Qu'est-ce que l'on constate ? Que les communistes, socialistes (LREM ?) et autres extrême-gauches, en pleine déconfiture de leurs idéologies notoirement fascistes, se sont trouvés une autre planche de surf : l'islam. Ci-dessous, deux livres d'histoire fort documentés qui confirment que la gauche s'associe toujours au pire. Qui se ressemble s'assemble ! Après, quand vous lisez ce qui suit, il n'y a aucun hasard dans l'accointance criminelle de l'islam et de la gauche, nous ne sommes que dans une récurrence classique comme seule l'histoire sait en pondre à échéance régulière.
Quand les communistes aimaient les nazis
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Heil de Gaulle ! Histoire brève et oubliée du stalinisme en France
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Dernière de couve :
« Pourquoi a-t-on oublié qu'il a existé un stalinisme français ? Oubli ou occultation ? De la fin de la guerre aux années soixante, le PCF a été le premier parti de France. Il régnait alors sur les élites intellectuelles et artistiques, possédait journaux et maisons d édition et un marxisme sommaire, inspiré par lui, dominait l'enseignement. Il incarnait l'espoir d'une autre société pour les classes populaires. Ce qui explique le regard nostalgique porté, encore aujourd'hui, sur ce parti. Mais il existe un envers du décor : violence verbale, mensonges délibérés, complicité par omission avec les crimes de l'URSS, procès truqués (Sarkozy-Tournaire ?), arbitraire, excès du culte de la personnalité... c'était ça, aussi, le communisme en France. Le PCF reproduisait, par la langue de bois, la violence et la terreur exercées par les appareils communistes au pouvoir. Il désignait ses adversaires comme autant de nazis, fût-ce le général de Gaulle, affublé dans la presse communiste d'un Heil de Gaulle ! Tout ceci justifierait en soi un livre, certes. Mais le salubre ouvrage de Jean Marie Goulemot et Paul Lidsky a un mérite supplémentaire. Il montre comment, attisant la haine et le fanatisme, entretenant de faux espoirs par déni d'une réalité dérangeante, ce communisme à la française a imposé des modes de pensée qui perdurent dans notre société, toujours séduite par les slogans de tous les populismes. »
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« Pourquoi a-t-on oublié qu'il a existé un stalinisme français ? Oubli ou occultation ? De la fin de la guerre aux années soixante, le PCF a été le premier parti de France. Il régnait alors sur les élites intellectuelles et artistiques, possédait journaux et maisons d édition et un marxisme sommaire, inspiré par lui, dominait l'enseignement. Il incarnait l'espoir d'une autre société pour les classes populaires. Ce qui explique le regard nostalgique porté, encore aujourd'hui, sur ce parti. Mais il existe un envers du décor : violence verbale, mensonges délibérés, complicité par omission avec les crimes de l'URSS, procès truqués (Sarkozy-Tournaire ?), arbitraire, excès du culte de la personnalité... c'était ça, aussi, le communisme en France. Le PCF reproduisait, par la langue de bois, la violence et la terreur exercées par les appareils communistes au pouvoir. Il désignait ses adversaires comme autant de nazis, fût-ce le général de Gaulle, affublé dans la presse communiste d'un Heil de Gaulle ! Tout ceci justifierait en soi un livre, certes. Mais le salubre ouvrage de Jean Marie Goulemot et Paul Lidsky a un mérite supplémentaire. Il montre comment, attisant la haine et le fanatisme, entretenant de faux espoirs par déni d'une réalité dérangeante, ce communisme à la française a imposé des modes de pensée qui perdurent dans notre société, toujours séduite par les slogans de tous les populismes. »
Communisme et totalitarisme
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Dernière de couve :
« La face totalitaire inhérente au système communiste est elle liée à son origine, à la nature de ses crimes ? Quelle exacte mémoire peut on conserver de ce système, selon que l'on en a été victime ou adepte ? Vingt ans après la chute du mur de Berlin, douze ans après les controverses et le succès - un million d'exemplaires, vingt-cinq traductions - du Livre noir du communisme, Stéphane Courtois propose un recueil aux idées tout aussi décapantes. Prenant le contrepied des thèses traditionnelles sur les origines du totalitarisme, illustrées par Hannah Arendt et George Mosse, il montre le rôle fondamental de Lénine et du bolchevisme dans l'invention, entre 1902 et 1922, de ce phénomène politique inédit. Grâce à l'exploitation des archives de Moscou, il redéfinit le rôle de Staline et la nature des crimes de masse commis par les régimes communistes, ce qu'il appelle le " génocide de classe ", seul concept susceptible d'éclairer la famine ukrainienne ou les assassinats au Cambodge. Enfin, Stéphane Courtois revient sur la mémoire tragique du communisme en Europe centrale et orientale, la mémoire glorieuse du communisme en Europe occidentale " en particulier en France " et la mémoire paradoxale de l'URSS dans la Russie de Vladimir Poutine qui réhabilite Staline.
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Dernière de couve :
« La face totalitaire inhérente au système communiste est elle liée à son origine, à la nature de ses crimes ? Quelle exacte mémoire peut on conserver de ce système, selon que l'on en a été victime ou adepte ? Vingt ans après la chute du mur de Berlin, douze ans après les controverses et le succès - un million d'exemplaires, vingt-cinq traductions - du Livre noir du communisme, Stéphane Courtois propose un recueil aux idées tout aussi décapantes. Prenant le contrepied des thèses traditionnelles sur les origines du totalitarisme, illustrées par Hannah Arendt et George Mosse, il montre le rôle fondamental de Lénine et du bolchevisme dans l'invention, entre 1902 et 1922, de ce phénomène politique inédit. Grâce à l'exploitation des archives de Moscou, il redéfinit le rôle de Staline et la nature des crimes de masse commis par les régimes communistes, ce qu'il appelle le " génocide de classe ", seul concept susceptible d'éclairer la famine ukrainienne ou les assassinats au Cambodge. Enfin, Stéphane Courtois revient sur la mémoire tragique du communisme en Europe centrale et orientale, la mémoire glorieuse du communisme en Europe occidentale " en particulier en France " et la mémoire paradoxale de l'URSS dans la Russie de Vladimir Poutine qui réhabilite Staline.
Stéphane Courtois est directeur de recherche au CNRS, directeur de la revue universitaire Communisme (L'Age d'homme) et de la collection " Démocratie ou totalitarisme ". Il a notamment publié Les logiques totalitaires en Europe et le Dictionnaire du communisme. »
Pourquoi enfin la gauche milite pour l'islam et le défend de toutes ses forces. C'est assez simple. L'islam représente, avec ses 270 millions de victimes en 1400 ans, l'outil idéal pour se débarrasser des classes intelligentes de la société, comme le communisme le théorisa dans ce texte désormais historique :
« Le communisme c’est la guerre des classes, et la guerre des classes implique de liquider une partie de la population. Pour restructurer la société, il faut d’abord tuer non seulement les opposants, mais aussi les intellectuels, les meilleurs travailleurs, les ingénieurs, etc. Des groupes entiers de la société. C’est le genre d’ingénierie sociale qu’ont mis en œuvre Lénine et Staline, Mao et Pol Pot, pour ne citer que les plus sanguinaires. Cette ingénierie sociale forcée répond aussi à des critères ethniques lorsque des peuples sont considérés comme trop réactionnaires. Karl Marx et Friedrich Engels prônaient eux-mêmes « l’extermination des Serbes et autres peuplades slaves, ainsi que des Basques, des Bretons et des Highlanders d’Écosse », tous des peuples trop peu évolués pour la révolution communiste et faisant ainsi obstacle à l’inéluctable « progrès » de l’humanité. »
Ce n'est pas le Grand Remplacement qui est au programme, c'est la Grande Extermination. Les banlieues, Territoires Perdus de la République, ne cachent même plus, en encerclant Paris, leur ambition d'exterminer le peuple souchien des "faces de craies". Chaque texte de rap, chaque interview des caïds et des groupuscules activistes montre bien cette montée en gamme du nazislamisme affirmé le plus débridé. Dès la domination démographique ou bien avant, des camps d'extermination vont être installés.
Regardez la Yougoslavie, le Kosovo. Macron a reçu ces jours-ci un criminel de guerre islamiste en grandes pompes :
Il n'y a rien d'étonnant, Mein Kampf est un best seller en terre d'islam.
N'attendons rien d'autre de l'islam : dhimmis, convertis ou exterminés.
Rapport
Restricted [version provisoire]
AS/Jur (2010) 46
12 décembre 2010
fjdoc4- 2010
Commission des questions juridiques et des droits de l’homme
Traitement inhumain de personnes et trafic illicite d’organes humains au Kosovo*
Projet de rapport
Rapporteur: Dick Marty, Suisse, Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe
A. Avant - Projet de résolution
1. L’Assemblée parlementaire a pris connaissance avec vive préoccupation des révélations de l’ancienne Procureure auprès du Tribunal Pénal International pour l’ancienne Yougoslavie (TPIY), allégations selon lesquelles de graves crimes auraient été commis lors du conflit au Kosovo, notamment un trafic d’organes humains, actes qui seraient restés jusqu’à ce jour impunis et objet d’aucune enquête sérieuse.
2. Toujours selon cette ancienne Magistrate, ces actes auraient été commis par des membres des milices de l’ « Armée de Libération du Kosovo » (UÇK) contre des ressortissants serbes restés sur place à la fin du conflit armé et fait prisonniers.
3. Selon les informations recueillies par l’Assemblée et d’après les enquêtes pénales en cours, de nombreux indices concrets et convergents confirment que des Serbes ainsi que des Kosovars Albanais ont été tenu prisonniers dans des lieux de détention secrets sous contrôle de l’UÇK au Nord de l’Albanie et soumis à des traitements inhumains et dégradants, pour finalement disparaître.
4. De nombreux indices semblent confirmer que, dans la période immédiatement après la fin du conflit armé, avant que les forces internationales puissent vraiment prendre le contrôle de la région et rétablir un semblant d’ordre et de légalité, des organes auraient été prélevés sur des prisonniers dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë, pour les transporter ensuite à l’étranger à des fins de transplantation.
5. Cette activité criminelle, qui s’est développée en profitant du chaos régnant de la région et grâce à l’initiative de certains chefs des milices de l’UÇK liés au crime organisé, s’est poursuivie, bien que sous d’autres formes, jusqu’à nos jours, comme le démontre une enquête en cours de la part dela mission européenne de police et de justice (EULEX) concernant la clinique « Medicus » à Pristina.
6. Bien qu’il y ait déjà eu des indices concrets au sujet de tels trafics au début de la décennie, les autorités internationales en charge de la région n’ont pas estimé nécessaire de procéder à un examen approfondi de ces circonstances, ou elles l’ont fait d’une façon incomplète et superficielle.
* Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et sans préjuger du statut du Kosovo.
7. Surtout au cours des premières années de leur présence au Kosovo, les organisations internationales en charge de la sécurité et de la légalité (KFOR et MINUK) ont dû faire face à d’importants problèmes structurels et à de sérieuses carences en personnel qualifié pour assumer les tâches qui leurs avaient été confiées, dysfonctions aggravées par une rotation rapide et continuelle des cadres en poste au Kosovo.
8. Le TPIY, qui avait commencé à procéder à un premier examen sur place pour constater l’existence de traces d’un éventuel trafic d’organes, a abandonné ces investigations. Les éléments de preuve prélevés à Rripe, en Albanie, ont été détruits et ne peuvent par conséquent plus être exploités pour des analyses plus poussées. Aucune enquête n’a été ainsi diligentée par la suite pour une affaire pourtant considérée sérieuse au point que l’ancienne Procureure du TPIY a estimé nécessaire de la rendre publique dans son livre.
9. Pendant la phase décisive du conflit armé, l’OTAN est intervenue à travers des frappes aériennes, tandis que les opérations terrestres étant conduites par l’UÇK, allié de fait des forces internationales. Après le départ des autorités serbes, les acteurs internationaux en charge de la sécurité au Kosovo se sont largement appuyés sur les forces politiques au pouvoir au Kosovo, essentiellement issues des cadres de l’UÇK.
10. Les organisations internationales en place au Kosovo ont privilégié une approche politique pragmatique, estimant devoir favoriser à tout prix la stabilité à court terme et sacrifiant ainsi d’importants principes de justice. Peu a été fait pendant longtemps pour donner suite aux indices qui impliquaient des membres de l’UÇK dans des crimes contre la population serbe ainsi que contre des Kosovars albanais. Tout de suite à la fin du conflit, en effet, lorsque l’UÇK avait pratiquement seul le contrôle sur le terrain, de nombreux règlements de compte ont eu lieu entre factions diverses et à l’encontre de ceux qui étaient considérés, sans aucune forme de procès, comme des traîtres parce que soupçonnés d’avoir collaboré avec les autorités serbes précédemment en place.
11. EULEX, qui a assumé des fonctions en matière de justice précédemment remplies par l’ONU (MINUK) à la fin de 2008, a hérité d’une situation difficile et délicate, surtout en ce qui concerne le domaine de la lutte contre la criminalité grave : des dossiers incomplets, des pièces égarées, des témoignages non recueillis. Par conséquent, de nombreux crimes risquent de rester impunis. Peu ou pas de recherches approfondies ont été effectuées dans le domaine de la criminalité organisée et ses connexions avec les représentants des institutions politiques, ainsi que pour les crimes de guerre commis contre des Serbes et des Kosovars albanais considérés comme des collaborateurs ou appartenant à des factions rivales. Ce dernier sujet constitue un véritable tabou aujourd’hui encore au Kosovo, même, si en privé et avec grande prudence, tout le monde en parle. EULEX semble avoir fait tout récemment des avancées en ce domaine et il faut vivement espérer que des considérations d’opportunité politique ne viennent entraver cet engagement.
12. L’équipe de procureurs et enquêteurs internationaux au sein de la mission EULEX chargée d’enquêter sur les allégations de traitements inhumains, y compris celles relatives à un éventuel trafic d’organes, a fait des progrès notamment en ce qui concerne la preuve de l’existence de lieux de détention secrets de l’UÇK au nord de l’Albanie dans lesquels des traitements inhumains et même des meurtres auraient été commis. L‘enquête ne bénéficie toutefois pas de la coopération souhaitable de la part des autorités albanaises.
13. L’émotion suscitée par les crimes effroyables commis par les forces serbes a provoqué, entre autres conséquences, un climat, qu’on a pu constater aussi dans l’attitude de certaines instances internationales, selon lequel les uns étaient nécessairement considérés comme des bourreaux, les autres comme des victimes, donc inévitablement innocents. La réalité est plus nuancée et complexe.
14. L’Assemblée parlementaire réaffirme avec force la nécessité de combattre, sans compromis aucun, l’impunité des auteurs de violations graves des droits de l’homme, et tient à rappeler que le fait que celles-ci aient été commises dans le cadre d’un conflit violent ne saurait en aucun cas justifier de renoncer à poursuivre les auteurs de pareils actes (voir Résolution 1675 (2009)).
15. Il ne peut et il ne doit pas exister une justice des vainqueurs et une justice des vaincus. Lors de tout conflit, tous les criminels doivent être poursuivis et tenus responsables de leurs actes illégaux, quel que soit le camp auquel ils appartiennent et indépendamment du rôle politique qu’ils assument.
16. La question qui, du point de vue humanitaire, reste la plus aiguë et délicate est celle qui concerne les personnes disparues. Sur plus de 6 000 dossiers de disparitions ouverts par la Comité International Croix Rouge (CICR), 1 400 personnes environ ont été retrouvées vivantes et 2 500 cadavres ont pu être retrouvés et identifiés. Pour la plupart de il s’agit de victimes kosovares albanaises retrouvées dans des charniers découverts dans des régions sous contrôle serbe et au Kosovo. Aux presque 1 900 personnes disparues pendant le conflit et dont le sort n’a toujours pas été établi (dont deux tiers environ sont des Kosovars albanais) s’ajoutent presque 500 personnes disparues après l’arrivée des troupes de la KFOR le 12 juin 1999, dont une centaine de Kosovars albanais et presque 400 non-Albanais, pour la plupart Serbes.
17. La coopération entre les instances internationales, d’une part, et les autorités kosovares et albanaises, de l’autre, pour élucider le sort des personnes disparues est encore clairement insuffisante. Alors que la Serbie a fini par coopérer, l’exécution de fouilles s’est avérée beaucoup plus compliquée sur le territoire du Kosovo, voire impossible, du moins jusqu’à maintenant, sur le territoire albanais. La coopération des autorités kosovares est particulièrement défaillante en ce qui concerne les recherches des presque 500 personnes officiellement disparues après la fin du conflit.
18. Le groupe de travail sur les personnes disparues, coprésidé par le CICR et le Bureau pour les personnes disparues d’EULEX, a besoin du soutien plein et entier de la communauté internationale afin que soient surmontées les réticences de part et d’autre. Connaître la vérité et permettre finalement aux familles des victimes de pouvoir faire leur deuil est une condition indispensable pour une réconciliation entre les communautés et un futur de paix dans cette région des Balkans.
