Attaques dans
l'Aude : Daech vise une nouvelle fois le cœur de la France (23.03.2018)
Attaques dans
l'Aude : Radouane Lakdim était fiché S depuis 2014 (23.03.2018)
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l'Aude : Arnaud Beltrame, le gendarme qui avait remplacé des otages, est mort
(23.03.2018)
Beauvau a mis en
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INFOGRAPHIE - Quatre personnes
ont été tuées dans l'Aude, vendredi, dans une série d'attaques revendiquées par
l'État islamique. L'auteur des faits, connu pour délinquance, a été abattu.
Le scénario tant redouté, celui
d'une attaque terroriste perpétrée dans une paisible petite ville de province,
a semé l'effroi dans tout le pays. L'action,
menée au cœur de l'Aude et revendiquée par l'État islamique, témoigne,
s'il en était besoin, que la menace n'a jamais faibli même si le dernier
attentat remonte à près de cinq mois avec l'assassinat au poignard et au cri
d'«Allah Akbar» de deux jeunes femmes gare Saint-Charles à Marseille. Le raid
sanglant qui vient d'endeuiller le pays et met
à l'épreuve Emmanuel Macron s'est soldé, vendredi soir, par un
bilan, toujours provisoire, d'au moins cinq morts - dont le terroriste - et une
dizaine de blessés, dont un dans un état très grave.
Selon les derniers éléments de
l'enquête, confiée par le parquet de Paris à la Sous-direction antiterroriste
(Sdat), la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la PJ de
Montpellier, l'équipée meurtrière, fulgurante, s'est déroulée en trois étapes.
Le terroriste, Radouane Lakdim, né au Maroc en avril 1992, était connu pour des
faits de petite délinquance. Condamné le 29 mai 2011 à un mois de prison avec
sursis pour port d'arme prohibé, il exécute un bref séjour derrière les
barreaux en août 2016 pour «usage de stupéfiants». «En raison de sa
radicalisation et de ses liens avec la mouvance salafiste, il était fiché S
depuis 2014, a révélé le procureur de la République de Paris, François
Molins, qui s'est rendu à Trèbes dans l'après-midi. En 2016 et 2017, il
a fait l'objet d'un suivi effectif des services de renseignement sans qu'aucun
signe précurseur ne laisse présager un passage à l'acte». «Il a agi seul, avait
déclaré peu avant sur place Gérard Collomb. Nous l'avions suivi et nous
pensions qu'il n'y avait pas de radicalisation, mais il est passé à l'acte
brusquement.» Rappelons, pour mémoire, que le fichier des signalements pour la
prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) recensait, le
mois dernier, pas moins de 19.745 suspects. Le tueur de l'Aude figurait au
nombre de ceux-là.
Demandes fantaisistes
À 10 h 13, Radouane
Lakdim a d'abord volé une Opel Corsa de couleur blanche à Carcassonne, tuant
son propriétaire et blessant par balles le conducteur, retrouvé gisant du côté
de la cité des Aigles. «Il s'est ensuite rendu à la caserne du 3e RPMa et a
attendu pendant quelques minutes des militaires avant de se raviser et de faire
demi-tour en direction de la caserne des CRS», précise François Molins.
Manifestement, Lakdim souhaitait cibler l'uniforme. Peu avant 11 heures,
il ouvre le feu à six reprises sur quatre policiers de la CRS 53 rentrant d'un
footing, touchant un des fonctionnaires à l'épaule. Par miracle, la balle est
passée à trois centimètres du cœur. Un de ses collègues a poursuivi
l'assaillant à pied pour relever le numéro de sa plaque d'immatriculation.
Cette précieuse information a permis de faire le lien avec la prise d'otages du
magasin Super U de Trèbes, situé à quinze kilomètres, sur le parking
duquel le véhicule a été identifié.
Vers 11 h 15, Radouane
Lakdim, armé d'un pistolet, a fait irruption en lançant «Allah Akbar!» dans le
magasin où se trouvait alors une «cinquantaine de clients». Indiquant être
« soldat de l'État islamique prêt à mourir pour la Syrie», il sollicite la
«libération de frères» avant d'abattre le boucher du magasin ainsi qu'un
client. Alors que les autres otages ont pu être libérés lors de
négociations, le
lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, arrivé parmi les premiers sur les
lieux, a proposé, au péril de sa vie, de prendre la place d'une femme encore
retenue sous la menace.
Il est donc resté l'ultime otage
de Radouane Lakdim, «soldat de l'État islamique, qui a agi en réponse à l'appel
à viser les pays membres de la coalition», comme l'a déclaré Amaq, l'agence de
propagande de Daech, dans un communiqué partagé sur l'application Telegram.
Mais la phase de négociation avec l'antenne locale du GIGN a fait long feu.
L'islamiste, pointant son arme sur l'officier de 44 ans, demande un
chargeur et menace de «tout faire sauter» en cas d'intervention. Puis, le duo
retourne dans le funeste huis clos du magasin.
À 14 h 30, trois coups
de feu y sont perçus, grâce à un téléphone laissé allumé sur une table par le
militaire. Le preneur d'otages est tué au cours de l'assaut aussitôt donné par
les hommes de l'antenne du GIGN de Toulouse. Outre deux gendarmes d'élite
blessés, le lieutenant-colonel Beltrame a été retrouvé dans un état jugé «très
sérieux». Officier adjoint du commandement de groupement de gendarmerie
départementale de l'Aude, il a été héliporté vers l'hôpital de Carcassonne où
son diagnostic vital est engagé. Samedi matin, le ministre de l'Intérieur
Gérard Collomb a annoncé qu'il avait succombé à ses blessures. Emmanuel Macron
lui a rendu hommage, indiquant qu'il «était tombé en héros» et méritait
«respect et admiration de la nation tout entière».
Dans la soirée, les enquêteurs
s'employaient à retracer l'origine de l'arme mais aussi le parcours de Radouane
Lakdim. La question était de savoir si ce petit voyou a pu être en lien direct
avec des complices ayant sévi dans les zones de combat. En début de soirée, sa
compagne était en garde à vue et une perquisition était en cours dans son
quartier pour trouver le moindre élément susceptible d'éclairer sa funeste
trajectoire.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 24/03/2018. Accédez à sa version
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Rédacteur en chef adjoint,
spécialiste sécurité et renseignement
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Attaques dans l'Aude : Radouane Lakdim était fiché S depuis
2014 (23.03.2018)
Par Le
figaro.fr et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 23/03/2018 à
22h13 | Publié le 23/03/2018 à 16h57
L'homme de 25 ans, fiché S depuis
l'été 2014, était suivi par les services de renseignement depuis 2016, selon le
procureur de la République de Paris, François Molins. Il avait été condamné à deux
reprises, en 2011 et 2015, pour des faits de droit commun.
Le ministre de l'Intérieur a
révélé le nom de l'auteur présumé des attaques terroristes de Trèbes et Carcassonne au
cours desquelles trois personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées
dont au moins deux grièvement, ce vendredi. Il s'agit de Radouane Lakdim, né le
11 avril 1992 à Taza au Maroc, et déjà connu des services de police pour des
faits de trafic de stupéfiants. Le procureur de la République de Paris,
François Molins, a indiqué dans une conférence de presse qu'il était fiché S
«depuis 2014». Il a été tué lors d'un assaut mené par les gendarmes du GIGN.
Après avoir grièvement blessé par
balles le conducteur d'une voiture et tué son passager, avant de s'emparer du
véhicule, à Carcassonne, Radouane Lakdim a ouvert le feu sur quatre CRS qui
effectuaient un jogging, blessant l'un d'eux, avant de pénétrer dans un
supermarché à Trèbes où il a tué deux personnes et pris des otages, dont le
colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame sur qui il a tiré à plusieurs reprises.
Ce dernier était toujours entre la vie et la mort vendredi soir.
Surveillé un temps pour
radicalisation
Radouane Lakdim - Crédits
photo : HANDOUT/AFP
François Molins a brièvement
détaillé le parcours de ce jeune délinquant de 26 ans. Français d'origine
marocaine, il vivait avec sa famille dans la cité Ozanam, un quartier populaire
situé à quelques centaines de mètres de la cité de Carcassonne et tout proche
d'une caserne de policiers. Il a été condamné à deux reprises, en 2011 et 2015,
pour des faits de droit commun, et incarcéré pendant un mois en août 2016 à la
maison d'arrêt de Carcassonne pour infraction de port d'arme prohibé, usage de
stupéfiants et refus d'obtempérer. Par ailleurs, il a fait l'objet d'un suivi
effectif par les services de renseignement en 2016-2017, suivi «qui n'a permis
de mettre en évidence aucun signe précurseur d'un éventuel passage à l'acte
terroriste», a précisé le procureur.
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direct sur les attaques dans l'Aude
Il s'agissait d'«un solitaire qui
est passé à l'acte brusquement», a expliqué pour sa part le ministre de
l'Intérieur. Le terroriste a crié «Allah Akbar» et s'est revendiqué de l'État
islamique. Il sollicitait notamment la libération de «frères» et s'est dit prêt
à mourir pour la Syrie. Il aurait agi seul, selon Gérard Collomb, bien qu'une
personne de son entourage ait été placée en garde à vue dans la soirée.
Durant la prise d'otages, il
aurait téléphoné à sa mère, laquelle a appelé ses soeurs, qui se sont alors
rendues sur les lieux, d'après une source proche de l'enquête.
L‘organisation terroriste a
revendiqué les trois attaques de Carcassonne et Trèbes, selon un communiqué de
l'agence de propagande de Daech, Amaq, sans fournir de preuve. «L'homme qui a
mené l'attaque de Trèbes dans le sud de la France est un soldat de l'État
islamique, qui a agi en réponse à l'appel» de l'organisation «à viser les pays
membres de la coalition» internationale anti-EI.
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Attentat de l'Aude : Arnaud Beltrame, le gendarme qui avait
remplacé des otages, est mort (23.03.2018)
VIDÉO - Le lieutenant-colonel du
groupement local de gendarmerie de l'Aude, âgé de 45 ans, a succombé à ses
blessures dans la nuit de vendredi à samedi. Il avait négocié avec le
terroriste pour prendre la place des otages dans le Super U de Trèbes. Emmanuel
Macron a déclaré que l'officier méritait «respect et admiration de la nation
tout entière».
Il s'était livré au ravisseur en
échange de la libération des otages: le lieutenant-colonel de gendarmerie
Arnaud Beltrame a succombé à ses blessures dans la nuit de vendredi à samedi, a
annoncé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. «Le lieutenant-colonel
Arnaud Beltrame nous a quittés. Mort pour la patrie. Jamais la France
n'oubliera son héroïsme, sa bravoure, son sacrifice. Le cœur lourd, j'adresse
le soutien du pays tout entier à sa famille, ses proches et ses compagnons de
la @Gendarmerie de l'Aude», écrit le ministre dans un Tweet.
Le chef de l'État a salué «le
courage, le sang-froid et l'abnégation exceptionnels» d'Arnaud Beltrame. «Au
cœur de l'action, le lieutenant-colonel Beltrame [...] a illustré les vertus
militaires d'une manière éclatante, qui mérite respect et admiration de la
nation tout entière», a ajouté dans un communiqué Emmanuel Macron, appelant
«chaque Français à honorer la mémoire» du disparu.
De son côté, le directeur général
de la gendarmerie nationale a exprimé sa «très vive émotion». Le général
Richard Lizuret a souhaité «rendre solennellement hommage à l'héroïsme de notre
camarade» et «s'incliner devant le courage, le sens du sacrifice et
l'exemplarité de cet offficier qui a donné sa vie pour la liberté des otages».
Il a ajouté que les drapeaux et étendards de la gerndarmerie seraient mis en
berne ce samedi.
Blessé grièvement par le
terroriste
Le militaire avait fait preuve
d'héroïsme pendant la prise d'otages de Trèbes et luttait contre la mort,
vendredi soir, après avoir été blessé par balles par l'assaillant. Il «a sauvé
des vies et fait honneur à son arme et notre pays», avait salué vendredi Emmanuel
Macron en rendant un hommage appuyé à son «courage». François Molins, le
procureur de la République de Paris, avait souligné, un peu plus tard dans la
soirée, «l'héroïsme du gendarme qui, au péril de sa vie, a fait le choix de
prendre la place des otages».
Alors que le terroriste venait
d'abattre deux personnes dans le Super U de Trèbes, «le lieutenant-colonel a
pris la place des otages au terme de négociations avec l'auteur des faits»,
avait précisé François Molins. Le procureur avait expliqué que l'assaillant
avait ensuite ouvert le feu à plusieurs reprises sur le gendarme, le blessant
grièvement.
Le gendarme «avait laissé son
téléphone ouvert sur la table (...) et c'est lorsque nous avons entendu les
coups de feu que le GIGN est intervenu» et a abattu l'auteur de l'attaque, qui
se réclamait du groupe djihadiste État islamique, avait détaillé le ministre de
l'Intérieur. Le ministre avait également souligné «un acte d'héroïsme comme en
sont coutumiers les gendarmes, les policiers qui s'engagent au service de la
nation».
Chef de la compagnie
d'Avranches dans la Manche
Né à Etampes, dans l'Essonne,
Arnaud Beltrame était marié et n'avait pas d'enfant. Après Saint-Cyr et l'École
des officiers de la Gendarmerie nationale, il a d'abord été nommé dans un
peloton de véhicules blindés à Satory (de 2002 à 2006), puis a rejoint le
premier régiment d'infanterie (RI) de la Garde républicaine (en charge de la
protection du président de la République), jusqu'en 2010.
De 2010 à 2014, il a été chef de
la compagnie d'Avranches dans la Manche, puis officier d'état major auprès du
ministère de l'Écologie et du Développement durable à Paris de 2014 à 2017. Il
a accédé au rang de lieutenant-colonel en 2016. Le 1er août 2017, il est devenu
officier adjoint de commandement (OAC) au groupement de gendarmerie de l'Aude.
Arnaud Beltrame est décoré de
l'ordre national du Mérite. En décembre 2017, il avait participé à un exercice
simulant une tuerie de masse dans un supermarché de la région, selon le
quotidien régional La Dépêche du Midi. Les forces de l'ordre
procèdent régulièrement à ce type d'entraînement pour améliorer leur mode
d'intervention en cas d'attentat.
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VIDÉO - Dès février 2016, le
ministère de l'Intérieur avait exigé qu'il y ait des «forces d'intervention rapide»
à 20 minutes maximum de distance de n'importe quel point du pays afin de
riposter à une attaque.
Un attentat commis dans le
supermarché d'une petite ville de province… Tel était le scénario d'un exercice
«attentat/tuerie de masse» réalisé en décembre dernier à Carcassonne. Une
soixantaine de gendarmes du peloton de surveillance et d'intervention de la
gendarmerie (PSIG) avaient été mobilisés avec vingt pompiers du service
départemental d'incendie et de secours, sans oublier les services de la préfecture
de l'Aude. Cet exercice en temps réel visait notamment à vérifier la parfaite
coordination entre les différents services.
De tels exercices sont très
régulièrement organisés depuis des années, dans l'Aude comme partout en France.
Comme l'ont démontré les
attentats et les tentatives d'attentat de ces dernières années, le
terrorisme islamiste peut en effet frapper au cœur de la province au moins
autant qu'en région parisienne ou dans les grandes villes de l'Hexagone. Un
constat dressé dès le 20 décembre 2014, avant la série d'attaques de
2015-2016, quand un islamiste attaque des policiers du commissariat de
Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) à l'arme blanche, faisant trois blessés avant
d'être tué. Le 26 juin 2015, c'est à Saint-Quentin-Fallavier, petite
bourgade de l'Isère, que le terrorisme frappe. Un chauffeur-livreur radicalisé
tente de faire exploser un site industriel classé Seveso après avoir décapité
son employeur et exhibé la tête à côté d'un drapeau de l'État islamique. Un an
plus tard, le père Hamel, prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray, petite commune de
Normandie, non loin de Rouen, est égorgé par deux terroristes, qui blessent
également un fidèle. De l'Indre-et-Loire à l'Isère, de la Seine-Maritime à
l'Aude, la «France profonde» n'a donc jamais été à l'abri des attaques. Et les
autorités ont pris en compte la menace au fil des années.
