La proximité intellectuelle
entre les deux mouvements totalitaires est aussi ancienne que documentée.
« Polémique : Un élu
compare le PS aux nazis » titra Le
Matin dans son édition du lundi 7 juillet. Un élu de la commune de
Vernier se serait ainsi livré sur son blog à une odieuse
comparaison apparentant le parti-national socialiste d’Adolf à un mouvement
socialiste parmi tant d’autres, dont celui des socialistes suisses…
Effacée depuis, la phrase
incriminée ne put échapper à la vigilance du journaliste de garde. Il y avait
péril en la demeure puisque l’individu serait un « récidiviste »,
ayant osé une autre comparaison du même acabit il y a trois ans à peine ! Les
rôles étaient distribués et le bûcher dressé. Tout était en place pour un
procès médiatique retentissant… Mais le contraire se produisit. Au lieu du
tollé attendu, un flot de commentaires allant en faveur de l’élu ou rappelant
les accointances entre la gauche et le nazisme força Le Matin à
supprimer promptement toute contribution des lecteurs sur le sujet. Caramba,
encore raté !
Il faut croire que certains
membres du grand public connaissent mieux l’histoire que nos journalistes au
point de les troubler, car la proximité intellectuelle entre les mouvements
totalitaires – nazisme, communisme, fascisme – est aussi ancienne
que documentée.
Une si belle amitié
Dans le flot de l’histoire,
attardons-nous sur un point particulier, la résistance française contre
l’occupant nazi lors de la Seconde Guerre Mondiale où comme le mentionne
l’historien François Furet « le PCF estime avoir été résistant
avant même que la France ne soit occupée, avant même que la guerre ne
commence ». L’historiographie en
marche…
L’épisode de la Seconde Guerre
Mondiale est important parce que la thèse de la résistance au nazisme est
centrale dans l’argumentation des communistes (et par extension de toute la
gauche) pour démontrer, par sa haine du nazisme, le fossé censé séparer les
deux idéologies.
En réalité, il n’en fut rien.
Des documents
d’époque établissent clairement que le Parti Communiste français ne
rentra en résistance qu’en 1941, lors de la rupture du pacte germano-soviétique
et l’ouverture du Front de l’Est. Si les communistes français prirent
officiellement les armes contre les nazis, ce fut sur ordre de Moscou.
Mais avant ? Les communistes
étaient-ils prêts à en découdre en attendant juste une occasion ? Pas vraiment.
Comme le rappellent les
professeurs Jean Marie Goulemot et Paul Lidsky dans un ouvrage au titre
iconoclaste, l’ambiance fut excellente entre les communistes et les nazis
aux premières heures de l’occupation, le tout au nom de la lutte contre la
bourgeoisie :
Il est particulièrement
réconfortant en ces temps de malheur de voir de nombreux travailleurs parisiens
s’entretenir avec les soldats allemands, soit dans la rue, soit au bistro du
coin. Bravo camarades, continuez même si cela ne plaît pas à certains bourgeois
aussi stupides que malfaisants ! La fraternité des peuples ne sera pas
toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante. (L’Humanité, 4
juillet 1940)
L’Humanité ne dut sa
réimpression qu’à la bonne volonté de l’occupant face aux demandes réitérées du
PC français. Les communistes, bon princes, invitaient les Français à collaborer
avec leurs nouveaux maîtres. Le national-socialisme cohabitait en bonne entente
avec la branche locale de l’internationale socialiste. Comme le dit la déclaration
d’intention du 20 juin du PCF aux nazis, « notre lutte
contre Bonnet, Dal, Ray, Man cela a facilité votre victoire », « pour
l’URSS nous avons bien travaillé par conséquent par ricochet pour vous ».
Enfin, si les communistes
finirent par prendre les armes contre les nazis, c’était non à cause d’une
opposition idéologique mais seulement à cause de circonstances propres à la
guerre – les mêmes qui eurent aussi pour effet d’allier l’URSS de Staline aux États-Unis
de Roosevelt sans que personne n’ose prétendre qu’une vision du monde
rassemblât les deux pays.
La Seconde Guerre Mondiale jeta
des peuples les uns contre les autres sans la moindre unité de doctrine.
Autrement dit, la lutte armée entre l’Allemagne nazie et l’URSS n’est pas
constitutive d’une incompatibilité idéologique.
