Céline Tran (Katsuni) : « Être actrice X, c’est jouer les objets sexuels mais rester maître du jeu »
Entretien avec l'ex-actrice X connue sous le pseudo de Katsuni
parDaoud Boughezala - 26 juillet 2018
https://www.causeur.fr/celine-tran-katsuni-porno-sexe-153047
Céline Tran (Katsuni) : « Être actrice X, c’est jouer les objets sexuels mais rester maître du jeu »
Entretien avec l'ex-actrice X connue sous le pseudo de Katsuni
parDaoud Boughezala - 26 juillet 2018
https://www.causeur.fr/celine-tran-katsuni-porno-sexe-153047
Connue sous le pseudonyme de Katsuni, l’actrice X Céline Tran a recouvré son vrai nom en prenant sa retraite. Encore trentenaire, elle publie un livre de souvenirs Ne dis pas que tu aimes ça (Fayard, 2018) dans lequel elle déconstruit les clichés misérabilistes sur l’univers du X. Hédoniste, Céline Tran défend une conception libertaire et transgressive du porno, bien loin de certaines mères-la-pudeur néoféministes. Entretien avec un esprit fin dans un corps fin.
Daoud Boughezala. Vous lanceriez-vous aujourd’hui dans la même carrière en quête de plaisir, alors que les actrices sont moins bien payées ?
Céline Tran1. En France, comme pour tout intermittent du spectacle, la précarité a toujours touché cette profession, c’était déjà le cas quand je me suis lancée. Il y a peu de prods, donc peu d’opportunités de tournages. Je ne sais si les cachets ont diminué mais avec Internet, les actrices peuvent en tout cas démultiplier leurs revenus en développant un site officiel, des partenariats, faire du live, produire elles-mêmes,etc. Ce qui me dissuaderait de me lancer aujourd’hui serait beaucoup plus lié à la diffusion massive et incontrôlable de tout le contenu X sur le net.
Beaucoup d’acteurs ou d’actrices X sont en fait de grands timides !
Qu’appelez-vous exactement le syndrome de Catwoman ?
C’est pour moi le fait de se dédoubler pour incarner une version émancipée de soi et de donner libre cours à ses pulsions. Cela fait référence à la dualité Selina Kyle/Catwoman, la binoclarde introvertie/l’héroïne-femme fatale. Je l’ai vécu à mes débuts en étant étudiante le jour, strip-teaseuse la nuit, puis actrice X. C’est le principe du carnaval : se masquer pour mieux jouer et transgresser. D’ailleurs, beaucoup d’acteurs ou d’actrices X sont en fait de grands timides !
Combien gagniez-vous en moyenne par mois au sommet de votre carrière ? Votre sexe moulé vous rapporte-t-il encore de l’argent ?
J’ai galéré les quatre premières années environ et considère avoir très bien gagné ma vie ensuite, puisque je bossais de jour sur les tournages, de nuit en discothèques, et suis parvenue à faire de mon pseudonyme, une marque internationale. Aujourd’hui, je continue de toucher des royalties sur ma Fleshlight. J’aime beaucoup l’idée que mon loyer soit payé par des fans qui se masturbent en pensant à moi !
Ce qui est déshumanisant, ce sont les gens qui victimisent à outrance les femmes de cette industrie.
Vous avez notamment travaillé en Californie, au cœur de la Porn valley américaine. Trouvez-vous le porno américain plus brutal que le français ?
Certaines scènes étaient en effet plus hard qu’en France où le cahier des charges était différent car souvent déterminé par la volonté de vendre à Canal Plus. Si j’ai assisté à une forme de violence, j’ai aussi vu à un grand retour vers des scènes se voulant plus réalistes, avec un vrai ton « romantique», pensées pour un public féminin et de couples. Le X américain que j’ai connu est donc diversifié et connaît des cycles qui varient en fonction de la demande des consommateurs.
