Telford : «On
s'inquiète plus d'un éventuel racisme de la classe ouvrière que de l'abus
sexuel d'enfants» (19.03.2018)
«Le racisme
anti-blanc impose l'omerta médiatique» (19.03.2018)
Plan de lutte
contre le racisme : les associations saluent les mesures annoncées (19.03.2018)
Racisme et
antisémitisme sur le net: le gouvernement veut renforcer la responsabilité des
réseaux sociaux (19.03.2018)
3 hommes mis en
examen pour financement du terrorisme (19.03.2018)
Comment le
Vatican a censuré une lettre de Benoît XVI (18.03.2018)
Jeune fille au
pair tuée à Londres : ouverture du procès du couple de suspects (19.03.2018)
Une nouvelle
bombe fait deux blessés au Texas (19.03.2018)
Syrie : les
Turcs prennent Afrine aux Kurdes (18.03.2018)
Après Afrine, la
Turquie veut élargir l'offensive contre les Kurdes syriens (20.03.2018)
Erdogan savoure
une victoire stratégique à Afrine (20.03.2018)
Afrine : une
défaite qui marque le début de la fin du rêve du Kurdistan syrien (20.03.2018)
Kendal
Nezan : «L'abandon des Kurdes par l'Occident est une grave erreur
politique» (20.03.2018)
Soupçons de
financement libyen de la campagne de 2007 : deuxième jour de garde à vue pour
Nicolas Sarkozy (20.03.2018)
Takieddine,
l'homme qui relance l'affaire des financements libyens dans la campagne de
Sarkozy (17.11.2016)
Soupçons de
financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy : de quoi parle-t-on
? (20.03.2018)
Comme Néandertal,
l'Homme de Denisova s'est accouplé avec Homo sapiens (20.03.2018)
Prisons : la
France affiche un taux de détention sous la moyenne européenne (20.03.2018)
Les emportements
de Mahmoud Abbas contre Washington et le Hamas (20.03.2018)
Le cri des femmes
syriennes en quête de leurs maris «disparus» dans les prisons du régime
(18.03.2018)
Au Bangladesh,
les Rohingyas organisent leur survie (11.03.2018)
Le Qatar, de la
perle à la culture (21.03.2018)
L'appel des 100
intellectuels contre le «séparatisme islamiste» (19.03.2018)
Poutine, la
Russie et la France : la veuve d'Alexandre Soljenitsyne se confie au Figaro
(20.03.2018)
Révélations sur
une opération secrète de l'armée israélienne (21.03.2018)
Syrie : Erdogan
affirme que le centre d'Afrine est sous contrôle (18.03.2018)
Carles Puigdemont
: «Le gouvernement espagnol a tendu un piège à la Catalogne» (18.03.2018)
Jean-François
Kahn : «La droite n'est plus libérale, et les féministes sont devenues
staliniennes...» (16.03.2017)
Riom: un patient
blesse six employés de l'hôpital (18.03.2018)
Un couple
incarcéré après la découverte d'un corps démembré au Havre (17.03.2018)
Un migrant
mortellement poignardé à Calais (17.03.2018)
Buzyn ne croit
pas à la "convergence des luttes" (18.03.2018)
Un Israélien
poignardé à Jérusalem-Est (18.03.2018)
Telford : «On s'inquiète plus d'un éventuel racisme de la
classe ouvrière que de l'abus sexuel d'enfants» (19.03.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Pour
l'universitaire britannique Joanna Williams, le relatif silence médiatique
autour du scandale de Telford (1000 jeunes filles violées en 40 ans par des
gangs pakistanais et bangladais) révèle l'hypocrisie du mouvement «MeToo».
Joanna William est une
universitaire et auteur britannique. Elle a écrit récemment «Women VS Feminism»
(Emerald Publishing Limited, 2017) un essai où elle s'en prend au féminisme
victimaire et appelle à en finir avec la «guerre des genres».
Selon une enquête du Sunday
Mirror, jusqu'à un millier d'enfants, dont les plus jeunes âgés de 11 ans,
auraient été victimes d'agressions et de viols, parfois collectifs, depuis les
années 1980 à Telford, une ville de 170.000 habitants du centre de
l'Angleterre, et la police aurait échoué à démanteler le réseau de pédophiles.
Les autorités n'ont pas «tenu de dossiers» sur les agresseurs, membres de
communautés asiatiques, par crainte de «racisme».
LE FIGARO.- Selon vous, la
manière dont les médias britanniques ont couvert le scandale Telford révèle
l'hypocrisie du mouvement «MeToo». Que voulez-vous dire par là?
Joanna WILLIAMS.- Depuis
que #MeToo a fait la une des journaux en octobre dernier, nous avons eu droit à
une pluie continue d'histoires de harcèlement sexuel dont ont été victimes
certaines femmes - principalement des femmes de haut niveau. Ce sont en grande
partie des témoignages de journalistes de la classe moyenne, de vedettes de
cinéma, d'actrices ou de femmes politiques.
«En regroupant toute une gamme
d'expériences non désirées, du viol au toucher du genou, les infractions les
plus graves risquaient de se banaliser»
Quelques jours après le début de
«MeToo», j'ai écrit un article analysant le caractère individualiste voire
narcissique d'un tel mouvement- qui devenait concentré sur les expériences
personnelles de quelques femmes disposant d'une plateforme et établissant un
récit basé d'abord sur leurs propres souffrances. J'ai aussi fait remarquer
qu'en regroupant toute une gamme d'expériences non désirées, du viol au toucher
du genou - les infractions les plus graves risquaient de se banaliser. Il est
difficile de prendre au sérieux l'agression sexuelle quand on la compare au
toucher du genou qui s'est produit ou non dix ans plus tôt.
En réponse à ces critiques, de
nombreuses femmes du mouvement «MeToo» ont affirmé qu'elles ne parlaient pas
pour élever leur propre carrière mais pour aider celles qui étaient moins
capables de s'exprimer - faute de plateforme ou de sécurité financière leur
donnant la force nécessaire. «MeToo» n'était pas, nous a-t-on dit, un mouvement
de célébrités, mais un élan populaire destiné à briser le silence autour du
harcèlement sexuel pour les personnes les plus faibles.
Or, les histoires terribles qui
ont émergé de Telford - de nombreuses jeunes filles ont été violées pendant de
nombreuses années - ont attiré relativement peu l'attention des médias. On
aurait pu croire pourtant que les partisans de «MeToo» trouveraient là une
occasion idéale de montrer pleinement leur souci des autres. Au lieu de cela,
des journaux comme The Timeset The Guardian, qui ont
consacré de nombreuses pages à la question de savoir si un politicien a touché
ou non un genou d'un journaliste, ont eu peu de choses à dire sur Telford. Il
n'y a pas eu de militants qui se sont précipités pour être photographiés.
Quelles sont les raisons
profondes de ce silence?
Il y en a plusieurs.
1.#MeToo c'est d'abord «moi»:
c'est un mouvement conduit par des égocentriques qui n'aiment rien davantage
que d'être le sujet de leur propre histoire. Aucune des filles violées à
Telford n'avait une télévision ou des pages de journal à remplir.
2. Telford, comme Rotherdam ou
Newcastle n'est pas Londres. C'est un monde différent de la bulle
métropolitaine des diners en villes et de Twitter. Les femmes riches et
connectées conduisant le mouvement «MeToo» n'ont aucune idée de l'endroit où se
situe Telford- sans parler des gens qui y vivent. Les victimes de Telford- des
filles de la classe ouvrière blanche- sont considérées comme des
extraterrestres par beaucoup à Londres.
3. «MeToo» a rendu les gens
tellement préoccupés par les démonstrations publiques d'affections non
désirées, des rapprochements maladroits et des baisers non voulus, que nous ne
sommes plus sensibles aux véritables abus. Nous avons dépensé toute notre
indignation pour le toucher de genou. Il n'y en a plus pour le viol des
enfants.
4. Les coupables de Telford
étaient principalement des hommes musulmans, pakistanais et bangladais. Les
commentateurs de la classe moyenne sont beaucoup plus inquiets d'un potentiel
racisme ou islamophobie de la classe ouvrière blanche que de l'abus des
enfants. Cela signifie que toute discussion doit être auto-censurée et traitée
avec beaucoup de précaution pour ne pas déclencher le racisme qui est supposé
être au cœur des communautés ouvrières.
«Les victimes de Telford - des
filles de la classe ouvrière blanche - sont considérées comme des
extraterrestres par beaucoup à Londres»
Pensez-vous que le mouvement
«MeToo» soit un mouvement élitiste déconnecté de la vie ordinaire des femmes?
Oui, bien sûr. Je pense que la
grande majorité des femmes reconnaissent que le harcèlement sexuel n'est pas
leur plus gros problème dans la vie et que les hommes - leurs frères,
partenaires, fils, amis et collègues - ne sont pas dans leur écrasante majorité
de vils harceleurs. Les femmes s'habillent encore pour sortir, flirtent, et
aiment nouer des relations avec les hommes. Elles ne veulent pas que les hommes
aient trop peur de les approcher. Certaines femmes reconnaissent même que leur
sexualité leur donne un certain pouvoir- ou capital- et elles sont heureuses de
l'exploiter sans être perçues comme des victimes ayant besoin d'aide. La
plupart des femmes se moquent des discussions autour des baisers volés et des
mains sur le genou. Elles sont plus que capables de dire à un homme que son
attention n'est pas désirée.
Mais enfin, selon vous, le
harcèlement sexuel au travail n'est pas une réalité?
«MeToo pousse les hommes et
les femmes les uns contre les autres, prisonniers d'une guerre des “genres”»
La plupart des femmes qui
occupent un emploi régulier - dans les supermarchés ou les cafés, comme
secrétaires, enseignantes ou infirmières - n'ont pas le temps de tweeter leurs
expériences de vie et si elles subissent un harcèlement sexuel, elles règlent
le problème d'une autre manière. La réalité, cependant, est que le harcèlement
sexuel sur le lieu de travail était plus fort lorsque les femmes avaient peu de
pouvoir sur le marché du travail. Aujourd'hui au Royaume-Uni, les femmes
occupent plus d'emplois que jamais auparavant et constituent la majorité de
nombreuses professions. Les changements dans la vie des femmes et les
changements dans la loi signifient que les femmes ne sont pas aussi vulnérables
au travail qu'il y a une génération. Cela ne veut pas dire que le harcèlement
sexuel ne se produit jamais - mais cela arrive moins souvent que le mouvement
«MeToo» nous amène à croire et la plupartdes femmes sont tout à fait capables
d'y faire face.
Vous avez écrit un livre
intitulé Femmes VS Féminisme où vous appelez à en finir avec
la guerre des sexes. Pensez-vous que le mouvement «MeToo» réveille et
radicalise cette guerre des sexes?
Oui. Mon plus gros problème avec
«MeToo» est que ce mouvement présente les femmes comme des victimes innocentes
et les hommes comme de vilains coupables. Cela est mauvais pour les hommes, qui
risquent d'être accusés à tort et de voir leur réputation perdue sans
possibilité de se défendre. Mais c'est bien pire pour les femmes. Elles en viennent
à se considérer comme des victimes, menacées partout. Comment peuvent-elles
présenter des arguments solides et convaincants en faveur de salaires plus
élevés si, en même temps, elles se présentent elles-mêmes comme faibles et
vulnérables?
Au moment de la révolution
sexuelle, les femmes se sont battues pour être libres de profiter de la
sexualité comme les hommes. Selon la logique de «MeToo», les femmes auraient
besoin de protections spécifiques. Pourtant les chaperons, les couvre-feu et
les dortoirs unisexes ne sont pas si loin derrière nous. Il semble que les
féministes d'aujourd'hui soient pour le rétablissement de ces anciennes
restrictions contre lesquelles leurs aînées s'étaient battues. «MeToo» pousse
les hommes et les femmes les uns contre les autres, prisonniers d'une guerre
des «genres». Je crois que la plupart des hommes et des femmes sont plus
heureux en travaillant côte à côte, en partenariat, plutôt que de se voir les
uns les autres en ennemis.
«Le racisme anti-blanc impose l'omerta médiatique»
(19.03.2018)
FIGAROVOX/CHRONIQUE -
Gilles-William Goldnadel évoque le racisme anti-blanc, dont très peu de médias
ou d'associations osent parler. Selon l'avocat, c'est ce tabou qui explique le
silence médiatique autour du scandale d'abus sexuels révélé à Telford.
Gilles-William Goldnadel est
avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes
les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
Le racisme antiblanc est le trou
le plus noir de l'information comme de la réflexion. Si vous aimez la tranquillité,
évitez donc de le nommer. Ou utilisez si possible une circonlocution. Essayez
plutôt «détestation anti-occidentale».
Vous éviterez ainsi le
chromatisme gênant. On peut parler des noirs, davantage encore du racisme qui
les frappe. Mais évoquer le blanc, sauf de manière négative, voilà qui est
gênant. Et très inélégant. En parler le moins possible. J'ai connu une époque,
pas très lointaine, où les organisations antiracistes autoproclamées
contestaient l'existence même de l'aversion du blanc. Lorsqu'on la leur mettait
juste dessous leurs yeux, elles la reconnaissaient du bout des lèvres pincées
en alléguant le fait que seules des organisations «d'extrême droite» se
souciaient de cette question très secondaire. Bref, une pirouette assez
primaire. De nos jours, lorsque le temps est clair, certaines condescendent
toutefois à se saisir de cas emblématiques, pourvu que le traitement soit
discret et homéopathique.
L'actualité récente me permet, à
travers deux exemples, l'un en creux, l'autre en plein, de faire sonder du
doigt le trou noir maudit.
Prenez Mayotte. On a tout dit sur
les dernières manifestations d'exaspération de la colère populaire des Mahorais
à propos de l'immigration massive et invasive.
On a dit que cette colère était
légitime. On a dit que cette immigration était insupportable pour la population
autochtone. On a reconnu sans barguigner le lien entre immigration excessive,
illégale et criminalité. On a convenu également qu'elle était facteur de misère
sociale, médicale et d'appauvrissement. On a accepté sans pousser de hauts cris
de questionner la légitimité du droit du sol. On a reconnu qu'il existait
effectivement «des Français de papier» qui avaient indûment instrumentalisé le
droit du sol français pour devenir nos concitoyens pour de pures questions
d'opportunité financière. On a tout dit, sauf que les Mahorais qui se
plaignaient légitimement mais parfois violemment seraient des racistes, des
xénophobes ou des populistes extrémistes.
On voudra bien à présent se
donner la peine de comparer le regard compréhensif et même empathique porté par
le monde médiatique et politique à l'égard des Mahorais exaspérés avec celui
qui embrasse, si l'on ose dire, la population métropolitaine qui, aujourd'hui
majoritairement, considère l'immigration illégale et massive comme un facteur
d'inquiétude majeure. Encore que les réactions de celle-ci soient infiniment
plus calmes que celle de la population mahoraise, qui peut honnêtement nier que
le jugement médiatique et politique soit dans le meilleur des cas condescendant
et dans le pire haineux et méprisant? Pour ceux qui ne veulent pas comprendre
ce qui explique cette différence de regard, je vais leur mettre crûment la
réalité sous les yeux. La population française métropolitaine, à la différence
des Comoriens musulmans de Mayotte, est majoritairement chrétienne, blanche et
occidentale. Par conséquent plus facilement soupçonnable de racisme,
précisément par un préjugé raciste insoupçonné et indicible.
Les exactions contre les
fermiers blancs en Afrique australe font partie des territoires occultés de
l'information.
Mais que j'ose nommer et que j'ai
déjà expliqué par l'Histoire.
À présent, passons au second
exemple explicite et extérieur à la France.
L'excellente revue National
Geographic s'est livrée récemment à une autocritique en règle en
examinant de quelle manière, au siècle dernier, elle était restée indifférente
à la réalité et à la souffrance noires.
D'un siècle l'autre, d'un excès
l'autre, et, parfois, d'une souffrance l'autre. Je ne crains pas en effet d'appliquer
cette saine autocritique au présent et à la souffrance blanche que l'on cache,
que l'on tait ou que l'on ne veut pas voir.
C'est ainsi que les exactions
contre les fermiers blancs en Afrique australe font partie des territoires
occultés de l'information. Au Zimbabwe, la quasi-totalité des fermiers blancs
ont été expulsés. De très nombreux fermiers massacrés. L'ex-dictateur Mugabe,
récemment déchu, refusait de répondre à un journaliste parce qu'il était blanc.
C'est dans ces conditions que la revue Jeune Afrique (et non
un journal occidental) a écrit: «Les abus et les erreurs commis par
Londres, les colons britanniques et leurs descendants, pour beaucoup restés
fidèles à Ian Smith, ont été nombreux. Mais en répliquant avec une politique
aussi inconséquente, Mugabe aura surtout ajouté de la souffrance à
l'injustice.» De la souffrance blanche. Selon la BBC, cette politique
a détruit l'économie du Zimbabwe basée sur l'agriculture, qui est dans une
situation catastrophique avec une hyperinflation et une réapparition du
choléra.
Qui pourrait prétendre
honnêtement que ce racisme-là a été condamné par la classe médiatique
antiraciste?
En République Sud-Africaine, la
situation n'est aujourd'hui pas meilleure. De très rares articles dans la
presse écrite française s'en saisissent pour décrire «le
massacre oublié des fermiers blancs». Les télévisions françaises s'en désintéressent
complètement.
Plus indiscutable et plus
récemment encore, le 22 février 2018, l'agence Reuter, dans une indifférence
totale, annonçait que «dans un souci de soigner les divisions du passé,
le président sud-africain fraîchement élu Cyrille Ramaphosa avait annoncé que
l'expropriation de terres sans compensation était envisagée pour accélérer leur
redistribution aux Sud-Africains noirs».
Si les mots ont un sens, cette
annonce aurait dû plonger tous les hommes de bonne volonté, sincèrement désireux
d'harmonie entre les peuples, dans un état de consternation ou d'hébétude.
Si cette mauvaise décision est en
effet menée à bien, elle tournera définitivement le dos à la politique de
pardon et de réconciliation chère à Mandela et à Declercq. Elle signifiera la
fin du pays «arc-en-ciel». Plus désespérément encore, elle signifiera qu'un
règlement politique pacifique basé sur la concorde et non le rapport de force
est une chimère. Elle donnera raison aux pessimistes et aux cyniques.
Mais il y a peut-être encore
pire: l'incroyable omerta qui couvre pour l'heure en France les crimes sexuels
autour des filles blanches ayant été découverts dans la commune anglaise de
Telford.
Près de mille jeunes filles ont
fait l'objet de viols collectifs et de trafic de proxénétisme violent de la
part d'hommes issus principalement de la communauté pakistanaise. L'affaire
connue depuis plusieurs mois, vient de prendre désormais une dimension
extravagante et met en cause la police et les médias.
À l'époque de «Balance ton porc»,
où les violences faites aux femmes font l'objet d'une attention obsessionnelle
permanente, le silence qui entoure ce drame immonde prend un tour
invraisemblablement obscène et scandaleux.
Je renvoie notamment aux articles
du Birminghammail et du Mirror du 11 mars 2018 ainsi qu'à la note Wikipédia en
français issue de la note anglaise qui vient d'être complétée: «Suite
aux nouvelles révélations en mars 2018 dans le Sunday Mirror, la journaliste
Johanna Williams du magazine Spiked, s'émeut que ce qui semble être le pire
scandale d'abus sexuels sur des enfants de Grande-Bretagne ait reçu
relativement peu de couverture et ne fasse pas la une de journaux tels que le
Guardian ou le Times , alors que depuis plusieurs mois, le harcèlement des
femmes est dénoncé comme par exemple par le mouvement Me Too dont elle dénonce
l'hypocrisie et le silence assourdissant». Comme de nombreux
journalistes anglais le reconnaissent désormais, ces nouvelles révélations sont
issues d'enquêtes du Daily Mirror et ont montré que l'étendue des abus était
beaucoup plus vaste que ce qui avait été révélé auparavant.
À l'époque de «Balance ton
porc», le silence qui entoure ce drame immonde prend un tour
invraisemblablement obscène et scandaleux.
«Comme dans les autres
affaires similaires, les auteurs étaient très majoritairement d'origine
pakistanaise et bangladaise et de religion musulmane. Par crainte d'être
considérées comme racistes, les autorités ont longtemps refusé d'enquêter» (Steve
Bird The Télégraph du 9 décembre 2017).
Pendant ce temps, les
pseudo-antiracistes hystériques et les néo-féministes frénétiques à moralisme
chromatiquement variable restent calmes.
La souffrance, quand elle est
blanche, demeure une zone noire interdite de visite.
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Plan de lutte contre le racisme : les associations saluent
les mesures annoncées (19.03.2018)
- Par Valentine Arama
- Mis à jour le 19/03/2018 à 16:42
- Publié le 19/03/2018 à 16:09
Parmi les mesures détaillées
ce lundi, un point du nouveau plan contre le racisme retient particulièrement
leur attention : celui de la lutte contre les contenus illicites sur Internet.
«Mener une lutte plus efficace
contre le déferlement de haine sur la toile». C'est une des mesures phares
annoncées par Edouard Philippe ce lundi, à l'occasion de la présentation du nouveau plan de l'exécutif contre le
racisme et l'antisémitisme. Le premier ministre a notamment insisté sur le fait
qu'il comptait appeler les opérateurs Internet et les géants du Web comme
Google, Facebook, Twitter ou YouTube a «prendre leurs responsabilités». Pour
les associations antiracistes, qui plaident depuis plusieurs mois pour que le
gouvernement hausse le ton face aux propos racistes, antisémites et
discriminatoires qui pullulent sur Internet, cette mesure est aussi
indispensable qu'attendue. Quant aux autres volets du plan, tous les
représentants associatifs concèdent de réels progrès, tout en regrettant
parfois que les mesures n'aillent pas plus loin, notamment en matière
d'éducation.
● Lutter contre la haine
sur Internet
La loi française va être modifiée
afin de «renforcer les obligations de détection, de signalement, de suppression
et de prévention de contenus illicites» sur Internet, a martelé Edouard
Philippe lors de son discours. «C'est l'axe le plus innovant du plan», affirme
Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, l'observatoire du
conspirationnisme et des théories du complot. Pour ce dernier, il était urgent
que l'exécutif s'empare de ce sujet brûlant afin d'emmener les GAFA vers une
régulation européenne qui ne dépende pas uniquement du premier amendement de la
Constitution des États-Unis, relatif à la liberté d'expression. Une vision
partagée par Mario Stasi, président de la Licra (Ligue Internationale contre le
Racisme et l'Antisémitisme), qui se félicite que cette lutte soit devenue une
priorité du gouvernement. «Cela fixe un cadre clair et concret, qui devrait
permettre d'engager un combat législatif sur le sujet», confie Mario Stasi.
Si cette annonce «est un bon
début» pour Sacha Ghozlan, le président de l'Union des Étudiants Juifs de
France (UEJF), il estime néanmoins que le plan pourrait aller plus loin. «C'est
bien de vouloir légiférer, mais cela va prendre du temps. On devrait dans un
premier temps s'inspirer des mesures concrètes, comme il en existe en
Allemagne, où les posts haineux sont supprimés automatiquement sous 48 heures»,
explique le président de l'UEJF. Un regret aussi pour Rudy Reichstadt, qui
aurait aimé que le plan prévoit plus d'amendes dissuasives envers les personnes
qui incitent à la haine raciale.
● Mieux assister les
enseignants
Sur le volet éducatif, le plan
propose un travail de prévention et de formation dans le cadre de l'Éducation
nationale, grâce, notamment, à la création d'une «équipe nationale de
réaction», qui pourrait assister les enseignants face à des situations
conflictuelles. Un point important selon Pascal Blanchard, historien et
président du groupe de recherche ACHAC, qui espère avant tout que le plan fasse
passer la prévention avant la répression. «Pour l'instant, Jean-Michel
Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, a manqué de mesures pratiques
en la matière», confie l'historien. Pour ce dernier, il convient d'abord de
reconnecter les enfants à la réalité, en les confrontant à des témoignages ou
des exemples concrets de racisme, «seul moyen d'engager une réelle prise de
conscience».
«Pour l'instant, Jean-Michel
Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, a manqué de mesures pratiques
en la matière»
Pascal Blanchard, Historien
Pour Dominique Sopo, président de
SOS Racisme, si les mesures vont dans le bon sens, elles pourraient aller plus
loin. Il espère qu'un des points annoncés sera étudié en profondeur: celui de
la formation des enseignants. En effet, Edouard Philippe a promis de renforcer
la formation de l'ensemble des personnels à la prévention et la gestion des
faits et propos à caractère racisme et antisémite. Mais pour Dominique Sopo,
cet axe va nécessiter de dégager d'importants fonds. «C'est avec le budget
consacré à cette question que l'on verra si c'est une priorité», dit-il.