19. L’Assemblée invite par conséquent :
19.1 Les Etats membres de l’Union Européenne et les autres Etats contributeurs :
19.1.1 à allouer à EULEX les ressources nécessaires, logistiques et en personnel hautement qualifié pour faire face à la mission extraordinairement complexe et importante qui lui a été confiée ;
19.1.2 à fixer clairement son objectif et à accorder à EULEX le soutien politique au plus haut niveau pour combattre le crime organisé sans compromis, et pour que la justice soit rendue, sans aucune considération d’opportunité politique ;
19.1.3 à engager tous les moyens nécessaires pour instituer des programmes efficaces de protection des témoins ;
19.2 EULEX :
19.2.1 à persévérer dans le travail d’enquête, sans égard aucun aux fonctions exercées par les éventuels suspects ainsi qu’à l’origine des victimes, en mettant tout en œuvre pour faire la lumière sur les disparitions criminelles, les indices de trafics d’organes, la corruption et la collusion, si souvent dénoncée, entre milieux mafieux et politiques ;
19.2.2 à prendre toutes les mesures nécessaires aptes à assurer une protection efficace des témoins et à les mettre en confiance :
19.3. leTPIY, à coopérer pleinement avec EULEX, notamment en mettant à sa disposition les informations et les éléments de preuve en sa possession et aptes à aider EULEX à poursuivre les crimes relevant de sa compétence ;
19.4 les autorités de la Serbie :
19.4.1 à mettre tout en ouvre pour capturer les personnes encore recherchées par le TPIY pour crimes de guerre, notamment le général Ratko Mladic et Goran Hadzic, dont l’impunité continue à constituer un sérieux obstacle à un processus de réconciliation et est souvent invoquée par des autorités d’autres pays pour justifier le peu d’empressement à procéder elles-mêmes à des actes de justice ;
19.4.2 à coopérer étroitement avec EULEX, notamment en lui remettant toutes les informations pouvant aider à élucider des crimes commis au cours et à la suite du conflit au Kosovo;
19.4.3 à prendre les mesures nécessaires pour empêcher des fuites à la presse d’informations sur des enquêtes concernant le Kosovo, ce qui nuit à la collaboration avec les autres autorités et à la crédibilité du travail d’investigation ;
19.5 les autorités de l’Albanie et l’administration kosovare :
19.5.1. à collaborer sans réserve avec EULEX et les autorités serbes dans le cadre de procédures tendant à faire la lumière sur des crimes commis au Kosovo, indépendamment de l’origine connue ou supposée des suspects et des victimes ;
19.5.2 en particulier, donner suite aux demandes d’assistance judiciaire d’EULEX concernant des faits de nature criminelle qui se seraient produits dans un camp de l’UÇK dans le nord de l’Albanie.
19.5.3 à diligenter une enquête sérieuse et indépendante afin de faire toute la lumière sur les allégations, parfois concrètes et précises, concernant l’existence de centres secrets de détention où des traitements inhumains auraient été infligés à des prisonniers provenant du Kosovo, d’origine aussi bien serbe qu’albanaise, pendant et immédiatement après le conflit ; l’enquête doit être étendue également à la vérification des allégations, également assez précises, concernant un trafic d’organes qui aurait eu lieu au cours de la même période et en partie sur territoire albanais ;
19.6. tous les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe concernés :
19.6.1 à répondre dans les meilleurs délais aux demandes de coopération judiciaire qui leur ont été adressées par EULEX et par les autorités serbes dans le cadre de leurs enquêtes en cours concernant les crimes de guerre et le trafic d’organes ; le retard de ces réponses est incompréhensible et intolérable si on considère l’importance et l’urgence de la coopération internationale pour faire face à des phénomènes criminels aussi graves et dangereux ;
19.6.2 à coopérer avec EULEX dans ses efforts de protection de témoins, notamment lorsque ceux-ci ne peuvent plus continuer à vivre dans la région et doivent par conséquent assumer une nouvelle identité et trouver un nouveau pays de résidence ;
20. L’Assemblée, consciente que le trafic d’organes humains constitue désormais un phénomène de dimension mondiale d’extrême gravité, manifestement contraire aux normes les plus élémentaires des droits et de la dignité de la personne, salue dès lors et souscrit aux conclusions de l’étude conjointe publiée en 2009 et réalisée par le Conseil de l’Europe et l’Organisation des Nations Unies. Elle partage notamment la conclusion selon laquelle il convient d’élaborer un instrument juridique international établissant une définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules énonçant des mesures à prendre pour prévenir ce trafic et protéger les victimes, ainsi que des mesures de droit pénal destinées à le réprimer.
B. Exposé des motifs par M. Dick Marty, rapporteur
Table des Matières
1. Considérations préliminaires – une vue d’ensemble
2. Commentaire liminaire sur les sources
3. Résultats détaillés de nos recherches
3.1 Une vue d’ensemble
3.2 Factionnalisme de l’UÇK et liens avec le crime organisé
3.3 Les lieux de détention et le traitement inhuman des détenus
3.3.1 Détentions par l’UÇK en temps de guerre
3.3.1.1 La première catégorie de prisonniers : les « prisonniers de guerre »
3.3.1.1.1 La nature des centres de détention / Cahan
3.3.1.1 2 La nature des centres de détention/Kukes
3.3.2. Des détentions par des membres et associés de l’UÇK après la fin du conflit
3.3.2.1 Deuxième catégorie de prisonniers : les « disparus »
3.3.2.1.1. La nature des centres de détention/Rripe
3.3.2.1.2. Observations sur les conditions de détention et de transport
3.3.2.2 Troisième catégorie de prisonniers : les « victimes de la criminalité organisée »
3.3.2.3. La nature des centres de détention/Fushë-Krujë
4. La clinique Medicus
5. Le plafonnement invisible de l'obligation de rendre des comptes
6. Quelques réflexions conclusives
1. Considérations préliminaires – une vue d’ensemble
1. En avril 2008, l’ancienne Procureure auprès du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Mme Carla Del Ponte, a publié un livre témoignage, en collaboration avec Chouk Sudetic, sur ses expériences de magistrat au sein de cette institution. Le livre a paru d’abord en italien (« La caccia – Io e i criminali di guerra »), puis traduit, notamment en français (« La traque, les criminels de guerre et moi »). Dans cet ouvrage, près de dix ans après la fin de la guerre au Kosovo, il est fait état d’un trafic d’organes humains prélevés sur des prisonniers serbes qui aurait été commis par des responsables de l’ « Armée de Libération du Kosovo » (UÇK). Ces affirmations sont surprenantes à plus d’un titre et ont suscité de vives réactions. Surprenantes, tout d’abord, parce qu’elles émanent d’une personne qui a œuvré, en revêtant de hautes responsabilités, justement au cœur du système judiciaire chargé de poursuivre les crimes commis au cours du conflit qui a ravagé l’ex-Yougoslavie. Surprenantes, aussi et surtout, parce qu’aucune suite n’avait apparemment été donnée à ces allégations, jugées pourtant tellement sérieuses au point d’être reprises dans le livre de l’ancienne procureure, qui ne pouvait certes pas ignorer l’importance et la portée des accusations qu’elle a décidé de rendre publiques.
2. Saisie d’une proposition de résolution (doc. 11574) demandant de mener une investigation approfondie sur les faits et les conséquences mentionnées par Mme Del Ponte afin d’établir s’ils sont véridiques, de rendre justice aux victimes et d’appréhender les auteurs des crimes, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme m’a nommé rapporteur et m’a ainsi chargé de proposer un avant-projet de résolution et de rédiger un rapport.
3. Le mandat confié est tout de suite apparu d’une extraordinaire difficulté. Les faits allégués – par un ancien magistrat de rang international, rappelons-le – auraient eu lieu il y a une dizaine d’années et n’avaient été objet d’une véritable enquête par aucune des autorités nationales et internationales qui ont été en charge des territoires concernés. Tout semble indiquer, que les efforts pour établir les faits et punir les crimes de guerre ont été surtout concentrés dans une direction, en se fondant sur le présupposé implicite que les uns étaient les victimes, les autres les bourreaux. La réalité, comme on verra, semble être plus complexe. La structure encore très clanique de la société kosovare ainsi que l’absence d’une véritable société civile ont rendu extrêmement difficile l’établissement de contacts avec des sources locales. A cela s’ajoute la peur, souvent une véritable terreur, que nous avons constatée auprès de certains de nos interlocuteurs dès que nous touchions le sujet de nos recherches. Même certains représentants des autorités internationales ne cachaient pas leur absence de volonté de s’occuper de ces faits : « le passé est le passé, maintenant il faut regarder au futur », nous a-t-on dit. Les autorités Albanaises, quant à elles, ont fait savoir que leur territoire n’avait pas été concerné par le conflit et qu’elles n’avaient aucune raison d’ouvrir une enquête. Les autorités Serbes ont réagi, même si assez tardivement, sans toutefois réussir à atteindre des résultats significatifs. Le TPIY, quant à lui, avait fait quelques recherches auprès de la fameuse « Maison Jaune », en opérant cependant d’une façon assez superficielle et avec un degré de professionnalisme qui suscite quelques perplexités. A cela s’ajoute le fait que le mandat du TPIY a été restreint à une période et un espace bien délimités : la juridiction internationale est compétente à poursuivre et juger les crimes jusqu’en juin 1999, fin du conflit, et sa compétence ne s’étend pas à l’Albanie, sauf si celle-ci autorise expressément des actes d’enquêtes sur son territoire.
4. Les faits qui nous occupent aujourd’hui auraient eu lieu surtout à partir de l’été 1999, dans une situation de grande confusion qui régnait dans toute la région : les forces de sécurité serbes avaient abandonné le Kosovo, les troupes de la KFOR commençaient lentement à s’établir, pendant que des centaines de milliers de réfugiés kosovars essayaient d’abord de rejoindre l’Albanie et ensuite de retourner chez eux, et les serbes se réfugiaient dans les territoires sous contrôle de l’armée serbe. C’était le chaos : l’administration kosovare ne fonctionnait pas, la KFOR a mis passablement de temps pour prendre le contrôle de la situation, tout en ne disposant pas du savoir-faire nécessaire pour affronter des situations aussi extrêmes. L’intervention de l’OTAN s’était faite essentiellement par la voie des airs avec des bombardements au Kosovo et en Serbie – opérations que d’aucuns ont considérées contraires au droit international, le Conseil de Sécurité n’ayant pas donné son autorisation – alors que sur le terrain l’allié de fait était l’UÇK. Ce dernier a ainsi eu, dans la période critique que nous venons de décrire, le contrôle de fait sur toute la région – le Kosovo ainsi que les régions frontalières du nord de l’Albanie. Il ne s’agissait pas, bien entendu, d’un pouvoir vraiment structuré et n’assumait pas, et de loin, les formes d’un Etat. C’est au cours de cette période qu’ont été commis de nombreux crimes, aussi bien contre des serbes restés dans la région que contre des kosovars albanais soupçonnés d’avoir été des « collaborateurs » ou victimes de rivalités entre factions de l’UÇK. Ces crimes sont restés impunis et ce n’est que des années après qu’on commence, assez timidement, à s’en occuper.
5. Pendant cette phase chaotique, la frontière entre le Kosovo et l’Albanie n’existait plus. Aucun contrôle n’était effectué, ce qui d’ailleurs n’aurait été guère possible si on considère l’important flux des réfugiés vers l’Albanie, et le mouvement de retour, après la fin des hostilités. Lors d’une mission sur le terrain de la part de mon Parlement, en 1999, j’ai pu personnellement constater l’ampleur du phénomène, surtout l’extraordinaire solidarité manifestée par la population et les autorités albanaises dans l’accueil des réfugiés kosovars. Les milices de l’UÇK se déplaçaient ainsi librement des deux côtés de la frontière qui, comme nous l’avons souligné, n’était alors devenue que purement virtuelle. C’est bien donc l’UÇK qui exerce durant cette période critique le contrôle de fait dans la région, aussi bien au Kosovo que dans la partie nord de l’Albanie proche de la frontière. Et c’est avec ces maîtres des lieux que les forces internationales ont collaboré dans le cadre des opérations militaires et de rétablissement de l’ordre. Cela a aussi eu comme conséquence que les crimes commis par des membres de l’UÇK, y compris des hauts responsables, ont été, en fait, couverts et sont restés impunis.
6. Les crimes commis par les troupes serbes ont été documentés, dénoncés et, autant que possible, jugés. Il s’agit de crimes dont le caractère effroyable ne doit plus être démontré. Ils ont été le résultat d’une politique scélérate de Milosevic mise en œuvre depuis passablement de temps, aussi quand ce monsieur était encore accueilli avec toutes les honneurs dans de nombreuses capitales d’Etats démocratiques. Ces crimes ont provoqué des dizaines de milliers de victimes et bouleversé toute une région de notre continent. Dans le conflit du Kosovo, la population d’origine albanaise a subi des violences atroces, conséquences d’une folle politique de nettoyage ethnique de la part du dictateur alors en place à Belgrade. Tout cela ne saurait être remis en doute aujourd’hui. Il faut être cependant conscients que s’est alors développé un climat et une dynamique qui à conduit à considérer tous les événements et les faits dans une optique rigoureusement manichéenne : d’un côté les serbes, nécessairement méchants, de l’autre les kosovars albanais, inévitablement innocents. Dans l’horreur et la commission de crimes le principe de compensation ne peut exister. Le sentiment élémentaire de justice exige que tous soient traités de la même façon. Ce devoir de vérité et de justice est, par ailleurs, une prémisse indispensable pour qu’une véritable paix soit rétablie et que les différentes communautés puissent se réconcilier et recommencer à vivre et travailler ensemble.
7. Dans le cas du Kosovo, la logique du court-terme semble cependant avoir prévalu : rétablir l’ordre au plus vite, éviter tout ce qui pourrait être susceptible de déstabiliser la région qui se trouve encore en une situation d’équilibre très précaire. Tout cela a conduit à une justice qu’il faut bien définir sélective, dont le corollaire a été, et continue à être, l’impunité de nombreux crimes dont tous les indices indiquent qu’ils ont été l’œuvre, directe ou indirecte, de hauts responsables de l’UÇK. Les pays occidentaux qui se sont engagés au Kosovo se sont bien gardés d’intervenir directement sur le terrain, préférant recourir aux frappes aériennes, l’UÇK devenant ainsi leur indispensable allié pour les opérations terrestres. On a ainsi préféré fermer les yeux sur les crimes de guerre commis par ce dernier, privilégiant la stabilité immédiate. En effet, le nouveau Kosovo s’est essentiellement bâti sur les structures existantes du mouvement irrédentiste kosovar albanais. Les institutions internationales qui se sont succédées sur place ainsi que l’administration américaine, qui de l’avis général joue un rôle important dans la conduite des affaires de la nouvelle entité Kosovo[1], ont donc composé avec leurs alliés de fait sur le terrain, ces derniers étant devenus les nouveaux maîtres de la politique locale. Cette situation, nous l’avons déjà souligné, a finalement empêché que l’on fasse toute la lumière sur les crimes commis lorsque tout indiquait qu’ils avaient été l’œuvre de personnes qui étaient au pouvoir ou proches de celles-ci. A cela s’ajoute le fait que l’administration internationale de la MINUK disposait de ressources, quantitativement et qualitativement, insuffisantes pour poursuivre les crimes commis d’une façon efficace et impartiale. Le personnel international restait sur place pour une période limitée et il y avait une rotation continuelle, ce qui constituait également un obstacle majeur dans l’administration de la justice. Des responsables de l’administration internationale nous ont fait part de l’impossibilité de conduire des enquêtes de façon confidentielle – ce qui est pourtant une condition essentielle pour le succès d’une investigation criminelle – à cause notamment de l’emploi d’interprètes locaux qui faisaient passer les informations aux intéressés. EULEX, pour les enquêtes les plus délicates, a par la suite fait recours à des interprètes venant d’autres pays. Ces mêmes sources nous ont dit que la philosophie des internationaux pouvait se résoudre dans le principe de la « stabilité et la paix à tout prix », ce qui impliquait évidemment de ne pas se brouiller avec le pouvoir en place.
8. La mission d’EULEX, installée depuis la fin de 2008, a ainsi hérité d’une situation extrêmement difficile. De nombreux dossiers de crimes de guerre, notamment ceux dont sont suspectés des combattants de l’UÇK, ont d'ailleurs été repris de la MINUK dans un état déplorable (preuves et témoignages égarés, grand laps de temps entre les actes d’investigation incomplets), à tel point que des responsables d’EULEX n’ont pas mâché leurs mots pendant notre visite d’information et ont exprimé leur crainte que de nombreux dossiers devront être abandonnés[2]. Certains interlocuteurs qui représentent la naissante société civile kosovare n’ont pas épargné leurs critiques également à l’égard d’EULEX : on s’attendait à ce que EULEX allait s’attaquer finalement aussi aux « intouchables », dont tout le monde connaît le passé plus que trouble. En vain: il y a eu beaucoup d’annonces, beaucoup de promesses, mais les résultats concrets se font toujours attendre. L’affaire de Nazim Bllaca, le « donneur d’alerte » qui s’est lui-même publiquement accusé de meurtres commandités par des personnes qui aujourd’hui revêtent de hautes responsabilités politiques, est emblématique. On a attendu quatre jours avant de l’arrêter et de le protéger. La manière dont EULEX traitera cette affaire constituera un test important de sa détermination d’aller jusqu’au bout de sa mission de justice.
9. Il faut cependant saluer l’engagement remarquable de nombreux agents d’EULEX - actuellement 1600 cadres internationaux et 1100 employés locaux environ – ainsi que leur détermination pour faire face à l’extraordinaire défi qui leur a été confié. Leurs efforts commencent à déployer des résultats tangibles notamment en ce qui concerne les dossiers du camp de Kukës et de la clinique Medicus à Pristina. EULEX devrait absolument bénéficier d’un soutien politique plus clair et déterminé au plus haut niveau politique européen. Aucune ambiguïté ne doit subsister quant à la nécessité de s’attaquer à tous les suspects de crimes, même s’ils occupent d’importantes fonctions institutionnelles et politiques. Il est également urgent de donner à EULEX accès à toutes les archives des instances internationales antérieures, y compris celles de la KFOR rapatriées entretemps dans les pays participants[3] et les dossiers du TPIY[4]. D’après les praticiens travaillant sur place il faudrait créer une base de données unifiée, une archive commune de tous les acteurs internationaux, facilement accessible aux enquêteurs d’EULEX. On est en droit de se demander quelles peuvent bien être les raisons qui s’opposent à la mise en œuvre d’une exigence aussi élémentaire.