Les gonzos (films sans scénario ou presque) sont-ils plus déshumanisants ou plus transgressifs pour les actrices que le cinéma X classique ?
Non, pas du tout, c’est complètement réducteur d’affirmer cela. Tout dépend des conditions de tournage d’une part, et d’autre part, de la manière dont c’est filmé. J’ai connu de tout : des films à scénario et gros budget où l’image était certes magnifique mais les conditions de travail très difficiles, ou alors exposant des pratiques SM et mises en scènes très intenses. A l’inverse, des gonzos où on allait loin dans l’extrême, justement parce que nous, acteurs, nous amusions, bien traités et en confiance. Il existe aussi du gonzo soft, esthétique avec budget ! Le cinéma X classique (avant l’explosion du marché Internet), était rare, cher, difficile d’accès. En cela, il était déjà plus sulfureux, plus transgressif. Pour moi ce qui est déshumanisant, ce sont les gens qui victimisent à outrance les femmes de cette industrie en ne les percevant que comme des objets, et non des êtres capables de faire leurs choix, et qui pointent du doigt cette industrie en l’accusant de toutes les dérives, elle qui est source d’excitation et de plaisir pour un si grand nombre.
Dénoncer la double pénétration comme trop hard et déviante, c’est méconnaître le plaisir que peut en tirer une femme !
Qu’avez-vous fait de plus extrême ou de plus audacieux dans le porno ? Des gangs bangs débridés ?
Non, puisque j’y ai goûté avec davantage de partenaires hors caméra! Je ne saurais faire la liste de ce que j’ai fait d’ « extrême », d’ailleurs c’est une notion bien relative. Pendant des années, tourner une scène de double pénétration était ma routine. Cela n’a jamais été pour moi une pratique extrême, alors que beaucoup la dénonce comme étant trop hard et déviante. C’est vraiment méconnaître le plaisir que peut en tirer une femme ! C’est ce plaisir et mon désir d’explorer qui m’ont rendue « performante ». A chacun/e de placer son curseur en fonction de ses envies et capacités physiques. Les actrices qui souffrent d’en tourner n’ont aucune raison de se forcer à en faire. Ce n’est pas indispensable pour gagner sa vie et faire carrière.
J’aimerais éclaircir la question du consentement. Au cours d’un entretien, vous avez déclaré « on peut vivre quelque chose de douloureux et se dire ‘c’était bien’ ». Quelles sont les limites à respecter par un réalisateur ou un acteur pour ne pas tomber dans l’abus sexuel ou le rapport non-consenti ?
Oui, dans mon autobiographie Ne dis pas que tu aimes ça (Fayard, 2018), je parle du fait de prendre du recul, de grandir en acceptant pleinement ses expériences comme un tout, un chemin. Je ne donne pas raison aux personnes malveillantes, mais je tâche de m’observer et de prendre aussi mes responsabilités pour faire ensuite de meilleurs choix.
J’ai été actrice, productrice, réalisatrice. Dans tous les cas et comme dans n’importe quel autre métier, il faut être clair dans son intention, ses méthodes, sa manière de communiquer et de fixer ses conditions. Ces termes sont officialisés par un contrat, c’est une première étape décisive. Ensuite, comment savoir si l’acteur ou l’actrice a vraiment envie de faire sa scène ? Difficile à savoir, mais c’est sa responsabilité, (et éventuellement celle de l’agent), de l’assumer et de rappeler ses limites auprès de la production, du réalisateur et ses partenaires, dont le devoir, en retour, est de respecter celles-ci. En somme, il faut être pro dans son attitude, que la caméra soit allumée ou non et toujours se rappeler pourquoi on fait ce métier, quelle est la priorité : Avoir plus de reconnaissance ? Plus d’argent ? Satisfaire les autres ? Le plus important c’est soi, son intégrité, et c’est à soi de le faire savoir aux autres.
Lorsque vous voyez une actrice faire une double pénétration, elle n’a pas été piégée.