● Améliorer la prise en
charge des victimes
Une des autres volontés du plan
est d'améliorer l'accueil et la prise en compte des plaintes des victimes par
des actions de formations. «On le sait, les victimes d'actes ou d'injures
racistes n'osent pas porter plainte. (...) Quand elles osent franchir le pas,
leur statut de victime n'est pas toujours reconnu, leur parole pas toujours
entendue comme elle le devrait», a déclaré ce lundi Edouard Philippe.
Ainsi, un nouveau modèle
d'audition devrait être mis en place. La possibilité va être étudiée de
permettre à un plaignant de qualifier lui-même le mobile raciste ou antisémite
de son agression, comme au Royaume-Uni. «C'est un point majeur», explique
Pascal Blanchard, qui insiste sur l'importance de former la police. «Il faut
que les enquêteurs reçoivent au mieux la plainte d'une victime, car elle seule
permet d'obtenir des statistiques, qui sont indispensables pour mieux
comprendre le phénomène», indique l'historien.
Parmi les autres mesures
concernant la prise en charge des victimes, le plan prévoit notamment de mettre
en œuvre la préplainte en ligne et d'étendre la pratique
des stages de citoyenneté. Si la formation semble donc être la pierre
angulaire de ce plan, tous les représentants des associations s'accordent à
rappeler qu'il ne s'agit pour l'instant que d'ébauches de mesures, qu'il
convient désormais de faire mettre en pratique.
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en ligne: les mesures des géants du Web ne satisfont pas le
Racisme et antisémitisme sur le net: le gouvernement veut
renforcer la responsabilité des réseaux sociaux (19.03.2018)
- Par Salomé Garganne
- Publié le 19/03/2018 à 17:55
Édouard Philippe a présenté ce
lundi le nouveau plan national contre le racisme et l'antisémitisme, dans
lequel la lutte contre les propos injurieux et haineux sur Internet est l'un
des objectifs majeurs. Il appelle notamment à «construire le cadre juridique
d'une responsabilité des plateformes».
Endiguer un «torrent de boue qui
se déverse dans les forums de discussion et sur les réseaux sociaux». C'est
l'un des objectifs majeurs du plan
de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, pour la période 2018-2020,
dévoilé ce lundi par Édouard Philippe. En présence de plusieurs membres du
gouvernement, le premier ministre a fait part de sa volonté de s'attaquer aux
propos injurieux et insultes qui circulent sur la toile et pour cela, de
renforcer le cadre juridique. Dans sa ligne de mire: les réseaux sociaux et les
plateformes d'hébergement, accusés d'être parfois trop «passifs» alors qu'ils
jouent aujourd'hui «un rôle actif dans l'édition de leurs contenus».
Édouard Philippe a appelé à une
évolution de la législation actuelle, notamment en Europe, afin de «contraindre
les opérateurs à retirer dans les plus brefs délais tout contenu haineux,
raciste ou antisémite». «On ne peut pas continuer de vivre avec un cadre
juridique européen qui date des années 2000», a-t-il déclaré. Mais c'est d'abord
au niveau national que le premier ministre entend agir en modifiant la loi
française et en renforçant la responsabilité des hébergeurs et diverses
plateformes vis-à-vis de ses contenus.
«Pas d'obligation de
surveillance, ni de suppression pour les plateformes»
Le premier ministre, qui souhaite
«renforcer les obligations de détection, de signalement, de suppression et de
prévention de contenus illicites», a notamment évoqué la création d'un nouveau
statut, entre ceux d'éditeur de contenus et d'hébergeur qui
existent déjà, «qui tienne compte des spécificités des grandes plateformes,
mais qui les contraigne aussi à prendre leurs responsabilités». Un «immense
chantier», devenu nécessaire alors que les contenus haineux sont toujours plus
nombreux sur internet. «Ce serait bien qu'on arrive à contraindre les réseaux
sociaux», affirme Me Basile Ader, avocat spécialiste du droit des médias et
vice-Bâtonnier élu du Barreau de Paris, qui reconnaît une dimension incitative
et «pédagogique» dans ces propositions.
En France, l'hébergeur n'est pas
responsable des contenus illicites présents et publiés sur ses plateformes,
d'après la loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique qui définit
les statuts d'éditeur et de l'hébergeur. «Il n'y a pas d'obligation de
surveillance, ni de suppression pour les plateformes sauf en cas de
notification de contenus illicites», explique Me Basile Ader, qui évoque le
«régime de responsabilité en deux temps». Les hébergeurs et plateformes ne
peuvent devenir co-responsables de ce type de contenu que dans un deuxième
temps, si ces faits ont été portés à leur connaissance selon des critères très
précis, notamment concernant la date de la notification, ses modalités ou encore
l'identité du notifiant.
» LIRE AUSSI - Sherry
Turkle: «Les réseaux sociaux modifient notre rapport aux vraies conversations»
Toutefois, même si la législation
française se voyait doter de nouveaux outils juridiques, ceci pourrait se
révéler inefficace dans certains cas. «Le vrai problème est que les principales
injures se trouvent sur Twitter, qui ne dispose pas d'éditeurs de service en
France», précise Me Ader. L'entreprise, basée aux États-Unis, relève de la
législation outre-atlantique, en particulier du premier amendement de la
Constitution qui garantit la liberté d'expression. Un enjeu de juridiction
contre lequel le premier ministre, qui refuse de «croire que les réseaux
sociaux sont des espaces hors-sol», entend se battre.
Une loi contre la haine en
ligne adoptée en Allemagne
Parmi les autres pistes
envisagées, le gouvernement réfléchit également à la possibilité de fermer des
comptes diffusant de manière répétitive et massive des contenus haineux ou
encore la mise en place de lourdes amendes contre les plateformes qui ne les
retireraient pas assez rapidement sur le modèle de loi allemande, entrée en
vigueur le 1er janvier. Votée l'été dernier, elle oblige les réseaux sociaux de
plus de deux millions d'utilisateurs à supprimer les contenus racistes,
antisémites, haineux, de propagande ainsi que les fausses informations dans un
délai de 24 heures après leur signalement. Dans le cas contraire, les
plateformes s'exposent à de très lourdes amendes.
Si cette loi pourrait être une
possible source d'inspiration, des limites ont également été soulignées
concernant la liberté d'expression. Le délai de 24 heures peut en effet
entraîner des suppressions systématiques des contenus. Les entreprises
effrayées par la lourdeur des amendes préféreront les effacer automatiquement
sans prendre le temps de les analyser et les interpréter, comme dans le cas de
messages à caractère humoristique. «L'appréciation n'est pas toujours si
simple. Le problème est qu'il n'y a pas toujours quelqu'un pour évaluer le
contenu et dire s'il est raciste ou pas, par exemple», poursuit Me Ader, qui
craint des «risques de censure». La loi allemande devrait par ailleurs faire
l'objet d'une évaluation prochainement par les parlementaires du Bundestag. Les
débats suscités par ce texte de loi sont ainsi susceptibles de nourrir ceux qui
auront lieu en France alors qu'Édouard Philippe a annoncé qu'une mission avait
été confiée à Karim Amellal, enseignant franco-algérien, Laetitia Avia, députée
LREM et Gil Taïeb, vice-président du Conseil représentatif des institutions
juives de France (Crif), afin de réfléchir à des propositions en concertation
avec les acteurs et associations du secteur.
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3 hommes mis en examen pour financement du terrorisme
(19.03.2018)
Trois hommes arrêtés mardi dans
la région grenobloise lors d'un coup de filet antiterroriste ont été mis en
examen, soupçonnés d'avoir apporté un soutien financier à une filière jihadiste
irako-syrienne, a-t-on appris aujourd'hui de source judiciaire.
Mardi dernier, les policiers de
la Sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire avaient
interpellé cinq personnes originaires de la région grenobloise, dont une femme,
dans le cadre d'une commission rogatoire d'un juge d'instruction parisien. Les
enquêteurs s'interrogeaient sur leurs liens, notamment financiers, avec deux
hommes partis en zone irako-syrienne.
A l'issue de leurs gardes à vue,
trois membres de leur entourage, des hommes âgés de 18, 20 et 30 ans, ont été
mis en examen vendredi par un juge d'instruction pour "financement d'une
entreprise terroriste" et placés sous contrôle judiciaire, conformément
aux réquisitions du parquet de Paris. La justice les soupçonne d'avoir envoyé
de l'argent sous la forme de mandats cash, selon une source proche du dossier.
Les gardes à vue de la femme, âgée de 53 ans et mère d'un des deux individus
partis en zone irako-syrienne, et d'un cinquième suspect, âgé de 30 ans,
avaient été levées sans qu'ils ne fassent l'objet de poursuites à ce stade.
Ce dossier instruit au pôle
antiterroriste a été disjoint d'un autre volet désormais clos et dans lequel
quatre hommes, dont trois originaires de la région grenobloise, devraient être
jugés fin mars devant le tribunal correctionnel de Paris pour leur
participation présumée à cette filière irako-syrienne. Selon le gouvernement
français, environ 1700 Français sont partis rejoindre les zones jihadistes
irako-syriennes depuis 2014. Selon les déclarations du procureur de Paris
François Molins le 22 janvier, "676 Français dont 295 femmes se
trouveraient sur zone" en Irak et Syrie.
LIRE AUSSI :
Comment le Vatican a censuré une lettre de Benoît XVI
(18.03.2018)
Texte caviardé, photo montée...
Le Saint-Siège a publié une lettre de Benoît XVI, au sujet du pape François,
dont il a intentionnellement dissimulé des passages. Accusé de «manipulation»,
le Vatican a dû publier le texte dans son intégralité.
Le cinquième
anniversaire de l'élection du pape François, le 13 mars, et de son
installation officielle, le 19 mars, est troublé par une curieuse affaire
de communication. Elle a été dénoncée par certains comme une «manipulation» de
l'opinion publique. Devant l'embrasement de la polémique impliquant le pape
régnant, François, et le pape émérite, Benoît XVI, le Saint-Siège a décidé de
publier, dimanche en soirée, l'ensemble des pièces en cause.
Les faits sont les suivants. Le
12 mars, à Rome, Mgr Dario Edoardo Vigano, préfet du secrétariat pour
la Communication - en d'autres termes, ministre de la Communication -, donne
lecture publique d'une lettre rédigée par Benoît XVI à l'occasion de la
présentation d'une collection de onze ouvrages, éditée par la Librairie
éditrice vaticane (la maison d'édition du Vatican) où des théologiens
commentent la pensée théologique du pape François. Mgr Vigano avait
demandé au pape Benoît d'en rédiger la préface, mais ce dernier expliquait
précisément dans cette lettre de réponse pourquoi il ne pouvait accepter.
Or, dans sa lecture publique, il
se trouve que ce prélat n'a cité que les trois premiers paragraphes sur quatre
de la lettre (lire le texte ci-dessous) en omettant le
dernier. De plus, le Saint-Siège n'a ensuite officiellement publié - par écrit
- que les deux premiers paragraphes. Enfin, le Vatican a publié une photo de la
lettre de Benoît XVI, posée à côté de la pile des onze volumes mais où le 3e
paragraphe est flouté et le 4e totalement caché, ne laissant apparaître que la
signature de Benoît.
Ne pas publier ce paragraphe
final revenait toutefois à changer le sens de la lettre de Benoît XVI, puisque
le pape émérite émettait là une réserve de type théologique
Aussi, le 13 mars, de
nombreux articles et émissions dans le monde entier ont souligné les deux
phrases fortes du début de la lettre: «le préjugé stupide» contre le pape
François qui ne serait pas théologien et «la continuité intérieure entre les
deux pontificats». Un message élogieux, témoignant de son soutien, au moment
précis où beaucoup se posent des questions sur l'orientation théologique du
pontificat du pape François.
Un journaliste italien, Sandro
Magister, s'est rendu compte de l'«omission». Il a réussi à retrouver la
substance de toute la lettre et a publié le résultat de son travail sur son
blog très suivi, «Settimo Cielo».
Outre l'impossibilité matérielle
pour le pape Benoît d'écrire cette préface, argumentée dans le 3e paragraphe,
il apparaissait alors que le 4e paragraphe occulté critiquait la présence parmi
les auteurs de la collection, de Peter Hünermann, théologien allemand. Benoît
XVI se disant «surpris» car Hünermann a «attaqué l'autorité magistérielle du
pape (Jean-Paul II, NDLR) de manière virulente». Ce qui ne lui permettait pas
de prêter son nom à ce projet.
Ne pas publier ce paragraphe
final revenait toutefois à changer le sens de la lettre de Benoît XVI, puisque
le pape émérite émettait là une réserve de type théologique. Devant la
confusion - et à la demande de Benoît XVI lui-même -, le Vatican a finalement
publié la lettre intégrale. Elle est accompagnée d'une note qui récuse toute
«manipulation» ou «censure» et qui explique l'éviction du 4e paragraphe pour
des raisons de discrétion. «Riservatezza» en italien.
«Je suis certain que vous
comprendrez mon refus»
Lettre du pape émérite Benoît
XVI au préfet du secrétariat pour la communication du Vatican, le
7 février 2018.
«Je vous remercie beaucoup pour
votre aimable lettre du 12 janvier et pour le cadeau qui l'accompagnait,
les onze petits volumes publiés sous la direction de Roberto Repole.
J'applaudis cette initiative
qui veut s'opposer et réagir contre le préjugé stupide selon lequel le pape
François serait un homme pratique privé de
toute formation théologique ou philosophique particulière tandis
que je serais moi-même seulement un théoricien de la théologie qui n'aurait pas
compris grand-chose à la vie concrète d'un chrétien d'aujourd'hui.
La lettre de Benoît XVI et
onze livrets à propos des références théologiques du pape François -
Crédits photo : OSSERVATORE ROMANO/REUTERS
Ces petits volumes montrent, avec
raison, que le pape François est un homme d'une profonde formation
philosophique et théologique et ils aident à voir ainsi la continuité
intérieure entre les deux pontificats, nonobstant toutes les différences de
style et de tempérament.
Toutefois, je ne peux pas rédiger
«une brève et dense page théologique» à leur sujet. De toute ma vie, il a
toujours été clair que je n'écrirais et que je ne m'exprimerais jamais que sur
les livres que j'aurais vraiment lus. Malheureusement (…) je ne suis pas en
mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche (…).
En marge de tout cela, je
voudrais seulement noter ma surprise du fait de voir figurer parmi les auteurs
le professeur Hünermann qui, durant mon pontificat, s'est fait remarquer en
ayant pris la tête d'initiatives antipapales. Il a largement participé à la
publication de la «Kölner Erklärung» qui, en ce qui concerne l'encyclique
«Veritatis splendor», a attaqué l'autorité magistérielle du pape de manière
virulente, particulièrement sur des questions de théologie morale (…).
Même la «Europäische Theologengesellschaft» qu'il a fondée a été
fondamentalement pensée comme une organisation en opposition au magistère
papal. Je suis certain que vous comprendrez mon refus et je vous prie
d'accepter mes cordiales salutations.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 19/03/2018. Accédez à sa version
PDF en cliquant ici
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Jeune fille au pair tuée à Londres : ouverture du procès du
couple de suspects (19.03.2018)
- Par Valentine Arama
- Mis à jour le 19/03/2018 à 11:30
- Publié le 19/03/2018 à 06:30
Londres : un couple inculpé
pour le meurtre d'une fille au pair française
Le 20 septembre, le corps calciné
d'une jeune femme est retrouvé dans le jardin d'une maison dans le quartier de
Southfields à Wimbledon, dans le sud de Londres
Les employeurs de Sophie
Lionnet comparaissent à partir de ce lundi devant la justice. Le 20 septembre
dernier, le corps de la jeune fille au pair française était retrouvé calciné
dans leur jardin du sud-ouest de Londres.
Ils reconnaissent avoir tenté de
faire disparaître le corps, mais nient toute implication dans la mort de Sophie
Lionnet, 21 ans. Les accusés, Ouissem Medouni, 40 ans, et Sabrina Kouider, 34
ans, vont pourtant devoir s'expliquer concernant les circonstances de la mort
de leur jeune fille pair, dont le corps a été retrouvé calciné dans le jardin de leur
maison située à Southfields, un quartier du sud-ouest de Londres. En effet,
le couple franco-algérien comparait à partir de ce lundi devant la Cour
criminelle centrale d'Angleterre et du pays de Galles, appelée Old Bailey,
compétente pour juger les crimes majeurs commis dans la région de Londres.
Le 20 septembre dernier, la
police avait été alertée par des habitants de Southfields, banlieue cossue du
sud-ouest de Londres. Plusieurs résidents avaient signalé une fumée épaisse et
malodorante provenant d'une propriété dans laquelle vivait le couple, avec
leurs deux enfants et Sophie Lionnet. La police y avait découvert un corps
calciné, rapidement identifié par les médias comme étant celui de la jeune
fille au pair, même si l'identité de la Française n'a été officiellement
confirmée que le 3 octobre. Ses deux employeurs avaient été arrêtés dans la
foulée et inculpés pour meurtre.
Dissimulation de crime
Lors d'une première audience dite
de «plaidoirie et préparation de procès», les coaccusés auraient dû, comme le
prévoit la loi britannique, plaider «coupable» ou «non coupable». Rien ne s'est
pourtant passé comme prévu lors de cette séance en décembre dernier. Ouissem
Medouni n'a pas été présenté à la Cour. Sabrina Kouider a quant à elle été
auditionnée depuis sa prison via vidéoconférence, mais elle n'a pas annoncé ce
qu'elle souhaitait plaider. À la première accusation de meurtre, la justice
britannique a cependant décidé d'alourdir les charges pour dissimulation de
crime.
C'est à l'occasion d'une deuxième
audience en janvier que le couple a annoncé qu'il plaiderait «coupable» d'entrave
à la justice pour avoir tenté de se «débarrasser» du corps «en le brûlant». Si
les autorités britanniques n'ont à ce stade révélé aucun détail sur les
circonstances de la mort de la jeune fille au pair, Ouissem Medouni et Sabrina
Kouider ont en revanche décidé de plaider «non coupable» en ce qui concerne la
mort de leur employée.
Des soupçons de maltraitance
Originaire de Troyes, Sophie
Lionnet décide de s'installer à Londres en janvier 2016, afin d'apprendre
l'anglais après avoir obtenu son CAP petite enfance. Elle est rapidement
embauchée en tant que «fille au pair» pour s'occuper des deux enfants de 3 et 6
ans du couple franco-algérien. Selon les médias britanniques, Sophie Lionnet
était cependant très peu rémunérée, à hauteur de 56 euros par mois. Une somme
dérisoire qui ne lui aurait en outre jamais été versée. Très isolée depuis son
déménagement outre-Manche, elle envoie de plus en plus rarement des messages à
ses proches. Dans une lettre publiée par L'Obs, envoyée par Sophie Lionnet à son père en juin 2017,
la jeune fille commence par s'excuser «pour cette longue attente sans nouvelles».
«J'aurais dû écrire cette petite lettre il y a quelque temps, mais j'ai
beaucoup été perturbée avec ce qu'il se passe ici», écrit-elle. En effet,
plusieurs soupçons de maltraitance ont fait surface après sa mort.
«J'aurais dû écrire cette
petite lettre il y a quelque temps, mais j'ai beaucoup été perturbée avec ce
qu'il se passe ici».
Sophie Lionnet dans une lettre à
son père
En août 2017, un mois avant sa
disparition, Sophie n'est plus joignable. Sabrina Kouider, qui l'emploie,
appelle la mère de Sophie pour se plaindre de sa fille. Plusieurs voyages sont
organisés afin que la jeune fille au pair puisse regagner la France mais
Sabrina Kouider s'arrange toujours pour que son employée reste à son domicile
londonien. Pendant l'été, Sophie ne semble plus disposer de téléphone portable
et vit isolée. Tous les proches de Sophie qui ont pu avoir quelques nouvelles
grâce aux réseaux sociaux évoquent une jeune femme «à bout» et «épuisée».
Le corps calciné est toujours
à Londres
Du procès qui s'ouvre ce lundi,
les parents de Sophie Lionnet attendent surtout des réponses sur les conditions
de la mort de leur enfant. Interrogée par L'Yonne Républicaine en janvier, la mère
de Sophie évoquait un climat particulièrement pesant. «On ne sait toujours rien
sur les conditions de la mort de ma fille alors qu'a priori la police a terminé
ses investigations. Et nous n'avons toujours aucune idée de la date de
rapatriement du corps», lançait-elle. Les parents de Sophie seront présents à
Londres pour assister aux débats en tant que témoins. Pris en charge par le
ministère et par la déléguée interministérielle de l'aide aux victimes de la
Justice, les parents de la jeune femme n'auront aucun frais à avancer. Un
soutien crucial pour cette famille qui n'aurait pas eu les moyens de se rendre
sur place sans une aide financière de l'État.
Pour l'heure, les parents de
Sophie Lionnet n'ont toujours pas récupéré son corps. L'enterrement de la jeune
fille originaire de l'Aube devrait avoir lieu en Bourgogne, près de la commune
où réside sa mère. Une cagnotte en ligne, destinée à «offrir à Sophie des obsèques
dignes de sa personne», avait récolté près de 4000 euros. «Je n'aurais jamais
pensé que ce serait aussi long» déclarait récemment le père de la victime au
micro de RTL, avant d'ajouter: «on voudrait pouvoir faire l'enterrement et le
deuil. C'est inqualifiable de ne pas pouvoir se recueillir».
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Une nouvelle bombe fait deux blessés au Texas (19.03.2018)
- Par Guillaume
Descours AFP, Reuters Agences
- Mis à jour le 19/03/2018 à 18:48
- Publiéle 19/03/2018 à 13:04
L'explosion a eu lieu dimanche
soir dans le sud d'Austin. C'est la quatrième bombe qui explose dans la ville
depuis le début du mois de mars. La police pense désormais avoir affaire à un
poseur de bombe en série.
Deux hommes ont été blessés
dimanche soir à Austin au Texas dans une explosion. Âgés d'une vingtaine
d'années, ils ont été transportés à l'hôpital. Leurs jours ne sont pas en
danger, a indiqué le porte-parole de l'hôpital à CNN. C'est la
quatrième explosion dans la ville depuis le début du mois de mars.
Celles-ci ont déjà fait deux morts et deux blessées.
» LIRE AUSSI - Des
colis piégés font un mort et deux blessés au Texas
À cause de l'obscurité, «nous
n'avons pas réellement pu inspecter le site de l'explosion pour déterminer ce
qui s'est passé», a expliqué le chef de la police d'Austin, Brian Manley, lors
d'une conférence de presse. Il a demandé aux habitants de rester à l'abri lors
d'une conférence de presse dimanche soir. «Restez chez vous jusqu'à ce que nous
puissions juger que ce quartier est sécurisé», a-t-il déclaré, précisant que ce
ne serait pas «avant qu'il fasse jour, au minimum».
«Nous avons probablement affaire
à un même poseur de bombe», a déclaré Brian Manley. «Il y a des points communs
entre les explosifs d'hier soir et ceux utilisés précédemment». Le mode
opératoire a toutefois changé: selon les premiers éléments de l'enquête,
l'engin explosif aurait été déclenché par un fil piège. Les deux victimes
étaient à vélo ou en train de pousser leurs bicyclettes lorsqu'un colis suspect
placé sur le bord de la route a explosé. Il est «très possible» que l'engin ait
été «déclenché par quelqu'un qui a manipulé, a donné un coup de pied ou est
entré en contact avec un fil piège», a déclaré Brian Manley. «Cela change la
donne», a poursuivi le responsable policier. «Nous devons dorénavant relever
notre niveau de vigilance et faire attention à tout engin suspect, qu'il s'agisse
d'un paquet, d'un sac ou d'un sac à dos, quoi que ce soit qui ne semble pas à
sa place».
Appel aux auteurs des bombes
Les trois explosions précédentes,
à dix jours d'intervalle, étaient dûes à des colis piégés laissées sur le pas
de porte de leur victime. Le 2 mars, un premier paquet piégé avait tué Anthony
Stephan House, un homme noir de 39 ans. Le 12 mars, deux bombes avaient explosé
à quelques kilomètres et heures de distance, tuant un jeune afro-américain de
17 ans et blessant gravement sa mère. La seconde bombe avait elle blessé
grièvement une femme de 75 ans d'origine hispanique. Cette dernière est
toujours entre la vie et la mort. La police avait alors rapidement envisagé la
thèse d'actes racistes.
Mais la dernière bombe dimanche
soir a frappé à l'aveuglette, blessant deux hommes blancs, ce qui pourrait
pousser les enquêteurs à élargir leur spectre. Le poseur de bombe, s'il s'agit
d'un même homme, pourrait avoir été contraint de changer de modus
operandi en raison des appels à la prudence de la police et de la
vaste chasse à l'homme qui s'est ensuivie. Les autorités avaient dès le 12 mars
donné pour consigne aux habitants de ne toucher aucun colis abandonné, et de
prévenir les secours s'ils recevaient un paquet non attendu. Les forces de l'ordre
ont ainsi reçu plus de 735 appels concernant des colis suspects, a indiqué
Brian Manley.