Un schéma national
d'intervention
Dès février 2016, conscient
d'un péril «plus élevé que jamais», Bernard Cazeneuve a «insisté sur le fait
que cette menace pèse sur l'ensemble du territoire national, et non seulement
en région parisienne». Considérant alors que chaque «Français doit pouvoir
bénéficier du même niveau de sécurité, où qu'il vive sur le territoire
national», l'hôte de la Place Beauvau avait exigé qu'il y ait des «forces
d'intervention rapide» à 20 minutes maximum de distance de n'importe quel point
du pays afin de riposter à une attaque. Les bases d'un inédit schéma national
d'intervention, mis en œuvre ce vendredi pour stopper la tuerie de Redouane
Lakdim dans l'Aude, sont donc posées depuis plus d'un an.
«Cette menace pèse sur
l'ensemble du territoire national, et non seulement en région parisienne»
Bernard Cazeneuve, ministre de
l'Intérieur, en 2016
Le principe était de «durcir»,
sans attendre, un maillon plus que jamais stratégique de la chaîne de sécurité,
celui des brigades anticriminalité (BAC) de la police nationale et des pelotons
de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG). Dans sa version
«Sabre», dont il existe 150 unités à travers le pays, le peloton est entraîné à
faire face à une «situation de tuerie planifiée». Les sous-officiers qui en
font partie, tous triés sur le volet, sont équipés de lourds boucliers de type
«sarcophage» dernière génération et de protections balistiques résistant au
calibre de guerre. Comme leur homologue de la BAC, ils ont été dotés de fusils
d'assaut allemands HK G36, capables de traverser des gilets pare-balles
semblables à ceux que portaient Merah, Coulibaly ou encore les frères Kouachi.
Arrivés en précurseurs, ils doivent tenir en
attendant l'arrivée des unités d'élites du Raid ou du GIGN.
Soucieux de mieux repérer les
comportements à risque en zone rurale, les services de renseignements ont aussi
mis les bouchées doubles. Au sein de la sous-direction de l'anticipation
opérationnelle (SDAO), les gendarmes ont ainsi développé une chaîne de 550
militaires spécialisés dans le traitement du renseignement. En outre, les
militaires ont armé au profit du renseignement territorial 75 antennes dans les
endroits les plus reculés du territoire. Mission? Trier et raffiner les
milliers de «signaux de faible intensité» glanés par les brigades.
En juin 2016, un radicalisé
menaçant arrêté à Carcassonne
Il y a moins de deux ans, l'Aude
avait connu une première alerte terroriste dans des circonstances qui
soulignaient déjà le risque de passage à l'acte d'une mouvance «endogène». Le
13 juin 2016, vers 21 heures, les policiers de la Direction
générale de la sécurité intérieure (DGSI) avaient interpellé un homme de
22 ans en gare de Carcassonne. Une petite masse et un couteau
étaient trouvés en sa possession. En garde à vue, l'homme, originaire de
Lunel (Hérault) connu pour être un foyer de l'islam radical, avait déclaré
qu'il voulait s'en prendre à des membres des forces de l'ordre et égorger des
touristes, tout particulièrement «américains et russes». Mis en examen pour
association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, le
suspect avait un profil de marginal, à la psychologie perturbée. Il s'était
converti à l'islam en 2014 avant de se radicaliser sur Internet. Reconnaissant
son soutien à l'État islamique, il faisait l'objet d'une fiche S et avait
été assigné à résidence dans le cadre de l'état d'urgence en février 2016. La
DGSI avait été alertée par ses appels à tuer «des mécréants» émis sur la
Toile.
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Natacha Polony : «S comme sourates» (23.03.2018)
CHRONIQUE - La prise d'otages de
Trèbes relance les mêmes polémiques qu'après chaque attentat. Contre la menace
de la radicalisation, toutes les Task Force élyséennes demeureront impuissantes
tant qu'elles ne seront pas articulées à un combat idéologique et à un
réarmement moral du pays.
C'est une sorte de signal faible,
un léger bruit de fond, qui à intervalles réguliers se transforme en fracas. Et
tout à coup l'on se souvient. Nous sommes sous la menace permanente. Mais le
fonctionnement médiatique en séquences hypertrophiées et frénétiques organise
notre amnésie et nous incite à ne surtout pas agir, une fois l'émotion
retombée. Le 1er octobre 2017, deux
jeunes filles avaient été assassinées par un Tunisien en situation
irrégulière à la gare Saint-Charles à Marseille. Qui se souvient de Laura et
Mauranne, victimes d'un homme qui n'aurait jamais dû se trouver en liberté sur
le territoire français? Aujourd'hui, les commentaires sont les mêmes, emprunts
de fatalisme. On parle à nouveau «terrorisme low-cost», on s'interroge: un
illuminé? Un terroriste formé? Mais avons-nous un tant soit peu progressé dans
la lutte contre cette gangrène?
Le
preneur d'otages de Trèbes s'est revendiqué de l'État islamique,
demandant même à être reconnu comme un combattant, avant de réclamer la
libération de Salah Abdeslam. Une fois de plus, le terroriste a d'abord ciblé
des représentants des forces de l'ordre, des hommes incarnant l'État et la
Nation. Cet homme était d'origine marocaine, déjà condamné pour délinquance. L'homme
était «suivi», mais «nous pensions qu'il n'y avait pas de radicalisation», a
précisé Gérard Collomb. Ce qui ouvre des polémiques sans fin. Les mêmes qu'à
chaque attentat: peut-on repérer les processus de radicalisation? Contre une
menace aussi diffuse, toutes les Task Force élyséennes demeureront
dramatiquement impuissantes tant qu'elles ne seront pas articulées à un combat
idéologique et à un réarmement moral du pays.
Salah Abdeslam, seul survivant
des terroristes du 13 novembre, avait utilisé son
procès belge comme une tribune. «Je constate que les musulmans sont
jugés impitoyablement. Il n'y a pas de présomption d'innocence. (…) Jugez-moi,
faites de moi ce que vous voulez. Je n'ai pas peur de vous, de vos alliés ou de
vos associés. Je place ma confiance en Allah, mon seigneur.» Les mots qu'il
avait lancés à la juge avant de se murer dans le silence étaient adressés à une
jeunesse musulmane chez qui il voulait susciter un réflexe victimaire. Le
message, visiblement, a été entendu. Et ce d'autant plus facilement que ce même
message est martelé, jour après jour, par toutes sortes d'associations et de
défenseurs plus ou moins bénévoles de minorités essentialisées et transformées
en damnées de la terre, opprimées par les «dominants» et les tenants d'une
culture commune.
Comment, pour les autres,
répondre à ce chantage permanent des intégristes selon lequel il n'y aurait de
religion que littéraliste, et qu'un musulman « modéré » serait un peu moins
musulman ?
Nous nous heurtons à la
conjonction de plusieurs phénomènes. Les revendications identitaires soutenues
par les gentils idéologues du multiculturalisme, concentré de ressentiment
social et de narcissisme contemporain, arrivent à point nommé pour servir les
intérêts d'un islam politique qui, lui, mène un combat de long terme: celui
d'une conquête culturelle - et, dans certains quartiers, spatiale - des pays
européens. Face à cela, l'immense majorité des musulmans, qui aspire à vivre sa
foi dans un cadre pacifique et républicain, est prise en otage. Elle refuse à
raison tout amalgame avec une idéologie mortifère, mais sans pouvoir empêcher
ses enfants d'adhérer à une vision de plus en plus littéraliste de sa religion.
Une étude de l'Institut Montaigne l'a montré: 28 % des musulmans, en
France, estiment que la charia prévaut sur la loi de la République. Comment,
pour les autres, répondre à ce chantage permanent des intégristes selon lequel
il n'y aurait de religion que littéraliste, et qu'un musulman «modéré» serait
un peu moins musulman?
Il appartient aux sociétés
européennes d'enfin comprendre l'enjeu, et de réaffirmer leur modèle de
civilisation, fait de sécularisation de la société et de valeurs
d'émancipation. Mais il appartient à l'Islam d'opérer une réforme de l'ampleur
de Vatican II, pour enfin nettoyer le Coran de tous les éléments qui peuvent
permettre aux intégristes de se présenter comme les seuls véritables musulmans,
pour enfin rendre obsolètes les sourates issues des périodes guerrières, qui
prescrivent la violence et la mort, l'éradication des «mécréants». Le
catholicisme n'a accepté le pluralisme, puis la laïcité, que sous les coups de
boutoir des penseurs, des artistes, de tous ceux qui ont avec courage
contestésa dimension totalisante. Ce qui signifie que, peu à peu, la peur a
changé de camp. Elle doit le faire à nouveau. Et cela ne sera rendu possible
que par le retour d'un débat intellectuel sur l'Islam, tel qu'il a longtemps
existé. Sinon, toutes les fiches S du monde ne serviront à rien.
Il est sans doute regrettable que
la voix du président de la République ne se soit pas fait entendre sur ces
questions et que les seuls messages envoyés par lui aient été les nominations
dans diverses instances des promoteurs de l'idéologie victimaire qui tend à
minimiser le danger de cet islamisme du quotidien. C'est retarder d'autant le
moment où tous les Français, de quelque religion que ce soit, se lèveront
ensemble pour affirmer leur identité et leurs valeurs communes.
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laïcité»
Journaliste
«Nous devons faire face à un terrorisme endogène, extrêmement
diffus, difficile à anticiper» (23.03.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Après
l'attenta mené vendredi dans l'Aude, le président du Centre d'analyse du
terrorisme Jean-Charles Brisard rappelle que la menace terroriste est toujours
aussi actuelle malgré l'avancée de la coalition contre Daech.
Jean-Charles Brisard est
président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT).
FIGAROVOX.- Que sait-on du
profil de Redouane Lakdim, qui a tiré sur des CRS avant de prendre en otage des
civils en se retranchant dans un supermarché?
Jean-Charles BRISARD.- Le
profil de ce jihadiste est assez classique, et ressemble à celui de nombreux
autres terroristes coupables d'actes similaires sur notre sol depuis 2014. Il
s'agit d'un individu qui aurait, selon les premiers éléments dont nous
disposons, agi seul, et qui était connu des services de renseignement: il était
fiché au FSPRT, le Fichier des signalements pour la prévention de la
radicalisation à caractère terroriste.
Il avait en outre été condamné à
de la prison, notamment pour port d'armes. Pour autant, le renseignement ne
s'attendait pas à ce qu'il passe à l'acte.
Que dire aussi du mode
opératoire, et en particulier du fait que des forces de l'ordre aient été une
nouvelle fois prises pour cibles?
Les forces de l'ordre
constituent 67 % des personnes visées par des actes de violence terroristes sur
notre sol.
Là encore, nous sommes frappés
par la ressemblance avec d'autres faits similaires qui ont pu se produire dans
un passé récent. En réalité, on observe un certain mimétisme dans le mode opératoire
de l'assaillant, qui s'est certainement inspiré de ce que d'autres jihadistes
ont pu commettre avant lui. Les forces de l'ordre sont en effet, une nouvelle
fois, prises pour cible par un islamiste radicalisé: selon une étude du Centre
d'Analyse du Terrorisme, ils constituent 67 % des personnes visées par des
actes de violence terroristes sur notre sol.
Enfin, l'assaillant s'est une
nouvelle fois retranché pour en finir avec les forces de l'ordre, se condamnant
à une mort certaine pour faire face, comme les terroristes du Bataclan avant
lui. On retrouve la marque caractéristique de nombreux attentats commis au nom
de Daech en France depuis 2014.
Ce nouvel attentat, qui
survient alors que la France n'avait plus été touchée par le jihadisme depuis
le mois d'octobre, réactive-t-il la crainte d'une menace jihadiste que l'on
croyait moins sérieuse à mesure que l'offensive contre Daech connaissait des
victoires sur le terrain?
À proprement parler, la menace
n'avait jamais disparu ni même ne s'était atténuée. On n'observe pas de
corrélation entre les défaites de l'État islamiques contre les forces de la
coalition, et un éventuel ralentissement de l'activité des filières jihadistes
sur notre territoire. Il faut rappeler que de nombreux attentats ont été déjoués
en France par nos services de renseignement.
Mais nous devons faire face à un
terrorisme endogène, extrêmement diffus, parfois très difficile à anticiper. Et
même si les vecteurs de la propagande jihadiste et les prêcheurs de Daech sont
de plus en plus désorganisés à mesure que la coalition s'avance vers une
victoire définitive contre l'État islamique, il reste encore de très nombreux
relais de cette idéologie, qui sont susceptibles de précipiter la
radicalisation d'individus sur notre propre sol.
Quelle réaction attendez-vous
de la part de l'exécutif, qui fait face aujourd'hui à l'acte terroriste le plus
important depuis l'accession à la présidence d'Emmanuel Macron, et au treizième
attentat meurtrier en France depuis 2015?
Comme je l'ai dit, l'exécutif se
retrouve à affronter une menace diffuse, mais qui prouve encore à quel point
elle est présente et tenace. Il est clair que nous devons poursuivre
l'amélioration de nos outils de prévention de la radicalisation. Pour cela,
nous devons aller à rebours d'une culture de la centralisation, qui a consisté
depuis les années 80 à confier la majeure partie des responsabilités à l'État
en matière de lutte contre le terrorisme. Il faut au contraire donner aux
communes, et avec elles à de nombreux acteurs locaux: associatifs, sociaux,
etc. les moyens de connaître et de prévenir le passage à l'acte de personnes
radicalisées. L'idée serait d'établir un maillage territorial fort de nombreux
relais locaux, qui serait plus efficace pour détecter une menace dont je
rappelle qu'elle est extraordinairement dispersée, prête à frapper en n'importe
quel endroit du territoire, y compris sur une petite commune rurale comme à
Trèbes, dans l'Aude, ce matin.
Il faut établir un maillage
territorial de vigilance et de prévention de la radicalisation.
En 2016, vous
écriviez dans les colonnes de FigaroVox que la lutte contre le
jihadisme n'exige pas tant de créer des lois d'exception que d'appliquer celles
qui constituent déjà notre arsenal législatif. Diriez-vous encore la même chose
aujourd'hui?
Oui, car je pense que nous
pouvons encore aller plus loin dans notre application de la loi. Nous avons
déjà de nombreuses dispositions qui nous permettent de lutter contre la
radicalisation. Mais il faut du temps, par exemple pour que les juridictions
utilisent les outils qui sont à leur portée pour prévenir le passage à l'acte
des «revenants», ces jihadistes français partis en Syrie ou en Irak combattre
et se former auprès des islamistes. La moyenne aujourd'hui des peines
prononcées contre ces «revenants» est de seulement 7 ans de prison ; quant aux
peines effectivement appliquées, elle n'est que de 4 ans! C'est effrayant,
quand on imagine que ces jihadistes français seront remis en liberté et donc
susceptibles de passer à l'acte en 2022.
Justement, les prisons ne
sont-elles pas l'un des facteurs aujourd'hui du problème de la radicalisation?
On y entre pour des faits de droit commun, et on en ressort parfois terroriste…
En effet, et il faut le dire, les
prisons sont trop souvent des incubateurs de la radicalisation.
