Pour l'islam officiel, le Coran provient directement de
Dieu, dicté au prophète Mahomet, qui ne savait ni lire ni écrire. Un livre
remet totalement en cause cette version.
PAR IAN HAMEL, À ROUBAIX
Publié le 19/09/2017 à 17:17 | Le Point.fr
D'autres versions du Coran auraient été retrouvées au
Yémen. © RIZWAN TABASSUM / AFP/
Dans la première biographie du Prophète, écrite par Mohammed
Ibn Ishaq (704-767), l'archange Gabriel serait apparu dans un songe à Mahomet et lui aurait dit
« Lis ! ». Le prophète aurait répondu : « Que dois-je
lire ? » Un siècle plus tard, Al-Bukhâry transforme la réponse de
Mahomet en : « Je ne sais pas lire. » Depuis, la tradition
islamique classique assure que le Prophète était illettré et qu'il n'a pu que
retenir par cœur tout ce que lui transmettait Dieu, par l'intermédiaire d'un
archange… Ce fait exclut toute influence humaine, et donc tout moyen de
réformer le Coran.
Dans un ouvrage au vitriol, mais fort bien documenté,
intitulé Plaidoyer pour un islam apolitique (1), Mohamed
Louizi assure que Mahomet savait lire et écrire, comme d'ailleurs son père, ses
oncles et son grand-père. « Quelques jours avant sa mort, le Prophète
aurait demandé à ses compagnons de lui ramener le nécessaire pour écrire un
livre, un testament, qui leur évitera l'égarement », écrit-il. D'ailleurs,
avant la « révélation », Mahomet n'était-il pas commerçant,
conducteur de caravanes, auprès de sa première épouse, la très riche Khadija
bint Khouwaylid ? « Et de ce fait, voyageait hiver et été pour
fructifier son commerce, au beau milieu d'autres commerçants habiles et
lettrés. Comment a-t-il pu vérifier que ce que les scribes écrivaient était
conforme à la récitation dictée », souligne encore Mohamed Louizi.
Une version officielle
Cet ingénieur en génie électrique, originaire du Maroc, à l'habitude de mettre les
pieds dans le plat. En 2016, il publie Pourquoi j'ai quitté les Frères
musulmans (2). Ancien cadre de l'Union des organisations islamiques de
France (UOIF), il révèle, sans être véritablement démenti depuis, que cette
puissante structure entretient des liens avec la confrérie des Frères
musulmans, fondée en 1928 en Égypte par Hassan a-Banna, et
dont l'objectif final reste la conquête du monde entier. Cette fois, Mohamed
Louizi cherche à démontrer que le Coran, que l'on connaît aujourd'hui, n'est
pas exactement la parole de Dieu. Il a été écrit, ou plutôt réécrit, transformé
par Othmân, le troisième calife qui a succédé à Mahomet. Il a pris les rênes du
pouvoir de 644 à 656. Othmân, calife guerrier et conquérant, aurait
imposé « à tout le monde une seule version officielle, abrogeant toutes
les vulgates qui circulaient, un peu partout, dans son califat », écrit
Mohamed Louizi.
L'auteur rappelle que Mahomet lui-même n'a jamais souhaité
instaurer un califat. Il a toujours défendu la liberté de croire ou de ne pas
croire. En fait, ses successeurs ont imposé un autre islam, un islam politique,
« une nouvelle religion, diamétralement opposée à l'esprit fondateur de la
prophétie au temps de Mohammed », dénonce Mohamed Louizi. « Il faut
s'affranchir de cet islam politique, momifié depuis quatorze siècles et qui
refuse toute liberté de conscience aux musulmans. Pour ma part, n'étant pas
emprisonné dans un carcan, je conteste l'autorité de tous ces
théologiens », explique l'auteur de Plaidoyer pour un islam
politique.
D'autres Corans découverts au Yémen
En juin dernier lors d'une conférence à l'Institut de
recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO), Chérif Farjani,
auteur de l'ouvrage Le politique et le religieux dans le champ
islamique, et Haoues Seniguer, maître de conférences en sciences politiques
à Sciences Po Lyon, avaient
évoqué l'existence d'autres Corans, qui ont circulé jusqu'au Xe siècle sous le
manteau. « Des chercheurs en ont retrouvé récemment au Yémen. En fait, le processus a été
assez lent pour imposer un codex officiel », souligne Chérif Farjani.
François Déroche, dans un article intitulé Deux
siècles de composition, paru dans Le Monde des religions , confirme que la
destruction des recueils concurrents n'a pas été complète. « Des sources
signalent encore leur utilisation au Xe siècle. Ce fragment confirme
l'existence, d'une part, d'un texte coranique différent et, de l'autre, de
variations dans l'ordre des sourates ». Finalement, le Coran, comme
d'ailleurs la Bible, a été écrit par des hommes. Et les hommes, comme chacun
sait, peuvent souvent se tromper.
(1) "Plaidoyer pour un islam apolitique.
Immersion dans l'histoire des guerres des islams",
Michalon, 251 pages.
(2) "Pourquoi j'ai quitté les Frères musulmans.
Retour éclairé vers un islam apolitique", Michalon, 326 pages.