Explosions au Texas : la piste
de crimes racistes
La police suit la piste de crimes
racistes à Austin après trois explosions aux colis piégés liées selon les
autorités. Des explosions qui ont fait deux morts et plusieurs blessés en dix
jours dans la capitale texane. Une femme d'origine hispan
Une prime de 115.000 dollars a
été offerte pour toute information pouvant conduire à l'arrestation du ou des
coupables. Selon le New York Times, plus de 500 agents
fédéraux, dont des membres du FBI, participent à l'enquête. Dimanche
après-midi, le chef de la police d'Austin a lancé un appel pour que les auteurs
des bombes contactent les autorités pour expliquer le «message» derrière les
attentats. «Nous voulons comprendre ce qui vous a amené jusque-là et nous
voulons vous écouter», a déclaré Bryan Stanley.
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Syrie : les Turcs prennent Afrine aux Kurdes
(18.03.2018)
Les soldats turcs et leurs alliés
islamistes syriens se sont emparés de la cité kurde. La partition du nord du
pays est enclenchée.
La bataille de la ville d'Afrine
n'a finalement pas eu lieu. Les forces turques et leurs alliés syriens
anti-Assad contrôlent désormais la quasi-totalité de cette cité du nord-ouest
de la Syrie. Dimanche soir, leurs ennemis - les combattants kurdes qui
contrôlaient Afrine depuis le retrait des troupes syriennes en 2012 - avaient
quitté la ville, tandis qu'une poignée de civils, encore présents, se terraient
dans des caves.
Ces derniers jours, alors
que l'étau
se resserrait sur une ville qui n'a pas été détruite, plus de
150 000 civils, effrayés par l'intensification des bombardements turcs,
avaient pris le chemin de l'exode. «Les derniers sont allés dans des zones
tenues par le régime syrien à Shahbaa au nord d'Alep et dans les villages de
Nobl et Zahra», confie Adlelsallam, un activiste kurde près d'Afrine, joint sur
Twitter. Quant aux ultimes miliciens, ils se sont repliés, selon lui, à Shahbaa
et Manbij.
La défaite est cuisante pour
les Kurdes, qui avaient fait d'Afrine le laboratoire de leur autonomie dans le
nord de la Syrie
La défaite est cuisante pour les
Kurdes, qui avaient fait d'Afrine le laboratoire de leur autonomie dans le nord
de la Syrie, frontalier de la Turquie. Deux mois après avoir lancé son
opération militaire baptisée «Rameau d'olivier», Ankara a réalisé son objectif
de chasser de l'enclave d'Afrine les miliciens kurdes du PYD, liés au PKK, le
Parti des travailleurs kurdes, considéré par Ankara comme une organisation
terroriste, en raison d'une guérilla meurtrière menée par celle-ci sur le sol
turc, depuis des décennies.
Avant l'aube dimanche, les forces
turques et les insurgés syriens ont pénétré dans Afrine par l'est, l'ouest, et
le nord. Sans rencontrer de résistance, ils ont immédiatement célébré leur
victoire en détruisant aux cris d'Allah Akbar - «Dieu est grand» - les
portraits d'Abdullah Öcalan, le chef du PKK, emprisonné en Turquie.
«Maintenant, le drapeau turc flotte là-bas! Le drapeau des Forces syriennes
libres flotte là-bas!», se félicitait peu après le président turc, Recep Tayyip
Erdogan. À Afrine, des équipes des forces spéciales traquaient les mines,
laissées par les combattants kurdes derrière eux, tandis que des vidéos
diffusaient des images de stocks d'armes souterrains abandonnés par les
miliciens kurdes. Dans deux jours, les Kurdes d'Afrine ne célébreront pas leur
Norouz - le Nouvel An - en se recueillant devant la statue de Kawa, héros de la
résistance kurde, qui a été détruite par les forces turques.
Nettoyage ethnique
En deux mois d'offensive, 46
soldats turcs ont été tués, mais plus de 1500 combattants kurdes ont perdu la
vie, en majorité dans des frappes aériennes et des tirs d'artillerie. «Où sont
les meilleurs combattants anti-Daech comme les vantaient leurs alliés
occidentaux?», s'interroge, sarcastique, un responsable turc. «Il ne s'agit que
d'un retrait, le combat continue», répond dans un tweet Saleh Mouslim, l'un des
responsables kurdes syriens, tandis qu'un communiqué annonce le début de la
guérilla kurde contre les «forces d'occupation» turques dans le Nord syrien.
Ankara soupçonnait les Kurdes
d'avoir transformé Afrine et sa région en un vaste réseau de fortifications en
vue d'attaquer la Turquie. En capturant cette enclave, les Turcs relient
géographiquement le secteur d'Afrine à la région voisine à l'est d'Azaz et de
Djarabulus, qu'ils ont déjà conquise aux Kurdes à l'été 2016.
La Turquie compte reloger dans
l'enclave d'Afrine des réfugiés syriens, qu'elle accueille sur son territoire.
Quitte à pratiquer une opération de nettoyage ethnique. En effet, contrairement
aux autres régions gérées par les Kurdes plus à l'est, Afrine avait la
particularité d'être majoritairement peuplée de Kurdes, aux côtés d'Arabes.
Mais de nombreuses questions se posent. Qui va administrer la région d'Afrine?
«Les Turcs vont créer une administration locale sur le modèle d'Azaz et de
Djarabulus», répond au Figaroun diplomate en charge du dossier
syrien. Quels insurgés seront aux commandes? «Les rebelles originaires d'Afrine
demandent aux Turcs que ce soient eux, mais certains venus d'autres régions ne
sont pas d'accord», ajoute le diplomate. Sur certaines vidéos diffusées sur les
réseaux sociaux, on aperçoit déjà, paradant dans Afrine, des leaders
islamistes, expulsés d'Alep-Est fin 2016. Des pillages de maisons kurdes par
des insurgés arabes ont également eu lieu, relève Elizabeth Tsurkov,
spécialiste du conflit syrien.
Fort de cette victoire rapide,
Ankara ne cache pas sa volonté de poursuivre sa campagne militaire contre
d'autres poches Kurdes, plus à l'est. «Espérons qu'avant d'autres combats, la
Turquie et les Kurdes puissent parvenir à des arrangements grâce à une
médiation américaine», veut croire le chercheur Emile Hokayem.
Une chose est sûre: la chute
d'Afrine aux mains de la Turquie dessine une nouvelle carte de la guerre dans
le nord de la Syrie. La partition du pays s'accélère.
La rédaction vous
conseille :
Après Afrine, la Turquie veut élargir l'offensive contre les
Kurdes syriens (20.03.2018)
INFOGRAPHIE - Ankara et les
rebelles anti-Assad entendent prendre le contrôle de Manbij, cent kilomètres
plus à l'est.
Ni la Turquie ni ses alliés, les
insurgés syriens, ne s'en cachent: après avoir conquis Afrine aux miliciens kurdes,
Ankara et les rebelles anti-Assad entendent prendre le contrôle de Manbij, à
cent kilomètres plus à l'est, et au-delà d'une bande de terre administrée par
les Kurdes, le long de la frontière avec la Turquie. Mais à Manbij, le déploiement
de 200 soldats américains fait planer la menace d'affrontements entre alliés au
sein de l'Otan. Le scénario de la débâcle d'Afrine peut-il se rééditer à
Manbij?
Lundi, alors que les Kurdes
annonçaient le lancement d'une «guérilla» contre «l'occupation turque» de
l'enclave d'Afrine, des responsables militaires américains affichaient
ostensiblement leur présence à Manbij. Washington est «préoccupé» par l'exode
de dizaines de milliers de civils kurdes jetés sur les routes. Mais que pèsent
ces manifestations d'indignation face à la realpolitik? Washington est-il prêt
à partir en guerre contre son allié turc, pour satisfaire les miliciens kurdes
syriens, certes partenaires de l'Occident dans la guerre contre Daech, mais
également émanation locale d'une organisation - le PKK, Parti des travailleurs
du Kurdistan - que les États-Unis, comme Ankara et l'Union européenne,
qualifient de «terroriste»?
Manbij n'est pas Afrine. Celle-ci
était peuplée d'une majorité de Kurdes, tandis qu'à Manbij, ce sont les Arabes,
qui y sont majoritaires à 75 %. En 2016, après la conquête de Manbij sur
Daech par une alliance de combattants arabo-kurdes, soutenue par les
États-Unis, un «Conseil civil» fut installé à Manbij et sa campagne. Mais dans
cette portion de Syrie post-Daech, la greffe arabo-kurde n'a pas pris.
«Le Conseil est dominé par les
Kurdes, en particulier les vétérans du PKK qui cooptent les notables locaux et
les renvoient en cas de problème», analyse le chercheur Fabrice Balanche, qui
était à Manbij en février. Les incidents se sont multipliés. Le chef du comité
de réconciliation et un responsable kurde de la sécurité furent assassinés. En
janvier, des manifestations contre le Conseil de Manbij éclatèrent, organisées
par des tribus arabes, hostiles à la conscription de leurs enfants par les
Kurdes.
«Les Kurdes ne laisseront pas
les clés de Manbij à la Turquie»
Fabrice Balanche, chercheur
Après la défaite d'Afrine, des
miliciens kurdes se sont repliés à Manbij. «Les Kurdes ne laisseront pas les
clés de Manbij à la Turquie», anticipe Fabrice Balanche, car «ce serait une
autre humiliation, et Erdogan pourrait alors continuer son offensive plus à
l'est.»
Mais une fois de plus, peu
d'options s'offrent aux Kurdes. Compter sur la protection des 2000 soldats
américains, déployés dans le Nord-Est syrien? Pour ne pas aggraver son
contentieux avec Ankara, Washington se serait entendu avec la Turquie pour
éviter un affrontement entre alliés à Manbij. Une des solutions envisagées
serait le déploiement de forces turques aux côtés des marines… et l'expulsion
des miliciens kurdes de Manbij.
Pour éviter ce scénario synonyme
de nouveau recul, les Kurdes n'auront probablement pas d'autre choix que de se
tourner vers Damas. Comme ils l'ont fait pendant l'offensive turque contre la
poche d'Afrine. «Les Kurdes ont certainement tiré la leçon de leur erreur»,
estime un diplomate occidental, qui suit le dossier syrien. Juste avant le
déclenchement de l'opération militaire turque, le 20 janvier, la Russie
proposa aux Kurdes de céder le contrôle d'Afrine au régime syrien, moyennant
quoi la Turquie n'interviendrait pas contre eux. «S'ils avaient accepté, ils
auraient certes dû renoncer à une part de leur autonomie, mais ils n'auraient
pas tout perdu à Afrine», estime le chercheur Hassan Hassan.
«Si les Kurdes n'ont pas été
capables de résister dans une région montagneuse et ethniquement homogène comme
Afrine, comment pourraient-ils résister au milieu de populations mixtes à
Manbij ?»
Fabrice Balanche
Le retour du régime syrien à
Manbij impliquerait le départ de la petite garnison américaine sur place. Mais
cette présence contrevient à l'accord de déconfliction conclu entre Washington
et Moscou dans le Nord syrien, au terme duquel les Russes sont à l'ouest de
l'Euphrate, les Américains à l'est. Or Manbij est à l'ouest.
«Si les Kurdes n'ont pas été
capables de résister dans une région montagneuse et ethniquement homogène comme
Afrine, où ils avaient fortifié leurs positions, comment pourraient-ils
résister au milieu de populations mixtes à Manbij, Tall Abyad ou Kamechliyé»,
s'interroge Fabrice Balanche. «Afrine était un fief historique kurde»,
insiste-t-il. Dans les années 1990, quand le leader kurde Abdullah Ocalan était
réfugié à Damas, son parti, le PKK, recrutait de nombreux jeunes d'Afrine pour
sa guérilla antiturque. Devenus des vétérans du combat, ce sont eux qui ont
bâti le «Rojava», ces trois cantons kurdes quasi autonomes, après le départ des
troupes d'Assad en 2012.
Depuis, forts d'appuis
internationaux probablement surestimés, les Kurdes ont avancé en profondeur en
territoire arabe. Mais aujourd'hui, l'heure des douloureux réajustements a,
sans doute, sonné pour la minorité kurde de Syrie.
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Erdogan savoure une victoire stratégique à Afrine
(20.03.2018)
Le chef de l'État turc renforce
la sécurisation de sa frontière avec la Syrie et affiche une image d'homme fort
à l'approche des élections de 2019.
Correspondante à Istanbul
- Crédits photo : KHALIL
ASHAWI/REUTERS
La photo du drapeau turc hissé
sur Afrine - et qui tapissait, ce lundi, la une de tous les journaux turcs -
résume l'état d'esprit de Recep Tayyip Erdogan au lendemain de la «victoire»:
celui d'un président déterminé à capitaliser sur la conquête de cette ville
syrienne contrôlée par les milices kurdes de l'YPG pour peser de tout son poids
dans les négociations internationales sur le devenir de la Syrie et redorer son
blason auprès de la population.
«C'est un tournant stratégique
pour la Turquie», avance Murat Yesiltas, directeur des études sur la sécurité
au sein du think-tank progouvernemental Seta. «Par cette victoire,
précise-t-il, le pouvoir turc sécurise sa frontière avec la Syrie, en guerre
depuis sept ans, et inflige au PKK un revers sans précédent (les forces YPG
étant considérées comme une extension syrienne du PKK, classé «terroriste» par
Ankara, NDLR)». Cette position de force devrait ainsi permettre à Ankara de
«relancer les discussions avec les États-Unis» (connus pour leur soutien envers
les TPG, alliés de taille dans leur lutte contre Daech), notamment sur le
devenir d'une autre ville syrienne, Manbij, à l'est de l'Euphrate, où sont
déployés de nombreux combattants kurdes.
Dimanche, l'arrivée des chars de
l'armée turque au cœur d'Afrine a créé la surprise. «Personne ne s'attendait à
une victoire si rapide», concède le politologue turc Behlül Özkan, et
professeur associé à l'université Marmara. Déterminé à déloger les miliciens
YPG de cette enclave syrienne, pour empêcher la création d'un corridor kurde le
long de sa frontière, Ankara avait lancé, il y a deux mois, l'opération «Rameau
d'olivier».
Les soldats turcs, appuyés par
les combattants de l'Armée syrienne libre, avaient d'abord rencontré une
résistance farouche de leurs adversaires, familiers du paysage montagneux et
aguerris dans la bataille contre les djihadistes de l'EI. Une fois les forces
turques et leurs supplétifs syriens parvenus aux portes d'Afrine, les rumeurs
gonflaient sur le risque d'une bataille urbaine particulièrement meurtrière,
voire d'un massacre à grande échelle des populations kurdes.
«Au niveau national, le gain
politique est conséquent pour Erdogan. Avec Afrine, il est parvenu à titiller
la fibre nationaliste des Turcs et à rassembler l'essentiel de l'opposition
turque, à l'exception du parti prokurde HDP»
Le politologue turc Behlül Özkan,
professeur associé à l'université Marmara
Or, d'après un premier bilan
officiel turc, l'offensive de 58 jours a coûté la vie à 46 soldats
turcs et a permis de «neutraliser 3603 terroristes». Selon l'Observatoire
syrien des droits de l'homme, quelque 280 civils ont été tués depuis le début
de l'opération. En revanche, toujours d'après cet organe indépendant, environ
250.000 habitants d'Afrine auraient fui la ville en moins d'une semaine.
Ce soudain retrait - qui explique
la facilité avec laquelle les Turcs sont finalement entrés dans la ville sans
combattre - «a probablement été négocié préalablement entre Ankara et
Washington», poursuit Behlul Ozkan. Et de rappeler une accélération notoire des
événements depuis la visite, en février dernier à Ankara, de l'ex-secrétaire
d'État américain Rex Tillerson, qui aurait vraisemblablement encouragé ses
alliés à se retirer d'une ville que Washington n'a jamais considérée comme
faisant partie de sa zone d'influence.
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Pour l'heure, cette victoire à
moindre coût joue à l'avantage du pouvoir turc. «Au niveau national, le gain
politique est conséquent pour Erdogan, à l'approche des élections de 2019. Avec
Afrine, il est parvenu à titiller la fibre nationaliste des Turcs et à
rassembler l'essentiel de l'opposition turque, à l'exception du parti prokurde
HDP», observe le politologue. La suite est plus incertaine.
«La conquête militaire d'une
région ne va pas toujours de pair avec son contrôle. Reste à voir comment les
populations kurdes vont accepter la présence turque. De plus, la crainte d'un
changement démographique, en vertu d'une relocalisation des populations
syriennes arabes, réfugiées en Turquie, sur Afrine, pourrait provoquer
d'importants changements démographiques - et exacerber les tensions
interethniques», prévient-il.
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DÉCRYPTAGE - Même si les milices
kurdes des YPG (Unités de protection populaire) représentent toujours une force
militaire non négligeable sur le champ de bataille syrien, les circonstances
favorables qui ont permis aux Kurdes de se tailler un territoire autonome sont
en train de disparaître.
L'étau se resserre sur les Kurdes
de Syrie. La prise d'Afrine par l'armée turque et ses alliés
djihadistes syriens marque le début de la fin du rêve kurde du Rojava.
Né à la faveur de la guerre civile dans le nord-est de la Syrie, ce proto-État
voit son existence commencer à être remise en cause de toute part. Même si les
milices kurdes des YPG (Unités de protection populaire) représentent toujours
une force militaire non négligeable sur le champ de bataille syrien, les
circonstances favorables qui ont permis aux Kurdes de se tailler un territoire
autonome sont en train de disparaître.
La défaite de la rébellion
syrienne a joué contre les Kurdes. Ceux-ci avaient habilement profité du
soulèvement populaire contre Bachar el-Assad pour gagner leur autonomie. Se
tenant soigneusement à l'écart des combats entre le régime et les rebelles, les
partis kurdes sont sortis dès 2012 de la clandestinité, et les YPG ont
sanctuarisé leurs villes et leurs villages dans le nord et l'est du pays. À
partir de ces îlots, les Kurdes ont ensuite pris peu à peu le contrôle d'un
territoire continu allant de l'Euphrate à la frontière irakienne, Afrine
restant une enclave distincte à l'ouest du fleuve. La reconquête par Assad des territoires
perdus fait monter la pression sur les Kurdes, et leur succès même représente
une menace intolérable pour l'État syrien comme pour la Turquie voisine.
La défaite de l'État islamique
a rendu les Kurdes moins indispensables, et leur autonomie plus irritante pour
leurs adversaires, et en particulier la Turquie
Les Kurdes syriens ont entre-temps perdu leur utilité pour
leurs alliés occidentaux. Devenus les soldats au sol de la
coalition internationale en guerre contre Daech, ils sont à l'apogée de leur
influence en octobre 2017, moment de la prise de Raqqa, la capitale
syrienne de l'État islamique. Leur situation commence à se dégrader après cette
date. La défaite de l'État islamique rend les Kurdes moins indispensables, et
leur autonomie plus irritante pour leurs adversaires, et en particulier la
Turquie.
Le président turc, Erdogan, qui a
presque tout raté depuis le début de la crise syrienne, misant d'abord sur la
chute rapide de Bachar el-Assad, puis sur les djihadistes les plus radicaux
avant de les voir se retourner contre lui, a vu avec fureur se constituer sur
sa frontière sud un territoire pouvant servir de base arrière aux séparatistes
kurdes du PKI, les cousins turcs des YPG. Après une première incursion le long
de l'Euphrate pour empêcher la jonction des cantons kurdes, Erdogan lance le
20 janvier dernier l'opération «Rameau d'olivier»visant à reprendre
Afrine.
L'aide russe à la Turquie
La Russie a aussi décidé d'agir
contre les Kurdes. Afin de déranger les plans américains, les Russes ont donné
leur feu vert à l'opération turque, en laissant l'aviation d'Ankara opérer dans
l'espace aérien qu'ils contrôlent. Le régime syrien n'a laissé passer que les
réfugiés Kurdes fuyant Afrine, mais empêchant des renforts de rejoindre
l'enclave.
Cette mauvaise conjonction
stratégique risque de durer. La présence des forces américaines dans le reste
du Rojava constitue le dernier atout des Kurdes syriens. Mais la politique de
Washington, qui ne s'est pas caractérisée par sa cohérence depuis le début de
la crise syrienne, reste une donnée aussi changeante qu'imprévisible. Quand aux
Européens, soumis au chantage aux migrants d'Erdogan, leur capacité d'action est
limitée. Et le sort de leurs alliés kurdes risque de ne pas peser bien lourd
face à la perspective d'une nouvelle vague de migrants, si la Turquie relâche
le contrôle de ses frontières. Victimes historiques de la constitution des
États du Moyen-Orient au XXe siècle, les Kurdes sont au début du XXIe de
nouveau bien seuls.
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une grave erreur politique» (20.03.2018)
INTERVIEW - Pour le président de
l'Institut kurde de Paris, un minimum de devoir moral aurait dû conduire les
alliés occidentaux à condamner formellement la Turquie pour son intervention à
Afrine.
LE FIGARO. - Faut-il craindre
un nettoyage ethnique dans l'enclave d'Afrine?
Kendal NEZAN. -Les
habitants d'Afrine se sont
installés dans des conditions effroyables dans un no man's land qui n'est
contrôlé ni par les Kurdes, ni par le régime syrien. Les Turcs ne les laissent
pas revenir chez eux. On peut craindre une opération de nettoyage ethnique car
les Turcs ont fait savoir qu'ils comptaient installer à Afrine des centaines de
milliers de réfugiés syriens en Turquie, pour l'essentiel des Arabes. Erdogan
parle de rendre ces territoires à leurs «véritables propriétaires». Il a fait
fabriquer des statistiques selon lesquelles il y aurait une majorité arabe,
15 % de Turkmènes et 25 % de Kurdes.
S'il y a un domaine où la Turquie
excelle, c'est bien celui de l'ingénierie démographique. Elle sait modifier la
géographie d'un peuple comme elle l'a démontrée en 1915 avec les
Assyro-Chaldéens puis avec les Kurdes, et dans les années 1980-1990 en
forçant à l'exil plus de 3 millions d'entre eux. Le projet turc était
connu depuis le début de la guerre en Syrie: elle voulait créer à la frontière
syro-turque une zone «tampon» d'une trentaine de kilomètres de profondeur et y
installer une population arabe pour couper les Kurdes de Syrie des Kurdes de
Turquie, au nom de la sécurisation des frontières. Le même prétexte a été
utilisé en 1915, quand la Turquie a déporté les Arméniens pour les éloigner de
la Russie, soi-disant pour les mettre à l'abri. D'un siècle à l'autre, les
arguments, les techniques et les modes opératoires sont identiques.
«Malheureusement personne n'a
eu le courage d'affronter diplomatiquement le président Erdogan par peur de
représailles.»
Kendal Nizan
Vous dénoncez un abandon des
Kurdes par les Occidentaux…
Malheureusement personne n'a eu
le courage d'affronter diplomatiquement le président Erdogan par peur de
représailles. Les Kurdes ont été sacrifiés. C'est une faute morale
incommensurable, car ceux qui sont morts là-bas sont ceux que l'on célébrait,
il y a quelques mois, quand ils
ont libéré Raqqa et le nord de la Syrie de Daech. Ce sont eux qui
ont neutralisé des milliers de djihadistes occidentaux, y compris des Français.
Le devoir de loyauté, de solidarité est oublié. On est plus dans les temps où
l'on parlait du sens de l'honneur, mais un minimum de devoir moral aurait dû
conduire les alliés occidentaux à condamner formellement la Turquie pour son
intervention. Personne ne l'a fait. On leur a donné carte blanche. Au-delà de
la faute morale, c'est une erreur politique aux graves conséquences. Les
combattants kurdes sont le rempart contre Daech. Mettez-vous à leur place?
Pourquoi se battre contre Daech alors qu'ils ont été abandonnés à Afrine?
L'État islamique n'est pourtant pas fini. Sur qui peuvent compter aujourd'hui
les Occidentaux? Sur la Turquie? Sur ceux que l'on appelle par commodité les
rebelles, alors que ce sont des mouvements salafistes et pour certains d'entre
eux djihadistes?
Quel jugement portez-vous sur
la position de la France?
La France a fait le service
minimum. On compatit aux malheurs des Kurdes et en même temps on accorde le
droit à la Turquie de sécuriser sa frontière qui n'est pas menacée. On ménage
la chèvre et le chou, au lieu de mobiliser l'Europe et le Conseil de sécurité
des Nations unies. Il y a un changement important avec les Kurdes de Syrie.
Le président
Hollande les avait soutenus en les recevant et en les armant, avec
l'appui des forces spéciales qui opéraient en Syrie. C'étaient des alliés. Le
président Macron n'a pas cette histoire et cette sensibilité. Il
est intervenu auprès d'Erdogan, mais ce dernier n'entend pas les
discours modérés. Le sentiment des Kurdes est que les Occidentaux ont laissé
faire. La France a fait plus que les autres, mais pas assez pour prévenir cette
catastrophe alors qu'elle en avait les moyens.