On constate que les moyens mis en
œuvre par l'État sont loin de suffire, aujourd'hui encore, pour faire face à un
phénomène de radicalisation de masse dans les établissements pénitentiaires. La
mise en place en avril dernier d'un bureau central du renseignement
pénitentiaire est une première avancée, mais ce renseignement est aujourd'hui
largement sous-doté et nécessite des moyens humains et financiers bien plus
importants pour mener à bien sa mission, qui est de prévenir la contagion de
l'idéologie des jihadistes en milieu carcéral.
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Pascal Bruckner : « Le terrorisme islamiste reste,
et pour longtemps, la menace majeure pour notre sécurité » (23.03.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le
philosophe et essayiste réagit à l'attentat de Carcassonne et de Trèbes. Il y
voit la persistance d'une menace islamiste sur notre territoire.
LE FIGARO. - Vendredi matin,
un terroriste islamiste a tué deux personnes lors d'une prise d'otages dans un
supermarché de Trèbes. Plus tôt, il avait tué un homme et blessé un policier à
Carcassonne…
Pascal BRUCKNER. - Daech
n'est pas mort. C'est une grenade à fragmentation qui continue à frapper
longtemps après le décès prononcé. Certes, il
a perdu Raqqa et Mossoul, mais reste vivant dans le cœur et
l'esprit de très nombreux radicaux. Il est possible que nous connaissions
encore pendant dix ou 20 ans des attentats commis en son nom. Le fait que
l'attaque se soit déroulée près de Carcassonne prouve qu'il n'y a pas une
parcelle du territoire à l'abri du terrorisme. Les djihadistes ne sont pas des
jacobins, ce sont des opportunistes qui tuent partout où ils le peuvent. Et
même dans un supermarché de l'Aude. Leur but reste de désorganiser la société
en semant la panique dans la population. L'ouvrage La Gestion de la
barbarie, le «Mein Kampf» des djihadistes, publié en 2004 sur Internet,
détaille cette stratégie de la terreur. Il faut aussi noter que le djihadiste a
visé un boucher à l'intérieur du supermarché. Est-ce le hasard ou la volonté de
frapper des infidèles qui ne mangent pas halal? On peut toujours le supposer
sans en avoir la certitude.
«Les “revenants” sont des
bombes vivantes chargées de haine qui vont essayer de faire payer aux citoyens
français l'échec de leur guerre en Syrie et en Irak»
L'homme de 26 ans était
franco-marocain, connu des services de police pour trafic de stupéfiants,
condamné pour port d'arme.
C'est consternant. On se souvient
que toute une partie de la classe politique avait hurlé quand l'État d'urgence
avait été instauré par Hollande puis pérennisé par Macron en disant que c'était
un sacrifice de nos libertés. Il faut croire que dans les deux cas nous ne
sommes pas allés assez loin. Il est anormal et épouvantable que cet homme ait
pu continuer à se promener sur le territoire alors qu'il avait été condamné et
qu'il était surveillé. Il va falloir que la justice réponde de ce manquement
inquiétant. Il faudra peut-être envisager un volet législatif avec notamment le
rétablissement de la double peine. Au-delà de ce cas, la France ne peut pas
garder sur son sol des étrangers condamnés. Cela pose aussi le problème des
«revenants». Ce sont des bombes vivantes chargées de haine qui vont essayer de
faire payer aux citoyens français l'échec de leur guerre en Syrie et en Irak.
On ne peut pas se le permettre. À ce sujet, l'une des phrases les plus
pertinentes que j'aie entendues est celle de Florence Parly, notre ministre de
la Défense: «Il serait préférable qu'ils périssent sur le terrain.»
Après l'assassinat de deux
jeunes filles à Marseille l'année dernière, c'est le deuxième attentat majeur
depuis l'élection d'Emmanuel Macron. La lutte sera-t-elle longue?
Le terrorisme islamiste n'est pas
derrière nous, il reste, et pour longtemps, la menace majeure pour notre
sécurité. Derrière Daech, il y a toujours
al-Qaidaet ses différentes nébuleuses, et Daech, telle une
multinationale du crime, essaime en Afghanistan, en Indonésie, dans le Sinaï
(Égypte)et dans beaucoup d'autres pays. L'islamisme ne peut pas mourir. La
seule chose qui pourrait l'assécher, c'est une réforme théologique de l'islam
qui tarde à venir, si elle arrive jamais. Le problème n'est pas seulement
économique, politique ou militaire, il est d'abord culturel. Nous ne pouvons
pas réformer l'islam à la place des musulmans. Jusqu'à ce que cette
transformation éventuelle ait lieu, il faudra continuer à vivre sous la
protection de la police, de l'armée. La menace terroriste restera une épée de
Damoclès suspendue au-dessus de toutes les générations du XXIe siècle.
«Le terrorisme et l'intégrisme
sont des frères jumeaux qui s'épaulent et agissent par des moyens différents»
Vous avez cosigné avec une
centaine d'intellectuels, il y a quelques jours, une tribune publiée par Le
Figaro pour mettre en garde contre le séparatisme islamiste. Faites-vous
un lien entre ce séparatisme et la violence terroriste?
Aussi bien les salafistes que les
Frères musulmans ont compris que la conquête religieuse devait se faire par la
prédication et le prêche plutôt que par les bombes. Cependant, le terrorisme et
l'intégrisme sont des frères jumeaux qui s'épaulent et agissent par des moyens
différents. Les terroristes tuent et font jurisprudence. Ils permettent aux
intégristes de dire, «vous voyez si vous n'obéissez pas à nos demandes,
abolition des lois sur le voile, statut séparé pour les femmes, cantines halal
à l'école, vous aurez des attentats.» Il y a une forme de porosité et de
continuité entre les uns et les autres. Il sera aussi intéressant de voir
comment des organisations comme l'UOIF (l'Union des organisations islamiques de
France) et le CCIF (Comité contre l'islamophobie en France), qui dénoncent «le
racisme d'État», vont réagir à cet attentat. Est-ce qu'ils vont expliquer qu'on
montre l'islam du doigt? Vont-ils utiliser ce raisonnement tout à fait révisionniste
qui sous-entend qu'il n'y a aucun lien entre l'islam et l'islamisme? Les
terroristes se revendiquent pourtant bien de l'islam et du Coran. Il ne faut
pas oublier qu'al-Azhar, qui est la «Sorbonne» de l'islam sunnite, a attendu la
fin de l'année 2014 pour condamner Daech…
» LIRE AUSSI - Pascal
Bruckner: «Désolé M. Castaner, Daech appartient bien, hélas, à la sphère
musulmane»
L'islam de France est pluriel,
l'État doit résolument éviter de choisir les organisations les plus opposées
aux valeurs de la République. À cet égard, j'espère que la langue de Benjamin
Griveaux a fourché lorsqu'il a jugé notre
tribune stigmatisante. Car nous ne confondons pas les musulmans de
France avec les organisations séparatistes qui prétendent les représenter.
Griveaux a peut-être mal lu la tribune. Il faudrait lui renvoyer pour qu'il
comprenne que notre action et celle de son gouvernement sont parallèles, pas
antagonistes.
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Journaliste au Figaro et
responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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de Caen ou les repentis de Mai 68
Éditorial : «Terrorisme du quotidien» (23.03.2018)
Par Vincent Trémolet de Villers
Ils sont morts, au volant de leur
voiture ou en faisant leurs courses. Blessés grièvement pour avoir fait un
footing ou s'être héroïquement porté otage volontaire. Victimes arbitraires
d'un «soldat du califat», d'un terroriste du quotidien. Depuis résonnent les
sirènes de police, les déclarations officielles, les indignations sincères, les
promesses vigoureuses. La figure du criminel se précise et, comme à chaque
fois, il était repéré, condamné, surveillé, «radicalisé». Les esprits attachés
au bon sens pensent que ce cauchemar aurait pu être évité mais bientôt des
experts viendront leur rappeler qu'il faudra nous habituer. La vie reprendra
son cours de grèves de cheminots en plan prioritaire contre l'«outrage sexiste»
(une mission supplémentaire pour les policiers du quotidien). Et puis, on
oubliera…
Il ne faut pas oublier. Depuis
l'équipée barbare de Mohamed Merah, ils sont près de 250 victimes - soldats,
enfants devant leur école, journalistes, dessinateurs, gendarmes, policiers,
prêtre… - à être tombés sous les balles, les bombes, les coups de couteau des
fous d'Allah. Un bilan effroyable qui hante notre inconscient et illustre à
chaque attentat le désarroi de ceux qui nous gouvernent. Les policiers, les
services de renseignements qui jour et nuit risquent leur vie pour protéger la
nôtre n'ont rien à se reprocher, mais la justice? «La machine judiciaire doit
impérativement se repenser face au défi djihadiste», répète Gilles Kepel. Mais
le souci exclusif des droits individuels que protègent nos hautes juridictions
annihile, en vérité, toute velléité. La volonté politique? Elle est erratique.
Le défi est considérable car la route du djihad croise désormais celle de
l'immigration, de la délinquance, de ces îlots où prospère dans nos banlieues,
nos villes, nos provinces une contre-société salafiste. Un nœud complexe et
explosif que l'on préfère, trop souvent, ne pas regarder.
L'habitude est l'autre nom du
renoncement. Elle n'empêche pas la peur dans les transports, à l'école, au
cinéma, dans les supermarchés: partout. Elle n'empêche pas les drames. Le
terrorisme islamiste n'est pas un cataclysme, une catastrophe naturelle. C'est
un phénomène politique et religieux dont on connaît les causes. Ne pas s'y
attaquer, résolument, c'est accepter le devenir barbare d'un pays civilisé.
L'éditorial du Figaro Magazine : «La
République perdue» (23.03.2018)
Selon Guillaume Roquette, après
des années de déni, nos gouvernements actuels ne peuvent plus ignorer la montée
de l'islamisme dans les banlieues.
Longtemps, on n'a pas voulu les
entendre. Ceux qui décrivaient courageusement l'émergence d'une contre-société,
où la loi de la charia s'était substituée à celle de la République, étaient
marginalisés, dénigrés, stigmatisés. Au nom du vivre-ensemble et d'une laïcité
apaisée, on préférait renvoyer les Finkielkraut, Zemmour et autres Rioufol à
leurs supposées «phobies», parce que la réalité dérangeait trop.
Aujourd'hui, on ne peut plus la
nier. Dans Le Figaro de cette semaine, cent
intellectuels de tout bord dénoncent à l'unisson un totalitarisme islamiste qui
s'érige en victime de l'intolérance pour mieux faire sécession avec la
communauté nationale, instaurant un apartheid d'un nouveau genre. Le constat
étant - enfin - partagé, c'est maintenant aux politiques d'agir.
Comme ses prédécesseurs, Emmanuel
Macron se bat avec vigueur contre le terrorisme islamique. Depuis le drame de
Nice, à l'été 2016, la France est parvenue à déjouer avant qu'il ne soit trop
tard toutes les tentatives d'attentats de masse ; on n'en sera jamais
assez reconnaissant à nos forces de sécurité. Mais pendant ce temps, le
séparatisme communautaire progresse chaque jour, dans l'indifférence des
pouvoirs publics. Pourtant, notre société n'est pas seulement défiée par la
violence djihadiste, elle est d'abordminée de l'intérieur par la véritable
partition que l'on observe au quotidien dans les territoires perdus de la
République.
Les islamistes organisent la
sécession avec la communauté nationale
Face à cette réalité, le pouvoir
est comme une poule devant un couteau. Il bombarde les médias de «discours sur
la politique de la ville» (Macron) ou de «plan national de prévention de la
radicalisation» (Philippe) qui sont aussi incontestables dans leurs intentions
que dépourvus de portée pratique. Qui peut croire qu'on combattra
l'islamisation des banlieues avec un
«conseil des villes» qui se réunit une fois par trimestre à l'Elysée (surtout
avec des membres aussi contestés que l'humoriste Yassine Belattar), ou en
«mobilisant l'expertise de la recherche-action dans l'évaluation de la
prévention de la radicalisation pour capitaliser les expériences locales et
répertorier les bonnes pratiques» (sic), comme s'y engage sans rire le plan du
Premier ministre? Mais soyons honnêtes: les prédécesseurs de nos gouvernants
actuels n'ont pas fait mieux. Au pouvoir, la droite a regardé ailleurs, tandis
que la gauche, elle, baissait carrément pavillon. On se souvient, et ce n'est
qu'un exemple parmi d'autres, de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de
l'Education nationale, autorisant les mères voilées à accompagner les sorties
scolaires.
Régulièrement, Le Figaro
Magazine décrit l'islamisation des banlieues. En 2016, notre
couverture consacrée à la ville de Saint-Denis, «Molenbeek-sur-Seine»,
nous avait valu des menaces de poursuites en diffamation par la municipalité.
Nous les attendons toujours… Et pour cause: nous ne faisions que décrire la
réalité. Cette semaine, nous vous plongeons dans la vie quotidienne d'une autre
ville de banlieue parisienne où communautarisme et délinquance font meilleur
ménage que jamais. Mais où est passée la République?
Directeur de la rédaction du
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Roquette : «L'avertissement italien»
Une équipe de faucons à la tête de la diplomatie
américaine (23.03.2018)
Donald Trump a annoncé la
nomination de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité nationale, un
nationaliste convaincu des vertus de « l'Amérique d'abord ».
Correspondant à Washington
Une fois de plus, Donald Trump a
surpris son entourage - et l'intéressé lui-même - en annonçant jeudi
soir la nomination de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité
nationale. Pas tant sur le fond que dans la forme. Depuis quelques semaines, le
président américain manifeste une audace renouvelée, convaincu qu'il maîtrise
désormais les instruments du pouvoir et n'a plus besoin d'être «cadré».
Ancien ambassadeur de George Bush
à l'ONU, devenu commentateur de la politique étrangère sur Fox News, Bolton,
69 ans, était régulièrement invité à converser avec le président dans le
Bureau ovale, y compris ce jeudi. «J'ai été pris de court par la nouvelle»,
a-t-il admis dans la soirée sur la chaîne conservatrice. Pressenti pour
diverses fonctions à la Maison-Blanche et au département d'État depuis le début
de la présidence Trump, il avait été systématiquement écarté, pour partie en
raison de ses positions extrémistes, mais aussi à cause de son «look», qui ne
plaisait guère au président.
John Bolton est associé aux
néoconservateurs de l'époque Bush à cause de son interventionnisme et de son
penchant pour les guerres préventives
Le moustachu a surmonté cet
obstacle en apparaissant régulièrement sur Fox News pour applaudir aux
décisions de Trump. Un ancien responsable du département d'État, entendu par le
Sénat lors de la confirmation avortée de Bolton pour son poste à l'ONU en 2005,
l'avait décrit comme un «kiss-up, kick-down», obséquieux avec ses supérieurs et
brutal avec ses subordonnés. Associé aux néoconservateurs de l'époque Bush à
cause de son interventionnisme et de son penchant pour les guerres préventives,
notamment l'invasion de l'Irak, John Bolton est surtout un nationaliste
convaincu des vertus de «l'Amérique d'abord». Il devrait être en phase
avec le
nouveau secrétaire d'État, Mike Pompeo, faucon du Tea Party qui
dirigeait jusqu'ici la CIA. Tous deux sont de virulents critiques de l'accord
nucléaire passé en 2015 avec l'Iran.
Sous leurs encouragements, les
chances que Trump suive son inclination personnelle et le dénonce lors de la
prochaine échéance devant le Congrès, le 12 mai, «sont passées de
70 % avec Pompeo à quasiment 100 % avec le nouveau tandem», constate
à chaud un diplomate. Les deux hommes sont également partisans d'une
confrontation directe avec le leader nord-coréen, diplomatique d'abord
- via le sommet attendu entre Trump et Kim Jong-un -, plus musclée en
cas d'échec. Ils ne cachent pas leurs doutes sur un désarmement pacifique du
«royaume ermite», mais estiment que la démarche de Trump «l'empêchera de jouer
la montre».
