Depuis son entrée dans l'euro, l'Italie s'enfonce dans la
récession et creuse sa dette publique
Par Jean-Luc
Gréau - 24 juillet 2018
Depuis son entrée dans l’euro, l’Italie s’enfonce dans la
récession et creuse sa dette publique. Entravée par les cures d’austérité
successives, la faible croissance italienne ne peut résorber les déficits.
D’autant que Rome ne peut compter sur la mutualisation de sa dette.
Emmanuel Macron, meilleur anglophone que votre serviteur, aurait gagné
à lire l’articlequ’un chroniqueur du Financial Times a
récemment consacré à la dette publique italienne. John Plender résume en deux
phrases quarante années d’histoire de notre voisine. « J’avais
coutume de dire dans les années 1980 que l’Italie était une bonne économie
entravée par un État inopérant. Aujourd’hui, la troisième économie de la zone
euro est faible et entravée par une union monétaire dont l’impact est
clairement néfaste. » On subodore que John Plender n’est pas un
de ces journalistes ravis de la crèche européenne.
Une dette supérieure à 130 % du PIB, la deuxième de
la zone euro
L’auteur souligne que le revenu par tête en Italie est
aujourd’hui inférieur à ce qu’il était au moment de la création de l’euro et
rappelle que les dirigeants politiques ont joué constamment le jeu de
l’austérité budgétaire imposée par Bruxelles, au point de réalis...
Lire la suite : https://www.causeur.fr/italie-euro-dette-austerite-monnaie-152613
Voir aussi
Entretien avec João Ferreira do Amaral, l'économiste portugais qui prône la sortie de l'euro
http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2018/06/29/31007-20180629ARTFIG00335-entretien-avec-joao-ferreria-do-amaral-l-economiste-portugais-qui-prone-la-sortie-de-l-euro.php
Entretien avec João Ferreira
do Amaral, l'économiste portugais qui prône la sortie de l'euro
- Par Laurent Ottavi
- Mis à jour le 02/07/2018 à 11:19
- Publié le 29/06/2018 à 18:31
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Laurent
Ottavi et «Les Orwelliens» ont interrogé João Ferreira do Amaral. Il dresse un
bilan de la monnaie unique et des effets des politiques d'austérité au
Portugal. Ce qui l'amène à craindre une nouvelle crise financière pour son
pays.
João Ferreira do Amaral est un
économiste portugais réputé. Opposé à l'abandon par le Portugal de sa
souveraineté monétaire en 1999, il est l'auteur de Porque devemos soir
da euro? (pourquoi devons-nous sortir de l'euro?) qui faisait partie
des meilleures ventes de livres au Portugal en 2013.
Laurent OTTAVI - Les médias
français se sont concentrés sur les conséquences des politiques d'austérité sur
la Grèce ou l'Espagne. Ils se concentrent aujourd'hui sur l'Italie, en raison
de la victoire des populistes. Il y a pourtant eu au Portugal une
impressionnante manifestation de masse en 2012 contre la politique économique menée.
Quelle a été l'ampleur de la politique d'austérité appliquée au Portugal et
quelles ont été ses conséquences? Peut-on comparer la réaction populaire à
celle du mouvement des Indignés en Espagne?
João FERREIRA DO AMARAL - Les
conséquences du programme d'austérité au Portugal ont été extrêmement
négatives. Le chômage est passé de 12% en 2010 à 16,4% en 2013. L'emploi a
décliné de 7,4% sur la même période et, si les conséquences sur le chômage
n'ont pas été plus fortes, c'est en raison de la très forte hausse de
l'émigration. Le déclin cumulé du PIB en 2011, 2012 et 2013 est de 6,8%. Les
conséquences sur l'investissement ont été encore plus mauvaises. La formation
brute de capitale fixe a chuté de 31% sur la même période. Les coûts sociaux,
eux aussi, ont été importants. La réduction de la dépense publique a été
spécialement faite dans la dépense sociale. Les allocations chômage et les
revenus minimums ont été réduits. Tout cela a eu pour cause une montée
importante, de l'ordre de 10,6%, du nombre de personnes exposées au risque de
la pauvreté et de l'exclusion sociale.
La réaction populaire a
quelquefois été massive comme lors de la manifestation de 2012, l'une des plus
importantes enregistrées au Portugal. Elle s'opposait à l'intention du
gouvernement d'augmenter les cotisations sociales payées par les travailleurs
pour compenser une réduction des charges payées par les employeurs. La
manifestation fût si impressionnante que le gouvernement fît marche arrière.