«La France a fait le service
minimum.»
Kendal Nizan
Les combattants kurdes
pourront-ils maintenir leur contrôle sur le nord de la Syrie?
Après Afrine, je crains que cela
se passe de la même manière au Rojava (nord de la Syrie, NDLR). Tout dépendra
des Américains. Il se peut qu'ils s'opposent à l'invasion turque du Rojava,
mais à l'heure actuelle personne ne peut dire ce qu'ils vont faire. Le Rojava
est pour les Américains l'occasion non pas d'imposer une entité kurde mais de
peser sur les négociations sur l'avenir de la Syrie, car ils n'ont pas d'autres
leviers. Ils ne veulent pas que les Iraniens contrôlent toute la région, et
menacent gravement Israël. Les Kurdes dans ce jeu sont des alliés de
circonstance.
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Soupçons de financement libyen de la campagne de 2007 :
deuxième jour de garde à vue pour Nicolas Sarkozy (20.03.2018)
LE SCAN POLITIQUE - L'ancien
président de la République est de retour ce mercredi dans les locaux de la
police judiciaire à Nanterre où il est entendu depuis mardi matin.
La nouvelle, mardi, a
déclenché une tempête de réactions dans la classe politique, à gauche
comme à droite. Nicolas Sarkozy est de retour ce mercredi matin dans
les locaux de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions
financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre, où il a été placé en garde à vue
dans le cadre de l'enquête sur les soupçons de financement libyen de sa
campagne électorale de 2007. Cette première audition de l'ancien chef de l'Etat
dans ce dossier tentaculaire sur lequel les juges enquêtent depuis cinq ans a
démarré mardi à 8h, avant d'être interrompue vers minuit.
L'ancien chef de l'État nie tout
financement libyen. À l'issue de cette garde à vue, qui peut durer jusqu'à
48 heures, il sera remis en liberté, présenté à un juge en vue d'une
éventuelle mise en examen ou convoqué ultérieurement.
» LIRE AUSSI - Soupçons de financement libyen de la campagne 2007 de
Nicolas Sarkozy: de quoi parle-t-on?
Par ailleurs, Brice Hortefeux,
ancien ministre de l'Intérieur et ami de Nicolas Sarkozy, a été entendu à
Nanterre en audition libre, qui permet aux enquêteurs d'entendre une personne
soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction sans la mettre
en garde à vue, l'intéressé pouvant donc à tout moment quitter les lieux. Son
audition a pris fin aux alentours de 23h30 mardi soir.
«Avancer et faire la lumière»
Dans ce dossier, d'anciens
responsables du régime de feu Mouammar Kadhafi et l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine ont
notamment évoqué la thèse de versements au profit de la campagne de Nicolas
Sarkozy en 2007. D'autres responsables libyens les ont démentis, comme l'ancien
chef de l'État et plusieurs de ses proches.
L'enquête, ouverte notamment pour
détournements de fonds publics et corruption active et passive, a été élargie
en janvier à des faits présumés de «financement illégal de campagne
électorale», a indiqué une source proche du dossier à l'Agence France-Presse.
En septembre 2017, les policiers avaient remis aux juges un rapport qui
pointait la circulation d'espèces dans l'entourage de Sarkozy durant la
campagne 2007. Interrogés par les enquêteurs, Éric Woerth, trésorier de la
campagne présidentielle, et son adjoint chargé de la distribution des
enveloppes, Vincent Talvas, ont répondu que l'argent provenait de dons
anonymes, pour un montant global de 30 000 à 35 000 euros. Une
justification contestée au cours d'autres auditions, dont celle de la personne
chargée du courrier reçu à l'UMP durant cette campagne présidentielle, qui a
déclaré n'avoir «jamais vu de courrier arrivant qui contenait des espèces».
«Après cinq ans d'enquête, on
n'arrive toujours pas à prouver qu'un seul centime d'argent libyen a été versé
à Nicolas Sarkozy»
Me Bouchez El Ghozi, avocat
de Claude Guéant
Mardi, Me Bouchez El Ghozi,
l'avocat de l'ancien secrétaire général de l'Élysée et ministre de l'Intérieur
Claude Guéant, mis en examen dans cette affaire, a jugé qu'«il n'y a pas
d'élément dans le dossier qui justifie aujourd'hui une telle mesure spectaculaire
de garde à vue. Après cinq ans d'enquête, on n'arrive toujours pas à prouver
qu'un seul centime d'argent libyen a été versé à Nicolas Sarkozy».
Les réactions politiques ont été
nombreuses. Dans la majorité, le premier ministre, Édouard Philippe, a lâché:
«Aucun commentaire à faire sur la procédure judiciaire», tout en évoquant des
relations empreintes de «respect mutuel» avec l'ancien président. Le ministre
de l'Agriculture, Stéphane Travert, a jugé qu'«il est utile que la justice
puisse avancer et faire la lumière».
Dans l'opposition, Les
Républicains ont apporté leur «plein et entier soutien» à l'ancien président,
Laurent Wauquiez jugeant sur Twitter la garde à vue «humiliant(e) et inutile».
Christian Jacob, patron des
députés LR, a remarqué: «Onze ans après, c'est de l'acharnement, et on a vu ce
que ça avait donné avec l'affaire Bettencourt.» Le ton est plus acerbe au PCF
et au FN. Sébastien Jumel, un des porte-parole des députés communistes, a
déclaré: «Ça devait arriver. (Nicolas Sarkozy) va avoir du mal à trouver des
alibis.» «Si on en est là, a estimé Gilbert Collard, député FN et avocat, c'est
qu'il y a des éléments.»
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l'homme qui relance l'affaire des financements libyens dans la ca
Takieddine, l'homme qui relance l'affaire des financements
libyens dans la campagne de Sarkozy (17.11.2016)
Par ses accusations portées
contre Claude Guéant et Nicolas Sarkozy, il alimente les soupçons sur le
financement libyen de la campagne de ce dernier en 2007. Mais l'homme d'affaires
franco-libanais est également cité dans une autre enquête en cours, celle de
l'affaire Karachi.
Dans le dernier épisode sur les
accusations de financement libyens qui pèsent sur la campagne de Nicolas
Sarkozy en 2007, c'est Ziad Takieddine lui-même qui se met en scène pour
porter de graves accusations contre le camp de l'ancien président de la
République. Dans une vidéo publiée mardi sur Mediapart, l'homme
d'affaires franco-libanais affirme
qu'il a transporté entre 2006 et 2007 trois valises de billets de la Libye vers
la France, pour un montant total de 5 millions d'euros. Il assure que
les destinataires étaient le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas
Sarkozy, et son directeur de cabinet Claude Guéant. Ziad Takieddine est une
nouvelle fois au centre d'une enquête de financement occulte impliquant les
plus hautes sphères de l'Etat. Qui est-il? Le Figaro fait le
point.
● Repéré dans les années
1990 par François Léotard
Ziad Takieddine commence à
fréquenter le monde politique dans les années 1990. Ce serait François Léotard,
alors ministre de la Défense du gouvernement Balladur, qui lui aurait mis met
le pied à l'étrier. Ziad Takieddine devient un intermédiaire en vente d'armes,
après avoir commencé à travailler dans l'agence publicitaire Young &
Rubicam, puis repris la gestion de la station de ski Isola 2000. Il intègre les
cercles du pouvoirs de la droite, se dit proche de Claude Guéant, Pierre
Charon, Brice Hortefeux ou Jean-François Copé. Les intéressés nient en bloc,
mais des photos publiées par Mediapart tendent à montrer une certaine proximité
entre Takieddine et certains d'entre eux. Sur l'un des clichés, Jean-François
Copé se baigne dans la piscine du millionnaire. Sur un autre, le même
Jean-François Copé pose avec Brice Hortefeux et le franco-libanais sur un port
de plaisance.
● Impliqué dans l'affaire
Karachi
Ziad Takeddine est déjà mis en
examen dans le dossier Karachi. L'homme est soupçonné d'avoir été l'un des
intermédiaires dans deux contrats d'armement signés en 1994 par l'Etat
français: le premier concernait la vente de trois sous-marins au Pakistan
(Agosta), et le second la livraison de trois corvettes furtives à l'Arabie
saoudite (Sawari II). L'homme d'affaires libanais aurait été imposé au dernier
moment dans les négociations avec le Pakistan, alors que le contrat était sur
le point d'être conclu. A ce stade, Ziad Takieddine aurait obtenu 200 millions
d'euros de commissions dans les négociations saoudiennes, au côté de son
compatriote Abdul Al-Assir. Par la suite, les deux intermédiaires auraient
obtenu 33 millions d'euros de commissions sur le contrat du Pakistan, dont 85%
sont versés dans l'année, un délai record. Ces fonds auraient transité via une
société écran immatriculée au Luxembourg, dont la création aurait été avalisée
par le ministre du budget de l'époque, Nicolas Sarkozy, selon une enquête de la
police luxembourgeoise. Les enquêteurs soupçonnent que des rétrocommissions
aient été reversées via cette société pour financer la campagne présidentielle
d'Edouard Balladur en 1995.
● Mis en cause dans
l'affaire du financement libyen
Le nom du sulfureux homme
d'affaires figure aussi dans l'enquête sur le financement de la campagne
présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Mediapart accuse l'ex-président de
la République d'avoir reçu 50 millions d'euros du régime libyen de Mouammar
Kadhafi. Toujours sur Mediapart, Ziad Takieddine a affirmé mardi dans une vidéo
qu'il avait transporté à trois reprises des valises de billets de la Libye vers
la France, entre 2006 et 2007. Il assure avoir remis les deux premières à
Claude Guéant, et la dernière à Nicolas Sarkozy en personne, alors ministre de
l'Intérieur. Ces sommes auraient été demandées selon lui à Abdallah Senoussi,
l'ex-chef des services secrets libyens, au titre de «la coopération entre
services de renseignement». Des dires confirmés par Abdallah Senoussi lui-même,
interrogé en 2012 dans le cadre de l'enquête de la Cour pénale internationale.
Ce dernier affirme que les cinq millions d'euros ont été débloqués précisément
pour la campagne présidentielle de 2007. L'ex président de la République et
candidat à la primaire de la droite, dénonce une «manoeuvre nauséabonde», ajoutant
n'éprouver que «du mépris» pour Mediapart, qualifié «d'officine» qui essaye
depuis des années de le salir, «sans succès».
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Sarkozy : de quoi parle-t-on ? (20.03.2018)
Par Guillaume
Descours et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 20/03/2018 à
23h53 | Publié le 20/03/2018 à 10h49
VIDÉO - Après des révélations de
Mediapart en 2012, les juges français se penchent sur un éventuel financement
illicite de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 par la Libye de Mouammar
Kadhafi. Le Figaro revient sur cette affaire complexe aux
multiples rebondissements.
Nicolas Sarkozy est
entendu depuis mardi matin dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre.
Il a été placé en garde à vue dans l'enquête sur des soupçons de financement
illicite qui pèsent sur sa campagne présidentielle de 2007, selon une source
judiciaire confirmant une information de Mediapart et du Monde. C'est
la première fois que l'ancien président français est entendu par la police dans
cette affaire depuis l'ouverture d'une information judiciaire en avril 2013. Il
est interrogé par les agents de l'Office central de lutte contre la corruption
et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).
L'affaire débute en avril 2012,
quand le site Mediapart publie un document présenté comme officiel. Celui-ci
fait état d'un «accord de principe» pour le versement d'une somme de 50
millions d'euros pour le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy pour la
présidentielle de 2007 par la Libye de Kadhafi. Si certains membres des
services secrets libyens contestent l'authenticité de ce document, ce n'est pas
le cas de Ziad Takieddine.
Cet homme d'affaires, qui a joué un rôle d'intermédiaire entre la France et le
régime de Kadhafi dans des contrats d'armement, affirme que le document est
«crédible». Nicolas Sarkozy porte alors plainte contre le site d'informations
pour «faux et usage de faux», ainsi que pour «publication de fausses
nouvelles». Quatre ans plus tard, la justice tranche: les magistrats rendent un
non-lieu, estimant que le document n'est pas un faux.
Claude Guéant mis en examen en
2015
Personnage central dans cette
affaire, Claude
Guéant a été mis en examen le 7 mai 2015 pour «faux, usage de faux
et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée». Les magistrats
s'interrogent sur un très grand coffre-fort loué le 21 mars 2007 à l'agence BNP
de Paris Opéra et surtout sur un virement de 500.000 euros. Celui-ci apparaît
sur son compte en 2008. L'ancien ministre explique que c'est le résultat de la
vente de deux tableaux.
L'affaire prend un nouveau
tournant en novembre 2016. Ziad Takieddine raconte, toujours à Mediapart,
avoir transporté
entre novembre 2006 et début 2007 des valises contenant cinq millions d'euros
en liquide. Il explique avoir été reçu par Claude Guéant, directeur de
cabinet du ministre de l'Intérieur de l'époque, lors des deux premiers voyages,
puis par Nicolas Sarkozy lui-même la troisième fois en janvier 2007.
Peu après ses déclarations, Ziad
Takieddine est mis en examen par la justice française pour «complicité de corruption,
trafic d'influence et détournement de fonds publics». Un autre intermédiaire,
l'homme d'affaires Alexandre Djouhri a été arrêté en janvier à Londres. Il
avait été placé en détention provisoire, puis libéré après le paiement d'une
caution avant d'être une nouvelle fois incarcéré fin février. Souffrant de
problèmes cardiaques, il est hospitalisé depuis une dizaine de jours à Londres,
selon une source proche de l'enquête. Son domicile suisse avait été
perquisitionné en 2015.
La garde à vue de Nicolas Sarkozy
peut durer jusqu'à 48 heures. En cas d'éléments à charge il pourrait être
présenté aux magistrats pour une éventuelle mise en examen. Selon une source
judiciaire, l'ancien ministre de l'Intérieur pendant le quinquennat Sarkozy,
Brice Hortefeux, est également entendu ce mardi en audition libre. Mediapart
avait affirmé en 2012 que ce proche de l'ancien président avait servi
d'intermédiaire.
Comme Néandertal, l'Homme de Denisova s'est accouplé avec
Homo sapiens (20.03.2018)
L'étude génétique de plus de 5000
personnes d'Europe, d'Asie et d'Océanie, montre que nos ancêtres ont mélangé
leurs gènes à deux reprises avec l'homme de Denisova, cousin disparu qui
peuplait l'Asie il y a encore 40.000 ans.
Quelques dents et une phalange
retrouvés dans
une grotte de l'Altaï en Sibérie au début des années 2000: ce sont
les seules traces archéologiques, vieilles de 48 000 à 30 000 ans,
qui relient avec certitude l'homme moderne à l'homme de Denisova, ce cousin
disparu qui a vécu en même temps que Néandertal (lui aussi disparu).
Malgré cette toute petite
quantité de matière paléontologique, une équipe de chercheurs américains, menée
par Sharon Browning de l'Université de Washington, vient de
publier dans Cell Press , les résultats d'une analyse
d'ADN montrant que deux populations distinctes de Denisoviens se sont mélangées
avec nos ancêtres Homo sapiens.
» LIRE AUSSI - Génétique:
Néandertal continue de parler en nous
Comment les chercheurs ont-ils pu
arriver à de telle conclusion avec si peu? «Premièrement, l'ADN contenu dans la
phalange est extrêmement bien conservé et a pu être séquencé,» explique Jean-Jacques
Hublin, directeur
du département d'évolution humaine à l'institut Max Planck de Leipzig.
«Deuxièmement, l'équipe américaine a utilisé une nouvelle méthode de recherche.
Ils ne sont pas partis de l'ADN fossilisé, mais ont travaillé à partir de celui
des populations actuelles.»
Pour résumer, l'équipe de Sharon
Browning a comparé le génome de plus de 5000 personnes vivant en Europe, Asie
et Océanie. Ils ont réussi à identifier des segments récemment insérés dans le
génome des hommes modernes. Ces segments ont ensuite été comparés avec les ADN
anciens connus. Résultat, des segments néandertaliens particulier ont été
retrouvés dans toutes les populations, et deux types de segments dénisoviens
sont présents chez les populations asiatiques. «L'un des deux est très proche
de celui retrouvé dans l'Altaï. L'autre est légèrement différent.»
Deux populations séparées par
l'Himalaya
En regardant ces différentes
sources ADN, une géographie se dessine. Les populations papoues et
australiennes (bien entendu, on parle ici des Aborigènes) sont celles qui
portent une plus grande proportion d'ADN dénisoviens (mais seulement du type
qui s'éloigne de celui de l'Altaï). Les populations d'Asie de l'Est partagent
eux leur génome avec les deux populations de Dénisoviens. «Quand on regarde de
plus près, tout est assez logique,» détaille Jean-Jacques Hublin. «Les hommes
de Denisova devaient peupler l'ensemble de l'Asie. Une dizaine de fossiles de
cette époque ont été retrouvés en Chine. Mais, longtemps, ils n'ont été
attribués à aucune espèce connue, et je suis persuadé qu'il s'agit, en fait, de
Dénisoviens.» L'Himalaya a représenté un obstacle majeur et de chaque côté de
ces montagnes infranchissables, les populations ont évolué différemment. Les
populations en route vers l'Australie n'ont rencontré que les Dénisoviens «du
sud». Plus à l'est, entre la Chine actuelle, et le sud-est asiatique, les
échanges de populations modernes ont été plus nombreux et on retrouve là des
apports d'ADN dénisoviens du nord et du sud de l'Himalaya.
Le monde serait alors shématiquement
divisé en trois, Sapiens en Afrique, Néandertal en Europe et enfin Denisova en
Asie. «Bien entendu, ces frontières étaient mouvantes,» nuance Jean-Jacques
Hublin. «À leur périphérie, les espèces se sont croisées et se sont succédé aux
mêmes endroits.»
Pourquoi on ne retrouve pas le
même phénomène avec Néandertal
Si la génétique a réussi à
prouver la survivance de deux populations de Dénisoviens dans notre ADN, une
seule trace de Néandertal a été retrouvée pour toutes les populations
eurasiatiques, de Madrid à Pékin! «L'explication est assez simple», raconte
Jean-Jacques Hublin. «Les populations de sapiens dont nous descendons se sont
mélangées avec Néandertal au
Proche Orient il y a 100.000 ans, avant de se répandre vers l'Asie et
l'Europe.» Les tout premiers Homo sapiens arrivés en Europe
ont fini par être remplacés par ces hommes modernes venus eux aussi du
Proche-Orient il y a environ 40.000 ans.
Difficile de savoir si les
différentes espèces vivaient réellement ensemble ou bien si elles se sont juste
croisées et accouplées très occasionnellement et «faute de mieux.» «Aucune
fouille archéologique n'a jamais montré la moindre trace de cohabitation
prolongée», note Jean-Jacques Hublin. «Mais une chose est sûre, c'est le
processus même de spéciation qui est questionné par ce genre d'étude. Tous ces
hominidés ont été séparés suffisamment longtemps pour évoluer différemment.
Mais les flux génétiques des uns et des autres, même très limités, montrent que
l'isolement d'espèces était encore très loin d'être irréversible!»
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Prisons : la France affiche un taux de détention sous la
moyenne européenne (20.03.2018)
Par Jean-Marc
Leclerc et Service
InfographieMis à jour le 20/03/2018 à 21h46 | Publié le 20/03/2018 à
19h38
INFOGRAPHIE - Selon une étude, le
pays réalise un nombre d'incarcérations modéré par rapport à ses voisins et
manque de places de prison.
La crise du système carcéral
français se lit dans la dernière étude de statistique pénale du Conseil de
l'Europe. Baptisé «Space» et réalisé avec le concours de l'université de
Lausanne, ce rapport concerne 47 pays, parmi lesquels la Turquie. Il confirme
clairement que la surpopulation dans les prisons tricolores est liée au
sous-dimensionnement du parc pénitentiaire.
À lire ces tableaux fournis par
les administrations elles-mêmes (des données arrêtées au 1er septembre 2016),
la France compte dans ses prisons presque 117 détenus pour 100 places. Alors
que la moyenne européenne est de 90 détenus pour 100 places. L'Espagne, elle,
ne compte que 71 détenus pour 100 places, contre 109 en Italie, 98 en Grèce, 97
au Royaume-Uni et 87 en Allemagne.
Autant dire que le projet Macron de construire 10.000 nouvelles
places de prison en France d'ici à la fin de son quinquennat serait le
bienvenu, même si le chef de l'État en avait initialement promis 15.000 durant
la campagne présidentielle. Aujourd'hui, son équipe le reconnaît: il faudra
deux mandats pour tenir ces engagements. Les 10.000 nouvelles places du premier
quinquennat pourraient même être ramenées à 7000.
Malgré cette surpopulation
carcérale, la France ne semble pas être la terre de répression que l'on
pourrait imaginer. Avec un taux de détention de 102 détenus pour 100.000
habitants, elle se situe nettement au-dessous de la moyenne européenne (127),
très loin de l'Espagne (137) ou du Royaume-Uni (146), sans parler de la Pologne
(188).
La Turquie et la Russie, quant à
elles, pulvérisent tous les records, avec respectivement 224 et 448 détenus
pour 100.000 habitants! À côté, l'Allemagne, l'Italie ou la Grèce passeraient
pour des havres de paix avec quelque 80 détenus pour 100.000 habitants.
8,5 mois d'incarcération en
moyenne en France
L'étude Space fourmille
d'informations utiles. On y apprend que, dans les prisons françaises, la durée
moyenne d'incarcération se limite à 8,5 mois, tandis qu'elle s'établit à 9,8
mois en moyenne en Europe, 13,7 en Italie, 21,9 en Espagne, et même 30,7 au
Portugal. Il faut dire que, avec un nombre de places disponibles assez faible
au regard du flux des personnes condamnées à de la prison ferme, la rotation
rapide des détenus semble inévitable. Sauf à augmenter le nombre de peines non
exécutées, qui dépasse déjà les 100.000 en France.
«Pour les faits de violence
grave, la détention préventive reste la meilleure façon de protéger les
victimes»
Un magistrat
Éviter l'incarcération tant
qu'une peine de prison n'est pas devenue définitive reste un objectif louable.
En France, 29,1 % des détenus sont pourtant en préventive contre 27 %
en moyenne en Europe. L'Espagne, pour sa part, parvient à réduire ces placements
sans condamnation définitive à 17,1 %. L'Hexagone peut donc beaucoup mieux
faire, mais un magistrat nuance: «Pour les faits de violence grave, la
détention préventive reste la meilleure façon de protéger les victimes. Or, qui
peut contester que les violences graves augmentent en France?»
En tout état de cause, les
alternatives à la prison sont très répandues en Europe. Le rapport Space
atteste même que la France figure parmi les championnes d'Europe des solutions
qui évitent de finir derrière les barreaux. Mais curieusement, au sortir des
années Hollande, les personnes qui purgeaient une peine en milieu ouvert
(174.000 au 31 décembre 2016) étaient moins nombreuses que sous Sarkozy
(187.000).
Peines alternatives au
Royaume-Uni
Alors que l'ex-garde des Sceaux,
Christiane Taubira, clamait haut et fort les vertus de sa «contrainte pénale»,
les Britanniques ont devancé les Français en termes de peines alternatives. Le
Royaume-Uni compte désormais 327 personnes sous probation pour
100.000 habitants, quand le taux tricolore plafonne à 260.
En revanche, la France reste l'un
des pays les plus durs contre les automobilistes poursuivis pénalement. Alors
que les détenus pour délits routiers ne représentent en moyenne que 3,4 %
des prisonniers en Europe, ils sont le double dans l'Hexagone (6,8 %). À
titre de comparaison, l'Allemagne affiche 3,7 %, le Royaume-Uni
0,5 %, l'Espagne 2,5 %. Chez nos voisins proches, seul le Portugal a
la main plus lourde avec un taux de ces détenus de 11,3 %.
» LIRE AUSSI - Prison:
les peines alternatives à l'honneur
Dans les indicateurs européens du
système carcéral, on remarque par ailleurs que la justice française met
particulièrement l'accent sur la lutte contre les viols, avec 4348 prisonniers
pour ce type de faits, au 1er septembre 2016. À comparer aux 3206 détenus en
Allemagne pour ce genre d'infractions, contre 1 966 en Espagne et 1852 en
Italie. Le Royaume-Uni a, de son côté, incarcéré 6596 violeurs.
Le coût moyen d'un prisonnier en
France est de 106 euros par personne et par jour, contre 141 euros en
Allemagne, 147 en Italie et… 30 euros en Grèce. Enfin, alors que les
syndicats de la Pénitentiaire dénoncent toujours un manque de personnel,
l'étude Space révèle que le nombre de détenus par surveillant est de 2,5 en
France contre 3,5 en Europe, 3,8 en Italie, 3,3 en Espagne et même 4,2 en
Allemagne.