Les « adultes dans la pièce »,
ces « quelques hommes qui nous séparent du chaos », sont écartés l'un après
l'autre au profit de politiques qui partagent les « instincts » de Trump
Avec les départs en chaîne du
conseiller économique Gary Cohn, du secrétaire d'État Rex Tillerson et
du conseiller à la sécurité nationale H. R. McMaster, les «adultes dans la
pièce», ces «quelques hommes qui nous séparent du chaos», comme l'avait déclaré
le sénateur républicain Bob Corker, sont écartés l'un après l'autre au profit
de politiques qui partagent les «instincts» de Trump, souvent pour des raisons
plus idéologiques que lui. Ces hommes d'affaires et généraux s'étaient révélés
relativement modérés, opposés au retrait
de l'accord de Paris sur le climat, au déplacement
de l'ambassade américaine à Jérusalem, au reniement de l'accord avec
l'Iran et à l'imposition
de tarifs douaniers à la Chine. Ils pensaient «comme l'establishment»,
se plaignait Trump. Ils vont être remplacés par des radicaux pour lesquels la
puissance américaine n'a pas à tolérer les entraves des règles internationales,
même celles qu'elle a créées. Bolton s'était rendu célèbre avec une tirade sur
l'inutilité de l'ONU, à laquelle «on pourrait supprimer dix étages sans voir la
différence» - une opinion partagée par Trump.
En principe, le rôle de
conseiller à la sécurité nationale consiste à offrir au président une synthèse
des différents points de vue exprimés dans son Administration, débouchant sur
une politique consensuelle - au moins au sein de sa propre équipe. Ce
n'est pas trop le style de Bolton, dont les opinions arrêtées ne souffrent
guère de discussion. Cela inquiète déjà John Kelly, le secrétaire général de la
présidence, qui a tenté de dissuader Trump de l'embaucher. Kelly aurait aussi
voulu attendre pour annoncer d'un coup les remplaçants du secrétaire aux
Anciens combattants, David Shulkin, et du secrétaire au Logement, Ben Carson,
discrédités par des dépenses somptuaires dans leurs ministères. Il estimait
qu'un remaniement plus large aurait projeté une image d'ordre et
d'organisation. Il a été court-circuité par le président pour une raison peu
claire, qui pourrait être liée à la longue interview accordée jeudi soir à CNN
par une
ancienne playmate, Karen McDougal, sur leur liaison de neuf mois en
2006, au début de son mariage avec Melania.
«Ne vous méprenez pas, c'est
la mise sur pied d'un cabinet de guerre»
Kelly Magsamen, vice-présidente
du Center for American Progress
Après à peine plus d'un an à la
Maison-Blanche, le général H. R. McMaster quittera ses fonctions en bon
soldat le 9 avril, «pour le bien du pays». Le courant n'était jamais
vraiment passé avec Trump, qui lui reprochait un ton donneur de leçons en
géopolitique. À 55 ans, ce soldat bardé de médailles aurait pu briguer un
retour dans l'armée lui garantissant une quatrième étoile. Il a préféré prendre
sa retraite plutôt que de se retrouver sous l'autorité hiérarchique du secrétaire
à la Défense, James Mattis, avec lequel il entretenait aussi des
relations tendues. McMaster s'était fait recadrer par le président le mois
dernier pour avoir déclaré lors d'une conférence à Munich qu'avec l'inculpation
de treize Russes, la preuve de l'intervention du Kremlin dans la présidentielle
de 2016 était «irrécusable». Mardi, une fuite a révélé que Trump avait ignoré
les recommandations de son conseil de sécurité en
téléphonant à Vladimir Poutine pour le féliciter. À l'évidence, le
départ de McMaster, qui était déjà sur la table, en a été accéléré.
Après quatorze mois à la
Maison-Blanche, Donald Trump estime avoir dépassé le stade où il devait
s'embarrasser de modérateurs ou de contradicteurs. John
Kelly, gardien de l'ordre à la Maison-Blanche, serait lui-même sur la sellette.
James Mattis se voit de plus en plus isolé au Pentagone. «Je suis près d'avoir
le cabinet que je veux», a déclaré Trump après l'éviction de Tillerson. Sa
nouvelle équipe relève davantage de la droite dure que du «populisme», qui
apparaît de plus en plus comme un faux nez. «Ne vous méprenez pas, a tweeté
Kelly Magsamen, vice-présidente du Center for American Progress: c'est la mise
sur pied d'un cabinet de guerre.»
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Trump, président impérial et télévisuel, règne d'une main de
fer sur la Maison-Blanche (23.03.2018)
ENQUÊTE - Égocentrique, impulsif,
soupe-au-lait, sûr de ses instincts, le président américain n'est pas un patron
facile. Une trentaine de hauts responsables ont déjà quitté son équipe, une
rotation de trois à cinq fois plus élevée que sous ses prédécesseurs.
Correspondant à Washington
«Bienvenue dans le studio!»
Ainsi Donald
Trump a-t-il accueilli les journalistes, le 10 janvier
dernier dans la salle du Conseil des ministres, à l'amorce de la première
réunion de cabinet de l'année. Avec tout autre que lui, le lapsus aurait
surpris. Dans son cas, la formule était sans doute délibérée -elle figure
d'ailleurs dans le compte rendu officiel de la Maison-Blanche. La tradition
veut que les médias puissent brièvement prendre des photos et recueillir
quelques mots du président au début des réunions, avant d'être promptement reconduits
à la porte. Mais, à plusieurs reprises, Trump a laissé les caméras tourner et
les journalistes assister aux débats pendant vingt minutes, parfois le double.
Trump passe des heures au
téléphone avec ses contacts personnels, leur confiant ses états d'âme,
sollicitant leur avis sur ce qui l'occupe
Par inclination naturelle ou par
calcul, sa Maison-Blanche est devenue une maison de verre. Tout ce qui s'y
passe finit par se savoir. Les incessantes rumeurs qui en sortent sont
quasiment toujours confirmées, à plus ou moins brève échéance. Le président les
déplore -quand il ne les orchestre pas lui-même. Au début de son mandat, ulcéré
par les «fuites» imputées à ses collaborateurs, il leur a fait signer des
accords de confidentialité très contraignants, les réduisant au silence sans
limite de temps, sous peine de sanctions financières élevées. Cela n'a rien
changé au flot de confidences et de révélations émanant de son Administration.
Trump ne tweete pas seulement à
tort et à travers. Il passe des heures au téléphone avec ses contacts
personnels, leur confiant ses états d'âme, sollicitant leur avis sur ce qui
l'occupe, testant auprès d'eux des idées qui ne tardent pas à se retrouver dans
les médias. En décembre, il avait délibérément fait «fuiter» par ses proches le
départ imminent de Rex Tillerson. D'un tweet, il avait ensuite provisoirement
suspendu l'humiliation publique du chef de la diplomatie: «Info bidon! Il ne
part pas (c'est moi qui décide au final).» Jusqu'à cet autre tweet du
13 mars au matin, posté sans avoir averti l'évincé: «Mike Pompeo sera
notre nouveau secrétaire d'État. […] Merci
à Rex Tillerson pour son service!»
«Dieu m'a puni»
Pour ceux qui travaillent «à son
service», Donald Trump n'est pas un patron facile. Égocentrique, impulsif,
soupe-au-lait, mais impérieux et sûr de ses instincts, il attend une loyauté
indéfectible au milieu des tempêtes, des polémiques et des scandales. Cette
exigence suscite la méfiance de l'establishment -et la
curiosité du procureur spécial, Robert Mueller, sur son respect des
institutions. Si ses collaborateurs ont des états d'âme, leurs jours dans son
équipe sont comptés. Le conseiller économique, Gary Cohn, avait failli partir
l'été dernier, après les commentaires de Trump sur les incidents racistes de
Charlottesville. Il a finalement pris la porte le 6 mars en raison de son
opposition aux tarifs douaniers.
À ses collaborateurs et
ministres, il est vivement déconseillé de le contredire en public ou de lui
faire de l'ombre dans les médias
Une trentaine de hauts
responsables ont déjà quitté le gouvernement et la présidence, une rotation de
trois à cinq fois plus élevée que sous ses prédécesseurs. Le départ du général
H.R. McMaster, conseiller à la sécurité nationale, auquel le chef suprême
reproche sa condescendance, s'inscrit dans «le final en apothéose de la saison
un», dit un proche du président. John
Kelly pourrait suivre: opposé à la nomination de John Bolton, il a
récemment confié à des journalistes, à propos de son rôle de secrétaire général
de la Maison-Blanche: «Dieu m'a puni.» Tillerson avait scellé son sort en
traitant Trump d'«abruti» après une réunion au Pentagone en juillet -et surtout
en esquivant par la suite toutes les occasions de démentir son propos.
Si le boss a peu de patience pour
les maladresses de ceux qui le représentent, le moindre soupçon de trahison est
rédhibitoire. À ses collaborateurs et ministres, il est vivement déconseillé de
le contredire en public ou de lui faire de l'ombre dans les médias. La bonne
façon d'approcher ce président est plutôt de flatter ses penchants naturels:
«Il faut sans arrêt le caresser dans le sens du poil et lui répéter combien il
est brillant, raconte Barbara Res, à qui il avait confié la construction de la
Trump Tower dans les années 1980. Il pense toujours en savoir plus que tout le
monde et il n'aime rien tant qu'apparaître imprévisible. Donc c'est facile: il
suffit de lui soumettre des idées un peu provocantes et de faire comme si elles
venaient de lui.»
L'œil rivé sur le petit écran
Les apparences comptent pour
cette présidence qui se regarde en permanence dans le miroir de la télévision.
Dès la période de transition, Trump a choisi ses ministres et ses conseillers
comme un casting. «Il pense qu'il faut avoir le physique de l'emploi pour être
crédible», explique son biographe Michael D'Antonio. L'opinion qu'il a de ses
collaborateurs dépend en grande partie de leurs prestations télévisées. Betsy
DeVos, secrétaire à l'Éducation, vient de subir une brutale décote en étalant
ses lacunes dans l'émission de CBS «60 Minutes». John Bolton, prochain
conseiller à la sécurité nationale, avait d'abord vu le poste lui échapper
parce que, d'après Steve
Bannon, Trump trouvait sa moustache «ringarde». Mais il est revenu dans
les bonnes grâces du téléspectateur en chef grâce à ses fréquentes
interventions sur Fox News, où «il est bon».
Le président a fait installer
deux postes supplémentaires dans sa chambre à coucher pour pouvoir suivre trois
programmes en même temps
Aux yeux du président, les
personnalités médiatiques bénéficient d'une présomption de compétence. En
remaniant son cabinet, il vient d'embaucher Larry Kudlow, un de ses vieux amis
qui commentait l'économie sur CNBC, et de promouvoir Heather Nauert, ancienne
présentatrice de Fox News, de porte-parole à sous-secrétaire d'État pour la
diplomatie publique. Il envisage de remplacer David Shulkin, le secrétaire aux
Anciens combattants, par Pete Hegseth, coanimateur de «Fox and Friends» le
week-end sur Fox News.
Le président passe une grande
partie de ses journées un œil sur le petit écran, allumé sans le son, mais avec
sous-titres, dans la pièce où il se trouve. L'influence qu'ont sur lui les
programmes du matin, en particulier «Fox and Friends», se reflète dans ses
tweets. Il a fait installer deux postes supplémentaires dans sa chambre à
coucher pour pouvoir suivre trois programmes en même temps, ainsi qu'un écran
géant dans la salle à manger privée qui jouxte le Bureau ovale, équipé d'un
«super TiVo» qui enregistre tout. Personne à part lui n'a le droit de toucher à
la télécommande.
«Une machine à faire de
l'audience»
Avant même d'entamer son mandat
il y a quatorze mois, Donald Trump avait prévenu ses collaborateurs: ils devraient
aborder chaque journée de sa présidence comme un épisode de série télé. Avec
des rebondissements, de l'action et des «victoires». «Il appelle John Kelly dix
fois par jour et à toute heure pour savoir ce qu'il y a à son agenda, qui il va
recevoir demain, quel décret il va signer et dans quel décorum», raconte un
assistant. Le 45e président des États-Unis continue à se définir comme «une
machine à faire de l'audience». La plupart du temps, il est son propre
scénariste, via un tweet ou une déclaration imprévue.
«Il recherche en permanence
les gros titres, à dominer le cycle d'infos»
Chris Ruddy, PDG de Newsmax et
ami de Donald Trump
«Il recherche en permanence les
gros titres, à dominer le cycle d'infos», s'amuse son ami Chris Ruddy, PDG de
Newsmax. Cela n'a pas changé depuis l'époque où il était promoteur immobilier
et appelait les tabloïds new-yorkais sous divers pseudonymes pour vanter les
exploits de… Donald Trump. Les journalistes ne mettaient pas longtemps à
reconnaître sa voix derrière les «John Miller» ou «John Barron». Mais en 2004,
il change de dimension: un rôle sur mesure dans «The Apprentice» va façonner
son image publique et démultiplier sa renommée en une décennie. Le play-boy
new-yorkais se métamorphose en PDG infaillible et impitoyable.
La réalité est moins héroïque. Il
suffit de voir comment l'acteur de téléréalité, qui a bâti son image sur une
formule cinglante -«Vous êtes viré!»-, répugne à assumer la sale besogne dans
la vraie vie. James Comey, l'ancien directeur du FBI, a appris son limogeage à
la télévision, alors qu'il visitait ses troupes à Los Angeles. Reince Priebus,
le premier chief of staff, a compris son sort quand, au retour d'un
déplacement, il s'est retrouvé tout seul dans une limousine officielle qui n'a
pas suivi le cortège présidentiel. En tournée en Afrique, Tillerson a été
prévenu par John Kelly qu'il pourrait bientôt «avoir un tweet», formule
cryptique que l'intéressé, dépourvu de compte Twitter, n'a pas prise pour ce
qu'elle était -une condamnation sans appel.
Un penchant pour les
dirigeants autoritaires
Donald Trump est entré à la
Maison-Blanche avec une conception impériale du pouvoir: l'homme le plus
puissant du monde devait pouvoir faire ce que bon lui semble, disposer de ses
subordonnés et être obéi par tous. Il avait été impressionné dans sa jeunesse
par Meade Esposito, un démocrate de la vieille école qui régna sur Brooklyn
pendant un quart de siècle, cigare au bec et batte de baseball sous le bureau.
Les mœurs dans le milieu de l'immobilier new-yorkais ne sont pas les plus
légalistes qui soient, ce qui peut expliquer son penchant pour les dirigeants
autoritaires.
«J'aime le conflit. J'aime
avoir des gens avec des points de vue différents. Ensuite je décide»
Donald Trump
Les déconvenues de sa première
année dans la capitale de l'establishment l'ont instruit sur la capacité de
résistance du Congrès, dont il croyait vassaliser les élus, et l'indépendance
du pouvoir judiciaire, qui a bloqué nombre de ses initiatives. «Je ne travaille
pas pour vous», lui a dit le
sénateur du Tennessee, Bob Corker, lors d'une discussion sur
l'immigration. «Ne me coupez pas la parole», l'a sèchement recadré Mitch
McConnell, le chef de sa majorité, au cours d'un exposé sur
l'assurance-maladie. Depuis, son conseiller pour les affaires législatives,
Marc Short, lui fournit des petites fiches pour l'aider à amadouer les
parlementaires.
«J'aime le conflit, assure Trump.
J'aime avoir des gens avec des points de vue différents. Ensuite je décide.
