minoui
Mis à jour le 23/03/2018 à 17h20 | Publié le 23/03/2018 à 17h18
ENQUÊTE - Dans l'un des derniers bastions rebelles  aux portes de Damas, cible depuis le 18 février d'une offensive meurtrière du régime syrien et de ses alliées russes et iraniens,  des dizaines de milliers d'habitants se terrent dans des sous-sols  pour échapper  aux bombardements.

À quoi ressemble la vie dans une ville assiégée et bombardée? À l'écran noir de cette vidéo publiée sur YouTube, que seul le crachat métallique des avions éclaire par intermittence? Au visage affolé de cette mère de famille étreignant ses enfants au fond d'une cave obscure? Ou encore à ce cri de détresse lancé par une jeune habitante via la messagerie Whatsapp? «Imaginez, bredouille-t-elle, une prison dont les murs se resserrent de jour en jour. Au début, nous subissions le blocus imposé par le régime dans une énorme prison qui s'appelle la Ghouta orientale. Et maintenant, nous voilà enfermés dans des abris souterrains qui ressemblent à des tombes.»
Il faut déployer beaucoup d'efforts pour se mettre à la place des habitants de Duma, dans la périphérie de Damas. Coupée du monde depuis 2013, et isolée du reste de la Ghouta orientale depuis une semaine, cette cité symbole de la révolution de 2011 est l'un des derniers bastions rebelles qui résiste encore à l'offensive des forces progouvernementales - en un mois, le régime et ses alliés russes et iraniens ont reconquis 80 % de cette région insoumise. Poursuivis par les frappes aériennes, régulièrement asphyxiés par des attaques au gaz de chlore, affamés par le manque de vivres, les quelque 120 000 habitants de Duma passent l'essentiel de leur temps calfeutrés au fond des sous-sols. Mais les récits personnels relayés par téléphone ou sur les réseaux sociaux offrent un exceptionnel aperçu du drame qui se joue loin de nos yeux. «Notre vie est un enfer», martèle Nour Adam, un des survivants de la Ghouta - en trente jours, plus de 1 200 civils y ont perdu la vie à cause de l'intensification des bombardements. Du matin au soir, le jeune citoyen journaliste syrien promène sa caméra de rues dévastées en hôpitaux de fortune. Il filme tout: les hélicoptères qui menacent le ciel, le largage des explosifs, les colonnes de fumée qui s'élèvent des immeubles décharnés, les dépouilles d'enfants happés par la guerre. La plupart de ses images, partagées sur Facebook et Twitter, ont été tournées sous terre. C'est là, au fond des trous que la vie s'organise.

Dans la ville assiégée de Duma, le 21 mars. - Crédits photo : BASSAM KHABIEH/REUTERS
«Cela fait plus de 30 jours que les habitants se terrent dans des abris souterrains à cause du déluge de feu quotidien. Parfois, plus de 300 personnes s'entassent dans une même cave pour échapper aux raids aériens. On y trouve des familles entières qui ont tout perdu dans la destruction de leur maison. D'autres, encore, sont arrivées de justesse à Duma, après avoir fui les villes reprises par Damas. Les conditions de vie sont insalubres. Il fait humide, on respire à peine. Tout le monde est malade. Sans compter les épidémies de poux, que se repassent les enfants», raconte Deana Lynn par Whatsapp. Mariée à un Syrien, cette Américaine de 44 ans et mère de 8 enfants vit à Duma depuis 2000. Derrière l'écran du smartphone, elle insiste pour parler à visage découvert. «Je ne suis qu'une enseignante. Je ne suis pas une terroriste, comme veut le faire croire Bachar el-Assad. Je risque gros en témoignant de l'intérieur. Mais je veux que le monde sache ce que nous subissons au quotidien», martèle-t-elle en anglais. Deux factions principales, Jaich al-Islam et Faylaq al-Rahman assurent le contrôle de la Ghouta, où sont également implantés les salafistes d'Ahrar al-Cham et les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham. Mais le régime refuse de faire la différence entre extrémistes et modérés - et surtout entre militaires et civils.
Réseau de galeries
Pour se protéger, Deana vit également sous terre: un espace rectangulaire que sa famille partage avec une trentaine de voisins. «La nuit, poursuit-elle, on peine à trouver le sommeil entre les murs qui tremblent à cause des explosions et les cris des bébés paniqués. L'autre soir, un missile a frappé notre immeuble, et nous avons aussitôt été envahis par un nuage de poussière. Tout le monde s'est mis à tousser… Mais la journée, il faut bien remonter de temps en temps à la surface pour aller aux toilettes et cuisiner.» Deana s'interrompt, pensive. «Quand je sors la tête de la cave, je ne marche pas: je cours. J'ignore si j'en reviendrai vivante. La semaine dernière, une de nos voisines de rue a été tuée par un bombardement alors qu'elle remontait dans sa cuisine pour faire à manger à ses enfants», souffle-t-elle.
Pour relier les caves et les maisons, tunnels et galeries ont été creusés en sous-sol. Mais le danger gagne aussi les abris souterrains: sous l'impact des frappes aériennes, les maisons s'écroulent comme des châteaux de cartes, ensevelissant sous les décombres les habitants réfugiés sous la terre. «Il y a aussi tous ces petits drames quotidiens, comme les bébés mort-nés ou les fausses couches au fond des caves, qui passent inaperçus à cause de l'urgence dans laquelle nous vivons», poursuit Deana. Et pourtant, dans ce bout du monde inaccessible, les habitants de Duma continuent à résister dans l'obscurité. «Dans chaque abri, on se relais pour aller chercher à manger. À cause de la pénurie, les prix ont flambé. Un kilo de riz vaut environ 7 euros - contre 1 euro il y a un an. Nous sommes à court de lait et de légumes frais - à l'exception de ceux qu'on tente de faire pousser. Alors, nous nous rabattons sur les pâtes et le boulgour», raconte Deana. Partout, c'est le système D qui prévaut: «On fait systématiquement bouillir l'eau, qui n'est pas potable, pour éviter les diarrhées. Et pour parer au manque de gaz, on coupe les arbres et on fait de la récupération de bois en brûlant les fenêtres des maisons abandonnées». Quant au fioul, de plus en plus rare, il alimente les groupes électrogènes qui, en l'absence d'électricité, permettent d'éclairer les abris et recharger les ordinateurs - eux-mêmes reliés à de petites antennes satellitaires pour se connecter à Internet. «Évidemment, il faut redoubler de prudence quand on allume la lumière, surtout pendant la nuit. Car lorsqu'ils repèrent le moindre signe de vie, les avions se mettent à frapper…», dit Deana, qui accuse le régime de viser délibérément les civils.

