L'Assemblée a voté le retrait
des associations religieuses de la liste des groupes d'intérêt
Par Aurélien Marq - - 25
juillet 2018
Si l’on en croit nos confrères de Marianne, bon nombre de
députés catholiques ont joué un rôle non négligeable pour retirer les
associations cultuelles de la liste des lobbies. C’est une bien étrange manière
d’être fidèles à celui qui a dit « rendez à César ce qui est à
César, et à Dieu ce qui est à Dieu », mais c’est surtout une grave
faute morale et politique.
Chers députés, certaines associations religieuses sont bel et bien des lobbies
L'Assemblée a voté le retrait des associations religieuses de la liste des groupes d'intérêt
Par Aurélien Marq - - 25 juillet 2018
Si l’on en croit nos confrères de Marianne, bon nombre de députés catholiques ont joué un rôle non négligeable pour retirer les associations cultuelles de la liste des lobbies. C’est une bien étrange manière d’être fidèles à celui qui a dit « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », mais c’est surtout une grave faute morale et politique.
Chers députés, certaines associations religieuses sont bel et bien des lobbies
L'Assemblée a voté le retrait des associations religieuses de la liste des groupes d'intérêt
Par Aurélien Marq - - 25 juillet 2018
Si l’on en croit nos confrères de Marianne, bon nombre de députés catholiques ont joué un rôle non négligeable pour retirer les associations cultuelles de la liste des lobbies. C’est une bien étrange manière d’être fidèles à celui qui a dit « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », mais c’est surtout une grave faute morale et politique.
Naturellement, les élus ont,
comme tout un chacun, le droit de garder pour eux leurs convictions religieuses
et/ou leur cheminement spirituel. Toute obsession de la transparence dans ce
domaine deviendrait rapidement, j’en ai peur, dangereusement liberticide. De
même, il est normal que les religions cherchent à convaincre de la justesse de
leurs idées, nombre d’associations laïques, à commencer par les partis
politiques, font de même sans que nul n’y trouve à redire.
Au mépris du danger…
Ceci étant, il serait absurde de
prétendre ignorer qu’aujourd’hui l’islam politique est l’une des principales
menaces idéologiques qui pèsent sur notre civilisation, si ce n’est la
principale. Ses adeptes, des Frères musulmans aux divers réseaux salafistes,
sont passés maîtres dans l’art de l’entrisme politique et, justement, du
lobbying. Ils ne sont pas les seuls : certains groupes chrétiens évangéliques,
évidemment moins dangereux et heureusement peu présents sur notre sol, sont
néanmoins très actifs aux États-Unis où ils font des ravages, s’opposant par
exemple à l’enseignement de la théorie de l’évolution – enseignement d’ailleurs
fort discret dans la Turquie d’Erdogan comme en Arabie saoudite…
Au vu d’un tel contexte, il
devient légitime et même nécessaire que les électeurs s’interrogent sur les
réseaux religieux liés à tel ou tel candidat, et plus encore sur les projets
politiques justifiés par des arguments religieux que portent ces réseaux. Ou,
si l’on préfère, sur la vision politique qui découle de leur vision du monde,
laquelle est inévitablement liée à leurs croyances religieuses. Dans un monde
idéal, les candidats et les élus exposeraient en toute franchise leur vision du
monde, de l’homme et de la société – libre à eux de révéler ou non quelles sont
les convictions spirituelles, s’il y en a, qui les inspirent. Mais nous ne
sommes pas dans un monde idéal, et nous ne savons que trop qu’entre les discours
et les actes il y a parfois de douloureux écarts – l’affaire Benalla est là pour nous le rappeler une
fois de plus.
Pas d’amalgame entre
« les religions »
Bien entendu, une religion n’est pas un lobby comme les autres, et il ne
saurait être satisfaisant de les mettre sur le même plan que les assurances,
les transporteurs routiers, les laboratoires pharmaceutiques ou les grands
groupes pétroliers. Mais il est encore moins satisfaisant et beaucoup plus
dangereux de considérer « les religions » comme un tout homogène, en
particulier dans leur rapport à la République et à l’intérêt général.
Qu’est-ce qu’une religion ?
La réponse (philosophique, anthropologique, historique, théologique même) est
moins évidente qu’il n’y paraît, les désaccords à ce sujet sont nombreux et
leurs conséquences juridiques non négligeables.
Faut-il la croyance en un ou
plusieurs dieux pour qu’il y ait religion ? Si oui, pourquoi donner moins
de droits aux spiritualités athées (ou agnostiques) qu’aux spiritualités
déistes ? Mais si la spiritualité suffit à faire une religion, comment
distinguer les véritables spiritualités des simples théories de développement
personnel qui souvent empruntent leur vocabulaire ? Faut-il un certain
nombre de croyants pour qu’une religion soit reconnue comme telle par
l’État ? Faut-il pouvoir se revendiquer d’une certaine ancienneté, d’une
longue tradition ? Mais dans ce cas, comment distinguer une religion
d’une « secte qui a réussi », pour reprendre la formule
de Jean-François Kahn ?
Certains cultes sont républicains…
Plus important encore, selon moi,
est la question du rapport « des religions » avec les règles non
négociables de la République. En effet, cette dernière repose sur une certaine
vision de l’Homme, une certaine foi en l’Homme et en sa capacité d’accéder par
lui-même (avec l’aide et l’inspiration des dieux peut-être, mais in
fine par sa propre utilisation de la raison, du logos) à
une part suffisante de vérité et de sagesse pour prendre en main l’organisation
de la cité. Les principales racines de notre civilisation partagent cette
vision, à commencer évidemment par les écoles philosophiques et les courants
religieux de l’antiquité gréco-latine, mais aussi le paganisme celte (de ses
descriptions par Posidonios d’Apamée aux textes médiévaux irlandais), la
religion scandinave et la coutume de l’assemblée du thing, ou la
longue tradition de commentaires du Talmud. Mais tout n’est pas et n’a pas
toujours été si simple !