Mais j'aime assister (au conflit) et je pense que c'est la meilleure façon de
procéder.» Sebastian Gorka, un ultranationaliste qui a servi à la
Maison-Blanche du temps de Bannon, affirme que la clef pour comprendre Trump
est un passage de L'Art du deal où l'ancien promoteur
préconise de négocier sans foi ni loi, en gardant toujours l'option de se
dédire. «Il ne changera jamais, prévient Jared
Kushner, son gendre et conseiller. Il pliera la présidence à ses
méthodes -ou la brisera.»
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Donald Trump : le «grand perturbateur»sur tous les fronts
(23.03.2018)
Après une année mouvementée,
Trump reste persuadé que son approche imprévisible lui donne l'avantage.
Depuis qu'il est apparu le
15 juin 2015 sur l'escalator de la tour Trump pour lancer sa candidature
fracassante à la présidence des États-Unis, Donald Trump s'est posé en
perturbateur en chef de l'Amérique, cassant tous les codes du système et
promettant de renverser la table de la politique.
Donald Trump s'est maintenu
contre vents et marées dans sa position de transgresseur, s'employant à remplir
une à une ses promesses de campagne
À des élites qui prônaient les
bienfaits de la globalisation et du libre-échange, il a opposé les mérites d'un
retour au nationalisme et au protectionnisme, pour protéger les ouvriers
paupérisés et les industries américaines, proposant une renégociation
systématique des accords de commerce au grand dam de ses alliés du Parti
républicain. À ceux qui vantaient l'ouverture du pays à l'immigration et aux
autres cultures, il a répondu par la remise à l'honneur de la notion de
frontières, proposant - suggestion ô combien symbolique qui lui a valu maintes
accusations de «fascisme» mais aussi une envolée au firmament des sondages - de
construire un mur sur la frontière mexicaine. À ceux qui lui parlaient des
responsabilités mondiales de l'Amérique, il a demandé ce qu'elle tirait de son
statut de gendarme, suggérant qu'elle se «faisait avoir», et que les alliés
devraient s'habituer au «donnant donnant» pour bénéficier des garanties de
sécurité américaines.
Le plus remarquable est qu'une
fois élu, loin de s'assagir, Donald Trump s'est maintenu contre vents et marées
dans sa position de transgresseur, s'employant à remplir une à une ses
promesses de campagne: remise en cause des visas en provenance de certains pays
musulmans dits «à risque», sortie de l'accord climat, menace de décertification
de l'accord avec l'Iran, dont Washington pourrait sortir, à moins d'une
renégociation, sortie du traité de libre-échange asiatique et ouverture d'un
gigantesque bras de fer sur le commerce susceptible de dégénérer en guerre des
tarifs, y compris avec ses alliés européens. Sans oublier le déménagement de
l'ambassade américaine à Jérusalem.
«Le président est en train de
tester les limites de ses adversaires de manière délibérée»
Joshua Mitchell, professeur de
théorie politique de l'université de Georgetown
Si Trump l'indomptable a pu
incarner sans complexes la révolte populaire qui montait, puis lancer ses
attaques contre le statu quo, c'est parce que cette approche rebelle colle à
ses instincts profonds. Allergique aux politesses diplomatiques, le président a
toujours été persuadé que les élites, engoncées dans les certitudes du
politiquement correct ou trop excessivement attachées aux vaches sacrées du
multilatéralisme, ne savaient plus défendre les intérêts du pays et avaient
oublié les vertus du rapport de force.
Aujourd'hui, après une année
mouvementée, cerné par les critiques et le chaos qu'il contribue à créer par
ses manières iconoclastes, mais plus que jamais aux commandes, Trump reste
persuadé que son approche atypique et imprévisible lui donne l'avantage en lui
permettant d'ouvrir, à la hussarde, un grand marchandage sur tout ce qui
auparavant paraissait coulé dans le marbre: alliances, règles du commerce
mondial… «Il cherche à bouger le curseur et procède comme un sonar pour tâter
le terrain. Cela s'exprime sur deux dossiers cruciaux d'actualité: celui du
commerce avec la Chine et celui de la Corée du Nord, note le professeur de
théorie politique de l'université de Georgetown Joshua Mitchell, qui estime que
«le président est en train de tester les limites de ses adversaires de manière
délibérée».
En annonçant des sanctions
contre des produits chinois qui pourraient coûter 60 milliards
de dollars à Pékin, dans le but de protester contre les mesures
discriminatoires touchant la technologie américaine, «Trump rentre dans le dur
de la négociation et met la Chine sur la défensive, car cette dernière a un
besoin vital d'une croissance à 7 % pour acheter la paix sociale et est
terrifiée à l'idée que les États-Unis puissent casser cette dynamique», affirme
Mitchell. «Avez-vous remarqué que la riposte préliminaire chinoise menaçant de
taxer une centaine de produits porterait sur des importations qui s'élèvent à
seulement 3 milliards?», ajoute-t-il, persuadé que les Chinois feront tout
pour éviter une guerre commerciale, «ce que comprend fort bien Trump». La
question de la sécurité nationale et des transferts de technologie imposés par
la Chine, qui pourraient d'ici à dix ans donner la prééminence stratégique à
Pékin, est présente en arrière-plan dans les préoccupations de la
Maison-Blanche, affirment des sources à Washington.
«Le risque d'une escalade
existe, mais la nomination de John Bolton et de Mike Pompeo me paraît surtout
viser à faire monter les enchères, en montrant que l'Amérique est prête à la
manière forte»
Joshua Mitchell, professeur de
théorie politique de l'université de Georgetown
Joshua Mitchell note que Trump
s'est également comporté en maître de «la perturbation» dans le dossier
longtemps gelé de la Corée du Nord, où il a accepté une
rencontre avec Kim Jung-unaprès avoir pratiqué une politique de
chantage à l'intervention, rappelant la théorie du «madman» nixonien
(Retenez-moi ou je fais un malheur). Bien des analystes s'inquiètent des
«conséquences inattendues» qui pourraient sortir de ce bras de fer au bord du
gouffre, jugeant Trump impréparé aux chausse-trappes asiatiques, peu réceptif
aux conseils et très isolé dans sa tour d'ivoire de la Maison-Blanche, alors
que tous les spécialistes du dossier semblent avoir quitté le navire.
L'arrivée de John Bolton, un
faucon partisan d'éventuelles frappes préventives, qui n'a jamais
regretté son soutien à l'invasion de l'Irak, leur fait craindre un grave risque
de fuite en avant. «Le risque d'une escalade existe, mais la nomination
de John
Bolton et de Mike
Pompeo me paraît surtout viser à faire monter les enchères, en
montrant que l'Amérique est prête à la manière forte, si nécessaire», tempère
Josh Mitchell, persuadé que l'aventure irakienne a immunisé Trump contre les
interventions irréfléchies. «Je ne pense nullement qu'il faille percevoir
l'arrivée de Bolton comme une victoire de l'idéologie interventionniste des
néoconservateurs, que Trump ne partage pas», dit-il, persuadé que le président
va utiliser Bolton et Pompeo comme des armes de négociation dans une ère de
confrontation dure avec la Chine, la Russie et la Corée du Nord. «Quand il n'en
aura plus besoin, il s'en débarrassera. Car il ne se sent lié à personne, sauf
à sa famille», conclut Mitchell.
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Néoconservateur, partisan des guerres préventives : cinq
choses à savoir sur John Bolton (23.03.2018)
Par Le
figaro.fr et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 23/03/2018 à
16h14 | Publié le 23/03/2018 à 14h00
FOCUS - L'homme à la moustache,
partisan de la méthode forte contre la Corée du Nord et l'Iran, devient le
nouveau conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. Ambassadeur à l'ONU
sous George W. Bush, cet intervenant régulier sur Fox News n'est pas connu pour
son sens aigu de la mesure.
Le président américain Donald
Trump a nommé ce jeudi le néoconservateur John Bolton, analyste de Fox News, au
poste très influent de conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche.
Après l'éphémère Michael Flynn, contraint à la démission moins de
quatre semaines après l'investiture de Trump, et H.R. McMaster, il est le troisième conseiller à la
sécurité nationale désigné par le président américain en l'espace de 14 mois.
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Sa nomination intervient au moment
d'aborder des négociations historiques avec la Corée du Nord et
à l'approche d'une échéance cruciale sur l'avenir de l'accord sur nucléaire iranien dont
cet ancien ambassadeur des États-Unis à l'ONU est un grand pourfendeur.
1/ Un néoconservateur
historique, chroniqueur sur Fox News
Connu pour sa moustache, il l'est
également pour son goût de la provocation et son style parfois abrasif. À 69
ans, John Bolton fut l'un des chefs de file des «faucons» - appellation donnée
aux néoconservateurs américains - au sein de l'administration de George W.
Bush. Il fut son ambassadeur aux Nations unies de 2005 à 2006. À cette
occasion, le sénateur et futur vice-président démocrate, Joe Biden, estima que
cette nomination revenait à faire entrer un «taureau dans un magasin de
porcelaine».
Ces dernières années, John Bolton
était devenu un commentateur régulier dans les médias. Il était notamment
chroniqueur sur Fox News, s'exprimant notamment avec amabilité sur la politique
étrangères conduite par Donald Trump. Ses opinions tranchées sont anciennes.
Déjà, à 18 ans seulement, ce farouche opposant au communisme avait écrit une
tribune dans son collège de McDonogh intitulée: «Pas de paix au Vietnam».
2/ Un fervent défenseur de la
guerre en Irak
Fervent partisan du recours à la
force sur la scène internationale, il n'est pas en accord avec le président
septuagénaire sur tous les dossiers: sous la présidence de Bush, après les
attentats du 11-Septembre, il avait été et continue d'être un infatigable
défenseur de la guerre en Irak, que Donald Trump n'a eu de cesse de critiquer
en campagne. Invité à réagir sur Fox News, John Bolton a déclaré: «J'ai mes
opinions et j'aurai l'occasion de les présenter au président», défendant la nécessité
pour le locataire de la Maison-Blanche d'avoir «un libre-échange d'idées» avec
ses différents conseillers.
3/ Partisan d'une guerre
préventive contre la Corée du Nord
Alors que la Maison-Blanche et le département d'État préparent un
sommet historique et inédit entre Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un,
qui pourrait se tenir d'ici à la fin du mois de mai, la nomination de John
Bolton apparaît clivante. Ces dernières années, John Bolton prônait une ligne
dure sur la nécessité d'empêcher la Corée du Nord de se doter de la bombe
atomique. «Bolton milite de longue date pour une action militaire préventive
contre la Corée du Nord, et sa désignation au poste de conseiller à la sécurité
nationale est un signal fort signifiant que le président Trump reste ouvert à
cette option», analyse Abraham Denmark, chargé de l'Asie de l'Est au
département d'État sous la présidence de Barack Obama. «Il faut aussi nous
attendre à une approche plus conflictuelle de la Chine. Une guerre commerciale
pourrait n'être que le début d'une compétition géopolitique plus large»,
ajoute-t-il.
4/ Pourfendeur de
l'accord sur le nucléaire iranien
Ce remaniement intervient aussi
alors que le président américain a donné jusqu'au 12 mai à
l'Allemagne, à la France et à la Grande-Bretagne, les trois puissances
européennes signataires de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, pour
réviser ce texte, «le pire» des accords selon lui. «L'accord nucléaire
iranien a été une erreur stratégique en 2015. Cet accord doit être abrogé et
l'Amérique doit façonner une nouvelle réalité qui reflète les actes du régime
iranien», tweetait Bolton le 29 janvier.
Cet ancien responsable du
contrôle des armes au département d'État a également estimé que les États-Unis
devraient se préparer à apporter leur soutien à l'opposition iranienne si cette
dernière faisait appel à une aide extérieure. «Bolton soutient [aussi] de
longue date l'idée d'un changement de régime en Corée du Nord et de liens plus
étroits avec Taïwan. Attachez vos ceintures de sécurité», conseille Bonnie
Glaser, spécialiste de l'Asie au Centre d'études stratégiques et
internationales (CSIS) de Washington.
5/ Un problème de moustache,
selon la presse américaine
«Donald Trump n'aimera pas sa
moustache. Je ne connais personne qui soit réellement proche de Donald et qui
porte une moustache», a déclaré un proche de Donald Trump au Washington
Post. Déjà, l'ancien conseiller du président américain, Steeve Banon,
aurait déclaré que «la moustache de Bolton était un problème», car jugée
«ringarde» par le président, si l'on en croit le livre de Michael Wolff, Le
Feu et la fureur. Donald Trump aurait en revanche été conquis par les
prestations de John Bolton sur Fox News.
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Le mystérieux squelette d'Atacama n'est pas extraterrestre
(23.03.2018)
Des chercheurs ont pu analyser
l'ADN prélevé sur ces restes découverts en 2003 dans le désert chilien. Il s'agit
d'un fœtus de petite fille qui présente de nombreuses mutations génétiques.
Les scientifiques sont formels:
le minuscule squelette momifié d'une dizaine de centimètres découvert dans le
désert d'Atacama, au Chili, en 2003, n'est pas extraterrestre. Ces restes sont
bel et bien humains, comme cela avait déjà été annoncé en 2013, en dépit
de leur taille étonnante et de nombreuses autres étrangetés: un crâne allongé,
dix paires de côtes au lieu de douze, des os développés comme ceux d'un enfant
de six ans (au niveau des genoux notamment) ou des dents déjà formées.
» LIRE AUSSI - L'énigme des «crânes allongés» du Pérou résolue
Il s'agirait d'un fœtus de petite
fille, vraisemblablement mort-née ou décédée peu après sa naissance, précise
aujourd'hui l'équipe de chercheurs emmenée par Garry Nolan, professeur de
microbiologie et d'immunologie à l'université de Stanford, en Californie. Les
analyses génétiques détaillées réalisées après un prélèvement de moelle osseuse
en 2012 viennent d'être publiées jeudi dans la revue Genome Research .
L'étrange squelette momifié
d'Atacama ne mesure qu'une dizaine de centimètres. - Crédits photo :
HO/AFP
Les chercheurs ont identifié une
cinquantaine de mutations qui pourraient être à l'origine de cette apparence
étrange. Certaines sont situées sur des gènes impliqués dans le nanisme ou dans
des pathologies telles que la scoliose ou l'absence d'une paire de côte (mais
pas deux, cela n'avait encore jamais été observé auparavant). Elles seraient
probablement responsables de ce développement osseux très accéléré même si les
chercheurs ne sont pas encore capables d'expliquer clairement le processus
exact.
Les analyses publiées aujourd'hui
lui permettent par ailleurs d'assurer que ces gènes sont vraisemblablement
d'origine chilienne. Elle présente aussi des traces d'ADN européen et asiatique
qui sont probablement le fruit de migrations récentes. La bonne conservation du
matériel génétique laisse penser que ces restes n'ont que quelques dizaines
d'années, 500 ans grand maximum.
Surnommé «Ata», le squelette
avait été retrouvé derrière une église d'un village abandonné dans le désert
d'Atacama. Il était glissé dans une pochette en cuir. Son histoire n'est pas
très claire ensuite. Il s'est retrouvé entre les mains d'un collectionneur
espagnol et fut repéré par des documentaristes réalisant un film sur les
aliens... C'est à ce moment que Garry Nolan réussit à obtenir le droit de
prélever de l'ADN pour tenter de déterminer s'il s'agissait de restes humains
ou non.
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À Duma, l'enfer syrien sous terre (23.03.2018)
ENQUÊTE - Dans l'un des derniers
bastions rebelles aux portes de Damas, cible depuis le 18 février
d'une offensive meurtrière du régime syrien et de ses alliées russes et
iraniens, des dizaines de milliers d'habitants se terrent dans des
sous-sols pour échapper aux bombardements.