Des Syriens tente de sauver leurs biens, après une frappe aérienne sur Duma. - Crédits photo : HAMZA AL-AJWEH/AFP
Dans les ruines de Duma, le moindre répit est une victoire contre la mort. «Je ne me suis pas lavée depuis 20 jours, mais qu'importe! Ce qui compte, c'est d'être encore en vie», ironise Bayan Rehan. À 31 ans, cette intrépide professeur de géographie travaille au conseil local, l'administration autonome de la ville depuis le début du soulèvement anti-Assad. Dès que les bombes et les tirs d'artillerie se font moins menaçants, elle assure sans relâche la distribution de vivres, de vêtements et de jouets aux familles déplacées. La guerre lui a tout volé: sa jeunesse, ses illusions, sa foi en la communauté internationale qui «ferait mieux, dit-elle, de brûler ses traités internationaux sur la défense des droits de l'homme plutôt que de nous regarder mourir sans bouger le petit doigt». Mais elle s'accroche à l'espoir, et surtout au regard de ces enfants qu'elle croise chaque jour au fond des abris: «Les plus jeunes sont nés pendant le siège. Ils n'ont connu que ça. Pourtant, ils méritent d'étudier. De vivre autrement.» Un souvenir furtif traverse sa mémoire: celui du 18 février dernier, et de sa première soirée au fond d'une cave. «Je venais de perdre ma maison, écrasée par un missile. Je n'ai même pas eu le temps de rassembler mes affaires. J'ai foncé dans le sous-sol le plus proche, à 150 mètres de chez moi. Dans l'obscurité de la cave, les enfants pleuraient. Je les ai rassemblés autour de moi et je me suis mise à leur raconter l'histoire d'Autant en emporte le vent. Je voulais leur redonner du courage, qu'ils s'inspirent de celui de Scarlett O'Hara. Je voulais leur souffler qu'ils pouvaient eux aussi s'en sortir, comme elle s'était sortie de la guerre civile américaine. Tandis que je leur parlais, le calme est soudain revenu. Leurs yeux pétillaient de curiosité. Je leur ai alors promis de leur lire d'autres histoires s'ils restaient sages», confie-t-elle.
Révolution embastillée
Depuis, Bayan a déménagé dans un autre abri, qu'elle partage avec ses collègues du conseil local. Quand la faim et la peur lui rongent le ventre, elle s'obstine à trouver refuge dans la lecture de romans et de poèmes. Ceux du Palestinien Mahmoud Darwich, adulé dans le monde arabe, lui sont d'un soutien particulier. «Vous savez, poursuit-elle, j'ai un fiancé qui vit à Idlib (enclave rebelle du Nord-Ouest syrien, également sous le feu du régime, NDLR). Quand nous nous appelons brièvement, il nous arrive de réciter ensemble du Darwich en buvant un café: un de ces petits moments de plaisir volé à la guerre.» Ses nuits d'insomnies, elle les peuple d'images du passé: «Pour m'évader un peu, je me repasse en boucle les paysages de mon enfance. La Ghouta, c'était la campagne, les champs d'oliviers. Les week-ends paresseux et les pique-niques à n'en plus finir. Je me rappelle, aussi, de ces après-midi où j'allais me baigner dans la rivière.» Autant de souvenirs qu'elle consigne chaque jour sur sa page Facebook aux côtés d'impressions personnelles et de photos prises sur le vif: un journal intime du siège, comme la trace nécessaire et immortelle d'une révolution embastillée. «Avec la dégradation de la situation, les factions rebelles semblent se diriger vers une trêve. En cas d'évacuation forcée, comme à Daraya ou Alep, je serai obligée d'effacer mes fichiers pour éviter d'être inquiétée ou jetée en prison par le régime. Et si j'étais amenée à disparaître, alors mes mots, déjà publiés sur Internet, parleront à ma place», dit-elle.

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L'imam salafiste de Marseille en passe d'être expulsé (23.03.2018)
Par Jean Chichizola
Publié le 23/03/2018 à 17h53
Des magistrats ont donné leur feu vert au renvoi en Algérie d'El Hadi Doudi, un religieux radical très influent dans la région.
«Une forme d'impunité qui a longtemps prévalu.» La formule utilisée le 8 mars dernier par la commission d'expulsion (Comex) statuant sur le sort du salafiste algérien El Hadi Doudi, imam de la mosquée marseillaise As-Sounna fermée fin 2017, n'est pas innocente. Constituée de magistrats judiciaires et administratifs, cette Comex a rendu son avis (consultatif) et donné son feu vert à l'expulsion de l'intéressé dans le cadre d'une procédure lancée par le ministère de l'Intérieur.
El Hadi Doudi, dont le temps est probablement compté sur le territoire français, avait été ciblé par la préfecture de police de Marseille. Un document de plus de quarante pages évoquait notamment, dans les cinq dernières années, plus d'une vingtaine de prêches en arabe et une douzaine de textes (parfois toujours en ligne) avec un bilan édifiant: légitimation du djihad armé, de la mise à mort des adultères et des apostats, de la loi du talion, appel à la défaite et à la destruction des mécréants, juifs «impurs, frères des singes et des porcs»…
En France depuis 1981
Un constat d'autant plus alarmant que l'imam, âgé de 63 ans, est, depuis des décennies, une vieille connaissance de l'islam radical marseillais. Ce qui permet de mieux comprendre la formule choisie par les magistrats de la Comex. L'homme est en effet arrivé en France en 1981. Il a depuis officié dans plusieurs mosquées des Bouches-du-Rhône avant de devenir le président de l'Association des musulmans du boulevard National (AMN Assouna), qui gère la mosquée As-Sounna créée à la fin des années 1990.