Dans votre livre, vous notez : « Même dans le porno, une femme doit avoir le droit de dire non. Dire oui ne doit plus être sans conditions ». Notifiez-vous par écrit toutes les pratiques sexuelles que vous acceptiez ?
Dans le X professionnel, toutes les acteurs ou actrices précisent quelles pratiques ils acceptent de faire et à quel tarif, ils ont aussi le droit de refuser ce qu’on leur propose ou de quitter le plateau, c’est déjà arrivé, mais on s’arrange pour tout valider avant, qu’il n’y ait aucun malentendu. Lorsque vous voyez une actrice faire une double pénétration, elle n’a pas été piégée. Elle a été avertie et a signé un contrat avant de tourner. Les productions américaines prennent même soin de filmer les actrices avant et/ou après leur scène, afin qu’elles rappellent qu’elles sont venues de leur plein gré, pas sous contrainte ou l’emprise de stupéfiants ou d’alcool. J’ai en effet connu des acteurs et actrices qui n’osaient pas dire « non », des réals ou agents demander toujours plus, et des scènes monter dans une intensité où les acteurs et actrices allaient parfois trop loin, ne vérifiant pas que leurs partenaires allaient bien. Cela ne peut rien donner de sain ou de constructif. C’est propre au monde du travail en général, mais comme nous parlons ici du corps, de la sexualité, c’est très délicat. Être acteur X c’est jouer les objets sexuels, mais rester maître du jeu. La force, c’est d’en avoir conscience !
Il existe des dérives et une systématisation d’une forme de brutalité, mais le porno ce n’est pas que ça .
Pensez-vous comme Ovidie qu’on a aujourd’hui atteint un niveau inouï de brutalité dans le X (pénétrations multiples, simulations de viol et de violence contre les actrices) ?
Les simulations de viol ont toujours existé mais dans les années 70 on visait plus la transgression sociale que la performance physique. Aujourd’hui, il y a d’une part une accoutumance des hardeurs et hardeuses qui ont intégré les pratiques comme une sorte de mécanique, (plus on tourne, plus on est insensibilisé), et une fascination du public pour des images où le sexe devient davantage une démonstration qu’une relation de désir/plaisir partagé. Il existe donc des dérives et une systématisation d’une forme de brutalité, mais le porno ce n’est pas que ça.
Se battre pour de bonnes conditions de travail, des contrats plus équitables, protéger les mineurs face aux contenus sur internet, oui. Censurer les pratiques sexuelles, ou la manière de les filmer sous prétexte que ça ne rentre pas dans les critère du beau ou du politiquement correct ? Surtout pas. Le sexe est le domaine du lâcher-prise et du pulsionnel. Il n’a pas à être « moral ». Pour un porno éducatif ? Aussi, pourquoi pas ! Ce qui me semble important, ce n’est pas d’essayer de faire culpabiliser les gens en disant que le porno est une industrie esclavagiste, mais de les encourager à s’épanouir dans leur propre sexualité.
Les acteurs X sont moins bien payés que les actrices car ce sont celles-ci qui font vendre les films
Moins bien payés et soumis à la pression de l’érection obligatoire, les hardeurs sont-ils globalement moins bien lotis que les hardeuses ?
Maîtriser son corps, son érection, son éjaculation, font partie des compétences du hardeur. Un homme qui ne s’en sent pas capable, ne devrait tout simplement pas faire ce métier, car oui, c’en est un. Les hardeurs (pour la majorité) sont moins bien payés que les actrices car ce sont celles-ci qui font vendre les films. A part ça, acteurs et actrices sont à la même enseigne et doivent s’adapter aux conditions de tournage, leur corps est leur outil de travail. Il y a des contraintes et des opportunités des deux côtés. Par exemple, beaucoup de hardeurs parviennent à mener une belle carrière en tant que réalisateurs-producteurs X. Ce n’est pas tant le métier mais comment on le vit et ce qu’on en fait qui fait la différence.
