dimanche 11 mars 2018

Guerre de 2008 en Géorgie : le “cadeau“ de la France à la Russie

12 août 2008, le président français Nicolas Sarkozy accueilli à Tbilissi par son homologue géorgien Mikheïl Saakachvili - ©AFP
12 août 2008, le président français Nicolas Sarkozy accueilli à Tbilissi par son homologue géorgien Mikheïl Saakachvili - ©AFP

Le 8 août 2008, un conflit éclate entre la Géorgie et la Russie. A l’issue d’une guerre de cinq jours, les belligérants acceptent un plan négocié par la France. Présentée à l’époque par Nicolas Sarkozy comme un succès diplomatique, l’intervention française aurait, d’après la version officielle, permis de stopper l’avancée de l’armée russe. Et si la réalité était autre ? Analyse de Silvia Serrano, chercheuse au CERCEC, (Centre d'Études des Mondes russe, Caucasien et Centre-européen).

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En quoi l’intervention de la France, qui présidait alors l’Union européenne, a-t-elle été utile dans la résolution de ce conflit ?

Il existe deux appréciations de l’intervention française. La première est la version officielle avancée par les diplomates français. D’après eux, c’est Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui ont permis de parvenir à un cessez-le-feu. Leur action aurait empêché l’armée russe d’attaquer la capitale géorgienne, et contraint Moscou à se replier sur le territoire d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. 

Mais une autre version existe. Evidemment, il est difficile de dire a posteriori « si les français n’étaient pas intervenus les choses se seraient passées exactement de la même façon » mais je reste persuadée que l’Armée russe avait déjà arrêté sa progression en direction de Tbilissi avant toute intervention française. Politiquement, Moscou n’avait aucun intérêt à envahir la capitale. Une fois qu’ils sont parvenus à montrer que l’équilibre des forces était en leur faveur, les Russes n’ont eu qu’une envie : sortir de la crise. 
En réalité, l’intervention de la France et de l’Union européenne a juste permis d’entériner politiquement la victoire militaire de la Russie et le contrôle par cette dernière des territoires de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. 
En d’autres termes, l’intervention de Nicolas Sarkozy a permis aux russes de transformer leur gain militaire en gain politique.

Silvia Cerrano : “Nicolas Sarkozy a permis aux russes de transformer leur gain militaire en gain politique“
Silvia Cerrano : “Nicolas Sarkozy a permis aux russes de transformer leur gain militaire en gain politique“
L’action de l’Union européenne emmenée par la France ne serait donc pas le succès triomphal que l’on avait annoncé ? 

Un des mandats de l’Union européenne est de garantir que les frontières en Europe ne seront plus jamais modifiées par l’usage de la force. Or, le document qui a été signé sous la houlette de Nicolas Sarkozy ne fait aucune mention de l’intégrité territoriale géorgienne. En réalité, ce document revient à sanctionner la perte par la Géorgie, en raison de l’offensive russe, d’une partie importante de son territoire. Même si l’Union européenne ne l’a jamais reconnu, de facto, un changement de frontière s’est opéré. 

Par ailleurs, la France et l’Union européenne n’ont pas été en mesure d’exercer des pressions sur la partie russe pour empêcher les exactions et le départ forcé des populations géorgiennes résidant en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Après la guerre d’août 2008, dans ces deux régions, de nombreux villages ont été vidés de leurs populations géorgiennes. Si bien qu’il y a eu un nouveau flux de déplacés intérieur surtout en provenance d’Ossétie du Sud.

Cinq ans après le conflit, où en est la situation dans la région ?

Depuis la reconnaissance par la Fédération de Russie, le 26 août 2008,  de l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, la situation est bloquée. Depuis cette date, ces deux territoires échappent totalement à la tutelle de la Géorgie, y compris un certain nombre de régions qui jusqu’à la guerre d’août 2008 étaient restées sous le contrôle de Tbilissi. 
Par ailleurs, on observe une militarisation de ces régions. Il est devenu de plus en plus compliqué pour les populations de franchir la limite administrative

Entre l’Ossétie du Sud et la Géorgie des barbelés ont été érigés par les gardes-frontières russes pour empêcher les passages d’une région à l’autre. La situation se durcit et les signaux envoyés non pas par le gouvernement sud-ossète- qui ne dispose d’aucune autonomie par rapport à la Russie- mais par Moscou, ne laissent présager aucune amélioration de ce point de vue là.

