dimanche 29 juillet 2018

Chers députés, certaines associations religieuses sont bel et bien des lobbies (Aurélien Marcq


L'Assemblée a voté le retrait des associations religieuses de la liste des groupes d'intérêt
Par Aurélien Marq -  - 25 juillet 2018

Si l’on en croit nos confrères de Marianne, bon nombre de députés catholiques ont joué un rôle non négligeable pour retirer les associations cultuelles de la liste des lobbies. C’est une bien étrange manière d’être fidèles à celui qui a dit « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », mais c’est surtout une grave faute morale et politique.




Chers députés, certaines associations religieuses sont bel et bien des lobbies
L'Assemblée a voté le retrait des associations religieuses de la liste des groupes d'intérêt
Par Aurélien Marq -  - 25 juillet 2018

Si l’on en croit nos confrères de Marianne, bon nombre de députés catholiques ont joué un rôle non négligeable pour retirer les associations cultuelles de la liste des lobbies. C’est une bien étrange manière d’être fidèles à celui qui a dit « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », mais c’est surtout une grave faute morale et politique.



































Chers députés, certaines associations religieuses sont bel et bien des lobbies
L'Assemblée a voté le retrait des associations religieuses de la liste des groupes d'intérêt
Par Aurélien Marq -  - 25 juillet 2018

Si l’on en croit nos confrères de Marianne, bon nombre de députés catholiques ont joué un rôle non négligeable pour retirer les associations cultuelles de la liste des lobbies. C’est une bien étrange manière d’être fidèles à celui qui a dit « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », mais c’est surtout une grave faute morale et politique.