À quoi ressemble la vie dans une
ville assiégée et bombardée? À l'écran noir de cette vidéo publiée sur YouTube,
que seul le crachat métallique des avions éclaire par intermittence? Au visage
affolé de cette mère de famille étreignant ses enfants au fond d'une cave
obscure? Ou encore à ce cri de détresse lancé par une jeune habitante via la
messagerie Whatsapp? «Imaginez, bredouille-t-elle, une prison dont les murs se
resserrent de jour en jour. Au début, nous subissions le blocus imposé par le
régime dans une énorme prison qui s'appelle la Ghouta orientale. Et maintenant,
nous voilà enfermés dans des abris souterrains qui ressemblent à des tombes.»
Il faut déployer beaucoup
d'efforts pour se mettre à la place des habitants de Duma, dans la périphérie
de Damas. Coupée du monde depuis 2013, et isolée du reste de la Ghouta
orientale depuis une semaine, cette cité symbole de la révolution de 2011 est
l'un des derniers bastions rebelles qui résiste encore à l'offensive des forces
progouvernementales - en un mois, le régime et ses alliés russes et iraniens
ont reconquis 80 % de cette région insoumise. Poursuivis par les frappes
aériennes, régulièrement asphyxiés par des attaques au gaz de chlore, affamés
par le manque de vivres, les quelque 120 000 habitants de Duma passent
l'essentiel de leur temps calfeutrés au fond des sous-sols. Mais les récits
personnels relayés par téléphone ou sur les réseaux sociaux offrent un
exceptionnel aperçu du drame qui se joue loin de nos yeux. «Notre vie est un
enfer», martèle Nour Adam, un des survivants de la Ghouta - en trente jours,
plus de 1 200 civils y ont perdu la vie à cause de l'intensification des
bombardements. Du matin au soir, le jeune citoyen journaliste syrien promène sa
caméra de rues dévastées en hôpitaux de fortune. Il filme tout: les
hélicoptères qui menacent le ciel, le largage des explosifs, les colonnes de
fumée qui s'élèvent des immeubles décharnés, les dépouilles d'enfants happés
par la guerre. La plupart de ses images, partagées sur Facebook et Twitter, ont
été tournées sous terre. C'est là, au fond des trous que la vie s'organise.
Dans la ville assiégée de Duma,
le 21 mars. - Crédits photo : BASSAM KHABIEH/REUTERS
«Cela fait plus de 30 jours que
les habitants se terrent dans des abris souterrains à cause du déluge de feu
quotidien. Parfois, plus de 300 personnes s'entassent dans une même cave pour
échapper aux raids aériens. On y trouve des familles entières qui ont tout
perdu dans la destruction de leur maison. D'autres, encore, sont arrivées de
justesse à Duma, après avoir fui les villes reprises par Damas. Les conditions
de vie sont insalubres. Il fait humide, on respire à peine. Tout le monde est
malade. Sans compter les épidémies de poux, que se repassent les enfants»,
raconte Deana Lynn par Whatsapp. Mariée à un Syrien, cette Américaine de 44 ans
et mère de 8 enfants vit à Duma depuis 2000. Derrière l'écran du smartphone,
elle insiste pour parler à visage découvert. «Je ne suis qu'une enseignante. Je
ne suis pas une terroriste, comme veut le faire croire Bachar el-Assad. Je
risque gros en témoignant de l'intérieur. Mais je veux que le monde sache ce
que nous subissons au quotidien», martèle-t-elle en anglais. Deux factions
principales, Jaich al-Islam et Faylaq al-Rahman assurent le contrôle de la
Ghouta, où sont également implantés les salafistes d'Ahrar al-Cham et les
djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham. Mais le régime refuse de faire la
différence entre extrémistes et modérés - et surtout entre militaires et
civils.
Réseau de galeries
Pour se protéger, Deana vit
également sous terre: un espace rectangulaire que sa famille partage avec une
trentaine de voisins. «La nuit, poursuit-elle, on peine à trouver le sommeil
entre les murs qui tremblent à cause des explosions et les cris des bébés
paniqués. L'autre soir, un missile a frappé notre immeuble, et nous avons
aussitôt été envahis par un nuage de poussière. Tout le monde s'est mis à tousser…
Mais la journée, il faut bien remonter de temps en temps à la surface pour
aller aux toilettes et cuisiner.» Deana s'interrompt, pensive. «Quand je sors
la tête de la cave, je ne marche pas: je cours. J'ignore si j'en reviendrai
vivante. La semaine dernière, une de nos voisines de rue a été tuée par un
bombardement alors qu'elle remontait dans sa cuisine pour faire à manger à ses
enfants», souffle-t-elle.
Pour relier les caves et les
maisons, tunnels et galeries ont été creusés en sous-sol. Mais le danger gagne
aussi les abris souterrains: sous l'impact des frappes aériennes, les maisons
s'écroulent comme des châteaux de cartes, ensevelissant sous les décombres les
habitants réfugiés sous la terre. «Il y a aussi tous ces petits drames
quotidiens, comme les bébés mort-nés ou les fausses couches au fond des caves,
qui passent inaperçus à cause de l'urgence dans laquelle nous vivons», poursuit
Deana. Et pourtant, dans ce bout du monde inaccessible, les habitants de Duma
continuent à résister dans l'obscurité. «Dans chaque abri, on se relais pour
aller chercher à manger. À cause de la pénurie, les prix ont flambé. Un kilo de
riz vaut environ 7 euros - contre 1 euro il y a un an. Nous sommes à
court de lait et de légumes frais - à l'exception de ceux qu'on tente de faire
pousser. Alors, nous nous rabattons sur les pâtes et le boulgour», raconte
Deana. Partout, c'est le système D qui prévaut: «On fait systématiquement
bouillir l'eau, qui n'est pas potable, pour éviter les diarrhées. Et pour parer
au manque de gaz, on coupe les arbres et on fait de la récupération de bois en
brûlant les fenêtres des maisons abandonnées». Quant au fioul, de plus en plus
rare, il alimente les groupes électrogènes qui, en l'absence d'électricité,
permettent d'éclairer les abris et recharger les ordinateurs - eux-mêmes reliés
à de petites antennes satellitaires pour se connecter à Internet. «Évidemment,
il faut redoubler de prudence quand on allume la lumière, surtout pendant la
nuit. Car lorsqu'ils repèrent le moindre signe de vie, les avions se mettent à
frapper…», dit Deana, qui accuse le régime de viser délibérément les civils.
Des Syriens tente de sauver leurs
biens, après une frappe aérienne sur Duma. - Crédits photo : HAMZA
AL-AJWEH/AFP
Dans les ruines de Duma, le
moindre répit est une victoire contre la mort. «Je ne me suis pas lavée depuis
20 jours, mais qu'importe! Ce qui compte, c'est d'être encore en vie», ironise
Bayan Rehan. À 31 ans, cette intrépide professeur de géographie travaille au
conseil local, l'administration autonome de la ville depuis le début du
soulèvement anti-Assad. Dès que les bombes et les tirs d'artillerie se font
moins menaçants, elle assure sans relâche la distribution de vivres, de
vêtements et de jouets aux familles déplacées. La guerre lui a tout volé: sa
jeunesse, ses illusions, sa foi en la communauté internationale qui «ferait
mieux, dit-elle, de brûler ses traités internationaux sur la défense des droits
de l'homme plutôt que de nous regarder mourir sans bouger le petit doigt». Mais
elle s'accroche à l'espoir, et surtout au regard de ces enfants qu'elle croise
chaque jour au fond des abris: «Les plus jeunes sont nés pendant le siège. Ils
n'ont connu que ça. Pourtant, ils méritent d'étudier. De vivre autrement.» Un
souvenir furtif traverse sa mémoire: celui du 18 février dernier, et de sa
première soirée au fond d'une cave. «Je venais de perdre ma maison, écrasée par
un missile. Je n'ai même pas eu le temps de rassembler mes affaires. J'ai foncé
dans le sous-sol le plus proche, à 150 mètres de chez moi. Dans l'obscurité de
la cave, les enfants pleuraient. Je les ai rassemblés autour de moi et je me
suis mise à leur raconter l'histoire d'Autant en emporte le vent. Je voulais
leur redonner du courage, qu'ils s'inspirent de celui de Scarlett O'Hara. Je voulais
leur souffler qu'ils pouvaient eux aussi s'en sortir, comme elle s'était sortie
de la guerre civile américaine. Tandis que je leur parlais, le calme est
soudain revenu. Leurs yeux pétillaient de curiosité. Je leur ai alors promis de
leur lire d'autres histoires s'ils restaient sages», confie-t-elle.
Révolution embastillée
Depuis, Bayan a déménagé dans un
autre abri, qu'elle partage avec ses collègues du conseil local. Quand la faim
et la peur lui rongent le ventre, elle s'obstine à trouver refuge dans la
lecture de romans et de poèmes. Ceux du Palestinien Mahmoud Darwich, adulé dans
le monde arabe, lui sont d'un soutien particulier. «Vous savez, poursuit-elle,
j'ai un fiancé qui vit à Idlib (enclave rebelle du Nord-Ouest syrien, également
sous le feu du régime, NDLR). Quand nous nous appelons brièvement, il nous
arrive de réciter ensemble du Darwich en buvant un café: un de ces petits
moments de plaisir volé à la guerre.» Ses nuits d'insomnies, elle les peuple
d'images du passé: «Pour m'évader un peu, je me repasse en boucle les paysages
de mon enfance. La Ghouta, c'était la campagne, les champs d'oliviers. Les
week-ends paresseux et les pique-niques à n'en plus finir. Je me rappelle,
aussi, de ces après-midi où j'allais me baigner dans la rivière.» Autant de
souvenirs qu'elle consigne chaque jour sur sa page Facebook aux côtés
d'impressions personnelles et de photos prises sur le vif: un journal intime du
siège, comme la trace nécessaire et immortelle d'une révolution embastillée.
«Avec la dégradation de la situation, les factions rebelles semblent se diriger
vers une trêve. En cas d'évacuation forcée, comme à Daraya ou Alep, je serai
obligée d'effacer mes fichiers pour éviter d'être inquiétée ou jetée en prison
par le régime. Et si j'étais amenée à disparaître, alors mes mots, déjà publiés
sur Internet, parleront à ma place», dit-elle.
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L'imam salafiste de Marseille en passe d'être expulsé
(23.03.2018)
Des magistrats ont donné leur feu
vert au renvoi en Algérie d'El Hadi Doudi, un religieux radical très influent
dans la région.
«Une forme d'impunité qui a
longtemps prévalu.» La formule utilisée le 8 mars dernier par la
commission d'expulsion (Comex) statuant sur le sort du salafiste algérien El
Hadi Doudi, imam de la mosquée marseillaise As-Sounna fermée fin 2017, n'est
pas innocente. Constituée de magistrats judiciaires et administratifs, cette
Comex a rendu son avis (consultatif) et donné son feu vert à l'expulsion de
l'intéressé dans le cadre d'une procédure lancée par le ministère de
l'Intérieur.
El Hadi Doudi, dont le temps est
probablement compté sur le territoire français, avait été ciblé par la
préfecture de police de Marseille. Un document de plus de quarante pages
évoquait notamment, dans les cinq dernières années, plus d'une vingtaine de
prêches en arabe et une douzaine de textes (parfois toujours en ligne) avec un
bilan édifiant: légitimation du djihad armé, de la mise à mort des adultères et
des apostats, de la loi du talion, appel à la défaite et à la destruction des
mécréants, juifs «impurs, frères des singes et des porcs»…
En France depuis 1981
Un constat d'autant plus alarmant
que l'imam, âgé de 63 ans, est, depuis des décennies, une vieille connaissance
de l'islam radical marseillais. Ce qui permet de mieux comprendre la formule
choisie par les magistrats de la Comex. L'homme est en effet arrivé en France
en 1981. Il a depuis officié dans plusieurs mosquées des Bouches-du-Rhône avant
de devenir le président de l'Association des musulmans du boulevard National
(AMN Assouna), qui gère la mosquée As-Sounna créée à la fin des années 1990.
El Hadi Doudi est devenu une
référence du salafisme à Marseille, faisant de sa mosquée un établissement
religieux majeur accueillant au moins 400 fidèles
Celui qu'on appelle «Cheikh
Abdelhadi» sur les sites Internet salafistes est présenté comme proche d'un des
fondateurs du Front
islamique du salut (FIS), Ali Belhadj. Il a également connu un certain
Mustapha Bouyali, qui, au début des années 1980, avait créé le premier groupe
islamiste armé algérien, le Mouvement islamique armé. Bouyali fut tué par
l'armée algérienne en 1987.
Au fil des trois décennies qu'il
a passées en France, El Hadi Doudi est devenu une référence du salafisme à
Marseille, faisant de sa mosquée un établissement religieux majeur accueillant
au moins 400 fidèles. Selon les autorités, As-Sounna avait encore des projets
d'extension facilités «financièrement par une association salafiste niçoise».
La «référence» marseillaise a étendu son influence à l'ensemble des
Bouches-du-Rhône avec des contacts à Aix-en-Provence (où une mosquée a été
fermée en février 2017) ou encore Vitrolles. À l'occasion, l'imam
s'intéressait aussi à d'autres départements limitrophes.
«Repli communautaire»
Lors de la fermeture de la
mosquée As-Sounna, la préfecture de police de Marseille soulignait que «la
teneur (des prêches de Doudi, NDLR), depuis plusieurs années, a conduit
plusieurs fidèles à rejoindre la zone syro-irakienne ou à se réclamer
d'al-Qaida». Ces prêches, continuait la préfecture, «diffusant une idéologie
contraire aux principes républicains et des messages de haine et de violence,
dépassent la sphère religieuse, conduisent les habitants du quartier à un repli
communautaire et constituent le terreau d'actions violentes». Un phénomène
«particulièrement constaté dans les établissements scolaires du quartier dans
lesquels sont relayés les messages de haine et de discrimination tenus dans la
mosquée».
«L'analyse de l'idéologie
propagée par M. Doudi, avec une forme d'impunité qui a longtemps prévalu,
démontre que l'autre est nié dans sa singularité et son humanité»
La commission d'expulsion (Comex)
La Comex avait, quant à elle,
relevé, que «l'analyse de l'idéologie propagée par M. Doudi, avec une forme
d'impunité qui a longtemps prévalu, démontre que l'autre est nié dans sa
singularité et son humanité. Il est identifié uniquement par rapport à son sexe
et à son appartenance ou non à une race, une religion, une catégorie de
personnes, ce qui est attentatoire aux principes fondamentaux de la
République». El Hadi Doudi a proposé de cesser ses prêches et de renoncer à son
poste d'imam. Son sort sera tranché par le ministère de l'Intérieur. Selon ce
dernier, 38 arrêtés d'expulsions
d'islamistesont été exécutés depuis l'instauration de l'État d'urgence
le 14 novembre 2015.
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De plus en plus d'agriculteurs en détresse (23.03.2018)
Suicides, « burn-out »…
Avec 320 appels par mois, la Mutualité sociale agricole a renforcé et
professionnalisé sa plate-forme Agri'écoute, en recourant à des psychologues
cliniciens diplômés.
Face à l'augmentation du nombre
d'agriculteurs en détresse, la Mutualité sociale agricole (MSA) - la sécurité
sociale des exploitants en France - vient de renforcer son dispositif de
prévention et de prise en charge.
Sa plateforme d'écoute
téléphonique Agri'écoute,
accessible 24 heures sur 24 aux adhérents en difficulté et à
leurs proches, se professionnalise. «Ce sont désormais des psychologues
cliniciens diplômés, spécifiquement formés à la gestion du mal-être et des
situations de crise suicidaire qui prennent en charge les appels», explique le
docteur Véronique Maeght-Lenormand, médecin du travail qui pilote le plan
national de prévention du suicide à la MSA.
Le recours à ce service, depuis
sa création fin 2014, a connu une importante croissance. «L'an dernier, nous
avons enregistré une moyenne de 320 appels par mois, soit une progression
de près de 7 % par rapport à 2016», souligne Anne-Lise Garandel de la
Caisse centrale de la MSA.