Cependant, il n'y a pas eu d'autres effets politiques importants à court terme,
du moins pas comparables au mouvement des Indignés.
Le bilan économique du
Portugal depuis la création de l'euro est une déception générale.
En 2013, soit un an après
cette manifestation de masse, votre livre, qui préconisait un retour à
l'escudo, faisait partie des meilleures ventes au Portugal. Quel était alors le
contexte? Vous semble-t-il qu'il y avait alors, et qu'il y aurait encore
aujourd'hui, une majorité de Portugais en faveur d'une sortie de la zone euro?
Le bilan économique du Portugal
depuis la création de l'euro est une déception générale. De 1999 jusqu'au début
de la crise, l'économie nationale a presque stagné. C'est la plus mauvaise
performance de toute l'Union, à l'exception de l'Italie. La dette de l'ensemble
de l'économie a explosé à des niveaux sans précédents ; la dette publique a
elle aussi augmenté, bien que ce soit à un rythme plus lent.
Plus encore que de la déception,
le programme d'austérité imposé par la Troïka (FMI, Commission européenne, BCE)
a créé un véritable choc. La propagande officielle l'a présenté comme ce qui
permettrait un redémarrage économique du pays. Il est pourtant devenu évident
pour tout le monde que la zone euro n'offrait pas de solutions pour les pays
endettés, que le Portugal était asphyxié par la Troïka et les agences de
notation et que l'Allemagne imposait ses règles aux autres pays membres.
Le choc était aussi démocratique.
La décision a en effet été prise par les autorités de se passer d'un recours au
référendum. Ce choix fut un coup terrible porté aux relations entre les
Portugais et l'Union européenne.
Je ne pense pas, toutefois, qu'il
y ait aujourd'hui une majorité d'électeurs en faveur d'une sortie de l'euro. Je
me bornerai au constat que les choses évoluent vers du mieux: la monnaie unique
a beaucoup moins de soutiens qu'avant la crise et, pour la première fois,
quelques partis de l'aile gauche au Portugal posent le débat de la sortie de
l'euro sur la table.
Vous étiez contre l'entrée du
Portugal dans la zone euro et préconisez aujourd'hui un retour à l'escudo.
Pourquoi l'euro est un problème pour le Portugal?
La structure de l'économie
portugaise n'est pas suffisamment puissante pour fonctionner avec la forte
concurrence que génère l'euro. Elle ne peut pas converger avec les niveaux des
pays à hauts revenus. Appartenir à la zone euro signifie pour le Portugal des
divergences économiques avec les «pays du Nord» et le maintien dans une
condition d'économie périphérique. La proportion de biens échangeables dans le
total de la production décline de manière constante depuis la crise,
principalement à cause de la trop forte valeur de la monnaie unique. De plus,
les règles du TSCG, «traité sur la stabilité, la coordination et la
gouvernance», établissent pour le Portugal l'obligation de réduire sa dette
publique, ce qui n'est tout simplement pas faisable parce que cela requiert
d'avoir un budget en excédent dans des proportions sans précédent.
L'euro affaiblit les États
nationaux, qui deviennent dépendants des marchés financiers, et, en
conséquence, les démocraties.
Comme le pays n'a plus l'arme
monétaire pour financer le déficit au niveau national, il est pris dans une
dépendance intolérable aux agences de notation, qui conditionnera l'évolution
de l'économie portugaise pour des décennies. L'euro, on le voit ici, affaiblit
les États nationaux, qui deviennent dépendants des marchés financiers, et, en
conséquence, les démocraties. C'est sûrement l'une des causes importantes de la
montée de l'euroscepticisme dans les pays appartenant à la zone euro. C'est
quelque chose qui n'avait pas été compris du temps de Maastricht.
Un autre effet néfaste de l'euro
a été la constante centralisation du pouvoir dans les institutions européennes.
Or une excessive centralisation du pouvoir politique, comme nous l'enseigne
l'Histoire, est la plus fréquente cause d'effondrement d'une organisation
politique étendue sur un très large territoire.
L'avenir n'est guère plus
encourageant. Il est presque certain qu'une nouvelle crise frappera le Portugal
et, étant donné l'endettement actuel du pays, elle aurait des conséquences sur
l'économie du pays probablement pires que la précédente.