10. La police kosovare, à caractère pluriethnique, est formée de manière professionnelle, bien équipée et efficace dans la lutte contre la petite et moyenne criminalité. Forte de plus de 7’200 policiers en uniforme et de plus de 1’100 auxiliaires, elle inclut des représentants de 13 groupes ethniques, y compris 10% de Serbes. Selon des sondages récents, elle bénéficierait de la plus grande confiance parmi toutes les institutions au Kosovo, après la KFOR. De hauts responsables internationaux ont aussi confirmé que « la police est bonne », mais que les juges « posent problème » - comme étant susceptibles d’être intimidés, sous influence politique ou corrompus. Les jugements sur la police sont cependant nuancés parmi les observateurs que nous avons rencontrés. L’institution doit encore faire ses preuves et gagner toute la confiance de ses partenaires internationaux, y compris auprès de la mission d’EULEX, où nous avons encore ressenti certains doutes par rapport à la volonté politique de tous les responsables de cette force de lutter sans réserves contre toutes les formes de criminalité ; en particulier, contre le crime organisé, les crimes impliquant de hautes personnalités politiques, et, notamment, la volonté et la capacité d’assurer une protection vraiment efficace des témoins, aspect très délicat et indispensable pour une poursuite des criminels les plus notoires et dangereux.
11. La corruption et la criminalité organisée constituent un problème majeur de la région, comme l’indiquent plusieurs études internationales. Cela est d’autant plus grave que des connexions existent entre criminalité, corruption et politique La présence massive d’agents internationaux ne facilite pas les choses et conduit à des résultats pervers : un chauffeur ou une femme de ménage d’une institution internationale ou d’une ambassade gagne en règle générale sensiblement plus qu’un agent de police ou un juge. Cela ne peut que porter atteinte à l’échelle des valeurs.
12. Le dossier le plus urgent du point de vue humanitaire est celui des personnes disparues. Le nombre des disparitions est très important par rapport à la population totale du Kosovo. Sur 6’005 dossiers de disparitions ouverts par la Croix Rouge, 1’400 personnes environ ont été retrouvées vivantes et 2’500 corps ont pu être retrouvés et identifiés. Il s’agit pour la plupart de victimes kosovares de souche albanaise retrouvées par moitié respectivement dans des charniers découverts en territoire sous contrôle effectif serbe et au Kosovo. Aux 1’869 personnes disparues pendant le conflit dont le sort n’a toujours pas été établi (dont deux tiers environ sont des kosovars de souche albanaise) s’ajoutent 470 personnes disparues après l’arrivée des troupes de la KFOR le 12 juin1999, dont 95 de souche albanaise et 375 non-albanais, pour la plupart serbes[5].
13. Au sujet de ces disparitions, il convient de souligner que de nombreuses familles kosovares albanaises ayant perdu un parent après le 12 juin 1999 auraient déclaré une date de disparition avant cette date par crainte que leurs proches pourraient passer pour des « traîtres » punis par l'UÇK. Il est révélateur que la loi kosovare sur l’indemnisation des familles des « martyrs » exclue expressément les personnes mortes après l’arrivée de la KFOR. Pour ce qui est de la loi, encore en discussion, sur l’indemnisation des familles de personnes disparues, la position des autorités kosovares est de couvrir uniquement les disparitions après le 1 janvier 1999 et avant le 12 juin 1999. En fait, cela indique à quel point ce problème des disparus kosovars albanais est encore sensible. Selon plusieurs de nos interlocuteurs, le sujet reste un véritable tabou et continue à être un sérieux obstacle à la recherche de la vérité, car la chasse aux « traîtres » a souvent dissimulé la lutte sanglante entre factions de l’UÇK et servi à cacher les crimes commis par des membres de l’UÇK.
14. Le Bureau des personnes disparues et de médecine légale[6] a de grandes difficultés de travailler avec la documentation souvent de mauvaise qualité héritée de ses prédécesseurs[7] ; il a également de la peine de motiver et de retenir le personnel, sous-payé par rapport aux qualifications requises. La coopération entre les différentes instances internationales et les autorités kosovares ainsi que les autorités compétentes de l’Albanie pour élucider le sort des personnes disparues laisse à désirer. Alors que la Serbie a coopéré, non sans hésitations initiales, dans les opérations de fouille de fosses communes suspectes sur le territoire sous son contrôle, de tels actes d’investigation se sont avérés beaucoup plus compliqués sur le territoire du Kosovo[8], voire impossible jusqu’à maintenant sur le territoire albanais[9]. La coopération des autorités kosovares est particulièrement défaillante en ce qui concerne les 470 disparitions officiellement intervenues après la fin du conflit[10]. Le manque de coopération des autorités kosovares et albanaises pour rechercher des personnes disparues serbes, et même kosovares de souche albanaise, qui pourraient s’avérer être des victimes de crimes commis par des membres de l’UÇK, suscite de sérieux doutes quant à la volonté politique des autorités actuelles de faire toute la vérité sur ces événements
15. Le groupe de travail sur les personnes disparues présidé par la Croix Rouge et le Bureau pour les personnes disparues d’EULEX a besoin du soutien plein et entier de la communauté internationale pour surmonter les réticences de part et d’autre, dans l’intérêt des proches des victimes dont les souffrances continues constituent un important obstacle à la réconciliation.
16. Nous avons rappelé comment les allégations de trafic d’organes ont été rendues publiques et comment elles ont assumé une dimension internationale, au point d’induire l’APCE à demander l’élaboration du présent rapport. Il a été beaucoup fait état de la « Maison Jaune » située à Rripe près de Burrel en Albanie centrale. Toute l’attention s’est apparemment concentrée sur cette maison. Elle n’est en fait qu’un élément accessoire d’une affaire bien plus vaste et complexe. Il est vrai que tout semble avoir commencé par des révélations concernant la « Maison Jaune ». En février 2004, une visite d’observation sur place a été organisée conjointement par le TPIY et la MINUK, avec la participation d’un journaliste. En fait, il ne s’est pas agi d’un véritable examen de police scientifique selon toutes les règles de l’art. Des participants à cette visite que nous avons interviewés ont expressément dénoncé un certain manque de professionnalisme, notamment en ce qui concerne les prélèvements d’échantillons et les constats scientifiques. Néanmoins, le comportement des membres de la famille K. vivant dans la maison suscite plusieurs interrogations, notamment au sujet des versions différentes et contradictoires qu’ils ont successivement données à propos de la présence de traces de sang (relevées par l’utilisation de luminol) près d’une table dans la pièce principale. Le patriarche de la famille a indiqué que des animaux de la ferme avaient été mis à mort et charcutés à cet endroit ; une autre explication a également été fournie selon laquelle une des femmes du ménage aurait donné naissance à l’un de ses enfants au même endroit.
17. Ni le TPIY, ni la MINUK, ni le parquet albanais n’ont donné suite à cette visite en diligentant des enquêtes plus approfondies. L’enquêteur albanais qui avait pris part à ce constat sur place, s’est d’ailleurs empressé de publiquement affirmer qu’il n’existait aucun indice de quelque nature que ce soit. Les prélèvements matériels effectués sur place ont été par la suite détruits par le TPIY, après avoir été photographiés, comme le procureur auprès du Tribunal nous l'a confirmé dans une lettre[11]. Qu’il soit permis de nous en étonner.
18. L’équipe du Procureur spécial pour les crimes de guerre à Belgrade, qui a déployé des efforts considérables, n’a pas non plus abouti à des résultats très concrets. La forte médiatisation qui a entouré l’enquête n’a certes pas contribué à son efficacité. Nous remercions le procureur spécial pour sa coopération et sa disponibilité.
19. L’équipe de procureurs et enquêteurs internationaux au sein de la mission d’EULEX chargée d’enquêter sur les allégations de traitements inhumains, y compris celles relatives à un éventuel trafic d’organes, a fait des progrès notamment en ce qui concerne la preuve de l’existence de lieux de détention secrets de l’UÇK au nord de l’Albanie où des meurtres auraient été également commis. Mais cette enquête se heurte jusqu’à présent au manque de coopération des autorités albanaises qui ont laissé sans réponse la demande de coopération judiciaire précise et détaillée qui leur a été adressée. A ce jour, EULEX n’a pas eu accès à la totalité des informations collectées par le TPIY dans ce domaine.
20. L’enquête, également conduite par EULEX, dans l’affaire de la clinique Medicus à Pristina, est rendue difficile par la lenteur des réponses des autorités de plusieurs pays membres et observateurs du Conseil de l’Europe à des demandes d’assistance judiciaire de la part d’EULEX[12]. Au vu de la gravité des faits –trafic d’organes ! – ces retards sont incompréhensibles et intolérables. Rappelons que cette enquête a conduit à l'arrestation, en novembre 2008 d’un certain nombre de personnes impliquées. Contre d’autres personnes suspectées actuellement en fuite, des mandats d’arrêts ont été diffusés[13]. Cette enquête démontre également l’existence d’infrastructures et de réseaux criminels, impliquant aussi des médecins, agissant dans la région dans le cadre d’un trafic international d’organes humains, malgré la présence de forces internationales. Nous verrons que des éléments suffisamment sérieux et concrets subsistent pour affirmer que ce trafic existait déjà avant l’affaire Medicus et que certains responsables et associés de l’UÇK n’y ont pas été étrangers. En tout cas, le doute est tel, qu’on ne saurait tolérer qu’une enquête sérieuse, indépendante et complète ne soit finalement pas diligentée.
21. La reconstruction des événements pendant la période tourmentée et chaotique de 1999 à 2000 au Kosovo est, on l’a vu, extrêmement difficile. Il y a eu, et il y a toujours, à l’exception de quelques enquêteurs d’EULEX, un manque de volonté d’établir la vérité et les responsabilités de ce qui s’est passé pendant ce laps de temps. Le faisceau d’indices existant contre certains hauts responsables de l’UÇK explique en grande partie ces réticences. Il y a des témoins de ces événements qui ont été éliminés, d’autres sont terrorisés par le simple fait d’être interpellés sur ces événements. Ils ne font absolument pas confiance dans les mesures de protection qu’on pourrait leur accorder. Avec certains interlocuteurs nous avons dû prendre des précautions très rigoureuses pour leur assurer l’anonymat le plus complet. Nous les avons cependant jugés dignes de foi et avons pu constater que leurs déclarations étaient confirmées par des éléments objectivement vérifiables. Notre but n’était toutefois pas celui de conduire une enquête criminelle. Nous prétendons cependant d’avoir recueilli des éléments suffisamment importants pour exiger avec force que les instances internationales et les Etats concernées mettent finalement tout en œuvre pour que la vérité soit établie et les responsables clairement identifiés et appelés à rendre compte de leurs actes. Les indices de collusion entre criminalité et personnes revêtant des responsabilités politiques et des fonctions institutionnelles sont trop nombreux et trop sérieux pour être ignorés. C’est un droit fondamental des citoyens kosovars de connaître la vérité, toute la vérité, c’est également une condition indispensable pour une réconciliation entre les communautés et un avenir prospère du pays.
22. Avant d’entrer plus dans le détail de nos recherches, qu’il me soit permis de remercier tous ceux et toutes celles qui m’ont aidé dans ce travail aussi difficile que délicat. Tout d’abord le Secrétariat de la Commission, assisté par un expert externe, les autorités des Etats visités, ainsi que des journalistes compétents et courageux qui ont partagé certaines informations avec nous. Un remerciement particulier aux personnes qui ont eu confiance dans notre professionnalisme, notamment dans notre devoir de protéger leur identité pour ne pas les mettre en danger.
2. Commentaire liminaire sur les sources
23. Au cours de notre enquête, nous avons recueilli des témoignages et des documents provenant de plusieurs douzaines de sources principales, parmi lesquelles figurent les combattants et auxiliaires des diverses factions armées qui ont pris part aux hostilités au Kosovo ; les victimes directes d'actes de violence commis au Kosovo et dans les territoires voisins ; les membres des familles de personnes disparues ou décédées ; les actuels et anciens représentants des institutions judiciaires internationales ayant à connaître des événements au Kosovo [à commencer par la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), la mission européenne de police et de justice au Kosovo (EULEX) et le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)] ; les représentants des systèmes judiciaires nationaux, dont les procureurs compétents pour les faits en rapport avec le Kosovo [les services du procureur chargé des crimes de guerre de Belgrade ; le procureur général de Tirana ; les procureurs, fonctionnaires de police et agents de la Sûreté publique de Pristina et de trois États voisins] ; les agences humanitaires [dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP)] ; enfin, divers membres de la société civile et des instances de protection des droits de l'homme, qui ont enquêté sur les événements survenus au Kosovo pendant la période qui nous intéresse et en ont rendu compte [y compris le Centre de droit humanitaire].
24. Nous nous sommes bien entendus attachés, chaque fois que cela s'avérait possible, à recueillir nous-mêmes directement ces témoignages, soit à l'occasion de réunions publiques, soit par des entretiens confidentiels, au cours des visites effectuées à Pristina, Tirana, Belgrade et dans d'autres régions des Balkans. Toutefois, certaines sources qui nous ont fourni ces témoignages n'ont pas été en mesure de nous rencontrer en personne pour diverses raisons, au nombre desquelles figurent leur « disparition » pour des raisons de sécurité, leur transfert à l'étranger et les contraintes du programme officiel des réunions prévues au cours de notre mission dans la région.
25. Nous avons, en outre, rencontré les mêmes difficultés à obtenir des témoignages dignes de foi au sujet des allégations de crimes commis par les Kosovars albanais que les autres instances d'enquête au cours des 10 dernières années. Le sentiment viscéral de loyauté à l'égard du clan et le sens de l'honneur, que le rapport d’expertise présenté au TPIY lors du délibéré de l’affaire Limaj et. al.[14] a peut-être le mieux cernés, nous interdisaient tout accès à la plupart des témoins de l'ethnie albanaise. Compte tenu du fait que deux actions en justice importantes engagées par le TPIY avaient entraîné la mort d'un si grand nombre de témoins, ce qui avait finalement empêché que la justice soit rendue[15], il était très peu probable qu'un rapporteur de l'Assemblée, dont les moyens étaient en comparaison bien dérisoires, parvienne à obtenir de ces témoins qu'ils s'adressent directement à nous.
26. Bon nombre de personnes qui ont travaillé pendant des années au Kosovo, et qui font partie des observateurs les plus respectés dans le domaine de la justice dans la région, nous ont indiqué que les réseaux albanais de la criminalité organisée (« la mafia albanaise ») implantés en Albanie, dans les pays voisins, notamment au Kosovo et dans « l'ex-République yougoslave de Macédoine », ainsi qu'au sein de la diaspora albanaise, étaient probablement plus difficiles à infiltrer que la Mafia italienne ; les simples exécutants situés au bas de l'échelle hiérarchique de ces réseaux préféreraient séjourner quelques dizaines d'années en prison ou être condamnés pour entrave à la justice que de livrer un membre de leur clan.
27. Nous avons donc été contraints, mais uniquement lorsque cela s'imposait, de nous fonder sur les enregistrements audio et vidéo d'entretiens dans lesquels des sources essentielles étaient interrogées par d'autres personnes que nous. Dans ce cas, nous avons fait tout notre possible pour établir l'identité, l'authenticité et la crédibilité de ces sources ; nous avons comparé leurs témoignages aux informations recueillies auprès de sources distinctes et indépendantes, dont elles n’avaient pu avoir aucune connaissance ; enfin, nous avons obtenu directement de la part des personnes interrogées des renseignements sur les circonstances et les conditions dans lesquelles ces entretiens ont eu lieu.
28. Ces entretiens ont été menés par des représentants des services répressifs de divers pays, des chercheurs et universitaires et des journalistes d'investigation d’une réputation et d’une fiabilité reconnues. Nous avons systématiquement veillé à corroborer ces témoignages.
3. Résultats détaillés de nos recherches
3.1 Une vue d’ensemble
29. La vue d’ensemble qui ressort de notre enquête diffère considérablement, à plusieurs égards, du tableau que l’on brosse habituellement du conflit du Kosovo. De fait, malgré l'intensité indéniable de la lutte menée pour le destin du territoire du Kosovo, les factions ennemies se seraient très rarement heurtées en combats armés le long d'une quelconque ligne de front.
30. Les violences odieuses commises par les soldats et les forces de police serbes, qui tentaient de soumettre, puis d'expulser la population albanaise du Kosovo, sont de notoriété publique et parfaitement établies.
31. L'importance des éléments de preuve que nous avons découverts tient peut-être surtout au fait qu'ils sont souvent en contradiction avec l'image racoleuse de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK), présentée comme une armée de guérilleros qui se sont vaillamment battus pour défendre le droit de leurs compatriotes à vivre sur le territoire du Kosovo.
32. S’il est indéniable que de nombreux soldats courageux, prêts à aller au combat, à faire face à l'adversité et, si nécessaire, à mourir pour la cause d'une patrie kosovar albanaise indépendante étaient présents dans les rangs de l’UÇK, ceux-ci ne constituaient pas nécessairement la majorité.
33. D'après les témoignages que nous sommes parvenus à recueillir, la politique et la stratégie adoptées par certains dirigeants de l’UÇK allaient bien au-delà de la simple ambition de vaincre les oppresseurs serbes.