En un peu plus de trois ans,
4 000 agriculteurs ou leurs proches ont composé le numéro
d'Agri'écoute pour signaler des situations de grand désarroi. Jusqu'à
maintenant, deux associations, SOS Amitiés et SOS Suicide Phénix, géraient ce
service. «Face à la spécificité des cas, ces deux associations ont conseillé à
la MSA de recourir à des professionnels de la santé, indique Anne-Lise
Garandel. Cela permet un accompagnement à distance et un suivi personnalisé.»
Avec une levée de l'anonymat pour les cas les plus extrêmes. Depuis la nouvelle
formule d'Agri'écoute, il y a dix jours, deux suicides ont pu être évités à
temps, avec l'intervention du Samu ou des pompiers.
Le métier d'agriculteur est
celui où l'on dénombre le plus de suicides, un tous les deux jours, selon les
statistiques publiées en 2016 par une étude de Santé publique France, en lien
avec la MSA
Le métier d'agriculteur est celui
où l'on dénombre le
plus de suicides, un tous les deux jours, selon les statistiques
publiées en 2016 par une étude de Santé publique France, en lien avec la MSA.
Les populations agricoles les plus exposées à ce fléau et à l'épuisement
professionnel sont les hommes âgés de 45 à 64 ans, dans le secteur de l'élevage
laitier ou bovin viande, et dans les régions Hauts-de-France, Bretagne et Pays
de la Loire.
Par ailleurs, les agriculteurs
forment, en France, la catégorie socioprofessionnelle pour laquelle le travail
influence le plus négativement le bien-être psychologique, selon une enquête de
la Dares - un institut statistique dépendant du ministère du Travail -, publiée
mi-mars. Ils sont 50 % à avoir une mauvaise image de leur métier, contre
environ 40 % chez les ouvriers et 30 % chez les cadres.
Les causes du mal-être des
exploitants sont au nombre de quatre: les
crises à répétition dans l'élevage ou les céréales, les
difficultés économiques de chaque exploitation à dégager un revenu (plus d'un
tiers des exploitants gagne moins de 360 euros par mois en 2016),
l'isolement social et géographique, et enfin les difficultés personnelles et
familiales.
Pour éviter d'en arriver au stade
ultime du «burn-out» et du suicide - deuxième cause de mortalité chez les
paysans - le ministère de l'Agriculture avait débloqué, en 2017, une enveloppe
de 4 millions d'euros dans le cadre de l'aide au répit. Laquelle «a permis
de financer 28 400 jours de remplacement et a bénéficié à
3 600 exploitants», précise Anne-Lise Garandel. Une opération qui ne
sera pas renouvelée par le gouvernement en 2018, faute de moyens.
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Trèbes: « Des gendarmes nous ont crié de rentrer chez
nous, qu'une fusillade était en cours » (23.03.2018)
REPORTAGE - Un terroriste
islamiste a été tué vendredi lors d'un assaut mené par les gendarmes du GIGN
dans le supermarché de Trèbes où il était retranché avec un gendarme. Les
habitants du quartier sont «sous le choc».
Quinze heures sonnent à l'église
de Trèbes. L'assaut vient d'être donné dans le Super U de la commune, mettant
fin à la prise d'otages par un homme se réclamant du groupe djihadiste État
islamique. Sur les dents, les forces de l'ordre ont coupé de nombreux
axes routiers dans un rayon de plus d'un kilomètre. Une fois la bourgade
atteinte, il faut tourner le dos à la vieille ville et enjamber l'Aude pour
s'approcher du supermarché. Le ballet incessant des hélicoptères ajoute au
brouhaha créé par un vent de tempête.
«Sous le choc», balbutient-ils,
les habitants du quartier de l'Aiguille, à quelques centaines de mètres de la
supérette, se sont regroupés dans le calme devant le barrage mis en place route
de Narbonne. Tous ont encore du mal à y croire. «C'est une ville calme ici, il
ne se passe jamais rien, c'est incompréhensible», s'étonne Moussa, qui a «cru
au tournage d'un film» quand il a vu les forces de l'ordre débarquer en fin de
matinée. Certains commerces du secteur ont tiré le rideau. Yolande tient un
salon de coiffure en ville. «Trèbes, c'est un peu une commune dortoir de
Carcassonne: c'est petit, tranquille, seuls quelques gamins font parfois des
bêtises, mais rien de méchant, confie la sexagénaire. Je ne suis qu'à moitié
surprise: on a l'impression que ce genre d'événement dramatique peut dorénavant
se passer n'importe où.»
«Ici tout le monde se connaît,
et c'est toute la ville qui est endeuillée, on a mal au cœur»
Karima, habitante du quartier de
l'Aiguille
Non loin de là, Leïla est assise
au bord de la route, l'air hébété. La maison jumelée où elle habite est
quasiment collée au Super U. Alors que le ministre de l'Intérieur, Gérard
Collomb, visite à quelques dizaines de mètres le lieu de la prise d'otages,
elle raconte: «D'un coup, j'ai entendu une multitude de sirènes. J'ai d'abord
cru à un accident. Et puis des gendarmes nous ont crié de rentrer chez nous,
qu'une fusillade était en cours.» La jeune femme a d'ailleurs travaillé dans ce
commerce en début d'année et connaissait l'une des victimes. «Le chef-boucher
était quelqu'un d'adorable, souriant, une belle personne, se souvient-elle.
J'ai une énorme pensée pour sa famille et pour tous les employés du magasin.»
«Ici tout le monde se connaît, et c'est toute la ville qui est endeuillée, on a
mal au cœur», ajoute sa tante, Karima, qui l'a rejointe et qui «condamne
fermement» cet acte terroriste. «Cela me débecte», tranche-t-elle. Avec Leïla,
elle a entendu les coups de feu retentir lors de l'assaut, avant d'attendre,
dans l'angoisse, le retour de sa sœur partie chercher ses filles à l'école.
«Pour vos petits ce n'était
qu'un jeu»
Dans le groupe scolaire du
quartier, les enfants ont rapidement été confinés, comme dans tous les autres
établissements de la ville, sur décision de l'académie de Montpellier. «Vers
11 heures, la maîtresse nous a brusquement dit confinement, non exercice»,
racontent avec aplomb Alia et Camelia. Les deux jeunes élèves de CM2 ont vu
leur enseignante descendre les volets, fermer la porte de la classe à clé avant
de leur demander de s'asseoir sous leurs tables. «On n'était pas vraiment
stressées, on se sentait là en sécurité, les adultes semblaient savoir ce
qu'ils faisaient», assurent les deux fillettes. Malgré les sirènes qui, alors,
ne cessent de retentir. «Un cordon de sécurité a été déployé autour de chaque
établissement pour que personne ne puisse y accéder. Les familles sont
prévenues, via SMS, compte Twitter, téléphone», a précisé le ministère de
l'Éducation nationale.
Du côté de la maternelle voisine,
«le personnel a également réagi sans panique», décrit une responsable en
accueillant les premiers parents, visiblement angoissés. «On a expliqué aux
petits que c'était un jeu! Ils ne se sont rendu compte de rien et sont restés
très sages», sourit-elle. «On est content de retrouver nos bébés», lâche devant
l'entrée Sophia, sa petite Daria dans les bras… avant d'éclater en sanglots.
«Je n'étais pas au courant de ce qui s'est passé, on ne devrait pas vivre des
choses comme ça.» Une maîtresse la rassure, la raccompagne et lui glisse: «Et
surtout, n'oubliez pas, pour vos petits ce n'était qu'un jeu.»
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Les Italiens face à la peur du saut dans l'inconnu politique
(23.03.2018)
REPORTAGE - À Naples, dans un
Mezzogiorno éreinté par le chômage, les électeurs ont plébiscité le Mouvement 5
étoiles (M5S) lors du scrutin législatif, mais ce vote semble plus relever
d'une dynamique de rejet que d'adhésion.
Envoyée spéciale à Naples
À l'ombre d'une grande fresque
moderne à l'effigie de la Madonna della Sanità, les boutiques décaties ont orné
leurs petits étals de corbeille pascales et d'œufs multicolores, au cœur du
marché de la Sanità, un quartier populaire de Naples. Mais les fêtes de Pâques
seront cette année teintées d'une crainte largement partagée. Lucia, qui noue
son tablier avant de commencer sa journée, attend de savoir de quoi le futur
politique de l'Italie sera fait. «Je rêve que beaucoup de choses changent dans
ce pays, mais surtout qu'il y ait plus de travail pour les jeunes», explique en
napolitain cette mère de famille de 50 ans, qui a dû se mettre à
travailler il y a quelques années, pour prendre le relais de son époux sans
emploi. Un phénomène assez répandu dans ce Mezzogiorno éreinté par le chômage,
deux fois plus élevé que la moyenne nationale.
«Le sud de l'Italie a vu ce
qu'était l'effondrement de la politique, les tonnes de promesses jamais
respectées, et a développé une désillusion»
Guido Piccoli, journaliste
Ce matin, Lucia travaille dans le
splendide Palazzo dello Spagnolo, où elle aide une famille avec la cuisine et
le ménage, mais le soir, les tourments de la politique s'invitent chez elle où
vivent encore ses grands enfants, eux aussi en quête de travail stable et
déclaré. «On ressent de la peur. Que va-t-il se passer?», s'interroge-t-elle.
Sa famille, qui vit depuis toujours dans ce quartier rugueux et authentique, où
étaient jadis enterrés les morts de Naples, a voté pour le Parti démocrate de
Matteo Renzi. «Mais beaucoup d'anciens du quartier votent traditionnellement
Forza Italia et Berlusconi qu'ils jugent plus rassurant», explique-t-elle. À
l'échelle de la ville, comme dans le sud de l'Italie, la mise a été clairement
remportée par le Mouvement 5 étoiles (M5S) avec 52,65 % des voix, là où la
coalition de droite a fait 22,26 % et celle de centre gauche,
17,24 %.
Certaines promesses du Cinque
stelle - discours anticorruption et revenu universel - ont capitalisé sur une
forme de frustration dans ce Sud sinistré, mais le vote M5S semble plus relever
d'une dynamique de rejet que d'adhésion. «Le sud de l'Italie a vu ce qu'était
l'effondrement de la politique, les tonnes de promesses jamais respectées, et a
développé une désillusion et un sentiment que rien ne pouvait fonctionner,
estime Guido Piccoli, journaliste et scénariste pour la radio. C'est un vote
transversal et hétérogène de protestation contre toute la classe politique. Le
cœur de l'électorat du M5S est constitué de jeunes sans emploi et sans espoir,
mais des personnes de tous bords et de tous les milieux sociaux ont aussi voté
pour lui.»
«Le vote s'est libéré, en
dehors de ce qui faisait jusqu'à présent l'hégémonie du pouvoir politique : le
monde économique et social, l'église, le patronat, la franc-maçonnerie et la
mafia»
Gianfranco Borrelli, ancien
professeur de philosophie politique
Et si la ville a déjà connu une
logique de rupture similaire avec l'élection il y a sept ans du maire
indépendant de gauche, Luigi de Magistris, elle n'est pas indifférente face aux
changements annoncés. «Nous vivons actuellement une période de grande
incertitude et un moment très délicat de transition démocratique, relève
Gianfranco Borrelli, ancien professeur de philosophie politique à l'université
Federico II de Naples. Avec ces élections, le vote s'est libéré, hors d'un
cadre idéologique, et en dehors de ce qui faisait jusqu'à présent l'hégémonie
du pouvoir politique: le monde économique et social, l'église, le patronat, la
franc-maçonnerie et la mafia», ajoute-t-il. Les Napolitains se félicitent en
revanche du fait que le vote M5S dans le Sud ne soit pas lié à la Camorra,
contrairement, murmure-t-on, à celui de la Ligue (extrême droite), qui a, pour
la première fois de son histoire, remporté trois sièges en Campanie.
Rupture du système ou non,
l'hypothèse d'un gouvernement dirigé par le M5S et par le
jeune Luigi Di Maio interroge. «Un jour, il dit une chose, le
lendemain une autre. Il n'est pas clair par exemple sur l'Europe et sur l'Otan,
mais il essaie en ce moment de rassurer les marchés et les partenaires
politiques étrangers, explique Guido Piccoli. Un gouvernement M5S, ce serait
l'inconnu. Mais cela fait longtemps qu'il n'y a pas eu quelqu'un de crédible à
la présidence du conseil…»
«Je ne ressens pas de
résignation, mais de la rage contre une classe politique qui se bat pour
elle-même»
Ciro, pâtissier à Naples
Ciro, 43 ans, a lui voté M5S -
«parce qu'il n'y avait pas d'autre choix» - et se dit prêt à lui donner sa
chance. Il ressent surtout une forme de colère contre la loi électorale
concoctée par Matteo Renzi et Silvio Berlusconi. Conçue pour favoriser les
formations enracinées sur le territoire, cette loi complexe s'est, non sans
ironie, retournée contre eux mais peut surtout déboucher, en cas d'absence
d'accord de coalition, sur une Italie ingouvernable…
Né dans la dantesque Sanità, Ciro
tient une pâtisserie visée il y a quelques années par la Camorra, et devenue
une institution. «Je ne ressens pas de résignation, mais de la rage contre une
classe politique qui se bat pour elle-même. L'Italie est comme un trésor, mais
il faut une vision. Ce vote marque une sorte de révolution, mais elle est
confisquée par la loi électorale qui bloque tout.» Il redoute comme beaucoup
que «les électeurs finissent par devoir retourner aux urnes dans les mois à
venir.» Une habitude dans un pays qui a connu plus de 60 gouvernements
depuis le début de la République en 1946. «Mais cela coûte cher, dit-il,
et le pays n'a plus d'argent.»
Luigi de Magistris : « Je suis très perplexe sur la
capacité du M5S à gouverner l'Italie » (23.03.2018)
INTERVIEW - Luigi de Magistris
est un ancien magistrat, ex-député européen (indépendant de gauche) et maire de
Naples depuis 2011.
Envoyée spéciale à Naples
LE FIGARO. - Comment
analysez-vous le vote M5S?
Luigi DE MAGISTRIS. -Ce
vote rassemble des composantes de gauche, de droite, du centre, des
indépendants, ce qui peut être un avantage, mais il faut avoir une idée de
comment gouverner. C'est un vote de rupture pour dire: «Basta Berlusconi! Basta
Renzi!» C'est la même dynamique qui m'a porté à la mairie de Naples, mais nous
avons gagné parce que nous représentions une alternative crédible au pouvoir.
Nous n'étions pas un vote par défaut. Or, la force de leur victoire tient à
l'absence totale d'alternative.
«Ce qui m'inquiète dans ce
mouvement, c'est que si vous pensez un peu différemment d'eux, ils vous virent»
Vous avez travaillé ensemble
par le passé…
Lorsque je me suis présenté aux
européennes, en 2009, j'étais indépendant et le M5S m'a soutenu. Quand je suis
devenu maire de Naples, nos chemins se sont séparés. Ce qui m'inquiète dans ce
mouvement, c'est que si vous pensez un peu différemment d'eux, ils vous virent.
Il faut s'interroger sur leur conception de la liberté. Je n'aime pas non plus
la façon dont ils choisissent leurs candidats. La politique, c'est une question
de passion et de compétences: il faut avoir étudié beaucoup, connaître la loi,
pour être maire ou président du Conseil. Cette préparation ne s'invente pas du
jour au lendemain. Or cela fait trop longtemps que l'Italie est représentée par
des personnes qui ne sont pas fiables.
Le MS5 et Luigi di Maio
sont-ils prêts à l'exercice du pouvoir?