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Les emportements de Mahmoud Abbas contre Washington et le
Hamas (20.03.2018)
Le président de l'Autorité
palestinienne a traité l'ambassadeur américain en Israël de «fils de chien» lui
reprochant son soutien aux colons israéliens de Cisjordanie. Il menace aussi
d'accentuer les sanctions contre le mouvement islamiste qui tient Gaza depuis
2007.
Les médias israéliens ont surtout
retenu l'insulte. S'exprimant lundi soir devant les membres de la direction
palestinienne, le président Mahmoud Abbas a de nouveau laissé parler sa colère
contre l'Administration américaine. Il a notamment traité l'ambassadeur auprès
de l'État hébreu, David Friedman, de «fils de chien», en réaction au soutien
que celui-ci apporte aux colons israéliens de Cisjordanie. L'émissaire de
Donald Trump pour le Proche-Orient, Jason
Greenblatt, a aussitôt condamné des propos «hautement inappropriés»
tandis que Benyamin Nétanyahou accablait leur auteur. «Pour la première fois
depuis des décennies, a-t-il dit, l'Administration américaine cesse de cajoler
les dirigeants palestiniens. Apparemment le choc de la vérité leur fait perdre
la tête.»
Plus encore que les noms
d'oiseau, cependant, ce sont les mises en garde brandies par le chef de
l'Autorité palestinienne qui suscitent l'inquiétude. Accusant ouvertement le Hamas
d'avoir commandité l'attentat manqué contre le convoi du premier ministre Rami
Hamdallah le 13 mars à Gaza, Mahmoud Abbas a menacé de mettre fin au
processus de réconciliation amorcé en septembre dernier par les deux factions
rivales. Si le mouvement islamiste, qui contrôle l'enclave depuis 2007, ne lui
cède pas les ministères régaliens sans tarder, il a promis d'alourdir les
sanctions contre le territoire côtier. Après la réduction des salaires que
verse l'Autorité, la mise à la retraite de fonctionnaires et la réduction de
l'approvisionnement en électricité, une telle extrémité risque fort de
provoquer un effondrement généralisé - et pourrait déboucher sur une nouvelle
confrontation avec Israël.
Soucieux de conjurer une telle
spirale, les pays donateurs qui soutiennent traditionnellement la Palestine se
sont réunis mardi à Bruxelles pour financer des interventions à court terme.
Une dizaine de projets ont été évoqués la semaine dernière, à Washington, lors
d'une rare rencontre qui a associé des représentants d'Israël et de plusieurs
pays arabes. La réparation rapide des trois lignes électriques qui relient
l'Égypte à l'enclave palestinienne, la reconstruction du réservoir de carburant
accolé à la seule centrale électrique de Gaza ainsi que la fourniture de
10 millions de mètres cubes d'eau supplémentaires par Israël font partie
des pistes envisagées. «Le problème, s'inquiète Nickolay Mladenov, coordinateur
spécial des Nations-Unies pour le processus de paix, c'est qu'au-delà de ces
mesures d'urgence, nous devons trouver des financements pour l'agence en charge
des réfugiés palestiniens (l'Unrwa, NDLR). Or les pays donateurs sont
clairement fatigués après tant d'années à soutenir les Palestiniens sans le
moindre horizon politique.»
À plus long terme, la communauté
internationale envisage de financer une vaste centrale pour dessaler l'eau de
mer, un champ de panneaux solaires et l'agrandissement d'une zone industrielle
qui fonctionne déjà à l'est de l'enclave. Mais il y a de fortes chances pour
que ces projets pharaoniques restent au point mort aussi longtemps que le Hamas
et le Fatah ne se seront pas décidés à enterrer la hache de guerre.
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Le cri des femmes syriennes en quête de leurs maris
«disparus» dans les prisons du régime (18.03.2018)
REPORTAGE - Elles ne font pas la
une des journaux. Leurs histoires sont enterrées dans les marges d'une
actualité trop brûlante. Et pourtant, à l'ombre de la guerre syrienne, elles
sont des dizaines de milliers d'épouses à se débattre pour faire la lumière sur
le sort de leurs maris, détenus par le régime de Damas ou portés «disparus».
C'était le printemps de l'amour
et des rêves. Une saison folle guidée par les trois étoiles rouges du drapeau
révolutionnaire syrien. Noura, avocate, courait sans relâche les tribunaux pour
défendre les dissidents embastillés. Bassel, génie de l'informatique, naviguait
sur l'Internet pour briser les filtres de la censure et favoriser la libre
circulation des idées. La nuit, les deux jeunes fiancés planchaient jusqu'à pas
d'heure sur la rédaction de tracts destinés aux activistes. Ils s'étaient
rencontrés un an plus tôt, lors des premiers cortèges du soulèvement
anti-Assad. Un coup de foudre scellé par l'envie commune de construire un pays
libre et pluriel.
Ce 15 mars 2012, l'intrépide
juriste avait prévu d'aller essayer sa robe de mariée - la noce, prévue deux
semaines plus tard, un an jour pour jour après leur rencontre, approchait à
grands pas. Bassel lui avait promis de la retrouver pour l'accompagner chez la
couturière, une fois son rendez-vous terminé. Mais le rendez-vous s'est
éternisé. Le futur époux s'est volatilisé. Son téléphone est resté muet. «J'ai
aussitôt compris qu'il avait été arrêté», raconte Noura Ghazi Safadi, ses yeux
bruns plissés de tristesse. Elle est assise dans le hall de cet hôtel parisien,
perdue dans les souvenirs d'une promesse avortée. «Au début, reprend-elle, je
me suis effondrée. J'étais tétanisée. Ma sœur s'est occupée de tout:
l'annulation de la fête, les coups de fil aux invités… Et puis, j'ai relevé la
tête. Il me fallait retrouver la trace de Bassel, promener ma lanterne dans les
méandres de l'univers carcéral que je connaissais malheureusement trop bien.»
Démultiplication des
«enlèvements»
En arabe, Noura signifie «lumière»
- un nom prémonitoire choisi par ses parents. Elle naît à Damas en 1981, d'une
mère d'origine kurde syrienne et turque. Son père, journaliste, milite contre
le régime. À 5 ans, elle le voit s'exiler au Liban. De retour au pays, en 1992,
il est incarcéré. «Chaque semaine, se remémore-t-elle, j'allais le voir
derrière les barreaux. Lors de ses convocations au tribunal, je me précipitais
pour le serrer dans mes bras. Un jour, la police m'en a empêchée. Un des agents
m'a dit que je devrais avoir honte de mon père. Furieuse, j'ai insulté le
président Hafez el-Assad (père de Bachar, NDLR) en pleine rue. En guise de
revanche, j'ai déclaré que, plus grande, je serai avocate pour défendre tous
les prisonniers politiques !»
«Les premiers mois, je suis
restée sans nouvelle de lui, jusqu'à ce que j'apprenne par un ex-codétenu qu'il
était à Saidnaya, l'une des prisons les plus atroces de Syrie»
Noura Ghazi Safadi
Pari tenu: elle qui se rêvait
vétérinaire ou actrice se lance dans des études de droit. Son diplôme en poche,
elle plaide en faveur des opprimés: femmes, reporters censurés, opposants sous
les verrous. Au début de la révolte de 2011, le nombre de personnes inquiétées
gonfle à vue d'œil. Les «enlèvements» - c'est ainsi qu'elle désigne les
arrestations arbitraires - se démultiplient.
Dans sa robe noire d'avocate,
assortie à sa longue chevelure, Noura saute de salles d'audience en centres de
détention. «J'entretiens une relation étrange avec les prisons. J'ai grandi
avec. C'est un univers qui m'est étrangement familier», souffle-t-elle. Mais
l'incarcération de Bassel, accusé de porter atteinte à la sécurité de l'État,
va chambouler sa vie.
«Les premiers mois, je suis
restée sans nouvelle de lui, jusqu'à ce que j'apprenne par un ex-codétenu qu'il
était à Saidnaya, l'une des prisons les plus atroces de Syrie», raconte-t-elle.
Au bout de neuf mois, le cyberactiviste est finalement transféré à la prison
centrale d'Adra, où Noura le revoit pour la première fois. «Il avait maigri.
Certaines parties de son corps avaient reçu des brûlures de cigarette»,
dit-elle.
Les deux amoureux refusent de
courber l'échine: vingt jours plus tard, ils se marient secrètement en prison.
«Nous avons chuchoté nos vœux à travers les barres de métal qui nous
séparaient. Et lors d'une seconde visite, un oncle juriste a officialisé
l'union», sourit la jeune femme. Un de ses plus beaux moments de résistance:
«Nous nous sommes mariés en dépit des obstacles! En prison! Vous imaginez? Je
suis parvenue à défier les barreaux, les gardes, la surveillance vidéo et j'ai
épousé Bassel !»
Exécuté sur ordre du tribunal
militaire
Pendant trois ans, et malgré les
intimidations, elle enchaîne les tours de passe-passe pour le voir au maximum:
outre la visite hebdomadaire, accordée aux familles de détenus, elle se débrouille
pour le croiser de temps en temps dans la salle des avocats, où elle vient
rencontrer ses clients. «Quel réconfort de pouvoir lui toucher la main, ne
serait-ce que quelques minutes», dit-elle.
Dans l'enfer que devient la
Syrie, déchirée entre guerre civile et percée du djihadisme, où les morts se
comptent par centaines de milliers, leur passion fait leur force: elle lui
apporte des chocolats et des livres ; il lui offre des sculptures
confectionnées dans sa cellule à partir de cartes téléphoniques. Quand elle lui
écrit des poèmes en arabe, il les lui traduit en anglais. Et puis le
13 septembre 2015 arrive comme une claque. Noura, dont c'est
l'anniversaire, a caché sa fatigue sous un joyeux rouge à lèvres pour le fêter
en prison. Mais ce jour-là, Bassel est abattu. «Je crois qu'ils vont me tuer»,
lui annonce-t-il derrière les barreaux. Noura refuse d'y croire: «Ne sois pas
ridicule! Ils vont finir par te libérer.» C'est sa dernière visite.
«Il m'arrive encore de
douter : et s'il était encore en vie ? Je suis incapable de faire le deuil de
Bassel. Ça me tue !»
«Trois jours plus tard,
poursuit-elle, Bassel m'a téléphoné pour me dire qu'on s'apprêtait à l'emmener
quelque part, mais qu'il ignorait où. Depuis, il ne m'a jamais rappelée.» La
rumeur de son exécution, d'abord invérifiable, est officieusement confirmée en…
août 2017. Par contacts interposés, Noura apprend qu'il a été exécuté un
mois après sa dernière visite, sur ordre du tribunal militaire. «Je suis tombée
en dépression. La douleur était d'autant plus profonde que je n'ai pu ni
récupérer sa dépouille, ni lui offrir une sépulture pour fleurir son tombeau. À
ce jour, il m'arrive encore de douter: et s'il était encore en vie? Je suis
incapable de faire le deuil de Bassel. Ça me tue!», dit-elle.
À partir de là, plus rien ne la
retient à Damas - pas même l'interdiction de quitter le territoire, levée fin
2017. Sans hésiter, Noura fait ses valises, en y glissant les statuettes de
Bassel, dont celle, si précieuse, de la déesse de la Justice - «son dernier
cadeau». Prétextant un test d'anglais à Beyrouth, elle franchit la frontière
syro-libanaise en sachant qu'elle n'y remettra plus les pieds: trop d'amertume,
trop de colère, trop de menaces contre sa propre personne. Elle, l'avocate
entêtée, l'infatigable militante des droits de l'homme, a rejoint la longue
liste des épouses, mères et sœurs de «disparus»: ces dizaines de milliers de
Syriennes suspendues à l'attente d'un coup de fil, d'un verdict officiel, de la
moindre preuve de vie - ou de mort - de leurs proches arrêtés. «Je ne suis
qu'un exemple parmi tant d'autres», avance-t-elle.
Les Antigone du XXIe siècle
Il y a un mois, elle en a
retrouvé une petite douzaine en plein cœur de Paris. À l'initiative de l'ONG
Families for Freedom * (Familles pour la liberté), créée en 2014, elles
sont toutes montées à bord d'un bus londonien, garé place de la République, qui
fait le tour de l'Europe pour sensibiliser l'opinion publique sur ce drame
syrien si peu médiatisé. Sous un ciel gris et froid, le cri de Noura s'est
rallié à celui de ces Antigone du XXIe siècle. Le regard digne, la voix
brisée par les sanglots, elles se sont relayées derrière le micro pour
raconter, photos à l'appui, l'histoire de leurs époux - parfois de leurs frères
ou de leurs fils - incarcérés ou exécutés, et dont elles sont sans nouvelles.
À ce jour, quelque 200.000
Syriens - hommes et femmes confondus - sont portés «disparus» à travers le
pays. «Nous sommes ici pour réclamer leur libération. Nous sommes ici pour
obtenir le droit de connaître leur sort», a martelé Noura devant la foule. Bien
triste déclaration pour une révolution qui souffle ses sept bougies. «Mais je
ne perds pas espoir», insiste-t-elle, quelques jours plus tard, dans ce petit
hôtel du XIe arrondissement où elle a fait escale.
«Faute de certificat de décès,
les veuves de disparus ne peuvent ni toucher de pension, ni refaire leur vie ou
se remarier»
Noura Ghazi Safadi
Son ultime objectif: que Bachar
soit traîné en justice «pour tous ses crimes restés jusqu'ici impunis». Et pour
sauver, aussi, l'honneur des épouses oubliées. «Derrière chaque disparition se
cachent des femmes et des familles qui souffrent en silence. Les veuves de
disparus sont comme enchaînées. Faute de certificat de décès, elles ne peuvent
ni toucher de pension, ni refaire leur vie ou se remarier. Dans les milieux
traditionnels, elles se retrouvent souvent sous l'emprise de leur
belle-famille», souligne-t-elle. Noura baisse les yeux: «Et je ne parle pas des
Syriennes violées au fond des cachots. Un tabou qu'il faudra bien finir par
briser…»
Aujourd'hui de retour à Beyrouth,
son nouveau «chez-elle» temporaire, Noura poursuit sa bataille de
l'information. «J'ai la chance d'être libre, de pouvoir m'exprimer en public,
de me déplacer de pays en pays pour qu'on n'oublie pas la Syrie. Je suis la
porte-voix de celles qui ne peuvent pas parler», dit la jeune juriste. Les
jours de déprime, elle s'accroche au souvenir de Bassel, à cette promesse
commune de meilleurs lendemains. Pour immortaliser leur amour, elle vient de
publier un recueil bilingue contenant les fameux poèmes qu'elle lui écrivait et
qu'il lui traduisait en prison. Le titre s'est imposé d'office: En attendant
Bassel.
* Pour en savoir plus sur
les Familles pour la liberté:https://syrianfamilies.org/fr
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(11.03.2018)
REPORTAGE - Six mois après
l'exode de plus de 700.000 musulmans de Birmanie fin août, environ un million
de réfugiés vivotent dans des camps, entre traumatisme et résignation.
Envoyé spécial à Cox's Bazar
La boue s'est transformée en
poussière de sable. La pluie de la mousson a laissé place au soleil brûlant, et
les traumatismes à la résilience pour certains. Dans ce qui est devenu en six
mois la plus grande concentration de réfugiés au monde, avec près
de 700.000 arrivées depuis le 25 août, la vie s'organise à Cox's
Bazar, parmi les
Rohingyas. A l'entrée des camps, les échoppes ont remplacé la foule qui
cherchait il y a encore quelques semaines de quoi manger. Aujourd'hui, des
femmes vendent du poisson ou des légumes, quand d'autres proposent des habits
et même quelques jouets. Mais rares sont les acheteurs.
Dans les ruelles escarpées, des
enfants jouent aux billes, la plupart aident leurs parents à construire des
abris solides avant les prochains cyclones tant redoutés. Certains portent des
tiges de bambous, les plus costauds de lourds sacs de sable qui serviront à
ancrer les tentes ou des escaliers dans les pentes sinueuses.
«La mousson va arriver, il
faut anticiper les risques. 100.000 réfugiés pourraient être gravement menacés
par des glissements de terrain et des inondations»
Caroline Gluck, chargée de
l'information au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
Au creux des collines, certaines
latrines sont déjà pleines, et les amas de déchets dégagent des odeurs
pestilentielles. Les ONG veillent et veulent éviter toute épidémie, à un mois
de la mousson. «Nous avons passé la phase d'urgence, nous sommes désormais à la
consolidation. La mousson va arriver, il faut anticiper les risques. 100.000
réfugiés pourraient être gravement menacés par des glissements de terrain et
des inondations. Nous avons d'ores et déjà distribué des kits pour les aider»,
explique Caroline Gluck, chargée de l'information au Haut-Commissariat des
Nations unies pour les réfugiés.
Les Rohingyas eux n'arrêtent
jamais de travailler. Mohammed Alamjir s'affaire. Il doit changer de cahute et
en bâtir une plus solide et plus grande. Sa femme attend leur deuxième enfant.
Elle doit accoucher dans les prochains jours. «Je suis rassurée, je vais
pouvoir aller dans une clinique. En Birmanie, j'ai accouché chez moi, c'était
extrêmement dur de ne pas être suivie, mais j'avais trop peur d'aller à
l'hôpital et d'être tuée par les Birmans», confie-t-elle.
«Beaucoup sont encore
traumatisés. Ils souffrent mentalement mais aussi physiquement. Ce sont surtout
des infections, des problèmes de malnutrition, des maux de ventre, des
diarrhées»
Le docteur Rowshon
Pendant la phase d'urgence, les
ONG ont construit de nombreux centres de soins. Halima Katum vient consulter
pour des problèmes gastriques dans une clinique de l'association Friendship
dans le camp de Balukhali, qui juxtapose celui de Kutupalong. Elle est arrivée
il y a six mois. Sa sœur, assise à ses côtés, souffre d'eczéma. Timides et
craintives, elles n'en diront pas davantage et préfèrent se cacher sous leur
voile.
Abdu Munjur est dans la pièce d'à
côté. Il se plaint d'anorexie. Sa mère est morte d'épuisement après la longue
traversée voici quatre mois. «Je suis triste, elle me manque. Mais ici au moins
je suis en sécurité. Je ne veux pas retourner en Birmanie, ils veulent nous
tuer. La vie était désastreuse là-bas, ici au moins nous sommes en paix.»
«Beaucoup sont encore
traumatisés. Ils souffrent mentalement mais aussi physiquement. Ce sont surtout
des infections, des problèmes de malnutrition, des maux de ventre, des
diarrhées, des problèmes de peau dus au manque d'hygiène. Nous avons eu aussi
des cas de rougeole», analyse le docteur Rowshon qui travaille ici depuis trois
mois.
Des cas de trafics d'êtres
humains
Pour les enfants, l'Unicef a mis
en place 600 centres d'apprentissage offrant un enseignement de base, souvent
insuffisant. Le bengali y est interdit pour éviter toute assimilation, alors
les cours sont donnés en anglais, dans le dialecte rohingya ou en birman.
Beaucoup d'associations ont installé des espaces consacrés aux femmes et aux
enfants pour leur assurer une sécurité. Ils peuvent être les cibles des
trafiquants dans les camps, surtout la nuit. Depuis six mois, une vingtaine de
cas de victimes de trafic d'êtres humains ont été signalés. Il s'agit aussi de
lieux d'écoute pour les nombreuses femmes violées par des militaires birmans.
La semaine dernière, trois
lauréates du prix Nobel de la paix se sont rendues dans les camps pour apporter
leur soutien aux réfugiés. Elles ont approché la frontière et dénoncé ce
qu'elles qualifient de «génocide», en demandant que les responsables soient
traduits devant la Cour pénale internationale. «Alors que l'on recense plus
d'un million de Rohingyas déplacés, des morts et disparus en grand nombre, et
alors que le viol et les violences sexuelles sont utilisés comme armes de
guerre, il est grand temps que la communauté internationale agisse», a déclaré
l'avocate iranienne Shirin Ebadi, qui fut, en 2003, la première musulmane à
obtenir ce prix prestigieux. Elle aussi récompensée par le Nobel en 1991, la
dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, s'est en revanche vu retirer mardi le prix
Elie Wiesel du musée de l'Holocauste à Washington, pour son inaction dans cette
crise.
L'ONU appelle à la mise en
place d'un mécanisme indépendant destiné à examiner les crimes commis contre
les Rohingyas en Birmanie
Ro Yassin, qui vit dans les camps
depuis deux ans, a suivi les trois lauréates pendant une journée. «J'étais très
heureux de les voir. Elles ont compris notre détresse, notamment celle des
femmes qui ont été violées. Elles ont fait leur maximum pour dire qu'il y a un
génocide et pour alerter la communauté internationale», relate-t-il encore ému.
De son côté, l'ONU appelle
désormais à la mise en place d'un mécanisme indépendant destiné à examiner les
crimes commis contre les Rohingyas en Birmanie. L'appel est venu du
haut-commissaire aux Droits de l'homme, Zeid Raad al-Hussein, qui souhaite la
constitution d'une équipe d'enquêteurs chargés de réunir les preuves des
exactions. Ce mécanisme permet de dépasser le cadre d'une simple mission
d'enquête afin de trouver des éléments susceptibles d'être utilisés à charge
devant un tribunal.
Les relations entre le Bangladesh
et la Birmanie, elles, se dégradent. Un ministre bangladais a qualifié le pays
voisin de «mal absolu», lui reprochant son manque de coopération. «Le
processus de rapatriement des Rohingyas a peu de chances d'aboutir,
d'abord parce que la Birmanie n'accepterait que 15 réfugiés par jour alors
qu'ils sont un
million au Bangladesh. Ensuite, parce que les réfugiés ne voudront pas
rentrer dans l'État de l'Arakan tant qu'ils craignent d'y être persécutés», a
dénoncé Abul Maal Abdul Muhith. Selon un dernier rapport de MSF, au moins 9.400
personnes ont perdu la vie dans cette région du 25 août au
24 septembre, dont au moins 6.700 des suites de violences. L'ONG estime
qu'au moins 730 enfants de moins de 5 ans ont été tués.
«Les restrictions sont de plus
en plus terribles. Ils nous interdisent désormais d'aller pêcher, nous avons
faim. Ils nous tuent à petit feu. La vie ici est pire qu'en prison»
Un Rohingya vivant dans un camp
de déplacés en Birmanie
De l'autre côté de la frontière,
Saed, qui vit depuis bientôt six ans dans un camp de déplacés à Sittwe, la
capitale de l'Arakan,
confirme ces accusations. «Les restrictions sont de plus en plus terribles. Ils
nous interdisent désormais d'aller pêcher, nous avons faim. Ils nous tuent à
petit feu. La vie ici est pire qu'en prison. Un prisonnier connaît sa sentence
et sait quand il retrouvera sa liberté. Je ne peux même plus décrire toutes les
souffrances que je subis», témoigne-t-il par téléphone.
Quand la nuit tombe sur les camps
du Bangladesh, tous pensent à leur pays qui les a rejetés, à cette terre qui
leur manque, à leur famille perdue. Mais personne ne veut y retourner. Ici, ils
peuvent dormir paisiblement pour la première fois depuis longtemps.
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Le Qatar, de la perle à la culture (21.03.2018)
ESCAPADE - Le petit
émirat, qui accueillera le Mondial de football en 2022, fait appel aux plus
grands architectes et artistes pour célébrer son patrimoine et se différencier
de ses voisins. Il compte attirer deux fois plus de touristes dans ses musées,
son désert et ses réserves naturelles.
Envoyée spéciale à Doha,
À Doha, la capitale du
Qatar, pas
de tour la plus haute, pas de chorégraphie de jets d'eau de toutes les
couleurs sur fond d'air d'opéra, ni de piste
de ski sous cloche comme dans l'émirat de Dubaï. Lui, a décidé de
promouvoir sa culture, son histoire et sa nature, une manière de se distinguer
de son écrasant voisin, célèbre pour ses excès les plus fous.
Le Qatar est une petite langue de
désert, bordée au nord par le Golfe arabo-persique et au sud par l'Arabie
saoudite. Un émirat devenu richissime grâce à des gisements de pétrole et de
gaz naturel découverts dans les années 1950. Doha, la petite ville de pêcheurs
de perles et d'humbles bédouins, est devenue l'une de ces mégapoles
ultramodernes de la région. Toutes cherchent à attirer les visiteurs du monde
entier et surtout à les faire sortir quelques jours - ou même quelques heures -
des aéroports immenses où ils prennent souvent une correspondance pour l'Asie
du sud-est ou pour l'Océanie.
Au cœur de la ville, une
«skyline» borde la corniche arrondie ouvrant sur la mer turquoise. Durant les
mois d'hiver, quand le thermomètre affiche 20 degrés comme ce matin-là, les
joggers - hommes et femmes - profitent de la douceur sur cette promenade
piétonne en bord de mer. Dès le mois de mai et jusqu'en octobre, la chaleur
découragera les coureurs avec plus de 30 degrés et même 40 entre juin et août.