Le socialisme comme valeur
commune
La bonne entente temporaire entre
les deux courants du socialisme donna lieu à un film documentaire récent, fort peu
diffusé dans la sphère francophone (tout comme le film polonaissur le
massacre de Katyn) mais éclairant bien
des passerelles entre les deux idéologies. Rien n’est plus faux que le premier
mythe du communisme, à savoir qu’il partirait de « bonnes
intentions » :
Le communisme c’est la guerre
des classes, et la guerre des classes implique de liquider une partie de la
population. Pour restructurer la société, il faut d’abord tuer non seulement
les opposants, mais aussi les intellectuels, les meilleurs travailleurs, les
ingénieurs, etc. Des groupes entiers de la société. C’est le genre d’ingénierie
sociale qu’ont mis en œuvre Lénine et Staline, Mao et Pol Pot, pour ne citer
que les plus sanguinaires. Cette ingénierie sociale forcée répond aussi à
des critères ethniqueslorsque des peuples sont considérés comme trop
réactionnaires. Karl Marx et Friedrich Engels prônaient eux-mêmes «
l’extermination des Serbes et autres peuplades slaves, ainsi que des Basques,
des Bretons et des Highlanders d’Écosse », tous des peuples trop peu évolués
pour la révolution communiste et faisant ainsi obstacle à l’inéluctable «
progrès » de l’humanité.
Les communistes furent donc non
seulement aussi racistes que les nazis mais ajoutèrent l’épuration de classe à
l’inventaire de leurs massacres. Marx écrivit dans son journal que « les
classes et les races trop faibles pour maîtriser les nouvelles conditions de
vie… » devaient« périr dans l’holocauste
révolutionnaire ».
L’idéal socialiste ne
s’embarrasse pas de sentiments. Si nazis et communistes divergeaient sur la
méthode (nationalisme par la conquête ou internationalisme par la révolution)
l’objectif du socialisme était partagé, d’où une collaboration de bon aloi entre
les deux groupes:
De septembre 1939 à juin 1941,
les Soviétiques [livrèrent] aux Allemands des groupes entiers de Juifs qui
avaient fui l’occupant allemand. Le NKVD communiste [aida] à former la Gestapo
nazie. Soviétiques et Allemands [discutèrent] ensemble de la manière dont il
fallait résoudre la « question juive » en Pologne occupée. Les images d’archive
de ces officiers soviétiques et allemands qui trinquent ensemble ou de cet
officier communiste qui fait le salut nazi aux officiers SS devant un groupe de
prisonniers juifs apeurés « rendus » aux Allemands sont sans équivoque. (…) La
coopération entre le régime nazi et le régime bolchevique était un fait bien
avant le Pacte Molotov-Ribbentrop et elle ne [s’arrêta pas] au simple partage
des territoires d’Europe centrale entre les deux puissances.
Si le socialisme n’est pas une
forme de nazisme, le nazisme est définitivement une forme
de socialisme. Cet aspect était revendiqué par Adolf Hitler lui-même :
« Nous sommes
socialistes, nous sommes les ennemis du système capitaliste tel qu’il existe
c’est-à-dire basé sur l’exploitation de ceux qui sont économiquement faibles
avec ses salaires injustes et l’estimation de la valeur de l’être humain qu’il
établit à partir des seuls critères de richesse et de patrimoine plutôt que
celles de responsabilité et de performance, nous sommes déterminés à détruire
ce système par tous les moyens. » (Adolf Hitler, discours du 1er mai 1927)
La Seconde Guerre Mondiale mit
fin au nazisme mais tous ne furent pas tués. On connaît l’histoire de
scientifiques recrutés par les Américains ou récupérés par les Soviétiques pour
leurs programmes spatiaux respectifs ; ceux-ci firent carrière en dépit de
leurs liens avec le régime nazi. Il n’en est pas de même avec les anciens
SS recrutés par Fidel Castro pour former ses troupes cubaines ;
ceux-là furent recrutés explicitement à cause de leur passé.*
Aujourd’hui encore, le néonazisme
survit en Allemagne avant tout sur
les territoires de l’ancienne RDA. Ce n’est pas un hasard.
* De nombreux nazis trouvèrent également refuge dans les pays musulmans du Moyen-Orient (Égypte, etc.).
Connaître l’histoire
Les socialo-communistes de notre
époque ne sont pas des adeptes du nazisme, bien au contraire. Ils ont reçu
comme tout le monde l’enseignement de la vérité officielle selon laquelle
nazisme et communisme se sont combattus historiquement parce qu’ils étaient
l’opposé l’un de l’autre. Il n’empêche que cette thèse est fausse. Le passé
brosse un portrait nettement plus nuancé des relations entre deux idéologies
apparentées.
Aussi, lorsqu’un individu
mentionne que les nazis formaient un mouvement socialiste parmi tant d’autres,
il n’exprime rien d’autre que les faits historiques, fussent-ils dérangeants.
On peut comprendre que la gauche contemporaine se sente offusquée par une telle
comparaison, mais au lieu d’intenter
une action en justice pour faire taire le fauteur de trouble, elle
devrait plutôt faire preuve d’humilité face à son passé… Et se livrer à
davantage d’introspection.
Peut-on espérer que la haine
légitime de la gauche envers le nazisme l’amène un jour à remettre en question
les objectifs
politiques qu’elle a en commun avec lui ?
—
Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.
Sur le web.
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