34. D'une part, la direction de l’UÇK a cherché à obtenir la reconnaissance et le soutien de partenaires étrangers, parmi lesquels figurait notamment le gouvernement des États-Unis. À cette fin, les « porte-parole » de l'UÇK, qui entretenaient d'excellents contacts sur la scène internationale, devaient donner un certain nombre d'assurances à leurs partenaires et contributeurs et/ou prendre des engagements précis qui conditionnaient de fait l'obtention du soutien de l'étranger.
35. D'autre part, un certain nombre d'officiers supérieurs de l’UÇK n’auraient pas manqué de tirer profit de la guerre, notamment sous forme d’avantages matériels et personnels pour eux-mêmes. Leur objectif aurait été de s'arroger ou d'assurer aux membres de leur famille ou de leur clan un certain nombre de ressources, par exemple grâce à l'exercice de fonctions politiques ou d'activités dans des domaines lucratifs comme le secteur pétrolier, le bâtiment et l'immobilier. Il s'agissait pour eux de réparer ce qu'ils considéraient comme une injustice dont avait été victime la population albanaise de l'ancienne Yougoslavie. Un grand nombre d'entre eux se seraient employés à profiter au mieux du pouvoir dont ils disposaient pendant le temps où certaines zones de non-droit étaient placées sous leur autorité opérationnelle (comme dans certaines parties du Kosovo méridional et occidental) et à user de leur influence, surtout en termes de ressources financières, pour s’implanter dans d'autres pays (par exemple en Albanie).
36. En réalité, les principales activités opérationnelles des membres de l’UÇK avant, pendant et immédiatement après le conflit étaient menées sur le territoire albanais, où les forces de sécurité serbes n’étaient jamais déployées.
3.2 Factionnalisme de l’UÇK et liens avec le crime organisé
37. Pendant plus de deux ans après sa première apparition en 1996, l’UÇK, était considérée par les observateurs occidentaux comme un groupe marginal et désorganisé d'insurgés, dont les attaques lancées contre l'État yougoslave s'apparentaient à des actes de « terrorisme ».
38. Nos sources proches de l’UÇK ainsi que des témoignages de membres de l’UÇK faits prisonniers par la police serbe confirment que les principales bases de l’UÇK où se rassemblaient ses recrues se trouvaient dans le nord de l'Albanie.
39. Il est parfaitement établi que les armes et les munitions étaient acheminées en contrebande dans diverses régions du Kosovo, souvent à dos de cheval et depuis le nord de l'Albanie, par des routes de montagne empruntées clandestinement. Selon la police serbe, il s'agissait d'incursions criminelles effectuées par des malfaiteurs qui prévoyaient de commettre des actes terroristes contre les forces de sécurité serbes. Les kosovars albanais et les ressortissants albanais qui prenaient part à ces opérations de contrebande les présentaient en revanche comme des actes héroïques de résistance à l'oppression serbe.
40. Le renforcement de la capacité de combat et de la crédibilité de l’UÇK auprès de la population albanaise du Kosovo semble avoir suivi, surtout au cours de l'année 1998, une trajectoire comparable à l'escalade des brutalités commises lors de la répression exercée par l'armée et la police serbes.
41. Ce n'est pourtant qu'au deuxième semestre de 1998 que l’UÇK est parvenue à s’imposer dans l’esprit de la communauté internationale, grâce au soutien explicite des puissances occidentales basé sur le « lobbying » des Etats-Unis, comme le fer de lance de la lutte menée par les Kosovars albanais pour la libération du Kosovo.
42. Le fait d'apparaître comme un acteur de premier plan était indispensable pour l’UÇK, dont il était l’atout le plus précieux. C'est en effet ce qui a incité les donateurs les plus fortunés de la diaspora albanaise à faire parvenir des fonds considérables à l’UÇK. Cette image a également conféré à chaque représentant de l’UÇK une autorité accrue, qui lui permettait de parler et d'agir au nom de l'ensemble des Albanais du Kosovo, tandis que les personnalités de premier plan de l’UÇK acquéraient une stature d’éminences grises les plus plausibles du Kosovo de l'après-guerre.
43. Cet apparent rôle prééminent de l’UÇK, dû en grande partie aux Américains, était en fait prévisible et a représenté le socle sur lequel l’UÇK est parvenue à prendre l'ascendant sur les autres forces politiques albanaises du Kosovo qui briguaient le pouvoir, comme la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) d'Ibrahim Rugova et le « gouvernement en exil » de Bujar Bukoshi.
44. D'après les sources dont nous disposons au sein de l’UÇK, cette dernière a consacré autant d'énergie et, semble-t-il, une part plus importante de ses ressources et de son capital politique à conserver l'avantage sur ses factions rivales de l'ethnie albanaise qu’au lancement d'actions militaires coordonnées contre les Serbes.
45. En parallèle, il convient de rappeler, pour le souligner, que l’Armée de libération du Kosovo ne formait pas une faction unique et unie de combattants à la manière d'une armée conventionnelle. Elle ne comptait aucun chef suprême ou « commandant-en-chef » officiellement désigné dont l'autorité était universellement reconnue par les autres commandants et dont les ordres étaient suivis par l'ensemble des hommes de troupe.
46. Au contraire, alors que la lutte pour le pouvoir dans le futur Kosovo évoluait et que la généralisation du conflit approchait, un factionnalisme interne profondément enraciné divisait l’UÇK.
47. Les ambitions politiques contraires des personnalités les plus influentes de l’UÇK et des candidats à sa direction, ainsi qu'une conception disparate des paramètres admissibles de la résistance armée constituaient autant de sources importantes de division.
48. Plusieurs « groupuscules » différents de l’UÇK ont ainsi fait leur apparition en 1998 et 1999, notamment après la mort du célèbre commandant paysan de l’UÇK, Adem Jashari[16].
49. Chacun de ces groupuscules était dirigé par l’un des membres fondateurs autoproclamés de l’UÇK et comptait un noyau fidèle de recrues et de partisans, souvent issus de quelques clans ou familles étroitement liés et/ou qui se concentraient sur une zone géographique donnée du Kosovo. Chaque groupe considérait son chef comme le plus à même de diriger la lutte de l’UÇK contre les Serbes et, par extension, d’obtenir l'autodétermination des Albanais du Kosovo, tout en coopérant par opportunisme avec les autres commandants de l’UÇK.
50. Les membres et les dirigeants de ces groupuscules, ainsi que la popularité dont jouissait déjà auparavant le LDK, ont manifestement perduré au-delà du conflit et, pour l'essentiel, façonné le paysage politique du Kosovo de l'après-guerre[17].
51. Au cours des 10 dernières années, les anciens principaux commandants de l’UÇK se sont partagés l'exercice des plus hautes fonctions dirigeantes du Kosovo ; dans la plupart des campagnes électorales, les candidats se sont affrontés en faisant valoir leur participation respective à la lutte pour la libération et leur capacité à défendre aujourd'hui les intérêts de la population albanaise du Kosovo contre ses adversaires connus et inconnus.
52. Il a été établi que ces divers « groupuscules » de l’UÇK ont développé et maintenu leurs propres structures de renseignement, qui leur apparaissaient comme un moyen parmi d'autres d'assurer leur pérennité. Les plus fervents partisans de la poursuite de facto de cette forme de lutte de l’UÇK ont utilisé tous les moyens dont ils disposaient, en se situant indéniablement à la limite de la légalité, pour surveiller et bien souvent chercher à saboter l'action de leurs opposants et de ceux qui pouvaient nuire à leurs intérêts politiques ou économiques[18].
53. Nous avons par ailleurs constaté[19] que les structures des unités de l’UÇK étaient en grande partie modelées sur la hiérarchie, les allégeances et le code de l'honneur des clans ou des familles élargies de l'ethnie albanaise, qui forment un ensemble de préceptes connus sous le nom de kanoun dans les régions du Kosovo dont sont issus leurs commandants.
54. À partir des analyses que nous ont communiquées plusieurs missions internationales de contrôle, et qui ont été corroborées par les sources dont nous disposons auprès des forces de l'ordre européennes et d'anciens combattants de l’UÇK, nous avons constaté que les principales unités de l’UÇK et leurs zones de commandement opérationnel respectives étaient la copie presque conforme des structures qui contrôlaient les diverses formes de criminalité organisée dans les territoires où opérait l’UÇK.
55. Plus simplement, pour comprendre qui dirigeait les divers trafics ou activités de contrebande qui étaient florissants dans la région, il suffisait de déterminer quelle chapelle ou mouvance de commandants et d'affidés de l’UÇK était responsable d'une zone opérationnelle précise de l’UÇK au Kosovo ou dans certaines régions d’Albanie.
56. Nous avons fait un autre constat des plus pertinents pour notre enquête : un noyau restreint mais incroyablement puissant de personnalités de l’UÇK aurait pris le contrôle, au plus tard à partir de 1998, de la majeure partie des activités illicites auxquelles les Albanais du Kosovo ont participé en République d’Albanie.
57. Ce groupe de personnalités de premier plan de l’UÇK s'est lui-même baptisé le « Groupe de Drenica », un nom qui évoque ses liens avec la vallée de Drenica au Kosovo[20], noyau traditionnel de la résistance des membres de l'ethnie albanaise à l'oppression serbe à l'époque de Milosevic et lieu de naissance de l’UÇK.
58. Nous avons constaté que le chef de ce « Groupe de Drenica » ou, pour employer la terminologie propre aux réseaux de la criminalité organisée, son « parrain », n'était autre qu’un acteur réputé de la vie politique locale et peut-être la personnalité de l’UÇK la plus reconnue sur la scène internationale, Hashim Thaçi[21].
59. Thaçi peut être considéré comme l’artisan de l’accession de l’UÇK à un statut d’acteur de premier plan dans la période qui a précédé les négociations de Rambouillet, aussi bien sur le terrain au Kosovo qu’à l'étranger. Il a également beaucoup contribué à l'apparition du profond factionnalisme interne qui caractérisait l’UÇK tout au long des années 1998 et 1999.
60. D'une part, Thaçi doit sans aucun doute son ascension personnelle au soutien politique et diplomatique[22] des États-Unis et d'autres puissances occidentales, qui le considéraient comme le partenaire local favori de leur projet de politique étrangère pour le Kosovo. Cette forme de soutien politique lui aurait notamment donné le sentiment d'être « intouchable » et lui a conféré une stature inégalée de futur dirigeant plausible du Kosovo de l'après-guerre.
61. D'autre part, d'après les comptes rendus parfaitement documentés des services de renseignement que nous avons examinés en profondeur et qui ont été corroborés par les entretiens que nous avons eus au cours de notre enquête, le « Groupe de Drenica » dirigé par Thaçi a renforcé dans des proportions phénoménales son assise dans les activités criminelles organisées, à l'époque florissantes au Kosovo et en Albanie.
62. Thaçi aurait, dans ce domaine, agi avec le soutien et la complicité non seulement des structures de gouvernance officielles de l'Albanie, et notamment du gouvernement socialiste au pouvoir à ce moment-là, mais également des services secrets albanais et de la redoutable mafia albanaise.
63. De nombreux commandants de l’UÇK restaient en territoire albanais, certains opérant même de la capitale de Tirana, pendant toute la période d’hostilités et au-delà.
64. Au cours de la période des bombardements effectués par l'OTAN, qui duraient plusieurs semaines, l'équilibre des pouvoirs fut sans doute modifié essentiellement par l'afflux dans la région de ressortissants étrangers venus officiellement et officieusement soutenir la cause de l’UÇK. Ce soutien étranger, qui parvenait difficilement à pénétrer au Kosovo, transita principalement par l'Albanie.
65. Plusieurs hauts dignitaires de l’UÇK, encouragés par le refuge tacitement admis qui leur était accordé par des autorités albanaises favorables à leur cause, persuadés également qu'il était plus pratique pour eux de poursuivre leurs activités sur un terrain qui leur était familier, auraient mis en place leur propre système de racket en échange de leur protection dans les zones dominées par les membres de leur clan ou dans lesquelles ils trouvèrent un terrain d'entente avec la criminalité organisée qui y était implantée et se livrait à des activités telles que la traite des êtres humains, la vente de véhicules volés et le commerce du sexe.
66. Les services chargés de la lutte contre le trafic de drogue de cinq pays au moins précisent, dans des rapports confidentiels qui s'étendent sur plus de 10 ans, que le commerce de l'héroïne et d'autres narcotiques était contrôlé de façon violente par Hashim Thaçi et d'autres membres du « Groupe de Drenica »[23].
67. De même, les analystes des services de renseignement de l'OTAN, ainsi que ceux de quatre gouvernements étrangers indépendants au moins[24], on fait un constat irréfutable en recueillant des informations sur la période qui a immédiatement suivi le conflit de 1999. Thaçi était habituellement défini et désigné dans les rapports des services secrets comme le plus dangereux des « parrains de la pègre » de l’UÇK[25].
68. Nous avons eu des indications au cours de nos recherches que plusieurs autres membres connus du « Groupe de Drenica » ont été les complices essentiels de divers types d'activités criminelles. Parmi ceux-ci figurent Xhavit HALITI, Kadri VESELI, Azem SYLA et Fatmir LIMAJ. Chacun d'entre eux a fait l'objet, au cours des 10 dernières années, de plusieurs enquêtes suite aux soupçons de crimes de guerre ou d'association de malfaiteurs qui pesaient sur eux, y compris pour d'importantes affaires dont les procureurs de la MINUK, du TPIY[26] et d’EULEX étaient saisis. À ce jour cependant, ils ont tous échappé à toute justice effective.
69. Tout laisse croire que ces individus auraient été condamnés pour crimes graves et purgeraient aujourd'hui de longues peines d'emprisonnement si leur impunité n'avait été assurée par deux facteurs choquants : en premier lieu, ils semblent être parvenus à éliminer ou à réduire au silence par intimidation la majeure partie des témoins à charge éventuels ou avérés (aussi bien leurs ennemis que d'anciens alliés), en usant de violences, de menaces, de chantage et de racket de protection ; deuxièmement, le manque de volonté politique de la communauté internationale de s’attaquer sérieusement aux anciens chefs de l’UCK. Ceci semble avoir permis à Thaçi – et par extension aux autres membres du « Groupe de Drenica » – de profiter de leur position et d'accumuler des fortunes personnelles sans rapport avec leurs activités déclarées.
70. Thaçi et ces autres membres du « Groupe de Drenica » sont constamment qualifiés « d'acteurs clés » dans les rapports des services de renseignement consacrés aux structures de type mafieux de la criminalité organisée du Kosovo[27]. J'ai examiné ces divers rapports volumineux avec une consternation mêlée d'un sentiment d'indignation morale.
71. Il est particulièrement déconcertant de constater que l'ensemble de la communauté internationale au Kosovo – depuis les gouvernements des États-Unis et des autres puissances occidentales alliées, jusqu'aux autorités judiciaires qui exercent leurs activités sous la tutelle de l'Union européenne – possèdent sans doute les mêmes informations accablantes sur toute l'étendue des crimes commis par le « Groupe de Drenica »[28], mais qu'aucune d'elles ne semble prête à réagir face à une telle situation et à en poursuivre les responsables.
72. Les sources directes dont nous disposons indiquent de manière crédible que Haliti, Veseli, Syla et Limaj, ainsi que Thaçi et les autres membres du cercle de ses proches collaborateurs, auraient ordonné, et parfois personnellement veillé au bon déroulement d'un certain nombre d'assassinats, de détentions, d'agressions et d'interrogatoires dans diverses régions du Kosovo et notamment, ce qui nous intéresse tout particulièrement, à l'occasion d'opérations menées par l’UÇK sur le territoire albanais, entre 1998 et 2000.
73. Les membres du « Groupe de Drenica » auraient également pris le contrôle des fonds substantiels mis à la disposition de l’UÇK pour financer l’effort de guerre[29]. Ce groupe aurait passé avec les réseaux internationaux bien établis de la criminalité organisée plusieurs accords qui lui auraient permis de s'étendre et de se diversifier dans de nouveaux domaines d’activités, tout en lui ouvrant de nouvelles voies de contrebande vers d’autres pays d'Europe.
74. Plus précisément, d'après nos observations, la responsabilité première de deux séries de crimes non reconnus et évoqués dans le présent rapport semble incomber aux dirigeants du « Groupe de Drenica » : la gestion du réseau ad hoc de centres de détention de l’UÇK sur le territoire albanais[30] et la fixation du sort des prisonniers détenus dans ces établissements, et notamment des nombreux civils enlevés au Kosovo et conduits, au-delà de la frontière, en Albanie.
75. Lorsque nous avons cherché à comprendre comment ces actes criminels avaient pu atteindre un degré d'inhumanité supplémentaire, c'est-à-dire aller jusqu'au prélèvement forcé d'organes humains pour en faire le trafic, nous avons identifié une autre personnalité de l’UÇK qui semble faire partie des acteurs de premier plan complices de ces méfaits : Shaip MUJA.
76. La biographie personnelle de Shaip Muja dans la lutte menée pour la libération des Albanais du Kosovo ressemble, jusqu'à un certain point, à celle des autres membres du « Groupe de Drenica », dont Hashim Thaçi lui-même : militant étudiant au début des années 90[31], il devient l'un des membres du groupe d'élite des « coordinateurs » de l’UÇK établi en Albanie[32], puis membre du gouvernement provisoire du Kosovo et commandant en chef du Corps de protection du Kosovo (KPC)[33] ; après s’être mué en responsable politique civil du Parti démocratique du Kosovo (PDK), il exerce finalement des fonctions influentes auprès des autorités actuelles du Kosovo[34].
77. L’activité exercée par Muja dans le secteur médical est le fil conducteur de l'ensemble de ses fonctions. Nous ne prenons pas à la légère le fait qu'il se présente et qu'il est considéré dans de nombreux milieux comme le « Dr Shaip Muja », médecin et chirurgien, mais également, prétendument comme nous le pensons, praticien humanitaire et adepte du progrès[35].