Souhaitez-vous le maintien de
votre pays dans l'UE malgré l'euro ou est-ce nécessaire, d'après vous, en plus
d'abandonner la monnaie unique, de refonder l'Europe sur les nations
souveraines et de s'attaquer au libre-échange?
Je souhaite la sortie du Portugal
de la zone euro, sans pour autant qu'elle quitte l'Union. Je pense que le
modèle institutionnel européen avant le traité de Maastricht était attractif.
Le problème a été sa mutation en Union européenne conçue comme un projet
fédéral qu'il est aujourd'hui très difficile de gérer. L'origine de la plupart
des problèmes dans l'Union tient à la seule monnaie, considérée comme une base
pour faire advenir les «États-Unis d'Europe». Le projet de l'euro est
strictement politique et a pour vocation de faire s'accomplir l'utopie
fédéraliste. L'économie a hélas été mise à son service, sans que ni l'une ni
l'autre n'y gagne.
L'origine de la plupart des
problèmes dans l'Union tient à la seule monnaie.
En 2013, la situation
économique était très difficile. On a parlé depuis d'un redressement du
Portugal et l'on y voit le succès de la politique de la demande qui a été
menée. Observe-t-on un véritable sursaut économique ou s'agit-il d'une
illusion? Une politique de la demande ne peut-elle pas s'accommoder de l'euro?
Le redressement économique actuel
de l'économie portugaise n'est pas une illusion. Il est réel mais il aurait pu
avoir lieu bien avant, même en 2011 si la Troïka avait fait preuve
d'intelligence.
Cependant, il est aussi vrai que
ce redressement a ses limites. D'abord, parce qu'il n'y a pas de convergence
significative avec la croissance moyenne des pays de l'Union européenne.
Deuxièmement, parce que nous avons besoin de plus d'investissements dans les
secteurs de biens échangeables et que cela nécessite une bien plus faible
concurrence. Troisièmement, j'ai mentionné le risque très probable d'une
nouvelle crise financière générale qui aurait des effets négatifs très
importants sur le Portugal. Quatrièmement, le Portugal souffre d'un manque
d'investissement dans le capital humain, qui puisse réduire le fossé entre
notre population active et celle des autres pays européens sur le plan des
qualifications.
Le Portugal fait partie des
«pays du Sud». Or, en Grèce par exemple, Alexis Tsipras est arrivé au pouvoir.
Y-a-t-il une recomposition politique au Portugal du fait de la crise de l'euro
ou le pays est-il bloqué politiquement?
Les partis politiques au Portugal
sont relativement stables. Cela continuera probablement à être le cas jusqu'à
la nouvelle crise générale qui arrive. De nouveaux partis naîtront sans doute à
cette occasion, plus critiques à l'égard de la zone euro et des institutions
européennes en général.
Comment pouvez-vous faire
gagner vos idées? Le Portugal est un pays qui pèse peu économiquement dans
l'Union européenne, par rapport à la France et à l'Allemagne. Est-ce
envisageable de sortir unilatéralement de l'euro pour un pays comme le vôtre ou
est-il indispensable d'avoir le soutien de «grands» pays?
La meilleure façon de sortir de
l'euro serait de quitter formellement la zone, mais d'être autorisé à utiliser
une monnaie nationale à côté de la monnaie unique. Cette possibilité devrait
être incluse dans le traité de Lisbonne, bien qu'elle aurait déjà dû l'être
dans le traité de Maastricht. Si ce n'est pas possible, il faudrait envisager
de quitter la zone euro avec l'accord des autres pays membres et des institutions
européennes. La solution est plus risquée car elle créerait une panique.
J'insiste sur la nécessité d'avoir des soutiens dans les institutions
européennes, principalement de la Banque centrale européenne, pour minimiser la
panique ainsi générée. Il s'agira de montrer aux créanciers qu'il est
nécessaire que le Portugal retrouve une croissance forte, basée sur les biens
échangeables, pour payer ses dettes, et que cela nécessite de quitter l'euro,
seul moyen de retrouver de hauts taux de croissance. Quitter l'euro
unilatéralement est bien sûr un scénario théoriquement possible, mais je ne le
recommanderai pas. Pour faire gagner l'option que je porte, il faut insister au
Portugal comme dans les autres pays européens sur le fait que quitter l'euro ne
signifie pas quitter l'Union européenne.
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