El Hadi Doudi est devenu une référence du salafisme à Marseille, faisant de sa mosquée un établissement religieux majeur accueillant au moins 400 fidèles
Celui qu'on appelle «Cheikh Abdelhadi» sur les sites Internet salafistes est présenté comme proche d'un des fondateurs du Front islamique du salut (FIS), Ali Belhadj. Il a également connu un certain Mustapha Bouyali, qui, au début des années 1980, avait créé le premier groupe islamiste armé algérien, le Mouvement islamique armé. Bouyali fut tué par l'armée algérienne en 1987.
Au fil des trois décennies qu'il a passées en France, El Hadi Doudi est devenu une référence du salafisme à Marseille, faisant de sa mosquée un établissement religieux majeur accueillant au moins 400 fidèles. Selon les autorités, As-Sounna avait encore des projets d'extension facilités «financièrement par une association salafiste niçoise». La «référence» marseillaise a étendu son influence à l'ensemble des Bouches-du-Rhône avec des contacts à Aix-en-Provence (où une mosquée a été fermée en février 2017) ou encore Vitrolles. À l'occasion, l'imam s'intéressait aussi à d'autres départements limitrophes.
«Repli communautaire»
Lors de la fermeture de la mosquée As-Sounna, la préfecture de police de Marseille soulignait que «la teneur (des prêches de Doudi, NDLR), depuis plusieurs années, a conduit plusieurs fidèles à rejoindre la zone syro-irakienne ou à se réclamer d'al-Qaida». Ces prêches, continuait la préfecture, «diffusant une idéologie contraire aux principes républicains et des messages de haine et de violence, dépassent la sphère religieuse, conduisent les habitants du quartier à un repli communautaire et constituent le terreau d'actions violentes». Un phénomène «particulièrement constaté dans les établissements scolaires du quartier dans lesquels sont relayés les messages de haine et de discrimination tenus dans la mosquée».
«L'analyse de l'idéologie propagée par M. Doudi, avec une forme d'impunité qui a longtemps prévalu, démontre que l'autre est nié dans sa singularité et son humanité»
La commission d'expulsion (Comex)
La Comex avait, quant à elle, relevé, que «l'analyse de l'idéologie propagée par M. Doudi, avec une forme d'impunité qui a longtemps prévalu, démontre que l'autre est nié dans sa singularité et son humanité. Il est identifié uniquement par rapport à son sexe et à son appartenance ou non à une race, une religion, une catégorie de personnes, ce qui est attentatoire aux principes fondamentaux de la République». El Hadi Doudi a proposé de cesser ses prêches et de renoncer à son poste d'imam. Son sort sera tranché par le ministère de l'Intérieur. Selon ce dernier, 38 arrêtés d'expulsions d'islamistesont été exécutés depuis l'instauration de l'État d'urgence le 14 novembre 2015.

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De plus en plus d'agriculteurs en détresse (23.03.2018)

Par Eric de La Chesnais
Mis à jour le 23/03/2018 à 20h02 | Publié le 23/03/2018 à 19h28
Suicides, « burn-out »… Avec 320 appels par mois, la Mutualité sociale agricole a renforcé et professionnalisé sa plate-forme Agri'écoute, en recourant à des psychologues cliniciens diplômés.
Face à l'augmentation du nombre d'agriculteurs en détresse, la Mutualité sociale agricole (MSA) - la sécurité sociale des exploitants en France - vient de renforcer son dispositif de prévention et de prise en charge.
Sa plateforme d'écoute téléphonique Agri'écoute, accessible 24 heures sur 24 aux adhérents en difficulté et à leurs proches, se professionnalise. «Ce sont désormais des psychologues cliniciens diplômés, spécifiquement formés à la gestion du mal-être et des situations de crise suicidaire qui prennent en charge les appels», explique le docteur Véronique Maeght-Lenormand, médecin du travail qui pilote le plan national de prévention du suicide à la MSA.
Le recours à ce service, depuis sa création fin 2014, a connu une importante croissance. «L'an dernier, nous avons enregistré une moyenne de 320 appels par mois, soit une progression de près de 7 % par rapport à 2016», souligne Anne-Lise Garandel de la Caisse centrale de la MSA.
En un peu plus de trois ans, 4 000 agriculteurs ou leurs proches ont composé le numéro d'Agri'écoute pour signaler des situations de grand désarroi. Jusqu'à maintenant, deux associations, SOS Amitiés et SOS Suicide Phénix, géraient ce service. «Face à la spécificité des cas, ces deux associations ont conseillé à la MSA de recourir à des professionnels de la santé, indique Anne-Lise Garandel. Cela permet un accompagnement à distance et un suivi personnalisé.» Avec une levée de l'anonymat pour les cas les plus extrêmes. Depuis la nouvelle formule d'Agri'écoute, il y a dix jours, deux suicides ont pu être évités à temps, avec l'intervention du Samu ou des pompiers.
Le métier d'agriculteur est celui où l'on dénombre le plus de suicides, un tous les deux jours, selon les statistiques publiées en 2016 par une étude de Santé publique France, en lien avec la MSA
Le métier d'agriculteur est celui où l'on dénombre le plus de suicides, un tous les deux jours, selon les statistiques publiées en 2016 par une étude de Santé publique France, en lien avec la MSA. Les populations agricoles les plus exposées à ce fléau et à l'épuisement professionnel sont les hommes âgés de 45 à 64 ans, dans le secteur de l'élevage laitier ou bovin viande, et dans les régions Hauts-de-France, Bretagne et Pays de la Loire.