78. Nous avons découvert de nombreux indices convergents du rôle capital joué pendant plus de 10 ans par Muja dans des réseaux internationaux nettement moins louables, comme ceux des trafiquants d'être humains, des courtiers d'actes chirurgicaux illicites et d'autres acteurs de la criminalité organisée.
79. Ces indices et éléments de preuve nous ont fait soupçonner que Muja a pu, en grande partie grâce à la carrière médicale apparemment irréprochable qu’il continuait à mener en parallèle, nouer des contacts, se dissimuler derrière ses fonctions de couverture et jouir d'une parfaite impunité pour exercer des activités criminelles organisées. On peut ici établir une analogie avec la manière dont Thaçi et les autres membres du Groupe de Drenica ont tiré parti des fonctions publiques qu'ils exerçaient, bien souvent dans le cadre de la diplomatie internationale. La seule différence, pour Muja, tient au fait que son rôle au sein de la criminalité organisée est à peine connu en dehors des réseaux criminels avec lesquels il a été en affaire et des quelques enquêteurs qui les ont traqués.
80. D'après les témoignages recueillis auprès de celles de nos sources qui ont participé aux opérations de l’UÇK en Albanie, ainsi qu'auprès d'autres compatriotes de Shaip Muja présents au sein de l'armée et des milieux politiques et qui le connaissent intimement, ce dernier serait parvenu à acquérir et à conserver une influence occulte dans les affaires de l’UÇK, au cours de cette période décisive de la fin des années 90 durant laquelle elle a obtenu le soutien de la communauté internationale.
81. Au cours des hostilités qui ont secoué le nord de l'Albanie et le long de la frontière du Kosovo et qui ont coïncidé avec l'intervention de l'OTAN en 1999, Muja, comme la plupart des autres commandants de l’UÇK, serait resté en retrait de la ligne de front, en maintenant la base de commandement opérationnel de l’UÇK à Tirana.
82. Muja, Haliti et Veseli auraient notamment recherché des moyens innovants pour utiliser et investir les millions de dollars du « fonds de guerre » constitué par les dons versés à l'étranger pour la cause de l’UÇK. Muja et Veseli auraient par ailleurs entrepris, pour le compte du « Groupe de Drenica », de nouer des contacts avec des sociétés étrangères militaires et de sécurité [36].
83. Il nous semble particulièrement intéressant de relever que, d'après ce constat, Thaçi et son « Groupe de Drenica » ont tiré parti de deux évolutions majeures de la situation après le 12 juin 1999.
84. Premièrement, le retrait des forces de sécurité serbes du Kosovo a permis à divers groupuscules de l’UÇK, dont le « Groupe de Drenica » de Thaçi, de prendre effectivement le contrôle, sans aucune entrave, d'un espace territorial élargi dans lequel ils pouvaient exercer divers trafics et activités de contrebande.
85. Après les bombardements de l'OTAN en 1999, la KFOR et la MINUK étaient incapables d'assurer, au Kosovo, le respect de la loi et le contrôle des mouvements de population ou des frontières. Les diverses factions de l’UÇK et les groupes dissidents qui contrôlaient des zones distinctes du Kosovo (villages, tronçons de route, parfois même certains bâtiments) étaient en mesure de se livrer à des entreprises de criminalité organisée pratiquement à leur guise, y compris en disposant des trophées de la victoire qu'ils semblaient avoir remportée sur les Serbes.
86. Deuxièmement, le pouvoir politique renforcé acquis par Thaçi (lorsqu'il s'est autoproclamé Premier ministre du gouvernement provisoire du Kosovo) semble avoir donné au « Groupe de Drenica » le courage d'éliminer d'autant plus agressivement ceux qu'il considérait comme des rivaux, des traîtres et des personnes soupçonnées d'avoir « collaboré » avec les Serbes.
87. Selon nos sources, le lourd tribut de victimes payé par la population albanaise du Kosovo, en particulier en 1998 et début 1999, avant et durant l'intervention de l'OTAN, avait exaspéré le commandement et les militants de l’UÇK en Albanie. Lorsque la police serbe et les forces paramilitaires se retirèrent en juin 1999, les unités de l'UÇK stationnées au nord de l'Albanie se déployèrent au Kosovo avec l'objectif proclamé de « sécuriser le territoire », mais également mues par un irrépressible sentiment de colère et, il faut bien le dire, de vengeance à l'égard de tous ceux qu'elles soupçonnaient d'avoir participé à l'oppression des populations de l'ethnie albanaise.
88. Les habitants serbes des localités majoritairement albanaises devinrent rapidement la cible de représailles, au même titre que toute personne soupçonnée – ne fût-ce que sur la foi d'accusations sans fondement proférées par les membres d'un clan rival ou dans le cadre d'une ancienne vendetta – d'avoir « collaboré » avec l'administration serbe ou travaillé pour le compte de celle-ci. Les hommes de troupe de l’UÇK reçurent l’ordre d’établir, dans le cadre d’une campagne d’intimidation menée en porte-à-porte, la liste des noms de ceux qui avaient travaillé pour les autorités évincées de l’ex-Yougoslavie (quelle que soit l’importance de leurs fonctions administratives) ou dont les parents ou partenaires avaient exercé de telles fonctions. Un grand nombre de membres de l'ethnie albanaise, ainsi que des minorités rom et autres, se sont ainsi retrouvés classés dans la catégorie de ces « collaborateurs » supposés.
89. Au vu de ces éléments, nous sommes parvenus à la conclusion que les violences commises par les membres et les auxiliaires de l’UÇK en Albanie vont bien au-delà de simples aberrations qui auraient été l'œuvre d'éléments hors-la-loi ou rebelles d'une force de combat par ailleurs disciplinée. Nous estimons au contraire que ces violences étaient suffisamment généralisées pour correspondre à un mode d'action systématique.
90. Bien que certains actes témoignent de la brutalité ou du mépris particuliers dont leurs auteurs ont fait preuve à l’égard des victimes, nous avons constaté que, de manière générale, ces violences semblent avoir été coordonnées et couvertes par une stratégie globale, préméditée et évolutive, décidée par les dirigeants du Groupe de Drenica.
91. Dans l'ensemble, ces violences sont symptomatiques du rôle de premier plan joué par la criminalité organisée au sein de la faction interne dominante de l’UÇK. Tenir des personnes captives dans des lieux de détention improvisés, hors de la connaissance ou de la portée de toute autorité, et faire en sorte que toute personne ayant appris la vraie nature des activités illégales des géôliers fait partie de la méthodologie bien connue de la plupart des structures mafieuses – et le Groupe de Drenica n’était nullement différent.
92. Le Groupe de Drenica lui-même semble avoir évolué : ayant fait partie, au début, d’une force armée - l’UÇK, ostensiblement engagée dans une guerre de libération, il se serait mu en bande surpuissante d’entrepreneurs criminels (ayant l’intention de prendre le contrôle du futur Etat). En parallèle, nous avons également détecté une transformation des activités des membres du Groupe dans un domaine particulier : les lieux de détention et le traitement inhuman des détenus.
3.3 Les lieux de détention et le traitement inhuman des détenus
93. Au cours de nos recherches, nous avons recensé six établissements distincts au moins sur le territoire albanais, situés dans une zone qui s'étendait de Cahan, au pied du Mont Pashtrik, dans la partie la plus septentrionale de l'Albanie, jusqu'à la route côtière de Durres, le long du littoral méditerranéen de l'Albanie occidentale.
94. L’UÇK n'a certes pas eu la maîtrise complète et permanente de ce territoire pendant la période qui nous intéresse, mais cela vaut aussi pour n'importe quel autre service ou entité qui aurait pu vouloir ou être en mesure d’y faire respecter la loi.
95. Cette absence du maintien de l’ordre public témoignait d'ailleurs de l’incapacité de la police et des services de renseignement albanais à réprimer le banditisme mafieux, organisé et alimenté par certaines unités de l’UÇK qui s'étaient établies au nord et au centre de l'Albanie et à mettre un terme à leur impunité. Les dirigeants régionaux de l’UÇK faisaient en effet régner leur propre loi dans la zone placée sous leur contrôle respectif.
96. Les lieux de détention sur lesquels nous avons reçu des témoignages directs de nos sources – corroborés par des éléments réunis par des journalistes d’investigation (certains datant de dix ans ou plus), et plus récemment par les efforts des enquêteurs et procureurs d’EULEX incluent : Cahan ; Kukës ; (proximité de) Bicaj ; Burrel ; Rripe (un village au sud-ouest de Burrel dans le district de Mat) ; Durres ; et, peut-être le plus important de tous, dans le cadre de notre mandat spécifique, Fushë-Krujë.
97. Au cours de nos recherches, nous avons pu nous rendre sur le site de deux de ces établissements de l’UÇK en Albanie, sans toutefois parvenir à y pénétrer. De plus, pour quatre autres établissements au moins dont nous connaissons l'existence, nous avons directement recueilli le témoignage de multiples personnes qui, nous en avons eu la confirmation, s'étaient rendues dans l'un d’eux, voire dans plusieurs d'entre eux personnellement, soit lorsqu'ils étaient utilisés par l’UÇK, soit à l'occasion de missions de contrôle effectuées depuis.
98. Le recours à ces installations ne se faisait pas de manière indépendante ou autonome : elles étaient plutôt une composante de ce même réseau coordonné placé sous l'autorité et la surveillance de certains hauts commandants de l’UÇK. Le dénominateur commun de tous ces lieux était le fait que des civils y étaient détenus, en territoire albanais, aux mains de membres et associés de l’UÇK.
99. La carte graphique incluse dans ce rapport montre les endroits où, selon nos informations, existaient des lieux de détention, et les routes de transport qui les ont reliés.
100. Il y avait néanmoins des différences considérables quant à la période et aux objectifs de l’utilisation de chacun de ces lieux de détention. Il est clair que chaque lieu de détention avait son propre « profil opérationnel », par rapport notamment : la manière dont des relations ont été formées pour permettre que des détentions et des activités annexes puissent y avoir lieu ; la nature et la composition des groupes de détenus ; les modalités d’acheminement des détenus ; et le sort qui attendait les détenus pendant et après leurs périodes de détention respectives.
101. Nous allons commencer par une déscription générale des détentions par l’UÇK en temps de guerre (certaines semblent avoir dépassé le seuil de crimes de guerre), et des détentions après la fin du conflit par des membres et des associés de l’UÇK (qui semblent constituer des activités relevant du crime organisé). Par la suite, nous examinerons de plus près ce qui s’est passé à chacun des lieux de détention sur le territoire de l’Albanie.
3.3.1 Détentions par l’UÇK en temps de guerre
3.3.1.1 la première catégorie de prisonniers : les « prisonniers de guerre »
102. Entre les mois d’avril et juin de 1999, des détentions de personnes par l’UÇK en territoire albanais étaient visiblement basées sur les impératifs stratégiques, selon ses protagonistes, de la conduite d’une guerrilla.
103. Pendant la guerre et la période des mouvements de masse de réfugiés vers l’Albanie, la politique suivie par l’UÇK aurait impliqué à soumettre à un « interrogatoire » toute personne soupçonnée d'avoir eu connaissance de quelque façon que ce soit des actes des autorités serbes, et notamment tous ceux qui étaient soupçonnés d’être des « collaborateurs ».
104. Cette politique aurait été vigoureusement appliquée en territoire albanais par de puissants éléments des services nationaux de renseignement, parmi lesquels le SHIK (devenu le SHISH) et les services de renseignement de l'armée, dont certains membres auraient même participé aux interrogatoires. Mais le véritable inspirateur de cette politique aurait été Kadri Veseli (alias Luli), un personnage-clé du Groupe de Drenica.
105. Les lieux de détentions dans lesquels ces « interrogatoires » auraient eu lieu – notamment ceux plus proche de la frontière avec le Kosovo – étaient en même temps des « bases » ou « camps » militaires – des lieux d’entraînement à partir desquels des combattants étaient envoyés au front ou fournis en armements et munitions. Il s’agissait de propriétés commerciales hors usage ou appropriées à cette fin (y compris un hotel et une usine) dans d’importantes villes provinciales ou dans leurs environs, mis à la disposition de l’UÇK principalement par des sympathisants albanais qui soutenaient la cause patriotique.
106. Certains de ces camps de temps de guerre servaient en même temps comme lieux de détention et à d’autres fins, comme au stockage de véhicules, à la dissimulation de matériel militaire lourd, au dépôt de matériel logistique ou de fournitures, comme les uniformes et les armes à feu, à la réparation de véhicules endommagés ou aux soins dispensés aux soldats blessés, voire aux rencontres entre les différents commandants.
107. Mais, pour la plupart, les prisonniers auraient été détenus à l'écart des opérations qu’on pourrait qualifier de classiques en temps de guerre et, par ailleurs, largement hors de la vue de la majorité des combattants de l’UÇK et des observateurs extérieurs qui auraient pu visiter ses bases.
108. À partir du moment où tous les prisonniers transportés en Albanie par l’UÇK étaient répartis en diverses catégories au sein du groupe général de détenus auquel ils appartenaient, et ce en fonction du destin qui leur était réservé, nous avons tout lieu de croire que la catégorie la moins importante numériquement était celle des «prisonniers de guerre» : ceux qui ont été détenus uniquement pour la durée du conflit au Kosovo, dont certains se sont évadés d'Albanie ou ont été libérés, qui sont rentrés chez eux sains et saufs et sont toujours en vie aujourd'hui.
109. Nous avons eu connaissance de l'existence de « survivants » dans cette catégorie, qui ont ensuite témoigné des crimes commis par différents commandants de l’UÇK, dans les trois lieux de détention suivants :
Cahan – camp de l’UÇK situé près de la ligne de front du Kosovo, qui a également servi de camp de base pour le déploiement de troupes ;
Kukes – ancienne usine métallurgique convertie en centre de l’UÇK destiné à de multiples usages et comportant au moins deux « quartiers cellulaires » réservés à la détention de prisonniers ;
Durres – lieu d'interrogatoire de l’UÇK situé à l'arrière de l'hôtel Drenica, état-major et centre de recrutement arrière de l’UÇK.
110. Selon des témoignages directs, étayés par les éléments des actes d'accusation établis par le Parquet spécial de la République du Kosovo, nous estimons à au moins 40 personnes au total le nombre des prisonniers détenus par l’UÇK dans un ou plusieurs des trois lieux de détention précités[37] et qui ont survécu à ce jour.
111. Ce sous-groupe comprenait essentiellement des civils appartenant à l'ethnie albanaise, ainsi que des recrues de l’UÇK, soupçonnés d'être des « collaborateurs » ou des traîtres accusés d'espionnage au profit des Serbes ou d'avoir soutenu ou fait partie des rivaux politiques et militaires de l’UÇK, notamment le LDK et les nouvelles Forces armées de la République du Kosovo (FARK)[38].
112. Les personnes qui composaient ce sous-groupe étaient principalement destinées à subir un interrogatoire ; plusieurs d'entre elles ont indiqué qu'elles avaient été interrogées brutalement par des agents des services de renseignement albanais et de l’UÇK. Au cours de la période de détention qui suivait et qui pouvaient durer de quelques jours à plus d'un mois, la plupart de ces prisonniers étaient battus et maltraités de façon totalement gratuite par leurs geôliers dans le cadre de mesures qui semblent avoir eu pour but de les punir, de les intimider et de les terroriser.
113. Sabit GEQI, Riza ALIJA (alias le « commandant Hoxhaj ») et Xhemshit KRASNIQI figurent parmi les commandants accusés d’avoir dirigé ces lieux de détention. Ces trois hommes ont occupé une place de premier plan dans les précédentes enquêtes ouvertes par la MINUK au sujet des crimes de guerre commis au nord de l'Albanie ; ils ont désormais été mis en examen par le Parquet spécial du Kosovo et devraient bientôt être traduits devant le tribunal de première instance du Kosovo[39] ; leurs biens immobiliers ont fait l'objet d'une perquisition complète.
114. Les éléments de preuve réunis à l'occasion de ces procédures semblent indiquer que ces agents de l’UÇK, ainsi que leur commandant régional du nord de l'Albanie, Xheladin GASHI, aujourd'hui décédé, étaient proches du « Groupe de Drenica » dirigé par Hashim Thaçi et agissaient de concert avec Kadri Veseli, notamment.
3.3.1.1.1 La nature des centres de détention / Cahan
115. Le camp de Cahan était le plus septentrional des centres de détention mis en place en Albanie par l’UÇK ; il était par conséquent plus étroitement concerné par les activités de la ligne de front[40]. Nous n'avons trouvé aucune indication du transport de prisonniers depuis Cahan vers d'autres centres de détention situés en Albanie, même si cette possibilité ne peut être exclue.
116. Il semble que plus un lieu de détention se situait loin à l'intérieur du territoire albanais, moins il était directement lié à l'effort de guerre de l’UÇK et plus il était associé avec le milieu de la criminalité organisée.
117. Les personnes qui ont indiqué avoir été détenues et maltraitées à Cahan auraient été principalement appréhendées de manière arbitraire et relativement spontanée, souvent au cours de patrouilles effectuées par l’UÇK à proximité du camp lui-même ou aux divers postes de contrôle installés aux points de franchissement de la frontière entre le Kosovo et l'Albanie.
118. Les personnes qui composaient ce premier sous-groupe semblent avoir été essentiellement libérées lorsque les hostilités ont cessé sur le front et que les forces de sécurité serbes se sont retirées des positions qu'elles occupaient au Kosovo en juin 1999. La survie d'un nombre important de ces prisonniers est attestée notamment par une liste de plus de 12 personnes nommément désignées et qualifiées de « victimes / témoins » dans la procédure pénale engagée à l'encontre des commandants des camps de Cahan et Kukes.