Entretien avec l'ex-actrice X connue sous le pseudo de Katsuni
parDaoud Boughezala - 26 juillet 2018
https://www.causeur.fr/celine-tran-katsuni-porno-sexe-153047
Céline Tran (Katsuni) : « Être actrice X, c’est jouer les objets sexuels mais rester maître du jeu »
Entretien avec l'ex-actrice X connue sous le pseudo de Katsuni
parDaoud Boughezala - 26 juillet 2018
https://www.causeur.fr/celine-tran-katsuni-porno-sexe-153047
Connue sous le pseudonyme de Katsuni, l’actrice X Céline Tran a recouvré son vrai nom en prenant sa retraite. Encore trentenaire, elle publie un livre de souvenirs Ne dis pas que tu aimes ça (Fayard, 2018) dans lequel elle déconstruit les clichés misérabilistes sur l’univers du X. Hédoniste, Céline Tran défend une conception libertaire et transgressive du porno, bien loin de certaines mères-la-pudeur néoféministes. Entretien avec un esprit fin dans un corps fin.
Daoud Boughezala. Vous lanceriez-vous aujourd’hui dans la même carrière en quête de plaisir, alors que les actrices sont moins bien payées ?
Céline Tran1. En France, comme pour tout intermittent du spectacle, la précarité a toujours touché cette profession, c’était déjà le cas quand je me suis lancée. Il y a peu de prods, donc peu d’opportunités de tournages. Je ne sais si les cachets ont diminué mais avec Internet, les actrices peuvent en tout cas démultiplier leurs revenus en développant un site officiel, des partenariats, faire du live, produire elles-mêmes,etc. Ce qui me dissuaderait de me lancer aujourd’hui serait beaucoup plus lié à la diffusion massive et incontrôlable de tout le contenu X sur le net.
Beaucoup d’acteurs ou d’actrices X sont en fait de grands timides !
Qu’appelez-vous exactement le syndrome de Catwoman ?
C’est pour moi le fait de se dédoubler pour incarner une version émancipée de soi et de donner libre cours à ses pulsions. Cela fait référence à la dualité Selina Kyle/Catwoman, la binoclarde introvertie/l’héroïne-femme fatale. Je l’ai vécu à mes débuts en étant étudiante le jour, strip-teaseuse la nuit, puis actrice X. C’est le principe du carnaval : se masquer pour mieux jouer et transgresser. D’ailleurs, beaucoup d’acteurs ou d’actrices X sont en fait de grands timides !
Combien gagniez-vous en moyenne par mois au sommet de votre carrière ? Votre sexe moulé vous rapporte-t-il encore de l’argent ?
J’ai galéré les quatre premières années environ et considère avoir très bien gagné ma vie ensuite, puisque je bossais de jour sur les tournages, de nuit en discothèques, et suis parvenue à faire de mon pseudonyme, une marque internationale. Aujourd’hui, je continue de toucher des royalties sur ma Fleshlight. J’aime beaucoup l’idée que mon loyer soit payé par des fans qui se masturbent en pensant à moi !
Ce qui est déshumanisant, ce sont les gens qui victimisent à outrance les femmes de cette industrie.
Vous avez notamment travaillé en Californie, au cœur de la Porn valley américaine. Trouvez-vous le porno américain plus brutal que le français ?
Certaines scènes étaient en effet plus hard qu’en France où le cahier des charges était différent car souvent déterminé par la volonté de vendre à Canal Plus. Si j’ai assisté à une forme de violence, j’ai aussi vu à un grand retour vers des scènes se voulant plus réalistes, avec un vrai ton « romantique», pensées pour un public féminin et de couples. Le X américain que j’ai connu est donc diversifié et connaît des cycles qui varient en fonction de la demande des consommateurs.
Les gonzos (films sans scénario ou presque) sont-ils plus déshumanisants ou plus transgressifs pour les actrices que le cinéma X classique ?