L’Église catholique, par exemple,
malgré ses défauts et ses dérives, soutient aujourd’hui la République (elle
n’en critique pas le principe, seulement certaines décisions) et les droits de
l’homme (même son opposition à l’avortement ne s’appuie pas sur une remise en
cause du droit des femmes à disposer de leur corps, mais de leur « droit à
disposer du corps d’autrui », puisqu’elle considère le fœtus comme étant
déjà un enfant). Cela n’a pourtant pas toujours été le cas. Sans remonter à
l’édit de Théodose ni à l’Inquisition, on se souvient du Syllabus de Pie IX,
qui certes rappelait quelques points de bon sens trop souvent oubliés,
comme « la modernité ou la nouveauté ne sont pas des critères de
vérité », mais rangeait la séparation de l’Église et de l’État au
nombre des « principales erreurs de notre temps »…
…d’autres non
Et s’il existe des musulmans à la
fois sincèrement musulmans et profondément républicains, la quasi-totalité des
courants de l’islam considèrent que l’Homme est incapable de décider par
lui-même et condamnent le principe même de la démarche philosophique et du
débat démocratique. Rappelons que la CEDH, dans un arrêt du 31 juillet 2001
confirmé le 13 février 2003, a clairement et très justement affirmé que la
charia est incompatible avec les droits de l’homme.
Certains voudraient nous faire
croire à une opposition entre « les laïcards » et « les
croyants », et rêvent d’un front uni des religions contre le
« laïcisme », et à terme évidemment contre la laïcité. D’un tel
projet, seul l’islam politique sortirait gagnant. Pourtant, naïveté ou
complaisance, des croyants d’autres religions s’y laissent prendre, oubliant
que partout où cet islam détient le pouvoir les droits de leurs
coreligionnaires sont bafoués.
D’autres, ne l’oublions pas, font
l’erreur d’opposer la laïcité et la République « aux religions »,
courant ainsi le risque d’établir des règles qui pénaliseront les cultes qui
les respecteront, donc les cultes républicains, et laisseront le champ libre
aux cultes qui refuseront de s’y plier et se feront une gloire de cette
« résistance », donc ceux-là même qu’il faudrait combattre ! Sans
oublier le fait de favoriser une méconnaissance culturelle et un vide spirituel
qui ne pourront que profiter aux croyances les plus simplistes et les plus
activement prosélytes…
Abdennour Bidar n’est pas
Tariq Ramadan
La véritable opposition, aujourd’hui,
est entre les défenseurs de la liberté de pensée et de conscience, et les
partisans d’une doctrine totalitaire et de l’assignation des individus à des
identités collectives. Peu importe que les humanistes soient athées,
agnostiques, ou croient que tout homme est un bouddha qui s’ignore, que tous
les hommes sont frères dans le Christ ou que « ce mendiant, comme
toi, est fils de Zeus ». Et peu importe également que les ennemis de
ces libertés adhèrent à un totalitarisme religieux comme l’islam politique,
matérialiste comme certaines idéologies d’extrême gauche, ou à l’un des
multiples courants racialistes/racistes.
Que les religions sincèrement
humanistes ne soient pas considérées comme des lobbies, très bien ! Mais
pourquoi donner les mêmes droits aux autres ? Et au sein de chaque
religion, pourquoi s’obstiner à donner la même place et les mêmes droits aux
courants humanistes et républicains, et aux autres ?
« Padamalgam » nous
répète la gauche à longueur de temps. Chiche ! Pas d’amalgame entre l’Église
catholique ou le Consistoire israélite et les Frères musulmans ! Pas
d’amalgame entre Abdennour Bidar et Tariq Ramadan, entre Hocine Drouiche et
Mohamed Tataï, entre Leïla Babès et Houria Bouteldja ! Et, rappelons-le à
certains au passage, pas d’amalgame entre Haïm Korsia ou Delphine Horvilleur et
Benyamin Netanyahou…
L’autorité politique a le devoir
de faire soigneusement ces distinctions, mais elle n’est pas la seule. C’est
également de la responsabilité des responsables religieux, et plus généralement
des croyants quels qu’ils soient.
Une faute politique
La recherche du dialogue
inter-religieux ne doit pas servir de paravent à une naïveté qui, à terme, ne
sert que les extrémistes de tous bords. Quand le président reçoit à l’Élysée, en même temps et à la même table, des
cultes républicains et le représentant de l’ex-UOIF (qui s’était explicitement
opposée à la liberté de conscience lors de la création du Conseil français du
culte musulman – CFCM), c’est pire qu’une erreur, c’est une faute. Faute de la
part du pouvoir politique, mais aussi faute de la part de tous ces responsables
religieux qui, sans broncher, acceptent parmi eux des ennemis déclarés des
droits de l’homme, et leur servent ainsi à se dissimuler pour mieux s’approcher
du pouvoir.
Il en est de même avec la récente
décision de l’Assemblée. Considérer « les religions » comme des
lobbies n’était évidemment pas une solution idéale. Pourtant, en l’absence de
proposition concrète applicable plus nuancée, ce qui serait la meilleure
option, elle était nettement préférable à la situation présente. Plus que
quiconque, les députés croyants – de quelque religion que ce soit – auraient dû
le savoir, et agir en conséquence. Soit pour préserver l’état antérieur du
droit, soit pour porter clairement un projet permettant de distinguer entre les
cultes républicains et les autres.
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