3.3.1.1.2. La nature des centres de détention/Kukes
119. Parmi les sites précis de détention secrète de civils par l’UÇK, nous avons obtenu des informations complètes sur une base installée dans les bâtiments d'une usine désaffectée, située dans la périphérie de la ville de Kukes, au nord de l’Albanie.
120. Deux témoins directs nous ont expliqué comment les prisonniers avaient été transportés sur le site de Kukes et jetés dans des cellules improvisées et insalubres, sans eau ni nourriture. Ils y auraient régulièrement subi l'interrogatoire brutal des soldats de l’UÇK ou les coups qu'ils assénaient à tort et à travers.
121. L'ampleur des mauvais traitements subis par les prisonniers de cet établissement a été méticuleusement établie, notamment, par les agents kosovars et internationaux des services du Parquet spécial du Kosovo. Le parquet a recueilli en 2009 et 2010 les dépositions de plus de 10 personnes, pratiquement toutes d’ethnie albanaise, qui ont indiqué avoir été détenues pendant une période indéterminée, avoir été frappées à l'aide de matraques et d'autres objets et avoir subi diverses formes de traitements inhumains sur le site de Kukes. Plusieurs témoins ont déclaré avoir entendu dans les couloirs les cris d'agonie des personnes détenues dans les quartiers de détention séparés les uns des autres.
122. Le Gouvernement albanais a affirmé qu'aucun corps de personnes décédées à l'occasion du conflit du Kosovo n'était inhumé sur le territoire albanais et qu'il n'y en avait d'ailleurs jamais eu. Le cas de Kukes démontre le caractère manifestement inexact de cette affirmation.
123. Premièrement, des corps jetés dans les cours d'eau du Kosovo ont été emportés par le courant au-delà de la frontière albanaise. L'exhumation de ces corps et la récupération des dépouilles par les représentants de l’OMPF au Kosovo ne devraient pas trop prêter à controverse ; mais les autorités albanaises ont jusqu'ici refusé catégoriquement toute intervention dans ces affaires.
124. Deuxièmement, il a été établi dans certains cas précis et connus que les corps de Kosovars assassinés ont été enterrés en Albanie. Ces affaires ont abouti, dans des cas démontrés par des journalistes albanais et internationaux qui ont été portés à notre connaissance, à de longues mais discrètes négociations entre les familles de ces Kosovars et les autorités chargées de l’administration de ce(s) cimetière(s) en Albanie. Il est à noter en définitive que dans un cas qui nous a été expliqué en détail par une de nos sources directes, les corps ont été exhumés et rapatriés au Kosovo pour y être inhumés en bonne et due forme par les familles. Les autorités albanaises nous ont indiqué qu'il n'avaient pas connaissance d'affaires de ce type.
125. Troisièmement, certaines allégations font état de l'existence de charniers sur le territoire de la République d'Albanie. Les services du parquet serbe chargé des crimes de guerre nous ont déclaré qu'ils possédaient des photographies prises par satellite des zones dans lesquelles se situaient ces charniers ; mais les sites eux-mêmes n'ont toujours pas été trouvés à ce jour, malgré la demande officielle de procéder à des recherches déposée par les autorités serbes auprès des autorités albanaises.
126. Nous avons obtenu les registres du cimetière de Kukes, qui semblent donner une confirmation importante à ce sujet : les corps de personnes originaires du Kosovo ont bel et bien été inhumés dans le nord de l'Albanie. Le document le plus important était une « liste des immigrés décédés du Kosovo, 28 mars 1999 – 17 juin 1999 » de cinq pages, établie par le contrôleur des services publics de la commune de Kukes, au nord de l'Albanie.
127. Ce document a par la suite été versé au dossier comme élément de preuve par le tribunal de première instance de Mitrovica, au Kosovo, sur présentation du Parquet spécial du Kosovo. Il a été établi que l’une des personnes décédées figurant sur cette liste – Anton Bisaku, n° 138 – faisait partie des victimes connues des détentions secrètes et des traitements inhumains du centre de l’UÇK de Kukes, en Albanie.
128. Selon un acte d’accusation établi en août 2010, Bisaku et un nombre non précisé d'autres civils détenus à Kukes ont été « battus et frappés à plusieurs reprises à coups de matraque et de bâton, à coups de pieds, insultés et torturés ». Dans l'acte d'accusation établi à l'encontre du prévenu Sabit Geci pour « crimes de guerre commis à l'encontre de la population civile » et « le meurtre d'un civil à Kukes, Anton Bisaku, roué de coups et abattu », le procureur spécial d’EULEX a précisé que Bisaku avait été « tué par balles à l'aide d'une arme à feu pointée sur lui alors qu'il subissait des mauvais traitements, des coups et des actes de torture infligés le 4 juin ou aux environs du 4 juin 1999 ».
3.3.2. Des détentions par des membres et associés de l’UÇK après la fin du conflit
129. Après le 12 juin 1999, des kosovars albanais ont continué à détenir des personnes pour des motifs variés incluant le désir de vengeance, le châtiment et l'appât du gain. Les auteurs – tous des membres et associés de l’UÇK, selon nos sources, ont développé des nouvelles manières de capturer et d’abuser des civils et de les transporter hors du Kosovo, tout en se servant de nouveaux lieux de détention en Albanie, différents de ceux opérés par l’UÇK en temps de guerre.
130. Dans les mois qui ont immédiatement suivi la proclamation de la fin du conflit du Kosovo en juin 1999, des membres et apparentés de l’UCK auraient placé en détention secrète sur le territoire albanais un grand nombre de personnes enlevées.
131. Il est extrêmement inquiétant à nos yeux qu’on soit toujours sans nouvelles de l'immense majorité des personnes dont nous avons pu établir qu'elles avaient été traitées de la sorte, parmi lesquelles figurent de nombreux membres de l'ethnie albanaise ; l'ouverture d'une enquête à ce sujet et le règlement de cette question par les autorités albanaises devrait être un devoir prioritaire.
132. Selon nos informations, il n’existait pas en Albanie une structure unique réservée à ces détentions secrètes, mais un réseau ad hoc complet d'installations de ce type, reliées les unes aux autres par des communications maintenues par des patrouilles qui effectuaient fréquemment les trajets entre un endroit et l’autre sur les routes départementales albanaises et à travers la frontière perméable et chaotique (surtout au moment des déplacements massifs de réfugiés au milieu de l'année 1999) entre le Kosovo et l'Albanie.
133. Nous avons ainsi recueilli le témoignage direct, corroboré par d'autres éléments, de combattants et auxiliaires de l’UÇK qui ont effectué de multiples transports vers et entre les divers établissements mentionnés dans le présent rapport et qui ont également transporté des prisonniers depuis la plupart de ces installations.
134. Au cours de ces voyages, les recrues et affidés de l’UÇK se seraient déplacés d’un établissement à l'autre, parfois en convoi, dans des véhicules privés dépourvus d'immatriculation, notamment des camions et fourgonnettes. Ils auraient transporté le personnel et le matériel logistique de l’UÇK, des provisions alimentaires, de l'alcool ou des cigarettes et des groupes de femmes destinées à l'exploitation sexuelle. Surtout, à partir de juillet 1999 et jusqu'au mois d'août 2000, ils auraient aussi transporté des prisonniers.
135. Les lieux de détention de la période post-conflictuelle se distinguent des lieux utilisés en temps de guerre : nous avons trouvé qu’ils s’agissait en premier lieu de demeures rustiques dans des zones rurales ou péri-urbaines, y compris des fermes albanaises traditionnelles et leurs bâtiments annexes.
136. Il y avait aussi au moins une structure construite à des fins spécifiques au sein du réseau de lieux de détention de l’époque suivant le conflit armé, unique par son aspect et son utilisation. C’était un centre de réception dernier cri pour le crime organisé du trafic d’organes. Cette structure était dessinée comme une clinique chirurgicale improvisée, et c’était l’endroit où certaines des personnes détenues par des membres et des associés de l’UÇK auraient subi des prélèvements de leurs reins contre leur gré. Les organisateurs de cette entreprise criminelle auraient par la suite transporté les organes humains hors d’Albanie pour les vendre à des cliniques privées étrangères faisant partie du réseau du « marché noir » international du trafic d’organes aux fins de greffe.
3.3.2.1 Deuxième catégorie de prisonniers : les « disparus »
137. Les prisonniers de cette deuxième catégorie ont été victimes de disparition forcée : aucun d'eux n'a été vu ni signalé et personne n'a entendu parler d’eux depuis qu'ils ont été enlevés du Kosovo dans les semaines et les mois qui ont immédiatement suivi le 12 juin 1999.
138. Ceux qui orchestraient cette entreprise criminelle auraient mis en place un système de « tri » à la suite duquel un petit nombre de personnes choisies parmi chaque groupe plus important de prisonniers étaient conduites à un autre endroit. Les renseignements réunis laissent penser que cette procédure de tri des prisonniers devait servir à déterminer l’aptitude des personnes choisies à l’emploi pour lequel on les destinait.
139. Parmi les facteurs jugés déterminants dans ce processus de tri, comme nous l'ont répété plusieurs de nos sources, figuraient l'âge, le sexe, l'état de santé et, de fait, l'origine ethnique, les Serbes ayant été ciblés en premier lieu.
140. On nous a signalé à plusieurs reprises que des prisonniers n'étaient pas simplement transférés, mais qu'ils étaient également « achetés » et « vendus ». À la suite de ces indications, nous avons essayé de mieux cerner les ramifications entre, d'une part, les enlèvements et détentions non déclarées commises dans le cadre du conflit et, d'autre part, l’activité de la criminalité organisée, qui jouait alors, et continue vraisemblablement à jouer un rôle significatif dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne de la région.
3.3.2.1.1 La nature des centres de détention/Rripe
141. Au cours de nos recherches, nous avons établi qu'au moins trois sources dont nous avons recueilli les témoignages étaient sans conteste physiquement présentes à la maison de la famille K. de Rripe (« Maison jaune ») près de Burrel, à l'occasion des actes criminels commis par l’UÇK, auxquels elles ont assistées.
142. Chacune de ces sources a été en mesure de donner des informations inédites et spécifiques sur l'emplacement et l'aspect précis de cette maison, les caractéristiques de son propriétaire, les hommes de l’UÇK qui y étaient affectés, ainsi que sur la nature et les responsables hiérarchiques des activités illicites qui ont été menées à cet endroit de 1999 à 2000.
143. Sur la base des témoignages de ces sources, nous pouvons conclure que la maison de la famille K. a été occupée et placée sous l'autorité de l’UÇK, qui faisaient partie d'un réseau actif dans la quasi-totalité de la moitié nord de l'Albanie.
144. Un petit groupe d'officiers supérieurs de l’UÇK aurait dirigé et supervisé de multiples arrivées de prisonniers civils à la maison K. pendant une période de près d'un an, de juillet 1999 au milieu de l'année 2000. La plupart de ces prisonniers auraient été enlevés dans les provinces méridionales du Kosovo et conduits en Albanie selon les modalités de transport déjà indiquées. Contrairement aux prisonniers de Kukes, ceux de Rripe appartenaient essentiellement à l'ethnie serbe.
145. Selon certaines sources proches de l’UÇK, il apparaît en outre qu'un grand nombre de femmes et de jeunes filles victimes de la traite des êtres humains avaient été conduites à la maison de la famille K., où elles ont fait l'objet d'une exploitation sexuelle aussi bien de la part des membres de l’UÇK que de certains hommes de la commune de Rripe.
146. Le silence des habitants de Rripe au sujet de la présence d’unités de l’UÇK et de leur activité aurait été obtenu aussi bien par la menace que par des avantages matériels notamment sous forme d’importantes sommes d’argent, de la consommation gratuite d’alcool, de drogue ou de prostituées.
147. Des preuves suffisantes semblent démontrer qu'un petit nombre de prisonniers enlevés par l’UÇK, dont certains membres d'ethnie serbe, ont trouvé la mort à Rripe, dans la maison K. ou à proximité de celle-ci. Ces décès ont été portés à notre connaissance non seulement par les témoignages d’anciens soldats de l’UÇK qui auraient participé à la détention et au transport des prisonniers encore en vie, mais également grâce aux témoignages de personnes qui ont assisté de façon indépendante à l'inhumation, l’exhumation, le transport et au nouvel enterrement des corps des prisonniers, à la fois au moment où l’UÇK occupait la maison K., puis après son départ et le retour de la famille qui y habitait.
148. Nos constatations au sujet de la maison K. semblent corroborer, dans une large mesure, les conclusions auxquelles ont abouti une équipe de journalistes d'investigation travaillant pour le compte de la société de production de documentaires « American Radio Works ». Ces conclusions ont été résumées dans une note interne confidentielle remise à la MINUK en 2003, qui a donné lieu à la mission d’enquête à la maison de la famille K. que nous avons mentionnée précédemment.
149. Mais les témoignages que nous avons recueillis ont aussi révélé une dimension des opérations menées par l’UÇK à la maison K. qui n'avait jusqu’ici été mentionnée ni par l'équipe d’« American Radio Works », ni dans les mémoires de l'ancien procureur en chef du TPIY, Carla del Ponte, ni même au cours des successives « révélations » médiatiques.
150. L’UÇK ne s'est en effet pas contentée d'amener des prisonniers à Rripe ; elle aurait également transporté certains prisonniers de Rripe vers d'autres centres de détention. D'après les témoignages recueillis auprès des chauffeurs chargés du transport des prisonniers, certaines personnes chargées à Rripe avaient déjà été transportées par leurs soins depuis le Kosovo, tandis que d'autres prisonniers de Rripe provenaient d'un autre endroit, inconnu des chauffeurs et qu'ils ne sont pas parvenus à déterminer.
151. La maison K. ne représentait par conséquent pas un point d'aboutissement ni une destination finale dans ce réseau de transport de prisonniers et de centres de détention reliés les uns aux autres. Le rôle précis de cette maison et son importance dans l'ensemble des opérations avaient peut-être été mal appréciés jusqu’à présent.
152. La maison K. semble en réalité avoir davantage tenu lieu « d’étape intermédiaire », où les prisonniers en transit étaient détenus en attendant d'être conduits à la mort et où, selon certaines sources, ils étaient soumis à des formes de « traitement » ou de « tri » apparemment bizarres, et notamment à des tests sanguins ou à des examens de santé.
3.3.2.1.2 Observations sur les conditions de détention et de transport
153. Les prisonniers auraient été détenus en secret dans ces établissements sous la surveillance permanente de gardes armés, soit dans les pièces des bâtiments principaux, soit dans des granges, des garages, des entrepôts où d'autres dépendances destinées au stockage.
154. Au cours de leur transport entre ces bâtiments, les prisonniers auraient habituellement été entassés dans des fourgonnettes et des camions, entravés les mains liées derrière le dos et attachés aux éléments intérieurs fixes du véhicule.
155. Les chauffeurs de ces fourgonnettes et camions – dont plusieurs sont devenus des témoins capitaux pour les types de violences indiqués – ont vu et entendu les prisonniers souffrir considérablement au cours de ces transports, notamment à cause du manque d'air dans le compartiment du véhicule où ils se trouvaient ou par suite des tourments psychologiques dans lesquels les plongeait le sort qui, d'après leurs suppositions, leur était réservé.
3.3.2.2 Troisième catégorie de prisonniers : les « victimes de la criminalité organisée »
156. Le sous-groupe qui attire le plus notre attention, notamment parce que son sort a fait l'objet d'un très fort sensationnalisme et a été généralement mal compris, comporte les prisonniers que nous considérons comme des « victimes de la criminalité organisée ». Nous pensons qu'une poignée d'entre eux ont été conduits au centre de l'Albanie pour y être assassinés avant de subir le prélèvement de leurs reins dans une clinique improvisée.
157. Les prisonniers de cette catégorie ont indéniablement enduré une effroyable épreuve entre les mains de leurs geôliers de l’UCK. D'après des témoignages directs, les prisonniers placés à l'issue d'un « tri » dans ce dernier sous-groupe étaient dans un premier temps maintenus en vie, bien nourris, autorisés à dormir et traités avec une relative modération par les gardiens et les hommes de main de l’UÇK, qui frappaient d'ordinaire les prisonniers à tort et à travers.
158. Chaque prisonnier aurait séjourné dans au moins deux centres de détention transitoires ou camps « d’étape », avant d'être livré à la clinique pratiquant l'opération. Ces camps « d’étape », apparemment contrôlés par des agents et des auxiliaires de l’UÇK proches du « Groupe de Drenica », se seraient situés notamment dans les lieux de détention suivants :
Bicaj (environs de) – maison appartenant apparemment à un propriétaire privé et située dans un petit village au sud de Bicaj, à la campagne, à proximité de la route principale de Peshkopi ;
Burrel – ensemble situé à la périphérie de la ville de Burrel et composé d'au moins deux structures distinctes dans lesquelles les prisonniers étaient enfermés, ainsi que d'une maison dans laquelle les agents se réunissaient et se reposaient ;
Rripe – maison autonome de deux étages d'une exploitation agricole, appelée la maison K. ou la « maison jaune », qui a fait l'objet d'une visite médico-légale commune de la MINUK et du TPIY en 2004, après avoir été identifiée par des journalistes d'investigation ;
Fushë-Krujë – autre maison autonome de deux étages faisant partie d'une exploitation agricole, située à l'écart des grands axes et au centre d'un vaste ensemble, qui aurait servi de « refuge » à la fois aux affidés de l’UÇK et aux autres groupes de criminels organisés qui se livraient au trafic de drogue et à la traite des êtres humains.