Non, pas du tout, c’est complètement réducteur d’affirmer cela. Tout dépend des conditions de tournage d’une part, et d’autre part, de la manière dont c’est filmé. J’ai connu de tout : des films à scénario et gros budget où l’image était certes magnifique mais les conditions de travail très difficiles, ou alors exposant des pratiques SM et mises en scènes très intenses. A l’inverse, des gonzos où on allait loin dans l’extrême, justement parce que nous, acteurs, nous amusions, bien traités et en confiance. Il existe aussi du gonzo soft, esthétique avec budget ! Le cinéma X classique (avant l’explosion du marché Internet), était rare, cher, difficile d’accès. En cela, il était déjà plus sulfureux, plus transgressif. Pour moi ce qui est déshumanisant, ce sont les gens qui victimisent à outrance les femmes de cette industrie en ne les percevant que comme des objets, et non des êtres capables de faire leurs choix, et qui pointent du doigt cette industrie en l’accusant de toutes les dérives, elle qui est source d’excitation et de plaisir pour un si grand nombre.
Dénoncer la double pénétration comme trop hard et déviante, c’est méconnaître le plaisir que peut en tirer une femme !
Qu’avez-vous fait de plus extrême ou de plus audacieux dans le porno ? Des gangs bangs débridés ?
Non, puisque j’y ai goûté avec davantage de partenaires hors caméra! Je ne saurais faire la liste de ce que j’ai fait d’ « extrême », d’ailleurs c’est une notion bien relative. Pendant des années, tourner une scène de double pénétration était ma routine. Cela n’a jamais été pour moi une pratique extrême, alors que beaucoup la dénonce comme étant trop hard et déviante. C’est vraiment méconnaître le plaisir que peut en tirer une femme ! C’est ce plaisir et mon désir d’explorer qui m’ont rendue « performante ». A chacun/e de placer son curseur en fonction de ses envies et capacités physiques. Les actrices qui souffrent d’en tourner n’ont aucune raison de se forcer à en faire. Ce n’est pas indispensable pour gagner sa vie et faire carrière.
J’aimerais éclaircir la question du consentement. Au cours d’un entretien, vous avez déclaré « on peut vivre quelque chose de douloureux et se dire ‘c’était bien’ ». Quelles sont les limites à respecter par un réalisateur ou un acteur pour ne pas tomber dans l’abus sexuel ou le rapport non-consenti ?
Oui, dans mon autobiographie Ne dis pas que tu aimes ça (Fayard, 2018), je parle du fait de prendre du recul, de grandir en acceptant pleinement ses expériences comme un tout, un chemin. Je ne donne pas raison aux personnes malveillantes, mais je tâche de m’observer et de prendre aussi mes responsabilités pour faire ensuite de meilleurs choix.
J’ai été actrice, productrice, réalisatrice. Dans tous les cas et comme dans n’importe quel autre métier, il faut être clair dans son intention, ses méthodes, sa manière de communiquer et de fixer ses conditions. Ces termes sont officialisés par un contrat, c’est une première étape décisive. Ensuite, comment savoir si l’acteur ou l’actrice a vraiment envie de faire sa scène ? Difficile à savoir, mais c’est sa responsabilité, (et éventuellement celle de l’agent), de l’assumer et de rappeler ses limites auprès de la production, du réalisateur et ses partenaires, dont le devoir, en retour, est de respecter celles-ci. En somme, il faut être pro dans son attitude, que la caméra soit allumée ou non et toujours se rappeler pourquoi on fait ce métier, quelle est la priorité : Avoir plus de reconnaissance ? Plus d’argent ? Satisfaire les autres ? Le plus important c’est soi, son intégrité, et c’est à soi de le faire savoir aux autres.
Lorsque vous voyez une actrice faire une double pénétration, elle n’a pas été piégée.
