mercredi 20 septembre 2017

Et si le prophète Mahomet n'avait pas été illettré ?


Pour l'islam officiel, le Coran provient directement de Dieu, dicté au prophète Mahomet, qui ne savait ni lire ni écrire. Un livre remet totalement en cause cette version.

PAR IAN HAMEL, À ROUBAIX

Publié le 19/09/2017 à 17:17 | Le Point.fr

D'autres versions du Coran auraient été retrouvées au Yémen. © RIZWAN TABASSUM / AFP/

Dans la première biographie du Prophète, écrite par Mohammed Ibn Ishaq (704-767), l'archange Gabriel serait apparu dans un songe à Mahomet et lui aurait dit « Lis ! ». Le prophète aurait répondu : « Que dois-je lire ? » Un siècle plus tard, Al-Bukhâry transforme la réponse de Mahomet en : « Je ne sais pas lire. » Depuis, la tradition islamique classique assure que le Prophète était illettré et qu'il n'a pu que retenir par cœur tout ce que lui transmettait Dieu, par l'intermédiaire d'un archange… Ce fait exclut toute influence humaine, et donc tout moyen de réformer le Coran.


Dans un ouvrage au vitriol, mais fort bien documenté, intitulé Plaidoyer pour un islam apolitique (1), Mohamed Louizi assure que Mahomet savait lire et écrire, comme d'ailleurs son père, ses oncles et son grand-père. « Quelques jours avant sa mort, le Prophète aurait demandé à ses compagnons de lui ramener le nécessaire pour écrire un livre, un testament, qui leur évitera l'égarement », écrit-il. D'ailleurs, avant la « révélation », Mahomet n'était-il pas commerçant, conducteur de caravanes, auprès de sa première épouse, la très riche Khadija bint Khouwaylid ? « Et de ce fait, voyageait hiver et été pour fructifier son commerce, au beau milieu d'autres commerçants habiles et lettrés. Comment a-t-il pu vérifier que ce que les scribes écrivaient était conforme à la récitation dictée », souligne encore Mohamed Louizi.

Une version officielle

Cet ingénieur en génie électrique, originaire du Maroc, à l'habitude de mettre les pieds dans le plat. En 2016, il publie Pourquoi j'ai quitté les Frères musulmans (2). Ancien cadre de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), il révèle, sans être véritablement démenti depuis, que cette puissante structure entretient des liens avec la confrérie des Frères musulmans, fondée en 1928 en Égypte par Hassan a-Banna, et dont l'objectif final reste la conquête du monde entier. Cette fois, Mohamed Louizi cherche à démontrer que le Coran, que l'on connaît aujourd'hui, n'est pas exactement la parole de Dieu. Il a été écrit, ou plutôt réécrit, transformé par Othmân, le troisième calife qui a succédé à Mahomet. Il a pris les rênes du pouvoir de 644 à 656. Othmân, calife guerrier et conquérant, aurait imposé « à tout le monde une seule version officielle, abrogeant toutes les vulgates qui circulaient, un peu partout, dans son califat », écrit Mohamed Louizi.

L'auteur rappelle que Mahomet lui-même n'a jamais souhaité instaurer un califat. Il a toujours défendu la liberté de croire ou de ne pas croire. En fait, ses successeurs ont imposé un autre islam, un islam politique, « une nouvelle religion, diamétralement opposée à l'esprit fondateur de la prophétie au temps de Mohammed », dénonce Mohamed Louizi. « Il faut s'affranchir de cet islam politique, momifié depuis quatorze siècles et qui refuse toute liberté de conscience aux musulmans. Pour ma part, n'étant pas emprisonné dans un carcan, je conteste l'autorité de tous ces théologiens », explique l'auteur de Plaidoyer pour un islam politique.

D'autres Corans découverts au Yémen

En juin dernier lors d'une conférence à l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO), Chérif Farjani, auteur de l'ouvrage Le politique et le religieux dans le champ islamique, et Haoues Seniguer, maître de conférences en sciences politiques à Sciences Po Lyon, avaient évoqué l'existence d'autres Corans, qui ont circulé jusqu'au Xe siècle sous le manteau. « Des chercheurs en ont retrouvé récemment au Yémen. En fait, le processus a été assez lent pour imposer un codex officiel », souligne Chérif Farjani.

François Déroche, dans un article intitulé Deux siècles de composition, paru dans Le Monde des religions , confirme que la destruction des recueils concurrents n'a pas été complète. « Des sources signalent encore leur utilisation au Xe siècle. Ce fragment confirme l'existence, d'une part, d'un texte coranique différent et, de l'autre, de variations dans l'ordre des sourates ». Finalement, le Coran, comme d'ailleurs la Bible, a été écrit par des hommes. Et les hommes, comme chacun sait, peuvent souvent se tromper.

(1) "Plaidoyer pour un islam apolitique. Immersion dans l'histoire des guerres des islams", Michalon, 251 pages.
(2) "Pourquoi j'ai quitté les Frères musulmans. Retour éclairé vers un islam apolitique", Michalon, 326 pages.


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