A la frontière entre l'Ossétie du sud et la Géorgie, un village coupé en deux - ©AFP
A la frontière entre l'Ossétie du sud et la Géorgie, un village coupé en deux - ©AFP
Les discussions qui se sont tenues à Genève en octobre dernier, entre la Russie et la Géorgie, sous l'égide de l'Union européenne, de l'Onu et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), n’ont-elles donc permis aucune avancée ? 

Depuis cinq ans, des rencontres ont lieu à Genève mais, jusqu’à présent, elles n’ont jamais abouti. Depuis la victoire de l’opposition à l’automne dernier, (Ndlr, en octobre 2012, la coalition d’opposition au président géorgien Mikheïl Saakashvili, le « Rêve géorgien », a remporté les législatives. Son leader, Bidzina Ivanichvili, a été nommé Premier ministre), on note toutefois une amélioration des relations commerciales avec la Russie. Le volet « autre », c’est à dire tout ce qui peut être amélioré sans aborder la question de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie connaît des avancées. 
Rappelons qu’en 2006, au moment où les relations entre les deux pays se dégradaient fortement, la Russie avait établi un embargo contre un certain nombre de produits géorgiens, ce qui avait cruellement atteint l’économie du pays. La Russie constitue un débouché naturel, notamment pour les produits agro-alimentaires. Pour la Géorgie, il est donc économiquement important de parvenir à rétablir des relations commerciales et d’obtenir la levée de l’embargo sur le vin, les eaux minérales etc. 

Concernant les régions séparatistes, en revanche, aucun progrès n’est à constater. Et au vu du rapport de force actuel, on ne voit pas ce qui pourrait amener Moscou à revenir sur la question de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. 

Une  nouvelle escalade de la violence est-elle envisageable ?

Pour le moment, il n’y a pas de risque d’escalade pour la bonne et simple raison que la Géorgie n’est pas du tout en capacité ni militaire, ni économique, ni politique de reprendre le contrôle des territoires par les armes. Sur le court terme, du moins, il n’y a pas de perspective de reprise du conflit.


Chronologie des évènements

07.08.2013Par H.F
- Dans la nuit du 7 au 8 août 2008, après plusieurs mois d’incidents entre la Géorgie et la Russie, Tbilissi lance une offensive en Ossétie du Sud, une région séparatiste géorgienne. La Russie riposte immédiatement et envahit une partie de la Géorgie. 

- Le 9 août, un front s’ouvre en Abkhazie, une autre région séparatiste géorgienne.

- Le 12 août, Moscou arrête son avancée en direction de la capitale géorgienne. Les combats entre belligérants s’arrêtent. Dans la soirée, avec la médiation de la Présidence française de l’UE,  la Russie et la Géorgie acceptent un accord sur un plan en 6 points.

- Dans les mois qui suivent cette guerre éclair, plus de 30 000 personnes déplacées (principalement des populations d’origine géorgienne) ne peuvent rentrer chez elles, selon Amnesty international http://www.amnesty.org/es/node/11768

- Le 26 août 2008, Moscou reconnaît l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie et y installe des bases militaires. A ce jour, seuls le Nicaragua, le Vénézuela et l’île de Nauru et Tuvalu ont suivi cette démarche.

- Les discussions de Genève, instituées par les accords de 2008, coprésidées par l’ONU, l’OSCE et l’UE, restent, en l’absence de relations diplomatiques la seule voie de dialogue institutionnel entre la Russie et la Géorgie. Ces discussions réunissent l’ensemble des parties, y compris des représentants des autorités séparatistes, abkhaze et sud-ossète.


Bidzina Ivanichvili, l’homme de Moscou ?

Par Silvia Serrano
« Le président Saakachvili et ses partisans, en Géorgie et au-delà des frontières, présentent souvent Bidzina Ivanichvili comme l’homme de Moscou - c'est en Russie que ce milliardaire a bâti sa fortune. En réalité, en matière de politique étrangère de la Géorgie, la position du Premier ministre est très semblable à celle de Saakachvili et du précédent gouvernement. Depuis son arrivée au pouvoir, il adopte une position pro-occidentale : rapprochement avec l’Union européenne, l’OTAN, etc... avec une nuance de taille : son pragmatisme. Il cherche à améliorer tout ce qui est "améliorable" dans les relations avec la Russie, notamment la normalisation des relations économiques. »
Bidzina Ivanichvili - ©AFP
Bidzina Ivanichvili - ©AFP

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