Par ailleurs, les agriculteurs forment, en France, la catégorie socioprofessionnelle pour laquelle le travail influence le plus négativement le bien-être psychologique, selon une enquête de la Dares - un institut statistique dépendant du ministère du Travail -, publiée mi-mars. Ils sont 50 % à avoir une mauvaise image de leur métier, contre environ 40 % chez les ouvriers et 30 % chez les cadres.
Les causes du mal-être des exploitants sont au nombre de quatre: les crises à répétition dans l'élevage ou les céréales, les difficultés économiques de chaque exploitation à dégager un revenu (plus d'un tiers des exploitants gagne moins de 360 euros par mois en 2016), l'isolement social et géographique, et enfin les difficultés personnelles et familiales.
Pour éviter d'en arriver au stade ultime du «burn-out» et du suicide - deuxième cause de mortalité chez les paysans - le ministère de l'Agriculture avait débloqué, en 2017, une enveloppe de 4 millions d'euros dans le cadre de l'aide au répit. Laquelle «a permis de financer 28 400 jours de remplacement et a bénéficié à 3 600 exploitants», précise Anne-Lise Garandel. Une opération qui ne sera pas renouvelée par le gouvernement en 2018, faute de moyens.

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Journaliste chargé des questions agricoles
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Trèbes: « Des gendarmes nous ont crié de rentrer chez nous, qu'une fusillade était en cours » (23.03.2018)
Par Jean-Christophe Magnenet
Publié le 23/03/2018 à 19h45
REPORTAGE - Un terroriste islamiste a été tué vendredi lors d'un assaut mené par les gendarmes du GIGN dans le supermarché de Trèbes où il était retranché avec un gendarme. Les habitants du quartier sont «sous le choc».
Quinze heures sonnent à l'église de Trèbes. L'assaut vient d'être donné dans le Super U de la commune, mettant fin à la prise d'otages par un homme se réclamant du groupe djihadiste État islamique. Sur les dents, les forces de l'ordre ont coupé de nombreux axes routiers dans un rayon de plus d'un kilomètre. Une fois la bourgade atteinte, il faut tourner le dos à la vieille ville et enjamber l'Aude pour s'approcher du supermarché. Le ballet incessant des hélicoptères ajoute au brouhaha créé par un vent de tempête.
«Sous le choc», balbutient-ils, les habitants du quartier de l'Aiguille, à quelques centaines de mètres de la supérette, se sont regroupés dans le calme devant le barrage mis en place route de Narbonne. Tous ont encore du mal à y croire. «C'est une ville calme ici, il ne se passe jamais rien, c'est incompréhensible», s'étonne Moussa, qui a «cru au tournage d'un film» quand il a vu les forces de l'ordre débarquer en fin de matinée. Certains commerces du secteur ont tiré le rideau. Yolande tient un salon de coiffure en ville. «Trèbes, c'est un peu une commune dortoir de Carcassonne: c'est petit, tranquille, seuls quelques gamins font parfois des bêtises, mais rien de méchant, confie la sexagénaire. Je ne suis qu'à moitié surprise: on a l'impression que ce genre d'événement dramatique peut dorénavant se passer n'importe où.»
«Ici tout le monde se connaît, et c'est toute la ville qui est endeuillée, on a mal au cœur»
Karima, habitante du quartier de l'Aiguille
Non loin de là, Leïla est assise au bord de la route, l'air hébété. La maison jumelée où elle habite est quasiment collée au Super U. Alors que le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, visite à quelques dizaines de mètres le lieu de la prise d'otages, elle raconte: «D'un coup, j'ai entendu une multitude de sirènes. J'ai d'abord cru à un accident. Et puis des gendarmes nous ont crié de rentrer chez nous, qu'une fusillade était en cours.» La jeune femme a d'ailleurs travaillé dans ce commerce en début d'année et connaissait l'une des victimes. «Le chef-boucher était quelqu'un d'adorable, souriant, une belle personne, se souvient-elle. J'ai une énorme pensée pour sa famille et pour tous les employés du magasin.» «Ici tout le monde se connaît, et c'est toute la ville qui est endeuillée, on a mal au cœur», ajoute sa tante, Karima, qui l'a rejointe et qui «condamne fermement» cet acte terroriste. «Cela me débecte», tranche-t-elle. Avec Leïla, elle a entendu les coups de feu retentir lors de l'assaut, avant d'attendre, dans l'angoisse, le retour de sa sœur partie chercher ses filles à l'école.
«Pour vos petits ce n'était qu'un jeu»
Dans le groupe scolaire du quartier, les enfants ont rapidement été confinés, comme dans tous les autres établissements de la ville, sur décision de l'académie de Montpellier. «Vers 11 heures, la maîtresse nous a brusquement dit confinement, non exercice», racontent avec aplomb Alia et Camelia. Les deux jeunes élèves de CM2 ont vu leur enseignante descendre les volets, fermer la porte de la classe à clé avant de leur demander de s'asseoir sous leurs tables. «On n'était pas vraiment stressées, on se sentait là en sécurité, les adultes semblaient savoir ce qu'ils faisaient», assurent les deux fillettes. Malgré les sirènes qui, alors, ne cessent de retentir. «Un cordon de sécurité a été déployé autour de chaque établissement pour que personne ne puisse y accéder. Les familles sont prévenues, via SMS, compte Twitter, téléphone», a précisé le ministère de l'Éducation nationale.
Du côté de la maternelle voisine, «le personnel a également réagi sans panique», décrit une responsable en accueillant les premiers parents, visiblement angoissés. «On a expliqué aux petits que c'était un jeu! Ils ne se sont rendu compte de rien et sont restés très sages», sourit-elle. «On est content de retrouver nos bébés», lâche devant l'entrée Sophia, sa petite Daria dans les bras… avant d'éclater en sanglots. «Je n'étais pas au courant de ce qui s'est passé, on ne devrait pas vivre des choses comme ça.» Une maîtresse la rassure, la raccompagne et lui glisse: «Et surtout, n'oubliez pas, pour vos petits ce n'était qu'un jeu.»