Dans votre livre, vous notez : « Même dans le porno, une femme doit avoir le droit de dire non. Dire oui ne doit plus être sans conditions ». Notifiez-vous par écrit toutes les pratiques sexuelles que vous acceptiez ?
Dans le X professionnel, toutes les acteurs ou actrices précisent quelles pratiques ils acceptent de faire et à quel tarif, ils ont aussi le droit de refuser ce qu’on leur propose ou de quitter le plateau, c’est déjà arrivé, mais on s’arrange pour tout valider avant, qu’il n’y ait aucun malentendu. Lorsque vous voyez une actrice faire une double pénétration, elle n’a pas été piégée. Elle a été avertie et a signé un contrat avant de tourner. Les productions américaines prennent même soin de filmer les actrices avant et/ou après leur scène, afin qu’elles rappellent qu’elles sont venues de leur plein gré, pas sous contrainte ou l’emprise de stupéfiants ou d’alcool. J’ai en effet connu des acteurs et actrices qui n’osaient pas dire « non », des réals ou agents demander toujours plus, et des scènes monter dans une intensité où les acteurs et actrices allaient parfois trop loin, ne vérifiant pas que leurs partenaires allaient bien. Cela ne peut rien donner de sain ou de constructif. C’est propre au monde du travail en général, mais comme nous parlons ici du corps, de la sexualité, c’est très délicat. Être acteur X c’est jouer les objets sexuels, mais rester maître du jeu. La force, c’est d’en avoir conscience !
Il existe des dérives et une systématisation d’une forme de brutalité, mais le porno ce n’est pas que ça .
Pensez-vous comme Ovidie qu’on a aujourd’hui atteint un niveau inouï de brutalité dans le X (pénétrations multiples, simulations de viol et de violence contre les actrices) ?
Les simulations de viol ont toujours existé mais dans les années 70 on visait plus la transgression sociale que la performance physique. Aujourd’hui, il y a d’une part une accoutumance des hardeurs et hardeuses qui ont intégré les pratiques comme une sorte de mécanique, (plus on tourne, plus on est insensibilisé), et une fascination du public pour des images où le sexe devient davantage une démonstration qu’une relation de désir/plaisir partagé. Il existe donc des dérives et une systématisation d’une forme de brutalité, mais le porno ce n’est pas que ça.
Se battre pour de bonnes conditions de travail, des contrats plus équitables, protéger les mineurs face aux contenus sur internet, oui. Censurer les pratiques sexuelles, ou la manière de les filmer sous prétexte que ça ne rentre pas dans les critère du beau ou du politiquement correct ? Surtout pas. Le sexe est le domaine du lâcher-prise et du pulsionnel. Il n’a pas à être « moral ». Pour un porno éducatif ? Aussi, pourquoi pas ! Ce qui me semble important, ce n’est pas d’essayer de faire culpabiliser les gens en disant que le porno est une industrie esclavagiste, mais de les encourager à s’épanouir dans leur propre sexualité.
Les acteurs X sont moins bien payés que les actrices car ce sont celles-ci qui font vendre les films
Moins bien payés et soumis à la pression de l’érection obligatoire, les hardeurs sont-ils globalement moins bien lotis que les hardeuses ?
Maîtriser son corps, son érection, son éjaculation, font partie des compétences du hardeur. Un homme qui ne s’en sent pas capable, ne devrait tout simplement pas faire ce métier, car oui, c’en est un. Les hardeurs (pour la majorité) sont moins bien payés que les actrices car ce sont celles-ci qui font vendre les films. A part ça, acteurs et actrices sont à la même enseigne et doivent s’adapter aux conditions de tournage, leur corps est leur outil de travail. Il y a des contraintes et des opportunités des deux côtés. Par exemple, beaucoup de hardeurs parviennent à mener une belle carrière en tant que réalisateurs-producteurs X. Ce n’est pas tant le métier mais comment on le vit et ce qu’on en fait qui fait la différence.
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