Architectes les plus
talentueux de la planète
Si la monarchie n'a pas cherché à
bâtir les édifices les plus élevés, elle a fait appel aux architectes les plus
talentueux de la planète. La corniche est la vitrine d'un concours de formes
verticales de verre et d'acier, sublimées par le soleil omniprésent. Un
cylindre de dentelle métallique, la Qatar Tower, griffée Jean Nouvel, côtoie la
Tornado Tower, une hyperbole cernée d'un large quadrillage au bas duquel
s'affiche le portrait stylisé de l'émir, visible un peu partout à Doha. La tour
Al Bidda, vrillée sur elle-même est enveloppée d'un feuilletage de verre, les
Palm Towers aux feuilles stylisées sont représentées par des pans concaves… Et
l'émirat a aussi réclamé des prouesses architecturales pour ses musées. Rien
que pour cela, ce petit pays 50 fois plus petit que la France, mérite l'escapade.
L'intérieur de la bibliothèque
conçue par l'architecte Rem Koolhaas, à Doha. - Crédits photo : Valérie
Collet
Les fans d'architectures et d'art
doivent réserver une demi-journée au Musée d'Art Islamique (MIA). Un joyau!
D'abord parce que l'édifice lui-même est époustouflant. Inauguré il y a dix
ans, le musée a été conçu par l'architecte sino américain Ieoh
Ming Pei, l'auteur de la pyramide du Louvre, qui ne connaissait rien à
l'islam avant de se voir confier ce projet grandiose. Le bâtiment géométrique
blanc souligné de gris domine la baie. Un ponton majestueux flanqué de deux
piliers blancs s'ouvre sur la mer. Les angles des terrasses sont adoucis par
les arrondis des fenêtres en arches.
À l'intérieur, un double escalier
monumental de marbre blanc surplombe un atrium dont le sol est orné de figures
géométriques typiques de l'art islamique. Face à une grande baie vitrée, l'eau
d'une fontaine coule dans un bassin octogonal de marbre noir. Les visiteurs
sont peu nombreux. Les centaines de merveilles disposées dans les salles sont à
nous.
»LIRE AUSSI - Le
Qatar lève le voile sur ses trésors
Les œuvres proviennent d'Espagne,
de Chine, d'Irak, d'Égypte, de Turquie... Céramiques ornées de calligraphies,
assiettes et vases Ottomans ornés de fleurs, tapis d'Iran et de Turquie aux
couleurs vives et motifs délicats, bijoux précieux aux pierres multicolores…
Tout l'islam du VIIe au XIXe siècles est là, magnifié par la mise
en scène de Jean-Michel Wilmotte: des salles sombres où seules les
œuvres isolées sont éclairées. Le musée compte 4.000 pièces dont 900 seulement
sont exposées. Les amoureux du MIA flânent encore un peu sur la terrasse
ouverte sur la mer, déjeunent ou dînent au restaurant dont la
carte a été confiée à Alain Ducasse.
Et puis, il y a la
toute nouvelle bibliothèque confiée à Rem Koolhaas, véritable
cathédrale de livres qui déploie à 360 degrés des rayonnages installés en
escalier, ouverts à tous. Enfin, avec sa Rose des Sables, formée de disques de
béton et de fibre de verre, à l'image des pierres du désert dont les cristaux
font penser à des pétales, Jean
Nouvel va donner forme au musée national du Qatar dont l'ouverture
est prévue à la fin de 2018.
Images de synthèse du futur Musée
national du Qatar, par l'architecte Jean Nouvel. - Crédits photo : Jean
Nouvel
À Doha, l'aventure touristique a
commencé il y a une trentaine d'années seulement. Au début des années 80, la
ville n'était qu'un désert. Sur la pointe de la baie, Sheraton a décidé de
construire une pyramide de béton géante au milieu de nulle part. Le Sheraton
est toujours là, comme un phare, un repère de l'urbanisation accélérée. Et tout
autour, le désert a laissé place à une forêt de tours, de routes droites
bordées de palmiers et de pelouses. Dans le grand hall de l'hôtel mythique, un
mini-musée est dédié à son histoire, photos à l'appui. Un pianiste y joue des
mélodies douces. La déco désuète, moquette rouge et parois de bois marron
foncé, pourrait servir de cadre au tournage d'un nouvel opus de OSS117.
Les familles qataries, femmes voilées en noir avec leurs maris en blanc,
voisinent avec les visiteurs étrangers sans nouer de contacts.
Seulement 10% de la population du
Qatar est originaire du pays. Il faut donc composer avec les Asiatiques, les
Indiens, les Européens qui font tourner l'économie. «Mon grand-père a été l'un
des premiers managers de l'hôtel», raconte Hameed, jeune dirigeant d'un
tour-opérateur à Doha. Il parie sur l'offensive du gouvernement du Qatar pour
attirer chaque année 5,6 millions de touristes d'ici à 2023, soit le double par
rapport à 2016.
Incontournable Souq Waqif
Quelques balades s'imposent: le
Souq Waqif est incontournable. Ce n'est pas le rendez-vous des touristes que
l'on pourrait craindre, même si les visiteurs étrangers ne manquent pas dans le
dédale de ce
vrai marché. Ouvert uniquement le soir, s'y mêle les boutiques de
souvenirs kitsch, celles scintillantes du marché de l'or, les petits magasins
d'épices de toutes sortes, sans oublier les étonnants vendeurs de faucons de
chasse dont raffolent les Qataris fortunés. D'ailleurs au détour de l'une de
ses rues piétonnes biscornues, un hôpital moderne et rutilant leur est
entièrement dédié.
Sur la place du Souk Waqif, les
femmes vendent des plats préparés. - Crédits photo : Valérie Collet
Les promeneurs font la queue pour
déguster un «shaï karak», ce délicieux thé sucré à la cardamome et au lait. Sur
la grande place du Souk, les femmes vendent des plats chauds à emporter, leurs
marmites alignées sur les étals. Un artisan vante en chantant les bracelets
multicolores qu'il fabrique sous vos yeux. Un peu plus loin, dans des écuries
blanches d'architecture traditionnelle, des dizaines de pur-sang témoignent de
l'estime que l'émirat leur porte.
Al Shaqab: le temple mondial
du pur-sang arabe
Il faut parcourir quelques
kilomètres à l'ouest du centre de Doha pour découvrir d'autres écuries telles
celles d'Al
Shaqab: le temple mondial du pur-sang arabe. Construites il y a
vingt-cinq ans, elles n'ont cessé de s'agrandir au fil des années. Aujourd'hui,
cet immense complexe ultramoderne comprend un haras, un centre vétérinaire et
un centre de formation ainsi que des écuries magnifiques où 740 chevaux sont
élevés dans des locaux climatisés.
»LIRE AUSSI - Elle
danse avec les chevaux
Au menu des pur-sang: piscine,
jacuzzi et trot en manège pour garder la ligne! Sept champions du monde ayant
remporté des concours de beauté y logent lorsqu'ils ne sont pas en tournée pour
des compétitions ou des saillies hors de prix. L'une des fonctions des écuries
Al Shaqab - le nom d'une bataille désormais donné à tous les champions de la
maison: Gazal, Wadee….- est de promouvoir les qualités des pur-sang et leur
identité arabe. Dans leurs stalles confortables, les juments et leurs poulains
sont bichonnés. Chaque année, 120 naissances ont lieu dans cet élevage cinq
étoiles. Les touristes y sont accueillis depuis peu et doivent au préalable
s'inscrire sur le site.
Campement de tentes blanches
Enfin, autre plongeon culturel
apprécié, le mini-séjour dans le désert. Les week-ends, lorsque la température
est encore douce, les familles qataries aiment passer du temps dans des
campements, souvent des camping-cars. Les touristes peuvent tenter l'aventure
en rejoignant l'un des camps de tentes en bordure de mer. Il faut rouler une
heure au sud de la capitale pour rejoindre l'un d'entre eux, le Regency Sealine
Camp. Déception: avant d'y parvenir, des bouteilles plastiques, des morceaux de
pare-chocs cassés souillent le sable. Au fil des kilomètres, les détritus
disparaissent. «Tous les week-ends, les Qataris s'amusent à faire du dune
bashing , c'est-à-dire des glissades en 4X4 sur les pentes de sables; Il y a
tout le temps des accidents», raconte le guide, un «pro» des virages serrés
pour amuser les passagers. Sans oublier la descente en à pic pour le frisson.
Au camp, une quinzaine de grandes
tentes blanches sont alignées sur le rivage. Des paillotes donnent à la plage
un air estival même s'il fait plutôt froid avec ce vent. Sous les tentes,
l'aménagement est rudimentaire. Mais disposer d'une douche et de toilettes dans
le désert, n'est-ce pas déjà un luxe? À l'entrée du camp, un groupe électrogène
bourdonne comme le moteur d'un camion. Mieux vaut éviter les tentes à
proximité. De là, plusieurs excursions sont possibles: balade en dromadaire,
dégustation de lait de chamelle tout chaud et mousseux, excursion à Khor Al
Adaid, la mer intérieure inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, située
tout près de la frontière avec l'Arabie Saoudite.
Parce que nous sommes encore en
hiver, ce matin-là, au sortir de la tente, l'air et frais et la mer glacée.
Mais un plongeon s'impose. Pendant quelques secondes, un souvenir de Bretagne
surgit! Lorsque l'été surviendra, les tentes seront repliées, les campements
démontés et plus aucun touriste ne viendra s'aventurer sur ce sable aride. Le
désert imposera de nouveau sa loi.
Le campement de tentes blanches
du Regency Sealine Camp - Crédits photo : Valérie Collet
CARNET DE ROUTE
Y ALLER - Paris-Doha
à partir de 880 € en classe éco sur Qatar Airways (trois vols par
jour). La compagnie a déployé sa «Q Suite», une classe affaires aménagée
comme une première classe avec des cabines fermées, sur le vol du matin en
Boeing 777, 4 000 € depuis Paris. À noter les départs de Nice,
une fois par jour, en Dreamliner à partir du 25 mars
(www.qatarairways.com)
FORMALITÉS - Aucun
visa n'est nécessaire pour se rendre au Qatar. En revanche, le passeport
biométrique est obligatoire. Le blocus imposé par les États voisins
(Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Bahreïn, Égypte) n'affecte pas les
touristes.
CIRCUITS - Avec
Voyage de légende, «Rendez-vous en terre Qatarie»: 4 nuits à partir de
1 499 € par personne en chambre double à l'hôtel St. Regis Doha,
5 étoiles, avec vol en classe éco au départ de Paris, safari dans le
désert, croisière en dhow et visite de la ville.
MEILLEURE SAISON - Mieux
vaut partir entre novembre et avril. À partir de mai, la température
grimpe jusqu'à 30 °C et au-delà.
SE RENSEIGNER -www.visitqatar.qa/fr
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L'appel des 100 intellectuels contre le «séparatisme
islamiste» (19.03.2018)
TRIBUNE EXCLUSIVE - Dans Le
Figaro, ils dénoncent «un nouveau totalitarisme» qui «menace la liberté en
général».
Nous sommes des citoyens
d'opinions différentes et très souvent opposées qui se sont trouvés d'accord
pour exprimer, en dehors de toute actualité, leur inquiétude face à la montée
de l'islamisme. Ce ne sont pas nos affinités qui nous réunissent, mais le
sentiment qu'un danger menace la liberté en général et pas seulement la liberté
de penser. Ce qui nous réunit aujourd'hui est plus fondamental que ce qui ne
manquera pas de nous séparer demain.
«Nous avons ainsi appris que
la meilleure façon de combattre le racisme serait de séparer les « races ». Si
cette idée nous heurte, c'est que nous sommes républicains»
Le nouveau totalitarisme
islamiste cherche à gagner du terrain par tous les moyens et à passer pour une
victime de l'intolérance. On a pu observer cette stratégie lorsque le syndicat
d'enseignants SUD Éducation 93 proposait il y a quelques semaines un stage de
formation comportant des ateliers de réflexion sur le «racisme d'État»
interdits aux «Blanc.he.s». Certains animateurs étaient membres ou
sympathisants du Collectif contre l'islamophobie en France et du Parti des
indigènes de la République. Les exemples de ce genre se sont multipliés
dernièrement. Nous avons ainsi appris que la meilleure façon de combattre le
racisme serait de séparer les «races». Si cette idée nous heurte, c'est que
nous sommes républicains.
Nous entendons aussi dire que,
puisque les religions sont bafouées en France par une laïcité
«instrumentalisée», il faut donner à celle qui est minoritaire, c'est-à-dire à
l'islam, une place spéciale pour qu'elle cesse d'être humiliée. La même idée se
poursuit: il paraît qu'en se couvrant d'un voile les femmes se protégeraient
des hommes et que se mettre à part leur permettrait de s'affranchir.
Le point commun de ces
proclamations est de penser que la seule façon de défendre les «dominés» (ce
n'est pas notre vocabulaire mais celui de SUD Éducation 93), serait de les
mettre à l'écart des autres et de leur accorder des privilèges.
«C'est un apartheid d'un
nouveau genre qui est proposé à la France, une ségrégation à l'envers grâce à
laquelle les “dominés” préserveraient leur dignité en se mettant à l'abri des
“dominants”»
Il n'y a pas longtemps, l'apartheid
régnait en Afrique du Sud. Reposant sur la ségrégation des Noirs, il voulait se
disculper en créant des bantoustans où une autonomie factice leur était
concédée. Un tel système a heureusement disparu.
Et voici qu'aujourd'hui, c'est un
apartheid d'un nouveau genre qui est proposé à la France, une ségrégation à
l'envers grâce à laquelle les «dominés» préserveraient leur dignité en se
mettant à l'abri des «dominants».
Mais alors, cela veut dire qu'une
femme qui ôte le voile et sort dans la rue deviendrait une proie normale? Cela
veut dire qu'une «race» qui côtoie les autres serait humiliée? Cela veut dire
qu'une religion qui accepte de n'être qu'une parmi d'autres perdrait la face?
Et les Français musulmans, ou de
culture musulmane sans être croyants, qui aiment la démocratie et veulent vivre
avec tout le monde, l'islamisme a-t-il prévu de les mettre à part, eux aussi?
Et les femmes qui refusent d'être enfermées, qui décidera pour elles? Et les
autres, ceux qui ne méritent apparemment pas d'être protégés: sous clé dans le
camp des «dominants»?
«Ce qu'on appelle
l'universalisme républicain ne consiste pas à nier les sexes, les races ou les
religions, mais à définir l'espace civique indépendamment d'eux pour que
personne n'en soit exclu»
Tout cela va à l'encontre de ce
qui a été fait en France pour garantir la paix civile. Depuis longtemps,
l'unité du pays a été fondée sur l'indifférence à l'égard des particularismes
pouvant être cause de conflit. Ce qu'on appelle l'universalisme républicain ne
consiste pas à nier les sexes, les races ou les religions, mais à définir
l'espace civique indépendamment d'eux pour que personne n'en soit exclu. Et
comment ne pas voir que la laïcité protège aussi les religions minoritaires? La
mettre en péril nous expose au retour des guerres de religion.
À quoi peut donc servir ce
ségrégationnisme nouvelle manière? Doit-il seulement permettre aux soi-disant
«dominés» de sauvegarder leur pureté en vivant entre eux? N'a-t-il pas surtout
pour but d'affirmer la sécession avec la communauté nationale, ses lois et ses
mœurs? N'est-il pas l'expression de la haine la plus caractérisée à l'égard de
notre pays et de la démocratie?
Que chacun vive dans la loi de sa
communauté ou de sa caste et dans le mépris de celle des autres, que chacun ne
soit jugé que par les siens, cela est contraire à l'esprit de la République.
Celle-ci a été fondée sur le refus de droits privés s'appliquant à des
catégories spécifiques et exclusives, sur l'abolition des privilèges. Les mêmes
lois pour chacun de nous, voilà ce que nous garantit au contraire la
République. C'est ce qu'on appelle tout simplement la Justice.
Le nouveau séparatisme avance
masqué. Il veut paraître bénin, mais il est en réalité l'arme de la conquête
politique et culturelle de l'islamisme. L'islamisme veut être à part car il
rejette les autres, y compris les musulmans qui ne partagent pas ses vues.
L'islamisme déteste la souveraineté démocratique car elle lui refuse toute
légitimité. L'islamisme se sent humilié lorsqu'il ne domine pas.
Il n'est pas question d'accepter
cela. Nous voulons vivre dans un monde complet où les deux sexes se regardent
sans se sentir insultés par la présence de l'autre. Nous voulons vivre dans un
monde complet où les femmes ne sont pas jugées inférieures par nature. Nous voulons
vivre dans un monde complet où les gens peuvent se côtoyer sans se craindre.
Nous voulons vivre dans un monde complet où aucune religion ne fait la loi.
Les signataires
Waleed al-Husseini, écrivain
Arnaud d'Aunay, peintre
Pierre Avril, universitaire
Vida Azimi, juriste
Isabelle Barbéris, universitaire
Kenza Belliard, formatrice
Georges Bensoussan, historien
Corinne Berron, auteur
Alain Besançon, historien
Fatiha Boudjahlat, essayiste
Michel Bouleau, juriste
Rémi Brague, philosophe
Philippe Braunstein, historien
Stéphane Breton, cinéaste, ethnologue
Claire Brière-Blanchet, reporter, essayiste
Marie-Laure Brossier, élue municipale
Pascal Bruckner, écrivain
Eylem Can, scénariste
Sylvie Catellin, sémiologue
Gérard Chaliand, écrivain
Patrice Champion, ancien conseiller ministériel
Brice Couturier, journaliste
Éric Delbecque, essayiste
Chantal Delsol, philosophe
Vincent Descombes, philosophe
David Duquesne, infirmier libéral
Luc Ferry, philosophe, ancien ministre
Alain Finkielkraut, philosophe, écrivain
Patrice Franceschi, écrivain
Renée Fregosi, philosophe
Christian Frère, professeur
Claudine Gamba-Gontard, professeur
Jacques Gilbert, historien des idées
Gilles-William Goldnadel, avocat
Monique Gosselin-Noat, universitaire
Gabriel Gras, biologiste
Gaël Gratet, professeur
Patrice Gueniffey, historien
Alain Guéry, historien
Éric Guichard, philosophe
Claude Habib, écrivain, professeur
Nathalie Heinich, sociologue
Clarisse Herrenschmidt, linguiste
Philippe d'Iribarne, sociologue
Roland Jaccard, essayiste
Jacques Jedwab, psychanalyste
Catherine Kintzler, philosophe
Bernard Kouchner, médecin, humanitaire, ancien ministre
Bernard de La Villardière, journaliste
Françoise Laborde, journaliste
Alexandra Laignel-Lavastine, essayiste
Dominique Lanza, psychologue clinicienne
Philippe de Lara, philosophe
Josepha Laroche, universitaire
Alain Laurent, essayiste, éditeur
Michel Le Bris, écrivain
Jean-Pierre Le Goff, philosophe
Damien Le Guay, philosophe
Anne-Marie Le Pourhiet, juriste
Barbara Lefebvre, enseignante
Patrick Leroux-Hugon, physicien
Élisabeth Lévy, journaliste
Laurent Loty, historien des idées
Mohamed Louizi, ingénieur, essayiste
Jérôme Maucourant, économiste
Jean-Michel Meurice, peintre, réalisateur
Juliette Minces, sociologue
Marc Nacht, psychanalyste, écrivain
Morgan Navarro, dessinateur
Pierre Nora, historien, éditeur
Robert Pépin, traducteur
Céline Pina, essayiste
Yann Queffélec, écrivain
Jean Queyrat, réalisateur
Philippe Raynaud, professeur de sciences politiques
Robert Redeker, écrivain
Pierre Rigoulot, historien
Ivan Rioufol, journaliste
Philippe San Marco, auteur, essayiste
Boualem Sansal, écrivain
Jean-Marie Schaeffer, philosophe
Martine Segalen, ethnologue
André Senik, enseignant
Patrick Sommier, homme de théâtre
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Ibn Warraq, écrivain
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Fawzia Zouari, écrivaine
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 20/03/2018. Accédez à sa version
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Poutine, la Russie et la France : la veuve d'Alexandre
Soljenitsyne se confie au Figaro (20.03.2018)
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans
un entretien exclusif au Figaro, Natalia Soljenitsyne évoque le
gigantesque travail littéraire et historique de son mari dans l'identification
des causes de la tragédie russe. Mais aussi la relation de celui-ci avec la
France, qu'il appelait sa «patrie inattendue».
Alors qu'on s'apprête à célébrer
le 100e anniversaire de la naissance de l'auteur de L'Archipel du
goulag, sa femme qui fut aussi sa complice intellectuelle se livre dans un
entretien exclusif au Figaro. Elle évoque le gigantesque travail
littéraire et historique de son mari dans l'identification des causes de la
tragédie russe. Elle rappelle qu'Alexandre Soljenitsyne, s'il s'est battu toute
sa vie contre le totalitarisme, était partisan d'un pouvoir fort en Russie. Ce
qui explique sans doute la sympathie que lui porte Vladimir Poutine. Déplorant
l'humiliation qu'a subie la Russie dans les années 1990, elle considère que «la
Crimée est russe» mais que le Kremlin n'aurait jamais dû se mêler du Donbass.
Elle regrette l'initiative du président Emmanuel Macron qui a boudé au Salon du
livre le pavillon russe (qui était invité d'honneur) et affirme que la Russie a
besoin d'aide plutôt que de condescendance.
LE FIGARO. - Vous avez partagé
votre vie avec Alexandre Soljenitsyne, l'une des personnalités les plus
importantes du XXe siècle, l'homme qui a détruit le communisme avec sa
plume. Que retenez-vous de cette vie extraordinaire?
Natalia SOLJENITSYNE. - Tout
a été important, vraiment tout. Les circonstances de notre vie ont été très
difficiles. Mais entre nous, c'était le bonheur! Vraiment! Tout autour, les
choses étaient compliquées, mais nous avons traversé ces difficultés ensemble.
On n'était pas d'accord sur certains choix tactiques, et avec mon tempérament
contestataire, je lui tenais tête. Mais nous avons toujours été d'accord sur
l'essentiel, les choses stratégiques. Je pense que nous avons eu tous les deux
beaucoup de chance. On me demande souvent: était-ce dur de vivre avec un tel
homme, si tendu vers son but, si concentré sur les grandes choses? Est-ce dur
de dormir avec un génie? Je pense qu'il n'y a pas de règle et que cela dépend
des deux parties! Pour moi, c'était à la fois naturel et passionnant. Les
limitations qui nous étaient imposées me paraissaient acceptables car il y
avait un but beaucoup plus grand à atteindre, pour lequel nous nous battions.
Vous avez participé jour après
jour à l'accouchement de son œuvre…
Exactement, ma vie avait un sens
absolu. Nous avions de longues et constantes discussions sur ses textes. Pas au
stade de la création bien sûr, qui était un royaume qui lui appartenait
complètement et où il ne laissait entrer personne. Mais j'intervenais dans les
stades plus avancés de la rédaction. Les milliers de pages qu'il écrivait et
que j'imprimais, étaient entourées d'un espace blanc important dans lequel je
mettais des questions, propositions à l'encre noire, et lui répondait à l'encre
bleue. Je le convainquais souvent d'accepter des modifications. S'il refusait,
il mettait un signe négatif dans la marge, et expliquait toujours pourquoi.
Ce qui frappe dans la
fabrication de son grand œuvre La Roue rouge,qui visait à
comprendre les causes de la tragédie de la Révolution russe, c'est l'ampleur
surhumaine du travail, ce que vous avez accompli ensemble. Ces milliers de
documents d'archives, de microfilms, de livres, de témoignages que vous avez
obtenus à la Hoover Institution et ailleurs…
Tout était très précis. Alexandre
Soljenitsyne était mathématicien. Et moi aussi. J'avais fini la faculté de
mathématiques de l'université Lomonossov. Quand je l'ai connu je travaillais
sur la théorie de la relativité auprès du grand professeur de mathématiques
Kolmogoroff. Mais après la naissance de mon fils Ermolaï, je me suis
complètement consacrée à mon travail à ses côtés. Mon mari a toujours dit et
pensé que sans cette formation mathématique, il se serait perdu en route.
Recréer cette époque complexe qui avait bouleversé l'histoire de notre pays a
requis la lecture de milliers de documents… Nous avons eu la chance d'avoir
accès à tout ce qui avait été écrit en russe sur le sujet, notamment dans
l'émigration. Il s'agissait d'une palette d'une extraordinaire diversité, car
la révolution avait jeté hors des frontières tout le spectre de la société, des
révolutionnaires aux monarchistes, des ingénieurs aux militaires.
«Mon mari a toujours dit et
pensé que sans cette formation mathématique, il se serait perdu en route»
Natalia Soljenitsyne
Au fond, il aurait été
beaucoup plus difficile d'écrire cette œuvre s'il n'avait pas été exilé?