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Les Italiens face à la peur du saut dans l'inconnu politique (23.03.2018)
Par Julie Connan
Publié le 23/03/2018 à 19h01
REPORTAGE - À Naples, dans un Mezzogiorno éreinté par le chômage, les électeurs ont plébiscité le Mouvement 5 étoiles (M5S) lors du scrutin législatif, mais ce vote semble plus relever d'une dynamique de rejet que d'adhésion.
Envoyée spéciale à Naples
À l'ombre d'une grande fresque moderne à l'effigie de la Madonna della Sanità, les boutiques décaties ont orné leurs petits étals de corbeille pascales et d'œufs multicolores, au cœur du marché de la Sanità, un quartier populaire de Naples. Mais les fêtes de Pâques seront cette année teintées d'une crainte largement partagée. Lucia, qui noue son tablier avant de commencer sa journée, attend de savoir de quoi le futur politique de l'Italie sera fait. «Je rêve que beaucoup de choses changent dans ce pays, mais surtout qu'il y ait plus de travail pour les jeunes», explique en napolitain cette mère de famille de 50 ans, qui a dû se mettre à travailler il y a quelques années, pour prendre le relais de son époux sans emploi. Un phénomène assez répandu dans ce Mezzogiorno éreinté par le chômage, deux fois plus élevé que la moyenne nationale.
«Le sud de l'Italie a vu ce qu'était l'effondrement de la politique, les tonnes de promesses jamais respectées, et a développé une désillusion»
Guido Piccoli, journaliste
Ce matin, Lucia travaille dans le splendide Palazzo dello Spagnolo, où elle aide une famille avec la cuisine et le ménage, mais le soir, les tourments de la politique s'invitent chez elle où vivent encore ses grands enfants, eux aussi en quête de travail stable et déclaré. «On ressent de la peur. Que va-t-il se passer?», s'interroge-t-elle. Sa famille, qui vit depuis toujours dans ce quartier rugueux et authentique, où étaient jadis enterrés les morts de Naples, a voté pour le Parti démocrate de Matteo Renzi. «Mais beaucoup d'anciens du quartier votent traditionnellement Forza Italia et Berlusconi qu'ils jugent plus rassurant», explique-t-elle. À l'échelle de la ville, comme dans le sud de l'Italie, la mise a été clairement remportée par le Mouvement 5 étoiles (M5S) avec 52,65 % des voix, là où la coalition de droite a fait 22,26 % et celle de centre gauche, 17,24 %.
Certaines promesses du Cinque stelle - discours anticorruption et revenu universel - ont capitalisé sur une forme de frustration dans ce Sud sinistré, mais le vote M5S semble plus relever d'une dynamique de rejet que d'adhésion. «Le sud de l'Italie a vu ce qu'était l'effondrement de la politique, les tonnes de promesses jamais respectées, et a développé une désillusion et un sentiment que rien ne pouvait fonctionner, estime Guido Piccoli, journaliste et scénariste pour la radio. C'est un vote transversal et hétérogène de protestation contre toute la classe politique. Le cœur de l'électorat du M5S est constitué de jeunes sans emploi et sans espoir, mais des personnes de tous bords et de tous les milieux sociaux ont aussi voté pour lui.»
«Le vote s'est libéré, en dehors de ce qui faisait jusqu'à présent l'hégémonie du pouvoir politique : le monde économique et social, l'église, le patronat, la franc-maçonnerie et la mafia»
Gianfranco Borrelli, ancien professeur de philosophie politique
Et si la ville a déjà connu une logique de rupture similaire avec l'élection il y a sept ans du maire indépendant de gauche, Luigi de Magistris, elle n'est pas indifférente face aux changements annoncés. «Nous vivons actuellement une période de grande incertitude et un moment très délicat de transition démocratique, relève Gianfranco Borrelli, ancien professeur de philosophie politique à l'université Federico II de Naples. Avec ces élections, le vote s'est libéré, hors d'un cadre idéologique, et en dehors de ce qui faisait jusqu'à présent l'hégémonie du pouvoir politique: le monde économique et social, l'église, le patronat, la franc-maçonnerie et la mafia», ajoute-t-il. Les Napolitains se félicitent en revanche du fait que le vote M5S dans le Sud ne soit pas lié à la Camorra, contrairement, murmure-t-on, à celui de la Ligue (extrême droite), qui a, pour la première fois de son histoire, remporté trois sièges en Campanie.
Rupture du système ou non, l'hypothèse d'un gouvernement dirigé par le M5S et par le jeune Luigi Di Maio interroge. «Un jour, il dit une chose, le lendemain une autre. Il n'est pas clair par exemple sur l'Europe et sur l'Otan, mais il essaie en ce moment de rassurer les marchés et les partenaires politiques étrangers, explique Guido Piccoli. Un gouvernement M5S, ce serait l'inconnu. Mais cela fait longtemps qu'il n'y a pas eu quelqu'un de crédible à la présidence du conseil…»
«Je ne ressens pas de résignation, mais de la rage contre une classe politique qui se bat pour elle-même»
Ciro, pâtissier à Naples
Ciro, 43 ans, a lui voté M5S - «parce qu'il n'y avait pas d'autre choix» - et se dit prêt à lui donner sa chance. Il ressent surtout une forme de colère contre la loi électorale concoctée par Matteo Renzi et Silvio Berlusconi. Conçue pour favoriser les formations enracinées sur le territoire, cette loi complexe s'est, non sans ironie, retournée contre eux mais peut surtout déboucher, en cas d'absence d'accord de coalition, sur une Italie ingouvernable…
Né dans la dantesque Sanità, Ciro tient une pâtisserie visée il y a quelques années par la Camorra, et devenue une institution. «Je ne ressens pas de résignation, mais de la rage contre une classe politique qui se bat pour elle-même. L'Italie est comme un trésor, mais il faut une vision. Ce vote marque une sorte de révolution, mais elle est confisquée par la loi électorale qui bloque tout.» Il redoute comme beaucoup que «les électeurs finissent par devoir retourner aux urnes dans les mois à venir.» Une habitude dans un pays qui a connu plus de 60 gouvernements depuis le début de la République en 1946. «Mais cela coûte cher, dit-il, et le pays n'a plus d'argent.»