La nature des centres de détention/Fushë-Krujë
159. C'est dans ce dernier site découvert au cours de notre enquête, à Fushë-Krujë, que le processus de « tri » serait arrivé à son terme et que le petit groupe de prisonniers sélectionnés par l’UÇK aurait trouvé la mort.
160. Plusieurs éléments solides que nous avons recueillis auprès de témoins directs laissent penser qu’au cours de leur transit dans les divers sites provisoires certains prisonniers au moins avaient pris conscience du sort qui les attendait. Dans les centres de détention où ils se trouvaient à portée de voix d'autres personnes victimes de la traite des êtres humains, ainsi que durant leur transport, quelques-uns de ces prisonniers auraient imploré leurs geôliers de leur épargner le fait d'être « découpés en morceaux »[41].
161. Les prisonniers devaient être informés, au plus tard lorsqu'on leur prélevait du sang à l'aide d'une seringue pour procéder à des tests (une mesure qui semble s'être apparentée à des « tests de compatibilité immunologique » ou à une définition des niveaux de compatibilité de transplantation des organes) ou lorsqu'ils étaient examinés physiquement par des hommes qualifiés de « médecins », qu'ils étaient traités comme une sorte de produit médical. D'après le témoignage de sources directes, ces tests et examens étaient pratiqués aussi bien à Rripe qu’à Fushë-Krujë.
162. Les témoignages sur lequel se fondent nos conclusions évoquent de manière crédible et cohérente la méthodologie suivie pour l'assassinat de tous les prisonniers, en général par une balle en pleine tête, avant qu’ils ne soient opérés pour qu’un ou plusieurs organes leur soient prélevés. Nous avons appris qu'il s'agissait principalement d'un commerce de « reins prélevés sur des cadavres », c'est-à-dire d'un prélèvement posthume des reins, et non d'une série de procédures chirurgicales sophistiquées qui exigeaient des conditions cliniques contrôlées et, par exemple, l'usage intensif d'anesthésiques.
163. Des sources indépendantes et distinctes, internes à l’UÇK, nous ont communiqué un certain nombre d'éléments et de perspectives sur le fonctionnement du réseau de trafic d'organes : d'une part, du point de vue des chauffeurs, gardes du corps et autres « facilitateurs » chargés des tâches logistiques et pratiques de la livraison des corps à la clinique ; d'autre part, du point de vue des « organisateurs » et des chefs de réseaux criminels qui auraient passé des accords commerciaux de fourniture d'organes humains à des fins de transplantation en échange de généreuses rétributions financières.
164. L'aspect concret de ce trafic était relativement simple. Les prisonniers conduits jusqu'à Fushë-Krujë (ce qui représente plusieurs heures de conduite difficile depuis Rripe ou Burrel) étaient tout d'abord détenus au « refuge ». Le propriétaire de cette maison, membre de l'ethnie albanaise, aurait entretenu à la fois des liens claniques et des rapports de criminalité organisée avec les membres du « Groupe de Drenica »[42].
165. Lorsqu’il était confirmé que les chirurgiens chargés de la transplantation étaient en place et prêts à opérer, les prisonniers auraient étaient menés un à un hors du « refuge », sommairement exécutés par balle par un agent de l’UÇK et leurs corps étaient transportés rapidement à la clinique où avait lieu l'opération.
166. La procédure chirurgicale appliquée – extraction des reins sur un cadavre au lieu d'un prélèvement chirurgical sur un donneur vivant – est le moyen le plus courant d'acquisition de dons d'organes et de tissus à des fins de transplantation, mis à part la manière criminelle d’obtention des cadavres. D'après les éminents experts en transplantation d'organes que nous avons consultés au cours de notre enquête, cette procédure est efficace et présente de faibles risques[43].
167. D'après les sources, l'axe Fushë-Krujë avait été choisi pour accueillir ces établissements à cause de sa proximité avec le principal aéroport qui desservait Tirana. Les installations de cette plate-forme du réseau de trafic d'organes – le « refuge » et la clinique utilisée pour les opérations – étaient par conséquent faciles d'accès à la fois pour recevoir des visiteurs internationaux et pour procéder à l'expédition des organes.
4. La clinique Medicus
168. Au cours de nos recherches, nous sommes venus à connaissance d’informations qui vont plus loin, par étendue et détails, de ce que nous avons illustré dans ce rapport. Elles semblent indiquer l’existence d’un véritable trafic international criminel d’organes humains, impliquant des complicités dans au moins trois différents pays étrangers (en dehors du Kosovo), pendant plus d'une dizaine d'années. Nous avons notamment récolté des indications crédibles et convergentes qui induisent à conclure que le trafic d'organes qui a eu lieu après la fin du conflit, et que nous avons décrit dans ce rapport est, en fait, étroitement lié à l'affaire contemporaine autour de la clinique « Medicus », avec, du moins en partie, les mêmes acteurs, aussi bien kosovars qu’étrangers. Par respect pour l'enquête et la procédure judiciaire en cours conduite par EULEX et le Bureau du Procureur spécial du Kosovo, nous renonçons, pour le moment, de rendre public les résultats de nos recherches sur cet aspect spécifique. Nous ne pouvons,cependant, que vivement encourager toutes les autorités des pays concernés par l’enquête « Medicus » de collaborer pleinement pour établir la vérité et les responsabilités de ce trafic infâme
5. Le plafonnement invisible de l'obligation de rendre des comptes
169. Nous avons trouvé que les enquêtes actuellement menées et les mises en accusation déjà prononcées sous l'égide du Parquet spécial du Kosovo souffrent d'un « plafonnement invisible » de l'obligation de rendre des comptes incombant aux responsables de ces actes.
170. L'action menée par le Parquet spécial des autorités du Kosovo pour que justice soit rendue au nom de la population kosovare semble se heurter à deux obstacles principaux. La première difficulté tient au fait que les autorités du Kosovo gèrent et limitent soigneusement l'étendue des enquêtes ; leur collaboration avec l’EULEX souffre ainsi d'un profond manque de confiance[44].
171. Deuxièmement, il semble que les auteurs de ces actes préfèreraient d'être traduits en justice pour le rôle qu'ils sont supposés avoir respectivement joué dans la gestion des camps de détention et le trafic d'organes humains que de compromettre les anciens hauts commandants de l’UÇK sous les ordres desquels ils auraient agi et qui sont aujourd'hui devenus des responsables politiques et économiques.
172. C’est avant tout la coûtume ancestrale, encore très ancrée dans certaines couches de la société, de la loyauté viscérale envers le clan ou son équivalent dans la sphère de la criminalité organisée qui semble empêcher de nombreux Kosovars d'obtenir que la justice soit véritablement rendue. Même lorsque les malfaiteurs ne font pas partie d'un même clan ou d'une même famille élargie, leur allégeance envers leur « parrain » de la pègre est aussi indestructible que des liens familiaux.
173. C'est la raison pour laquelle Sabit Geqi évitera soigneusement de compromettre les véritables responsables – aujourd’hui devenus d’honorables personnalités publiques - à propos des actes de torture commis à l’encontre des prisonniers civils à Kukes. De même, Ilir Rrecaj continuera à accepter de subir les conséquences de son statut de bouc émissaire pour les actes d'autorisation et de financement illicites de la clinique Medicus de Pristina, plutôt que de désigner les véritables responsables de ces agissements criminels organisés au Kosovo dans le secteur de la santé.
174. Tout ceci a pour effet de permettre à des dirigeants politiques d’écarter de manière plausible les allégations selon lesquelles l’UÇK aurait pris part à des actes de détention, de torture et d'assassinat en Albanie, et de présenter comme simple « spectacle » orchestré par la propagande politique serbe des allégations sérieuses méritant, comme nous l’avons vu, des enquêtes bien plus poussées que celles qui ont eu lieu jusqu’à présent.
6. Quelques réflexions conclusives
175. Ce rapport – rappelons-le une fois encore – a été provoqué par les révélations publiées dans le livre de l’ancien Procureur du TPIY. Choquée par ces divulgations, l’APCE nous a confié la mission de procéder à un examen plus approfondi concernant ces allégations et les violations des droits de l’homme qui auraient été commises au cours de la période en question au Kosovo. Les faits dénoncés dans le livre de l’ancien Magistrat se référaient essentiellement à un trafic d’organes humains. Nos recherches, difficiles et délicates, nous ont permis non seulement de confirmer ces révélations, mais aussi de les préciser et de tracer un tableau sombre et inquiétant de ce qui s’est passé et, en partie, continue à se passer au Kosovo. Notre tâche n’était pas de mener une enquête pénale – nous n’en avons ni le pouvoir, ni, surtout, les moyens – et encore moins de prononcer des jugements de condamnation ou d’absolution.
176. Les faits que nous avons recueillis sont cependant d’une gravité exceptionnelle et se sont passés au coeur de l’Europe. Le Conseil de l’Europe et ses Etats membres ne peuvent rester indifférents face à une telle situation. Nous avons mis en évidence l’existence d’un important phénomène de criminalité organisée au Kosovo. Ce n’est pas une nouveauté et ce n’est pas une exclusivité du Kosovo, il est vrai. Dans la région, le crime organisé est très redoutable également en Serbie, au Monténégro, en Albanie, pour ne faire que des exemples. Il existe d’ailleurs des relations et des complicités étonnantes et inquiétantes entre ces différentes bandes. Leur collaboration semble d’ailleurs être bien plus efficace qu’entre les autorités judiciaires nationales et internationales. Nous avons souligné et documenté les connexions troubles, parfois manifestes, entre crime organisé et politique, y compris des représentants des institutions ; cela aussi n’est pas une nouveauté, du moins pour ceux qui n’ont pas voulu à tout prix fermer les yeux et se boucher les oreilles. Le silence et l’absence de réactions face à un tel scandale sont, en fait, tout aussi graves et inacceptables. Nous n’avons pas colporté de simples rumeurs, mais décrit des faits qui se fondent sur de multiples témoignages, des documents et des faits objectifs. Ce que nous avons découvert n’est certes pas totalement inédit : des rapports d’importants services de renseignements et de police ont déjà dénoncé et illustrés en détail ces mêmes faits depuis longtemps. Sans suite, car les chancelleries privilégiaient à chaque fois le profil bas, le silence, pour de prétendues considérations d’ « opportunité politique ». Mais quels intérêts pourraient bien justifier une telle attitude qui fait fi de toutes les valeurs que l’on ne manque jamais de publiquement invoquer ? Au Kosovo tout le monde est au courant de ce qui s’est passé et de ce qui se passe encore, mais les gens n’en parlent pas, sinon en privé ; ils attendent depuis longtemps que la vérité, toute la vérité – pas celle officielle – soit finalement établie. Notre seule ambition, aujourd’hui, est d’être le porte-parole de ces hommes et femmes du Kosovo, mais aussi de Serbie et d’Albanie, sans distinction d’ethnie ou de religion qui n’ont qu’une aspiration: que la vérité soit établie, que l’on mette fin à une impunité scandaleuse et, finalement, qu’ils puissent vivre en paix. C’est une condition indispensable pour une véritable réconciliation et une stabilité durable de cette région. Au cours de notre mission, nous avons rencontré des personnes – des locaux et des « internationaux » – de très grande valeur qui se battent contre l’indifférence et pour une société plus juste. Ils ne méritent pas seulement notre sympathie, mais, aussi et surtout, notre plein soutien.
[1] Les Etats-Unis disposent d’une ambassade dotée de ressources impressionnantes ainsi que d’une base militaire dont l’importance va bien au-delà de la dimension régionale.
[2] « L’héritage de la MINUK » nous a été décrit d’une façon très imagée et qui se passe de commentaires : « 300 000 pages en désordre ».
[3] Nous avons appris que les participants de la KFOR (par exemple le Royaume Uni) ont emporté toutes leurs archives ; celles-ci sont accessibles aux enquêteurs de EULEX seulement sur la base de requêtes individuelles motivées, une procédure complexe qui ralenti considérablement le travail de la justice.
[4] Au moment de notre visite en janvier 2010, EULEX n’avait toujours pas accès aux dossiers du TPIY ; mais le procureur du TPIY aurait assuré EULEX récemment que l’accès serait accordé prochainement.
[5] Ce sont les chiffres de l’OMPF (Office for Missing Persons and Forensics/Bureau des personnes disparues et des sciences légistes) concernant les cas non encore clarifiés jusqu’à 2010; la Croix-Rouge parle de 1000 personnes environ disparues après l’arrivée de la KFOR, pour une grande partie des Serbes, mais aussi des Kosovars albanais considérés comme « traîtres ».
[6] L’OMPF, actuellement co-dirigé par un représentant d’EULEX et un représentant des autorités kosovares, aurait été créé, d’après ce qu’on nous a dit « pour nettoyer le chaos légué par la MINUK et le TPIY » .
[7] Surtout des cas de la « période de chaos » de juin à fin octobre 1999 ; les soldats de la KFOR n’étaient pas qualifiés pour le travail de police et leurs rapports des lieux des crimes étaient souvent inutilisables.
[8] Un exemple auquel nous avons été confrontés lors de la visite d’information a Pristina concerne des fouilles dans une mine où devaient se trouver une trentaine de cadavres de serbes. Les entreprises locales employées pour exécuter les travaux ont été menacées par la population locale, ce qui a considérablement retardé les recherches. D’après ce qu’on nous a dit, l’attitude de la population kosovare est de considérer celui qui donne des informations sur des tombes de Serbes comme un « traître ».
[9] Des enquêteurs d’Eulex nous ont indiqué que la coopération des autorités albanaises est “zéro”. La réponse, après plusieurs mois, à une demande de coopération officielle était que les recherches demandées (concernant le camp de Kukës) étaient « retardées par un désastre naturel ». D’autres « internationaux » nous ont aussi confirmé qu’il y a une « forte résistance des autorités kosovares à coopérer pour résoudre des cas de personnes disparues serbes et de « traîtres » kosovars. D’autres représentants internationaux ont confirmé que l’Albanie n’a jamais autorisé des exhumations sur son territoire : « Il n’y a pas eu de guerre ici, donc il n’y a pas de tombes à chercher ».
[10] Il y aurait des réticences même au sein de l’OMPF par rapport aux disparitions intervenues après le 12 juin 1999.
[11] Lettre de Serge Brammertz, Procureur du TPIY, en date du 19 décembre 2009. Dans un entretien que j’ai eu avec Mme Carla Del Ponte en 2009, l’ancienne Procureure m’avait assuré que ce matériel devait être conservé dans les archives et que leur destruction n’était simplement pas concevable.
[12] De telles demandes ont été adressées en mars 2009 aux pays suivants: Allemagne, Belarus, Canada, Fédération de Russie, Israël, Moldova, Pologne et Turquie. Au moment de la rédaction de ce rapport, seulement le Canada aurait fourni une réponse adéquate.
[13] Voire le communiqué de presse d’EULEX du 15 octobre 2010 :
http://www.eulex-kosovo.eu/en/pressreleases/0098.php ainsi que l’article de Nebi Qena (AP) du 12 novembre 2010 : http://news.yahoo.com/s/ap/20101112/ap_on_re_eu/eu_kosovo_organ_trafficking/print
[14] cité dans l’arrêt Limaj.
[15] Carla del Ponte a elle-même déclaré à propos du procès Limaj que « l'impunité, alimentée par la peur, était en mesure de prévaloir ». Voir del Ponte et Sudetic, The Hunt, chapitre 11 : Confronting Kosovo, page 26.
[16] L’UCK s'est développée au Kosovo pendant la plus grande partie des années 90 en ralliant le soutien de combattants volontaires, des hommes de tous âges issus de leurs villages respectifs, pour s'unir autour de chefs comme Adem JASHARI et constituer de petites unités armées, ou « brigades », sur l'ensemble du territoire du Kosovo. De nombreuses recrues de cette « UCK patriote », qui formait effectivement une armée de paysans, ont suivi un entraînement aux combats de guérilla dans des camps situés au nord de l'Albanie et ont fait passer au Kosovo des armes de contrebande avec lesquelles devaient être menés des actes de résistance armée. Nous avons recueilli au cours de notre enquête plus d'une douzaine de témoignages d'hommes appartenant à l'ethnie albanaise, qui ont pris part à cette campagne de « résistance ». Lorsque Jashari et de nombreux membres de sa famille et affidés ont trouvé la mort à l'occasion de la répression organisée par les forces de sécurité serbes en 1998, cette forme initiale de l’UCK a bel et bien pris fin et est entrée dans le folklore comme une expression romantique de la libération du Kosovo, dont Jashari est devenu le martyr.
[17] Les principaux partis politiques rivaux des récentes séries d'élections ont été le Parti démocratique du Kosovo (Partia Demokratike e Kosovës, ou PDK) et l’Alliance pour l'avenir du Kosovo (Aleanca për Ardhmërinë e Kosovës, ou AAK), qui sont tous deux dirigés par des commandants d'anciens « groupuscules » de l’UCK et comptent un grand nombre d'anciens combattants de l’UCK parmi leurs membres.
[18] Nous avons relevé à ce propos les remarquables aveux de Nazim Bllaca, qui s'était présenté l'an dernier et avait déposé en indiquant que ces services de renseignement servaient aux assassinats ciblés et à diverses formes de racket ; le tableau de ce monde secret brossé par Bllaca correspond à celui que nous avons découvert au gré de nos recherches.
[19] A cet égard, nos constatations correspondent aux conclusions présentées par les représentants internationaux des missions de contrôle de l'armée et des services de renseignement – depuis la Force de stabilisation de l'OTAN pour le Kosovo (KFOR) jusqu'à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), en passant par la Central Intelligence Agency (CIA) des États-Unis – dans des rapports publiés sur divers sujets au cours des 15 dernières années.