Il n'aurait tout simplement pas
pu et il serait mort très vite, car il aurait été à nouveau envoyé en prison en
Sibérie à Verkhoïansk, comme tout le Politburo le voulait alors. Mais, comme le
montrent les sténogrammes du Politburo de l'époque, publiés pendant la
perestroïka, Iouri Andropov a été son sauveur! Ce n'était pas son but, bien
sûr, il avait simplement peur de porter atteinte à la détente avec l'Ouest. Il
pensait que l'URSS ne risquait rien à exiler Soljenitsyne, pariant qu'il serait
vite oublié.
La Russie va célébrer cette
année le 100e anniversaire de la naissance de votre mari. Avez-vous le
sentiment que le pays est prêt à accueillir ses leçons?
Les leçons qu'il a tirées sont
nécessaires mais elles ne sont pas accueillies dans leur totalité. Notre
société est fragmentée sur presque toutes les questions et notamment sur
Soljenitsyne. Il est enseigné à l'école et au lycée, mais à l'université, cela
dépend des professeurs. En ce qui concerne les livres, il est constamment
réédité, ce qui montre qu'il est lu. Mais bien sûr, il y a des adversaires,
notamment parmi les communistes qui le jugent coupable de la fin du communisme
et ressortent tous les mensonges propagés à l'époque soviétique!
Ce n'est un secret pour
personne que le pouvoir russe actuel a une bonne relation avec vous…
C'est Poutine lui-même,
personnellement, qui a une relation de sympathie à Soljenitsyne. Je dirais
qu'il lui accorde une «attention intérieure». Je ne sais pas exactement
pourquoi. Mais je sais par exemple que son petit livre Réflexions sur la
révolution de Février, publié par le journal Rossiiskaïa Gazeta il y a dix ans,
a été remis à Poutine. Il a ensuite été vu sur sa table de travail, avec des
annotations. Ce qui les a rapprochés est sans doute le fait que Soljenitsyne
est, comme lui, un partisan d'un État fort.
En même temps, le pouvoir
refuse de regarder le passé en face et remet Staline à l'honneur. Les opposants
émigrent… Tout recommence comme avant?
Je dirais qu'on est face à une
forme de schizophrénie. D'un côté, on publie des tas de bouquins sur Staline,
on fête sa naissance et sa mort, mais en même temps, dire que le pouvoir
encourage ça, n'est pas juste. Poutine ne dit rien pour soutenir de telles
initiatives. Mais il est vrai qu'il ne s'y oppose pas. Le 30 octobre
dernier, un nouveau mur aux victimes de toutes les répressions politiques a été
érigé et Poutine est venu à cette cérémonie d'inauguration. Sa présence était
un geste antistalinien et a été perçue comme tel. Il a d'ailleurs prononcé un
discours dont chaque mot était juste. La contradiction que vous soulignez est
le reflet du schisme qui traverse notre société. Poutine estime sans doute
qu'en tant que président de tous les Russes, il doit accepter cette
coexistence…
Quelle a été la principale
leçon qu'a tirée Alexandre Soljenitsyne de l'étude de 1917?
Il estimait que la cause
principale de la révolution de février avait été l'affrontement fatal du
pouvoir et de la société éduquée, un affrontement qui durait depuis un
demi-siècle. En théorie, un tel affrontement est normal et sain, mais pas dans
une forme aussi radicale, quand il n'y a place pour aucun compromis.
«Je n'ai nullement envie que
notre société éduquée s'obstine dans une position d'intransigeance absolue
jusqu'à l'absurde. Il faut critiquer le pouvoir mais aussi dialoguer avec lui»
Natalia Soljenitsyne
Pourquoi cette absence de
compromis?
En partie, en raison du caractère
russe, du radicalisme du caractère national. Mais aussi en raison de la nature
obtuse du pouvoir, qui quand il est absolu, n'est pas capable d'un lien
organique avec la société. Certes, à la veille de la révolution, ce pouvoir
n'était déjà plus absolu, mais la quantité de haine accumulée était telle qu'il
n'y avait aucune capacité de compromis. Soljenitsyne disait toujours que dans
de tels cas, les deux parties ont une part de responsabilité, même si celle du
pouvoir est plus grande. C'est une grande leçon pour le futur.
Est-ce par peur de ce
radicalisme que vous restez ouverte à un dialogue avec le pouvoir poutinien?
Oui, j'essaie d'occuper une ligne
centriste. Après avoir passé tant d'années à étudier notre histoire, j'ai très
peur d'une nouvelle confrontation fatale. Je n'ai nullement envie que notre
société éduquée s'obstine dans une position d'intransigeance absolue jusqu'à
l'absurde. Il faut critiquer le pouvoir mais aussi dialoguer avec lui.
L'homme de L'Archipel
du goulag aurait-il accepté le dialogue?
Il n'aurait jamais accepté le
dialogue et le compromis avec l'ancien pouvoir soviétique, qui était
totalitaire et qu'il jugeait anti-humain. Mais avec ce pouvoir, qui a certes
d'énormes erreurs à son actif, sans doute que si. Car le pays est différent!
Oui, il y a la corruption, le mensonge. Mais pas total! C'est comme dans toutes
les dictatures de droite. Il y a un chemin pour en sortir. Sortir du
totalitarisme est tout autre chose. Seule la Russie en a fait l'expérience et
elle n'en est pas encore totalement sortie. Aujourd'hui, nous avons une forme
d'autocratie, c'était ce que pensait d'ailleurs Soljenitsyne. Il est donc
possible de faire pousser la démocratie, mais cela ne sera pas possible sans
dialogue.
«Les Russes n'auraient jamais
dû se mêler du Donbass. Mais en ce qui concerne la Crimée, malgré une approche
contestable du point de vue du droit international, cette région appartient à
la Russie»
Natalia Soljenitsyne
Dans Comment
réaménager notre Russie, Soljenitsyne avait mis en avant l'idée que la
Russie devrait abandonner l'empire. Le pouvoir n'est-il pas en train de se
laisser embarquer dans de nouvelles aventures extérieures fatales comme en
Ukraine?
Alexandre Soljenitsyne avait en
effet appelé à en finir avec l'impérialisme russe, avec l'empire. Mais je ne
pense pas qu'un vrai danger existe de ce côté-là. Il faut distinguer entre la
Crimée et le Donbass. Je regrette beaucoup ce qui s'est passé dans le Donbass,
les Russes n'auraient jamais dû s'en mêler. Mais en ce qui concerne la Crimée,
malgré une approche contestable du point de vue du droit international, cette
région appartient à la Russie. Imaginez un divorce entre un homme et une femme
dans des conditions totalement imprévues, celles d'une guerre par exemple. Ils
n'ont pas le temps de réfléchir, de prendre d'avocats. Du coup, la femme ou
l'homme prend quelque chose qui ne lui appartient absolument pas. C'est
exactement ce qui s'est passé avec l'indépendance de l'Ukraine. Trois
personnes, Eltsine, Kravtchouk et Chouchkevitch ont décidé sans témoin.
Personne n'a demandé aux habitants de Crimée ou d'Ukraine leur avis. De mon
point de vue, le retour de la Crimée fait justice à l'Histoire.
Si on accepte votre
raisonnement, la Russie peut demain décider d'aller récupérer un morceau des
pays Baltes qui étaient dans l'empire russe au nom de la justice historique…
Je sais que ma position est très
controversée en Occident, mais les pays Baltes n'ont rien à voir. Cela ne se
produira pas. La Crimée est à part, c'est une terre historiquement russe. Bien
sûr, ce qui se passe au Donbass donne des arguments à vos inquiétudes sur
l'idée d'un précédent. Je pense que c'était une énorme erreur et que la Russie
va le regretter. Mais elle n'ira pas plus loin, simplement parce qu'elle n'en a
pas la force.
«Les gens en France sont des
lecteurs. La France a été le premier pays occidental à le lire, à le traduire
et à le publier. Bref, il est tombé amoureux de la France»
Natalia Soljenitsyne
Vous avez dit dans une
interview que Soljenitsyne serait mort s'il avait vu le conflit d'Ukraine.
Ce déchirement le bouleversait!
Une grande partie de la famille de Soljenitsyne était ukrainienne. S'il avait
vu l'embrasement de 2014 à Kiev, il serait mort de chagrin. En même temps, il a
toujours dit que l'Ukraine allait partir. Il savait que ce serait très
douloureux mais probable. Mais le fait que la Crimée et Sébastopol aient quitté
la Russie le mettait dans un état d'indignation! Dans cette affaire, l'Otan a
une lourde responsabilité, car elle n'a cessé d'essayer d'y installer sa
flotte.
Le président Macron a boycotté
le stand de la Russie en solidarité avec Londres, après la mystérieuse attaque
chimique contre un ancien agent russe. Comprenez-vous sa position?
Non! La Russie est l'hôte d'honneur
de ce salon et il n'est pas venu sur le stand russe. Je le regrette. Votre
président parle du nécessaire dialogue entre les gens de la culture russe et
ceux de France mais, en même temps, lui s'abstient! Même pendant la Guerre
froide, la France se permettait un avis indépendant sur les questions de
culture qui n'ont rien à voir avec la loyauté vis-à-vis des alliés militaires.
Dans la délégation russe se trouvent beaucoup d'écrivains qui font partie de
facto de l'opposition et écrivent de manière critique vis-à-vis du pouvoir! Ce
boycott est donc très décevant et même un peu pathétique.
Qu'aimait Alexandre
Soljenitsyne de la France?
La vie a joué un bon tour à
Soljenitsyne. Il ne se considérait pas du tout comme un francophile et ne
prenait pas la France très au sérieux. Il était germanisant et lisait Schiller
et Goethe dans le texte, il avait aussi une haute idée du monde anglo-saxon.
Mais quand il est arrivé en Suisse, puis en Allemagne, il s'est senti très à
l'étroit. En revanche, à son arrivée en France, tout lui a plu, tout de suite.
La chaleur, l'atmosphère. De plus les gens en France sont des lecteurs. La
France a été le premier pays occidental à le lire, à le traduire et à le
publier. Bref, il est tombé amoureux de la France, et l'a même appelée sa
«patrie inattendue».
«La Russie quand on la
pressure, rebondit comme un ressort. Elle s'est sentie humiliée, encerclée. Et
une grande partie du soutien à Poutine s'explique par ce sentiment
d'abaissement»
Natalia Soljenitsyne
Quand il est mort en 2008,
Alexandre Soljenitsyne était-il inquiet du cours des choses en Russie?
Il s'inquiétait énormément. Il
avait compris que la Guerre froide allait revenir et que la Russie avait commis
énormément d'erreurs, de même que l'Occident en l'encerclant de bases militaires…
Souvenez-vous des premières lignes de Comment réaménager la Russie: «L'horloge
du communisme a sonné ses derniers coups. Mais comment faire pour ne pas mourir
écrasés sous ses décombres?» C'est exactement ce qui se passe ; et
notamment dans la conscience des gens. L'amour pour Staline et le regret de la
fin de l'URSS ont un aspect protestataire. Les promesses des années 1990 n'ont
pu être tenues. Les capitaines de la perestroïka comme Gaïdar et Tchoubais
portent une énorme responsabilité car ils ont méprisé une immense partie du
peuple. L'introduction de l'économie de marché sans préparation a tourné au
hold-up. C'est tragique. La Russie traverse une période que personne n'a jamais
traversée. Elle a besoin d'aide, mais pas d'une aide dictatoriale et
condescendante, comme l'ont déployée les États-Unis avec le FMI. La grande
erreur des États-Unis a été de penser qu'ils avaient gagné la guerre froide et
que la Russie ne serait plus un acteur. Une approche catastrophique! Car la
Russie, quand on la pressure, rebondit comme un ressort. Elle s'est sentie
humiliée, encerclée. Et une grande partie du soutien à Poutine s'explique par
ce sentiment d'abaissement. Il faut être ferme avec la Russie mais lancer des
ultimatums est totalement contre-productif.
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Mariton: «Jeune homme, jeune fille nés après la chute du mur de Berlin,
n'oubliez pas Soljenitsyne!»
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ne faut pas juger le pouvoir autoritaire de Poutine à l'aune de nos seuls
critè
Révélations sur une opération secrète de l'armée israélienne
(21.03.2018)
La confirmation d'un raid contre
un réacteur nucléaire syrien en 2007 sonne comme un avertissement à l'Iran.
Correspondant à Jérusalem
L'intérêt de l'information réside
en grande partie dans le moment choisi pour la rendre publique. Après dix
années de silence, l'armée israélienne vient de lever la censure qui pesait
jusqu'à présent sur le bombardement du réacteur nucléaire syrien d'al-Kibar.
Les principaux détails de l'opération, conduite sur ordre du premier ministre
Ehoud Olmert dans la nuit du 5 au 6 septembre 2007, ont depuis longtemps
été éventés par l'Administration américaine.
Mais les officiels israéliens
continuaient de se retrancher pudiquement derrière l'évocation de comptes
rendus publiés par la presse étrangère. Cette politique d'ambiguïté, admet a
posteriori l'armée, visait à ménager une «zone de déni» pour permettre au
régime de Bachar el-Assad de ne pas riposter. Mais la politique nucléaire de
l'Iran ainsi que ses récents efforts en vue d'établir une implantation
militaire durable en Syrie ont à l'évidence rendu ces préoccupations largement
caduques.
» LIRE AUSSI - L'Iran dans le viseur d'Israël et des États-Unis
Cette «opération vérité»,
soigneusement orchestrée pour garantir un retentissement maximal en Israël et
au-delà, valide les principaux éléments déjà publiés par la presse. L'enquête
du Mossad et du renseignement militaire israélien a débuté fin 2004 sur la base
d'informations évoquant des contacts entre le régime syrien et des «experts
étrangers», en l'espèce nord-coréens, dans le domaine du nucléaire.
En avril 2006, un site
présenté comme un réacteur nucléaire est identifié dans la région de Deir
ez-Zor, à environ 450 km de Damas. L'État hébreu décide alors de mettre
sur pied une «task force» pour étudier l'installation et préparer sa
neutralisation. Des unités de reconnaissance sont déployées sur le terrain pour
«recueillir des renseignements variés et précis». Objectif: «évaluer le niveau
de développement du réacteur, calculer le bon moment pour frapper et évaluer
les dommages infligés en temps réel».
17 tonnes de bombes
D'intenses échanges s'engagent
alors entre les dirigeants israéliens et l'Administration américaine, sur
lesquels l'armée ne s'étend guère mais qui ont été dévoilés en
septembre 2012 par la revue The New Yorker (*). Ehoud
Olmert, alors premier ministre de l'État hébreu, aimerait que son plus proche
allié participe aux frappes contre le réacteur syrien. Mais George W. Bush, qui
a engagé quatre ans plus tôt son pays dans une guerre controversée en Irak,
hésite. Ses services de renseignements décrivent bien le site d'al-Kibar comme
un réacteur nucléaire, mais n'ont pas identifié les autres composants d'un
programme militaire. Le locataire de la Maison-Blanche préférerait donc laisser
sa chance à la diplomatie. Il le dit à Ehoud Olmert lors d'un entretien
téléphonique le 12 juin 2007. Le premier ministre israélien,
convaincu que le programme sera bientôt trop avancé pour qu'il soit possible de
le frapper sans risque d'émanations dangereuses, choisit d'interpréter ces
propos comme un «feu vert» à une opération israélienne.
Dans la soirée du
5 septembre, quatre F-16 décollent des bases de Ramon et de Hatzerim puis
survolent la Méditerranée en direction de la frontière turco-syrienne avant de
mettre le cap à l'est. Selon le New Yorker, il est un peu plus de
minuit et demi lorsqu'ils larguent 17 tonnes de bombes sur le site
d'al-Kibar. Quelques heures plus tard, les médias officiels syriens affirmeront
avoir mis en déroute des avions israéliens entrés dans leur espace aérien mais
ne diront pas un mot des dégâts infligés à l'installation.
Jusqu'à ce jour, le régime de
Bachar el-Assad continue d'affirmer qu'il n'a jamais développé de programme
nucléaire, malgré les indices incriminants découverts par la suite à l'occasion
de visites conduites par les inspecteurs de l'Agence internationale de
l'énergie atomique. «Les services de renseignements ont estimé que le réacteur
avait été totalement neutralisé et que les dommages infligés étaient
irréversibles», indique l'armée israélienne, qui précise: «Il a été décidé dans
la foulée de ne pas confirmer la frappe au regard de la situation sécuritaire
hautement sensible.»
Les dirigeants de l'État
hébreu martèlent depuis plusieurs mois qu'ils ne toléreront pas l'implantation
de forces iraniennes ou d'usines permettant de fabriquer des missiles de
précision à sa frontière nord
La publication d'un compte rendu
officiel de cette opération qui, pour de nombreux Israéliens, symbolise
l'audace et l'efficacité de leur armée, intervient à un moment clé. Les
dirigeants de l'État hébreu martèlent depuis plusieurs mois qu'ils ne
toléreront pas l'implantation de forces iraniennes ou d'usines permettant de
fabriquer des missiles de précision à sa frontière nord. En décembre dernier,
une base militaire iranienne en cours d'aménagement a été bombardée près de
Damas. Début février, l'échange de feux provoqués par l'interception d'un drone
iranien au-dessus du territoire israélien a mis en lumière le
risque accru d'escalade entre les deux pays.
L'aveu est par ailleurs lâché
alors qu'Israël et les États-Unis pressent les Européens d'imposer, d'ici au
12 mai prochain, un renforcement des mesures visant à empêcher l'Iran
d'acquérir la bombe atomique. Des rumeurs récurrentes laissent entendre que
Donald Trump s'apprête à sortir de l'accord signé en 2015 par son prédécesseur.
Une telle initiative ne manquerait pas de relancer le débat sur de possibles
frappes israéliennes contre les sites nucléaires iraniens. En 2007, le général
Gabi Ashkenazi, chef d'état-major de Tsahal, confiait aux officiers de
l'escadron impliqué dans les frappes en Syrie: «Ce qui est significatif, ce
n'est pas seulement la destruction du réacteur mais ce qui se passera après.»
(*) David Makovsky, «The Silent Strike».
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Syrie : Erdogan affirme que le centre d'Afrine est sous
contrôle (18.03.2018)
- Par Lefigaro.fr avec AFP et
Reuters
- Mis à jour le 18/03/2018 à 10:49
- Publié le 18/03/2018 à 09:08
Dimanche, le président turque,
dont l'armée est impliquée dans le conflit au nord de la Syrie, a ffirmé que le
centre-ville d'Afrine, cette enclave kurde située dans le Nord-Ouest du
pays, était passé sous le contrôl "total" des "unités des
Forces syriennes libres".
"Maintenant, le drapeau turc
flotte là-bas ! Le drapeau des Forces syriennes libres flotte là-bas !", a
lancé Erdogan, qui s'exprimait lors d'une cérémonie de commémoration de la
bataille des Dardanelles, pendant la Première Guerre mondiale.
Plus de 1500 combattants kurdes
ont été tués dans l'offensive turque, lancée le 20 janvier. "La
majorité d'entre eux ont été tués dans des frappes aériennes et des tirs
d'artillerie", a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme
(OSDH), alors que les forces turques et leurs supplétifs syriens sont entrés
dimanche matin dans la ville d'Afrine, où les combats se poursuivent.
Selon les chiffres de l'armée
turque, 46 soldats turcs ont été tués depuis le lancement de l'offensive sur
Afrine, baptisée "Rameau d'olivier". Selon l'Observatoire syrien
des droits de l'homme, les forces turques et les rebelles syriens contrôlaient
près de la moitié de l'enclave dimanche, mais les combats se poursuivaient dans
plusieurs secteurs.
L'avancée des forces pro-turques
a entraîné ces derniers jours un exode massif de civils (de l'ordre de 150.000
à 200.000 personnes), faisant craindre un nouveau drame humanitaire dans un
pays ravagé par un conflit entré dans sa huitième année et qui a fait plus de
350.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
Carles Puigdemont : «Le gouvernement espagnol a tendu un
piège à la Catalogne» (18.03.2018)
INTERVIEW - Arrivé samedi à
Genève pour participer au Festival du film et forum international sur les
droits humains, l'ancien dirigeant catalan livre son regard sur six mois d'exil
à Bruxelles à «La Tribune de Genève» (que nous publions ici dans le cadre de
l'alliance Lena). Il ne regrette rien.
Lena - Crédits photo : Lena
Propos recueillis par Andrés
Allemand et Marc Allgöwer (La Tribune de Genève)
LA TRIBUNE DE GENÈVE. -
Êtes-vous venu chercher en Suisse un soutien afin de négocier avec le
gouvernement espagnol?
Carles PUIGDEMONT. - Je
ne le demande pas explicitement. Mais tout ce qu'on peut faire de l'extérieur
pour favoriser un dialogue est dans l'intérêt des Catalans, des Espagnols et de
tous les Européens. Je ne peux imaginer une solution sans négociation avec la
participation d'un tiers qui puisse jouer le rôle de médiateur. Je ne demande
pas à la communauté européenne de soutenir l'indépendance de la Catalogne, mais
de soutenir les droits civils et politiques fondamentaux, qui sont la base de
notre civilisation, de la démocratie et de la paix.
Genève, c'est aussi le siège
de l'ONU. Vous avez déposé une plainte auprès d'elle contre l'Espagne pour
violation du droit à l'autodétermination. Est-ce aussi pour cela que vous êtes
ici?
Pas du tout. Notre démarche est
en cours mais elle doit suivre le chemin que le Conseil des droits de l'homme
jugera bon. Je dois suivre sa procédure de façon très respectueuse.
«Si c'était à refaire, je ne
suspendrais pas la proclamation d'indépendance.»
Le président déchu de l'exécutif
catalan, Carles Puigdemont
Vous mentionnez souvent la
Suisse comme un modèle de décentralisation. Pourrait-il s'appliquer à
l'Espagne?
On me demande toujours si
l'indépendance est la seule solution. Je réponds que ce n'est pas l'unique
voie. Nous sommes disposés à travailler sur d'autres modèles pour aboutir à un
accord. Celui de la Suisse respecte la diversité culturelle et linguistique et montre
que la coexistence est possible. Mais pour y aboutir, il faut reconnaître qu'il
y a un problème politique. Il faut reconnaître l'autre comme un sujet politique
avec qui il faut dialoguer sans ligne rouge. C'est ça qu'on n'a pas réussi dans
le cas de l'Espagne. On a échoué à faire comprendre au système politique
espagnol qu'on devait parler. Qu'il fallait nous reconnaître comme un acteur
politique et non un sujet criminel.
Certains vous qualifient de
martyr, d'autres de fuyard. Et vous?
D'abord, je n'ai jamais été en
situation d'illégalité. Je me suis mis à la disposition de la justice belge. Je
n'ai fait qu'utiliser mes droits dans le cadre des lois européennes. Ensuite,
je n'ai pas vocation de martyr. Je fais de la politique. Mais je me rebelle contre
la situation de mes camarades emprisonnés. C'est une injustice intolérable. Je
suis un combattant démocratique et pacifique.
Après les événements de ces
six derniers mois, si c'était à refaire, est-ce que vous agiriez de la même
façon?
Il y a une chose que je ferais
différemment. Le 10 octobre, nous avions prévu de
proclamer l'indépendance, mais j'ai décidé d'en suspendre les effets
concrets pour laisser une porte ouverte au dialogue avec le gouvernement
espagnol. C'était ce qu'on m'avait suggéré de faire du côté de Madrid.
Qui est ce «on»?
Il s'agit de sources directes
auprès du gouvernement espagnol, de son médiateur, et d'autres. J'ai donc agi
de manière responsable, voire risquée car tout le monde s'attendait à une
proclamation effective. J'ai choisi de donner une chance au dialogue.
Malheureusement, c'était un piège car il n'y a eu aucune réaction positive du
gouvernement. Si c'était à refaire, je ne suspendrais pas la proclamation
d'indépendance.
«On ne pouvait pas imaginer
que l'État espagnol réagirait avec une telle violence, une telle répression!»
Le président déchu de l'exécutif
catalan, Carles Puigdemont
Votre ami et ancien ministre
Santi Vila juge votre stratégie trop frontale alors que les Catalans restent
très divisés sur l'indépendance. Que répondez-vous?
Santi Vila donne là sa version.
C'est son droit, mais la réalité est autre. Il y a eu confrontation, c'est
vrai, mais nous ne l'avions pas voulue! On ne pouvait pas imaginer que l'État
espagnol réagirait avec une telle violence, une telle répression! Comme la
plupart de la population, je croyais que quarante ans après la mort de Franco
il y aurait une réaction plutôt démocratique qu'autoritaire. Nous devions
donner à l'Espagne cette opportunité de régler un problème politique évident.
Ce qui est grave, ce n'est pas que les opinions divergent au sein d'une même
société. Pouvoir confronter les idées, c'est le fondement de la démocratie! Le
problème surgit quand on ne se donne pas les outils pour gérer ces divergences.
C'est là qu'un système politique peut s'effondrer. Or, on ne donne pas la
parole à la population catalane pour savoir exactement combien sont ceux qui
veulent vivre dans un État indépendant et combien ceux qui souhaitent continuer
comme aujourd'hui...