Luigi de Magistris : « Je suis très perplexe sur la capacité du M5S à gouverner l'Italie » (23.03.2018)
Par Julie Connan
Mis à jour le 23/03/2018 à 18h44 | Publié le 23/03/2018 à 18h43
INTERVIEW - Luigi de Magistris est un ancien magistrat, ex-député européen (indépendant de gauche) et maire de Naples depuis 2011.
Envoyée spéciale à Naples
LE FIGARO. - Comment analysez-vous le vote M5S?
Luigi DE MAGISTRIS. -Ce vote rassemble des composantes de gauche, de droite, du centre, des indépendants, ce qui peut être un avantage, mais il faut avoir une idée de comment gouverner. C'est un vote de rupture pour dire: «Basta Berlusconi! Basta Renzi!» C'est la même dynamique qui m'a porté à la mairie de Naples, mais nous avons gagné parce que nous représentions une alternative crédible au pouvoir. Nous n'étions pas un vote par défaut. Or, la force de leur victoire tient à l'absence totale d'alternative.
«Ce qui m'inquiète dans ce mouvement, c'est que si vous pensez un peu différemment d'eux, ils vous virent»
Vous avez travaillé ensemble par le passé…
Lorsque je me suis présenté aux européennes, en 2009, j'étais indépendant et le M5S m'a soutenu. Quand je suis devenu maire de Naples, nos chemins se sont séparés. Ce qui m'inquiète dans ce mouvement, c'est que si vous pensez un peu différemment d'eux, ils vous virent. Il faut s'interroger sur leur conception de la liberté. Je n'aime pas non plus la façon dont ils choisissent leurs candidats. La politique, c'est une question de passion et de compétences: il faut avoir étudié beaucoup, connaître la loi, pour être maire ou président du Conseil. Cette préparation ne s'invente pas du jour au lendemain. Or cela fait trop longtemps que l'Italie est représentée par des personnes qui ne sont pas fiables.
Le MS5 et Luigi di Maio sont-ils prêts à l'exercice du pouvoir?
Je les connais personnellement et je suis très perplexe sur leur capacité à gouverner. Là où le M5S a pu le faire, ses élus n'ont pas montré qu'ils en étaient capables, comme à Rome ou à Turin. Ils sont très bons pour s'opposer sur Internet et sur les réseaux sociaux ou se faire entendre dans des manifestations, mais n'ont pas encore de vision politique. Beppe Grillo dit: «Ce n'est pas le plus fort qui gagne, c'est le plus adaptable.» Je ne suis pas d'accord: la politique doit donner une vision, mais sans se moquer des gens. Di Maio s'exprime de manière à satisfaire tout le monde, gauche comme droite ; mais s'il finit par faire un pacte avec Berlusconi, la Ligue ou le PD, il n'y aura pas vraiment de changement…

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Journaliste au service Etranger du Figaro. #EuropeGoesUS
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Mariya Gabriel: «Les “fake news” attaquent notre démocratie» (23.03.2018)
Par Lucie Ronfaut et Enguérand RenaultMis à jour le 23/03/2018 à 21h40 | Publié le 23/03/2018 à 19h34
INTERVIEW - La commissaire européenne à l'Économie et à la Société numériques est déterminée à engager l'Europe dans la lutte contre la désinformation en ligne.
Quelle place pour l'Europe dans le numérique? L'affaire Cambridge Analytica, qui secoue Facebook, prouve que la puissance des grandes entreprises du Web inquiète. D'autres sujets numériques touchent directement les citoyens européens: la désinformation en ligne, l'intelligence artificielle, la cybersécurité… L'Europe veut prouver qu'elle est capable d'investir. C'est la mission de Mariya Gabriel, qui souhaite doubler le budget alloué au numérique.
LE FIGARO. - Où en est le projet européen de taxation des Gafa?
Mariya GABRIEL. - La Commission vient de présenter sa proposition. L'objectif recherché est d'avoir une approche commune avec nos partenaires, notamment l'OCDE. Il ne s'agit pas de cibler telle ou telle entreprise, ou uniquement les sociétés américaines. Nous voulons poser des principes de base. Des choses qui fonctionnaient pour l'économie traditionnelle ne fonctionnent plus pour l'économie numérique.
Vous présentez un plan pour lutter contre les «fake news» le 25 avril. La France propose déjà une loi sur le sujet… Comment se coordonner?
Nous préférons opter pour une approche européenne. Ce sujet n'a pas de frontières. Or, nous n'avons pas de définition commune du problème. Le droit européen définit bien les contenus illégaux, comme la propagande terroriste, le discours haineux ou l'abus sexuel des enfants. Ce n'est pas le cas pour la désinformation en ligne. Nous avons conscience qu'il y a des échéances électorales régulièrement en Europe et que ce sont des périodes sensibles. Ce phénomène attaque notre modèle démocratique. Nous devons être prêts pour 2019, lors des élections européennes. Nous ne serons pas de simples observateurs.
S'agira-t-il d'une loi?
L'Europe ne proposera pas une législation en la matière. Nous allons commencer par des mesures d'autoréglementation, insistant sur quatre clés: la transparence, la diversité et la crédibilité de l'information, l'inclusivité. Nous ne pouvons pas imposer aux citoyens de lire ou pas une information. En revanche, nous pouvons diluer la désinformation avec des contenus de qualité, que nous rendons plus visibles. Nous réfléchissons aussi à la création d'un réseau européen de fact-checking, avec des experts indépendants.