Je les connais personnellement et
je suis très perplexe sur leur capacité à gouverner. Là où le M5S a pu le
faire, ses élus n'ont pas montré qu'ils en étaient capables, comme
à Rome ou à Turin. Ils sont très bons pour s'opposer sur Internet
et sur les réseaux sociaux ou se faire entendre dans des manifestations, mais
n'ont pas encore de vision politique. Beppe Grillo dit: «Ce n'est pas le plus
fort qui gagne, c'est le plus adaptable.» Je ne suis pas d'accord: la politique
doit donner une vision, mais sans se moquer des gens. Di Maio s'exprime de
manière à satisfaire tout le monde, gauche comme droite ; mais s'il finit
par faire un pacte avec Berlusconi, la Ligue ou le PD, il n'y aura pas vraiment
de changement…
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du Figaro. #EuropeGoesUS
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Mariya Gabriel: «Les “fake news” attaquent notre démocratie»
(23.03.2018)
Par Lucie
Ronfaut et Enguérand
RenaultMis à jour le 23/03/2018 à 21h40 | Publié le 23/03/2018 à 19h34
INTERVIEW - La commissaire
européenne à l'Économie et à la Société numériques est déterminée à engager
l'Europe dans la lutte contre la désinformation en ligne.
Quelle place pour l'Europe dans
le numérique? L'affaire Cambridge
Analytica, qui secoue Facebook, prouve que la puissance des grandes
entreprises du Web inquiète. D'autres sujets numériques touchent directement les
citoyens européens: la désinformation en ligne, l'intelligence artificielle, la
cybersécurité… L'Europe veut prouver qu'elle est capable d'investir. C'est la
mission de Mariya Gabriel, qui souhaite doubler le budget alloué au numérique.
LE FIGARO. - Où en est le
projet européen de taxation des Gafa?
Mariya GABRIEL. - La
Commission vient de présenter sa proposition. L'objectif recherché est d'avoir
une approche commune avec nos partenaires, notamment l'OCDE. Il ne s'agit pas
de cibler telle ou telle entreprise, ou uniquement les sociétés américaines.
Nous voulons poser des principes de base. Des choses qui fonctionnaient pour
l'économie traditionnelle ne fonctionnent plus pour l'économie numérique.
Vous présentez un plan pour
lutter contre les «fake news» le 25 avril. La France propose déjà une loi
sur le sujet… Comment se coordonner?
Nous préférons opter pour une
approche européenne. Ce sujet n'a pas de frontières. Or, nous n'avons pas de
définition commune du problème. Le droit européen définit bien les contenus
illégaux, comme la propagande terroriste, le discours haineux ou l'abus sexuel
des enfants. Ce n'est pas le cas pour la désinformation en ligne. Nous avons
conscience qu'il y a des échéances électorales régulièrement en Europe et que
ce sont des périodes sensibles. Ce phénomène attaque notre modèle démocratique.
Nous devons être prêts pour 2019, lors des élections européennes. Nous ne
serons pas de simples observateurs.
S'agira-t-il d'une loi?
L'Europe ne proposera pas une
législation en la matière. Nous allons commencer par des mesures
d'autoréglementation, insistant sur quatre clés: la transparence, la diversité
et la crédibilité de l'information, l'inclusivité. Nous ne pouvons pas imposer
aux citoyens de lire ou pas une information. En revanche, nous pouvons diluer
la désinformation avec des contenus de qualité, que nous rendons plus visibles.
Nous réfléchissons aussi à la création d'un réseau européen de fact-checking,
avec des experts indépendants.
«Nous avons proposé une
certification au niveau européen, pour que les citoyens puissent vérifier le
niveau de sécurité de leurs produits»
Mariya Gabriel
Il existe des «usines à fake
news» dans les pays des Balkans qui souhaitent entrer dans l'UE…
Cela fait partie de mes
priorités. Notre stratégie pour les Balkans de l'Ouest inclut pour la première
fois un volet numérique. Dans ce cadre, il y a de la place pour plus de
coopération en matière de cybersécurité,
d'e-gouvernement et évidemment sur les fausses informations. Ce sont des sujets
très délicats sur lesquels il faut travailler ensemble. Les pays concernés
reconnaissent le problème. C'est une chance. L'adhésion à l'Union européenne
est un processus qui est basé sur le mérite. On doit prouver, par les actes,
qu'on est prêts à coopérer et à accepter l'acquis communautaire.
Les grandes entreprises du Web
doivent-elles être impliquées dans la lutte contre les «fake news»?
Chacun doit prendre ses
responsabilités. Y compris les grandes plateformes en ligne. Nous ne pouvons
les contraindre de dévoiler leurs algorithmes, mais elles peuvent être plus
transparentes sur leurs résultats. Nous les encourageons à s'engager davantage.
L'Europe doit-elle dénoncer
les agissements des gouvernements soupçonnés de cyberattaques?
Nous ne cherchons pas à pointer
du doigt quelqu'un. Mais nous voulons affirmer notre rôle de leader dans ce
domaine. Nous investissons dans la technologie et l'expertise humaine. Nous
allons établir une coopération européenne en cas d'attaques à large échelle.
Nous avons aussi proposé une certification au niveau européen, pour que les
citoyens puissent vérifier le niveau de sécurité de leurs produits. Enfin, nous
voulons établir un centre de réseau d'excellence dans chaque État membre, avec
une institution centrale à Bruxelles. Nous allons investir 50 millions
d'euros d'ici à 2020 pour rendre ces centres opérationnels.
«Un autre sujet important est l'investissement
dans les supercalculateurs. Nous avons déjà débloqué un budget de
1 milliard d'euros, dont 486 millions provenant de la Commission
européenne»
Vous souhaitez doubler le
budget européen accordé au numérique. La cybersécurité sera-t-elle une
priorité?
Le numérique est la source d'une
transformation profonde de l'économie et de la société, ce n'est plus un défi
secondaire. L'Europe doit ajuster ses efforts pour qu'ils soient comparables
avec ceux des pays tiers. Elle doit investir davantage, d'où notre demande de
possiblement doubler le budget de 35 à 70 milliards d'euros, qui couvrira
les différentes priorités numériques. La cybersécurité est une de mes grandes
priorités. Les négociations internes sont en cours, mais nous pensons que nous
aurions besoin d'au moins 10 milliards d'euros pour pouvoir répondre aux
attentes légitimes de nos citoyens. Le budget des États-Unis sur le sujet s'est
élevé à 19 milliards de dollars en 2016. Ceci est quatre fois plus que
l'investissement aujourd'hui en Europe.
Un autre sujet important est
l'investissement dans les supercalculateurs. Nous avons déjà débloqué un budget
de 1 milliard d'euros, dont 486 millions provenant de la Commission
européenne. J'ai du mal à accepter l'idée qu'en 2012 nous avions quatre des dix
premiers supercalculateurs dans le monde et qu'aujourd'hui nous ne sommes même
plus dans le top 10. Nous prêtons une attention particulière aux petites
entreprises travaillant dans ce domaine. Ce sont les start-up qui ont le plus
besoin de supercalculateurs, pour tester leurs produits, leurs modèles
économiques.
Quelle est la stratégie de
l'Europe en matière d'intelligence artificielle?
Le 25 avril, nous allons
annoncer une initiative européenne pour l'intelligence
artificielle qui se focalisera sur trois domaines: renforcer nos
capacités technologiques, développer une réflexion éthique et légale, et évaluer
l'impact sur le marché du travail. Nous allons proposer la création d'une
alliance sur l'intelligence artificielle. Elle réunira les institutions, les
experts, les industries, la société civile. Mon intention est de l'inaugurer
dès le mois de juin.
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À Wall Street, les Gafam ont perdu 216 milliards de
dollars (23.03.2018)
INFOGRAPHIE - Le scandale autour
de Facebook a impacté les géants de la tech.
À Wall Street, lorsque Facebook
est pris d'une quinte de toux, c'est l'ensemble des valeurs de la tech qui
s'enrhume. Durant la semaine qui vient de s'écouler, le scandale Cambridge
Analytica, impliquant la collecte des données privées de
50 millions d'utilisateurs de Facebook au profit de la campagne
présidentielle de Donald Trump, a fait prendre le toboggan aux Gafam.
En quatre jours, Google, Apple,
Facebook, Amazon et Microsoft ont vu partir en fumée pas moins de
216 milliards de dollars à la Bourse de New York. À titre de comparaison,
cette perte équivaut à la somme des capitalisations boursières de Danone,
Orange, Airbus, Axa et Publicis.
Entre lundi et jeudi Facebook a
lâché près de 11 % et dans son sillage, Google a perdu plus de 7,5 %,
Apple abandonnait 5,2 % tandis que Microsoft cédait 2,6 %. Amazon a
limité les dégâts, en recul de 1,7 %.
Les Gafam ne sont pas les seuls à
avoir passé une semaine noire. D'autres géants de la Silicon Valley ont été
impactés par les turbulences liées à l'affaire Facebook. Netflix a vu
s'évaporer 5 milliards de dollars de capitalisation boursière et Twitter,
3 milliards de dollars.
Nombreuses incertitudes
Vendredi matin, Facebook semblait
endiguer un peu l'hémorragie. Mais en fin de matinée, l'action baissait à
nouveau de 1,35 %. Le
mea culpa de son fondateur Mark Zuckerberg et les mesures
annoncées pour rectifier le tir n'ont donc pas totalement calmé les esprits ni
les critiques. L'incendie est d'autant plus compliqué à éteindre que Facebook
est déjà accusé d'avoir propagé des fake news durant la campagne présidentielle
de 2016, en faveur de Donald Trump.
En outre, beaucoup d'incertitudes
demeurent. L'Europe veut durcir l'encadrement des réseaux sociaux, des actions
de groupe en justice sont en cours, un appel au boycott est lancé et Facebook
pourrait également écoper de lourdes amendes. Difficile dans ces conditions
pour les investisseurs de reprendre confiance. Il ne faudrait toutefois pas
enterrer Facebook trop vite. Même si sa capitalisation boursière est passée
sous la barre des 500 milliards de dollars, la firme reste parmi les plus
puissantes du monde.
- Crédits photo : figaro
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 24/03/2018. Accédez à sa version
PDF en cliquant ici
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Roman Luciani: «Les start-up répondent aux besoins
d'innovation des armées» (23.03.2018)
Directeur général de Diodon Drone
Technology et invité du « Talk stratégique Le Figaro »,
Roman Luciani analyse les recettes des start-up qui s'intéressent de plus en
plus à la défense.
Beaucoup de détermination, le
souci de se différencier au maximum, une bonne dose de réactivité: Roman
Luciani, directeur général de Diodon Drone Technology, était vendredi
l'invité du «Talk
stratégique Le Figaro» pour analyser les recettes
des start-up qui
s'intéressent de plus en plus à la défense. Créée il y a tout juste un an, en
mars 2017, Diodon DT développe un drone amphibie, le SP 20, à destination des
forces spéciales et de la sécurité civile. Un engin pesant 1,6 kilo, d'une
envergure de 50 centimètres et disposant d'une autonomie de 20 à 30 minutes.
«C'est un drone robuste, compact, facile à transporter, déplorable en une
minute, idéal pour des missions de reconnaissance en condition difficile, en
milieu marin ou en montagne», explique Roman Luciani.
«Structure souple»
Le drone peut décoller ou
«atterrir» sur l'eau. Dégonflé, il prend très peu de place. Il répond aux
spécificités du monde de la défense en termes de chiffrement pour la protection
des données. Ses optiques, notamment sa caméra technique, permettent d'avoir
très rapidement une vision globale et aérienne, de jour comme de nuit, avec une
élongation de quelques kilomètres. La start-up est engagée dans un processus
pour équiper les forces spéciales (FS). «Celles-ci sont très friandes
d'innovation. Notre structure gonflable a capté leur attention car c'était la
première fois qu'une structure souple était intégrée dans un drone», explique
le dirigeant.
«Nous avons commencé avec des
investissements personnels, 20.000 euros. Des soutiens à l'innovation ou
des financements directs permettent de recruter et de poursuivre le
développement»
Roman Luciani
Le projet a débuté alors que
Roman Luciani était étudiant à l'Isae SupAero, école sous la tutelle du
ministère des Armées. Avec Antoine Tournet, aujourd'hui président de Diodon,
ils ont été mis en contact avec le monde de la défense et ont été invités l'an
dernier au Sofins, le salon des forces spéciales, au Camp de Souge (Gironde).
«Nous avons commencé avec des investissements personnels, 20.000 euros.
Des soutiens à l'innovation ou des financements directs permettent de recruter
et de poursuivre le développement», raconte le directeur général d'une société
qui compte aujourd'hui trois salariés. SupAéro leur a aussi prêté main-forte
avec ses capacités en recherche et développement. «Notre principal atout face
aux grands groupes, c'est notre réactivité, notre capacité d'apporter des
solutions qui répondent aux besoins de nos clients et à leur cahier des charges
spécifiques», dit-il. Les tests opérationnels constituent une étape essentielle
pour gagner en crédibilité et pour pouvoir envisager ensuite des marchés plus
larges. C'est l'ambition de Diodon qui, outre la sécurité civile, souhaiterait
à l'avenir équiper les armées conventionnelles.
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Staline, ses amis, ses victimes : ce que révèlent les
archives russes (22.03.2018)
Par Paul-François Paoli et Thierry
ClermontPublié le 22/03/2018 à 15h06
DOSSIER - L'ouverture des
archives russes montre que le «Petit Père des peuples» était soutenu par une
garde rapprochée qui lui permit de faire régner la terreur. Parmi ses
opposants, l'immense poète Ossip Mandelstam, dont on publie les Oeuvres
complètes.
Le gang de Staline
Staline, de son vrai nom
Djougachvili, avait plusieurs surnoms qu'il s'était forgés dans la
clandestinité et que ne prononçaient que ses compagnons les plus proches. Un
des plus courus était «Koba», l'homme de fer. Tout un programme que le Géorgien
ne démentira pas au long d'une vie qui continue de passionner les historiens.
Sheila Fitzpatrick, auteur de Dans l'équipe de Staline, a fouillé
les plus récentes archives, notamment celles de l'ex-URSS. Elle dément la
légende qui a fait de Staline un obscur tâcheron du bolchevisme et montre qu'un
cercle de fidèles habités par une foi absolue dans le communisme stalinien a
soutenu sa politique de terreur.
Koursk, 1943: enquête sur une
bataille à deux visages
La plus grande bataille de la
Seconde Guerre mondiale commence le 5 juillet 1943 par l'opération «Citadelle»
et se termine le 23 août lors de la prise de Kharkov par les Russes.
Entre-temps des millions de soldats soviétiques et allemands soutenus par des
milliers de chars d'assaut et des centaines d'avions se sont affrontés dans un
combat titanesque qui a produit une des plus grandes hécatombes du XXe siècle.
Et ce en quelques jours seulement… En perdant la bataille de Koursk, ainsi
nommée par les Soviétiques, Hitler et ses généraux offraient à Staline un
formidable vivier pour renforcer sa propagande. Le mythe de l'invincibilité
allemande et de la prétendue supériorité aryenne s'écroulait. Une victoire que
Staline et ses généraux allaient évidemment instrumentaliser politiquement.
Ossip Mandelstam: un poète
contre le «corrupteur des âmes»
Face à la terreur stalinienne,
les opposants furent souvent des écrivains, comme l'immense poète Mandelstam
dont on publie aujourd'hui les Œuvres complètes. Cet homme broyé
par l'Histoire et le totalitarisme, fut sans doute un des plus grands poètes de
la première moitié du XXe siècle, ce «siècle-chacal» comme il l'appelait. Il
est mort d'épuisement alors qu'il était dans un camp de transit en Sibérie, il
avait quarante-sept ans. C'était en 1938. Les grandes purges staliniennes
battaient leur plein. Le Léviathan soviétique réclamait sa part de terreur et
de sang.
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