Naturellement, les élus ont, comme tout un chacun, le droit de garder pour eux leurs convictions religieuses et/ou leur cheminement spirituel. Toute obsession de la transparence dans ce domaine deviendrait rapidement, j’en ai peur, dangereusement liberticide. De même, il est normal que les religions cherchent à convaincre de la justesse de leurs idées, nombre d’associations laïques, à commencer par les partis politiques, font de même sans que nul n’y trouve à redire.
Au mépris du danger…
Ceci étant, il serait absurde de prétendre ignorer qu’aujourd’hui l’islam politique est l’une des principales menaces idéologiques qui pèsent sur notre civilisation, si ce n’est la principale. Ses adeptes, des Frères musulmans aux divers réseaux salafistes, sont passés maîtres dans l’art de l’entrisme politique et, justement, du lobbying. Ils ne sont pas les seuls : certains groupes chrétiens évangéliques, évidemment moins dangereux et heureusement peu présents sur notre sol, sont néanmoins très actifs aux États-Unis où ils font des ravages, s’opposant par exemple à l’enseignement de la théorie de l’évolution – enseignement d’ailleurs fort discret dans la Turquie d’Erdogan comme en Arabie saoudite…
Au vu d’un tel contexte, il devient légitime et même nécessaire que les électeurs s’interrogent sur les réseaux religieux liés à tel ou tel candidat, et plus encore sur les projets politiques justifiés par des arguments religieux que portent ces réseaux. Ou, si l’on préfère, sur la vision politique qui découle de leur vision du monde, laquelle est inévitablement liée à leurs croyances religieuses. Dans un monde idéal, les candidats et les élus exposeraient en toute franchise leur vision du monde, de l’homme et de la société – libre à eux de révéler ou non quelles sont les convictions spirituelles, s’il y en a, qui les inspirent. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal, et nous ne savons que trop qu’entre les discours et les actes il y a parfois de douloureux écarts – l’affaire Benalla est là pour nous le rappeler une fois de plus.
Pas d’amalgame entre « les religions »
Bien entendu, une religion n’est pas un lobby comme les autres, et il ne saurait être satisfaisant de les mettre sur le même plan que les assurances, les transporteurs routiers, les laboratoires pharmaceutiques ou les grands groupes pétroliers. Mais il est encore moins satisfaisant et beaucoup plus dangereux de considérer « les religions » comme un tout homogène, en particulier dans leur rapport à la République et à l’intérêt général.
Qu’est-ce qu’une religion ? La réponse (philosophique, anthropologique, historique, théologique même) est moins évidente qu’il n’y paraît, les désaccords à ce sujet sont nombreux et leurs conséquences juridiques non négligeables.
Faut-il la croyance en un ou plusieurs dieux pour qu’il y ait religion ? Si oui, pourquoi donner moins de droits aux spiritualités athées (ou agnostiques) qu’aux spiritualités déistes ? Mais si la spiritualité suffit à faire une religion, comment distinguer les véritables spiritualités des simples théories de développement personnel qui souvent empruntent leur vocabulaire ? Faut-il un certain nombre de croyants pour qu’une religion soit reconnue comme telle par l’État ? Faut-il pouvoir se revendiquer d’une certaine ancienneté, d’une longue tradition ? Mais dans ce cas, comment distinguer une religion d’une « secte qui a réussi », pour reprendre la formule de Jean-François Kahn ?
Certains cultes sont républicains…
Plus important encore, selon moi, est la question du rapport « des religions » avec les règles non négociables de la République. En effet, cette dernière repose sur une certaine vision de l’Homme, une certaine foi en l’Homme et en sa capacité d’accéder par lui-même (avec l’aide et l’inspiration des dieux peut-être, mais in fine par sa propre utilisation de la raison, du logos) à une part suffisante de vérité et de sagesse pour prendre en main l’organisation de la cité. Les principales racines de notre civilisation partagent cette vision, à commencer évidemment par les écoles philosophiques et les courants religieux de l’antiquité gréco-latine, mais aussi le paganisme celte (de ses descriptions par Posidonios d’Apamée aux textes médiévaux irlandais), la religion scandinave et la coutume de l’assemblée du thing, ou la longue tradition de commentaires du Talmud. Mais tout n’est pas et n’a pas toujours été si simple !
L’Église catholique, par exemple, malgré ses défauts et ses dérives, soutient aujourd’hui la République (elle n’en critique pas le principe, seulement certaines décisions) et les droits de l’homme (même son opposition à l’avortement ne s’appuie pas sur une remise en cause du droit des femmes à disposer de leur corps, mais de leur « droit à disposer du corps d’autrui », puisqu’elle considère le fœtus comme étant déjà un enfant). Cela n’a pourtant pas toujours été le cas. Sans remonter à l’édit de Théodose ni à l’Inquisition, on se souvient du Syllabus de Pie IX, qui certes rappelait quelques points de bon sens trop souvent oubliés, comme « la modernité ou la nouveauté ne sont pas des critères de vérité », mais rangeait la séparation de l’Église et de l’État au nombre des « principales erreurs de notre temps »
…d’autres non
Et s’il existe des musulmans à la fois sincèrement musulmans et profondément républicains, la quasi-totalité des courants de l’islam considèrent que l’Homme est incapable de décider par lui-même et condamnent le principe même de la démarche philosophique et du débat démocratique. Rappelons que la CEDH, dans un arrêt du 31 juillet 2001 confirmé le 13 février 2003, a clairement et très justement affirmé que la charia est incompatible avec les droits de l’homme.
Certains voudraient nous faire croire à une opposition entre « les laïcards » et « les croyants », et rêvent d’un front uni des religions contre le « laïcisme », et à terme évidemment contre la laïcité. D’un tel projet, seul l’islam politique sortirait gagnant. Pourtant, naïveté ou complaisance, des croyants d’autres religions s’y laissent prendre, oubliant que partout où cet islam détient le pouvoir les droits de leurs coreligionnaires sont bafoués.
D’autres, ne l’oublions pas, font l’erreur d’opposer la laïcité et la République « aux religions », courant ainsi le risque d’établir des règles qui pénaliseront les cultes qui les respecteront, donc les cultes républicains, et laisseront le champ libre aux cultes qui refuseront de s’y plier et se feront une gloire de cette « résistance », donc ceux-là même qu’il faudrait combattre ! Sans oublier le fait de favoriser une méconnaissance culturelle et un vide spirituel qui ne pourront que profiter aux croyances les plus simplistes et les plus activement prosélytes…
Abdennour Bidar n’est pas Tariq Ramadan
La véritable opposition, aujourd’hui, est entre les défenseurs de la liberté de pensée et de conscience, et les partisans d’une doctrine totalitaire et de l’assignation des individus à des identités collectives. Peu importe que les humanistes soient athées, agnostiques, ou croient que tout homme est un bouddha qui s’ignore, que tous les hommes sont frères dans le Christ ou que « ce mendiant, comme toi, est fils de Zeus ». Et peu importe également que les ennemis de ces libertés adhèrent à un totalitarisme religieux comme l’islam politique, matérialiste comme certaines idéologies d’extrême gauche, ou à l’un des multiples courants racialistes/racistes.
Que les religions sincèrement humanistes ne soient pas considérées comme des lobbies, très bien ! Mais pourquoi donner les mêmes droits aux autres ? Et au sein de chaque religion, pourquoi s’obstiner à donner la même place et les mêmes droits aux courants humanistes et républicains, et aux autres ?
« Padamalgam » nous répète la gauche à longueur de temps. Chiche ! Pas d’amalgame entre l’Église catholique ou le Consistoire israélite et les Frères musulmans ! Pas d’amalgame entre Abdennour Bidar et Tariq Ramadan, entre Hocine Drouiche et Mohamed Tataï, entre Leïla Babès et Houria Bouteldja ! Et, rappelons-le à certains au passage, pas d’amalgame entre Haïm Korsia ou Delphine Horvilleur et Benyamin Netanyahou…
L’autorité politique a le devoir de faire soigneusement ces distinctions, mais elle n’est pas la seule. C’est également de la responsabilité des responsables religieux, et plus généralement des croyants quels qu’ils soient.
Une faute politique
La recherche du dialogue inter-religieux ne doit pas servir de paravent à une naïveté qui, à terme, ne sert que les extrémistes de tous bords. Quand le président reçoit à l’Élysée, en même temps et à la même table, des cultes républicains et le représentant de l’ex-UOIF (qui s’était explicitement opposée à la liberté de conscience lors de la création du Conseil français du culte musulman – CFCM), c’est pire qu’une erreur, c’est une faute. Faute de la part du pouvoir politique, mais aussi faute de la part de tous ces responsables religieux qui, sans broncher, acceptent parmi eux des ennemis déclarés des droits de l’homme, et leur servent ainsi à se dissimuler pour mieux s’approcher du pouvoir.
Il en est de même avec la récente décision de l’Assemblée. Considérer « les religions » comme des lobbies n’était évidemment pas une solution idéale. Pourtant, en l’absence de proposition concrète applicable plus nuancée, ce qui serait la meilleure option, elle était nettement préférable à la situation présente. Plus que quiconque, les députés croyants – de quelque religion que ce soit – auraient dû le savoir, et agir en conséquence. Soit pour préserver l’état antérieur du droit, soit pour porter clairement un projet permettant de distinguer entre les cultes républicains et les autres.


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