«Nous avons proposé une certification au niveau européen, pour que les citoyens puissent vérifier le niveau de sécurité de leurs produits»
Mariya Gabriel
Il existe des «usines à fake news» dans les pays des Balkans qui souhaitent entrer dans l'UE…
Cela fait partie de mes priorités. Notre stratégie pour les Balkans de l'Ouest inclut pour la première fois un volet numérique. Dans ce cadre, il y a de la place pour plus de coopération en matière de cybersécurité, d'e-gouvernement et évidemment sur les fausses informations. Ce sont des sujets très délicats sur lesquels il faut travailler ensemble. Les pays concernés reconnaissent le problème. C'est une chance. L'adhésion à l'Union européenne est un processus qui est basé sur le mérite. On doit prouver, par les actes, qu'on est prêts à coopérer et à accepter l'acquis communautaire.
Les grandes entreprises du Web doivent-elles être impliquées dans la lutte contre les «fake news»?
Chacun doit prendre ses responsabilités. Y compris les grandes plateformes en ligne. Nous ne pouvons les contraindre de dévoiler leurs algorithmes, mais elles peuvent être plus transparentes sur leurs résultats. Nous les encourageons à s'engager davantage.
L'Europe doit-elle dénoncer les agissements des gouvernements soupçonnés de cyberattaques?
Nous ne cherchons pas à pointer du doigt quelqu'un. Mais nous voulons affirmer notre rôle de leader dans ce domaine. Nous investissons dans la technologie et l'expertise humaine. Nous allons établir une coopération européenne en cas d'attaques à large échelle. Nous avons aussi proposé une certification au niveau européen, pour que les citoyens puissent vérifier le niveau de sécurité de leurs produits. Enfin, nous voulons établir un centre de réseau d'excellence dans chaque État membre, avec une institution centrale à Bruxelles. Nous allons investir 50 millions d'euros d'ici à 2020 pour rendre ces centres opérationnels.
«Un autre sujet important est l'investissement dans les supercal­culateurs. Nous avons déjà débloqué un budget de 1 milliard d'euros, dont 486 millions provenant de la Commission européenne»
Vous souhaitez doubler le budget européen accordé au numérique. La cybersécurité sera-t-elle une priorité?
Le numérique est la source d'une transformation profonde de l'économie et de la société, ce n'est plus un défi secondaire. L'Europe doit ajuster ses efforts pour qu'ils soient comparables avec ceux des pays tiers. Elle doit investir davantage, d'où notre demande de possiblement doubler le budget de 35 à 70 milliards d'euros, qui couvrira les différentes priorités numériques. La cybersécurité est une de mes grandes priorités. Les négociations internes sont en cours, mais nous pensons que nous aurions besoin d'au moins 10 milliards d'euros pour pouvoir répondre aux attentes légitimes de nos citoyens. Le budget des États-Unis sur le sujet s'est élevé à 19 milliards de dollars en 2016. Ceci est quatre fois plus que l'investissement aujourd'hui en Europe.
Un autre sujet important est l'investissement dans les supercalculateurs. Nous avons déjà débloqué un budget de 1 milliard d'euros, dont 486 millions provenant de la Commission européenne. J'ai du mal à accepter l'idée qu'en 2012 nous avions quatre des dix premiers supercalculateurs dans le monde et qu'aujourd'hui nous ne sommes même plus dans le top 10. Nous prêtons une attention particulière aux petites entreprises travaillant dans ce domaine. Ce sont les start-up qui ont le plus besoin de supercalculateurs, pour tester leurs produits, leurs modèles économiques.
Quelle est la stratégie de l'Europe en matière d'intelligence artificielle?
Le 25 avril, nous allons annoncer une initiative européenne pour l'intelligence artificielle qui se focalisera sur trois domaines: renforcer nos capacités technologiques, développer une réflexion éthique et légale, et évaluer l'impact sur le marché du travail. Nous allons proposer la création d'une alliance sur l'intelligence artificielle. Elle réunira les institutions, les experts, les industries, la société civile. Mon intention est de l'inaugurer dès le mois de juin.

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À Wall Street, les Gafam ont perdu 216 milliards de dollars (23.03.2018)
Par Caroline Sallé
Mis à jour le 23/03/2018 à 21h01 | Publié le 23/03/2018 à 19h33
INFOGRAPHIE - Le scandale autour de Facebook a impacté les géants de la tech.
À Wall Street, lorsque Facebook est pris d'une quinte de toux, c'est l'ensemble des valeurs de la tech qui s'enrhume. Durant la semaine qui vient de s'écouler, le scandale Cambridge Analytica, impliquant la collecte des données privées de 50 millions d'utilisateurs de Facebook au profit de la campagne présidentielle de Donald Trump, a fait prendre le toboggan aux Gafam.
En quatre jours, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft ont vu partir en fumée pas moins de 216 milliards de dollars à la Bourse de New York. À titre de comparaison, cette perte équivaut à la somme des capitalisations boursières de Danone, Orange, Airbus, Axa et Publicis.
Entre lundi et jeudi Facebook a lâché près de 11 % et dans son sillage, Google a perdu plus de 7,5 %, Apple abandonnait 5,2 % tandis que Microsoft cédait 2,6 %. Amazon a limité les dégâts, en recul de 1,7 %.
Les Gafam ne sont pas les seuls à avoir passé une semaine noire. D'autres géants de la Silicon Valley ont été impactés par les turbulences liées à l'affaire Facebook. Netflix a vu s'évaporer 5 milliards de dollars de capitalisation boursière et Twitter, 3 milliards de dollars.
Nombreuses incertitudes
Vendredi matin, Facebook semblait endiguer un peu l'hémorragie. Mais en fin de matinée, l'action baissait à nouveau de 1,35 %. Le mea culpa de son fondateur Mark Zuckerberg et les mesures annoncées pour rectifier le tir n'ont donc pas totalement calmé les esprits ni les critiques. L'incendie est d'autant plus compliqué à éteindre que Facebook est déjà accusé d'avoir propagé des fake news durant la campagne présidentielle de 2016, en faveur de Donald Trump.
En outre, beaucoup d'incertitudes demeurent. L'Europe veut durcir l'encadrement des réseaux sociaux, des actions de groupe en justice sont en cours, un appel au boycott est lancé et Facebook pourrait également écoper de lourdes amendes. Difficile dans ces conditions pour les investisseurs de reprendre confiance. Il ne faudrait toutefois pas enterrer Facebook trop vite. Même si sa capitalisation boursière est passée sous la barre des 500 milliards de dollars, la firme reste parmi les plus puissantes du monde.