Parce que la Constitution
espagnole ne le permet pas, c'est ça?
Non, c'est la volonté politique
qui fait défaut. La Constitution, elle, n'interdit rien. On nous cite souvent
l'article 2 (unité indissoluble de la nation espagnole et droit à l'autonomie
des diverses «nationalités» et régions, NDLR), mais l'article 10 précise que
les normes constitutionnelles doivent être interprétées conformément à la
Déclaration universelle des droits humains et aux traités et accords
internationaux ratifiés par l'Espagne. Or, la charte des Nations unies sur les
droits civils et politiques affirme à l'article premier que «Tous les peuples
ont le droit de disposer d'eux-mêmes». Et personne ne conteste que les Catalans
sont un peuple. Nous avons voulu un accord avec Madrid pour exercer notre droit
à l'autodétermination... mais on nous refuse de consulter la population!
«Nous sommes la seule
communauté autonome en Espagne à être régie par une loi que la population n'a
pas votée !»
Le président déchu de l'exécutif
catalan, Carles Puigdemont
Avez-vous tenté d'amender la
Constitution espagnole?
On a pu mesurer, en quarante ans
d'efforts, les chances d'une réforme constitutionnelle promue par une minorité
politique: elles sont exactement de zéro. L'exemple le plus criant, c'était en
2005. Nous avons tenté de réformer la loi constitutionnelle sur l'autonomie de
Catalogne, pour y apporter des améliorations. La Constitution pose trois
exigences: l'approbation des modifications par le parlement régional,
l'approbation par le parlement espagnol et l'approbation par le peuple catalan
lors d'un référendum. Nous avons obtenu toutes les trois. Et pourtant, ce n'est
pas ce texte-là qui a été mis en œuvre. Nous sommes la seule communauté
autonome en Espagne à être régie par une loi que la population n'a pas votée!
Car après le référendum, le Parti populaire (arrivé entre-temps au pouvoir,
NDLR) a fait recours devant la Cour constitutionnelle, dont il contrôle les
juges suite à des nominations politiques. Ceux-ci ont dénaturé le texte. Tout
ce parcours constitutionnel n'a servi à rien.
En Suisse, quand une région
francophone a voulu faire sécession d'un canton germanophone, tout le pays a dû
voter. Accepteriez-vous que les Espagnols se prononcent sur l'avenir de la
Catalogne?
Je ne l'ai jamais refusé. De
toute façon, le résultat en Catalogne serait très significatif. Cela dit, dans
la majorité des cas (sauf peut-être pour l'Algérie), c'est tout de même le
territoire qui veut devenir un État qui s'exprime. Voyez l'Écosse. Ou même le
Brexit.
Mais quel est le plan?
Continuer à proposer des candidats que Madrid empêchera d'exercer?
C'est quoi l'alternative? Se
soumettre?
Quel sera exactement votre
rôle à l'avenir?
Ça dépend. Si finalement l'État
espagnol ne comprend pas qu'on doit commencer à parler et à faire de la
politique, s'il continue la répression, la persécution pénale, peut-être je
devrai rester en exil plusieurs années. Mais ce n'est pas mon désir. Je
travaille pour une solution politique négociée.
À ce stade, vous dites-vous
chaque jour qu'à l'avenir vous pourrez rentrer?
Ah oui! Chaque nuit, après avoir
parlé avec mes filles. Elles sont encore petites. Je pense que je pourrai
retourner, oui.
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Jean-François Kahn : «La droite n'est plus libérale, et les
féministes sont devenues staliniennes...» (16.03.2017)
- Mis à jour le 16/03/2018 à 20:11
- Publié le 16/03/2018 à 19:57
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN -
Jean-François Kahn est un inclassable : essayez seulement de le mettre dans une
case, il vous échappera toujours. Mais le dépassement des clivages, c'est
précisément l'ambition de Macron : alors, pari tenu ? Déclin de la
social-démocratie, renouveau du politiquement correct, recomposition de la
droite... Décryptage complet pour FigaroVox.
Jean-François Kahn est un
journaliste et écrivain français, historien de formation. En 1984, il
crée L'Événement du Jeudi puis, en 1997, l'hebdomadaire
d'information Marianne dont il est le directeur jusqu'en 2007.
FIGAROVOX.- Vous avez combattu
toute votre vie pour le dépassement des vieilles catégories politiques.
Emmanuel Macron s'est fait élire dans cette même optique, jugez-vous
aujourd'hui que cette promesse de transcender les clivages est tenue?
Jean-François KAHN.- Oui
et non. Ce qui est évident, c'est qu'il y avait une aspiration à sortir du
carcan de la bipolarité, qui était devenue artificielle et qui ne pouvait
exister que grâce à un mode de scrutin très particulier. Une chose qu'on n'a
pas remarquée, c'est qu'en 2017, 70 % des électeurs ont voté en dehors des
partis politiques bipolaires traditionnels. Trois des candidats arrivés en tête
étaient ceux de partis qui ne disposaient pas d'un groupe parlementaire à
l'Assemblée nationale: Macron, Le Pen et Mélenchon. Quant aux Républicains et
aux socialistes, ils ont obtenu 27 % des voix alors qu'ils disposaient de 85 %
des sièges au Parlement. Est-ce vraiment cela, la démocratie? Les Français
aspiraient à un dépassement des clivages, qu'ils avaient exprimé auparavant
déjà en votant Bayrou, Chevènement ou Le Pen. Cette fois-ci, ils l'ont obtenu.
Justement, les Italiens
avaient obtenu ce même dépassement avec Matteon Renzi, et au vu des résultats
des dernières élections, ils ne s'en sont pas satisfaits...
Renzi ressemble en effet
étrangemed'avoir nt à Macron, mais son drame est peut-être fini par s'intégrer
à la bipolarité qu'il prétendait combattre. Là où il est proche d'Emmanuel
Macron, c'est dans son libéralisme et son européisme béats, son réformisme
moderne. Mais si en France, il s'était trouvé un parti pour faire la synthèse
entre le Front national tendance Philippot et les Insoumis de Mélenchon, alors
je suis convaincu qu'il aurait fait 32 % comme le Mouvement 5 étoiles en
Italie. En fait, le M5S est plus complexe que cela encore, c'est fascinant: il
s'agit d'une synthèse entre le mélenchonisme, le lepénisme et le macronisme!
Car il y a un côté «cinq étoiles» aussi dans le personnage et le charisme
d'Emmanuel Macron.
Plus personne en France
n'était encore ni vraiment libéral, ni vraiment socialiste.
En tout état de cause, vous
jugez qu'Emmanuel Macron a ringardisé toute la vieille politique?
En quelque sorte oui, Macron est
bien l'homme du dépassement des clivages, mais cela aurait pu être quelqu'un
d'autre: ça a failli être Marine Le Pen, d'ailleurs. Encore ne faut-il pas
chercher à les remplacer par d'autres, ce qui est le cas avec ce nouveau
dualisme entre conservatisme et progressisme. Car enfin, je crois que personne
ne peut se dire 100 % conservateur ou 100 % progressiste, tout homme normalement
constitué est traversé par des dilemmes entre la réaction, la révolution, le
conservatisme ou l'aspiration à évoluer… Le vieux clivage politique était
polarisé autour de deux grandes idées, le libéralisme et le socialisme. Mais
plus personne en France n'était encore ni vraiment libéral, ni vraiment
socialiste. Par ailleurs, le clivage droite bourgeoise contre gauche ouvrière
est périmé aussi: le monde ouvrier est de moins en moins à gauche, et la
bourgeoisie est de moins en moins à droite. Idem pour l'ouverture et la
fermeture: personne de sensé ne peut proposer seulement l'un ou seulement
l'autre. Et de même pour l'opposition liberté/sécurité,
européiste/eurosceptique… À la limite, et à condition de le redéfinir, le
clivage entre gauche et droite est peut-être le seul que l'on pourrait sauver,
mais il faudrait pour cela détruire tous les petits clivages qui le
sous-tendaient.
Et en France, la droite qu'on
appelait jadis «modérée» adopte aujourd'hui Macron en rejetant Wauquiez, tout
cela n'a plus aucun sens. On peut trouver pervers de faire se rapprocher gauche
et droite radicales ; mais dans l'histoire, cette convergence a permis de
changer les donnes politiques: c'est un tel rapprochement qui a par exemple eu
raison de Mendès France. Et objectivement, on a aujourd'hui le gouvernement le
plus libéral qu'on ait pu avoir depuis 1945. Plus libéral que Les Républicains,
qui critiquent aujourd'hui la réduction des emplois aidés, ou taxent Macron
d'être le président des riches parce qu'il a supprimé l'ISF… qui était dans le
collimateur de la droite depuis bien longtemps. Mais est-ce nouveau? En
Pologne, en Hongrie, en Turquie, les droites qui sont au pouvoir sont
anti-libérales. Dans l'histoire, la droite n'est libérale que depuis 1945: le
légitimisme ne l'était pas le moins du monde. J'irais même plus loin: la droite
orléaniste ne l'a emporté sur celle légitimiste que lorsque le scrutin est
devenu censitaire, c'est-à-dire antidémocratique.
Il semblerait que nous sommes
en train de vivre le crépuscule de la social-démocratie. Le parti socialiste
est en train de disparaître…
Je crois en réalité qu'il avait
disparu déjà depuis longtemps, à la manière des étoiles qui n'existent plus
mais dont on voit encore la lumière pendant plusieurs années. La folie du PS a
été de ne pas se dissoudre assez tôt. On entend partout qu'il faut reconstruire
la social-démocratie, mais il n'y a plus rien à en sauver! Elle a su apporter
beaucoup à l'histoire, pour autant ça ne l'empêche pas d'être désuète. Prenons
par exemple Israël, qui est pourtant un pays travaillé par la
social-démocratie, même les Israéliens ont tendance aujourd'hui à la
marginaliser. Après l'échec du communisme, la social-démocratie a gouverné la
Hongrie et la Pologne. Elle a disparu de ces pays! Idem en République Tchèque,
en Autriche, au Japon. Et personne n'en tire les conséquences, on continue
seulement de dire qu'il faut en réformer le modèle. Sous la pression de la
droite et de la gauche libérales, on s'est contenté de scander «soyez
modernes!». Ensuite, la social-démocratie a été incapable de prendre en compte
les nouvelles aspirations populaires, qui sont identitaires et sécuritaires, et
qui sont pourtant celles de son propre électorat. Et elle n'a pas non plus été
capable d'affronter le problème migratoire, et les médias de gauche ont leur
responsabilité là-dedans car ils ont contribué à ce déni.
Le PS est l'une de ces étoiles
qui n'existent plus mais dont on voit encore la lumière pendant plusieurs
années.
Est-ce que finalement, loin
d'être un président de consensus, Emmanuel Macron ne réactive pas un clivage de
classe voire un clivage territorial: les grandes villes contre le reste du
pays?
Je n'aime pas beaucoup ce type
d'argumentation car cela dissimule en creux l'idée qu'un Parisien centré sur
ses intérêts ne serait pas un vrai Français, ou n'aurait pas le droit de
représenter la France. Le risque de cette caricature est d'accentuer le clivage
que vous évoquez. Enfin, la droite n'a cependant pas intérêt à abandonner les
grandes villes pour se concentrer sur les campagnes. Même s'il y a quand-même
du vrai… Mais je vais vous dire: dans les journaux que j'ai créés, notamment
dans Marianne ou dans L'Evénement du jeudi, on
s'est battu contre les supermarchés et les centrales d'achat pour prendre la
défense des petits épiciers. Et ni la droite, ni la gauche, ni même d'ailleurs
la FNSEA n'ont pris notre défense! La suppression des petites gares SNCF, des
hôpitaux, des écoles rurales… a eu lieu sous quels gouvernements? Ceux de
droite, au nom de l'impératif de rentabilité. Il ne faut pas donc simplifier
outrancièrement. Alors oui, c'est vrai que Macron est un urbain, et que son
entourage l'est aussi. J'ai eu l'occasion de faire un débat contradictoire avec
lui, et j'ai été frappé par son incroyable agilité intellectuelle. Pour le
comprendre, il faut au moins avoir Bac+2! C'est l'un de ses problèmes. Laurent
Wauquiez s'est défendu après ses propos tenus à l'EM Lyon en revendiquant son
droit à «parler cru». Il a raison, là-dessus! La parole politique devient
parfois incompréhensible.
Est-ce que le vrai
bouleversement idéologique aujourd'hui n'a pas lieu à droite, dans le refus du
libéralisme et le basculement vers le protectionniste?
Oui, on sent en effet qu'une
révolution se produit, mais pas seulement à droite. Pour la première fois
depuis trente ans, l'extrême-gauche est passée devant la gauche. Un parti
central est également devenu majoritaire. Et une droite s'affirme, en France
comme ailleurs, en rejetant la mondialisation, le libre-échange et l'Union
européenne. Elle refuse les héritages de Mai 68 et de la société de
consommation ultra-libérale. Cela marche en Pologne, en Hongrie, on le voit
émerger en Autriche et en Italie, dans les pays scandinaves ou même en Israël
où la droite s'allie avec l'extrême-droite. La gauche aurait intérêt à scruter
attentivement ce basculement! Je ne vois pas comment est-ce que la droite
française peut échapper à une forme d'alliance avec le Front national. Il y a
même une partie de la gauche qui souhaite finalement une victoire électorale de
la droite dure, qui lui permettrait de se refaire! Rien n'est d'ailleurs moins
sûr…
N'y a-t-il pas également un
retour du politiquement correct, qui s'exprime notamment au travers d'un
féminisme sectaire?
Je dirai qu'en effet, on assiste
à une radicalisation idéologique de deux discours politiquement corrects, un
ancien et un nouveau. Aujourd'hui, deux pensées ont largement accès aux médias
et à l'expression publique: celle de la gauche radicale, qu'on lit à longueur
de tribunes dans Libération, et les discours réactionnaires. On a
d'un côté la gauche qui dialogue avec l'extrême-gauche, et de l'autre, les
conservateurs qui discutent avec les réactionnaires. Il y a finalement très peu
de débats qui transcendent cette frontière. Ce sont deux auto-enfermements. Si
vous vous situez hors de ces deux discours, il devient de plus en plus
difficile de s'exprimer et d'être entendu: c'est le malheur que j'ai eu de
fonder des journaux qui échappaient complètement à ces catégories. Je découvre
aujourd'hui que les dissidents ont le monopole de la parole, et ce sont ceux
qui la leur ont donnée qui sont priés de se taire!
On en arrive à la
réhabilitation de l'apartheid et à certaines formes de non-mixité, voire, à un
nouveau cléricalisme.
Vous avez toute une fraction des
intellectuels qui se définissait comme universaliste, et qui préconisent
aujourd'hui une guerre sociale, une guerre des sexes, une guerre des statuts,
une guerre des identités religieuses… On en arrive à la réhabilitation de
l'apartheid et à certaines formes de non-mixité, voire, à un nouveau
cléricalisme. Il y a là quelque chose d'effarant. Pour ce qui est de #MeToo, je
trouve cela plutôt positif, car la libération de la parole et de l'expression
d'une oppression est une bonne chose. Mais #BalanceTonPorc procède d'une
animalisation de l'autre, ce qu'aucun humaniste ne peut accepter. La
dénonciation, elle, est nécessaire ; mais l'appel à la dénonciation est
fondamentalement malsain et rappelle les pires heures du maccarthysme. Je n'ose
même pas imaginer comment nous aurions réagi face à un mouvement qui se serait
appelé #BalanceTonTerroriste! Et enfin, l'incroyable amalgame qui assimile des
propos sexistes ou des gestes déplacés à un viol me semble dangereux. Les mots
n'ont plus de sens! Quand il y a eu une pétition de cent femmes, Catherine
Deneuve en tête, les féministes ont répliqué par un texte inouï: on a reproché
à ces femmes d'être complices des porcs, et on leur a dit qu'elles avaient
raison de s'inquiéter car leur monde allait être balayé. Ce sont trois fondamentaux
staliniens en un seul et même texte! L'autre est une vipère lubrique, un animal
; et puis il y a l'amalgame qui associe ces femmes aux porcs, comme Staline
associait les trotskistes aux fascistes ; et enfin la menace, qui est de dire
«vous allez être balayés». Ce que je trouve le plus terrible pour finir, c'est
que nulle part dans la presse de gauche quelqu'un n'ait sifflé le hors-jeu.
Y a-t-il enfin une dictature
du politiquement correct au sujet de l'immigration?
C'est indéniable, oui. Et toutes
les récentes élections ont montré qu'aucun parti ne peut espérer devenir
majoritaire s'il s'enferme dans un déni de la réalité. Je ne dis pas qu'il est
scandaleux de défendre une ligne immigrationniste! C'est même très respectable,
dans la mesure où toute idée doit être respectée en démocratie. Mais à l'heure
actuelle, défendre l'immigration, c'est sans espoir si l'on veut gagner une
élection. Ensuite, vous avez dans des associations de nombreuses personnes qui
se dévouent pour les immigrés, à Calais ou ailleurs, et je trouve ça admirable.
Certaines de ces personnes sont des saints, et le font d'ailleurs parfois au
nom de leur foi chrétienne. Mais il ne faudrait pas que ceux-là s'enferment
eux-aussi dans le déni, ou qu'ils refusent de savoir d'où viennent les migrants
et quel âge ils ont. Comment peut-on prétendre résoudre des problèmes en
refusant obstinément de les connaître? C'est la même chose pour les
statistiques ethniques: si on veut affronter la réalité, il faut la connaître.
Il y a également des gens qui sont pour l'immigration libre, car ils sont
contre toute forme de régulation ou de contrôle, mais ils n'osent pas
l'assumer: là aussi, c'est un déni! On a le droit d'avoir des idées, à
condition de les assumer publiquement et de ne pas s'en dédire en permanence!
Enfin, il faut qu'on se pose la question de la ghettoïsation des territoires,
car on voit de plus en plus de bidonvilles et de SDF, de tensions ethniques,
sociales et religieuses… Que fait-on face à cela? Mais les immigrationnistes
refusent de se poser cette question, ils ne veulent pas regarder les solutions
à apporter aux conséquences de l'immigration. Là encore, et comme pour le
reste, on est dans une forme de déni.
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- Gaël
Brustier: «Le PS apparaît comme une force de l'ancien monde»
Riom: un patient blesse six employés de l'hôpital
(18.03.2018)
- Par Le Figaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 18/03/2018 à 17:57
- Publié le 18/03/2018 à 17:55
Un patient, qui refusait le
traitement proposé aux urgences de Riom, a blessé dimanche six personnels de
l'hôpital dans un déchainement de violence avant d'être maîtrisé et transféré
au CHU de Clermont-Ferrand, selon une source policière.
Le patient, qui a fait "une
crise de folie", a blessé "une médecin, deux infirmiers, un
ambulancier et deux agents de sécurité," a-t-on précisé de même
source, confirmant une information de France Bleu Pays d'Auvergne.
"Ils ont eu du mal à le maîtriser, une sédation a été employée, avant que
les policiers n'arrivent sur les lieux".
Le malade a été transféré au CHU
de Clermont-Ferrand et "placé en chambre capitonnée". Si les urgences
hospitalières sont régulièrement le théâtre de violences, les faits revêtent
"un caractère exceptionnel par la force déployée et le nombre de
blessés", a poursuivi la même source, parlant de "coups et
morsures" ayant entrainé "quelques traumatismes et quelques
entorses".
"Les victimes, prises dans
l'urgence à effectuer leurs premiers soins, viendront déposer plainte
ultérieurement, elles ne veulent pas laisser passer cela", a assuré la
même source.
Un couple incarcéré après la découverte d'un corps démembré
au Havre (17.03.2018)
- Par Le Figaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 17/03/2018 à 17:07
- Publié le 17/03/2018 à 17:05
Un couple de suspects a été mis
en examen pour assassinat et incarcéré samedi après la découverte d'un corps calciné et démembré dans un immeuble du
Havre (Seine-Maritime), a indiqué le parquet à l'AFP.
"Appartenant à l'entourage
de la victime, ils nient leur participation aux faits, mais apparaissent
impliqués par plusieurs éléments matériels", a déclaré à l'AFP François
Gosselin, procureur de la République du Havre. "Une information judiciaire
a été ouverte, et ils ont été mis en examen par le juge d'instruction pour
assassinat, atteinte à l'intégrité d'un cadavre, et destruction par moyen
dangereux (incendie)", a-t-il précisé. "Ils ont été placés en
détention provisoire", a conclu le magistrat
Mardi après-midi, les pompiers
avaient découvert le corps à moitié calciné à l'intérieur d'un appartement,
avec les jambes et les pieds placés dans un congélateur. La victime présentait
des plaies sur le corps ainsi qu'une grosse plaie à la tête et des scies
avaient été découvertes dans l'appartement, selon le parquet. L'enquête avait
été confiée au service régional de police judiciaire de Rouen.
Un migrant mortellement poignardé à Calais (17.03.2018)
- Par Le Figaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 18/03/2018 à 08:57
- Publié le 17/03/2018 à 19:27
Un migrant, probablement de
nationalité afghane, a été tué samedi en fin d'après-midi d'un coup de couteau
à Calais, a-t-on appris de source préfectorale. L'homme, âgé de 25 ans, est
décédé à proximité de l'hôpital, où une association mandatée par l'Etat assure
quotidiennement des distributions de repas aux migrants depuis début mars.
"Aucun élément ne permet de penser qu'il y a un lien entre cet événement
tragique et la distribution de repas aux migrants", a précisé Fabien
Sudry, préfet du Pas-de-Calais.
Les faits ont eu lieu boulevard
des Justes, sur une aire de covoiturage, non loin de l'hôpital de Calais et de
l'autoroute A16, où ont lieu des distributions de repas et de vêtements par des
associations caritatives. "Vers 17H20, une patrouille de la gendarmerie a
été alertée du fait qu'un jeune afghan a été blessé", a déclaré à l'AFP le
sous-préfet de Calais, Michel Tournaire. "Les secours se sont rendus sur
place et ont constaté le décès", a-t-il ajouté. "Il n'y a pas de
tension particulière" en fin d'après-midi à proximité du lieu de
l'agression, a indiqué M. Tournaire. Ce soir, "la vigilance des services
de police va être renforcée à Calais pour garantir la sécurité de tous", a
dit M. Sudry.
» LIRE AUSSI - Calais est en proie aux violences attisées par les passeurs
Selon le sous-préfet, il y a
entre 300 et 350 migrants à Calais et ses environs, d'après un dernier
comptage. Selon les associations, "entre 500 et 600 migrants"
vivaient dans le Calaisis, fin février.
Buzyn ne croit pas à la "convergence des luttes"
(18.03.2018)
- Par Le Figaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 18/03/2018 à 10:31
- Publié le 18/03/2018 à 10:29
La ministre de la Santé balaie
dans une interview au Journal du dimanche le scénario d'une "convergence
des luttes", au moment où s'exprime le mécontentement des retraités, des
cheminots et des fonctionnaires face aux choix du gouvernement. "Il
faudrait pour cela qu'il y ait une convergence des problématiques et ce n'est
pas le cas", juge Agnès Buzyn. "Certains souhaitent faire coaguler
tous ces mécontentements. Si nous prenons le temps d'expliquer nos objectifs, cela
ne prendra pas", ajoute la ministre, qui est également chargée des
Solidarités.
La journée du 22 mars donnera une
idée de la température sociale avec des manifestations organisées à l'appel de
nombreuses fédérations, à la fois contre les réformes programmées de la fonction
publique et du système ferroviaire. Au-delà de cette date, les syndicats
représentatifs de la SNCF ont appelé à une grève d'usure, avec 36 journées de
mobilisation annoncées entre le 3 avril et le 28 juin, un calendrier qui fait
planer sur l'exécutif la menace d'un printemps social agité. A ces
mécontentements, s'ajoutent notamment ceux des personnels des maisons de
retraites médicalisées (Ehpad), qui dénoncent un manque de moyens, et des
retraités touchés par la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG).
Pour autant, le gouvernement a
raison de mener de front plusieurs réformes, selon Agnès Buzyn, car "cinq
ans, c'est court". "Nous avons un devoir d'efficacité, donc nous
ouvrons tous les sujets de façons concomitante", justifie la ministre de
la Santé dans le JDD.
Un Israélien poignardé à Jérusalem-Est (18.03.2018)
- Par Le Figaro.fr avec Reuters
- Mis à jour le 18/03/2018 à 17:04
- Publié le 18/03/2018 à 16:31
Un Israélien a été blessé par un
coup de couteau dimanche dans la Vieille ville de Jérusalem et son assaillant
présumé a été abattu, rapporte la chaîne d'information Channel 10.
Selon la même chaîne
d'information, des papiers d'identité turcs ont été retrouvés sur le corps de
l'assaillant présumé.
Les services de secours
israéliens Magen David Adom ont fait savoir qu'une personne avait été
poignardée et blessée dans le haut du corps et se trouvait dans un état grave.
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