[20] La zone d'influence du Groupe de Drenica et de ses affidés au Kosovo à proprement parler s'est toutefois étendue bien au-delà de ce lieu précis : ils contrôlaient en effet fermement les cartels criminels qui exerçaient leurs activités notamment, mais pas exclusivement, dans les communes d’Istok, Srbica, Skenderaj, Klina, Prizren et Pristina.
[21] Voir par exemple LE MONDE du 11 décembre 2010, « Hashim Thaçi, l’homme fort du Kosovo en quête de reconnaissance »
[22] Thaçi a par exemple été nommé chef de la délégation des Albanais du Kosovo au Sommet de Rambouillet.
[23] L'administration américaine chargée de la lutte contre le trafic de drogue (Drug Enforcement Administration) a ainsi indiqué, dans un rapport publié au printemps 1999, que les organisations de trafiquants de drogue composées d'Albanais du Kosovo « occupaient la deuxième place, immédiatement après les gangs turcs, dans le trafic d'héroïne du circuit des Balkans ».
[24] Il s’agit entre autres des services allemands (BND), italiens (SISMI), britanniques (MI6) et grecs (EYP).
[25] Voir p.ex. le rapport de l’iep (Institut für Europäische Politik, Berlin) du 9 janvier 2007 établi pour le Ministère Féderal de la Défense allemand (“Operationalisierung von Security Sector Reform (SSR) auf dem Westlichen Balkan – intelligente/kreative Ansätze für eine langfristig positive Gestaltung dieser Region”); le document classé secrèt était néanmoins disponible sur internet; à la page 57, les auteurs indiquent que “Thaçi est considéré dans les milieux de la sécurité comme encore beaucoup plus dangereux que Haradinaj, comme l’ancien chef de l’UCK dispose de réseaux criminels plus étendus au niveau international.” (traduction par nos soins)
Un autre rapport du service de renseignement allemand (Bundesnachrichtendienst/BND) également classé secret mais disponible sur internet (BND Analyse vom 22.02.2005) nomme MM. Haliti, Thaçi, Lluka et Haradinaj comme les personalités-clés de la criminalité organisée au Kosovo et explore, sur 27 pages d’analyses denses, notamment les ramifications du “groupe de Drenica”.
Nous ne nous sommes pas contentés d’étudier ces rapports, et d’autres, mais nous nous sommes entretenus avec plusieurs personnes directement impliqués sur le terrain dans leur élaboration.
[26] Fatmir Limaj, ancien commandant de haut rang de l’UCK, a été mis en examen, jugé et finalement acquitté par le TPIY au cours d'une procédure qui s'est heurtée à de nombreux problèmes d'intégrité des preuves.
[27] Au cours des 10 dernières années, les services de renseignements de plusieurs pays d'Europe occidentale, les services répressifs comme le Federal Bureau of Investigation (FBI) aux États-Unis et les analystes de diverses nationalités qui travaillaient pour les structures de l'OTAN ont établi, à partir de sources solides, des rapports qui font autorité et se corroborent les uns les autres à propos des activités illicites de ce « Groupe de Drenica ».
[28] Il existe au minimum de solides preuves documentaires qui permettent de démontrer que ce groupe et ses commanditaires financiers ont pris part à des activités de blanchiment d'argent, de contrebande de drogue et de cigarettes, de traite des êtres humains et de prostitution, tout en procédant à une violente monopolisation des plus importants secteurs économiques, dont les carburants et le bâtiment.
[29] Ces fonds provenaient avant tout des contributions versées par la diaspora kosovare ; ils étaient déposés sur des comptes bancaires étrangers, notamment en Allemagne en Suisse. Les moyens financiers mis à la disposition de Thaçi et du cercle de ses proches collaborateurs ont considérablement augmenté avec la création d'un fonds spécialement destiné à l’UCK, l’Atdheu Thërret (« L’appel de la patrie »).
[30] Il me semble judicieux de souligner l'excellente enquête journalistique du Balkan Insight Reporters’ Network (BIRN), qui a consacré en avril 2009 un article sur les éléments du réseau de camps de détention de l’UCK en Albanie (Altin Raxhimi, Vladimir Karaj et Michael Montgomery)
[31] Tandis que Thaçi était inscrit à l'Université de Pristina et s'est distingué comme le dirigeant du mouvement des étudiants albanais du Kosovo, Muja a étudié la cardiologie à l'Université de Tirana et a rejoint les éléments les plus militants de la résistance albanaise à l'oppression serbe du Kosovo.
[32] Muja était le « coordinateur médical » général de l'état-major général de l'UCK, une fonction qui l'amenait à contrôler la fourniture des traitements médicaux destinés aux soldats blessés de l’UCK et aux autres situations d'urgence des zones d'opération de l’UCK. Muja a notamment utilisé l'hôpital militaire de Tirana, en Albanie, et a géré les fournitures et le matériel considérables acquis par l’UCK grâce aux dons provenant de l'étranger. En 1998 et 1999, en sa qualité de représentant officiel de l’UCK assisté par des éléments de l'armée albanaise et des services secrets albanais, Muja a également géré un ensemble divers d'autres infrastructures : un hélicoptère au moins, plusieurs projets de construction solidement financés et l'aménagement de logements improvisés – notamment de maisons et appartements privés – destinés aux commandants, recrues et auxiliaires de l’UCK qui se rendaient en Albanie depuis l'étranger, y compris à ceux dont la destination finale était le Kosovo.
[33] Muja a exercé la double fonction de coordinateur des soins médicaux et de la santé du gouvernement provisoire du Kosovo, sous la tutelle du Premier ministre provisoire Thaçi, et de commandant du 40e bataillon médical du Corps de protection du Kosovo (KPC).
[34] Au moment de la rédaction du présent rapport, en décembre 2010, Shaip Muja exerçait au sein de l'administration de Hashim Thaçi la fonction de conseiller politique principal auprès du cabinet du Premier ministre, où il était notamment chargé du portefeuille de la santé.
[35] On attribue généralement à Muja le fait d'avoir contribué à mettre en place un système de « télémédecine » au Kosovo, qui permet d'administrer des soins de santé et de procéder à des actes chirurgicaux à distance, avec l'assistance de médecins, en reliant les participants grâce à Internet.
[36] L’influence conjuguée de Muja et Veseli dans ce domaine a perduré tout au long de la phase de transition du Corps de protection du Kosovo ; les deux hommes auraient joué un rôle central dans la conception des structures de renseignement et des mécanismes de prise de décisions stratégiques au sein du PDK. Parmi les prestataires externes aux services desquels ils auraient eu recours figurent, selon certaines informations, les membres des services secrets albanais, des sociétés américaines de sécurité et militaires privées.
[37] Cette estimation de 40 personnes ne comprend pas celles qui ont été très brièvement détenues à Durres, le temps d'être interrogées par les agents des services de renseignements de l’UCK.
[38] Le groupement militaire baptisé Forcat e Armatosura të Republikës së Kosovës, ou FARK (« Forces armées de la République du Kosovo »), combattait officiellement pour la libération du Kosovo tout comme l’UCK, mais les commandants de cette dernière le traitaient avec mépris et soupçon, comme un adversaire. Les FARK, politiquement proches du LDK, étaient considérés comme le bras armé du gouvernement en exil de Bujar Bukoshi. Contrairement à l’UCK, les FARK avait été formées à partir d'un noyau d'officiers expérimentés issus de l'ethnie albanaise et qui avaient servi dans l'Armée fédérale yougoslave. Les commandants de l'UCK se montraient très soupçonneux à l'égard des FARK et s'efforçaient de les empêcher de recruter de nouveaux combattants et de s'approvisionner en armes et munitions. L’UCK a détenu de nombreuses personnes, surtout des civils originaires du Kosovo, au nord de l'Albanie, près de la frontière du Kosovo, personnes qu'elle accusait de soutenir les FARK et de manquer par conséquent de loyauté à l'égard de la cause de l’UCK.
[39] Geqi et Alija ont été arrêtés respectivement en mai et juin 2010 et accusés de crimes de guerre commis sur la population civile. Malgré les preuves suffisantes réunies contre le troisième suspect, Krasniqi, celui-ci était toujours en fuite au moment de la rédaction du présent rapport et ne pouvait être mis en accusation dans le cadre de la procédure pénale kosovare. En attendant l'arrestation de Krasniqi et l'administration efficace de la justice, le procès des trois hommes devrait avoir lieu devant le tribunal de première instance de Pristina ou de Mitrovica début 2011.
[40] Les sources dont nous disposons au sein de l’UCK nous ont indiqué que Cahan était en fait un camp d'étape où l’UCK faisait halte lors de sa progression à travers la frontière montagneuse du Kosovo. Les combattants de l’UCK stationnés à Cahan ont la réputation d'avoir lancé « l’Opération Aero », une incursion exceptionnelle en territoire serbe fin mai 1999.
[41] J’aimerais souligner, par souci d'objectivité, que certaines sources ont évoqué cette peur ressentie par les prisonniers en dramatisant les faits à l'excès. Nous n'avons, par exemple, trouvé aucun élément corroborant l'allégation selon laquelle certaines victimes avaient subi le prélèvement d'un rein, puis avaient été « recousues » et à nouveau détenues avant le prélèvement d'un deuxième rein.
[42] La collusion du propriétaire avec des réseaux d'exploitation sexuelle, d'immigration illicite en Europe et de contrebande, notamment de trafic de drogue et d'armes, a conduit à son arrestation par les forces de l'ordre albanaises ; il semble cependant n'avoir eu aucun lien avec les crimes commis par le réseau de l’UCK.
[43] Contrairement au scepticisme général que rencontre la possibilité que des opérations aient pu être pratiquées en Albanie en 1999-2000 pour alimenter le trafic d'organes, les experts que nous avons consultés directement ont jugé l'emploi de cette méthodologie parfaitement plausible et ont eu connaissance d'activités analogues, tout aussi illicites, dans lesquelles des prélèvements étaient effectués sur des cadavres.
[44] L’accès limité des enquêteurs d’EULEX aux bases de données constituées en matière de criminalité par leurs homologues du Kosovo illustre cette question de la gestion de l'information. Les dirigeants locaux ont accordé à contrecœur aux agents d’EULEX l’accès au système informatique de la police du Kosovo (KPIS), mais uniquement au travers d'une poignée de noms d'utilisateurs et de mots de passe qui devaient être associés à la procédure de connexion d'un agent connu et désigné d’EULEX. Les recherches menées au travers de chacun de ces noms d'utilisateurs pouvaient ainsi être directement surveillées par les agents de liaison de la police du Kosovo, qui savait ainsi systématiquement à quel moment ou à quelle fréquence EULEX avait effectué des recherches et sur quelle personne précise elles avaient porté. Cette situation n'a pas permis aux enquêteurs de police des temps modernes d’échapper à de vulgaires problèmes techniques, puisque le système informatique KPIS était régulièrement en panne. Son équivalent consacré aux numéros d'immatriculation des véhicules, KVIS, a également pu être consulté par les enquêteurs d’EULEX après une période de négociation avec la police du Kosovo, qui s'est montrée à peine coopérative. Mais la version de cette base de données mise à leur disposition était exclusivement en albanais, contrairement au prototype initial élaboré conjointement sous l'autorité de la MINUK. MMA (« Monitoring, Mentoring and Advising »), sigle résumant les relations entre EULEX et la police kosovare, n'a guère d'importance lorsque les partenaires kosovars font très exactement ce qu'ils veulent ; les agents de liaison internationaux n'ont alors d'autre recours que de rédiger un rapport qui suivra la voie hiérarchique et atterrira sans doute sur un bureau, quelque part à Bruxelles, pour y être traité avec une diligence minime, soucieuse du respect des convenances politiques.
Hashim Thaçi, criminel de guerre et président du Kosovo, est reçu à l’Elysée
Cette visite de chef d'Etat n'a été que très peu médiatisée et pour cause : Hashim Thaçiancien chef de l'UCK et actuel président du Kosovo est certainement l'homme d'état européen dont la réputation est la plus détestable ;
source : TV Libertés - Journal du 15 Mars 2018
Europe / Kosovo : Hashim Thaçi, du fait de son ancien rôle de leader de l'organisation terroriste UCK est impliqué dans un grand nombre d'activités mafieuses mais est surtout considéré comme criminel de guerre impliqué dans des trafics d'organes humains, cela ne l'a pas empêché d'être reçu en grande pompe à l'Elysée par Emmanuel Macron dans le cadre d'une tournée en Europe de l'ouest où il tâche de s'acheter une respectabilité. Cette visite est une faute morale ainsi que l'explique le colonel Hogard à l'époque en charge d'opérations dans les Balkans, et pour que le tableau soit complet la visite a été agrémentée par la présence de l'ancien ministre Bernard Kouchner qui aurait pourtant grandement intérêt à se faire oublier pour la circonstance.
source : la voix de la Russie - Journal du 13 Mai 2013
Petit rappel sur les liaisons troubles du French Doctor dans cette épouvantable affaire (jamais vraiment jugée depuis) de trafic d'organes humains prélevés sur des prisonniers serbes par des terroristes albanais, on se souvient particulièrement de son éclat de rire indécent à la question de journalistes serbes sur la présence de "maison jaune" au Kosovo (la maison de l'horreur des prélèvements d'organes).
Tags : Trafic d’organes Guerre Mafia Bernard Kouchner Emmanuel Macron
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Quand Macron accueille à l’Elysée un “parrain” accusé de trafic d’organes
Scandale. Hashim Thaçi, président sulfureux du Kosovo, s’est dit “impressionné” par l’“énergie” de son hôte français.
La visite n’apparait pas à l’agenda présidentiel. Le 14 mars, Emmanuel Macron a reçu tout sourire à l’Elysée Hashim Thaçi, président sulfureux du Kosovo. En 2011, un rapport du Conseil de l'Europe l’accusait pourtant d’avoir dirigé pendant la guerre du Kosovo, à la fin des années 1990, un trafic international d'organes, prélevés surtout sur des prisonniers serbes.
Dans un message publié sur Twitter, le dirigeant kosovar a révélé la tenue de leur rencontre, diffusé les seules photos de l'événement et salué une « excellente réunion de travail avec Emmanuel Macron à Paris, preuve d'un lien fort entre le Kosovo et la France », se disant même « impressionné par son énergie et son dévouement pour le progrès au Kosovo et dans les Balkans Occidentaux. Sa prochaine visite dans la région créera un nouvel élan ».
Sur Facebook, Hashim Thaçi a également évoqué « une discussion amicale » et remercié Emmanuel Macon pour « sa vision et son dynamisme », qui « donne de l'espoir à toute l'Europe, y compris les pays qui aspirent à s'intégrer dans l'Union Européenne ». Il a même choisi une photo de leur rencontre pour illustrer sa page officielle sur le réseau social. Dans la foulée, il a décoré Alain Juppé (en présence de Bernard Kouchner) et Nicolas Sarkozy.
Le plus dangereux des « parrains de la pègre » de l’UCK
« De nombreux indices concrets et convergents confirment que des Serbes ainsi que des Kosovars albanais ont été tenus prisonniers dans des lieux de détention secrets sous contrôle de l’UÇK au Nord de l’Albanie et soumis à des traitements inhumains et dégradants, pour finalement disparaître », affirmait le rapport européen. Les détenus étaient conduits en Albanie, exécutés d’une balle dans la tête, opérés et leurs organes vendus à des cliniques étrangères.
Le document accablant, adopté à l’époque par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) à Strasbourg, évoquait aussi des exécutions sommaires et des enlèvements visant les opposants politiques d'Hashim Thaçi, désigné comme l’organisateur du trafic et qualifié par des services secrets de pays de l’OTAN comme le plus dangereux des « parrains de la pègre » du mouvement séparatiste de l’UCK, l'Armée de libération du Kosovo.
Un dirigeant soutenu par la mafia albanaise
Thaçi dirigeait alors le « Groupe de Drenica », réunissant des personnalités de premier plan de l’UCK et accusé par le rapport d’avoir « renforcé dans des proportions phénoménales son assise dans les activités criminelles organisées, à l'époque florissantes au Kosovo et en Albanie ». Il aurait d’ailleurs agi avec « le soutien et la complicité » des structures de gouvernance officielles de l'Albanie, et notamment du gouvernement socialiste, mais également des services secrets albanais et de « la redoutable mafia albanaise ».
« Les services chargés de la lutte contre le trafic de drogue de cinq pays au moins précisent, dans des rapports confidentiels qui s'étendent sur plus de dix ans, que le commerce de l'héroïne et d'autres narcotiques était contrôlé de façon violente par Hashim Thaçi et d'autres membres du “Groupe de Drenica” », poursuivait le rapport officiel. « Thaçi et ces autres membres du “Groupe de Drenica” sont constamment qualifiés “d'acteurs clés” dans les rapports des services de renseignement consacrés aux structures de type mafieux de la criminalité organisée du Kosovo. »
Assassinats, détentions, agressions...
« Les sources directes dont nous disposons indiquent de manière crédible que Haliti, Veseli, Syla et Limaj, ainsi que Thaçi et les autres membres du cercle de ses proches collaborateurs, auraient ordonné, et parfois personnellement veillé au bon déroulement d'un certain nombre d'assassinats, de détentions, d'agressions et d'interrogatoires dans diverses régions du Kosovo et notamment, ce qui nous intéresse tout particulièrement, à l'occasion d'opérations menées par l’UÇK sur le territoire albanais, entre 1998 et 2000 », est-il encore écrit.
Le document de 27 pages, rédigé par le député suisse Dick Marty, avait ainsi approfondi les accusations portées en 2008 par l'ancien procureur du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, Carla del Ponte. En réaction, Hashim Thaçi, alors Premier ministre du Kosovo, avait quant à lui dénoncé un rapport « scandaleux », avant de le comparer à la « propagande de Goebbels ».
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