- Crédits photo : figaro
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 24/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Roman Luciani: «Les start-up répondent aux besoins d'innovation des armées» (23.03.2018)

Par Alain Barluet
Mis à jour le 23/03/2018 à 21h12 | Publié le 23/03/2018 à 20h04
Directeur général de Diodon Drone Technology et invité du « Talk stratégique Le Figaro », Roman Luciani analyse les recettes des start-up qui s'intéressent de plus en plus à la défense.
Beaucoup de détermination, le souci de se différencier au maximum, une bonne dose de réactivité: Roman Luciani, directeur général de Diodon Drone Technology, était vendredi l'invité du «Talk stratégique Le Figaro» pour analyser les recettes des start-up qui s'intéressent de plus en plus à la défense. Créée il y a tout juste un an, en mars 2017, Diodon DT développe un drone amphibie, le SP 20, à destination des forces spéciales et de la sécurité civile. Un engin pesant 1,6 kilo, d'une envergure de 50 centimètres et disposant d'une autonomie de 20 à 30 minutes. «C'est un drone robuste, compact, facile à transporter, déplorable en une minute, idéal pour des missions de reconnaissance en condition difficile, en milieu marin ou en montagne», explique Roman Luciani.
«Structure souple»
Le drone peut décoller ou «atterrir» sur l'eau. Dégonflé, il prend très peu de place. Il répond aux spécificités du monde de la défense en termes de chiffrement pour la protection des données. Ses optiques, notamment sa caméra technique, permettent d'avoir très rapidement une vision globale et aérienne, de jour comme de nuit, avec une élongation de quelques kilomètres. La start-up est engagée dans un processus pour équiper les forces spéciales (FS). «Celles-ci sont très friandes d'innovation. Notre structure gonflable a capté leur attention car c'était la première fois qu'une structure souple était intégrée dans un drone», explique le dirigeant.
«Nous avons commencé avec des investissements personnels, 20.000 euros. Des soutiens à l'innovation ou des financements directs permettent de recruter et de poursuivre le développement»
Roman Luciani
Le projet a débuté alors que Roman Luciani était étudiant à l'Isae SupAero, école sous la tutelle du ministère des Armées. Avec Antoine Tournet, aujourd'hui président de Diodon, ils ont été mis en contact avec le monde de la défense et ont été invités l'an dernier au Sofins, le salon des forces spéciales, au Camp de Souge (Gironde). «Nous avons commencé avec des investissements personnels, 20.000 euros. Des soutiens à l'innovation ou des financements directs permettent de recruter et de poursuivre le développement», raconte le directeur général d'une société qui compte aujourd'hui trois salariés. SupAéro leur a aussi prêté main-forte avec ses capacités en recherche et développement. «Notre principal atout face aux grands groupes, c'est notre réactivité, notre capacité d'apporter des solutions qui répondent aux besoins de nos clients et à leur cahier des charges spécifiques», dit-il. Les tests opérationnels constituent une étape essentielle pour gagner en crédibilité et pour pouvoir envisager ensuite des marchés plus larges. C'est l'ambition de Diodon qui, outre la sécurité civile, souhaiterait à l'avenir équiper les armées conventionnelles.

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Staline, ses amis, ses victimes : ce que révèlent les archives russes (22.03.2018)
Par Paul-François Paoli et Thierry ClermontPublié le 22/03/2018 à 15h06
DOSSIER - L'ouverture des archives russes montre que le «Petit Père des peuples» était soutenu par une garde rapprochée qui lui permit de faire régner la terreur. Parmi ses opposants, l'immense poète Ossip Mandelstam, dont on publie les Oeuvres complètes.
Le gang de Staline
Staline, de son vrai nom Djougachvili, avait plusieurs surnoms qu'il s'était forgés dans la clandestinité et que ne prononçaient que ses compagnons les plus proches. Un des plus courus était «Koba», l'homme de fer. Tout un programme que le Géorgien ne démentira pas au long d'une vie qui continue de passionner les historiens. Sheila Fitzpatrick, auteur de Dans l'équipe de Staline, a fouillé les plus récentes archives, notamment celles de l'ex-URSS. Elle dément la légende qui a fait de Staline un obscur tâcheron du bolchevisme et montre qu'un cercle de fidèles habités par une foi absolue dans le communisme stalinien a soutenu sa politique de terreur.
Koursk, 1943: enquête sur une bataille à deux visages
La plus grande bataille de la Seconde Guerre mondiale commence le 5 juillet 1943 par l'opération «Citadelle» et se termine le 23 août lors de la prise de Kharkov par les Russes. Entre-temps des millions de soldats soviétiques et allemands soutenus par des milliers de chars d'assaut et des centaines d'avions se sont affrontés dans un combat titanesque qui a produit une des plus grandes hécatombes du XXe siècle. Et ce en quelques jours seulement… En perdant la bataille de Koursk, ainsi nommée par les Soviétiques, Hitler et ses généraux offraient à Staline un formidable vivier pour renforcer sa propagande. Le mythe de l'invincibilité allemande et de la prétendue supériorité aryenne s'écroulait. Une victoire que Staline et ses généraux allaient évidemment instrumentaliser politiquement.
Ossip Mandelstam: un poète contre le «corrupteur des âmes»
Face à la terreur stalinienne, les opposants furent souvent des écrivains, comme l'immense poète Mandelstam dont on publie aujourd'hui les Œuvres complètes. Cet homme broyé par l'Histoire et le totalitarisme, fut sans doute un des plus grands poètes de la première moitié du XXe siècle, ce «siècle-chacal» comme il l'appelait. Il est mort d'épuisement alors qu'il était dans un camp de transit en Sibérie, il avait quarante-sept ans. C'était en 1938. Les grandes purges staliniennes battaient leur plein. Le Léviathan soviétique réclamait sa part de terreur et de sang.



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